M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la ministre, votre présentation correspond peut-être aux souhaits de la commission des lois, mais certainement pas au texte initial, qui était un monstre technocratique. Je vous renvoie aux dispositions sur les chambres régionales des comptes…

Je ne sais pas qui avait imaginé un tel système ; il ne s’agissait rien de moins que de mettre tout le monde sous tutelle, ce qui est tout de même un peu curieux dans une République décentralisée !

J’ai toutefois un souci, cher Jacques Mézard. Le texte que nous avions fini par adopter en première lecture revenait plus ou moins à ce qui nous est proposé. Et une instance de concertation peut se révéler utile, sous réserve évidemment qu’il y ait de la souplesse.

Mais, comme notre collègue Jacques Mézard le rappelle à juste titre, la « réunionite aiguë », c’est épouvantable pour les élus ! (Approbations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Nous sommes en permanence convoqués à des réunions totalement dépourvues d’intérêt – d’ailleurs, tout le monde s’ennuie –, avec une ribambelle de fonctionnaires qui n’ont d’ailleurs rien à faire… On affiche en permanence l’intention de supprimer des commissions départementales ou d’autres instances et, dans les faits, on en crée de nouvelles !

Certes, par rapport à l’Assemblée nationale, qui a modifié et resserré le dispositif, il me semblerait plus sage que le Sénat adopte une position favorable à la conférence territoriale, mais sans aller au-delà de ce que propose M. le rapporteur, c’est-à-dire une version « allégée » ; je préfère utiliser des termes français.

Personnellement, je pourrais être tenté de voter l’amendement de notre collègue, ne serait-ce que pour nous permettre d’aller nous coucher plut tôt. Et encore : peut-être que, dans cette hypothèse, nous examinerions quand même d’autres dispositions pendant l’heure qui vient. Mais l’adoption de cet amendement présenterait l’avantage de faire tomber tous les autres amendements portant sur l’article et d’éviter les prises de parole multiples et variées sur un sujet aussi passionnant…

Cela dit, je pense que le Sénat sera plus fort s’il parvient à adopter un texte – cela peut également valoir pour d’autres sujets – susceptible de faire consensus.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Je n’avais pas prévu de m’exprimer, mais je ne peux pas faire autrement compte tenu de l’intervention de M. le rapporteur.

À mon sens, la conférence territoriale offre une nouvelle illustration de votre refus de faire des choix et de dire clairement qui fait quoi. Ce qui aurait dû être tranché par la loi ne l’ayant pas été, vous espérez que cela se réglera localement.

Mais, convenez-en, le simple fait de poser le principe selon lequel la conférence territoriale sera présidée par le président de région est un signe fort d’affaiblissement des départements. Il vient s’ajouter à tous ceux que nous avons déjà évoqués.

Je reviens quelques instants sur la clause de compétence générale. Il faut choisir : soit nous considérons qu’il y a un échelon de trop, soit nous précisons les compétences des chacun. Mais nous ne pouvons dire que chaque échelon est compétent sur tout.

Certes, il y a eu une avancée en première lecture au Sénat. L’amendement que j’avais alors déposé sur cette conférence, improprement dite « territoriale » – c’était plutôt une conférence démographique –, avait été adoptée. L’Assemblée nationale est restée en retrait, mais la philosophie retenue pour la composition de la conférence va plutôt dans le bon sens.

Madame la ministre, vous présentez la conférence territoriale comme une instance de dialogue. Mais est-ce à la loi de définir en tout domaine de telles instances ?

M. le rapporteur évoquait de manière subliminale le cas de la Bretagne, ma région. Or M. Le Drian et Mme Lebranchu n’ont pas attendu l’adoption d’un texte de loi, fût-il amendé par le Sénat, pour mettre en place une telle conférence territoriale.

Je m’interroge véritablement sur le sens d’un tel dispositif législatif, alors que nous ne nous donnons pas les moyens de répondre à la question de fond, celle des compétences. Et nous bricolons, d’abord avec le Haut conseil des territoires – d’ailleurs, nous avons vu quel sort lui a été réservé –, puis avec la conférence territoriale.

J’ai été sensible aux propos de M. le rapporteur, qui nous a indiqué à l’instant avoir pris grand soin de vider de toute substance la conférence territoriale. (M. le rapporteur le conteste.) Monsieur le rapporteur, vous venez dire qu’il fallait éviter de donner trop de pouvoirs à un tel organe et que la version retenue constituait un moindre mal. Et il peut effectivement être souhaitable de chercher un consensus, même si je vous invite à un petit effort supplémentaire.

J’aimerais vous faire part de la réflexion plus personnelle d’un praticien de la conférence territoriale bretonne. Entre le centralisme d’État et le centralisme régional, qu’est-ce qui limite le plus les libertés locales ? Probablement le centralisme régional.

M. Dominique de Legge. Au moins, le centralisme d’État, parce qu’il est un peu plus éloigné, nous permet, certes de temps à autres seulement, d’exprimer notre compétence.

Si vous acceptez de revenir clairement sur l’attribution de droit de la présidence de la conférence au président du conseil régional, votre texte pourra m’apparaître comme un moindre mal. En revanche, si cette présidence est d’emblée préemptée, la conférence territoriale sera un lieu non pas de dialogue, mais d’encadrement des libertés communales et départementales.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. MM. de Legge et Mézard ont tout dit.

Comme cela a fort bien été souligné, si la conférence territoriale est devenue nécessaire, c’est parce que les décisions qui auraient dû être prises ne l’ont pas été.

Simplement, cela laisse entendre que nous faisons tout et n’importe quoi dans nos territoires. Or c’est faux ; on noircit le tableau. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de conférence territoriale formelle que les élus locaux ne se concertent pas. Le téléphone existe ; les réunions informelles aussi. D’ailleurs, quand on est dos au mur, par exemple parce qu’on manque d’argent, il faut bien dialoguer ; le manque d’argent règle bien des problèmes !

Selon le texte proposé pour l’article 4, la conférence « débat et rend des avis sur tous les sujets relatifs à l’exercice des compétences et les politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences ». Or, comme je viens de l’indiquer, la « coordination » s’effectue déjà en pratique. Et que signifie la référence à une « délégation de compétences » ? Une collectivité donnant délégation à une autre, ayant sans doute plus d’argent, pour assumer ses propres compétences, cela n’existe pas !

Il est également indiqué que la conférence « peut débattre de tout sujet présentant un intérêt local ». Autant dire que ce sera le café du commerce ; on pourra y discuter de tout.

Je souscris aux propos de M. de Legge sur l’attribution de la présidence de la conférence au président du conseil régional. Comme j’ai déjà eu l’occasion de la dire à qui de droit, une telle option n’est pas admissible.

Ici, nous sommes tous des élus. Et, sauf à avoir une idée précise de l’utilité des conférences, je ne vois pas ce qui justifie le fait de confier la présidence au président de région. Peut-être est-ce lié à la tutelle du préfet de région. Car, il faut bien le dire, les régions ne savent rien faire si elles ne sont pas appuyées, voire cornaquées par l’État. Quand j’étais conseiller régional, le président de région ne nous parlait que du préfet de région.

Pour ma part, je n’évoque jamais le préfet de mon département. Je n’en ai pas besoin. J’ai une vie autonome. En revanche, le président de conseil régional est toujours en lutte avec le préfet de région. Cela prouve bien que le second cornaque le premier.

Ainsi que je l’ai déjà indiqué, il ne me semble pas admissible que la conférence territoriale soit présidée de droit par le président du conseil régional. Je voterai donc l’amendement de notre collègue Jacques Mézard.

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.

M. Louis Nègre. La conférence territoriale est nécessaire dès lors que l’on accorde la clause de compétence générale à tout le monde.

En effet, si chaque collectivité dispose d’une compétence générale, il faut bien un lieu pour que les élus puissent se retrouver et débattre de « tous les sujets relatifs à l’exercice des compétences » partagées.

J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur : la conférence territoriale vise à permettre le dialogue. Dont acte. Mais le texte prévoit également qu’elle « rend des avis ». Cela signifie qu’il y aura des votes.

Or je vous rappelle que la conférence est présidée par le président du conseil régional, ce qui est d’ailleurs discutable. Pourquoi ne serait-elle pas présidée par l’un des membres, élu par ses pairs ? Que se passera-t-il une fois que l’avis aura été rendu ? Comment un avis voté à la majorité pourra-t-il s’appliquer si certains s’y opposent ?

À mon avis, la création d’une conférence territoriale est une bonne idée. Mais il existe tout de même un risque qu’un tel organe se conduise de manière quelque peu directive. Voilà ce qui suscite des inquiétudes sur plusieurs travées.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Je n’avais pas prévu d’intervenir. Nous en sommes seulement au quatrième article d’un projet de loi qui en compte une soixantaine. Mais nous sommes déjà obligés de constater que le niveau de complexité introduite dans le texte impose la création d’instances de coordination, en l’occurrence les conférences territoriales de l’action publique.

Je vous laisse imaginer ce qu’il en sera lorsque nous serons parvenus à l’examen du dernier amendement, auquel on a d’ailleurs attribué le numéro un. Cet amendement, que j’ai déposé, vise à modifier l’intitulé du projet de loi en remplacer le mot : « modernisation », à propos de l’action publique territoriale, par le mot : « complexification ». Cela correspond plus à la réalité du texte. (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Voilà où nous en sommes. Dès l’article 4, il faut trouver un organe de coordination. Cela résume le fond du texte. Tout le monde y trouve son compte. Tout le monde trouve aussi matière à contester. Le texte manque de structure. On a voulu réunir des dispositions extrêmement disparates, et nous en voyons le résultat.

C’est sans doute un moindre mal si l’on veut que le dispositif se mette en route. Mais il est certain que l’on est en train d’augmenter sérieusement les charges de fonctionnement des collectivités territoriales alors que leurs moyens se réduisent. Les élus locaux devront de plus en plus être des professionnels. Ils passeront leur temps en réunion.

Le contenu du texte m’inquiète. Je ne voterai pas contre la création de ces conférences – je pense que c’est un moindre mal –, mais je ne voterai pas non plus pour. Je m’abstiendrai.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. À ce stade, je voudrais faire deux remarques.

Premièrement, il y a des éléments très stéréotypés dans le débat. Je suis frappé que l’idée même qu’une instance à caractère régional soit présidée par le président du conseil régional suscite des réactions d’une telle vivacité. Le président du conseil régional n’est pas l’ennemi des départements. Je ne comprends pas que l’on puisse trouver « inacceptable » que la conférence territoriale soit présidée par le président du conseil régional, d’autant qu’il s’agit simplement d’un lieu de dialogue.

Comme vous tous, j’ai reçu des tombereaux d’amendements venant des départements et des régions, et l’on me demandait de les signer ; je n’en ai d'ailleurs signé aucun. Je ne suis pas l’ennemi des départements, ni des régions. Depuis tout à l'heure, le débat se clive. On voit des signatures en rafale. J’aimerais bien que, de temps en temps, quelqu'un qui exerce une fonction départementale soutienne la région, et vice versa. Je le répète, je trouve qu’il y a quelque chose de stéréotypé dans le débat. Après tout, nous sommes là pour trouver de bons équilibres. Je ne me sens pas en situation de défendre un niveau plutôt qu’un autre.

Deuxièmement, je me suis clairement exprimé au sujet de la conférence territoriale, et je partage l’opinion de Jacques Mézard. Je partage également celle de Jean-Jacques Hyest : la première version – il était alors prévu que la conférence territoriale constituerait – une nouvelle instance de décision était vraiment inacceptable.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je crois profondément qu’il n’y a pas lieu d’instaurer un nouveau conseil, avec des capacités exécutives. S’il y a lieu de dialoguer, de trouver des complémentarités, cela peut tout à fait s’effectuer de manière libre dans nos régions. Les collectivités ont l’habitude de travailler ensemble. Dans certaines régions – on n’a eu de cesse de le dire –, il existe déjà des instances de concertation.

Après réflexion, je m’abstiendrai sur cet amendement, pour des raisons qui raisons rejoignent celles de MM. Détraigne et Hyest. Notre rapporteur, René Vandierendonck, a réalisé un très gros travail pour changer complètement la philosophie de la conférence territoriale par rapport à la première lecture.

Madame la ministre, je ne suis pas d'accord avec votre vision de l’unité de la République. L’unité de la République va de pair avec les libertés locales. Chacun exerce ses compétences et, lorsqu’il y a partage ou complémentarité, on trouve des lieux pour dialoguer. Cela se fait naturellement.

Notre rapporteur a effectué un très gros travail pour que ce qui était coercitif, dirimant, directif ou exécutif devienne totalement souple. Il est écrit que la conférence territoriale de l’action publique « débat et rend des avis », et qu’elle « peut débattre de tout sujet présentant un intérêt local ». Je ne sais pas si tout cela revêt une très grande force législative… On lit aussi que la conférence territoriale « organise librement ses travaux ».

Notre rapporteur a cherché à présenter un système totalement différent, consistant à formaliser quelque peu la concertation souple qui existe déjà, dans le respect des libertés locales. C'est pourquoi je m’abstiens. Je ne veux pas désavouer le précieux travail qui a été accompli.

Je terminerai en évoquant la commission mixte paritaire, que je conserve toujours à l’esprit. Ce sera un moment important.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faudra que nous travaillions beaucoup avec nos collègues et amis députés. Comme dans toute commission mixte paritaire, il y aura des compromis à trouver. À mon sens, si le texte était adopté par la commission mixte paritaire dans la rédaction proposée René Vandierendonck, ce ne serait pas un moindre mal – en tout cas, je ne dirais pas cela – ; ce serait tout à fait acceptable.

M. Bruno Sido. Alors il ne faut pas s’abstenir !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Peut-être est-il plus habile d’avoir un texte à débattre que de ne pas en avoir. Mais cela se discute, je le reconnais.

S’il sortait de la commission mixte paritaire un texte proche du texte de la première lecture, nous aurions beaucoup de mal à l’accepter, car le travail du Sénat, qui s’est traduit par un vote du projet de loi par 182 voix contre 38 – je respecte les unes comme les autres –, avait pour fondement l’accord profond existant entre nous sur le début du texte et sur le respect des libertés locales.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. À la réflexion, je suis, comme d’autres, très perplexe quant à l’opportunité de créer cette conférence territoriale de l’action publique.

Avant d’expliquer les raisons de ma perplexité, je tiens à rendre hommage au travail de la commission des lois, dont je fais partie – charité bien ordonnée commence par soi-même –, et surtout à celui de son rapporteur. Le texte actuel est l’aboutissement d’un travail et d’une réflexion auxquels il faut rendre hommage.

Cependant, je me demande s’il est utile de créer une conférence de ce type.

Premièrement, je ne suis pas certain que la création de la conférence territoriale serait bien comprise par les différentes collectivités locales que nous sommes amenés à représenter au sein de la Haute Assemblée. Je rappelle que toutes les strates de collectivités participeront à la conférence territoriale. Qu’on le veuille ou non, c’est un organe de gouvernance supplémentaire qui sera instauré dans le paysage institutionnel français, au moment même où nous sommes tous en recherche de simplification.

Je ne suis pas sûr qu’une telle démarche soit bien comprise. J’ai eu récemment l’occasion de présenter l’actualité législative relative aux collectivités territoriales devant l’association des maires du Bas-Rhin. Je ne suis pas certain qu’une majorité de maires ait compris l’opportunité de certains aspects du texte que nous sommes en train d’examiner. J’ai notamment entendu la formule « usine à gaz ». C’est le contraire que nous recherchons.

Deuxièmement, le Gouvernement a ressenti l’utilité de désigner des chefs de file pour compenser le rétablissement de la clause de compétence générale, dont on a beaucoup parlé. Or qu’est-ce qu’un chef de file, sinon quelqu'un qui est chargé de coordonner l’action des différentes collectivités dans un ou plusieurs domaines de compétence ? Dès lors, pourquoi créer en plus une conférence territoriale de l’action publique dont la fonction sera de coordonner les différents niveaux de collectivités et leurs groupements ? Cela me paraît redondant. Mais peut-être n’ai-je pas tout compris.

Troisièmement, j’aimerais vous faire part d’un exemple tiré de mon expérience alsacienne. Selon l’alinéa 4 de l’article 4, la conférence territoriale « débat de toute question relative à la coordination des relations transfrontalières avec les collectivités territoriales étrangères situées dans le voisinage de la région ». Or, à l’heure actuelle, en Alsace, pas moins de trois organismes s’occupent d’ores et déjà de la coordination de la coopération transfrontalière avec les collectivités territoriales de l’autre côté du Rhin : la Conférence du Rhin supérieur, dont on vient de fêter le trentième anniversaire ; le Conseil rhénan, qui existe depuis dix-huit ans ; la Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur, depuis quatre ans. De surcroît, cette dernière a quatre piliers : économique, social, société civile et science.

Toutes ces structures ont une fonction de coordination. Et, là, vous voudriez que je vote pour la création d’un quatrième organisme !

Mais la situation est déjà suffisamment compliquée. Lorsque nous sommes au Conseil rhénan ou à la Conférence du Rhin supérieur, il y a plusieurs personnalités chargées d’intervenir : le préfet, voire les deux préfets de département, le président du conseil régional, les présidents de conseil général, les représentants des intercommunalités. Dans ces conditions, je me demande ce que va apporter de plus cette conférence territoriale de l’action publique.

Vous l’aurez compris, j’essaie de me raccrocher aux branches, mais j’ai du mal à lui trouver une utilité et à voir ce qu’elle peut apporter de plus par rapport aux chefs de file, qui existent déjà, mais aussi tout simplement, comme Bruno Sido l’a dit, par rapport à toutes les négociations qui ont déjà lieu entre les collectivités locales, sans obligation quelconque. Les collectivités discutent déjà. Et cela marche, même si l’on peut toujours faire mieux.

Madame la ministre, dans un paysage institutionnel à ce point compliqué, laissez-nous un peu de liberté !

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Je suis élu dans une région où les conférences territoriales ont été expérimentées.

Nous sommes nombreux à nous réunir autour d’une grande table, avec le préfet de région, le président de région, les présidents d’agglomération, les présidents de conseils généraux. Je dois avouer que je n’ai jamais eu la sensation d’avoir une quelconque utilité dans ce type d’opération, ni d’en revenir avec des résultats extrêmement positifs.

En revanche, lorsque je travaille avec le président du conseil régional, lorsque je négocie des conventions de partenariat sur un certain nombre de sujets importants, j’ai véritablement le sentiment que nous faisons œuvre utile.

Je le répète, ces grandes assemblées où l’on se retrouve à quatre-vingts autour d’une table, en compagnie des directeurs généraux de service, permettent de passer un bon moment avec les copains, mais il n’en ressort pas grand-chose, en dehors de grands discours du préfet, du président de région et de quelques autres. S’il faut en passer par là, soit !

Néanmoins, pour ma part, je m’abstiendrai sur cet amendement pour les raisons que je viens d’évoquer. À mon sens, il existe des lieux où l’on peut être beaucoup plus efficace, et je choisis toujours l’efficacité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Moi aussi, j’essaie de choisir l’efficacité !

Mes chers collègues, nous avons voté une version allégée, élaguée même, en première lecture.

Il nous revient de l’Assemblée nationale un dispositif inadmissible, que j’ai profondément modifié, y compris dans son volet « sanction et curatelle des incapables majeurs ». Vous me donnerez crédit de l’avoir fait !

M. René Vandierendonck, rapporteur. En revanche, si nous voulons négocier, il faut aussi montrer à l’Assemblée nationale qu’il y a des modifications que nous pouvons concevoir, même si nous ne les aurions pas unilatéralement proposées. C’est le cas de la présidence et, globalement, d’une meilleure représentation de certaines strates.

Je vous le dis tout net, l’efficacité, aujourd’hui, c’est que nous nous mettions d’accord le plus largement possible sur cette version pour parvenir à un dispositif souple, même s’il est peut-être un peu plus rigide que ce que nous aurions souhaité. Je n’ai pas caché, puisque je l’ai même écrit dans le rapport de première lecture, que l’exemple des conférences des exécutifs a guidé ma démarche.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. À mon sens, cette conférence régionale est un pis-aller qui couronne une série de renoncements.

Je reconnais que M. le rapporteur a fait un excellent travail. Il nous déclare présenter un dispositif light ; c’est la vérité. Mais, mes chers collègues, devons-nous aller dans ce sens ? En effet, si j’ai bien compris M. Vandierendonck, l’Assemblée nationale repartira sur les mêmes bases après la commission mixte paritaire.

Je m’adresse au Gouvernement. Nous avons considéré le texte initial comme inacceptable, et la commission l’a profondément modifié. Le Sénat s’est donc mis d’accord très majoritairement en première lecture sur un dispositif light. Puis, l’Assemblée nationale a rétabli le texte initial « musclé ». Madame la ministre, si nous devons recommencer ce soir à travailler afin de trouver une solution light uniquement pour que l’on nous ressorte l’autre version en commission mixte paritaire…

Nous devons donc savoir quelle est la véritable volonté du Gouvernement. S’il soutient le dispositif coercitif, nous aurions tort de ne pas voter l’amendement de suppression que je propose.

Cet article vise à nous obliger à dialoguer dans les conférences territoriales. Mais cela n’a pas de sens ! Aujourd’hui, dans les faits, le dialogue existe. Personnellement, je suis président d’une agglomération en Auvergne. Sur le très haut débit, la région a pris l’initiative, en réunissant les quatre départements, les six communautés d’agglomération, et nous avons travaillé ensemble sans aucune difficulté. Nous n’avons pas demandé à l’État ce que nous devions faire. Ces concertations marchent, et pas seulement en Auvergne.

S’il s’agit d’organiser des réunions avec des dizaines de personnes, où tout le monde, et c’est logique, voudra être – certains amendements tendent même à augmenter encore le nombre de participants –, cela n’a strictement aucun sens.

Par ailleurs, je lis dans le texte que cette conférence doit se prononcer « sur tous les sujets relatifs à l’exercice des compétences et les politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences » à un autre échelon local.

Mais si elle se prononce, c’est dans un sens précis. Quid alors de ceux qui se seront prononcés dans un autre sens ? Doit-on, comme envisagé dans le texte initial ou dans celui de l’Assemblée nationale, les priver de subventions ? Je le répète, tout cela n’est pas cohérent ! Au demeurant, un tel dispositif, qui est particulièrement compliqué, ne peut pas réellement fonctionner, si ce n’est à l’encontre de la Constitution en consacrant la tutelle d’une collectivité sur une autre. Personnellement, je n’en serais pas choqué outre mesure. Mais c’est tout de même un signe !

Madame la ministre, nous devons savoir quelle est la véritable volonté du Gouvernement. Si, après ce que nous faisons ce soir, l’Assemblée nationale rétablit le dispositif complexe, véritable « usine à gaz » contraignante, ce n’est pas raisonnable.

Et si vous penchez pour un dispositif light, finalement, à quoi va-t-il servir ?

Il me semble que nous sommes en train de construire quelque chose qui n’est pas bon pour le travail des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. J’étais tenté de suivre notre collègue Jacques Mézard pour gagner du temps.

Mais, puisque nous avons passé une bonne heure à discuter dans l’abstrait de ce que nous pourrions faire sur un texte d’attente, je me dis que ce n’était pas une bonne idée.

De toute façon, le débat aura lieu avant l’adoption définitive du texte. En effet, le Gouvernement souhaite qu’il y ait une disposition sur ce point. Il nous reste donc à souhaiter qu’il fasse preuve d’esprit de conciliation. Cette persévérance dans les idées qu’on a proposées au début d’un débat fait partie du jeu politique. Nous sommes tous passés par là. Il est difficile de se défaire complètement de certaines pratiques. Par ailleurs, il y a pression en ce sens de l’Assemblée nationale.

De deux choses l’une : soit la commission mixte paritaire échoue, les différences étant trop importantes, auquel cas, nous sommes libres de voter tout ce qui nous paraît souhaitable au Sénat et ensuite, cela vire au jeu de hasard ; soit, en cas de commission mixte paritaire, nous partons du texte qui existe. S’il n’y a que la version de l’Assemblée nationale sur l’article 4 – ce qui arrivera si nous votons l’amendement de suppression –, ce sera la base de la discussion, c’est-à-dire que nous serons dans les plus mauvaises conditions pour obtenir des avancées.

Il aurait été vain de voter l’amendement de M. Mézard pour gagner du temps. Cette observation de simple mécanique parlementaire me conduit à dire qu’il vaut mieux, malgré tout, avoir un article 4 issu des travaux du Sénat.