M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Colette Giudicelli. D'ailleurs, monsieur le ministre, il est intéressant de noter que c’est dans le bureau des archives du service historique de la défense qu’a été établie, mois après mois, la liste des militaires tués jusqu’en 1964.

Vous savez bien que le cessez-le-feu de mars 1962 fut tout, sauf un cessez-le-feu ! Les violences se sont poursuivies bien au-delà de cette date et de la fin officielle du conflit, particulièrement envers les harkis, surtout ceux qui portaient l'uniforme de l'armée française.

Mme Colette Giudicelli. C'est un fait ! Il est donc difficile de nier l’existence d’un risque militaire.

Dans ces conditions, la carte du combattant doit être attribuée aux personnes ayant participé aux opérations en Afrique du Nord entre 1962 et 1964, tout en conservant naturellement le critère des quatre mois de présence au minimum sur le territoire algérien.

La carte « à cheval », telle que la propose le Gouvernement, n’est pas une solution satisfaisante. D'ailleurs, elle ne correspond pas à la réalité historique du conflit en Algérie. Pis, elle va créer une nouvelle inégalité au détriment, potentiellement, de 60 000 anciens combattants – effectif à rapprocher des seuls 8 400 anciens combattants qui seraient retenus.

Si nous avons la volonté de reconnaître que les violences en Algérie, y compris à l’encontre de nos militaires présents, ne se sont pas tues avec les accords d’Évian, alors je crois vraiment que le pays doit faire cet effort.

La proposition de loi vise aussi à instaurer un critère de cent vingt jours de présence pour tous nos soldats déployés sur le théâtre d’opérations extérieures. En effet, depuis 1964, on considère que plus de 600 militaires ont été tués en opérations extérieures, dont 88 en Afghanistan. C’est pourquoi la réglementation actuelle relative à la reconnaissance du statut d’ancien combattant m'apparaît complexe et inadaptée.

Complexe, parce qu’elle est fondée sur des critères extrêmement différents selon la génération de combattants concernée.

Inadaptée, parce que, compte tenu de la nature même des conflits, l’engagement de nos forces dans le monde est marqué par des situations d’insécurité permanente en raison de l’emploi des techniques de la guérilla ou de terrorisme. Les journaux des marches et opérations sont aussi des références inadaptées en matière de preuve.

Enfin, des inégalités persistent, car la qualification d’unité combattante n’est pas attribuée de la même manière dans toutes les armées. De plus, dans l’armée de terre, seules les unités de combat pourront obtenir la carte du combattant, alors que les unités de soutien, qui sont confrontées aux mêmes risques, en sont exclues.

Peut-être faudrait-il simplifier le dispositif en permettant d’attribuer la carte du combattant pour une liste d’opérations s’inscrivant dans un espace donné, sur des territoires définis par décret et pour une durée de quatre mois, consécutifs ou non.

Le régime actuel prévoit une durée de présence de trois mois, mais il exclut beaucoup d’anciens combattants. C’est pour cette raison que je soutiens une période de quatre mois qui s'applique à tous. Cela serait plus équitable et ne constituerait en rien une régression, car les conditions actuelles restent restrictives en dépit du décret et de l’arrêté de décembre 2010.

En conclusion, monsieur le ministre, je regrette que le Gouvernement n’ait engagé aucune réforme en faveur des anciens combattants. Pis, le budget des anciens combattants pour 2014 diminue de 2,7 %, après une baisse de 2 % en 2013.

M. Alain Néri. En 2012, c’était combien ?

Mme Colette Giudicelli. Ce n’est pas le sujet, mais je pourrai vous donner les détails, et vous verrez ce que nous avons fait !

M. Alain Néri. Ça m’intéresserait !

Mme Colette Giudicelli. J’ajoute que le Gouvernement a instauré par décret une diminution de 20 % du taux de majoration des rentes mutualistes versées par l’État aux anciens combattants. Cette situation est difficilement acceptable. L'adoption de cette proposition de loi aurait donc un double avantage : rétablir l'égalité entre les différentes générations du feu et, surtout, montrer la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont risqué leur vie pour nous tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette période où nous allons, unis et rassemblés, montrer notre attachement au devoir de mémoire en rendant hommage aux anciens combattants à l'occasion du centenaire de la Grande Guerre et du soixante-dixième anniversaire du débarquement, notre collègue Marcel-Pierre Cléach présente une proposition de loi concernant la troisième et la quatrième génération du feu.

Chacun reconnaît, avec Clemenceau, que les anciens combattants ont des droits sur nous, même s'il a fallu attendre le 19 décembre 1926 pour la création de la carte du combattant. De la même façon, il aura quand même fallu un certain temps de réflexion, tant aux gouvernements qu’au Parlement, pour reconnaître la troisième génération du feu – en 1974, finalement – et qu’elle puisse avoir droit à la carte du combattant.

Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qu’il aura fallu attendre trente-sept ans après le cessez-le-feu pour qu’une proposition de loi socialiste,…

M. Alain Néri. … dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur à l’Assemblée nationale – où elle fut votée à l'unanimité, de même qu’au Sénat quelques jours plus tard, puis promulguée le 18 octobre 1999 –, reconnaisse enfin que, en Algérie, c'était bien la guerre et qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une opération de pacification, de maintien de l'ordre et pas davantage encore de simples événements !

Mme Catherine Procaccia. C’est du recyclé !

M. Alain Néri. Vous en conviendrez, cette façon de transcrire la réalité était quelque peu fumeuse.

Il aura donc fallu attendre le gouvernement de Lionel Jospin pour reconnaître enfin la guerre d'Algérie.

M. Bruno Retailleau. Et Mitterrand ?

M. Alain Néri. C’est également à cette époque, dès le budget pour 1998, avec l'arrivée au ministère des anciens combattants de Jean-Pierre Masseret, que les critères, qui étaient jusque-là ceux de la guerre de 39-45, ont été changés. Il faut dire que la durée requise avait déjà posé quelques problèmes pour l'armée d'Italie au cours de Seconde Guerre mondiale, qui n’avait pas les quatre-vingt-dix jours d’unité combattante.

Pour l'Algérie, il était particulièrement difficile de prouver que quatre-vingt-dix jours avaient été passés en unité combattante dès lors que les journaux des marches et opérations des régiments d'appelés n’avaient malheureusement pas été tenus avec suffisamment de rigueur. D'ailleurs, plus que d'inégalité, on pouvait parler d'injustice quand ces régiments n’étaient pas reconnus comme unités combattantes, alors qu’ils se trouvaient au même moment, au même endroit, que des unités de gendarmerie, qui, elles, fort heureusement, ont été reconnues unités combattantes. Des actions de feu et de combat étaient alors requises, ce qui était particulièrement difficile à démontrer.

Il a fallu que le groupe socialiste dépose des amendements pour demander à vos prédécesseurs, monsieur le ministre, de changer les critères pour retenir enfin ceux de l'exposition au risque. De dix-huit mois au départ – parce qu'on était raisonnable et rigoureux et qu’on savait bien qu’on n’obtiendrait pas tout en une seule fois –, on est passé à quinze mois, puis à douze mois et enfin à quatre mois pour tenir compte des rappelés et, dans un souci d'égalité de traitement, de toutes les générations du feu. Ces quatre mois sont maintenant devenus la règle, parce qu'on a tenu compte de la réalité des conflits.

Monsieur le ministre, aujourd'hui, on peut vous féliciter d’avoir tenu l'engagement que vous aviez pris devant nous, à la suite des différentes propositions de loi que nous avions déposées – dont une au Sénat, au cours de la session précédente –, de créer la carte « à cheval ». Pour cela, bravo et merci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Certains nous disent qu’il faut aller plus loin. Je suis étonné par votre proposition de loi, monsieur Cléach, ayant été habitué à la rigueur et à la justesse de votre raisonnement. Il a dû vous échapper que, d’après l’histoire de France, le cessez-le-feu en Algérie a pris effet le 19 mars 1962, conforté par le référendum du 8 avril 1962, par lequel le peuple français a donné son accord à l’autodétermination et à la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Colette Giudicelli. Ce n’était pas la fin des combats !

M. Alain Néri. Madame Giudicelli, vous ne pouvez contester l’histoire ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) L’indépendance de l’Algérie a été reconnue officiellement le 3 juillet 1962 et proclamée le 5 juillet de cette même année par le Président de la République de l’époque, c'est-à-dire le général de Gaulle. Certes, monsieur Cléach, votre proposition de loi part d’un bon sentiment, mais elle est en totale rupture avec l’histoire.

Ce fut l’honneur de la France que d’adopter la loi reconnaissant officiellement la guerre d’Algérie et le sacrifice des jeunes qui se sont engagés dans cette guerre en répondant à l’appel de la nation, même s’ils n’en partageaient pas tous les objectifs. Aux termes de cette loi, la guerre d’Algérie prend fin le 2 juillet 1962 avec l’indépendance. Si vous voulez attribuer la carte du combattant aux soldats ayant servi jusqu’en 1964, monsieur Cléach, il faut aller au bout de votre raisonnement et déclarer rétroactivement la guerre à l’Algérie entre 1962 et 1964 ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Marcel-Pierre Cléach. N’importe quoi !

M. Alain Néri. De surcroît, si nous devions vous suivre, nous rencontrerions de graves difficultés diplomatiques avec l’Algérie, qui serait en droit de nous traduire devant un tribunal international au motif que nous mentionnons une guerre en Algérie sans l’avoir déclarée.

M. Alain Néri. Nous aurions également certainement des problèmes avec l’Organisation des Nations unies.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Néri. Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons accepter votre proposition de loi, monsieur Cléach. Aujourd'hui, il s’agit de rendre hommage aux anciens combattants d’Algérie, mais au travers des efforts qui ont été évoqués par M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier Marcel-Pierre Cléach d’avoir déposé cette proposition de loi, que nous sommes plusieurs à avoir cosignée.

J’ai fait partie, moi aussi, de ceux qui ont passé près de deux ans en Algérie. Les années passent et nous sommes tous d’accord pour renforcer la coopération entre la France et l’Algérie, et celles et ceux qui ont été appelés en Algérie ont probablement une mission particulière dans cette démarche.

Pour autant, peut-on oublier les jeunes qui ont servi en Algérie, y compris après le cessez-le-feu ? Certains ont été blessés, d’autres sont morts. Ils répondaient, comme celles et ceux qui ont servi avant le mois de juillet 1962, aux missions qui leur avaient été confiées par le gouvernement de l’époque. Comment et pourquoi n’auraient-ils pas droit aux mêmes dispositions que leurs camarades qui les avaient précédés ? Ce ne serait que justice de le reconnaître aujourd'hui, en adoptant les articles de cette proposition de loi.

Dans le même esprit, il est proposé que les militaires servant au titre des opérations extérieures, les OPEX, puissent bénéficier des mêmes dispositions.

La France a des soldats qui servent en différents pays du globe, hier dans les Balkans, aujourd'hui au Mali – probablement pour un certain temps encore –, au Liban, en Afghanistan, et certainement ailleurs demain. Ces soldats remplissent eux aussi les missions que le Gouvernement leur confie. Il serait juste et équitable qu’ils puissent à leur tour bénéficier des mêmes dispositions concernant l’attribution de la carte du combattant.

Monsieur le ministre, il semble que le Gouvernement veuille amputer de manière significative le budget des anciens combattants. Ce n’est certes pas l’objet de notre débat, encore que vous ayez évoqué les problèmes de financement, mais peut-être pourriez-vous nous donner quelques informations à ce sujet. S’il en était ainsi, ce serait très mal compris par le monde combattant.

Ce n’est pas le montant de la retraite versée qui est en cause, mais le symbole de la reconnaissance de la France pour celles et ceux qui ont servi la patrie, souvent dans des conditions difficiles.

Pour l’heure, nous examinons la proposition de loi visant à élargir les conditions d’attribution de la carte du combattant. Nous devrions, en l’adoptant, marquer la volonté du Parlement et du Gouvernement de traiter sur un pied d’égalité l’ensemble des jeunes ayant accompli la mission qui leur a été prescrite par les différents gouvernements.

Monsieur le ministre, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans cet hémicycle, nous rencontrons des anciens combattants. Que devons-nous expliquer à celui qui, incorporé à la mi-juillet 1962, bénéficie du titre de reconnaissance de la nation, mais ne peut prétendre à la carte du combattant, attribuée en revanche à celui qui fut incorporé au mois de juin ?

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Charles Revet. Quel statut octroyer à celles et ceux qui sont restés jusqu’en 1964 ? Comme Marcel-Pierre Cléach l’a souligné, il y a eu de nombreux blessés et de nombreux morts après le 2 juillet 1962. Que devons-nous leur répondre ?

M. Michel Vergoz. « Évian ! »

M. Charles Revet. Monsieur Vergoz, comment expliquerez-vous à celui qui a été appelé et blessé au service de la France qu’il n’a pas droit à la carte du combattant, contrairement à celui qui a été incorporé quelques jours plus tôt ?

Il faut avoir le courage de reconnaître les choses telles qu’elles sont. La France est restée en Algérie après le cessez-le-feu et il serait normal, vis-à-vis du monde combattant, d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures
Article 2

Article 1er

I. – Au premier alinéa de l’article L. 1 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, l’année : « 1962 » est remplacée par l’année : « 1964 ».

II. – Au premier alinéa de l’article L. 253 bis du même code, l’année : « 1962 » est remplacée par l’année : « 1964 ».

III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.

Mme Muguette Dini. Cher Marcel-Pierre Cléach, je suis, à plusieurs égards, très troublée par ce texte.

D’une part, il mélange deux choses, à savoir les anciens combattants d’Algérie après le 1er juillet 1962, ou en tout cas ceux qui sont à cheval sur les deux périodes, et les combattants des OPEX. D’autre part, j’ai cru comprendre que M. le ministre avait pris en compte la demande très ancienne des anciens combattants concernant la fameuse carte « à cheval ».

Pourquoi suis-je troublée ? Il se trouve que j’ai vécu en Algérie de 1961 à 1965, pour accompagner mon mari qui y fit son service militaire jusqu’en novembre 1963. J’y ai passé notamment tout le mois de juillet 1962 ; je suis partie en vacances au mois d’août, avant de revenir au mois de septembre.

Certes, je ne sais pas tout ce qui s’est passé en Algérie, mais j’en sais beaucoup de par mon expérience personnelle. Je sais, comme vous tous, mes chers collègues, qu’il y eut encore des morts après le cessez-le-feu. Toutefois, lorsque je suis retournée en Algérie en septembre 1962 pour y exercer mon métier d’enseignante, le pays était totalement pacifié. Nous y circulions et y vivions normalement.

Mme Catherine Procaccia. En somme, c’était le Club Med ! (Sourires sur les travées de l'UMP. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

Mme Muguette Dini. Dans ces conditions, comment pourrait-on qualifier de combattants les appelés qui sont allés en Algérie à la fin de l’année 1962 et au début de l’année 1963 ? Ils se trouvaient dans un pays indépendant et n’étaient pas, c’est le moins que l’on puisse dire, en permanence sur le pied de guerre. Leur donner la carte du combattant, ce serait presque faire injure à ceux qui ont réellement fait la guerre d’Algérie.

On n’imagine mal aujourd'hui l’angoisse terrible de ceux qui ont été appelés ou rappelés en Algérie, et celle de leurs familles, qui craignaient qu’ils ne soient tués ou blessés, sans savoir combien de temps ils resteraient là-bas.

Je sais que les parents dont les fils sont partis au début du mois de juillet 1963 ne partageaient pas cette angoisse. Certes, ils pouvaient avoir le sentiment que l’Algérie était loin, que le service militaire était trop long et que la situation avait assez duré, mais leurs fils n’allaient pas au combat et ils ne craignaient pas pour leur vie.

La question de la période à cheval ayant été résolue, je le répète, il me paraîtrait injuste d’octroyer la carte du combattant à tous ceux qui ont été en Algérie en 1963 et en 1964.

La majorité du groupe UDI-UC s’abstiendra néanmoins, la proposition de loi concernant également les soldats ayant participé à des OPEX. Leur situation soulève de nombreuses questions, et nous espérons, monsieur le ministre, qu’elles seront résolues.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, sur l'article.

M. Alain Néri. Nous avons eu l’occasion d’exposer notre position concernant les anciens combattants d’Algérie.

En ce qui concerne les OPEX, nous faisons confiance à M. le ministre. Des efforts ont d’ores et déjà été réalisés et le nombre de cartes, en augmentation en 2013, devrait avoisiner les 20 000 en 2014. La proposition de M. le ministre me paraît parfaitement justifiée : prenons le temps de discuter avec les organisations d’anciens combattants, réfléchissons à la mise en place de critères justes, qui soient acceptés par tous.

Il serait regrettable que des mesures adoptées dans la précipitation conduisent à refuser le bénéfice de la carte du combattant à des soldats comptant quatre-vingt-dix jours de présence en unité combattante ou ayant pris part à des actions de feu ou de combat.

Monsieur le ministre, vous avez tenu vos engagements concernant le règlement du problème de la carte « à cheval » dans le projet de loi de finances pour 2014, nous avons donc toutes les raisons de vous faire confiance s'agissant des soldats engagés en OPEX pour le budget 2015.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, sur l’article.

Mme Leila Aïchi. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le groupe écologiste est partagé sur cet article.

Le principe d’égalité, qui fait pourtant la force de notre système juridique, devrait motiver notre réflexion. L’égalité de traitement et l’égalité de reconnaissance sont deux notions auxquelles je suis personnellement attachée.

Je ne pense pas qu’il soit pertinent d’introduire une discrimination entre des soldats engagés sur le même théâtre d’opérations à seulement quelques mois d’intervalle : le risque militaire existait et des troupes françaises étaient toujours présentes. Je voterai donc pour cet article.

Ma collègue Hélène Lipietz s’abstiendra et les autres membres de mon groupe voteront contre, en raison de l’argument historique mis en avant par certains d’entre vous au cours de la discussion. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

Je voudrais enfin rappeler que notre divergence de vue porte sur ce seul article : l’ensemble de mes collègues du groupe écologiste, à une exception près, voteront les deux articles suivants.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Je comprends les motivations poussant certains à proposer cette attribution de la carte du combattant.

Toutefois, la guerre d’Algérie était achevée à cette époque. Il a d’ailleurs fallu attendre longtemps – octobre 1999, si ma mémoire est bonne – pour que cette guerre soit reconnue comme telle.

À partir du 2 juillet 1962, il n’y avait plus d’état de guerre entre la France et l’Algérie.

M. Charles Revet. Dites-le aux 305 000 militaires français qui se trouvaient encore là-bas !

M. Claude Domeizel. En tant que président du groupe d’amitié France-Algérie, je ne voterai pas cette proposition de loi qui pourrait paraître offensante, aux yeux de nos amis algériens, et à juste titre.

En effet, si nous adoptions ce texte, cela signifierait que les soldats en opération à cette époque, jusqu’au départ définitif de l’armée le 2 juillet 1964, étaient des combattants et que nous étions donc encore en guerre, alors que, pour nos amis algériens, tout s’est réellement terminé le jour de l’indépendance, c’est-à-dire le 2 juillet 1962.

Je ne voterai donc pas cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Tous les membres de notre groupe voteront contre cet article.

Je crois qu’il faut faire attention : l’histoire n’est pas un prétexte et ne doit pas être utilisée comme tel. Des dates et des faits sont avérés, tout comme il est prouvé que de jeunes hommes ont été appelés non pas pour faire leur service militaire mais bien, de fait, pour faire la guerre. Comme Alain Néri l’a rappelé, et même si cela n’a été reconnu que tardivement, il y avait une situation de guerre. Puis, d’autres jeunes hommes ont été appelés, mais nous n’étions plus dans une telle situation.

Quels que soient nos sentiments et notre analyse de cette proposition de loi, je crois que nous avons toutes et tous su rappeler combien ce conflit a été violent et comment chacun, de part et d’autre de la Méditerranée, cherche à se reconstruire, notamment en jetant des ponts de coopération.

Comme vient de le dire notre collègue Domeizel, prenons garde de ne pas envoyer, au travers de décisions en apparence simples, généreuses et prises au nom de l’égalité entre les différents combattants des signaux pouvant être perçus comme extrêmement violents et susceptibles de rouvrir un débat ou de témoigner d’une volonté de réécrire l’histoire, alors que ce n’est aucunement ce que nous souhaitons. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.

Par ailleurs, s’il y a une date de cessez-le-feu et une date d’indépendance de l’Algérie, cela n’efface pas le fait qu’il a fallu organiser les rapatriements nécessaires. La mise en place de la carte « à cheval » est donc une nécessité pour en finir avec cette guerre, permettre cette reconnaissance des différents combattants et satisfaire ce droit à réparation. Toutefois, elle a déjà été réalisée.

Nous voterons donc contre cet article, rien ne justifiant une telle extension des dates de conflit, ni de la reconnaissance du statut d’ancien combattant.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, sur l’article.

Mme Colette Giudicelli. Comme souvent, je voudrais parler des harkis, qui sont nombreux à vivre dans notre pays.

M. Charles Revet. Tout à fait ! Il faut aussi penser à eux !

Mme Colette Giudicelli. Ce sont des Français, comme vous et moi. Dans quel état se trouvent-ils aujourd’hui ? Ils sont partis d’Algérie pour sauver leur vie. Or beaucoup n’ont pas la carte d’ancien combattant.

Chaque fois que nous en avons parlé en commission, monsieur Domeizel, vous m’avez dit vouloir vous abstenir et en parler d’abord, en tant que président du groupe d’amitié France-Algérie, avec vos amis algériens. Je vous ai répondu que, pour ma part, je ne demandais pas l’avis d’un pays étranger pour voter une loi de la République !

M. Claude Domeizel. Je n’ai demandé l’avis de personne !

Mme Colette Giudicelli. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous venez de dire : prenons garde, dans ce genre de dossiers, à ne pas raviver de graves problèmes.

M. Michel Vergoz. C’est pourtant ce que vous faites depuis deux heures !

Mme Colette Giudicelli. Vous n’avez peut-être pas tous vécu les événements survenus à partir du cessez-le-feu. Des milliers de gens, dont des milliers de harkis, ont été massacrés. Vous non plus, n’allez pas refaire l’histoire pour qu’elle vous plaise !

M. Claude Domeizel. Je ne refais pas l’histoire !

Mme Colette Giudicelli. Monsieur Domeizel, chaque fois que j’essaie de m’exprimer, vous me coupez la parole, ou alors c’est M. Néri ! Une certaine courtoisie dans nos rapports serait la bienvenue. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Vergoz. C’est vous qui avez interpellé notre collègue !

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, voilà ce que je souhaitais rappeler.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué. Je ne voulais pas reprendre la parole, madame la sénatrice, mais vous évoquez la question des harkis, dont je pourrais parler directement au travers de ma propre histoire.

L’Histoire est ce qu’elle est, mais l’histoire personnelle est beaucoup plus forte. Je crois qu’il nous faut éviter de jouer sur la corde sensible. Cette communauté a été pendant trop longtemps l’otage électoral d’un certain nombre de partis politiques.

M. Kader Arif, ministre délégué. Sous couvert d’une prétendue fraternité entre combattants, elle ne doit pas être la variable d’ajustement des prochaines élections municipales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Vergoz. Très bien, monsieur le ministre !

M. Kader Arif, ministre délégué. J’ai rencontré la semaine dernière l’ensemble des associations de harkis, titulaires de cartes de combattants. Nous sommes en train de faire le nécessaire pour que personne ne soit oublié dans le cadre de ce devoir de mémoire, et surtout pas eux. De grâce, évitons de jouer sur la corde sensible et d’utiliser une communauté trop longtemps otage de notre histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais tout d’abord remercier Marcel-Pierre Cléach d’avoir déposé cette proposition de loi, ainsi que M. le rapporteur.

Je voudrais également rendre hommage à tous ceux de nos collègues anciens combattants. Je fais partie d’une génération qui n’a pas connu le feu. Mon grand-père paternel a eu le cou traversé par une balle en 1914-1918 et en a réchappé, alors qu’un de mes grands-pères maternels est décédé après avoir été gazé lors de ce même conflit. Durant la Seconde Guerre mondiale, mon grand-père maternel fut fait prisonnier. Quant à mon père, c’est un ancien d’AFN.

J’aborde ce texte avec une idée extrêmement simple : quels signes envoyer à ceux qui nous ont permis de jouir aujourd’hui de la paix et de la liberté ? Il s’agit d’une idée toute simple, qui sous-tend ce texte et qui répond à une double exigence d’équité et de reconnaissance.

Les hasards du calendrier ne peuvent faire oublier cette exigence d’équité entre ceux de nos militaires appelés avant et après l’indépendance de l’Algérie. J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas eu de guerre entre la déclaration d’indépendance et le retrait de nos troupes, en 1964. Peut-être n’y avait-il pas de guerre, mais il y a eu 534 morts !