M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’avis du Gouvernement est également favorable. Il est toujours important de mettre en exergue l’une des priorités du nouveau Livre blanc et de faire en sorte qu’elle soit bien inscrite dans le texte du projet de loi de programmation.

J’émets toutefois une observation. Les auteurs de l’amendement évoquent les postes supplémentaires dans le texte – en réalité, il y en aura plus de 300 –, mais aussi les « crédits supplémentaires » dans l’exposé des motifs. Or nous étions convenus de ne pas faire état publiquement des crédits supplémentaires dans la loi programmation militaire, afin de ne pas donner prise à certaines réflexions malveillantes.

Cela vaudra également tout à l’heure pour la cyberdéfense.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. J’entends les remarques de M. le ministre, mais il n’est pas possible de procéder à une rectification, puisqu’il ne s’agit pas d’un texte normatif.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ne sollicite aucune rectification, ma remarque portant seulement sur l’exposé des motifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par MM. Carrère, Bockel, Chevènement, G. Larcher et Lorgeoux, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Alinéa 72

Après les mots :

implantations en Afrique)

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

. En accord avec les États concernés, la France maintiendra en Afrique des forces déployées dans la bande sahélo-saharienne et sur les façades est et ouest africaines afin de contribuer activement à la sécurité de ce continent. Des actions de coopération structurelle et opérationnelle permettront la consolidation des capacités militaires et des architectures de sécurité sous-régionales africaines dans le cadre de l’Union Africaine et, le cas échéant, la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies et la protection des ressortissants français. Ces déploiements seront adaptés afin de disposer de capacités réactives et flexibles en fonction de l’évolution des besoins. Les accords de coopération ou de défense entre la France et les pays africains concernés seront publiés et soumis au Parlement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Les rapporteurs des groupes Sahel et Afrique de notre commission ont cosigné avec moi cet amendement, qui concerne les forces françaises déployées en Afrique.

En effet, ni le Livre blanc ni la loi de programmation militaire n’ont précisé quelles seraient les évolutions en matière de forces françaises prédéployées en Afrique. En l’état, le texte de la loi de programmation se contente de citer une réduction de 1 100 postes et une « reconfiguration » des implantations en Afrique.

Un conseil de défense restreint a entériné les premières orientations le 9 octobre dernier, mais aucune information n’a filtré sur les décisions prises, ce qui est logique.

Compte tenu des enjeux de sécurité mis en lumière par les groupes Sahel et Afrique de notre commission, cet amendement a deux objectifs : affirmer clairement un maintien des forces françaises déployées en Afrique et donner un sens africain à notre présence visant à consolider les capacités militaires et les architectures de sécurité africaines, dans la perspective du sommet du 7 décembre prochain.

Le texte est suffisamment souple pour respecter pleinement les prérogatives du Président de la République. De plus, pour la bonne information du Parlement, le dispositif proposé prévoit la publication des accords de défense et un vote, comme c’était déjà le cas dans la précédente loi de programmation militaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai expliqué tout à l'heure quelle était la logique de notre redéploiement en Afrique, ainsi que la relation étroite que nous souhaitons entretenir avec les États membres de la bande sahélo-saharienne. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 96

Rédiger ainsi cet alinéa :

D’ici 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française, dont le programme de simulation suffit à assurer la crédibilité, sera conduite dans le respect du principe de stricte suffisance qui exclut tout développement de nouvelles armes.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 40.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 40, présenté par Mme Demessine, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi libellé :

Alinéa 97

Supprimer cet alinéa.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La situation stratégique d’aujourd’hui n’a, me semble-t-il, plus rien à voir avec celle qui prévalait du temps des origines de la dissuasion nucléaire.

Cette dissuasion est pourtant encore présentée dans le rapport annexé comme la clef de voûte de notre sécurité, alors que sa doctrine d’emploi ne définit toujours pas exactement ce que sont nos intérêts vitaux et que le nucléaire ne joue plus, comme à l’époque de la Guerre froide, de rôle aussi déterminant pour notre sécurité.

En outre, de nombreux spécialistes en la matière mettent en doute la pertinence et l’efficacité potentielle de notre dissuasion pour répondre aux conflits d’aujourd’hui ou faire face aux nouveaux types de menaces.

Malgré ces changements et cette évolution de la situation stratégique de notre pays, et alors que nous nous trouvons dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, qui doit nous obliger à faire des choix, le Livre blanc a reconduit à l’identique, sans les justifier, notre posture et notre arsenal nucléaires.

Il a ainsi été décidé de maintenir notre force de frappe nucléaire à une place déterminante et de lui faire profiter de moyens élevés, représentant environ 10 % des crédits consacrés aux investissements et 20 % du budget global.

Dans ces conditions, je considère que, d’ici à 2025, la pérennisation de la dissuasion nucléaire française, dont le programme de simulation suffit à assurer la crédibilité, devrait être assurée dans le respect du principe de stricte suffisance, ce qui exclut tout développement de nouvelles armes.

Enfin, j’estime également que notre pays ne respecte pas loyalement l’esprit de l’article 6 du traité de non-prolifération nucléaire, que nous avons signé. Cet article fait obligation aux pays autorisés à détenir un armement nucléaire de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires ».

Or, avec les autres puissances nucléaires, nous poursuivons la course aux armements en développant nos arsenaux, non plus en nombre, mais en qualité, tout particulièrement en matière de précision.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir adopter les amendements nos 39 et 40, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Il est proposé d’interdire tout développement des armes nucléaires d’ici à 2025.

En réalité, la partie « développement » d’un programme porte essentiellement sur la recherche et la réalisation, le cas échéant, d’un démonstrateur.

L’adoption d’une telle disposition tendrait donc à empêcher toute modernisation des composantes de la dissuasion, aussi bien les vecteurs que les armes elles-mêmes.

Or, quand on connaît la durée de développement, il est crucial, si l’on veut être présent au rendez-vous de 2030, que la partie « recherche » des programmes soit lancée maintenant, indépendamment du choix qui sera fait de développer, ou non, ces programmes.

Au demeurant, l’interdiction de la recherche sur le renouvellement des armes de la dissuasion serait en totale contradiction avec le rapport adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au mois de juillet 2012 sur l’avenir des forces nucléaires françaises à l’unanimité moins une voix.

Par conséquent, ma chère collègue, même si je respecte votre position, je ne puis, hélas ! qu’émettre un avis défavorable sur les amendements nos 39 et 40.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai exposé la position du Gouvernement sur le nucléaire dans mon propos introductif, puis dans ma réponse aux orateurs à l’issue de la discussion générale : c’est celle de la stricte suffisance.

Nous sommes en désaccord, je le constate. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je voudrais dire à notre collègue communiste qu’elle a, je pense, tout à fait tort de développer une telle idée.

Certes, nous ne sommes plus à l’époque de la guerre froide. C’est heureux ! Il faut s’en réjouir. Nous ne vivons plus sous le régime de ce que l’on appelait l’« équilibre de la terreur ». Mais ne sont-ce pas les armes nucléaires qui, d’une certaine manière, ont contribué à cette évolution ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Dans une situation pareille, il n’y avait pas de perspective de changement par la guerre. Il fallait bien que d’autres formes d’expression se fassent jour.

Croyez-vous que les armes nucléaires ne jouent plus aucun rôle au Moyen-Orient, entre l’Inde et le Pakistan – je ne parle même pas de l’Inde et de la Chine –, ou entre la Chine et les États-Unis ?

Mme Michelle Demessine. C’est le problème de la prolifération !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On n’en sort jamais !

M. Jean-Pierre Chevènement. J’observe également que l’Inde vient de mettre à flot des sous-marins nucléaires.

La Russie et les États-Unis ont plafonné leur armement à un peu plus de 1 500 têtes déployées. Il ne s’agit que des armes déployées : il existe aussi des milliers d’armes qui ne sont pas déployées. Le président Obama parle d’un monde sans arme nucléaire et propose de diminuer de 500 le nombre d’armes déployées. Cela en fera encore 1 000 ! On peut – pourquoi pas ? – aller dans cette direction, même si ce n’est pas l’avis, semble-t-il, de la Russie, qui a probablement quelques inquiétudes, au demeurant légitimes d’une certaine manière.

Tout cela se manie donc avec précaution.

Je crois qu’il est plus raisonnable d’aller vers la décrue des arsenaux nucléaires, de les limiter un jour en quantité. C’était la proposition d’une commission Evans sur le désarmement, coprésidée par une ancienne ministre des affaires étrangères japonais. Cela me paraît plus raisonnable.

Vous savez, ma chère collègue, seuls les États-Unis sont capables de mener une guerre à longue distance par des armes classiques. C’est ce que l’on appelle le « Prompt global strike », des frappes avec des missiles intercontinentaux munis de têtes conventionnelles. Évidemment, ce n’est pas à la portée de tout le monde.

Je pense donc que la disposition d’un arsenal réduit de plus de moitié depuis l’époque où j’étais ministre de la défense est, pour la France, pour l’Europe, pour toute cette partie du monde, une garantie de stabilité à long terme. Il faudrait y réfléchir.

J’ai produit un rapport sénatorial en 2010, auquel je ne vais pas vous renvoyer : on peut certainement l’améliorer. Mais il y a beaucoup d’arguments sur la base desquels j’aimerais pouvoir échanger. On ne peut pas dire n’importe quoi devant la représentation nationale. De telles idées cheminent, elles pénètrent l’opinion. Il faut que quelques voix, même isolées, les combattent, parce qu’elles ne sont pas justes, croyez-le. Si on veut la paix, comme je le souhaite moi-même, il faut garder la disposition d’armes nucléaires, les seules en Europe, en dehors de celles dont dispose la Russie. Je ne parle pas de l’arsenal britannique ; c’est une autre affaire.

Apprenons à manier ces questions avec beaucoup de souplesse et de discrétion, et donnons-nous les moyens de garder une dissuasion crédible à un horizon même lointain, parce que la paix sera toujours un bienfait, demain comme après-demain. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. S’exprimer après une personnalité dont l’avis est aussi autorisé relève quasiment de la mission impossible.

Le groupe écologiste soutiendra les amendements nos 39 et 40.

En 1987, de doctes personnes nous expliquaient que le mur de Berlin ne pourrait jamais tomber, que les choses ne pourraient jamais changer.

Nous, nous aimons à penser qu’un monde sans nucléaire est possible. Nous voterons donc ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 118, troisième et quatrième phrases

Rédiger ainsi ces phrases :

En particulier, les effectifs de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui devront atteindre 500 agents en 2015, seront régulièrement augmentés, à la hauteur des efforts consacrés par nos principaux partenaires européens. Les moyens du ministère de la défense consacrés à la cyberdéfense poursuivront les montées en puissance décidées antérieurement avec le recrutement d’au moins 350 personnels supplémentaires sur la période 2014-2019.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Les observations que j’ai formulées tout à l’heure à propos du renseignement pourraient également s’appliquer à cet amendement, qui est rédigé de manière à ne pas fournir de chiffres sur les équipements en matière de cyberdéfense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. J. Gautier et Cambon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cléach, Beaumont, Trillard, P. André, Gournac, Paul et Couderc, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 172

Remplacer le nombre :

150 

par le nombre :

200

II.- Alinéa 173, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

sur l’intégralité du stock actuel

III. - Alinéa 193

Remplacer le nombre :

100

par le nombre :

200

IV. - Alinéa 194

Remplacer l’année :

2019

par l’année :

2018

V. - Alinéa 196 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le stock total envisagé en 2019 portera sur 1 800 kits de guidage.

La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Cet après-midi, j’ai eu l’occasion de rappeler que les plus belles plateformes ne servent à rien, ou à pas grand-chose, si elles ne disposent pas de munitions, missiles, bombes, pour se défendre ou pour intervenir à l’extérieur.

Voilà pourquoi, par cet amendement, nous proposons de rehausser la cible des missiles de croisière navals pour les frégates multimissions, les FREMM, et les Barracuda, d’assurer le maintien des missiles Aster 15 et 30 au niveau de la précédente loi de programmation militaire, et de rénover à mi-vie les stocks de missiles SCALP. Nous demandons également de ne pas reculer la livraison du Meteor, et de ne pas réduire la cible des kits de guidage pour les AASM. À quoi servirait d’avoir un fusil si nous n’avons pas beaucoup de munitions ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je voudrais d’abord entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai donné par avance l’avis du Gouvernement en répondant aux orateurs lors de la discussion générale.

Je comprends tout à fait les préoccupations que M. Gautier exprime, et je les partage même. Mais je suis tenu par une enveloppe budgétaire, qu’il connaît aussi.

Comme je l’ai déjà indiqué, je propose d’examiner cela à la fin de l’année 2015, lorsque nous réviserons les cibles.

Je voulais aussi préciser que je suis très attentif à la production des missiles dans les temps, à la quantité produite, mais aussi au maintien de leur fabrication dans la durée. Par exemple, j’ai déjà demandé à l’industriel fabriquant les missiles de croisière navals, ou MdCN, de me faire des propositions allant au-delà de 2019. En la matière, en effet, nous parlons de cycles longs.

Je partage vos interrogations, monsieur Gautier, et vous propose de nous revoir à la fin de l’année 2015, pour voir les améliorations à apporter.

M. le président. Monsieur Gautier, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Gautier. J’entends ce que dit M. le ministre, et je crois en ses engagements pour 2015. Je sais aussi qu’il négocie pour que les missiles soient bien produits, quitte à ce que ce soit en plus petite série. Il me semble pourtant qu’un beau geste ce soir serait important. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. Quel est en définitive l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je suis embêté. J’aurais envie de le faire, ce beau geste…

Mais nous discutons d’un projet de loi de programmation militaire. L’amendement n° 30 rectifié entre trop dans le détail et tend à se substituer au pouvoir exécutif.

Notre rôle est d’ordre législatif. Il faut l’exercer pleinement. Ce n’est pas moi qui vais vous dire qu’il faut y renoncer, au contraire !

J’ai défendu avec d’autres sénateurs, dont vous faites partie, monsieur Gautier, et je vous en remercie, un amendement dont l’adoption va beaucoup changer les choses, et donner un pouvoir accru au Parlement et à ses membres : celui du contrôle sur pièces et sur place.

Loin de moi l’idée, donc, de minorer l’action du Parlement. Pourtant, force est de constater que, dans un projet de loi programmation, nous nous prononçons sur des chiffres globaux et sur des orientations. Nous prononcer sur les armes et les calibres au sein d’une loi de programmation serait une dérive du pouvoir législatif.

Monsieur Gautier, je comprends le sens de votre démarche, que je partage en partie. Cela dit, il me semble que votre amendement est partiellement satisfait par l’adoption de l’amendement n° 48 rectifié, que vous avez d’ailleurs voté, même si son dispositif n’est pas aussi intrusif que le vôtre !

Dans le cadre de la première actualisation, il conviendra vraiment d’examiner en priorité certaines capacités critiques, dont celles que vous avez mentionnées.

Même si je voulais être favorable à vos propositions, je ne pourrais me résoudre à endosser l’habit de l’exécutif, au moment de nous prononcer sur un projet de loi de programmation.

J’insiste donc auprès de M. le ministre, et, face à face, lui demande d’apporter une solution à cette question.

Pour toutes ces raisons, monsieur Gautier, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 30 rectifié.

M. le président. Monsieur Gautier, compte tenu de ces éléments, l’amendement n° 30 rectifié est-il toujours maintenu ?

M. Jacques Gautier. Je le rappelle, dans la précédente loi de programmation militaire, nous avions été jusqu’à détailler missiles et munitions.

Mme Nathalie Goulet. Elle n’a pas été suivie !

M. Jacques Gautier. Je m’inscris donc dans le droit fil de ce travail.

Mais, compte tenu de la demande que M. Carrère a faite les yeux dans les yeux à M. le ministre, je retire cet amendement ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié est retiré.

L’amendement n° 17, présenté par M. Krattinger, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 182, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

À défaut de livraisons à l’exportation en nombre suffisant, les livraisons de Rafale complémentaires nécessaires pour atteindre cette cadence seront financées par abondement de la mission « Défense ».

La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis.

M. Yves Krattinger, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est une question à presque 4 milliards d’euros. Il est prévu d’acquérir 11 Rafale en 2014, 11 autres en 2015 et 4 en 2016. En revanche, aucune acquisition n’est prévue pour les trois années suivantes. Après 2019, d’autres acquisitions sont possibles.

La vente de Rafale à l’export est toujours prévue, et les chaînes de production devraient pouvoir continuer à tourner. Il y a peut-être des raisons d’être un peu optimiste à cet égard !

Cependant, la question se pose vraiment de savoir ce qui passera si ces avions n’étaient pas vendus à l’export en nombre suffisant. Il faut quand même que les chaînes puissent tourner : on ne va pas fabriquer un Rafale par an !

La question du défaut de livraison a fait l’objet de débats significatifs au sein de la commission des finances.

Cet amendement vise donc à garantir que, si les exportations ne permettent pas de réduire la cadence de livraison de Rafale à nos forces armées, le surcoût justifiera que la mission « Défense » bénéficie de crédits supplémentaires par rapport à la programmation.

La logique de la loi de programmation militaire est de sécuriser les ressources de la mission « Défense » quand l’aléa qu’elle subit est hors de sa maîtrise – je pense aux OPEX nouvelles ou au prix des carburants – et de recourir à l’auto-assurance lorsque les dépassements de dépense sont de sa responsabilité ; je pense, par exemple, à l’évolution de la masse salariale sur la dernière période.

Or l’aléa lié aux exportations des Rafale n’est pas de la responsabilité du ministre de la défense. Certes, je sais que, de son côté, ce dernier fera le maximum pour que ces avions soient mis en valeur, afin de convaincre nos partenaires et potentiels futurs clients.

Si la logique de l’auto-assurance prévalait, ces livraisons, superflues compte tenu du modèle d’armée défini par la loi de programmation, viendraient « cannibaliser » complètement d’autres programmes d’armement, pour un montant qui pourrait dépasser 4 milliards d’euros.

Se pose aussi la question d’un décalage dans le temps. Observons les chiffres : un décalage d’un an correspondra à 700 millions d’euros à trouver pour le budget 2016 et 400 millions d’euros en 2017, soit 1,1 point de PIB au total. Si le décalage est de deux ans, il faudra trouver 2,2 milliards d’euros sur la même période. Par conséquent, de telles sommes ne sont pas négligeables.

Je sais que vous allez me renvoyer à la clause de revoyure, mais nous allons finir par avoir des rendez-vous denses. Je ne sais pas si je serai là, mais je ne voudrais pas que l’on se retrouve devant une montagne de questions, regroupant celle de M. Gautier et celle-là, qui émane de la commission des finances. Notre commission a unanimement considéré que le sujet visé à cet amendement était très important, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Avant de donner mon avis, je demanderai à M. le ministre, et ce n’est pas une clause de style compte tenu du retrait de l’amendement précédent par Jacques Gautier, s’il peut avoir une expression un peu plus formalisée sur la question. Cela nous comblerait d’aise.

Je ne puis vous donner de renseignement précis sur l’échéancier de paiement exact du programme du Rafale et de ses livraisons, ni sur la manière dont les coûts de développement ont été répartis dans la durée. Mais il est évident que le fait de ne pas exporter les Rafale en temps et en heure ferait sortir la loi de programmation militaire de la trajectoire financière prévue. De ce point de vue, nous pouvons vraiment admettre les arguments que vous avez développés.

Compte tenu des réponses qui ont été données devant la commission par le délégué général pour l’armement la semaine dernière, je pense que nous aurons le temps, au cours des deux premières années d’application de la loi de programmation militaire, d’assister à la concrétisation d’un contrat à l’export. D’ailleurs, en termes de réalisation, nos préoccupations quant à la date de signature du contrat ont déjà été exprimées par Jacques Gautier, car cet élément peut aussi, certes à la marge mais de manière significative, avoir des conséquences sur la loi de programmation. Cet aspect devra être pris en compte.

Mais, en votant l’amendement n° 48 rectifié, nous avons pris l’engagement d’attendre ces deux ans, durant lesquels cette clause de revoyure constituera un exercice certainement dense, comme vous le faisiez remarquer, avant d’établir un bilan de la situation.

Nous visons les mêmes objectifs, qui sont, je le rappelle, de faire en sorte, d’une part, que les chaînes de montage soient viables économiquement et que nous puissions aller au terme de la fabrication d’un des meilleurs avions de combat au monde, pour ne pas dire le meilleur, et, d’autre part, d’avoir une vision un peu plus réelle que les suppositions que nous pouvons faire. Nous voulons vraiment que, si des pénalités devaient être décidées, cette double peine n’incombe pas au seul budget de la défense.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous partageons votre proposition, même si nous vous demandons de différer le dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je crois avoir déjà évoqué ce sujet lorsque j’ai répondu aux différents orateurs au terme de la discussion générale.

M. le rapporteur vient aussi d’évoquer les contraintes et les perspectives. Monsieur le rapporteur pour avis Krattinger, nous sommes dans une attitude optimiste concernant ce rendez-vous. Je lisais tout à l’heure, dans ce que l’on appelle un grand journal du soir, une déclaration du président actuel de Dassault : ses perspectives vont dans la même direction puisqu’elles sont favorables à l’exportation.

Par ailleurs, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le projet de loi de programmation militaire prévoit, pour la sécurité du plan de charge de la société Dassault, plus de un milliard d’euros pour le standard F3-R, dont le lancement devrait intervenir, auxquels s’ajouteront des financements pour les études amont concernant l’UCAV. Cette intention toute particulière en faveur de la société Dassault a évidemment été décidée en parfaite intelligence avec les responsables de cette société, mais aussi pour notre propre défense, dans la mesure où ces besoins seront les nôtres à moyen terme.

Après les Mirage 2 000 D qui vont être rénovés, une nouvelle tranche de Rafale interviendra, afin de conserver notre niveau d’aviation de chasse à 225 unités. Tout cela me laisse à penser que, dans le contexte actuel, nous devrions pouvoir y parvenir. Quoi qu’il en soit, nous nous retrouverons à la fin de 2015 pour le vérifier.

Grâce à ces éléments, nous pourrons sortir de ce qui peut apparaître comme une impasse, mais non pour nos propres capacités aériennes, puisque nous disposerons des 225 avions qui nous manquent. En réalité, il s’agit peut-être d’une difficulté propre à l’entreprise, à partir du moment où elle-même ne considère pas que ces difficultés sont insurmontables. À cet égard, le projet de loi de programmation militaire est réaliste et cohérent.

M. le rapporteur, qui m’avait appelé à une confrontation les yeux dans les yeux à propos des missiles, fait de même à propos du Rafale. Monsieur le sénateur Jacques Gautier, je suis tout à fait conscient des questions soulevées par le SCALP et le MDCN en particulier. Ces deux sujets sont les plus sensibles ; je formulerai très prochainement une proposition très pratique à votre intention.