Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le principe de l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent a été posé dès 2005 au plan pénal. La compétence en cette matière a ensuite été étendue au juge aux affaires familiales par la loi du 9 juillet 2010, quand celui-ci statue dans le cadre d’une ordonnance de protection.

C’est un principe auquel la délégation aux droits des femmes attache une grande importance, car l’éviction du domicile conjugal du conjoint violent peut contribuer à inverser le rapport de force symbolique entre la victime et l’auteur des violences. À ce titre, elle peut favoriser chez ce dernier une prise de conscience salutaire.

Pour la victime, le maintien dans les lieux peut en outre répondre à son désir de ne pas perturber le cadre de vie des enfants en les changeant d’école ou encore à son attachement à son quartier, à ses relations de voisinage.

Pour autant, nos auditions l’ont confirmé, cette disposition peine à entrer dans les faits.

Cela peut tenir à la volonté de la victime de rompre avec un cadre lié à des souvenirs douloureux et de redémarrer une vie nouvelle. Cette volonté doit, évidemment, être respectée.

Mais les freins peuvent tenir à d’autres facteurs. Les auditions auxquelles j’ai procédé ont montré, par exemple, que le fait, pour la victime de violences, d’avoir quitté le domicile commun et d’avoir bénéficié d’un hébergement d’urgence au moment du dépôt de sa requête avait pu, en pratique, inciter certains juges à privilégier le maintien dans les lieux du conjoint violent. Il serait choquant que le fait d’avoir dû, dans l’urgence et sous la menace d’un danger imminent, quitter le domicile commun puisse invalider le droit de la victime à rester dans les lieux.

Le présent amendement apporte une traduction législative à la recommandation n° 18 de la délégation aux droits des femmes, qui a souhaité lever toute ambiguïté en ce domaine : il faut que le principe de l’éviction du conjoint violent continue de prévaloir, même si la victime a bénéficié d’un hébergement d’urgence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission des lois, qui s’efforce toujours d’avoir le regard le plus précis possible sur l’écriture de la loi, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Le code civil prévoit aujourd’hui que le juge peut préciser lequel des deux conjoints reste dans le logement commun, la jouissance de ce dernier étant attribué, sauf circonstances particulières, à la personne qui n’est pas l’auteur des violences. Compliquer la rédaction actuelle en précisant que ce principe vaut même si la victime de violences a bénéficié d’un hébergement d’urgence exposerait à des interprétations a contrario de la loi, ce qui irait finalement à l’encontre de l’objectif visé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’entends les interrogations d’ordre juridique de Mme la rapporteur, mais je partage le constat établi par Mme Gonthier-Maurin : il arrive parfois qu’une femme ne puisse pas bénéficier de l’éviction du domicile du conjoint violent parce qu’elle n’y résidait pas à la date de la décision.

Je suis donc plutôt favorable à cet amendement.

Je profite de cette occasion pour rappeler que le Gouvernement a créé les conditions d’une augmentation du nombre de places en centres d’hébergement spécialisés. En effet, introduire dans la loi le principe de l’éviction du conjoint violent du domicile ne suffit pas à régler l’ensemble des problèmes : il y aura toujours des situations dans lesquelles les femmes préféreront partir de chez elle, et nous devons donc continuer à développer les solutions d’hébergement.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cas contraire, un décret fixe les conditions dans lesquelles la victime peut récupérer ses effets personnels et éventuellement ceux de ses enfants, en toute sécurité ;

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Trop souvent, les victimes de violences quittent leur domicile sans pouvoir emporter leurs effets personnels, ni ceux de leurs enfants le cas échéant, ce qui vient aggraver leur situation de détresse et contribue à les appauvrir.

L’ordonnance de protection doit donc permettre à ces victimes de se faire accompagner pour récupérer leurs effets personnels avec le concours des forces de l’ordre, qui assureront leur sécurité.

Il s’agit aussi, par cet amendement, d’être cohérents dans la prise en compte de la gravité de la situation des femmes victimes de violences et de les accompagner dans une démarche risquée pour elles, en assurant leur protection par la loi.

Il s’agit enfin d’adresser un message aux conjoints violents : leur victime a des droits et la loi la protège.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Une fois encore, tout en partageant les préoccupations des signataires de cet amendement, la commission a émis un avis défavorable.

En effet, la loi ne peut pas tout prévoir, et l’on s’expose là aussi à un effet contraire à l’objectif visé, ne serait-ce qu’en raison des problèmes que soulève la définition de la notion d’« effets personnels ». Un chien, un chat ou un canari est-il ou non un effet personnel ?

Par conséquent, il ne nous semble pas opportun d’inscrire une telle disposition dans la loi. En revanche, le fait d’en parler aujourd’hui est une bonne chose. Les réseaux pluridisciplinaires qui ne manqueront pas de se constituer informeront les victimes qu’elles peuvent se faire accompagner par les associations compétentes. Les forces de l’ordre, qui ne peuvent pas accompagner les victimes à l’intérieur du domicile mais ont la possibilité de se tenir à proximité immédiate pour pouvoir intervenir immédiatement en cas de besoin, participeront également à cette information.

Il convient de privilégier cette démarche, plutôt que de nous imaginer que la loi peut prévoir toutes les situations possibles, au risque de nuire à la protection des victimes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je suis cette fois moi aussi sensible à l’effet a contrario que pourrait avoir une telle précision.

A priori, il revient naturellement aux forces de police d’accompagner une victime qui chercherait à reprendre possession de ses effets personnels. Je ne crois pas qu’il convienne de le préciser dans la loi ou le décret.

En revanche, nous pourrions introduire ce type de précision dans les protocoles d’accord que nous mettons en place à l’échelon des départements afin d’assurer une meilleure efficacité aux ordonnances de protection et au dispositif de téléphones portables « grand danger ».

En conclusion, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Courteau et Mme Blondin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, le juge aux affaires familiales peut demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide à l’effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de la partie défenderesse ainsi qu’une enquête rapide sur sa personnalité. » ;

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Afin de permettre au juge aux affaires familiales de démontrer la réalité des violences, le présent amendement vise à offrir à ce dernier la possibilité de demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide à l’effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale de la partie défenderesse, ainsi qu’une enquête sur sa personnalité. Cette enquête apportera des éléments complémentaires et permettra peut-être d’éviter de passer à côté d’une situation préoccupante, voire alarmante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Cet amendement est d’ores et déjà satisfait par l’application des articles L. 143 et suivants du code de procédure civile. Ces dispositions relèvent en outre du domaine réglementaire.

En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le code de procédure civile prévoit en effet déjà que le juge informe le procureur de la République des requêtes qu’il a reçues en vue de prononcer une ordonnance de protection. Il revient ensuite au parquet d’apprécier les faits et de diligenter une enquête si les faits qui sont portés à sa connaissance justifient des poursuites pénales.

Je le redis, l’ordonnance de protection est une mesure civile et la décision du juge repose sur des éléments produits devant lui par les parties et débattus de manière contradictoire. Cette mesure doit être rendue dans l’urgence, et le fait de procéder à l’enquête que vous évoquez risquerait de retarder, voire de dénaturer, le dispositif de l’ordonnance de protection.

En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. J’avoue être indécis… Cela étant, je retire l’amendement, les propos de Mme la rapporteur et de Mme la ministre m’ayant plutôt rassuré.

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié est retiré.

L'amendement n° 133, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, il peut ordonner une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Lorsque des faits de violences conjugales sont jugés, le juge peut ordonner un suivi socio-judiciaire du conjoint violent, avec injonction de soins s’il considère que cela est nécessaire.

Dans les faits, les situations de violences conjugales sont souvent amplifiées par des problèmes sociaux ou psychologiques graves. Cet amendement vise à permettre au juge qui délivre une ordonnance de protection d’ordonner en outre une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des violences, afin d’éviter la récidive, qui n’est que trop courante dans ce genre de situations.

Les auteurs de violences ont besoin d’un accompagnement et d’une prise en charge particulière, qu’il s’agisse d’une thérapie ou d’un travail de réinsertion, en vue de leur permettre de sortir de leurs habitudes de violence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Bien que cette proposition se situe à la limite des compétences du juge civil, la commission des lois a émis un avis favorable, dans la mesure où le principe du contradictoire a été respecté pour la délivrance de l’ordonnance de protection. Cela ne pourra être qu’un « plus » pour la protection de la victime, un tel dispositif ayant vocation à éviter la récidive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez raison, madame Cukierman, de mettre l’accent sur la prise en charge des auteurs de violences conjugales : c’est évidemment une condition essentielle pour la prévention de la récidive. Des dispositions à cet effet ont été prévues dans le projet de loi ; nous y reviendrons.

La prise en charge que vous proposez de mettre en place figure déjà parmi les mesures alternatives aux poursuites énumérées à l’article 41-1 du code de procédure pénale. Le parquet, une fois qu’il est informé des faits portés à la connaissance du juge dans le cadre de l’ordonnance de protection, peut parfaitement prendre une telle mesure.

Cela étant, l’ordonnance de protection est une mesure civile, provisoire, qui repose exclusivement sur la vraisemblance des faits et ne peut donc être assimilée, nous semble-t-il, à une mesure pénale qui serait prise par le procureur dans le cadre de sa libre appréciation de l’opportunité des poursuites. Une telle mesure risquerait, là encore, d’être plutôt contreproductive en termes d’efficacité et de rapidité de la délivrance de l’ordonnance de protection.

En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 100 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : 

... – Au premier alinéa de l’article 515-13 du même code, après les mots : « de mariage forcé » sont insérés les mots : « ou victime de viol ou de tentative de viol, d’inceste ou de tentative d’inceste, de harcèlement sexuel, de mutilation ou de menace de mutilation »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Il s’agit d’étendre la mesure de protection à tous les cas de violences subies par les femmes : viols, violences sexuelles, violences intrafamiliales, violences conjugales, mariage forcé, mutilations génitales. Les violences envers les femmes sont des violences particulières dans leur mécanisme et du fait d’une proximité avec les auteurs de ces violences dans la plupart des cas.

En effet, les mécanismes d’emprise et de peur auxquels sont soumises les victimes sont identiques dans tous ces cas de violences et nécessitent souvent une mise en sécurité, en particulier dans la période où intervient la dénonciation de faits de violence de la part d’un proche.

Nous devons être cohérents et accompagner concrètement les victimes qui prennent des risques personnels pour sortir de l’emprise de leur agresseur et le dénoncer. Il est important de permettre à l’ensemble des femmes victimes qui se sentent menacées de bénéficier d’une mesure de protection. De nombreuses associations ont insisté sur ce point lors des auditions.

M. le président. L'amendement n° 119 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Au premier alinéa de l'article 515-13 du même code, après les mots : « mariage forcé », sont insérés les mots : « ou de mutilation sexuelle ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Depuis la loi du 9 juillet 2010, le juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection dans les cas de menace de mariage forcé. Notre amendement prévoit d’étendre cette mesure d’urgence aux cas de mutilations sexuelles. Les violences coutumières, comme le mariage forcé et les mutilations sexuelles, sont des formes de violence totalement inacceptables dans notre pays, et il est de notre responsabilité d’en protéger les personnes concernées.

Nous savons bien que les victimes de mutilations sexuelles sont souvent des enfants, que le juge compétent est, dans ce cas, le juge des enfants, et que celui-ci dispose de pouvoirs extrêmement larges. Mais les mutilations génitales concernent aussi des femmes adultes, qui les subissent au moment de leur mariage, au cours de leur grossesse ou à la suite du premier accouchement. Nous ne pouvons pas les ignorer. Les femmes qui se sentent menacées de mutilations sexuelles doivent pouvoir être protégées avant même le dépôt d’une plainte.

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l'article 515-9 du code civil, il est inséré un article 515-9-... ainsi rédigé :

« Art. 515-9-… Lorsqu’une personne victime d’une des infractions visées aux articles 222-22, 222-23 ou 222-33 du code pénal se trouve en danger, le juge peut lui délivrer en urgence une ordonnance de protection. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’objectif est d’étendre le champ d’application de l’ordonnance de protection aux affaires de viol, d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel dans les cas où les victimes seraient en situation de danger. Cela permettrait de sécuriser les victimes dans l’attente du jugement, d’autant qu’elles sont parfois amenées à croiser leur agresseur quotidiennement, que ce soit sur leur lieu de vie ou sur leur lieu de travail. Une telle mesure favoriserait en outre le dépôt des plaintes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission s’associe bien évidemment à la dénonciation du caractère tout à fait inacceptable des faits d’une violence inouïe qui ont été évoqués. Cependant, de tels faits relèvent du pénal et peuvent entraîner, le cas échéant, la mise en détention provisoire du ou des auteurs présumés, et non d’un dispositif civil d’urgence. La commission a donc émis un avis défavorable sur les trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avant d’indiquer l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements, je souhaite revenir un instant sur celui qui vient d’être adopté.

Je voudrais que le Sénat soit bien conscient du fait que le dispositif de l’ordonnance de protection, mesure civile et non pénale, est précieux et fragile. Lui ajouter des éléments de nature quasiment pénale ou d’application automatique lui porte préjudice.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce dispositif n’a pas encore été examiné par le Conseil constitutionnel ; il n’a fait l’objet d’aucune question prioritaire de constitutionnalité à ce jour, mais rien n’exclut que cela se produise à l’avenir. Je ne voudrais pas que le dispositif soit censuré parce que l’on aura cherché à être trop généreux. C’est pour cette seule raison que je me suis déclarée défavorable à certaines des propositions qui ont été formulées.

C’est pour cette même raison que je suis défavorable aux trois amendements en discussion commune. Les viols et les mutilations sexuelles sont des crimes, qui doivent être traités comme tels, c'est-à-dire jugés par une cour d’assises. Nous ne pouvons pas envoyer un signal de « sous-qualification » de tels faits. Je le répète, l’ordonnance de protection est une procédure civile s’adressant à des victimes qui ne souhaitent pas poursuivre l’auteur des faits, souvent pour des raisons de proximité familiale que l’on peut comprendre. Il ne faut donc pas élargir son champ d’application outre mesure.

En revanche, je serais favorable à une extension du champ d’application de mesures de protection comme le téléphone portable « grand danger » aux victimes de viol, par exemple. Mais il s'agit là d’un autre sujet.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 100 rectifié.

M. Gérard Longuet. Je suis très sensible à l’argumentation de Mme le ministre. Il doit être possible de mettre fin à des situations inacceptables en restant dans l’ordre civil, afin d’éviter de transformer des conflits en tragédies. J’attire l’attention sur le fait que l’ordonnance civile doit pouvoir fonctionner aisément. L’action pénale risquerait de créer une situation irréversible sans que cela corresponde nécessairement au souhait du conjoint qui réclame une protection. Par conséquent, je demande à mes collègues du groupe UMP de suivre le Gouvernement sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Cécile Cukierman. Je retire l’amendement n° 134 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié est retiré !

L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au premier alinéa de l'article 515-13 du même code, les mots : « peut également être délivrée » sont remplacés par les mots : « est également délivrée ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Encore aujourd’hui, de nombreuses familles envoient leurs enfants à l’étranger contre leur gré pour qu’ils y soient mariés de force. Lorsqu’une jeune femme se sent menacée d’un mariage forcé, le juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection et prononcer une interdiction temporaire de sortie du territoire français.

Il s’agit de situations dramatiques, qui imposent que l’on agisse rapidement. Or nous savons pertinemment que les délais de délivrance de l’ordonnance sont beaucoup trop longs : vingt-six jours en moyenne selon le Conseil national de l’aide aux victimes. Vous avez certes affirmé votre volonté, madame la ministre, que l’ordonnance de protection soit désormais délivrée dans les meilleurs délais. Cependant, s'agissant de mariages forcés, il serait souhaitable, surtout lorsqu’ils ont lieu à l’étranger, que l’ordonnance de protection soit délivrée automatiquement dès lors qu’une jeune femme se sent menacée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Un débat a eu lieu en commission sur cet amendement, le caractère automatique de la délivrance de l’ordonnance de protection posant problème. Cependant, il s'agit ici d’un cas bien particulier, où la menace de mariage forcé est démontrée : il y a réellement urgence. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable, malgré ses réticences quant à l’automaticité de la délivrance de l’ordonnance de protection.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Laborde, je comprends très bien votre souhait que la délivrance d’une ordonnance de protection soit plus fréquente en cas de menace de mariage forcé. On ne peut que déplorer la faiblesse du nombre d’ordonnances délivrées à l’heure actuelle dans de tels cas.

Nous avons décidé de nous attaquer à ce problème en travaillant, notamment avec le ministère chargé des Français de l’étranger, puisque les mariages forcés ont souvent lieu à l’étranger, à une meilleure information des Françaises et des Français concernés, à un meilleur accompagnement, grâce à l’action de nos consulats. En outre, nous avons renforcé les sanctions, y compris pour l’incitation à contracter un mariage forcé.

Cela étant, j’estime que l’automaticité de la délivrance de l’ordonnance de protection serait nuisible à l’individualisation des réponses que doit apporter le juge aux situations des victimes. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 9

Article 8

La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :

« Lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il n’est procédé à la mission de médiation que si la victime en a fait expressément la demande. Dans cette hypothèse, outre la médiation, l’auteur des faits doit faire l’objet d’un rappel à la loi en application du 1° du présent article. Lorsque des violences ont été commises à nouveau par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, il ne peut être procédé à une nouvelle mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime. Dans ce cas, sauf circonstances particulières, le procureur de la République engage des poursuites ; ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La dernière phrase du 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« Il ne peut toutefois être procédé à cette mission de médiation lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l’ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La médiation pénale est une des mesures alternatives aux poursuites que peut prendre le procureur de la République sur le fondement de l’article 41-1 du code de procédure pénale. Elle est particulièrement inappropriée dans les situations de violences conjugales, car elle revient à mettre face à face, dans une situation faussement égalitaire, l’auteur des violences et la victime, au risque de contribuer au renforcement des phénomènes d’emprise, comme le rappellent régulièrement les associations de défense des femmes.

La loi du 9 juillet 2010 a réduit le champ d’application de cette mesure, en introduisant une présomption de non-consentement à la médiation pénale pour les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection. Le projet de loi va plus loin, en subordonnant le recours à la médiation pénale à la demande expresse de la victime dans les situations de violences au sein du couple. La commission des lois propose d’en restreindre encore le champ, en l’interdisant en cas de récidive.

Mais ce n’est pas assez. Puisque l’on s’accorde sur l’inadéquation de cette procédure aux cas de violences conjugales, tirons-en toutes les conséquences et interdisons purement et simplement le recours à la médiation pénale dans ce type de situation.

Tel est l’objet du présent amendement, qui apporte une traduction législative à la recommandation n° 22 de la délégation aux droits des femmes.

M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La dernière phrase du 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« Lorsque la victime a saisi le juge aux affaires familiales en application de l'article 515-9 du code civil en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité, il ne peut être procédé à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.