M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plus d’un an, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire agissent ensemble pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes dans notre pays, pour la rendre concrète et vivante.

Vous l’avez fort bien dit, madame la ministre, avec force et sérénité : en 2013, il reste encore beaucoup à faire, et il est nécessaire d’aller plus loin, dans le souci de justice qui nous anime.

En effet, les femmes ont toujours des salaires et des droits sociaux inférieurs à ceux des hommes alors qu’elles font vivre, au moins autant que les hommes, l’économie de notre pays.

Une femme sur dix est victime de violences conjugales et, tous les deux jours et demi en moyenne, l’une d’entre elles est tuée par son conjoint ou ex-conjoint.

Les femmes représentent moins de 30 % des parlementaires, 15 % des maires et des conseillers généraux, 20 % des dirigeants d’entreprises, alors qu’elles constituent la moitié de la population française...

Il nous faut donc remettre l’ouvrage sur le métier de manière tenace et continue, car l’égalité est non négociable en démocratie : c’est même l’âme de la France ! Il incombe dès lors à la loi de la garantir concrètement sur l’ensemble de notre territoire, en métropole et outre-mer, et pour toute la population.

Telle est l’ambition de ce projet de loi, qui veut agir de manière transversale et globale pour réduire les discriminations qui touchent les femmes. Ce texte est utile, juste et très attendu. Je tiens donc à vous en remercier, madame la ministre.

Je souhaite, pour commencer, revenir sur deux grands axes de ce texte, l’égalité dans le monde du travail et la lutte contre la précarité des femmes, qui ont particulièrement retenu mon attention en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Nous ne le savons que trop, dans le secteur privé, les femmes ont un revenu salarial inférieur, en moyenne, de plus d’un quart à celui des hommes. Dans le secteur public, cet écart s’élève à 18 %.

Cette situation reflète, bien sûr, la disparité des situations sur le marché de l’emploi. Les femmes sont plus touchées par le chômage, occupent plus souvent des emplois à temps partiel et des postes dans des secteurs faiblement rémunérateurs et cumulant des critères de pénibilité. En outre, trop souvent, à poste et temps de travail égaux, leur évolution de carrière se situe très en deçà de celle de leurs collègues masculins. Nous devons donc agir concrètement afin de corriger cette situation discriminatoire et lourde de conséquences pour les femmes, sur toute la durée de leur vie, car l’ensemble des droits sociaux découlant du travail – je pense notamment à la retraite et aux indemnités journalières – sont aussi, de fait, amputés.

L’écart entre les carrières des femmes et celle des hommes se creuse davantage à l’occasion des maternités, ces périodes pouvant également causer l’exclusion durable des femmes du marché du travail, notamment des plus précaires face à l’emploi. Il faut donc favoriser le partage des tâches domestiques et éducatives dès l’arrivée d’un enfant.

Alors que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, nous constatons, encore et toujours, que les bénéficiaires sont des femmes à 96 %. Leur retrait du marché de l’emploi leur est très préjudiciable.

C’est pourquoi je suis favorable à la modification du complément de libre choix d’activité, qui permettra de relever le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple, et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.

Le projet de loi prévoit également de renforcer l’égalité professionnelle, en introduisant l’exigence d’égalité pour se porter candidat aux marchés publics, en renforçant les dispositifs de protection des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant pour les collaborateurs et collaboratrices libéraux, en autorisant le déblocage, à titre expérimental, des droits accumulés sur un compte épargne-temps pour financer des services à la personne.

La commission des affaires sociales a proposé d’aller plus loin encore, en inscrivant dans la liste des traitements discriminatoires prohibés par le code du travail ceux liés à l’usage, par un salarié ou une salariée, de ses droits en matière de parentalité, mais également en étendant le champ du rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes aux questions de sécurité et de santé au travail.

Le projet de loi prévoit aussi de lutter très concrètement contre la précarité. Tel est le sens de la création d’une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. De nombreuses études sur le sujet le démontrent, les femmes comptent parmi les ménages les plus pauvres, en particulier les mères vivant seules avec leurs enfants à charge, notamment du fait du non-paiement ou du paiement partiel des pensions alimentaires par le père des enfants, paiement pourtant fixé par la loi. Le nouveau dispositif permettra de renforcer les moyens de recouvrer les dettes de ces pères, en s’appuyant sur un service de la CAF, une institution bien connue des familles, qui les accompagne déjà dans leur accès aux droits.

Ce dispositif va, sans nul doute, améliorer la situation de nombreuses familles. Vous l’avez dit, madame la ministre, aucune fatalité n’impose, après une séparation, que la situation économique du parent ayant les enfants à charge soit amputée de ressources légales dédiées à la prise en charge et à l’éducation des enfants.

Je l’ai dit au début de mon propos, ce texte a pour ambition de lutter de manière globale et transversale contre les inégalités et situations discriminantes dont les femmes sont victimes. Il n’aurait pu le faire véritablement sans aborder, comme il le fait en son titre III, la question des violences envers les filles et les femmes.

En effet, nous ne le disons pas assez, ces violences sont un véritable fléau dans notre pays. Je ne donnerai que quelques chiffres chocs : 80 % des victimes de violences sexuelles sont des femmes ; 50 % de ces violences sont commises sur des filles de moins de quinze ans, très majoritairement par un proche, masculin le plus souvent ; le nombre de viols de mineurs et majeurs est estimé à 190 000 par an en France ; les femmes et filles sont quatre fois plus exposées ; les viols sont majoritairement le fait d’hommes ou de garçons proches de la victime – de ce fait, ces derniers sont très peu dénoncés auprès de la justice, car les victimes sont prisonnières de l’emprise et de la peur. La loi du silence qui règne en maître protège les auteurs, puisque le nombre de plaintes est faible et les condamnations rarissimes – moins de 2 % des viols font l’objet d’une condamnation.

Cette réalité, nous devons la regarder en face : nous ne pouvons plus accepter qu’une enfant, une jeune fille, une adolescente, une femme soit exposée à la violence du seul fait qu’elle soit de sexe féminin. C’est tout simplement intolérable ! Il n’y a aucune fatalité à ces comportements ; il n’y a qu’habitude et éducation, nous le savons. Avec vous, madame la ministre, nous disons : « Non ! » La loi et son application stricte doivent condamner fermement ces faits d’un autre âge, résultant de la domination des hommes sur les femmes.

Au-delà du projet de loi qui nous réunit aujourd’hui, je veux insister sur la nécessité de progresser dans la définition plus précise des violences envers les femmes, car elles sont très particulières : elles sont le fait de proches dans la majorité des cas et se déroulent sans témoins. Les victimes sont soumises à l’emprise et à la peur, ce qui entrave leur discernement et leur capacité à agir. Ces violences mériteraient donc une définition et un traitement spécifiques, ainsi que l’ont fait certains pays comme l’Espagne ou le Brésil.

Des définitions précises, à l’instar de celle que nous avons élaborée pour le harcèlement sexuel, contribueraient à la prise de conscience, par les femmes elles-mêmes, des violences qu’elles subissent, et seraient également utiles aux professionnels qui les accompagnent dans le cadre médical, judiciaire et social.

En effet, les formes de violence sont multiples et se conjuguent : la violence physique, la violence psychologique, la violence sexuelle, la violence matrimoniale ou encore la violence morale.

La France vient de ratifier la convention d’Istanbul, texte de référence en matière de prise en charge des victimes de violences et de lutte contre les violences à l’égard des femmes. Il conviendrait – je n’ignore pas votre engagement sur ce point, madame la ministre – de faire concorder d’ores et déjà nos dispositions nationales avec ce texte majeur et ambitieux.

Il nous faut, surtout, avancer dans l’application effective de la loi sur la totalité de notre territoire. Je ne doute pas que Mme le garde des sceaux saura prendre en compte les manques souvent dénoncés par les associations accompagnant les victimes, pour valoriser et développer les pratiques favorisant un traitement judiciaire adapté et égalitaire des situations de violence dans tous les tribunaux de grande instance.

Je sais, madame la ministre, que vous lancez actuellement un grand plan de formation auprès de l’ensemble des professionnels concernés par l’accompagnement des filles et femmes victimes de violences, et je vous en remercie. Nous en attendons de grands progrès dans la prise en compte médicale et judiciaire des violences faites aux femmes et aux enfants.

Au-delà de la condamnation pénale des actes de violence, nous avons le devoir de proposer aux victimes les moyens médicaux et sociaux pour soigner les effets des traumatismes subis. La société a tout à y gagner. Nous devons par exemple inciter à la création, dans chaque département, de consultations post-traumatiques et permettre l’accès aux unités médico-judiciaires hors réquisitions.

Je conclurai en rappelant que, depuis la création du ministère des droits des femmes, nous constatons la mobilisation transversale, quotidienne, concrète, efficace du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce travail de longue haleine trouvera bien sûr son point d’orgue lorsque l’égalité réelle sera atteinte dans les instances décisionnelles et politiques, par la loi bien sûr, mais aussi par le changement des mentalités. Les prochains rendez-vous électoraux seront, je le souhaite, l’occasion d’un pas supplémentaire vers cette parité nécessaire à notre bon fonctionnement démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Muguette Dini, Chantal Jouanno et M. Yann Gaillard, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, que vous avez présenté, madame la ministre, avec beaucoup de détermination.

Ce texte s’inscrit dans la continuité de l’action de tout le Gouvernement en faveur des femmes et suit la réinstallation d’un ministère de plein exercice chargé des droits des femmes, trente ans après le premier en date.

Comme l’indique l’exposé des motifs, les inégalités de traitement et d’opportunités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours et le devenir des femmes et des hommes : tâches domestiques, écarts de rémunération, temps partiel, présence des femmes à la tête d’entreprises ou dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40, à la présidence des universités ou encore dans les assemblées d’élus… Le chemin à parcourir pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes est encore long et nous avons le devoir de soutenir avec conviction toutes les réformes qui contribueront à améliorer la situation de nos concitoyennes, dans tous les domaines de la vie.

Je salue votre démarche, madame la ministre, car le projet de loi que nous examinons aujourd’hui aborde l’égalité dans toutes ses dimensions, en traitant des questions relatives à l’entreprise, à la conciliation des temps de vie, à la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées, à leur protection renforcée contre les violences, à l’image des femmes dans les médias ou encore à la parité dans la sphère publique ou privée. Votre engagement personnel a été déterminant et vous avez su répondre aux attentes de notre société en mobilisant vos collègues au sein du Gouvernement.

Je souhaite également saluer l’investissement de tous mes collègues, hommes et femmes, qui ont abordé ce texte au Sénat dans un esprit d’ouverture, avec la volonté de doter notre pays des outils qui permettront à chacun et à chacune de faire progresser l’égalité.

Notre commission s’est saisie pour avis, car la culture, le sport ou les médias n’échappent malheureusement pas à ce phénomène d’inégalités entre les femmes et les hommes.

La place des femmes dans l’art et la culture a été analysée de façon remarquable par la délégation aux droits des femmes, dans l’excellent rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Il indique, sept ans après le premier rapport de Reine Prat sur le sujet, que les chiffres sont restés les mêmes : les postes de direction des institutions et industries culturelles sont toujours monopolisés par les hommes.

Parmi les dirigeants de l’administration culturelle, seuls 18 % sont des femmes, soit sept femmes pour trente et un hommes. Au sein de la Réunion des opéras de France, 4 % seulement des directeurs sont des femmes. Ce taux est de 15 % pour les trente-quatre centres dramatiques nationaux. Il passe à 30 % pour les centres chorégraphiques nationaux. Comme vous pouvez le constater, nous sommes très loin d’une situation d’égalité entre les femmes et les hommes.

Cet été encore, la question des nominations dans le monde de la culture, et notamment à la tête des centres dramatiques nationaux, a fait réagir bon nombre de personnes. Lors d’une conférence de presse sur le patrimoine organisée vendredi dernier, la ministre de la culture a annoncé que les nominations à la tête des opérateurs culturels se feraient désormais dans le respect de procédures transparentes et identiques pour tous les candidats.

Cette innovation devrait constituer une formidable opportunité pour les femmes. Espérons que la nomination de Sophie Makariou à la tête du musée Guimet soit le signe annonciateur d’une nouvelle ère pour les femmes, car elles sont nombreuses à posséder les compétences nécessaires pour diriger les établissements culturels et notre travail de législateur doit les encourager à prendre confiance en elles, pour que la culture bénéficie de tous leurs talents.

La saisine de notre commission concerne trois articles : l’article 16, relatif à la modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA ; l’article 19, relatif à la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives ; l’article 23, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant de la loi.

Avant d’aborder ces sujets, je voudrais d’ores et déjà vous indiquer que la commission de la culture a adopté un amendement relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’intermittence.

Notre commission a constitué, avec la commission des affaires sociales, un groupe de travail que j’ai l’honneur de présider. À la demande de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, nous avions prévu de nous pencher plus précisément sur le cas des femmes intermittentes et, en particulier, sur celui des « matermittentes », comme on les appelle. Nous avons depuis été alertés par le collectif qui les représente : elles se trouvent dans des situations intolérables, c’est pourquoi je vous proposerai, au nom de notre commission, un amendement qui obligera le Gouvernement à se pencher sur leur cas.

Il s’agit en effet de demander le dépôt, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, d’un rapport évaluant le nombre de cas de refus d’indemnisation du congé de maternité, ainsi que les conséquences pour le retour à l’activité et la retraite, parmi les femmes exerçant une profession discontinue, dont les intermittentes font partie. En raison de la réglementation qui leur est appliquée et de la gestion de leurs dossiers par les CPAM et Pôle emploi, ces dernières sont nombreuses à se retrouver sans aucun revenu, alors qu’elles sont enceintes et donc dans l’impossibilité physique et juridique de travailler. Cette précarisation est inacceptable : les femmes enceintes doivent être protégées et nous ne pouvons tolérer les situations dramatiques qui se multiplient, créant ainsi une rupture caractérisée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je tiens à rappeler que le Défenseur des droits s’est prononcé le 8 mars 2012, à la suite d’une saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, par trente-trois « matermittentes ». Il a reconnu que les conditions d’ouverture des droits à une indemnisation du congé de maternité sont inadaptées à la situation des intermittentes, et que « le dispositif d’attribution des prestations aux intermittentes du spectacle durant et à l’issue de leur congé de maternité n’est pas assuré correctement au regard de l’impératif de protection de la femme enceinte ». Il en conclut que la situation dans laquelle elles sont placées « constitue une discrimination fondée sur l’état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne ».

Le 16 avril dernier, la direction de la sécurité sociale a enfin publié une circulaire détaillant le régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue – comme les intermittents du spectacle, mais aussi les pigistes et les guides conférenciers, entre autres – pour l’accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité. Cette circulaire constitue un progrès qui doit être souligné. Toutefois, d’après les témoignages reçus, elle ne règle pas les problèmes constatés.

En outre, nous attendons le décret d’application de l’article 51 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui modifie le code de la sécurité sociale pour prendre en compte le cas des femmes ayant accepté, lors de leur grossesse, de petits contrats insuffisants pour le maintien de la qualité d’assurée.

Enfin, dans la mesure où les CPAM ne motivent pas assez précisément les refus d’indemnisation, les femmes sont dans l’impossibilité de comprendre la raison pour laquelle elles se retrouvent du jour au lendemain sans aucune ressource.

S’il semble urgent de prendre des mesures, il convient, dans un premier temps, de faire rapidement le point sur la situation de ces femmes. Une analyse complète, juridique et chiffrée permettra d’envisager une solution pertinente et efficace.

Venons-en maintenant aux articles du projet de loi que j’évoquais en introduction. L’article 16 offre une réponse aux difficultés relatives à l’image des femmes dans les médias et à leur présence dans le sport en confiant de nouveaux pouvoirs au CSA. L’article 19 fixe des règles contraignantes de mixité au sein des organes dirigeants des fédérations sportives. L’article 23 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures en faveur de la parité dans les autorités administratives.

L’article 16 prévoit que le CSA pourra, d’une part, assurer le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle et, d’autre part, imposer des obligations de programmation aux chaînes hertziennes nationales afin qu’elles contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.

Je suis pleinement favorable à ces mesures, mais je crois qu’il serait pertinent d’étendre la disposition relative aux obligations de programmation à l’ensemble des services de communication audiovisuelle, qu’ils soient nationaux ou même locaux, et tant à la radio qu’à la télévision, au lieu de limiter cette disposition aux seules chaînes nationales. Notre commission a adopté un amendement en ce sens, car la lutte contre les préjugés sexistes est l’affaire de tous.

Je suis également pleinement favorable au principe de la mise en place d’une obligation de représentation minimale des femmes dans les instances dirigeantes nationales des fédérations sportives : 25 % dans les fédérations comptant moins de 25 % de femmes, et 50 % dans les autres. Le renforcement de la pratique sportive féminine est un impératif, qui passe aussi par une augmentation progressive de la place des femmes dans les organes dirigeants des fédérations.

Néanmoins, nous sommes aussi conscients des contraintes spécifiques que subissent les acteurs bénévoles de la vie associative. Je considère ainsi qu’un léger assouplissement de la disposition permettrait une mise en œuvre beaucoup plus efficace. Notre commission a adopté deux amendements à l’article 19. Le premier prévoit que, au sein des fédérations dans lesquelles la proportion de licenciés d’un des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, les instances dirigeantes devront compter au moins 40 % de personnes du sexe le moins bien représenté dans la fédération. Le second amendement indique que, dans un premier temps, les fédérations devront assurer une représentation du sexe minoritaire au moins égale à sa proportion parmi les licenciés.

Les dispositions de l’article 23 sont superfétatoires s’agissant de la parité au sein du CSA, puisqu’un dispositif spécifique est déjà prévu dans le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. La commission de la culture n’a pas souhaité modifier le présent texte : elle a choisi de se consacrer à cette question lorsqu’elle examinera le projet de loi que je viens de citer.

En conclusion, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les articles 16, 19 et 23, sous réserve bien entendu de l’adoption des amendements dont nous allons discuter.

Avant d’achever mon intervention, je souhaiterais adresser un message à toutes celles et ceux qui se sentent concernés par l’égalité entre les femmes et les hommes, en reprenant une expression de Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers : « inaugurons une ère de confiance et d’audace » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC. – M. Yann Gaillard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes a examiné le présent projet de loi avec la plus grande attention. Ce texte aborde, dans une perspective intégrée, de nombreux aspects de la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une bonne chose, tant il est vrai qu’une société qui violente, méprise ou ignore les femmes, se violente elle-même.

Chacun sait que notre calendrier était serré et d’autant moins propice au travail qu’il correspondait à la période estivale, mais nous avons tout de même voulu contribuer de façon active à l’élaboration du texte. Je me suis donc efforcée, en tant que rapporteur, d’entendre une quarantaine de personnes : associations de défense des femmes, représentants syndicaux ou encore personnalités qualifiées.

Une impression générale s’est vite dégagée de ces auditions : nos interlocutrices et interlocuteurs se réjouissent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit enfin abordée dans une perspective globale et intégrée. Cependant, ils restent sur leur faim quant au contenu effectif du projet de loi et ils comptent sur nous pour l’enrichir. Vous nous y avez également invitées, madame la ministre.

Notre délégation a voulu répondre à cette double attente en formulant trente-cinq recommandations que nous avons adoptées à l’unanimité. Certaines sont susceptibles d’une traduction législative immédiate et je les défendrai par voie d’amendement.

Nos deux premières recommandations portent sur l’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. C’est une dimension incontournable pour toute politique intégrée en faveur de l’égalité. À ce titre, elle doit figurer dans l’énumération de l’article 1er du projet de loi. Je vous proposerai donc de compléter cet article en ce sens. En outre, pour renforcer la force du principe d’égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives, nous souhaitons qu’une prochaine révision constitutionnelle précise que la loi ne doit pas seulement le « favoriser » mais bien le « garantir ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En matière d’égalité professionnelle, nous estimons que la réforme du complément de libre choix d’activité va dans le bon sens, car la longueur actuelle du congé parental, rarement pris par les hommes, éloigne les femmes de la vie professionnelle. Nous demandons au Gouvernement de le revaloriser et de fixer le calendrier suivant lequel il compte faire évoluer les règles de partage entre les parents. Confirmez-vous, madame la ministre, que les redéploiements financiers que permettra cette réforme bénéficieront, comme l’indique l’étude d’impact, au développement de places en crèches ?

Dans l’affirmative, je rappelle que ces gains éventuels ne pourront être dégagés qu’à partir de 2017. Aussi, compte tenu du temps qui sépare la décision de construction d’une crèche de sa mise en service, pouvez-vous nous assurer que les conséquences probables de cette réforme ont été correctement anticipées en ce qui concerne le développement des modes de garde, afin de faire face à l’augmentation du nombre des demandes ?

Nous recommandons, en outre, que des actions en faveur du retour à l’emploi soient menées pendant le congé parental et que des formations en ce sens soient dispensées.

Dans le prolongement de nos recommandations, je défendrai également un amendement tendant à transformer le congé parental d’éducation en un droit individuel à la parentalité, modulable jusqu’à la majorité de l’enfant. Nous avions également proposé de doubler la durée du congé de paternité, mais l’amendement que j’avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution – évidemment !

Au titre de la lutte contre la précarité, les expérimentations conduites en matière d’allocation de soutien familial et d’impayés des pensions sont intéressantes. Je vous proposerai toutefois, par un amendement, d’en réduire la durée, pour ce qui concerne le versement de l’allocation différentielle de soutien familial, car, limitée à certains départements, cette expérimentation entraînera des inégalités de traitement sur le territoire.

La question de l’indépendance économique des femmes, donc de l’égalité salariale, est au cœur de l’accès à l’égalité. Plusieurs de nos collègues de la délégation ont relevé cette exigence. C’est pourquoi nous formulons plusieurs recommandations complémentaires afin de faire avancer l’égalité salariale et professionnelle, en prenant pour levier les négociations dans l’entreprise et les accords de branche obligatoires. Nous prônons aussi le respect du principe « à travail égal, valeur égale » qui implique une refonte des grilles salariales pour les rendre moins discriminantes.

Les dispositions relatives à la lutte contre les violences envers les femmes s’efforcent, pour l’essentiel, de remédier à certaines faiblesses de l’ordonnance de protection, qui sont apparues à l’usage. L’article 7 dispose ainsi qu’elle devra être rendue « dans les meilleurs délais ». Cette précision est opportune, mais un peu vague ! Nous vous demandons, madame la ministre, de nous préciser les mesures procédurales ou réglementaires que le Gouvernement s’engage à prendre pour réduire effectivement ces délais. Un effort devrait, de même, être engagé afin de diminuer la durée des autres procédures civiles, lorsqu’elles sont utilisées dans un contexte de violences conjugales.

Nous approuvons l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection et la réaffirmation du principe de l’éviction du conjoint violent, mais nous souhaitons préciser dans la loi que le logement commun est attribué au conjoint victime, même s’il a bénéficié d’un logement d’urgence, de manière à lever une ambiguïté qui persiste dans la pratique de certains tribunaux.

La médiation pénale nous paraît décidément inadaptée aux cas de violences au sein du couple, dans la mesure où elle ne peut qu’aviver les phénomènes d’emprise. On ne cesse d’en restreindre le champ, mais je vous proposerai, par un amendement, d’aller au bout d’un constat largement partagé, et de l’exclure purement et simplement.

Nous apportons notre plein soutien au dispositif téléphonique « femmes en très grand danger » et nous invitons l’État à consacrer les moyens nécessaires à sa généralisation. Il repose largement sur les associations partenaires et appellera des compensations financières en leur faveur.

De même, nous soutenons l’imposition de stages aux auteurs de violences, car il s’agit de leviers permettant d’éviter la récidive. Nous proposerons cependant, par un amendement, de les qualifier plutôt de « stages de responsabilisation », et de recentrer leur objet sur les violences au sein du couple proprement dites. Nous recommandons, en outre, d’encadrer les formations dispensées aux professionnels qui ont à connaître des violences conjugales, en s’appuyant sur l’expérience de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF.

La gratuité de la délivrance des titres de séjour pour les étrangères bénéficiaires de l’ordonnance de protection est une bonne chose. Mais nous souhaitons lever des obstacles encore trop fréquents à la délivrance de ces titres, en précisant que l’autorité administrative ne peut les refuser qu’en cas de menace grave à l’ordre public, par parallélisme avec la condition posée pour l’expulsion d’un étranger en situation régulière.

Même si cela ne relève pas du champ du projet de loi, nous recommandons à madame le garde des sceaux de lutter contre la tendance des tribunaux à correctionnaliser les viols. Cette pratique, maintes fois dénoncée, est contraire à la lutte contre les violences, car elle revient à minimiser aux yeux de la victime et de son agresseur la gravité de cet acte. J’espère que cette recommandation sera aussi bien entendue que celle, très voisine, que nous avions formulée en matière de harcèlement sexuel.

Deux de nos recommandations portent sur la responsabilité confiée au CSA en matière de protection de l’image des femmes, afin de l’inciter à se doter d’une mission de contrôle bien identifiée et à mettre en place des indicateurs chiffrés portant sur la progression de l’égalité dans les programmes des chaînes de télévision privée.

L’amélioration de la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives est une évolution positive, mais nous demandons qu’un meilleur équilibre soit recherché également dans les postes d’encadrement, comme ceux de directeur, de conseiller technique ou d’entraîneur national.

Nous vous proposerons, par amendement, d’abaisser à 250 salariés, contre 500 actuellement, le seuil à partir duquel les sociétés devront comporter au moins 40 % de membres de chaque sexe dans leurs conseils d’administration ou de surveillance.

Le projet de loi double les retenues financières imposées aux partis qui présentent trop peu de candidates aux élections législatives, mais ces pénalités qui ne portent que sur la première partie de l’aide suffiront-elles ? Nous pensons qu’il faut engager une réflexion sur la possibilité d’instituer également des retenues sur la deuxième fraction de l’aide, bien plus volumineuse.

Enfin, nos trois dernières recommandations tendent respectivement à améliorer la parité dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, dans les conseils de prud’hommes et dans les différentes instances, en particulier de direction, des syndicats.

Madame la ministre, sans constituer la loi-cadre que certaines et certains, dont je suis, appellent de leurs vœux, votre projet de loi pose un premier jalon vers une approche intégrée. D’autres seront nécessaires, car nous mesurons le chemin qui nous sépare encore d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ensemble, nous pouvons nous y atteler ! (Applaudissements.)