PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

hausses d'impôts

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

La réunion qui s’est tenue avant-hier avec les associations d’élus, à laquelle M. le Premier ministre a fait allusion il y a quelques instants,…

M. René-Paul Savary. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. … a été présentée comme l’illustration du pacte de confiance et de responsabilité voulu par le Président de la République. Seulement, pour que la confiance existe, il faut respecter sa parole et ne pas changer de discours en fonction des circonstances ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Pour notre part, nous sommes de ceux qui ont toujours pensé que les collectivités territoriales ne pouvaient pas s’exonérer de l’effort de maîtrise de la dépense publique. Lorsqu’un autre gouvernement a envisagé de diminuer les dotations aux collectivités territoriales de 200 millions d’euros, toutes les grandes associations d’élus n’ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer un « hold-up ».

M. Dominique de Legge. Or voilà que l’État annonce aujourd’hui, par la voix de ceux-là même qui, hier, étaient les plus véhéments, une diminution des dotations de 1,5 milliard d’euros, sans que ces responsables ne trouvent rien à y redire !

Mme Isabelle Debré. Cherchez l’erreur !

M. Jean-Louis Carrère. C’est pour payer vos dettes !

M. Dominique de Legge. Il y a quelques semaines, le Président de la République déclarait que la hausse des impôts était terminée. Le 14 juillet, il annonçait qu’il ferait tout pour l’éviter, mais qu’on ne pouvait rien exclure.

M. le ministre de l’économie a indiqué il y a peu de temps qu’il faudrait sans doute augmenter les impôts. M. le Premier ministre, prenant connaissance, le 27 juin dernier, d’un rapport de la Cour des comptes sur la dérive du déficit budgétaire, a déclaré ceci : « Je pense que pour 2013, malheureusement, du fait de l’absence de croissance, ce que dit la Cour est vrai ; mais on verra à la fin de l’année. » Qui croire ? C’est bien un problème de confiance !

Pour que la responsabilité existe, il faut assumer ses décisions et leurs conséquences. Or je n’ai pas le sentiment que ce soit le cas lorsque le Gouvernement renvoie aux collectivités territoriales la facture du RSA, de la formation professionnelle et des rythmes scolaires.

Le comble, c’est de présenter comme un effort de l’État la possibilité que vous donnez aux départements de déplafonner le taux des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Vous ne leur donnez rien, vous les incitez à augmenter la fiscalité locale pour financer vos décisions. Mais le malheur veut qu’il n’y ait point deux contribuables, l’un national et l’autre local. Je n’ai pas vu dans les décisions d’avant-hier la volonté de maîtriser la dépense publique, mais tout au plus celle de vous défausser.

M. Yves Daudigny. Vous êtes mal placés pour dire ça !

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, j’ai donc deux questions à vous poser : premièrement, oui ou non faut-il s’attendre à une nouvelle hausse de la fiscalité ? (Oui ! sur les travées de l’UMP.) Ne nous dites pas que vous ne savez pas, car cela accréditerait la thèse d’un pilotage à vue. Deuxièmement, oui ou non allez-vous enfin vous attaquer à la réduction des dépenses publiques ? (Non ! sur les travées de l’UMP.) N’invoquez pas l’héritage, parce que vous donneriez le sentiment que vous êtes impuissant et que vous ne croyez pas au changement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. François Marc. Ce ne sera pas dur de faire aussi bien que vous…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous remercie infiniment de cette question, qui me donne l’occasion de vous rappeler un certain nombre d’éléments qui ont dû vous échapper. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Francis Delattre. En toute simplicité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez parlé de la dépense publique. Vous en avez parlé de façon tellement savante qu’il n’a pas dû échapper à votre sagacité qu’elle avait augmenté de 170 milliards d'euros entre 2007 et 2012. Il n’a pas non plus échappé à votre sagacité que, entre 2007 et 2012, le déficit public a augmenté de 2 %.

Mme Natacha Bouchart. La réponse !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il n’a pas non plus échappé à votre sagacité que, entre 2007 et 2012, le déficit des comptes sociaux s’est creusé de manière abyssale. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Natacha Bouchart. La réponse !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’imagine également que vous êtes tout à fait conscient que la compétitivité de notre économie s’est à ce point dégradée que le déficit du commerce extérieur, alors que nous vous l’avions laissé à zéro en 2002, s’élève aujourd'hui à 65 milliards d'euros, contre un excédent de 150 milliards d'euros en Allemagne.

Mme Natacha Bouchart. C’est trop facile !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand on a un tel palmarès, on peut, comme vous l’avez fait, donner des leçons tranquillement à ceux qui héritent d’une situation extrêmement difficile et qui s’emploient à la corriger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

Je voudrais maintenant parler plus particulièrement des collectivités territoriales,…

M. Francis Delattre. C’est ça la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … parce que nous n’aurions pas besoin de les mettre à contribution si vous n’aviez pas laissé une telle situation.

Mme Natacha Bouchart. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sans doute vous souvient-il, monsieur le sénateur, que, pendant la dernière campagne électorale, celui qui était en charge de l’élaboration du programme de votre formation politique avait proposé que l’on prélevât 10 milliards d'euros sur les collectivités territoriales. À l’époque, vous applaudissiez. Quand vous proposez de prélever 10 milliards d'euros, c’est le paradis, mais quand nous prélevons 1,5 milliard d'euros pour faire face à la situation que vous nous avez laissée, c’est l’enfer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je dois vous avouer que j’ai quelques difficultés à accéder à ce raisonnement.

Enfin, je vais détailler la situation catégorie de collectivité territoriale par catégorie de collectivité territoriale, afin que vous puissiez quitter cet hémicycle en étant totalement tranquillisé sur les décisions que nous avons prises et les conséquences qu’elles auront.

En ce qui concerne les départements, si vous n’aviez pas créé les conditions d’un effet de ciseaux dramatique, si les départements n’étaient pas confrontés aujourd'hui à l’obligation de financer des dépenses exceptionnelles, des dépenses contraintes, qui s’appellent le RSA, la PCH et l’APA,…

Mme Natacha Bouchart. C’est leur compétence première !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … avec des ressources que vous avez constamment diminuées au cours des dernières années (Mme Isabelle Debré proteste.), nous n’aurions pas été dans l’obligation d’agir comme nous l’avons fait, après avoir conclu un excellent accord avec les présidents de conseil général. Vos propres amis, qui, pour certains d’entre eux, siègent dans cet hémicycle, se sont félicités de cet accord. Je pense notamment à M. Béchu, président UMP du conseil général de la Sarthe,…

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. De Maine-et-Loire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui était présent à la réunion d’hier : il a remercié le Gouvernement du travail qu’il avait accompli et indiqué que, si ce travail avait été fait au cours des dix dernières années, il aurait eu le plaisir de féliciter le gouvernement qu’il soutenait. Mais vous ne lui avez pas donné ce plaisir, parce que vous avez laissé la situation des départements se dégrader. Pour notre part, nous apportons une compensation de 800 millions d'euros aux départements et nous leur offrons la possibilité de relever le taux des DMTO afin de faire face à leurs charges !

Mme Natacha Bouchart. Ce sont des impôts pour les contribuables !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En ce qui concerne les régions, nous leur offrons un panier de ressources dynamiques qui leur permettra de jouer leur rôle de leader en matière de développement économique.

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez creusé les déficits ! Nous nous employons à redresser la situation de la France et nous accompagnons les collectivités locales dans leur développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

résidences secondaires

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.

Depuis l’été dernier, le Gouvernement est mobilisé sur un front stratégique, au cœur des engagements pris par le Président de la République : le logement. Les objectifs, ambitieux – construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux –, sont également nécessaires au regard des besoins de la population, du niveau de rétention foncière et des difficultés du secteur du bâtiment.

En annonçant à la mi-juin une réforme de la fiscalité des plus-values réalisées à l’occasion de cessions immobilières, le Président de la République a confirmé son complet engagement pour la réussite du « choc d’offres » dont le secteur a besoin.

Les mesures initiées par la droite ont contribué à accroître la rétention des biens, en encourageant fiscalement les propriétaires à garder leurs terrains le plus longtemps possible. Ce système a été désastreux pour le marché de l’immobilier. Tous les professionnels du secteur le savent : pour lutter contre les comportements de rétention, il faut au contraire encourager les propriétaires à vendre dans un délai court. Sur le logement, les abattements seront donc allégés et les durées raccourcies.

Par ailleurs, la crise du secteur demandant des mesures rapides, une mesure d’abattement exceptionnel sur les cessions a été annoncée pour 2014. La fluidification du marché est aujourd’hui une urgence nationale, et cette mesure va dans le bon sens.

À quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur cette réforme, notamment sur son calendrier d’application.

Je vous remercie également de la réponse que vous m’apporterez dans les semaines qui viennent concernant le problème spécifique de l’assujettissement aux prélèvements sociaux des plus-values réalisées lors de cessions immobilières et des loyers perçus par les non-résidents. Cette réforme, qui date de juillet 2012, a en effet suscité une polémique, qu’il me semble important de clore rapidement, chez les Français de l’étranger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, à travers votre question, vous m’invitez à faire un point sur la réforme des plus-values immobilières dans laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous nous engagions afin de favoriser la construction de logements, de fluidifier le marché et de faire en sorte que ceux qui souhaitent accéder à la propriété ou ont vocation à être locataires d’un logement puissent y parvenir dans des conditions financières qui n’obèrent pas leur pouvoir d'achat.

Nous avons donc décidé, comme vous l’avez signalé à l’instant, de modifier le régime applicable aux plus-values immobilières. Il faut rappeler – vous l’avez d'ailleurs fait dans votre question – que ce régime a été modifié en 2011.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La période d’exonération totale pour les plus-values immobilières était de quinze ans ; elle est passée à trente ans. Le régime d’abattement mis en place était d’autant plus favorable que la durée de détention était longue, ce qui incitait les propriétaires d’immeubles à les garder longtemps, alors que nous avons au contraire besoin de rotation, d’un marché fluide qui permette d’engager des travaux et d’accompagner le secteur du bâtiment, qui est confronté à une crise extrêmement importante, dans son redressement.

C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un nouveau régime de plus-values immobilières, que je vais décrire en quelques mots. Désormais, c’est au bout de vingt-deux ans, et non plus de trente ans, que vous serez totalement exonérés de l’impôt sur le revenu pour les plus-values que vous aurez réalisées. Au bout de trente ans, vous serez exonérés non seulement de l’impôt sur le revenu, mais également des contributions sociales, notamment la CSG, avec un dispositif d’abattement beaucoup plus linéaire et dégressif qui facilitera les cessions.

Par ailleurs, pour réaliser un véritable « choc d’offres » – vous avez vous-même employé cette expression –, il a été décidé de mettre en place, entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, un abattement exceptionnel de 25 %, qui favorisera les transactions, les travaux et les ventes, afin d’atteindre l’objectif de développement de l’activité dans le secteur du bâtiment et d’améliorer l’accès au logement.

J’ajoute que la décision a été prise de mettre fin aux abattements pour détention de propriété foncière, de manière à favoriser la vente de terrains et donc à augmenter la construction de logements neufs dans les mois qui viennent.

Voilà le programme global que nous proposons. Il sera engagé dans les prochaines semaines par des instructions, puis l’ensemble des dispositions seront reprises dans le projet de loi de finances. Il s'agit de lutter contre la crise en accompagnant la croissance, notamment dans le secteur du bâtiment, dont on sait le rôle moteur qu’il joue dans l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

12

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 13 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le bilan de la mise en œuvre des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes et des protocoles départementaux.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois ainsi qu’à la commission des affaires sociales.

13

Article 9 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Demande de priorité

Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article additionnel après l'article 9 bis

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Demande de priorité

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, pour des questions liées à l’emploi du temps de Mme la garde des sceaux, je sollicite l’examen par priorité du titre III avant l’article 10 et, au sein du titre III, de l’article 15 avant l’article 12. J’espère que nous pourrons concilier cette demande avec les impératifs qui s’imposent à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.

Mme la présidente. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement sait gré au président de la commission des lois de permettre cette réorganisation de nos débats.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

Nous poursuivons la discussion des articles.

Chapitre IV (suite)

Autres dispositions renforçant l’efficacité des moyens de lutte contre la délinquance économique et financière

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article 9 ter

Article additionnel après l'article 9 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 52, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre IV de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. … - Par dérogation aux articles 25 et 27, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'État, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public et ayant pour objet la lutte contre la fraude aux finances publiques relèvent de l’article 26. Pour ces traitements, le délai prévu au I de l’article 28 est réduit à un mois et n’est pas renouvelable. Ces traitements sont dispensés de la publication de l’acte réglementaire les autorisant. Le sens de l’avis émis par la commission sur ces traitements est publié. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à améliorer l’efficacité de la lutte contre les grandes fraudes fiscales.

De manière générale, les traitements automatisés de données sont aujourd’hui devenus indispensables pour endiguer le phénomène des fraudes fiscales, qui atteint une ampleur très importante : 60 milliards à 80 milliards d’euros par an selon les estimations produites récemment par les organisations syndicales de l’administration fiscale.

Si l’on y ajoute le montant des cotisations sociales fraudées, situé par la délégation nationale à la lutte contre la fraude dans une fourchette allant de 15,5 milliards à 18,7 milliards d’euros annuels, le montant des fraudes aux finances publiques se rapproche de la barre symbolique des 100 milliards d’euros par an.

Lutter contre ces phénomènes prédateurs nécessite bien évidemment l’utilisation des moyens les plus modernes, dans les délais de mise en œuvre les plus brefs. L’exemple de la création en catastrophe du fichier EVAFISC pour régulariser a posteriori le travail de l’administration fiscale au regard de la loi informatique et libertés est éloquent.

Cet amendement simplifie et rend donc plus rapide la possibilité pour les administrations d’utiliser les nouveaux outils informatiques de lutte contre la fraude, en accélérant leur mise en œuvre, tout en maintenant le regard de la CNIL sur les opérations menées afin que cette dernière joue son rôle de garde-fou.

Il importe, à notre sens, que les libertés individuelles soient préservées, autant que l’intérêt général, lequel nous recommande de lutter avec vigueur et obstination contre la fraude fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Le vote de cet amendement bouleverserait les libertés publiques, puisqu’il s’agit ici de soumettre les fichiers relatifs aux fraudes fiscales au même traitement que celui qui s’applique aux fichiers liés au renseignement ou à la sécurité nationale. Il nous semble que le principe de proportionnalité n’est pas respecté.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Nous avons le même avis que la commission des lois sur cet amendement. Si cette disposition devait prospérer et être inscrite, à un moment ou à un autre, dans notre ordre juridique, ce ne pourrait être qu’au terme d’une discussion approfondie avec la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, car la question du respect des libertés publiques se pose, comme l’a excellemment dit Mme Klès.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Il est bien évident, dans l’esprit des auteurs de cet amendement, que le regard de la CNIL est fondamental, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 9 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article 9 quater

Article 9 ter

(Non modifié)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 241-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’infraction définie au 4° est punie de sept ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende lorsqu’elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger. » ;

2° L’article L. 242-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’infraction définie au 3° est punie de sept ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende lorsqu’elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger. » – (Adopté.)

Article 9 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article 9 quinquies

Article 9 quater

(Supprimé)

Article 9 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article additionnel après l'article 9 quinquies

Article 9 quinquies

(Non modifié)

Après le 5° du I de l’article 28-1 du code de procédure pénale, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Les délits d’association de malfaiteurs prévus à l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5° et 6° à 8° du présent I ; » – (Adopté.)

Article 9 quinquies
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
Article 9 sexies

Article additionnel après l'article 9 quinquies

Mme la présidente. L'amendement n° 54, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 80 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« I. – Le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du procureur de la République.

« Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée.

« Lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d’instruction et qu’ils présentent un lien de connexité avec les faits dont il est saisi au sens de l’article 203, le juge d’instruction, après avoir sollicité les réquisitions du procureur de la République de son tribunal, peut rendre une ordonnance constatant l’extension de sa saisine. Il donne avis de cette ordonnance aux parties ainsi qu’au procureur de la République de son tribunal et, le cas échéant, à celui du lieu de commission des faits nouveaux.

« Lorsque le juge d’instruction décide de ne pas étendre sa saisine en application de l’alinéa précédent ou que les faits ne présentent pas de lien de connexité avec sa saisine, il doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui constatent les faits non visés au réquisitoire. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d’instruction, par réquisitoire supplétif, qu’il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l’ouverture d’une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d’un classement sans suite ou de procéder à l’une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République requiert l’ouverture d’une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d’instruction, désigné dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 83.

« En cas de plainte avec constitution de partie civile, il est procédé comme il est dit à l’article 86. Toutefois, lorsque de nouveaux faits sont dénoncés au juge d’instruction par la partie civile en cours d’information, il est fait application des dispositions des deux alinéas qui précèdent. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Afin de faciliter le travail des juges d’instruction dans les affaires de délinquance financière et d’en finir avec le soupçon d’entrave aux investigations ayant régulièrement frappé le ministère public depuis de nombreuses années, cet amendement vise à aménager le mode d’extension de la saisine in rem du juge d’instruction lorsque des infractions nouvelles apparaissent dans le cours d’un dossier.

À l’heure actuelle, en cas de découverte de faits nouveaux au sens du code de procédure pénale, le juge d’instruction ne peut pas enquêter et il doit solliciter un réquisitoire supplétif du procureur de la République, qui a le choix soit de saisir le juge de ces faits, soit de garder l’enquête sous son propre contrôle ou de saisir un autre juge. C’est ce que les juristes appellent couramment le « saucissonnage » des procédures en vue de l’enterrement d’affaires.

Afin de simplifier et d’accélérer les informations judiciaires sur ces dossiers sensibles d’infractions financières et de corruption, cet amendement tend à prévoir que, lorsque les nouvelles infractions découvertes par le juge d’instruction sont connexes, au sens du code de procédure pénale, c’est ce même juge qui peut prendre la décision d’étendre sa saisine, après avoir pris l’avis du procureur de la République, mais sans pouvoir être bloqué par ce dernier.

Le juge reste bien entendu libre de ne pas étendre sa saisine s’il l’estime inopportun. Dans ce cas, ou si les faits nouveaux ne présentent pas de lien de connexité, la procédure actuelle continuera à s’appliquer.

Cette modification du code de procédure pénale permettra, de notre point de vue, de renforcer significativement et concrètement l’indépendance des enquêtes judiciaires par rapport au pouvoir exécutif, en écartant toute possibilité institutionnelle de blocage du déroulement de ces enquêtes conduites par les juges d’instruction principalement financiers et anti-corruption.