Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC l’a dit, ces articles sur la pénibilité, parce qu’ils veulent trop embrasser, engendrent de la confusion. En effet, on mélange réparation et prévention.

Je suis certes un fervent partisan de la formation professionnelle et, bien sûr, de la prévention. Mais, dans les petites entreprises, et particulièrement les TPE, ce sera un coup d’épée dans l’eau, comme nous l’avons démontré. Celles-ci ne disposent le plus souvent pas de postes permettant d’offrir aux salariés une autre chance et un emploi moins pénible. Dès lors, comment les salariés pourront-ils utiliser ce compte personnel de formation?

C’est pourquoi nous demandions davantage de liberté dans la négociation, afin de pouvoir attribuer plus de points pour réparer cette pénibilité, soit au moyen d’un départ plus précoce à la retraite, soit en favorisant le départ progressif, un dispositif très intelligent qui permet de surcroît à l’entreprise d’embaucher des jeunes et qui pourrait venir compléter utilement votre contrat de génération.

Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement de suppression de cet article. Je pense qu’il faut revoir complètement ce texte, même si, sur le fond, nous le redisons, il nous convient…

M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez voté contre l’article 6 !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous voulons effectivement réparer la pénibilité, mais pas dans les conditions que vous proposez.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Nous sommes dans une situation invraisemblable : nous discutons actuellement de l’article 7 et nous continuerons tout à l’heure avec les articles 8 et 9, et ce alors même que ces articles sont la conséquence de l’article 6, qui a été supprimé !

La simple logique voudrait que l’on ne discute pas des articles 7, 8 et 9 ! Mais puisque nous faisons comme si l’article 6 existait encore, l’article 7 n’a pas à être supprimé. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement de suppression !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. L’article 7 prévoit de compléter le dernier alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail. Or ce dernier fixe les conditions d’attribution du label intitulé « Orientation pour tous-pôle information et orientation sur les formations et les métiers », valant reconnaissance de la participation au service public de l’orientation tout au long de la vie.

Si l’article 7 était adopté en l’état, ce label serait attribué :

« 3° En cas d’utilisation des points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-5. »

Si j’ai bien compris, ce label serait donc attribué aux organismes qui peuvent utiliser les points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, soit pour une bonification salariale de temps partiel, soit pour un départ anticipé à la retraite, soit pour un accès à la formation.

Je ne crois pas que cet article mérite d’être supprimé, d’autant qu’il sera surtout virtuel dans un premier temps. Il me semble toutefois que sa rédaction pourrait être améliorée. Mais il se pourrait aussi que je me sois trompé…

Quoi qu’il en soit, ce complément apporté à l’article 6111-1 ne remet nullement en cause le projet de loi annoncé sur la formation professionnelle, monsieur Longuet, et sa rédaction pourra toujours être améliorée en CMP.

Mme la présidente. Avant de poursuivre les explications de vote sur cet amendement, je voudrais apporter une réponse à M. Domeizel : tant que des articles sont en navette, mon cher collègue, je suis tenue de les soumettre à la discussion et de les mettre aux voix. Je ne peux pas les faire tomber comme par magie !

M. Claude Domeizel. Nous allons justement voter contre la suppression de l’article 7 !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas le moment ce matin de revenir sur la longue et intéressante discussion que nous avons eue hier à propos de l’article 6.

Je rappelle toutefois que le compte personnel de reconnaissance de la pénibilité est fondé sur trois dispositifs.

Il prévoit, en premier lieu, un accès obligatoire à la formation, puisque le compte peut être alimenté à hauteur de vingt points.

Il favorise, en deuxième lieu, toutes les formes d’organisation du temps de travail à temps non complet, mesure qui me semble tout à fait digne d’intérêt.

Enfin, en troisième lieu, il permet dans certaines conditions le départ anticipé à la retraite.

Nous jouons donc à la fois sur le levier de la prévention et de la réparation.

Sur le plan de la prévention, l’accès à la formation est fondamental. Et je ne vois pas pourquoi les salariés des TPE et des PME n’auraient pas les mêmes droits que ceux des grandes entreprises.

Il se trouve que l’article 6 a malheureusement été rejeté ; mais nos collègues du groupe CRC avaient déposé un amendement intéressant qui visait à accorder une priorité d’accès à un emploi non pénible aux salariés ayant bénéficié de ces formations.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi refuserons-nous cet amendement n° 278 ?

M. Longuet nous invite à la procrastination, en nous proposant de remettre à plus tard le débat sur le compte personnel de formation lié à la pénibilité.

Je veux insister sur deux points très simples.

Je rappelle tout d’abord que le compte personnel de formation est issu de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Il s’agit d’un droit nouveau ouvert aux salariés, dont les modalités concrètes d’application font en ce moment l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux. Nous savons d’ores et déjà que ce compte individuel de formation prendra par définition en compte les caractéristiques individuelles des salariés. Autrement dit, un jeune qui arrive dans l’entreprise sans formation initiale se verra probablement doté du nombre de points nécessaire pour lui permettre d’exercer une sorte de droit à une formation initiale différée.

On peut donc escompter sans risquer de se tromper que les propositions de ce projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites s’articuleront naturellement avec les dispositions du futur projet de loi sur la formation professionnelle. Pourquoi donc attendre les précisions à venir relatives au compte personnel de formation alors que le compte personnel de prévention de la pénibilité ne fait que créer une source supplémentaire de droit à la formation ?

Ma deuxième remarque s’adresse à Jean-Marie Vanlerenberghe : cher collègue, vous ne pouvez pas regretter que la prévention ne soit pas suffisamment au cœur du texte qui nous est proposé et, en même temps, récuser cette disposition qui, par nature, favorise la prévention. En effet, le compte personnel de formation permet, notamment en cas de pénibilité observée, avec les conséquences que l’on sait sur la santé, les réorientations professionnelles. Il participe véritablement d’une démarche de prévention. Cet argument devrait vous convaincre de défendre le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. L’engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement sur des sujets aussi complexes que les retraites et la pénibilité montre les limites de l’exercice !

M. Jean Desessard. Ça, c’est vrai !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est pourtant ce que vous avez fait en 2010 !

Mme Catherine Deroche. Il s’agit d’un texte important sur lequel nous aurions pu travailler. Dès 2010, nous avions inclus la notion de pénibilité dans notre réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme Deroche a la parole !

Mme Catherine Deroche. Vous avez voulu passer en force, et le texte issu des travaux du Sénat va être totalement désossé. Si bien qu’un accord avec l’Assemblée nationale, lors de la commission mixte paritaire semble impossible. Cette situation est ubuesque !

M. Jean-Pierre Caffet. À qui la faute ?

Mme Catherine Deroche. Je répète que, s’agissant d’un texte aussi important, sur lequel nous aurions pu travailler, il me paraît vraiment dommage que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée.

En outre, M. Desessard invite à voter un texte tout en reconnaissant son imperfection. Cessons d’agir ainsi ! Suffisamment de textes sont lourds et imparfaits ; dispensons-nous de les voter lorsque nous nous en rendons compte en séance !

MM. Philippe Bas et François Trucy. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 278.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

M. Jean Desessard. Les écologistes ont été indispensables dans ce vote !

Article 7
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 9

Article 8

I. – Le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un chapitre III intitulé : « Accords en faveur de la prévention de la pénibilité » et comprenant les articles L. 4163-1 à L. 4163-4.

II. – L’article L. 4163-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 4163-1. – Le présent chapitre est applicable aux employeurs de droit privé, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient des personnels dans les conditions du droit privé. »

III. – Les articles L. 138-29 à L. 138-31 du code de la sécurité sociale deviennent, respectivement, les articles L. 4163-2 à L. 4163-4 du code du travail.

IV. – L’article L. 4163-2 du code du travail, tel qu’il résulte du III du présent article, est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La référence : « à l’article L. 4121-3-1 du code du travail » est remplacée par les mots : « à l’article L. 4161-1 au delà des seuils d’exposition définis par décret » et les deux occurrences des mots : « du même code » sont supprimées ;

b) Après les mots : « accord ou », sont insérés les mots : « , en cas de désaccord attesté par un procès-verbal dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232-21, par » ;

2° Aux deuxième et dernier alinéas, les mots : « du présent code » sont remplacés par les mots : « du code de la sécurité sociale ».



V. – À l’article L. 4163-3 du même code, tel qu’il résulte du III du présent article, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 ».



VI. – L’article L. 4163-4 du même code, tel qu’il résulte du III du présent article, est ainsi modifié :



1° À la première phrase du premier alinéa, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 » ;



2° À la fin de la première phrase du premier alinéa et du second alinéa, la référence : « L. 138-30 » est remplacée par la référence : « L. 4163-3 ».



VII (nouveau). – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 du code du travail ».

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a introduit un certain nombre de dispositions censées prévenir la pénibilité que le présent projet de loi vise à compléter ou à modifier.

Nous nous réjouissons que, pour la première fois, cette question soit traitée de façon que la loi favorise réellement la négociation sociale en rendant plus complexe la mise en œuvre d’un plan d’action unilatéral. C’est positif.

En effet, ces plans permettent aux employeurs de contourner le dialogue social dans l’entreprise et les placent en position d’être les seuls décideurs en la matière. Le plus souvent, ces plans méconnaissent les observations des salariés, pourtant les mieux à même de décrire leur réalité de travail. Au final, ces plans ne sont pas de nature à permettre la construction d’une démarche de prévention de la pénibilité qui repose, à l’inverse, sur une logique d’établissement de diagnostic et de propositions partagées.

En outre, parce qu’ils sont définis quasiment exclusivement par les employeurs, les plans d’action en matière de prévention de la pénibilité, comme ceux en faveur de l’égalité salariale, prévoient bien souvent la solution la moins coûteuse et non la plus protectrice.

Cela explique sans doute pourquoi le nombre de plans d’action mis en œuvre dans les entreprises est aujourd’hui supérieur au nombre d’accords : 53 % pour les premiers contre 47 % pour les seconds.

De plus, certains accords sont sans effets concrets sur la vie des salariés puisqu’il s’agit d’accords de méthodes « qui visent à cadrer la réalisation d’un futur accord ou plan d’action ».

On le voit, beaucoup reste encore à faire en la matière. Les dispositions prévues à l’alinéa 8 de cet article, prévoyant que la mise en œuvre d’un plan d’action ne sera possible qu’après échec de la négociation dûment attesté par un procès-verbal, constituent à notre avis une avancée.

Il nous semble toutefois opportun, afin de donner enfin et réellement la priorité à la négociation et à la signature d’accords entre employeurs et représentants des salariés, de prévoir une pénalité financière, à la charge des entreprises qui ne parviendraient pas à signer un accord.

De même, nous regrettons que ce projet de loi ne renforce pas les sanctions à l’égard des entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations légales. Aujourd’hui, la sanction peut théoriquement atteindre 1 % de la masse salariale. Ce n’est toutefois que rarement le cas dans les faits, l’autorité administrative conservant la possibilité de moduler cette sanction.

En conséquence, malgré les avancées contenues dans cet article, le groupe CRC s’abstiendra.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Je m’inscris dans la continuité de l’intervention de mon collègue.

Les mutations techniques et technologiques entraînent une évolution des conditions de travail des salariés. Si cette évolution s’accompagne dans bien des cas d’une amélioration notable de la réalisation de l’activité professionnelle, elle peut également entraîner pour les salariés une plus grande exposition à des facteurs de risques, certains persistant tandis que d’autres apparaissent.

La pénibilité affecte les conditions de travail des salariés, ce qui peut réduire non seulement la productivité de ces derniers, mais surtout leur espérance de vie en bonne santé. Compte tenu des conséquences économiques, sociologiques et humaines, il s’agit d’un véritable enjeu de société.

En effet, 35 % des travailleurs âgés de cinquante à cinquante-neuf ans ont déclaré avoir été exposés pendant quinze ans ou plus à un poste pénible. La revue Santé et Travail soulignait ainsi, dans son édition de juillet 2011 : « Parmi eux, 24 % connaissent des limites dans leur vie quotidienne en raison de problèmes de santé, contre 17 % des autres seniors ».

Ces données ne sont pas nouvelles. Elles résultent de l’enquête « Santé et itinéraire professionnel », commandée et réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, dont les conclusions, étonnamment tardives, n’ont malheureusement pu être pleinement exploitées par les parlementaires en 2010.

Alors qu’en 2010 la réforme menée par Éric Woerth et François Fillon entendait réduire la pénibilité à une question médicale et individuelle, vous avez pour votre part fait un choix différent, ce que nous considérons comme positif.

Toutefois, comme le soulignent la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, vous auriez pu aller plus loin dans l’analyse, et nous regrettons que tel n’ait pas été le cas.

En effet, vous auriez pu profiter de l’occasion qui vous était donnée par l’examen du présent texte pour permettre à tous les salariés de bénéficier d’une protection supplémentaire en matière de pénibilité. Nous en avons d’ailleurs parlé hier soir tardivement.

Tel ne sera pas le cas puisque seules les entreprises d’au moins cinquante salariés, dont plus de 50 % des effectifs sont exposés à un ou plusieurs risques professionnels, seront soumises à l’obligation de négocier des accords ou des plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité. Ainsi, les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés sont une nouvelle fois exclus du système de prévention.

Pourtant, un dispositif reposant sur les délégués du personnel voire, comme il en a été question hier soir, les conseillers du salarié aurait tout à fait pu être envisagé. Les dispositions de l’article auraient ainsi pu être étendues aux entreprises de dix à cinquante salariés.

Au final, les salariés des petites entreprises sont doublement perdants : ils ne peuvent compter ni sur la présence de représentants du personnel ni sur un CHSCT pour veiller au respect de leurs droits en matière de santé et d’hygiène au travail ; en outre, ils ne peuvent bénéficier d’aucun accord relatif à la prévention. Pourtant, les salariés des petites entreprises ne sont pas moins exposés à la pénibilité que ceux des grandes et moyennes entreprises.

De plus, aucune mesure n’est prise pour inciter à la signature d’accord de branche étendu. Les résultats sont pourtant, là encore, loin d’être satisfaisants. Si je m’en réfère à l’étude d’impact, on ne dénombrait au 31 août 2013 que quinze accords de branche. C’est dire le retard pris. Or, rien dans cet article n’est de nature à nous faire penser qu’une amélioration de la situation est possible. C’est tout à fait regrettable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.

Mme Cécile Cukierman. Deux de mes collègues étant déjà intervenus sur cet article, mon intervention sera brève. Elle prendra la forme de deux questions adressées à M. le ministre du travail, questions auxquelles je ne doute pas que vous pourrez apporter des réponses, madame la ministre.

Cet article 8, si j’ai bien compris sa rédaction quelque peu complexe, tend à modifier les modalités de calcul de la proportion de salariés d’une entreprise exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels.

Désormais, une entreprise sera soumise à cette obligation si 50 % de ses effectifs dépassent le seuil d’exposition à la pénibilité. Cette mesure contribue à l’objectivation des risques.

Cependant, dans la mesure où ces seuils devront être définis par décret, il nous sera impossible de connaître l’évolution du nombre d’entreprises soumises à cette obligation

La consultation nous paraît un minimum puisque la détermination des seuils n’est pas une chose aisée : elle fait en effet l’objet d’importants contentieux. Ainsi, de plus en plus de juridictions saisies dans le cas de pathologies ou décès liés au travail ne font plus nécessairement référence à ces seuils. Par exemple, dans une décision faisant suite au décès d’un agent EDF intervenant dans une centrale nucléaire, la nature professionnelle du décès, suite à un cancer, a été reconnue bien que l’exposition de l’agent aux radiations ait été largement inférieure aux seuils admis.

Madame la ministre, pouvez-vous nous fournir davantage de précisions quant aux modalités de définition de ces seuils ? En outre, dans quel délai le décret interviendra-t-il ?

Enfin, madame la ministre, j’en viens à la question des sanctions prises à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation prévue à l’article 8. Le manque criant de contrôleurs et d’inspecteurs du travail rend impossible un contrôle satisfaisant. Récemment d’ailleurs, les organisations syndicales de contrôleurs et inspecteurs du travail ont dénoncé avec force le projet de réforme de l’inspection du travail que vous élaborez. Ils arguent que votre projet pourrait conduire à la création de sections spécialisées, alors que les inspecteurs sont aujourd’hui compétents sur un territoire et généralistes. Selon eux, une telle spécialisation risquerait de réduire les interventions dans d’autres champs.

Outre cette inquiétude de la part des professionnels, nous ne parvenons pas à mesurer l’impact de cette réforme sur la mission précise de contrôle des obligations légales en matière de pénibilité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est réellement ? Comment cette réforme permettra-t-elle de garantir l’indépendance des agents de contrôle, qui constitue une garantie pour les agents publics comme pour les salariés ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.

M. Gérard Longuet. Sur cet article 8, le groupe UMP n’a pas déposé d’amendement. Les dispositions de la loi de 2010 nous conviennent, et les dispositions de l’article 8 du projet de loi tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale ne nous posent pas de problème majeur.

Toutefois, madame la ministre, nous avons posé hier à votre collègue Mme Touraine une question à laquelle nous n’avons toujours pas de réponse.

Cette question, que vous a déjà posée Philippe Bas, est la suivante : en 1993, comme en 2003, en 2008 et en 2010, votre majorité, qui était alors dans l’opposition, a combattu tous les textes que nous avons proposés afin d’adapter nos régimes de retraite aux réalités économiques et démographiques du temps, mais quelles dispositions de ces textes supprimez-vous aujourd'hui ?

Puisque vous aviez dénoncé des textes scélérats comportant des mesures injustes, excessives, violentes, au service du grand capital buveur du sang des prolétaires, nous pensions que notre héritage serait dilapidé et notre construction législative saccagée, que nous serions sur la défensive, à devoir lutter pour les textes que nous avions mis en place, dont nous pensions, et dont nous pensons toujours, à juste titre, qu’ils étaient pertinents.

Or nous constatons que toute notre construction est prolongée et peut-être même consolidée. Cet article 8 – c'est la raison pour laquelle je m’exprime à son sujet – en est une belle illustration. Il introduit en effet le procès-verbal de désaccord. Je le dis tout net, c’est un enrichissement de ce que nous avions proposé. Mais si nous n’avions pas d'abord institué les formules de l’accord d’entreprise et du plan unilatéral, il n’y aurait pas d’article 8 aujourd'hui. Vous consolidez le dispositif que nous avons adopté en 2010, en introduisant un élément qui n’est en rien choquant : le constat de désaccord.

Je renouvelle donc la question de Philippe Bas : diable, ou plutôt non, pas diable, puisque le diable se niche dans les détails et que je vous interroge sur l’essentiel, qu’avez-vous supprimé de ce que vous avez combattu pendant vingt ans ? La réponse est simple : rien, parce que nous étions dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est faux !

Mme la présidente. L'amendement n° 409, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – La section 2 du chapitre 8 ter du titre 3 du livre Ier du même code est abrogée.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’article 8 est important, car il transfère les dispositions relatives aux accords en faveur de la prévention de la pénibilité du code de la sécurité sociale vers le code du travail.

M. Gérard Longuet. C’est symbolique !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Non, ce n’est pas seulement symbolique. La loi de 2010 a établi un lien entre pénibilité et invalidité.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le présent projet de loi a pour objectif de prévenir la pénibilité, et c'est pourquoi les dispositions relatives à la pénibilité doivent êtres transférées vers le code du travail. Vous le voyez, monsieur Longuet, les choses ont changé entre 2010 et 2013 !

L'amendement n° 409 est donc un amendement de coordination juridique qui vise à tirer les conséquences du transfert dont je viens de parler.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Je tiens à souligner à mon tour l’importante évolution que représente ce projet de loi. Désormais, la pénibilité est prise en compte en tant que telle, et non plus en lien avec l’invalidité. La confusion entre pénibilité et invalidité était d'ailleurs l’un des griefs principaux de l’opposition en 2010. Je crois que nous réalisons aujourd'hui un progrès, que nous pourrions qualifier de progrès de rupture, si cette expression était usuelle.

Je voudrais également répondre à Cécile Cukierman. Marisol Touraine a précisé hier que les seuils seraient fixés par décret et, surtout, après concertation des partenaires sociaux et avis du COR. Je ne peux que vous le confirmer, sans anticiper sur les résultats de la concertation, faute de quoi il ne s’agirait plus de concertation.

Quant à l’amendement n° 409, j’y suis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je voudrais confirmer notre approche bienveillante à l’égard de cet article. Néanmoins, j’ai encore un doute, qu’il vous serait aisé de lever, madame la ministre, en prenant un engagement précis au nom du Gouvernement.

Nous pouvons admettre que le désaccord sur les termes d’un éventuel accord en faveur de la prévention de la pénibilité soit consacré par un procès-verbal. Mais il faut que l’absence de ce procès-verbal ne puisse être opposée à un employeur qui aurait conduit de bonne foi des négociations qui n’auraient pas abouti à cause du refus des représentants des salariés.

Imaginez – le cas peut se présenter – que telle ou telle organisation syndicale refuse de signer le procès-verbal de désaccord. Comme il n’y aurait ni accord ni procès-verbal de désaccord, la pénalité pourrait être appliquée à l’employeur, même s’il a agi de bonne foi.

On ne peut tout de même pas imposer aux organisations syndicales de signer le procès-verbal de désaccord si elles ne le veulent pas. Dans le cas où des interlocuteurs sociaux refuseraient de signer le procès-verbal, faudra-t-il que l’employeur administre la preuve de leur mauvaise foi ou sera-ce à eux d’administrer la preuve de leur bonne foi ?

Autrement dit, je voudrais que l’on apporte davantage de sécurité juridique à nos entreprises. Mon vote, tant sur le présent amendement que sur l’article 8, dépendra de la réponse que le Gouvernement voudra bien nous donner pour nous rassurer et conforter le préjugé de bienveillance que Gérard Longuet a expliqué de manière précise.