M. Francis Grignon. Monsieur le ministre, ma question porte sur la vaccination des veaux contre la teigne.

La teigne est une zoonose provoquée par une mycose qui est à l’origine de lésions importantes sur les peaux. La contamination entre animaux est directe, par le contact, ou indirecte, par les mangeoires, par exemple. Cette maladie est transmissible à l’homme.

Si la France demeure le premier producteur mondial de cuir de veau, la filière est fragilisée en amont par le problème de la vaccination des veaux contre la teigne. En effet, cette maladie dégrade la qualité de la peau, la rendant impropre à la fabrication de cuir destiné à l’industrie du luxe. La quantité disponible de cette matière première est insuffisante pour faire face au développement du marché du luxe et des exportations françaises.

La Norvège qui a rendu la vaccination contre la teigne obligatoire en 1978 a quasiment éradiqué cette maladie de son territoire.

De plus, grâce à une vaccination systématique, les conditions de vie des bêtes seraient meilleures, leur stress dû aux démangeaisons étant réduit. Une étude menée en 2011 par la Fédération française de la tannerie-mégisserie montre que l’écart de poids entre un veau malade et un veau sain est considérable : il atteint 4,3 kilogrammes en fin de période d’engraissement, ce qui représente des pertes économiques pour les éleveurs.

La teigne est également à l’origine de telles pertes pour l’ensemble de la filière cuir française, qui enregistre un manque à gagner, les peaux des veaux malades étant sous-valorisées par les tanneurs.

Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de généraliser la vaccination des veaux contre la teigne. Sans préjuger le financement de cette opération, l’envoi d’un signe politique serait important. Au moment où l’on condamne les mauvais traitements infligés aux chats, il me semble important de se préoccuper du confort des petits veaux !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, par cette référence à l’actualité, vous manifestez votre intérêt pour le bien-être des petits veaux...

Cela étant, la teigne a effectivement des conséquences extrêmement négatives sur les peaux, en particulier sur celles des veaux. Chaque année, la France produit environ 137 000 tonnes de cuirs, destinés notamment à la fabrication de produits de luxe. Par conséquent, moins nombreuses sont les maladies, plus forte est la valorisation de ces peaux.

La teigne n’est pas une maladie réglementée. Par conséquent, il n’est pas question de rendre la vaccination obligatoire. En revanche, je suis tout à fait disposé, je l’ai déjà dit et je le répète devant la représentation nationale, à favoriser l’organisation et l’extension de programmes de vaccination à l’échelon régional, avec l’accord des professionnels, afin de limiter les pertes que vous avez évoquées. Tout le monde devrait pouvoir s’y retrouver.

Ainsi, à l’issue d’une négociation dans chaque territoire, un accord-cadre pourrait être défini entre les producteurs, les transformateurs et, bien sûr, les industriels concernés.

En résumé, sur ce sujet, ma disponibilité est totale pour organiser et mettre en œuvre dès que possible une extension des vaccinations dans une logique territoriale.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Il est en effet important que le ministère serve de courroie de transmission. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui permettra à toutes les parties prenantes de prendre une décision.

inquiétudes des producteurs d’huile essentielle de lavande

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 594, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, à la suite du rapport du professeur en dermatologie Ian White remis au mois de juin 2012, le comité scientifique des produits de consommation de l’Union européenne a proposé de réduire le plus possible la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums. Ainsi, le nombre de substances dites « allergènes » risquant d’être proscrites ou limitées pourrait être porté de 26 à 80, voire à 130.

Or le linalol, substance reconnue comme potentiellement allergène, est présent dans l’extrait et l’huile essentielle de lavande. Les producteurs de lavande et de lavandin craignent que l’évolution de la réglementation européenne ne conduise à la limitation, voire à la suppression, de ces ingrédients des préparations destinées aux produits de la parfumerie, de la cosmétique et de la parapharmacie.

Au-delà, l’ensemble des producteurs de plantes aromatiques et médicinales expriment de fortes inquiétudes quant à l’avenir de leurs productions d’huiles essentielles. En Ardèche, cette filière compte plus d’une centaine exploitations représentant une surface de 540 hectares, dont 497 hectares sont consacrés à la lavande et au lavandin.

En outre, une telle décision aurait de fortes conséquences sur l’activité de l’entreprise française de la parfumerie et de la cosmétique. La qualité et l’efficacité de ses produits en seraient affectées, ce qui ferait peser des risques importants sur des milliers d’emplois au sein de la filière.

Le règlement européen d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restriction des substances chimiques, dit « REACH », considère les huiles essentielles comme des produits chimiques. En conséquence, les producteurs de plantes aromatiques et médicinales devront fournir des études toxicologiques très poussées sur leurs produits, entraînant des coûts supplémentaires insupportables pour leurs exploitations.

Alors que les alcools ou les huiles de consommation, autres produits issus de la distillation classique des plantes, sont considérés comme des produits agricoles, il paraît incohérent que les huiles essentielles soient considérées comme des substances chimiques.

Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter à l’inquiétude exprimée par les producteurs de plantes aromatiques et médicinales, en particulier par ceux de lavande et de lavandin, face aux évolutions envisagées de la réglementation européenne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, j’ai eu l’occasion d’évoquer cette question avec les professionnels de la filière à la fin de l’année dernière. J’ai déjà été sensibilisé à ce sujet quand j’étais député européen.

Grâce aux six réglementations mises en place par l’Union européenne, en particulier le règlement REACH, la protection des consommateurs européens contre les molécules chimiques est l’une des plus élevées, sinon la plus élevée du monde.

Vous l’avez évoqué, il se trouve qu’une partie des huiles essentielles, pourtant à base de produits naturels, contient un certain nombre de substances cataloguées comme des produits chimiques et non comme des produits agricoles.

Le ministère de l’agriculture a déjà engagé plusieurs actions en faveur de la filière. Ainsi, en 2008, le pré-enregistrement a été mis en place grâce aux aides de FranceAgriMer. Cet établissement a également financé des actions et des études visant à aider les distilleries au cours des différentes étapes d’enregistrement. En 2013, au total, 160 000 euros ont été affectés à ce secteur.

Sur ce sujet, il nous faut maintenant développer une stratégie à l’échelon européen. En effet, indépendamment des coûts supplémentaires que cela entraîne, les conséquences des directives actuelles en termes d’étiquetage sont importantes. Vous l’avez soulevé, pour l’huile essentielle et les parfums de lavande, le nouvel étiquetage imposé serait dissuasif et serait proche de celui de l’eau de Javel ! C’est un véritable problème.

À la suite de ma rencontre avec des représentants de la filière, j’ai décidé la mise en place d’une mission au sein de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de la région PACA, pour accompagner les responsables de la filière dans la préparation de leurs analyses et démarches visant à plaider auprès de la Commission européenne un traitement spécifique.

En effet, parce que les huiles essentielles contiennent des substances chimiques, il faut veiller à informer les consommateurs. En revanche, il s’agit de produits chimiques traditionnels qui ne peuvent être assimilés à des produits chimiques basiques, car ils n’appellent pas la même utilisation. La lavande est un produit naturel, reconnu depuis des siècles.

Il faut donc obtenir une dérogation pour ces huiles essentielles naturelles, que tout le monde connaît et utilise, afin que les étiquetages de la lavande et des parfums issus de la distillerie ne soient ceux d’un produit chimique.

La mission est créée et a commencé à travailler. Dès que nous aurons défini un cadre juridique, nous plaiderons la défense de la lavande auprès de la Commission européenne.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je rappelle que la lavande et le lavandin, plus généralement les plantes aromatiques et médicinales, sont des productions particulièrement adaptées aux montagnes sèches et méditerranéennes. Elles peuvent donc difficilement être remplacées.

Je salue par ailleurs l’accompagnement financier apporté par l’État aux distilleries pour le pré-enregistrement et l’enregistrement, qui sont des démarches imposées par le règlement européen REACH.

Enfin, j’approuve la volonté que vous venez d’exprimer de plaider auprès de la Commission européenne en faveur d’un règlement spécifique pour les huiles essentielles. En effet, vous l’avez souligné, il s’agit de produits naturels composés certes d’éléments chimiques, mais qui sont depuis longtemps, et sans doute à raison, reconnus comme ne présentant aucun danger réel pour les consommateurs.

conditions de recours aux marchés globaux de conception, de réalisation et d’exploitation en vue de la réalisation de travaux

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, auteur de la question n° 612, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, j’ai posé cette question orale sans débat voilà plusieurs semaines, ainsi qu’en atteste le Journal officiel du Sénat du 24 octobre 2013. Elle porte sur les conditions de recours aux marchés globaux de conception, de réalisation et d’exploitation ou de maintenance en vue de la réalisation de travaux relevant de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

Plus précisément, je souhaite connaître l’interprétation qu’il convient de retenir des dispositions du deuxième alinéa du paragraphe II de l’article 73 du code des marchés publics issu du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics et modifié par le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 aux termes duquel « si un tel marché [qui associe l’exploitation ou la maintenance à la conception et à la réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance] comprend la réalisation de travaux qui relèvent de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, l’entrepreneur ne peut être associé à la conception que pour la réalisation d’engagements de performance énergétique dans un ou des bâtiments existants, ou pour des motifs d’ordre technique tels que définis à l’article 37. ».

Cette disposition autorise-t-elle le recours à ce type de marchés pour la conception, la construction et l’exploitation ou la maintenance d’ouvrages de bâtiments neufs ou d’ouvrages d’infrastructures neufs ou existants relevant de la loi précitée du 12 juillet 1985, dès lors qu’il existe seulement des « motifs d’ordre technique rendant nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage » visés à l’article 37 du même code, indépendamment de tout engagement de performance énergétique ?

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de toutes les précisions que vous voudrez bien m’apporter sur ce sujet quelque peu technique et complexe.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, veuillez tout d’abord excuser l’absence de M. Pierre Moscovici, qui ne peut malheureusement pas être présent aujourd’hui.

Je vais tâcher de répondre aussi clairement que possible à cette question très technique, posée par un spécialiste, et qui comprenait en outre des références précises au code des marchés publics.

Le marché de conception, de réalisation et d’exploitation ou de maintenance est régi par le code précité, dont l’article 73 introduit une dérogation au principe de la division du marché en plusieurs lots, ou allotissement, puisqu’il permet de confier plusieurs missions à un même opérateur.

Le recours à des contrats globaux doit permettre de remplir des objectifs chiffrés de performance définis, notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique.

Si un projet doit tenir compte de l’ensemble de ces éléments, il peut être mené par un opérateur unique.

La loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, dite « loi MPO », prévoit les conditions de recours aux contrats globaux qui dérogent au principe de base de séparation de la mission de maître d’œuvre ou d’architecte – la conception – de celle d’entrepreneur – la réalisation. Lorsque les marchés portent sur des travaux relevant de la loi MOP et qu’ils associent la conception et la réalisation, deux cas distincts peuvent être rencontrés.

Premièrement, en cas de travaux sur des bâtiments existants, le marché ne peut concerner que des engagements de performance énergétique définis contractuellement.

Deuxièmement, en cas de construction neuve, la conception-réalisation doit être justifiée par des motifs techniques particuliers, notamment des contraintes de spécificités techniques de construction et d’utilisation du bâtiment. C’est pourquoi, à titre d’exemple, nous avons fait voter le recours à un tel contrat global pour le marché de l’exposition universelle de Milan 2015, pour laquelle il existait de fortes contraintes techniques pour la réalisation du pavillon France, notamment en matière de performance énergétique, et des objectifs multiples en termes de service, de présence et de publicité.

Telles sont, monsieur le sénateur, les raisons qui peuvent justifier une dérogation au principe de l’allotissement des marchés publics.

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui éclaircit ce dossier délicat et complexe, sur lequel nous avions besoin de précisions pour avancer.

Je me suis toutefois aperçu que cette procédure avait déjà été utilisée récemment par une communauté d’agglomération du Sud de la France, en vue de concevoir la réhabilitation et la maintenance d’une piscine pour atteindre des objectifs de performance énergétique. Il a également été fait recours à cette procédure dans plusieurs autres cas, par exemple la réalisation d’une chaufferie au bois et d’un réseau de chaleur.

Votre réponse vient confirmer que des motifs d’ordre technique peuvent justifier cette dérogation.

lutte contre le « dumping » social

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 648, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. André Reichardt. Monsieur le ministre, la mise en place d’un marché unique sans harmonisation sociale européenne révèle jour après jour ses effets désastreux, notamment à travers des pratiques de dumping social qui mettent à mal nos entreprises et nos emplois, tout particulièrement dans les régions frontalières comme l’Alsace.

Le 15 octobre 2013, la réunion des ministres européens du travail portant sur la directive Détachement avait ainsi permis de mettre en évidence des abus importants quant à l’utilisation de la main-d’œuvre détachée en matière de coût du travail et de réglementation sociale, mais elle s’était soldée par une absence de décisions. Fort heureusement, les ministres des Vingt-Huit se sont enfin mis d’accord, lundi 9 décembre 2013, pour réguler le détachement des travailleurs d’un pays à l’autre de l’Union européenne. Il a notamment été décidé que chaque gouvernement sera libre de définir les mesures de contrôle qu’il jugera nécessaires pour combattre les fraudes.

C’est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez signé voilà à peine deux semaines une instruction avec les ministres chargés des transports, de la concurrence, des douanes, du redressement productif et de l’intérieur pour renforcer l’action de contrôle contre le dumping social dans les transports routiers. Je me félicite de cette action.

Toutefois, il est tout aussi urgent d’agir en faveur d’autres secteurs, très directement concernés, comme le bâtiment ou la production de légumes, dont les acteurs ne cessent de nous interpeller.

Ainsi, pouvez-vous nous dire quelles mesures le Gouvernement compte prendre à l’égard de ces derniers ?

Outre la nécessité de donner des moyens aux autorités de contrôle nationales et de mettre fin au détournement de la réglementation sociale européenne via une procédure harmonisée, il est à mon sens absolument nécessaire, si l’on veut lutter contre le dumping social en faisant preuve d’une véritable convergence européenne, d’une part, de mettre en place un salaire minimal européen – vaste programme s’il en est ! –, d’autre part, de prévoir des pratiques sociales harmonisées dans le marché unique européen.

Les acteurs des différents secteurs concernés s’inquiètent naturellement des mesures qui seront prises à cet égard et ils souhaiteraient obtenir des précisions sur la stratégie du Gouvernement sur cette question, tout particulièrement sur la politique que va mener la France auprès de l’Union européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, votre question, qui est en fait double, rejoint une même préoccupation, celle de la lutte contre le dumping social dans l’espace européen.

Ce dernier doit être un espace de progrès social, et non de régression sociale, surtout lorsqu’il est question de la violation des règles qui sont censées s’imposer à tous, quel que soit le secteur concerné. Nous ne pouvons tolérer cette exploitation scandaleuse de salariés, quand bien même viendraient-ils d’autres pays européens que le nôtre, exploitation dont les conséquences en termes de concurrence déloyale peuvent de surcroît être destructrices pour notre tissu économique, que ce soit dans les domaines du transport, du bâtiment, de l’agroalimentaire ou de la production agricole, en l’occurrence légumière.

Pour vous répondre, je me permettrai de développer deux grands sujets, mais très rapidement, afin de rester dans les limites du temps qui m’est imparti.

Nous entendons tout d’abord lutter contre les abus considérables commis en matière de détachement de travailleurs européens en France. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, de nombreux travailleurs français sont aussi détachés à l’étranger, et il me semble que vous êtes tout autant que nous attaché à la libre circulation, à condition qu’elle s’exerce dans le respect des règles qui ont été fixées par l’Union européenne. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Après de nombreuses années, nous avons enfin pu obtenir, le 9 décembre dernier, un accord largement majoritaire de l’ensemble des États européens. Cet accord permettra à chaque pays de mettre en place des mesures de contrôle. En effet, les règles régissant le travail diffèrent d’un pays à l’autre, de même que les documents nécessaires pour justifier du respect de ces règles. Chaque État pourra donc exiger une liste ouverte de documents permettant de vérifier le respect du droit du travail.

Nous avons aussi le devoir de rendre solidairement responsables le donneur d’ordre et les différentes entreprises sous-traitantes concernées, même si cela vaut peut-être moins dans le domaine légumier, où l’abus est parfois simplement dû au lien entre une exploitation et un pourvoyeur de main-d’œuvre. Toutefois, encore faut-il que la règle existe au plan européen et, en l’occurrence, cet accord a permis de la renforcer.

Viennent ensuite les décisions nationales. Dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez à examiner une proposition de loi qui vise à intégrer dans le droit français les conséquences de l’accord européen, ce qui nous permettra de disposer de l’outil juridique nécessaire pour poursuivre un certain nombre de situations illégales.

Enfin – vous l’avez remarqué à propos du transport routier, monsieur le sénateur, mais je le fais dans beaucoup d’autres domaines –, j’ai demandé à mes services, en collaboration avec ceux de l’URSSAF et du ministère de l’intérieur, de renforcer les contrôles effectifs sur le terrain. Ces contrôles, qui sont à la fois dissuasifs et curatifs, devraient permettre de faire utilement reculer les abus dans ce domaine.

Au-delà, vous avez raison d’inscrire votre question dans le champ plus large d’une Europe sociale, une Europe qui contribue à élever le socle des protections plutôt qu’à l’abaisser vers le niveau le plus bas. C’est un enjeu décisif et, grâce à la coopération entre l’Allemagne et la France, nous avons justement pu relancer une vraie Europe sociale. Étant un élu d’Alsace, vous êtes bien placé pour savoir que la perspective de la mise en place d’un SMIC en Allemagne est considérée comme un véritable progrès, non seulement pour les travailleurs allemands, mais aussi pour de nombreux secteurs en France qui pâtissent aujourd’hui de l’absence de salaire minimal.

Ce retour de l’Europe sociale me paraît extrêmement bénéfique. Nous devons maintenant aller plus loin, passer aux mesures concrètes et faire en sorte qu’un socle de droits minimaux s’applique véritablement sur l’ensemble du territoire européen. Voilà, monsieur le sénateur, une belle bataille que nous pouvons mener ensemble !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et me permettrai deux observations.

Tout d’abord, s’agissant des contrôles, tout particulièrement dans la région que vous avez bien voulu citer, il est indispensable de développer la même énergie dans le secteur du bâtiment, dans lequel les entreprises locales éprouvent de nombreuses difficultés du fait de ces pratiques. Je n’oublie pas non plus les producteurs de légumes, que j’ai également évoqués.

Pour ce qui concerne l’harmonisation sociale, vous avez raison d’indiquer qu’il convient d’aller vers une élévation du socle de prestations qui devra obligatoirement se traduire par une modification, à terme, de la directive européenne pertinente. Il faudrait désormais que s’appliquent, non seulement les règles de droit du travail du pays d’accueil, mais également les règles sociales. En d’autres termes, il faudrait aussi que les travailleurs détachés soient amenés, le cas échéant, à participer à une contribution sociale dans le pays d’accueil, ce qui permettrait de régler une grande partie des difficultés actuellement liées à ce dumping social.

concurrence entre les entreprises établies en france et celles établies dans un autre état membre de l’union européenne

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 660, transmise à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, ma question, qui rejoint celle qui vient d’être posée, fait suite à l’intervention grandissante, sur le territoire français, en particulier en Languedoc-Roussillon, d’entreprises établies dans un autre État membre de l’Union européenne, lesquelles agissent en dehors du cadre réglementaire français, ce qui leur permet ainsi d’obtenir des marchés à des prix que les entreprises établies en France ne peuvent soutenir.

Par ailleurs, comme vous le savez, la pratique des détachements est devenue un problème majeur. Et, sous couvert de libre circulation, un véritable dumping social se développe.

Certes, il n’est pas question de remettre en cause la libre prestation de services dans le cadre du marché unique européen, dès lors que celle-ci s’exerce en conformité avec les règles légales.

Mais force est de le constater, la loi sur le détachement de salariés est facilement contournée par les entreprises à bas coûts qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les pays membres.

J’observe que les régimes de prestation de services et de détachement sont détournés pour conduire à de véritables filières de mise à disposition de personnel, sans respect des règles de droit du travail et sans que soient assumées les charges qui s’appliquent aux entreprises françaises.

Ainsi, par exemple, sont proposés par courrier des services de recrutement d’ouvriers polonais en contrat de détachement dont les taux horaires se situent entre 14,50 euros et 17,50 euros, salaire, charges sociales, indemnités de congés payés compris… Il faut comparer ces montants avec le taux horaire moyen en France, plusieurs fois supérieur.

Je veux signaler également qu’au sein des dix-sept pays membres de la zone euro, le coût du travail horaire, calculé en additionnant salaires et traitements aux charges sociales, va de 8,10 euros en Estonie à 39,30 euros en Belgique.

Enfin, il n’est pas acceptable qu’une entreprise étrangère ne respecte pas l’ensemble des droits sociaux et fiscaux des pays où s’effectue le travail. De plus, cette impunité – quasiment garantie durant des années –, dont ont bénéficié ces dérives est vécue comme une très grande injustice et une concurrence déloyale par ceux qui, en France, s’efforcent de respecter les règles.

Bref, de nouveaux garde-fous contre le dumping social sont absolument nécessaires. Il n’est pas moins indispensable d’établir toutes les responsabilités dès lors que des agissements frauduleux sont constatés.

Le 9 décembre dernier, monsieur le ministre, vous avez obtenu de vos collègues européens un accord sur un renforcement des contrôles afin de lutter contre les dérives relatives au statut des travailleurs détachés, notamment en responsabilisant les sous-traitants.

J’apprécie d’autant plus votre action que le phénomène que je dénonce est particulièrement dévastateur pour les entreprises françaises du bâtiment, et donc pour l’emploi. La région Languedoc-Roussillon souffre particulièrement de ces dérives : 4 200 emplois ont été perdus entre 2007 et 2012 dans ce secteur !

Pouvez-vous, à la suite de l’accord obtenu à l’échelon européen, me faire connaître les mesures que vous entendez prendre pour mettre enfin un terme à de telles pratiques.

M. le président. La parole est à M. le ministre.