Mme Cécile Duflot, ministre. C’est une grande nouveauté, dont je me félicite.

M. Pierre-Yves Collombat. Le PLUI est nécessaire et désiré !

Mme Cécile Duflot, ministre. Exactement, monsieur Collombat.

Ce sera d’autant plus facile et confortable que le débat s’engagera de manière neutre – c’est ce que permettra la future loi – pour déterminer les meilleurs moyens d’aboutir à un aménagement concerté, que cela conduise ou non à un cadre intercommunal, en fonction de la décision des élus.

Cette position, qui fait avancer notre pays, est infiniment respectueuse des élus. Elle protège aussi les initiatives de ceux-ci contre les suspicions.

Enfin, nous avons prévu dans le texte des dispositions pour éviter que le président d’intercommunalité – je ne le mets pas en cause, je le précise, monsieur Cornu, avant que vous ne réagissiez – n’impose à une commune des règles qu’elle ne souhaiterait pas.

C’est une question de principe concernant les méthodes d’élaboration du document et une question de fond relative à l’exercice et au maintien d’une compétence décisive : la délivrance des autorisations d’urbanisme, en l’occurrence des permis de construire. En effet, cette disposition empêchera la construction sur le sol d’une commune d’un équipement ou de bâtiments qui n’aurait pas été validée par le maire.

La position à laquelle nous avons abouti est de nature à lever toutes les inquiétudes, à nous permettre de franchir une étape collectivement, et surtout, elle accélérera l’évolution jusqu’à aujourd’hui très lente des PLUI. En effet, le principe de l’engagement volontaire en faveur des PLUI qui était appliqué jusqu’à présent constituait de fait un frein, même pour ceux qui leur étaient favorables.

Je salue et je remercie l’ensemble des sénateurs et sénatrices ici présents, quelle qu’ait été leur position initiale, d’avoir su entendre les avantages, les avancées, les intérêts du dispositif, de même que les pensées et les sentiments des uns et des autres, et d’avoir su élaborer une position d’équilibre qui me semble sage et utile pour les élus et les territoires.

Pour toutes ces raisons, je suis très fermement défavorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je ne voterai pas les amendements de suppression défendus par mes amis du groupe UMP et du groupe centriste. Je précise en cet instant que c’est par erreur que mon nom figure parmi les auteurs de l’amendement n° 54 rectifié bis.

J’apporterai une explication personnelle qui n’engage que moi, en remerciant d’ailleurs le groupe auquel j’appartiens de me laisser la liberté de penser autrement.

Je vais vous exposer ma position, qui n’est pas récente, en trois temps.

Tout d’abord – et je crois que c’est l’avis du plus grand nombre, sinon de la totalité d’entre nous –, je suis favorable au PLUI. Sans PLUI, nous sommes soumis au RNU et j’ai souvent été saisi par des maires qui avaient du mal à accepter les oukases de l’administration qui imposaient un regard sur des projets communaux à partir d’un règlement appliqué aussi bien dans le Doubs que dans le Finistère ou dans l’Orme.

Ensuite, depuis 1992, les communautés de communes ont deux compétences obligatoires : le développement économique et l’aménagement de l’espace. Cette dernière compétence doit s’appuyer sur un outil, et un document d’urbanisme me semble être l’instrument idéal.

Le SCOT présente l’inconvénient de porter un regard trop général sur un territoire trop lointain. Les élus qui y participent ont parfois quelques difficultés à intéresser la population à son élaboration.

Je suis donc pour un PLU intercommunal. J’entreprends un PLUI dans une communauté assez importante de trente-trois communes dont beaucoup sont de petite taille. Les résultats sont éloquents, peut-être aussi parce que ce sont surtout les maires des communes rurales qui participent à l’élaboration de ce document.

En revanche, je suis hostile à un PLU qui s’appliquerait obligatoirement à tout le monde. L’Assemblée nationale a commis une grave erreur en imposant une telle disposition. Celle-ci est gênante pour ceux qui ne la souhaitent pas mais aussi pour ceux qui, comme moi, défendent sur le terrain l’idée d’un PLU intercommunal. En effet, pourquoi réunir autant d’élus et de représentants de la population civile si l’obligation est faite demain ?

Il est d’ailleurs significatif que nous ayons dans cette enceinte un débat que l’Assemblée nationale n’a pas eu. Il suffit de lire le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale pour constater que l’article 63 a été discuté en peu de temps et qu’il a emporté une très large majorité. Cette situation justifie la place du Sénat et lui donne une plus grande légitimité quand il s’agit de réaffirmer qu’il est le représentant des collectivités locales.

M. Jean-Claude Lenoir. Enfin, nous discutons non pas du texte de l’Assemblée nationale, mais de celui qui a adopté par la commission des affaires économiques.

À titre personnel, je salue le travail mené par Claude Bérit-Débat, le rapporteur, et par le président de la commission. Je me suis exprimé en faveur de la disposition qu’ils nous ont proposée et qui a été finalement adoptée.

Certains pensaient qu’il fallait attendre que l’Assemblée nationale revoie son texte puisque c’est de là que le problème vient. Je suis aujourd’hui d’un avis différent, alors que j’avais soutenu dans un premier temps cette opinion.

Comme je le disais voilà un instant, la Haute Assemblée est certainement l’assemblée la plus légitime pour exprimer le point de vue des collectivités locales. C’est la raison pour laquelle je souhaite que ce soit le Sénat qui rappelle à l’Assemblée nationale qu’il s’agit d’offrir une possibilité aux communes et qu’une minorité de blocage est prévue.

Nous ne souhaitons bien sûr pas imposer quoi que ce soit. Il s'agit d’une liberté plus grande encore que celle qui serait donnée par des majorités qualifiées telles que celles qui nous sont proposées par l’Association des maires de France, l’AMF.

En définitive, je souhaite que, à l’issue de ce débat important, qui engage l’avenir de nos territoires, nous puissions, les uns et les autres, continuer à gérer avec sérénité ces collectivités que nous avons l’honneur de présider et faire en sorte que les territoires dont nous avons la responsabilité ne puissent en aucun cas nous reprocher les positions que nous adoptons dans cet hémicycle, quelles que soient ces positions. C’est l’honneur de notre démocratie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Beaucoup a été dit, mais je tiens à remercier Mme la ministre de ses propos, car elle a été une nouvelle fois éminemment pédagogique. Elle a bien décrit l’esprit dans lequel, en collaboration avec la commission, nous sommes parvenus conjointement à un texte dont nous pensons qu’il est équilibré, et qu’il garantit, comme vient de le souligner avec talent Jean-Claude Lenoir, la particularité du Sénat.

Tout le monde est attaché à cette particularité. Mes chers collègues, je vous demande de la remettre en situation, à l’instant t, dans notre débat. En effet, j’ai la faiblesse de penser que, si une masse critique de sénateurs nous suit sur ce dossier, cela sera de nature à infléchir la position de l’Assemblée nationale. Je vous rappelle que, toutes tendances confondues, l’immense majorité des députés ont voté le texte qui nous a été transmis.

On ne peut à la fois revendiquer légitimement notre fonction de représentation des territoires, qui est garantie par la Constitution, et se laver les mains des travaux pratiques. J’attire une nouvelle fois, et de manière solennelle, votre attention sur cet aspect des choses. Mon interprétation diffère sensiblement de celle de Roger Karoutchi : à partir du même constat, j’arrive à des conclusions sensiblement différentes.

Je me réjouis également que le débat ait pris une tourne beaucoup plus sérieuse et que nous puissions faire la démonstration que, d’un côté comme de l’autre, monsieur de Legge, personne ne manque de courage ni d’honnêteté. Faute de quoi je serais obligé d’évoquer les propos tenus récemment par l’un des vôtres dans un autre cénacle, et qui ne seraient pas de nature à apaiser le débat. Ne nous lançons pas dans ce genre d’anathèmes, parce que j’ignore comme cela se terminerait. Le débat est passionnant ; il est même passionnel, parce qu’il correspond à l’essence de notre rôle.

Au vu de ce qui a été dit par les uns et par les autres, nous pouvons contester de manière tout à fait légitime les tenants et les aboutissants de vos amendements. Bien entendu, nous voterons contre ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.

Mme Caroline Cayeux. Pour ma part, je resterai fidèle à la position que j’ai adoptée tout à l'heure : je voterai ces amendements de suppression. Je vais essayer de vous expliquer de manière dépassionnée mais pragmatique et concrète les raisons qui guident mon vote.

La première raison est ma loyauté à l’égard des élus de ma communauté d'agglomération et du département de l’Oise. Nous étions réunis la semaine dernière en assemblée générale, et c’est à une très grande majorité que les élus se sont inquiétés des dispositions proposées.

Madame la ministre, comment pouvez-vous imaginer que, demain, à l’issue des élections municipales, des maires disent à leurs électeurs qu’ils les ont élus sur un projet mais que, finalement, ils vont apporter ce projet pieds et poings liés à la présidente de la communauté d'agglomération que, je le dis avec humour, j’espère rester dans quelques mois ?

Ma position est quelque peu anachronique. Je suis présidente de la communauté d'agglomération du Beauvaisis, et je pourrais donc considérer que j’aurai demain le pouvoir de faire ce que je veux pour les élus de ma communauté d'agglomération.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas vrai ! Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Il ne faut pas dénaturer le projet de loi !

Mme Caroline Cayeux. Laissez-moi finir, s’il vous plaît !

Vous donnez un pouvoir discrétionnaire aux présidents de communauté d'agglomération. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est faux !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est l’inverse !

Mme Caroline Cayeux. Nous vous avons écoutés, alors vous pouvez bien nous écouter !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Il faut être honnête !

Mme Caroline Cayeux. Je suis ultra-honnête, et c'est la raison pour laquelle je m’exprime ainsi !

Il y a quelque temps, vous nous avez demandé de modifier le pouvoir des élus des communes au sein des communautés d'agglomération. Si nous n’avions pas exprimé un vote différent, la ville-centre aurait détenu la majorité des voix de la communauté d'agglomération.

Comme l’ont dit certains de mes collègues, on est en train de rogner petit à petit sur l’autonomie des maires qui n’appartiennent pas à la majorité dirigeant la communauté d'agglomération. Je suis rapporteur de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, de mon département. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Je peux vous dire – je ne doute pas que vous l’ayez vous-même vécu – que, lorsqu’il s’est agi d’intégrer des communes qui étaient restées isolées dans une intercommunalité, il a été extrêmement difficile d’en convaincre certaines.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Qui a décidé ça ? Ce n’est pas nous !

Mme Caroline Cayeux. Monsieur le rapporteur, je vois cet article comme une étape supplémentaire de la perte d’autonomie des élus et des communes qui font partie d’une intercommunalité. Voilà le sentiment personnel que je retire de l’expérience que je vis dans ma communauté d'agglomération, dans le département de l’Oise. Je vous livre cette expérience en toute sincérité,…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Non, ce n’est pas sincère !

Mme Caroline Cayeux. … parce que, même si cet article a été amélioré – je reconnais que le Gouvernement a fait des concessions –, nous ne sommes pas allés assez loin. Il faut respecter la liberté d’action des maires.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. L’argument massue que vous avancez pour refuser notre amendement consiste à affirmer que, si nous ne votons pas ce texte, c’est l’Assemblée nationale qui décidera. Je crois que le débat a été assez large, et que vous pensez vous-mêmes que la position de l’Assemblée nationale n’est pas bonne.

Selon moi, votre argument comporte un point faible. Quelle curieuse conception du Parlement auraient la majorité des députés s’ils estimaient qu’ils n’ont pas à écouter le Sénat ? Je pense que, si nous votons la suppression de l’article 63, nous enverrons un message clair à l’Assemblée nationale. Il ne lui sera pas interdit, que je sache, de réécrire quelque chose.

M. Claude Dilain, rapporteur. Qu’a donné la stratégie de la page blanche pour les métropoles ?

M. Dominique de Legge. Il me semble que vous faites preuve de défiance à l’égard de l’Assemblée nationale. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Vous n’avez pas véritablement confiance dans votre propre majorité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Cornu. Ils ont peut-être raison sur ce point !

M. Dominique de Legge. Deuxièmement, j’ai bien entendu ce que nous a dit Mme la ministre. Elle a déclaré que, finalement, les enjeux n’étaient pas si graves, parce que le texte prévoit une minorité de blocage. Au fond, ce que vous nous avez dit, madame la ministre, c’est que le texte crée un droit qui n’entrera pas dans les faits compte tenu des autres dispositions du texte.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je n’ai pas dit ça !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais si, vous l’avez dit !

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, vous nous avez bien dit que l’on posait un principe de droit mais que, a priori, il n’entrerait pas dans les faits. Je l’avoue, j’ai du mal à suivre…

M. Jean-Jacques Mirassou. Faites un effort !

M. Dominique de Legge. Je considère qu’il ne faut pas poser un principe de droit avec lequel on est en désaccord pour ensuite prendre une disposition qui empêche ce principe de s’appliquer aussi facilement qu’on l’aurait souhaité. Il y a là une petite contradiction que je voulais soulever. Elle m’amène à penser qu’un signal un peu plus fort du Sénat pourrait avoir un sens.

J’en viens à ma troisième observation. La mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, présidée par Jean-Pierre Raffarin et dont le rapporteur est Yves Krattinger, qui vient de rendre ses travaux, a posé à l’unanimité le principe d’EPCI fondés sur la coopération et la mutualisation, et non sur le transfert de compétence. Il me semble que le Sénat s’honorerait s’il mettait ses travaux pratiques – ses votes – en cohérence avec les travaux de cette mission.

Enfin, j’aurais apprécié, madame la ministre, que ce débat sur les questions d’urbanisme soit l’occasion de clarifier la hiérarchie entre les différents documents d’urbanisme. Reconnaissez que, entre le PLU, le SCOT – schéma de cohérence territoriale – , la loi Littoral, la trame bleue, la trame verte, etc., il y a quand même un petit problème de coordination. J’avais compris que le SCOT était l’outil d’urbanisme au niveau du pays et de l’EPCI et que le PLU était sa traduction concrète au niveau local. Je crois que nous nous serions honorés si nous avions essayé de préciser ces notions.

Nous aurions en outre agi en totale cohérence avec les vœux formulés par le Président de la République, nous appelant tous à un effort de simplification. Je ne vois pas d’effort de simplification dans cet article 63 ; j’y vois plutôt des contorsions pour essayer d’arriver à une motion de synthèse mi-chèvre mi-chou. Je ne suis pas certain que les élus s’y retrouveront sur le terrain.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je vais essayer de faire simple. Vous nous avez dit, chers collègues de l’opposition, que, en particulier s'agissant de l’urbanisme, qui n’est pas n’importe quelle compétence, votre objectif était de respecter la liberté d’action des maires et l’autonomie communale. Je partage tout à fait votre position ; je pense l’avoir montré.

Toute la question est de savoir si, de ce point de vue, les dispositions qui nous sont proposées par la commission améliorent ou aggravent la situation actuelle.

M. Pierre-Yves Collombat. Assez étonnamment, je dois le dire, les dispositions proposées améliorent la situation actuelle. (M. Joël Bourdin s’exclame.) Aux termes de l’article L. 5217–11 du code général des collectivités territoriales, toute compétence peut être transférée à la majorité qualifiée ordinaire, c'est-à-dire à la majorité des deux tiers des communes représentant la moitié de la population, ou bien de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population. Or l’article 63 prévoit qu’il faudra la majorité des trois quarts, puisqu’un quart des communes représentant au moins 10 % de la population pourront s’opposer au transfert.

M. Pierre-Yves Collombat. Comment faut-il l’expliquer ?

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est clair !

M. Pierre-Yves Collombat. Par rapport au droit existant, le texte de la commission constitue une amélioration incontestable. Il est étonnant que ceux qui, comme moi, se réclament de l’indépendance communale passent à côté de cette amélioration substantielle, laquelle reconnaît en outre la spécificité et l’importance de la compétence urbanisme, puisque la disposition ne s’appliquera qu’à elle seule.

Cela étant posé, tout le monde a remarqué que tout cela était l’objet d’un enjeu et qu’il y a eu quand même des changements de pied plus qu’importants entre ce qui a été adopté par l’Assemblée nationale et ce que nous nous apprêtons à voter. Il ne vous aura pas échappé non plus qu’il existe deux conceptions de l’intercommunalité qui interfèrent à tout moment : l’intercommunalité comme moyen de faire à plusieurs ce qu’on ne peut pas faire tout seul – celle que l’on défend ; j’ai bien compris – et l’intercommunalité comme avenir des communes – je reprends les termes d’un président d’association –, c'est-à-dire comme disparition des communes.

Chaque fois, c’est la même bataille qui recommence. Le dernier combat a porté – vous l’avez rappelé à juste titre, madame la sénatrice – sur la réduction de la représentativité des petites communes dans les intercommunalités. Je les ai bien vus, les présidents d’EPCI, sortir leur calculette pour savoir s’ils allaient garder leur majorité. Quelque 75 % d’entre eux sont issus des communes-centres. Cela ne nous a pas échappé, même si on n’en parle jamais.

Chaque fois, c’est un véritable combat politique et, effectivement, il y a eu un changement de pied. Compte tenu de l’attitude d’ouverture de Mme la ministre, je ne vais pas insister. Son inconscient a parlé en plusieurs occasions dans son discours et on voit bien où vont ses préférences : pour elle, la modernité réside dans l’intercommunalité ; c’est là que se trouve le moteur !

D’ailleurs, madame la ministre, vous avez parlé des élus « moteur ». Personnellement, je connais ce genre d’élus et ce ne sont pas forcément ceux qui poussent aux transferts de compétences. Ils sont surtout des élus « frein moteur » (Rires sur les travées du groupe socialiste.), dont le principal objectif est de savoir comment leur commune va pouvoir profiter au maximum des autres.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est ça la vie politique, c’est ça la vie collective, et il n’y a pas à s’en cacher !

L’Association des maires ruraux de France est à l’origine d’une pétition, qui a d’ores et déjà recueilli 4 600 signatures, soit 400 de plus que mardi à quinze heures, ce qui veut bien dire que les réactions sont très vives sur le sujet. Pour ma part, je ne peux que me féliciter du fait que le gouvernement entende ce que disent les gens. (M. Jean-Jacques Filleul opine.) On lui a suffisamment reproché de ne pas les écouter.

Pour conclure, il me semble très franchement que ce serait une erreur de ne pas saluer ce qui, pour nous, est non pas une avancée, mais une garantie que les communes que nous voulons représenter dans toutes leurs spécificités puissent continuer à exister en tant que telles, quitte à ce qu’elles mettent ensemble un certain nombre de leurs compétences pour, je le répète, faire à plusieurs ce qu’elles ne peuvent pas faire seules. (Mme Marie-Noëlle Lienemann ainsi que MM. Jean-Claude Frécon et Jean-Jacques Filleul applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Lamure. Madame la ministre, je note que vous avez fait beaucoup d’efforts pour essayer de justifier votre revirement sur votre propre texte.

Monsieur le rapporteur, vous nous reprochez de ne pas être capables de faire de la bonne pédagogie pour expliquer aux maires toutes les vertus d’un PLUI. Vous avez tort, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire en commission. Il se trouve que je suis maire depuis vingt-quatre ans et que je n’ai toujours connu que le POS intercommunal, devenu aujourd’hui le PLU intercommunal. Je le répète, je n’ai pas à m’en plaindre, car, dans cette intercommunalité, les maires sont restés acteurs de leur territoire. Mais il s’agissait d’une démarche volontaire, adaptée aux territoires, ce qui n’est bien sûr pas le cas avec votre texte.

M. Daniel Dubois. C’est vrai !

Mme Élisabeth Lamure. Je tiens surtout à souligner les deux défauts que je trouve à la proposition votée par la commission des affaires économiques.

Tout d’abord, s’agissant de la constitution des minorités de blocage, lorsque l’État laisse le choix aux collectivités de procéder à un transfert de compétence, cela occasionne la plupart du temps des tensions à l’intérieur des intercommunalités ou dans les collectivités. Dans le cas d’un transfert de PLU, le fonctionnement collégial de l’EPCI sera certainement mis à mal. Quelques communes feront obstacle à ce transfert de compétence souhaité par la majorité et il en résultera des phénomènes de chantage, voire de représailles. Ces tensions seront d’autant plus fortes qu’il s’agit de transférer une compétence symbolique et parfois vitale pour bon nombre de maires.

Le second défaut c’est le délai de constitution de ces minorités de blocage, puisque ce dispositif va laisser potentiellement dans l’incertitude les communes qui souhaitent ce transfert. Les communes réfractaires disposeront de trois ans pour prendre leur décision. Ainsi, certaines pourront attendre la dernière minute pour faire connaître leurs intentions. Dans ce cas, l’incertitude occasionnée sera dommageable tant pour les autres communes, qui ne sauront pas si elles doivent poursuivre l’élaboration de leur PLU, que pour l’EPCI, lequel ne pourra pas préparer convenablement l’élaboration du futur PLU.

À nos yeux, cette solution est un pis-aller qui, vous l’aurez compris, n’a pas notre préférence.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. En écoutant M. Mirassou, je me disais que, décidément, nous n’avions pas la même appréciation des propos de Mme la ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je le confirme !

M. Gérard Cornu. Après tout, c’est peut-être normal !

En entendant Mme la ministre, je me suis dit qu’elle n’avait pas dû connaître beaucoup d’intercommunalités en tant qu’élue locale. En effet, dans ces structures, cela ne se passe pas du tout comme vous le décrivez, madame la ministre. Qu’elles soient de droite ou de gauche, les intercommunalités sont des espaces de réflexion où l’on essaie d’aplanir les divergences, de réfléchir sur l’espace territorial pour améliorer le territoire concerné. Il ne s‘agit en aucun cas d’espaces d’affrontement.

Votre texte aurait mis le feu à l’intercommunalité; alors que celle-ci, dans beaucoup d’endroits, fonctionne bien.

Je rends grâce au rapporteur M. Bérit-Débat de s’être rendu compte qu’il fallait corriger le texte initial, ce qu’il a fait et il s’appuie sur le vote – large – par la commission des affaires économiques de l’amendement qu’il lui a présenté. Cependant, d’autres commissions ont été saisies pour avis. Or la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, dont la compétence en matière d’urbanisme ne saurait se démentir, a rejeté cet amendement.

Vous le voyez, cette proposition n’a pas rencontré l’unanimité que vous prétendez.

J’ai entendu l’argument selon lequel il faudrait accepter le texte de la commission, faute de quoi nous passerions par pertes et profit vis-à-vis de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, c’est un ancien député qui vous le dit : ressaisissons-nous ! Nous sommes sénateurs et, à ce titre, nous devons défendre les collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est vrai !

M. Gérard Cornu. Ce texte n’étant pas examiné selon la procédure accélérée, il y a une navette. Nous devons exprimer fortement notre volonté et réaffirmer que les textes concernant les collectivités locales doivent être examinés en premier lieu par le Sénat.

Certes, on nous saisit d’un texte « logement et urbanisme », ce qui créé une ambiguïté. Cependant, de grâce, n’ayons pas peur de ce que va faire l’Assemblée nationale et affichons très clairement notre vision de l’intercommunalité qui passe par la défense des territoires et des communes.

Tel est, à mon avis, l’essentiel et c’est ce qui doit nous préoccuper en priorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.