compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

M. Alain Dufaut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (texte de la commission n° 240, rapport n° 239).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Article 1er AA

M. René Vandierendonck, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a été déposé sur le bureau du Sénat le 10 avril dernier.

Ce texte, il faut le rappeler, est le premier volet d’une réforme de l’organisation territoriale de la République décentralisée qui trouvera sa cohérence pleine et entière avec les deux autres projets de loi déposés par le Gouvernement de manière concomitante.

Au fil de la navette parlementaire, il s’est enrichi de nombreuses dispositions nouvelles : le texte initial du Gouvernement comportait 55 articles. Finalement, lors des quatre lectures, pas moins de 116 articles auront été soumis à l’examen des deux assemblées.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions – fort nombreuses – du présent projet de loi. Si vous le permettez, je vais concentrer mon propos sur les principales conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 17 décembre dernier, tout en revenant sur les apports des deux assemblées au cours de la navette.

Lors de la commission mixte paritaire, nous sommes parvenus, avec nos collègues députés, à des positions communes prenant en compte les avancées réalisées au Sénat et à l’Assemblée nationale sur les points qui restaient en discussion.

Je rappelle que le projet de loi comporte deux volets principaux : d’une part, la clarification des compétences des collectivités territoriales et la coordination des acteurs ; d’autre part, l’affirmation des métropoles.

Sans originalité, je commencerai par le premier volet, objet du titre Ier.

La commission mixte paritaire a permis de dégager des consensus sur les deux principaux sujets sur lesquels des divergences perduraient, à savoir les chefs de filat pour le bloc communal et la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP.

Pour ce qui concerne les chefs de file, je rappelle que le rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions prévu à l’article 2 du présent projet de loi s’accompagne de la reconnaissance, pour certaines compétences, d’un chef de file, conformément au cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution qui dispose que « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

Quant aux chefs de file prévus à l’article 3, notre principale divergence avec l’Assemblée nationale portait sur le bloc communal. Rappelons que le projet de loi initial prévoyait que le bloc communal était chef de file en matière de qualité de l’air et de mobilité durable, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, pouvait sembler très limitatif.

En première comme en deuxième lecture, nous avions souhaité que le bloc communal soit compétent pour définir les orientations en matière d’aménagement de l’espace, d’accès aux services publics de proximité et de développement local, tout en conservant la mobilité durable, maintenue par l’Assemblée nationale. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale avait seulement conservé le chef de filat en matière de mobilité durable et dans le domaine des services publics de proximité en donnant à ce dernier la dénomination « rationalisation des points d’accès aux services publics de proximité ».

En commission mixte paritaire, nous avons défendu la position constante du Sénat sur le chef de filat du bloc communal. Ces propositions sénatoriales sont totalement en phase avec la position adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR », concernant le plan local d’urbanisme intercommunal et la minorité de blocage possible.

La commission mixte paritaire a finalement retenu la proposition du Sénat, tout en précisant, sur l’initiative du député Olivier Dussopt, la notion d’organisation des services publics de proximité.

J’en viens à la question de la CTAP prévue à l’article 4. Il convient de souligner qu’en deuxième lecture l’Assemblée nationale avait déjà largement pris en compte les préoccupations du Sénat qui l’avaient conduit à préférer un dispositif allégé. En effet, la Haute Assemblée s’était opposée, de manière constante, à tout dispositif de curatelle.

In fine, l’Assemblée nationale a simplifié la CTAP et supprimé tout dispositif de sanction à l’encontre des collectivités territoriales récalcitrantes, d'ailleurs contraire au principe constitutionnel de libre administration.

Prenant acte de cette écoute bienveillante, la commission mixte paritaire a adopté la rédaction de l’Assemblée nationale, qui prévoit une présidence de la CTAP revenant de droit au président du conseil régional, une composition allégée par rapport à la version du Sénat et un mécanisme d’incitation pour que les collectivités s’inscrivent dans le système des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences.

De manière que l’incitation gomme tout effet de sanction, nous avons obtenu, en commission mixte paritaire, que la participation minimale du maître d’ouvrage soit portée à 30 %, au lieu de 40% dans la version de l’Assemblée nationale.

J’en viens au titre II du projet de loi concernant l’affirmation des métropoles.

La reconnaissance du fait métropolitain constitue une avancée majeure de ce texte avec, d’une part, la création de trois métropoles à statut particulier – Paris, Lyon et Marseille – et, d’autre part, la rénovation du régime des métropoles de droit commun.

L’Assemblée nationale ayant adopté conforme, dès la première lecture, le volet relatif à la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, la commission mixte paritaire s’est attachée à examiner principalement les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris et aux métropoles de droit commun.

Après avoir laissé une page blanche sur Paris à l’issue de la première lecture, le Sénat est parvenu, en deuxième lecture, à un texte reprenant le principe adopté par l’Assemblée nationale de création d’un établissement public de coopération intercommunale – EPCI – à fiscalité propre pour la métropole du Grand Paris, dispositif propice à créer une métropole intégrée.

Néanmoins, lors de ses débats en deuxième lecture, le Sénat s’était attaché à clarifier le dispositif et à renforcer le principe de subsidiarité des compétences entre la métropole du Grand Paris et les territoires qui la composent.

L’Assemblée nationale a cependant souhaité, en deuxième lecture, revenir à un texte proche de sa première version.

La principale divergence portait ainsi sur la répartition des compétences non métropolitaines entre la métropole et ses communes membres.

Le Sénat avait prévu la dissolution des EPCI existants, afin d’inciter à un examen de leurs compétences de manière à déterminer, d’une part, les compétences qui pourraient être transférées à la métropole en plus de celles qui l’étaient de par la loi, et, d’autre part, celles pour lesquelles devrait être privilégié un exercice au plus proche des citoyens.

Il a ainsi instauré la possibilité pour les communes de s’associer pour continuer d’exercer en commun ces dernières compétences, à l’échelon des territoires. L’idée, comme cela a été souligné en séance publique, était de privilégier une répartition des compétences du bas vers le haut afin d’éviter un effet de « yoyo ».

L’Assemblée nationale a préféré revenir à un système de fusion-absorption des EPCI existants au sein de la métropole. Les compétences non métropolitaines de ceux-ci sont transférées à la métropole et exercées par les conseils de territoire durant un délai de deux ans. À l’expiration de ce délai, si elles n’ont pas été restituées aux communes, elles le seront de droit, sauf délibération contraire du conseil de la métropole.

Il convient de souligner que l’Assemblée nationale a poursuivi la réflexion engagée par le Sénat sur l’autonomie de gestion des conseils de territoire. D’une part, les députés ont permis aux communes d’un même territoire d’exercer en commun les compétences restituées selon différentes modalités que nous avions nous-mêmes envisagées : la convention, l’entente, le syndicat. D’autre part, ils ont permis que puissent être étudiées la répartition et la prise en charge des financements correspondant à ces compétences au travers d’un pacte fiscal et financier entre la métropole et les territoires.

Après de longs et riches débats, la commission mixte paritaire a adopté le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale à quelques précisions près.

Notons que, sur l’initiative du Sénat, le texte intègre désormais – ce qui n’est pas neutre – des dispositions relatives aux personnels, l’article 12 bis précisant même les conditions de transfert des personnels de la ville de Paris à la métropole du Grand Paris.

De plus, nous avons supprimé l’article 14 du projet de loi qui prévoyait le principe d’un fonds de solidarité pour les départements d’Île-de-France, par cohérence avec l’article 73 bis du projet de loi de finances pour 2014, qui crée ce fonds.

Enfin, l’article 10 permettra de concrétiser en grande couronne l’avènement d’EPCI de taille suffisamment importante – 200 000 habitants –, à même de dialoguer avec la métropole de Paris, tout en reconnaissant – c’était un point fort de la position du Sénat – un pouvoir de dérogation afin de permettre une adaptation des périmètres au contexte local.

Pour ce qui concerne les métropoles de droit commun, les deux assemblées s’opposaient sur deux points importants : d’une part, les modalités de création des métropoles ; d’autre part, l’évolution des modalités d’élection des conseillers métropolitains. Il est important de souligner que, sur ces deux points, un compromis rapprochant les positions des deux assemblées a pu être trouvé en commission mixte paritaire.

Tout d’abord, sur les modalités de création des métropoles, par deux fois, en première et en deuxième lecture, le Sénat avait rejeté le principe de l’automaticité de l’accès au statut de métropole, comme l’avait proposé initialement le Gouvernement. La Haute Assemblée avait préféré s’en tenir – puisqu’il s’agissait de métropoles de droit commun – à une démarche volontaire des communes, comme le prévoit d'ailleurs le droit commun de l’intercommunalité.

Au cours de la commission mixte paritaire, les discussions ont permis d’adopter une solution de compromis.

Seront transformés automatiquement en métropoles au 1er janvier 2015 les EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000 habitants. Mes chers collègues, ce double seuil est celui qui avait été retenu par le Sénat dès la première lecture. En dehors de Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence, ce sont neuf métropoles qui devraient être créées automatiquement sur l’ensemble du territoire, dont les communautés urbaines « historiques ».

En revanche, les EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants dans le périmètre desquels se trouvent le chef-lieu de région, d’une part, et les EPCI centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants exerçant déjà les compétences d’une métropole, d’autre part, devront entreprendre une démarche volontaire pour accéder au statut métropolitain.

Quant à l’évolution des modalités d’élection des conseillers métropolitains, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture le principe de l’élection d’une partie des membres du conseil de la métropole dans le cadre d’un scrutin autonome.

Le Sénat avait supprimé cette disposition, partant d’un raisonnement simple, bien résumé par Alain Richard : le Sénat est favorable au suffrage universel direct communal. C’est la raison pour laquelle la Haute Assemblée a été à l’initiative d’une novation majeure : le dispositif de fléchage des délégués communautaires qui figure dans la loi du 17 mai 2013.

Par conséquent, avant d’anticiper toute évolution nouvelle des modes de scrutins des conseillers intercommunaux, il est nécessaire de tirer les enseignements de ce nouveau dispositif de fléchage. Ainsi, notre collègue Michel Delebarre a fait adopter en première lecture un amendement tendant à obtenir la présentation par le Gouvernement d’un bilan du déroulement de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires dans les six mois qui suivent les élections du mois de mars 2014. C’est l’objet de l’article 32 bis du présent projet de loi.

Le texte élaboré par la commission mixte paritaire tient compte des préoccupations exprimées par les sénateurs. J’en remercie tout spécialement le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Dussopt. Un nouveau projet de loi électorale sera examiné avant le 1er janvier 2017, dans la perspective des élections de 2020.

Dans l’intervalle, et au vu du rapport sur le déroulement de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires du mois de mars 2014, le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 30 juin 2015, un rapport détaillant les solutions envisageables et présentant leurs avantages et inconvénients, ainsi que les conséquences de l’élection des conseillers métropolitains dans le cadre de circonscriptions métropolitaines.

Sur la métropole de Lyon, le débat a été toujours consensuel entre les deux assemblées. La commission mixte paritaire a reporté à 2020 l’application de la parité pour l’élection des vice-présidents de la métropole. Pour le reste, elle a procédé à quelques ajustements sur les compétences de la métropole qui ne méritent pas de retenir particulièrement notre attention.

Notons simplement que les modalités d’approbation du plan local d’urbanisme par la métropole de Lyon ont été harmonisées avec celles des autres métropoles, la commission mixte paritaire ayant retenu à cette fin la majorité simple des suffrages exprimés.

Le Sénat est à l’origine de trois avancées majeures relatives au stationnement, à la prévention des inondations – il s’agit dans ce cas non pas d’un transfert de charges ou de compétences, mais de la création d’une compétence nouvelle, qui articule les compétences existantes, et de l’institution d’une taxe facultative – et, surtout, au pôle d’équilibre territorial et rural.

Je tiens à le souligner, ces apports du Sénat ont non seulement été acceptés par nos collègues de l’Assemblée nationale, mais également enrichis au cours de la navette parlementaire.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Pour ce qui concerne le stationnement, j’insisterai sur le concours exceptionnel apporté par les services de l’État, notamment les missions d’inspection générale et, surtout, la direction générale des collectivités locales.

Sur ces trois points, nous sommes satisfaits. Le temps de parole qui m’est imparti m’interdit de prolonger plus avant mon propos.

J’achèverai mon intervention en évoquant le Haut Conseil des territoires. La question avait été réservée à la demande du rapporteur de l’Assemblée nationale. Elle a été examinée par la commission mixte paritaire ; je me réjouis que le rapporteur de l’Assemblée nationale et ses collègues aient accepté, à l’issue de la discussion, de retirer du texte ce Haut Conseil.

Mes chers collègues, la question n’est pas de savoir s’il est opportun de travailler à un approfondissement de la concertation entre les associations d’élus et le Gouvernement. Comme nous l’a bien montré Jacques Mézard, le problème qui se pose est d’une autre nature. L’examen de la création du Haut conseil des territoires, figurant à l’article 1er du premier texte relatif à la décentralisation, le lendemain de la discussion sur le cumul des mandats créait, par une tragique concordance des temps, un faisceau d’indices réels et sérieux qui pouvait remettre en question le Sénat lui-même.

Donnons-nous les moyens d’approfondir la discussion, modifions éventuellement l’appellation de cet organisme et envoyons un message à toutes les associations d’élus : bien évidemment, nous sommes favorables à un approfondissement de la concertation entre elles et le Gouvernement. Surtout, respectons l’article 24 de la Constitution aux termes duquel le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République. »

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bonne citation !

M. René Vandierendonck, rapporteur. En conclusion, rien n’aurait pu être fait si, en tant que rapporteur, je n’avais pas choisi de m’appuyer sur une doctrine non pas partisane, mais sénatoriale, ce dont on s’est souvent moqué dans mon dos.

Il a fallu le concours de nombreuses personnes pour que les choses avancent. Je remercie les ministres et leurs collaborateurs d’avoir laissé jouer la navette et d’avoir permis la discussion la plus large possible.

Ce débat m’a également permis de mesurer les qualités incomparables des administrateurs des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier tous sincèrement, en mon nom et en celui d’Anne-Marie Escoffier, de l’implication dont vous avez fait preuve pour faire avancer le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

J’adresse des remerciements particuliers à M. le rapporteur, René Vandierendonck, qui a su faire preuve d’un indéniable talent, jusqu’aux dernières minutes de la réunion de la commission mixte paritaire, pour que les deux chambres s’accordent sur un texte définitif. Ce n’était pas gagné et le travail qu’il a mené fut remarquable !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est, sans l’ombre d’un doute, satisfait de la qualité des débats. Nous disposons désormais du cadre d’action dans nos régions pour que les collectivités s’accordent sur leurs politiques publiques et leurs priorités, bref sur leur manière de faire vivre la décentralisation.

Il s’agit, en effet, d’atteindre deux objectifs cruciaux de notre réforme : d’une part, éviter les superpositions de politiques publiques nuisibles à leur lisibilité pour les élus, les citoyens et les créateurs et, d’autre part, clarifier les rôles sur le terrain. J’espère que, avec les conférences territoriales de l’action publique, nous avons répondu aux vœux de simplification exprimés par le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ma conviction reste que le dialogue sera toujours beaucoup plus efficace pour résoudre les enchevêtrements et les contradictions que des règles trop précises et trop encadrées.

La décentralisation par le contrat est un droit souple, qui permet d’envisager des adaptations à la diversité des territoires : c’est précisément ce qui nous réunira pour la discussion du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires au lendemain des élections municipales, comme l’a annoncé le Premier ministre la semaine dernière.

Le travail parlementaire et la navette entre les deux assemblées auront permis de dégager de réelles perspectives pour l’avenir de nos collectivités, sans sortir du cadre que nous avait fixé le Président de la République lors de son discours du 5 octobre 2012 à la Sorbonne, lequel faisait suite aux travaux impressionnants conduits par le Sénat.

La commission mixte paritaire a trouvé des compromis, qui ont permis à chacun de faire un pas vers l’autre, car l’adoption du présent texte était une urgence.

L’essentiel est toutefois préservé.

Il s’agit, d’abord, des chefs de file pour les compétences majeures, sur lesquels vous étiez d’accord dès le début de la discussion.

Ainsi, la région est chef de file en matière de développement économique, d’aménagement du territoire, de formation professionnelle, de biodiversité – introduite grâce à l’une des familles politiques présentes dans cet hémicycle –, de climat, de qualité de l’air, d’énergie, ou encore de transports. Nous avons là l’essentiel.

Les départements le sont dans le domaine de la solidarité, y compris la solidarité territoriale, qui est une compétence importante sur laquelle nous devrons travailler d’ici à l’examen du prochain projet de loi. C'est en effet à partir de cette compétence qu’il faudra définir les périmètres. Ce travail va passionner tant le Gouvernement que le Sénat.

Enfin, il revient aux communes d’organiser les services de proximité, avec des maires au plus près des citoyens. L’intercommunalité permet de sauvegarder les communes. Comme je le dis souvent, je ne vois pas pourquoi ces dernières suscitent tant de critiques, alors qu’au fond notre système fonctionne bien.

Les conférences territoriales de l’action publique seront aussi le lieu où pourront s’inventer les coopérations innovantes. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez réécrit l’article les concernant, et c’est une bonne chose. C’est en leur sein que seront déterminées, collectivement, les délégations de compétences et les expérimentations dont j’ai lu dans la presse qu’elles intéressaient de plus en plus de régions de France. Sur ce point aussi, un chantier s’achève aujourd’hui et un autre s’ouvre. Il sera toujours plus efficace de s’entendre autour d’une modalité d’exercice d’une compétence au lieu de multiplier les lois.

J’en viens à la structuration de la région d’Île-de-France et à la métropole du Grand Paris. Mon regard se tourne tout naturellement vers Philippe Dallier !

M. Charles Revet. Vous avez raison, il s’est beaucoup investi !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il devenait urgent de doter la région capitale d’un maillage intercommunal pertinent, qui comprenne une métropole capable de porter le développement de son territoire et des intercommunalités fortes en grande couronne, pour rendre plus harmonieux le développement et l’aménagement de la région parisienne.

Certains craignent la force de la métropole. L’un des députés présents à la commission mixte paritaire a rappelé que les grands outils de l’innovation, comme le plateau de Saclay, ne sont pas dans le périmètre de la métropole et que, par conséquent, le développement économique n’appartiendra pas à la seule métropole. Il faut être extrêmement vigilant à maintenir l’équilibre.

M. Roger Karoutchi. Il ne nous reste rien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons trouvé une solution qui sera évolutive puisqu’un certain nombre d’études sont encore annoncées. Je tiens à souligner l’importance de la mission de préfiguration, qui est de nature à rassurer un certain nombre de personnes.

Le Parlement a proposé une solution pragmatique que la mission de préfiguration va parfaire, dans les faits, par le dialogue et l’écoute. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez d’ailleurs suggéré que des parlementaires soient associés à cette mission : c’est une bonne chose, dont je me réjouis. Anne-Marie Escoffier et moi-même estimons que la composition sera ainsi plus équilibrée.

La métropole du Grand Paris et les intercommunalités de grande couronne constituent une formidable avancée pour la solidarité entre les territoires et une réponse aux besoins non seulement de la région d’Île-de-France, mais également de la France tout entière.

Les autres grandes agglomérations françaises pourront aussi se structurer pour agir de manière efficace et globale sur leur territoire, afin de répondre aux exigences des citoyens et au besoin de rayonnement et de solidarité. Je pense à Marseille, qui est à l’aube d’une réécriture de son histoire. Demain, se déroulera la seconde conférence métropolitaine, à laquelle les maires ont accepté de participer. Je veux aussi saluer le travail intense que nous avons fourni pour doter Lyon d’un statut particulier et qui nous a aidés pour Marseille et Paris.

Paris, Lyon, Marseille : nous donnons un nouvel élan à l’intégration intercommunale.

Nous donnons aussi la responsabilité aux métropoles qui seront instaurées demain de conjuguer leur dynamisme avec celui des territoires qui les entourent. L’aspect qui m’a sans doute le plus impressionné au cours de ces débats est la très forte demande en France d’équilibre entre les territoires métropolitains et les autres, demande que l’on ne retrouve pas aussi pressante dans d’autres pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a laissé cheminer la proposition du Sénat de créer les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux : à côté des métropoles, il est nécessaire que tous les territoires se structurent.

Je n’oublie pas la dépénalisation du stationnement, ou encore les nouveaux outils de lutte contre les inondations, qui ont vu le jour dans cette enceinte : voilà du concret apporté par le Sénat ! La lecture de quelques commentaires montre que tout le monde n’a pas encore tout compris, mais nous allons maintenant faire œuvre de pédagogie.

Les autres compétences et les autres échelons seront détaillés dans le cadre de la discussion du second texte. C’est affaire de cohérence.

Quant au Haut Conseil des territoires, vous vous êtes beaucoup mobilisés sur ce point. À l’origine, je le rappelle, il émanait d’une demande de l’Association des maires de France, de l’Association des petites villes de France et de la Fédération des villes moyennes, toutes ces associations d’élus qui souhaitent, à un moment ou un autre, rencontrer l’exécutif pour éviter l’excès de normes. Ces associations espèrent que le Sénat évitera d’imposer des normes aux collectivités territoriales. M. Pélissard, au nom des maires de France, avait demandé des lieux de concertation. Le Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics peut en être un.

Voilà une question réglée, dans le respect de la Constitution, monsieur Mézard !

Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, l’action du Gouvernement présente une logique d’ensemble visant à promouvoir davantage de justice et à assurer le redressement économique de notre pays. Vous y avez largement contribué. La modernisation de notre action publique constitue un vecteur majeur, qui ira de pair avec la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre.

Vous avez fait belle œuvre, qui, je l’espère recueillera l’assentiment d’une majorité d’entre vous. Il serait triste que vos très nombreuses heures de travail ne se traduisent pas par un bel assentiment. Le Gouvernement, qui a pu mesurer l’ampleur du travail réalisé et a aussi beaucoup travaillé, n’ose cependant imaginer le nombre d’heures que vous avez consacrées au présent projet de loi.

Dans notre pays, on a trop souvent tendance à parler d’élus qui profiteraient de la République. Si nos concitoyens avaient pu suivre le travail du rapporteur, des rapporteurs pour avis, de la commission des lois, la préparation de la commission mixte paritaire et constater l’acharnement mis à rédiger le bon amendement, ils ne pourraient qu’être fiers des élus que vous êtes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)