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Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 343 sur l'amendement n° 46 du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, intervenu hier, M. Jeanny Lorgeoux a été déclaré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour. (MM. Henri de Raincourt et François Trucy s’esclaffent.)

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Discussion générale (suite)

Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (texte de la commission n° 845, rapport n° 844).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Le Menn, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 17 septembre dernier est arrivée sans difficulté à un accord complet sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 5 juillet 2011.

À l’issue des travaux du Sénat, onze des quatorze articles du texte restaient en discussion. La commission mixte paritaire en a adopté six dans la rédaction de l’Assemblée nationale et cinq dans une rédaction issue du texte de compromis proposé par les rapporteurs. Plusieurs dispositions adoptées par le Sénat, dont la suppression du recours à la visioconférence pour les audiences des malades, ont été maintenues.

Entre nos deux assemblées il n’y avait, à vrai dire, aucune divergence de fond, tant sur la réponse à la censure prononcée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 avril 2012 que sur les autres propositions de réforme. La position des députés, appuyée sur le travail approfondi qu’ils ont pu conduire dans le cadre de leur mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, rejoint largement la position de plusieurs de nos collègues lors du débat de 2011. Ainsi, la plupart des retours au texte de l’Assemblée nationale reposent sur une simple clarification de l’interprétation à donner des dispositions. De même, certaines des rédactions communes que nous avons adoptées servent à expliciter l’intention du législateur.

La loi que nous votons doit être lue, comprise et appliquée non seulement par des professionnels du droit, magistrats et avocats, mais aussi, au quotidien, par les personnels soignants et par les malades, qui doivent y trouver la garantie de leurs droits. Il nous faut donc veiller à être, comme nous y oblige d’ailleurs le Conseil constitutionnel, les plus clairs et les plus intelligibles possible.

Ainsi que je l’ai souligné lors de notre débat en séance publique, ce texte n’apporte pas toutes les réponses à la situation des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans le cadre restreint et, je dois le dire, dans le temps qui nous était imparti, nous n’avons pas pu remettre à plat plusieurs questions essentielles qu’il nous faudra pourtant traiter à brève échéance. Je pense à la question des avis médicaux donnés, dans des situations d’urgence, sans examen du patient. Quelle garantie apportent-ils réellement ? Dans l’impossibilité d’approfondir cette question et face à la réalité des fugues, qui obligent à des mesures d’urgence et empêchent tout examen, nous avons rétabli les dispositions qui sont visées par ce texte.

Une autre question fondamentale est celle du rôle du préfet. Tout comme nos collègues députés, nous estimons que ce débat est essentiel. Le texte préserve la possibilité pour le préfet d’imposer, dans les conditions prévues par le code de la santé publique, des soins sans consentement. Il faudra que nous examinions avec attention les fondements de ces dispositions anciennes, puisqu’elles remontent à 1838, et leur adaptation à notre époque.

Les rédactions communes adoptées par la commission mixte paritaire apportent déjà des réponses sur des points importants. Dans le cas des personnes déclarées pénalement irresponsables et qui sont soumises à des mesures particulières pour la modification ou la sortie des soins sans consentement, nous avons décidé de confier le dernier mot au juge au cas où le préfet maintiendrait les mesures les plus contraignantes en s’appuyant sur un désaccord entre psychiatres. Cet alignement sur le droit commun nous paraît une garantie importante pour la protection des libertés. À la demande de l’Assemblée nationale, nous avons en revanche rétabli l’obligation d’une double expertise psychiatrique, en plus de celui du collège pluri-professionnel, pour ces personnes. Cette mesure n’apporte pas à mes yeux de garantie supplémentaire pour le malade ou pour le juge, mais elle peut apaiser les inquiétudes de l’opinion publique.

Sur un autre point essentiel, la question des salles d’audience mutualisées entre établissements de santé, nous avons également trouvé une rédaction qui nous permet de garantir que l’exception ne deviendra pas la règle. Ces salles ne pourront être mises en œuvre qu’en cas de nécessité, selon des modalités définies par convention entre l’agence régionale de santé et le tribunal de grande instance. Dès lors, la réalité devrait correspondre au principe selon lequel les audiences se tiennent au sein de chaque établissement d’accueil.

Au total, le texte proposé par la commission mixte paritaire me semble préserver l’essentiel des apports de notre assemblée au texte très attendu proposé par l’Assemblée nationale. Dans l’attente des débats à venir, mes chers collègues, nous vous demandons donc d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, qui permettront, dès le 1er octobre prochain, d’améliorer grandement la situation des personnes faisant l’objet de soins sans consentement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les débats parlementaires qui ont conduit à l’élaboration de cette proposition de loi permettront de faire progresser encore les soins sans consentement. Malgré les difficultés posées par un calendrier très contraint, et dont chacun a parfaitement conscience, vous avez su mener, avec les députés, un travail de grande qualité. Je souhaite de nouveau saluer l’engagement de la Haute Assemblée, en particulier celui de la présidente de la commission des affaires sociales et du rapporteur.

Ce texte rend non seulement la loi conforme à notre Constitution, mais il permet aussi d'en finir avec l'inspiration sécuritaire qui a marqué la loi du 5 juillet 2011. La priorité, c’est d’abord de considérer celles et ceux qui souffrent comme des personnes malades. Cette ambition, le Gouvernement la soutient pleinement.

En premier lieu, la révision des deux dispositions qui ont été jugées contraires à la Constitution replace le patient au cœur de la démarche de soins. En effet, cette proposition de loi vise d’abord à limiter l’application du régime plus strict de levée des soins sans consentement ; désormais, il ne devra concerner que les irresponsables pénaux encourant un certain niveau de peine. Ensuite, le texte a pour objectif de replacer les patients hospitalisés en unité pour malades difficiles, ou UMD, dans le droit commun.

En second lieu, cette proposition de loi améliore considérablement le déroulement de l’audience. Elle répond aussi à des attentes très fortes.

Les personnes victimes de troubles psychiques ne sont pas des justiciables comme les autres. Il est donc indispensable que l’établissement de santé devienne le lieu de l’audience du juge. C’est ce que prévoit cette proposition de loi. Les conditions de l’audience seront améliorées pour le patient, tout en assurant le bon fonctionnement et la bonne organisation des établissements et des juridictions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez sur ce point encore amélioré les conditions de l’audience pour le patient, en supprimant totalement le recours à la visioconférence, dont on sait qu’il est parfaitement inadapté, et en encadrant strictement la possibilité pour des établissements de santé de mutualiser leurs salles d’audience.

La proposition de loi rend également obligatoire la présence de l’avocat, ainsi que la possibilité pour la personne de demander à ce que son audience ne soit pas publique.

Enfin, un compromis a été trouvé quant au délai d’intervention du juge : celui-ci a été fixé à douze jours. Ce temps permet que le recueil des avis médicaux et l’organisation satisfaisante de la procédure soient assurés.

Le dernier pilier de ce texte, c’est l’amélioration de la procédure de soins. Je pense notamment à la réintroduction des sorties de courte durée. Lorsque l’état de santé le permet, elles sont partie intégrante du processus thérapeutique : ces sorties avaient été rendues impossibles par la loi du 5 juillet 2011.

Par ailleurs, le nombre de certificats médicaux a été réduit, puisque le certificat du huitième jour a été supprimé. En parallèle, l’avis conjoint, jusque-là nécessaire pour saisir le juge, deviendra un avis simple.

Vous aviez initialement proposé de supprimer la double expertise psychiatrique exigée pour la levée des mesures de soins sans consentement des irresponsables pénaux.

Le travail entre les deux assemblées a conduit à réintroduire cette double expertise. Ces expertises extérieures sont indispensables pour les autorités qui ont la responsabilité de contrôler et de lever les mesures. L’analyse des psychiatres, réalisée en qualité d’experts, ne saurait en effet être assimilée à celui du collège, qui a une tout autre vocation.

Dans le même temps, vos travaux conjoints ont permis de clarifier la loi et de faire progresser les droits des irresponsables pénaux : ils prévoient ainsi une procédure de règlement des différends entre les psychiatres et le préfet. Ainsi, lorsque leurs avis ne vont pas dans le même sens, le juge peut intervenir. Nous pouvons nous réjouir du résultat obtenu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quelques instants, vous serez amenés à vous prononcer sur un texte décisif, dont nous pouvons être fiers. Décisif, ce texte l’est pour améliorer encore les soins sans consentement. Il l’est également pour répondre, enfin, aux attentes des malades, de leur famille et des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat portant sur les soins sans consentement, le groupe communiste républicain et citoyen maintiendra la position qui était la sienne en première lecture, ainsi que l’a confirmé notre collègue Annie David lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous émettrons donc un vote favorable, mais avec réserves, réserves considérablement accrues à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

En effet, l’adoption d’amendements sur l’initiative de M. Robiliard permet de revenir sur la rédaction élaborée par le Sénat, réduisant de fait les avancées que la Haute Assemblée avait obtenues, sous l’égide de notre rapporteur, Jacky Le Menn, que je souhaite une nouvelle fois remercier.

Ainsi, je regrette qu’à l’article 1er, qui concerne les soins ambulatoires sans consentement, dont nous demandions la suppression, un amendement ait réintroduit l’idée que les programmes de soins soient définis dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Si les programmes de soins ont une vocation thérapeutique, alors un décret est inutile, sauf à considérer que, demain, tous les protocoles de soins devront être, pour toutes les maladies et tous les traitements somatiques, définis par décret.

Cet ajout nous conforte dans notre idée selon laquelle les programmes de soins sont d’abord et avant tout des mesures de contrainte. Ils constituent l’extension de la contrainte au domicile du patient, ainsi qu’un transfert de responsabilité des équipes médicales aux familles qui, par définition, ne sont pas formées. Ils instituent surtout la limitation des programmes de soins à des traitements médicamenteux, puisque seuls ces derniers peuvent être définis par protocole, tout comme le seront certainement les conditions dans lesquelles le non-respect du programme entrainera la ré-hospitalisation de la personne atteinte de troubles mentaux.

De la même manière, il me semble que la rédaction de l’article 4 issue des travaux de la CMP, qui réintroduit le principe d’une double expertise, pour la procédure de mainlevée d’une mesure de soins sans consentement, durcit inutilement la procédure.

Nous ne voulons pas y voir une réaction émotionnelle au crime commis il y a quelques jours par un patient de nationalité belge à l’occasion d’une sortie d’essai. Nous sommes cependant contraints d’observer une certaine concomitance entre cet événement et cette nouvelle rédaction. C’était le propre de l’ancien gouvernement que de réagir sous le coup de l’émotion… Le discours d’Anthony qui a précédé l’adoption de la loi du 5 juillet 2011 est le symbole de ce qu’il ne faut plus reproduire en la matière. La position retenue par le Sénat nous paraissait plus sage et plus à même de respecter les garanties individuelles.

En outre, bien que nous nous réjouissions de la confirmation de la suppression de la vidéo-audience, le groupe CRC est plus que réservé sur la rédaction de l’alinéa 4 de l’article 6 de ce texte, telle qu’elle est issue des travaux de la CMP, car elle réintroduit la possibilité de mutualiser certaines salles d’audience. Si nous n’ignorons pas les contraintes économiques et financières qui pèsent sur le ministère de la justice, nous ne pouvons admettre que ces dernières puissent avoir des conséquences directes sur les patients.

C’est cette même volonté de veiller au respect du droit commun et de réduire autant que possible le champ des régimes dérogatoires aux seuls cas où celui-ci est plus protecteur pour les personnes atteintes de troubles mentaux qui nous conduit à regretter que la CMP ait, sur l’initiative de M. Robiliard, réintroduit la disposition qui autorise un psychiatre à se prononcer sur la poursuite des soins, en l’occurrence l’hospitalisation sans consentement, sur la base du seul dossier médical, sans examiner le patient.

L’exemple avancé par Mme la ministre Marisol Touraine comme par notre collègue M. Robiliard pour justifier cette disposition mérite toute notre attention. Toutefois, il nous semble que si un patient fugue alors qu’une mesure privative de liberté a été prononcée à son encontre, le psychiatre n’a pas besoin de se prononcer sur le maintien en hospitalisation. La mesure continue en effet à courir. Il appartient aux autorités compétentes de rechercher le patient et de le conduire de nouveau dans l’établissement où il est accueilli, de sorte que, à son retour, les équipes médicales puissent, comme s’il n’avait pas fugué, statuer sur la nécessité ou non de prolonger les soins.

Nous aurions même pu imaginer une rédaction qui fasse explicitement référence au cas où le patient se serait soustrait à son obligation de soins sans consentement.

En l’absence d’une telle précision, à moins que celle-ci n’intervienne par décret, nous sommes fondés à penser que, dans tous les cas, les psychiatres pourraient se prononcer sur la seule base du dossier médical. Cela ne peut évidemment pas nous satisfaire, étant donné que la nature médicale de la mesure privative de liberté doit justifier une procédure également médicale, à laquelle nous souhaitons que soient faites le moins possible de dérogations.

Toutefois, bien que le groupe CRC ne soit pas pleinement satisfait de la rédaction de l’article 8, il nous semble que la réintroduction du juge des libertés dans le cas où le préfet déciderait contre l’avis du collège d’experts de maintenir ou de transformer des soins va dans le sens d’un renforcement du droit des patients.

Cette rédaction, bien qu’elle soit moins ambitieuse que celle que nous proposions – faut-il le préciser ? –, tend tout de même à renforcer le champ d’intervention du juge des libertés et de la détention.

Je tiens toutefois à rappeler notre opposition à la disposition prévoyant qu’il appartient au préfet de demander l’expertise de deux psychiatres extérieurs. La rédaction actuelle laisse d’ailleurs penser qu’en cas d’impossibilité pour les psychiatres de rendre leur avis, le préfet pourrait décider seul de lever ou non la mesure d’hospitalisation. Le préfet, qui – je tiens à le rappeler – ne constitue pas une autorité indépendante, ne peut par conséquent pas décider du maintien d’une mesure privative de liberté.

En séance publique, notre amendement avait été écarté au motif que la question de l’articulation entre préfet et juge des libertés ne pouvait être tranchée par le biais d’un simple amendement. Force est de constater que le sujet demeure, même si nous avons été partiellement entendus en CMP.

Malgré le durcissement du texte, le groupe CRC, qui ne souhaite pas mettre en difficulté au regard de la décision du Conseil constitutionnel les patients admis en soins sans consentement ni les équipes médicales, votera ce texte, convaincu qu’il faudra nécessairement le parfaire prochainement, dans le cadre de la loi de santé publique que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de le souligner lors de la discussion générale de ce texte la semaine dernière, je suis heureuse que cette proposition de loi me conforte dans les convictions que j’avais exprimées à l’occasion de l’examen de la loi du 5 juillet 2011 : on ne peut pas imposer de soins sans consentement en ambulatoire, car ces deux concepts sont totalement antinomiques.

À ce stade du parcours législatif du présent texte, je souhaite évoquer quelques points particuliers. Je pense que le délai de douze jours pour l’intervention du juge va dans le sens d’un plus grand respect de la liberté individuelle, mais je m’inquiète, d’une part, de la surcharge de travail pour les juges de la liberté et de la détention, et, d’autre part, d’un risque – léger, je le concède – pour le malade.

En effet, dans la situation précédente, de nombreux malades pouvaient avoir quitté les soins sans consentement dans un délai inférieur à quinze jours. Cela leur évitait de rencontrer le juge, mais ils étaient libres. Les médecins ne seront-ils pas tentés, dans le souci de simplifier les procédures, de prendre des dispositions dans un délai plus court, au risque de rendre à la liberté des malades qui ne sont pas tout à fait prêts à en profiter ?

Je me félicite en revanche de ce que nous ayons pu supprimer la visioconférence qui, pour des malades en crise, pouvait être très préjudiciable. Je me réjouis aussi que nous ayons pu trouver un équilibre entre la nécessité de tenir des audiences dans une pièce dédiée au sein d’un hôpital et la possibilité de regrouper celles-ci dans un seul établissement quand cela se révèle plus commode ou plus efficace.

Je ne vous cache pas que la modification du statut des unités pour malades difficiles, ou UMD, et surtout la présence dans ces dernières de malades pénalement irresponsables m’a inquiétée. Après examen du texte et des modifications qui lui ont été apportées en CMP, je suis plutôt rassurée.

En effet, la mise en place d’un véritable protocole est nécessaire pour qu’un malade pénalement irresponsable puisse quitter l’unité pour malades difficiles. Après l’avis du psychiatre traitant et celui du collège compétent, il doit aussi être examiné par deux autres psychiatres indépendants. À la suite de tous ces avis, si le préfet refuse cette sortie, le directeur d’établissement peut saisir le juge.

Au vu de ces précautions, le risque, qui est un objet d’inquiétude pour nos concitoyens, de laisser sortir quelqu’un de potentiellement dangereux pour lui-même, pour sa famille ou pour la société, me paraît extrêmement réduit.

Il est à noter d’ailleurs que les dramatiques assassinats à l’origine de la loi de 2011 n’avaient pas été commis par des personnes déclarées pénalement irresponsables, mais par des malades soignés dans des services traditionnels et ayant, le plus souvent, abandonné leur traitement. En matière psychiatrique, il n’y a pas de risque nul, mais le risque me semble ici encadré au maximum.

L’ensemble de ces remarques me conduit à affirmer que ce texte rénové semble aller dans le bon sens. Toutefois, madame la ministre, il ne règle pas pour autant toutes les questions posées par la santé mentale et par la nécessaire évolution de la prise en charge et du suivi des malades. Il ne répond pas non plus de manière satisfaisante à la grande inquiétude des familles confrontées à des malades en crise violente et dangereuse. Nous appelons tous de nos vœux une loi complète sur la santé mentale et j’aimerais connaître le calendrier que vous envisagez pour présenter cette loi au Sénat.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. François Trucy applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je serai bref, l’essentiel ayant été dit, en particulier par le rapporteur, M. Jacky Le Menn, et plus généralement par les uns et par les autres lors de la discussion en première lecture.

Cette proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques est d’abord une réponse à la censure du Conseil constitutionnel de la loi de 2011, laquelle avait été proposée et votée sous le coup de l’émotion, à la suite du décès d’un jeune étudiant à Grenoble. En effet, celui-ci avait été poignardé par un malade issu de l’hôpital psychiatrique de l’Isère.

Nous ne nous sommes toutefois pas contentés de répondre à la sanction du Conseil constitutionnel puisque cette proposition de loi améliore celle de 2011. Elle revient sur les sorties d’essai, les déplacements du juge dans les établissements d’accord et surtout améliore les conditions pour les soins sans consentement.

La discussion de cette proposition de loi n’était pas facile, parce que nous sommes à la limite du médical, de la sécurité et du judiciaire. Je voudrais tout simplement dire que le groupe socialiste votera cette proposition de loi issue de la commission mixte paritaire qui, comme l’a dit le rapporteur, s’est déroulée dans de très bonnes conditions.

Je voudrais également saluer la forte implication de Mme la présidente de la commission, et surtout de notre rapporteur et de ses collaborateurs, qui ont dû, en quelques jours, réagir très rapidement afin de préparer le rapport et des propositions. Ils doivent être tous félicités.

Le groupe socialiste votera donc cette proposition de loi, mais en la considérant comme l’amorce d’une loi plus large sur la santé publique et sur les soins psychiatriques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention portera, d’une part, sur les méthodes, et, d’autre part, sur les mesures de cette proposition de loi, particulièrement sur l’une d’entre elles qui conduira le groupe UMP à voter contre ce texte.

Lorsque le Gouvernement a modifié le décret de la session extraordinaire, le 30 août 2013, pour ajouter à l’ordre du jour l’examen de cette proposition de loi, la commission des affaires sociales du Sénat n’avait pas encore désigné de rapporteur. Notre commission des affaires sociales s’est réunie mercredi 11 septembre dernier, et la séance publique s’est tenue le vendredi 13 septembre. La CMP a été convoquée mardi dernier, et nous voilà, quarante-huit heures après, réunis pour la lecture de ses conclusions.

Ce texte a donc été débattu dans des délais très contraints, alors qu’il traite d’un sujet particulièrement difficile et complexe. En effet, cette proposition de loi est d’une importance capitale, comme les intervenants qui se sont exprimés avant moi l’ont rappelé, car les soins psychiatriques sans consentement s’articulent autour de trois exigences : soigner les malades, garantir la sécurité des citoyens face à des comportements potentiellement dangereux et protéger les droits et libertés fondamentaux des patients hospitalisés sous contrainte.

Mes chers collègues, nous pouvons nous rejoindre sur certaines dispositions de ce texte.

Je pense à la réduction à douze jours du délai dont disposera le juge des libertés et de la détention pour exercer son contrôle sur les mesures d’hospitalisation, contre quinze jours prévus dans la loi du 5 juillet 2011.

Je pense aussi à la possibilité pour les personnes de faire des sorties de courte durée – quarante-huit heures – non accompagnées, alors que la loi de 2011 ne prévoyait que des sorties de douze heures maximum. Dans son rapport d’information, notre collègue Guy Lefrand a constaté que ces sorties non programmées et exceptionnelles peuvent être utiles dans un traitement psychiatrique.

Nous regrettons en revanche la suppression de la précision insérée, à l’article 3, sur l’initiative de notre rapporteur. En raison de la fin du statut légal des unités pour malades difficiles qui est prévue à l’article 9, il nous paraissait nécessaire de préciser dans la loi que le degré de contrainte renforcée dans ces unités est fondé sur la nécessité de la prise en charge thérapeutique des malades qui y sont placés.

En revanche, la suppression pure et simple de la possibilité de recours à la visioconférence ne nous satisfait pas. Le Sénat avait, en 2011, encadré le recours à la visioconférence en prévoyant, d’une part, l’aménagement spécifique de la salle d’audience, et, d’autre part, un avis médical attestant que l’état mental du patient n’y faisait pas obstacle.

Enfin, notre vote négatif sur ce texte a été motivé par le retrait d’une base législative aux unités pour malades difficiles. En effet, il nous semble difficilement compréhensible, en termes de hiérarchie des normes, que des dispositions réglementaires sur les unités pour malades difficiles soient dépourvues de base légale, ce qui est le cas actuellement.

Vous aurez donc compris, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que notre vote n’a pas changé depuis la première lecture.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi qui vise à redéfinir les droits et la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, après les excès sécuritaires de la loi du 5 juillet 2011.

Comme je l’ai rappelé en première lecture, il s’agissait d’une loi d’affichage, qui flattait l’opinion publique dans ses peurs plus qu’elle ne s’intéressait à la santé et à la prise en charge des malades.

Le texte que nous allons voter aujourd’hui rappelle la décision du Conseil constitutionnel, à savoir que le législateur est le seul à pouvoir encadrer la mise en œuvre du régime des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sous contrainte, car priver une personne de sa liberté est une décision lourde de conséquences, qui ne peut être arbitraire.

Madame la ministre, nous avons déjà déploré les conditions d’examen de ce texte. Encore une fois, je confirme mon désaccord sur l’obligation de l’examiner dans des délais réduits, qui a été imposée sans notre consentement.

Je me réjouis toutefois du contenu de la loi, qui permet plusieurs avancées : réintroduction de la possibilité de sorties de courte durée, adaptation des audiences aux personnes souffrant de troubles mentaux, ouverture des UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées – aux détenus consentants et suppression de la visioconférence pour l’audience avec le juge des libertés et de la détention sont autant de mesures de justice dont nous nous félicitons.

Je rappelle aussi la disposition introduite par mes collègues députés écologistes tendant à autoriser les parlementaires à visiter les établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement.

La plupart de ces dispositions ont été maintenues par la commission mixte paritaire, ce qui n’était pas acquis. Je tiens donc à saluer le travail du rapporteur, Jacky Le Menn, qui a introduit de nombreuses dispositions au sein de ce texte en première lecture, et qui a bataillé pour les conserver lors de la CMP. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

En conclusion, le groupe écologiste votera pour cette proposition de loi, qui met fin aux effets les plus négatifs de la loi de 2011 et permet d’améliorer sensiblement la condition des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)