M. Michel Sapin, ministre. Sans entrer dans le débat de savoir si les modalités d’application du principe de représentativité aux organisations patronales sont une question de principe ou de forme, j’indique que le Gouvernement a une conviction : on ne peut pas considérer une personne morale de la même manière qu’une personne physique.

Pour les personnes privées, l’élection est évidemment l’instrument de mesure privilégié de la représentativité des syndicats : ce sont les citoyens-travailleurs qui votent.

Pour les entreprises, qui sont des personnes morales, la mesure de la représentativité est plus complexe, puisque ce n’est pas le chef d’entreprise mais l’entreprise elle-même qui est représentée. C’est à l’issue d’une délibération que l’entreprise décide d’adhérer à telle ou telle organisation représentative.

C’est en tout cas ma conviction, et je ne vois pas comment il pourrait en être autrement à ce stade, même si éventuellement la situation peut connaître des évolutions.

Par ailleurs, et je voudrais vous y rendre attentifs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai souhaité m’en remettre à la négociation entre les organisations représentatives pour qu’elle aille aussi loin que possible, à telle enseigne que j’ai dû, à un moment, demander au directeur général du travail d’aller au-delà de ce que les partenaires eux-mêmes avaient pu trouver comme accord. Peut-être en parlerons-nous aussi, mais j’ai procédé de la même façon s’agissant des organisations dites du « hors champ », devenu désormais le « multi-professionnel ».

Je leur ai donc demandé d’aller chercher le plus loin possible un accord, mais s’il y a bien un point sur lequel il n’y a pas eu d’accord, c’est bien l’élection. MEDEF, CGPME et UPA étant tous d’accord sur le principe de l’adhésion, il m’aurait été difficile de vous proposer une autre solution.

Telle est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’ai bien entendu vos explications, mais vous avez bien compris aussi que l’objet de cet amendement était justement de provoquer ce débat. En effet, il me paraît légitime, après tout, que la représentation parlementaire, fondée sur l’élection, puisse s’interroger sur les raisons de l’absence d’élection s’agissant de la représentation patronale.

Je rappelle tout de même que nous avons voté une loi sur la sauvegarde de l’emploi à partir d’un accord national interprofessionnel. Le texte que nous examinons est également fondé sur un accord paritaire. Il est donc primordial que toutes les parties prenantes soient légitimes, en quelque sorte.

Je ne doute pas, bien évidemment, de la légitimité des organisations patronales, mais nous allons voir un peu plus tard qu’il y a quand même quelques contestations entre elles sur leur représentativité.

Aussi, il n’est pas interdit de penser qu’à l’avenir il y ait élection. À cet égard, j’ai indiqué quelques pistes existantes, bien que M. le rapporteur nous ait dit qu’il n’y en avait pas. Je vous renvoie sur ce point aux élections aux chambres de commerce, où il y a des collèges, avec un système de pondération. De même, dans les États fédéraux, la représentation parlementaire est aussi pondérée.

Néanmoins, pour les raisons que vous avez indiquées, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 171 est retiré.

L'amendement n° 184, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 18

Remplacer les références :

1° à 5°

par les références :

1° à 3° et 5°

II. - Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Qui ont une ancienneté minimale de dix ans dans leur champ statutaire, professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement a pour objet de fixer un critère d’ancienneté de dix ans pour apprécier la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs au niveau de la branche.

En effet, certaines organisations professionnelles, dans plusieurs branches, ne représentent que certaines catégories d’entreprises.

Ce sera le cas parfois à raison de la taille de ces entreprises, de leur activité, qui ne va couvrir qu’une partie des activités de la branche, ou de leur structure juridique, les SCOP, sociétés coopératives et participatives, pour prendre un exemple qui doit vous être cher, monsieur le ministre.

Les SCOP sont en effet des entreprises dont les salariés sont associés majoritaires. Rattachées au droit coopératif et au droit des sociétés commerciales, c’est-à-dire le droit applicable aux SA et aux SARL pour ce que ne prévoit pas le droit coopératif, les SCOP reposent sur un principe de démocratie d’entreprise et de priorité à la pérennité du projet.

Avec au moins 51 % du capital et 65 % des voix, les salariés associés participent aux grandes décisions stratégiques en assemblée générale selon le principe « une personne-une voix ».

La difficulté pour elles réside, et c’est l’objet de cet amendement, dans le pourcentage de l’ensemble des entreprises adhérentes dans le BTP demandé au titre des critères de représentativité, soit 8 % : ces SCOP ne les ont pas ! !

Alors que le taux d’adhésion est de plus de 98 % des SCOP du BTP françaises, la fédération est en deçà des 8 % exigés. Si la fédération perdait sa représentativité patronale, les intérêts des SCOP du BTP ne seraient plus représentés, laissant une catégorie d’entreprises en déshérence en raison de leur statut juridique et de leur nombre limité, avec le risque d’une déstructuration du dialogue social de la branche et d’un morcellement du champ conventionnel dans le BTP.

Il serait en effet dommageable pour le dialogue social que certaines organisations ne puissent demeurer représentatives dans ces branches du fait du caractère minoritaire des catégories d’entreprises représentées.

Alors même que le projet de loi vise à encourager un dialogue social autour de branches fortes et structurées, ne pas reconnaître au sein d’une même branche une diversité des intérêts représentés favoriserait le morcellement des champs conventionnels.

Certains acteurs de la négociation de branche sont présents dans le dialogue social depuis plusieurs décennies et une absence de souplesse et de malléabilité des périmètres d’appréciation de la représentativité des organisations d’employeurs les condamne injustement.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, des craintes d’effets induits sur les organisations et le dialogue social à venir se sont exprimées. Afin de les prendre en compte, l’amendement ne vise que la sécurisation de situations anciennes et solidement établies. Il tend donc à éviter les modifications statutaires de circonstances en requérant une ancienneté de dix ans dans le champ statutaire concerné.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Si j’ai bien compris, M. Pozzo di Borgo souhaite que seules les organisations patronales de plus de dix ans d’ancienneté soient représentatives au niveau de la branche.

Or la CGPME, le MEDEF et l’UPA ont fixé comme première règle, dans leur position commune du 19 juin 2013, que les principes de la représentativité patronale devaient être les mêmes, quel que soit le niveau considéré, celui de la branche ou l’interprofessionnel.

Ce souhait a d’ailleurs été repris par le Gouvernement au nouvel article L. 2151-1, alinéas 6 à 12, du code du travail, introduit par le projet de loi, qui fixe un socle commun pour la représentativité des organisations patronales, notamment une ancienneté minimale de deux ans, cette règle étant d’ailleurs identique, je le précise au passage, pour les syndicats de salariés. C’est l’objet de l’article L. 2121-1 du code du travail.

Dans ces conditions, je ne vois aucune raison décisive d’imposer une ancienneté de plus de dix ans pour les organisations patronales représentatives de branche.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai écouté avec attention les arguments de M. Yves Pozzo di Borgo et, à mon sens, M. le rapporteur vient d’y répondre très précisément.

Je ne peux donc que partager son avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Il est évident que cet amendement pourrait aussi s’appliquer aux organisations syndicales de salariés.

Ma conviction est que le monde du travail, et le monde tout court, a été parcouru depuis de nombreuses années par ce vieux débat philosophique marxiste sur le rapport de forces entre le capital et le travail.

Nous n’avons jamais su trouver de modèle différent en France en nous inspirant, par exemple, du modèle social-démocrate, même si les SCOP peuvent être considérées comme participant d’un tel modèle. Cette philosophie se retrouve aussi dans le courant démocrate-chrétien.

À mes yeux, il s’agit véritablement d’un modèle de répartition du travail et du capital, et un modèle exceptionnel. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu cet amendement.

Je comprends qu’il faille respecter l’accord entre les partenaires sociaux, mais je regrette simplement que le Gouvernement, en se calant sur les accords syndicaux, se soit refusé à améliorer la situation.

Peut-être aurait-on pu faire en sorte d’introduire un peu plus de souplesse pour permettre aux syndicats, comme aux organisations patronales, d’aller vers ce modèle extraordinaire des SCOP, qui est trop peu utilisé. À cet égard, je signale à ceux de mes collègues qui prennent le taxi que la société Alpha Taxis est organisée sous cette forme.

Je regrette donc que, dans notre réflexion, nous ne laissions pas plus de place à ce modèle.

Monsieur le président, je tiens à maintenir mon amendement, quel que soit le sort qui l’attend, car je considère qu’il s’agit d’une question de principe.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. Pozzo di Borgo vient de faire référence aux SCOP. Vous le savez, le groupe écologiste est sensible à la défense de ces formes d’entreprises caractérisées par l’autogestion et les faibles écarts entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut.

Néanmoins, je m’interroge, car j’ai du mal à comprendre les enjeux tenant à la durée d’ancienneté minimale.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire quelle est la représentation des mutuelles dans le système que vous proposez ? M. Jeannerot a certes cité la CGPME, le MEDEF et l’UPA, c’est-à-dire les actuelles organisations patronales représentatives, mais j’aimerais savoir si le texte va permettre l’émergence d’une nouvelle organisation d’employeurs - je n’utilise pas le qualificatif « patronal », car il peut tout aussi bien s’agir du secteur associatif.

En d’autres termes, est-ce que le secteur associatif, les SCOP, les mutuelles, pourront adhérer au dispositif en tant que nouvelle catégorie d’employeurs, par exemple sous le vocable « employeurs mutualistes » ou « employeurs d’associations sans but lucratif », aux termes de ce projet de loi ? Si tel est le cas, quelles seront les modalités pour créer cette nouvelle organisation patronale et comment pourra-t-elle bénéficier de cette reconnaissance ?

Pour appuyer mon propos, je rappelle que le secteur mutualiste représente actuellement plus de deux millions de salariés, soit à peu près 10 % des salariés du privé.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Notre collègue Yves Pozzo di Borgo pose finalement la question de la représentativité de l’économie sociale, et en particulier, au sein de cette dernière, la question des coopératives.

M. Yves Pozzo di Borgo. Merci, ma chère collègue !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon cher collègue, je vous rappelle que nous avons voté il y a peu de temps, en première lecture au Sénat, un projet de loi fort important relatif à l’économie sociale et solidaire. Par ailleurs, nous avons un groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire, présidé par notre collègue Marc Daunis. Dans ce cadre, j’ai présenté un rapport très détaillé sur le problème des coopératives, qui ne sont pas le monopole de la démocratie chrétienne, puisqu’elles sont aussi portées par toute une branche du mouvement socialiste, auquel je me réfère… (Sourires.)

M. Jean Desessard. Il y a les deux courants ! (M. Yves Pozzo di Borgo s’esclaffe.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si vous voulez, mais l’important est qu’il y ait dans ce texte une batterie d’outils nouveaux qui vont permettre au fait coopératif de se développer.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Reste la question, stratégique, de la représentativité dans le monde patronal de l’économie sociale et solidaire. C’est un univers particulier, certes, mais qui souhaite être représenté en tant que tel (M. Jean Desessard acquiesce.), 

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … car il ne se reconnaît ni dans le MEDEF, ni dans la CGPME, ni dans l’UPA.

Pour l’heure, il existe une structure, l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale. Nous avons beaucoup discuté au sein de notre groupe, qui est très attaché à l’économie sociale et solidaire, pour savoir comment cette représentation de l’économie sociale et solidaire allait pouvoir être organisée.

Notre collègue Christiane Demontès, qui est notre chef de file sur ce texte, a bien insisté sur le fait qu’il y avait déjà une avancée dans ce texte – M. le ministre pourra nous le confirmer – avec la représentation de l’UDES au sein des nouvelles structures mises en place pour la formation professionnelle.

Comme ce projet de loi est dédié à la formation professionnelle, je considère aussi qu’il s’agit d’une avancée significative méritant d’être saluée. Il n’y a donc aucune raison de déstabiliser l’accord global sur lequel repose ce texte.

Pour le reste, nous sommes devant un débat politique plus large qui porte sur le fait de savoir si le MEDEF, la CGPME et l’UPA sont bien des organisations représentatives de l’ensemble du monde des employeurs. Il s’agit d’un autre sujet que celui qui nous intéresse ce soir. Pour ma part, ma philosophie est faite, mais je ne crois pas que ce texte soit le véhicule législatif idoine pour régler ce sujet stratégique.

Cela étant dit, je plaide effectivement pour que, dans le monde patronal, l’économie sociale et solidaire puisse être représentée en tant que telle.

Cependant, votre amendement, mon cher collègue, même s’il devait être voté, ne réglerait pas le problème de la représentation de l’UDES dans un certain nombre de structures.

M. Yves Pozzo di Borgo. On peut l’améliorer !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je souhaite apporter deux précisions.

Tout d’abord, si j’ai émis un avis défavorable, ce n’est pas parce que cet amendement porte sur la question des SCOP ou de l’économie sociale et solidaire, mais parce que l’ancienneté minimale proposée nous paraît trop longue.

Ensuite, puisque nous parlions de SCOP, un débat s’est ouvert sur la question de la représentation des organismes à but non lucratif. Sur ce point, Mme Marie-Noëlle Lienemann vient de donner une réponse, qui est celle du Gouvernement et qui figure dans le texte que vous avez sous les yeux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous effectuons une avancée considérable, et elle est légitime, avec la section 1 bis de cet article 16, intitulée « Représentativité au niveau national et multi-professionnel ». Nous allons en effet devoir nous habituer à parler de la catégorie des organisations « multi-professionnelles », ce qualificatif étant plus joli que le terme de « hors champ », qui était un peu péjoratif, car il excluait plus qu’il ne désignait. Ces organisations, qui pouvaient donc sembler exclues du système, y sont désormais intégrées.

Le 2° de l’article L. 2152-1-1 nouveau mentionne évidemment l’économie sociale et solidaire. Les organisations concernées sont connues de vous tous, il s’agit principalement de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES, elle-même issue de l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, l’USGERES, et du Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale, le CEGES.

Ces organisations seront désormais représentées au niveau national et c’est une belle avancée, pour elles comme pour la démocratie dans les instances patronales !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. M. le ministre a apporté, plus parfaitement que je ne l’aurais fait, les réponses qu’appelaient les remarques de Jean Desessard et de Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 184.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 20, première phrase

Après les mots :

dont les entreprises adhérentes

insérer les mots :

ou adhérentes aux organisations professionnelles qui leur sont affiliées

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’un amendement, sinon de cohérence, du moins de précision, visant à mettre en conformité des dispositions différentes concernant les adhésions des entreprises pour l’évaluation de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs.

Le 3° de l’article L. 2152-1 du code du travail, introduit par le présent projet de loi, est relatif à la détermination du critère de l’audience pour la mesure de la représentativité patronale au niveau de la branche professionnelle. Il ne vise pas expressément la situation des fédérations de branche qui, au sens strict, n’ont pas d’entreprises adhérentes, mais seulement des organisations professionnelles de base auxquelles adhèrent les entreprises ; elles assument donc, pour ainsi dire, une représentation au deuxième degré, alors que cet état de fait a été pris en considération au 3° de l’article L. 2152-2 pour la mesure de l’audience au niveau national interprofessionnel.

Nous souhaitons donc modifier le 3° de l’article L. 2152-1, de manière que ces deux dispositions soient concordantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte les entreprises qui adhèrent à une structure affiliée à une organisation patronale de branche. Cette situation me semble rare et, si elle devait se présenter, elle pourrait être traitée par le Haut Conseil du dialogue social, sans qu’il soit besoin de modifier la loi.

J’avais proposé à la commission de solliciter l’avis du Gouvernement sur ce point. La commission en a décidé autrement et a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. La question que vous soulevez, monsieur le sénateur, est pertinente. Venant d’un Solognot, cela n’étonnera personne ! (Sourires.)

Il peut sans doute y avoir des situations où les organisations patronales de branche ont des structures intermédiaires qui leur sont affiliées sans être des entreprises adhérentes au sens strict du terme. Il est donc tout à fait pertinent de prendre en compte toutes les adhésions et d’examiner le critère de l’audience globale. Tel est d’ailleurs l’esprit de cette réforme et c’est ainsi qu’elle sera mise en œuvre.

Toutefois, monsieur le sénateur, compte tenu de la diversité des organisations professionnelles, il est raisonnable de ne pas tout figer dans la loi. À l’instar de ce qui a été fait pour la représentativité syndicale, des règles de gestion adaptées seront définies en concertation directe avec les partenaires sociaux, dans le cadre du Haut Conseil du dialogue social, qui existe justement pour permettre la souplesse nécessaire, tout en apportant des réponses précises au cas par cas.

Un excès de règles tue la vie sociale, qui est parfois plus souple que l’on ne le souhaiterait, y compris vous-même, monsieur le sénateur !

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Monsieur Cardoux, l’amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Cardoux. Je reconnais que la situation évoquée est marginale, mais ce n’est pas une raison pour ne pas la traiter. Mais, afin de ne pas prolonger inutilement nos débats, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié est retiré.

L’amendement n° 359, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

et les entreprises et exploitations adhérentes sont celles relevant, l’année précédant la mesure de l’audience, des dispositions du a) du 3° de l’article L. 723-15 du même code

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser le périmètre de la mesure de la représentativité s’agissant des employeurs du secteur agricole, donc relevant du multi-professionnel, en se fondant sur les collèges électoraux des caisses de mutualité sociale agricole.

Seraient ainsi pris en compte les chefs d’exploitation ou d’entreprise employant une main-d’œuvre salariée à titre permanent.

Cette précision présente l’avantage de clarifier le périmètre de la mesure de l’audience et permet de tenir compte des spécificités des exploitations et entreprises agricoles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le problème avait fait l’objet de débats à l’Assemblée nationale et je m’étais engagé à ce que l’on trouve une solution. M. le rapporteur, de lui-même, avec la précision que nous lui connaissons, en a élaboré une et je l’en remercie.

L’évolution que vous proposez, monsieur le rapporteur, permettra en effet de tenir compte des nombreuses spécificités du secteur agricole.

J’émets donc un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je souhaite obtenir une précision. J’avais cru comprendre que la représentativité des employeurs s’évaluait en fonction des adhésions…

M. Michel Sapin, ministre. La règle ne change pas, il faut toujours une adhésion !

M. Jean Desessard. Si je comprends bien, la référence au collège électoral des caisses de mutualité sociale agricole sert uniquement à définir le périmètre de ceux qui peuvent adhérer.

M. Michel Sapin, ministre. Exactement !

M. Jean Desessard. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 359.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 2152-... - Dans les branches professionnelles, sont représentatives à l’égard des catégories objectives d’employeurs, définies à raison de leur statut juridique ou de leur activité, qu’elles ont statutairement vocation à représenter, les organisations professionnelles d’employeurs :

« - qui remplissent les critères mentionnés au 1° à 3° et au 5° de l’article L. 2151-1 et aux 2° et 3° de l’article L. 2152-1 dans le champ de cette catégorie objective d’employeurs ;

« - qui ont une ancienneté minimale de dix ans dans leur champ statutaire, ainsi que dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts.

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Cet amendement est proche de celui qu’a défendu notre collègue Yves Pozzo di Borgo. En effet, certaines entreprises, en raison de leur taille ou de leur activité, ne se sentent pas représentées dans certaines organisations syndicales.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, on a pu remarquer que certains acteurs de la négociation de branche sont présents dans le dialogue social de branche depuis plusieurs décennies et qu’une absence de souplesse et de malléabilité des périmètres d’appréciation de la représentativité des organisations d’employeurs les condamne injustement.

Lors de ces mêmes débats, des craintes ont été exprimées quant aux effets induits sur les organisations et le dialogue social à venir. Afin de les prendre en compte, de ne viser que la sécurisation de situations anciennes et solidement établies et d’éviter des modifications statutaires de circonstances, une ancienneté de dix ans dans le champ statutaire serait requise, comme le préconisait notre collègue Pozzo di Borgo, pour permettre cette mesure sur le seul champ statutaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue Isabelle Debré propose la prise en compte des organisations patronales qui représentent certaines catégories d’entreprises, comme les SCOP ou d’autres, au sein d’une branche. Cet amendement est incontestablement intéressant, mais il me semble poser deux problèmes.

Tout d’abord, cette question n’a pas été abordée par les organisations patronales, ni dans la position commune signée le 19 juin 2013 par la CGPME, le MEDEF et l’UPA, ni dans le protocole d’accord conclu le 30 janvier dernier entre ces trois organisations et les organisations du « hors-champ » – désormais le « multi-professionnelle » –, la FNSEA, l’UNAPL et l’UDES.

Vous pourriez m’objecter qu’il n’est pas interdit de faire progresser les choses. C’est là que je vous oppose mon second argument. Il me semble en effet que cet amendement risquerait de complexifier le paysage conventionnel, déjà très complexe, alors même que l’article 16 prévoit par ailleurs divers dispositifs pour le restructurer.

Franchement, il faut faire confiance aux organisations patronales de branche pour discuter entre elles, afin qu’elles tiennent compte des spécificités de certaines catégories d’entreprise, en termes de taille, d’activité ou de structure juridique. Il ne faut pas que la loi organise tout à l’avance dans le détail, car les organisations doivent pouvoir respirer et s’adapter.

C’est pourquoi j’avais proposé à la commission d’émettre un avis défavorable ; celle-ci a néanmoins émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a exprimé toutes les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis… défavorable ! (Sourires.)