M. Daniel Raoul, rapporteur. Ces dispositions figurent toujours dans le code de l’environnement !

M. Jean Bizet. Certes ! Toutefois, comme vous le savez, entre le texte et sa mise en œuvre, il y a un pas et, malheureusement, ceux qui se livraient à de telles dégradations n’ont pas été sanctionnés. Cela explique que nos chercheurs soient partis et que nos filières subissent une distorsion de concurrence.

Monsieur le ministre, il faut, quand les débats sont aussi sensibles et complexes, jouer la carte de la clarté et de la transparence.

Par ailleurs, si la réglementation évolue au niveau européen, en particulier si les procédures d’autorisation des OGM sont renationalisées, nous respecterons ce droit. Pour ma part, je ne vous le cache pas, je ne suis absolument pas opposé à cette renationalisation. Elle sera sans doute momentanée, mais aura le mérite de pointer clairement les incohérences de tel ou tel État membre. Nous pourrons voir ainsi quels pays – mais nous les connaissons déjà - choisiront telle modernité plutôt que telle autre.

Depuis deux ans, je répète que je ne suis pas opposé à une telle évolution de la législation européenne. Toutefois, en tant que législateur, notre rôle est non pas d’anticiper des réformes législatives, mais d’agir dans le respect du droit en vigueur.

Enfin, permettez-moi de sortir de considérations strictement légales et de m’interroger sur les conséquences économiques de la présente proposition de loi.

À un moment où votre gouvernement plaide pour le redressement productif – je crois entendre M. Montebourg qui, me semble-t-il, a toujours été plutôt favorable aux biotechnologies – et pour la compétitivité, et alors qu’il porte toute son attention sur l’industrie, il serait cohérent d’aborder sereinement le sujet des technologies d’avenir que sont les biotechnologies.

Pour le cas particulier des OGM, quelques questions mériteraient une réponse.

Ainsi, la culture des maïs transgéniques est, aujourd’hui, autorisée au niveau européen, et donc pratiquée dans d’autres pays. Comment nos semenciers et nos agriculteurs vont-ils gérer cette concurrence à terme ?

Dans le monde, un tiers de la surface des maïs est cultivée en OGM et les importations de maïs transgéniques sont autorisées et entrent dans l’alimentation animale, comme pour le soja. La recherche et l’innovation en matière de transgénèse et de biotechnologies sont fondamentales pour l’avenir de l’industrie semencière, de l’agriculture et de notre capacité à enregistrer des brevets.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, au sein du groupe UMP, nous pensons qu’en voulant agir dans la précipitation le Gouvernement s’est engagé dans une impasse juridique en soutenant des textes qui ne respectent ni notre Constitution ni le droit européen. Je le regrette, même si j’ai bien noté la porte que vous avez entrouverte, tout à l’heure, monsieur le ministre, tout comme d’ailleurs vous l’aviez déjà fait dans le cadre de la discussion du projet de loi d’avenir, en parlant des OGM de seconde génération. J’attends donc avec impatience que vous passiez des paroles aux actes !

Nonobstant, l’attitude du Gouvernement fausse les conditions qui seules permettraient un débat serein, tant sur le Monsanto 810 que sur les autres maïs transgéniques ou les OGM en général.

Nous le déplorons, car les enjeux sont très sérieux, qu’ils soient environnementaux ou économiques. Ils méritent mieux, à mon sens, que l’amalgame et la désinformation.

Vous ne serez donc pas surpris du vote du groupe UMP. Je le regrette, monsieur le ministre. Mais il me semble que l’immobilisme avance en la matière, et que rien ne saurait l’arrêter… (Sourires.) Encore un petit effort, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier M. le président de la commission des affaires économiques pour l’organisation des débats, leur qualité et la liberté de parole dont les membres de la commission bénéficient.

Comme je l’ai dit à cette tribune voilà quelque temps, nous débattons donc cet après-midi d’un sujet qui nécessite la plus grande attention, la plus grande mesure et, me semble-t-il, le plus grand discernement.

Rappelons que, avec les organismes génétiquement modifiés, nous abordons des sujets qui ont à la fois une envergure locale, nationale et européenne. Ils touchent nombre de domaines : la santé, l’agriculture, la recherche, l’économie, l’environnement. Ils suscitent toujours beaucoup d’interrogations et d’incertitudes, trop souvent de l’incompréhension.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, qui a le mérite d’être vite lu (Sourires.), est parfaitement similaire à la proposition de loi de notre collègue Alain Fauconnier, dont nous avons été saisis voilà quelques mois.

Nous pouvons noter la persévérance, voire l’obstination de la majorité, malgré le rejet du premier texte...

Notons également l’évolution de l’initiative parlementaire et gouvernementale : à l’origine, il y avait un texte portant sur l’interdiction de la variété Monsanto 810 ; à l’arrivée, on trouve l’interdiction de mise en culture de toutes les variétés de maïs OGM. Il faut aussi noter, dans l’intervalle, un arrêté ministériel, datant du 14 mars dernier, « interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié » !

Je pense qu’il est fondamental d’aborder cette thématique des organismes génétiquement modifiés en restant le plus possible éloigné des positions de principe figées et du débat stérile « pour ou contre », dans lequel chacun, trop souvent, s’arc-boute, en usant toujours des mêmes arguments !

Nous sommes tous conscients des problèmes que soulèvent les OGM ; nous ne sommes pas aveugles, ni bornés – enfin, je l’espère !

Toutefois, ne commettons pas l’erreur dramatique de condamner des éléments primordiaux, comme cela a été dit. Il faut protéger la recherche, l’expérimentation, et l’affirmer. Mieux vaut la redondance que l’absence d’affirmation. Des actes comme le fauchage, à Colmar, en 2010, de parcelles de vignes expérimentales transgéniques de l’INRA ne sont pas tolérables !

De même, je pense qu’il est très important, en ce moment, de donner des signes à l’ensemble de la communauté scientifique, à ceux de nos chercheurs qui ont fait le choix de rester dans notre pays et qui sont totalement démobilisés.

Des recherches scientifiques doivent être menées ou poursuivies, pour plusieurs raisons qui nous paraissent fondamentales.

Ainsi, certaines recherches vont déboucher sur l’utilisation très réduite des intrants chimiques, en particulier des engrais azotés.

D’autres qui sont conduites en ce moment vont aussi déboucher sur des caractéristiques intéressantes pour l’humanité ; il s’agit notamment de plantes résistantes à la sécheresse, nécessitant beaucoup moins d’apports en eau, l’aspect écologique entrant ici en considération de façon très positive. De surcroît, lorsque l’on voit l’évolution démographique de la planète et la sous-alimentation qui touche une très grande partie de l’humanité, les recherches de solutions sont une évidente nécessité.

Voilà quelques atouts qui, à mon sens, méritent d’être considérés. Le fond du débat consistera bien entendu à éliminer le risque et à éviter la quête de profits financiers, qui ne doivent en aucun cas être le seul objectif de la recherche – cela a déjà été dit, et nous souscrivons à cette position.

Mais pourquoi la France devrait-elle se priver du progrès et de la recherche ? Regardons autour de nous : de nombreux pays d’Europe, et ailleurs de par le monde, ont une attitude diamétralement opposée. Le principe de précaution n’est pas et ne doit pas être synonyme de stagnation !

Je ne dis pas qu’il faut utiliser les OGM librement et abusivement, loin de là – je tiens à le répéter –, mais nous pensons que la mesure du risque doit être, et peut être encore mieux appréhendée.

Néanmoins, il y a des risques, comme je le disais voilà quelques instants. Ne les négligeons pas. Je pense à l’apparition de biorésistances, qui existe chez les insectes et les plantes, et qui touchera peut-être un jour les animaux.

Il y a aussi des risques de propagation incontrôlée des pollens, avec, bien entendu, de véritables dangers d’irréversibilité, mais nous savons qu’ils peuvent se circonscrire – le monde semencier a déjà prouvé depuis longtemps, en matière d’hybridations, que des pollinisations désordonnées peuvent être limitées.

Nous avons bien conscience de toutes ces conséquences environnementales liées aux OGM.

Il faut prendre la mesure du risque, toute la chaîne biologique pouvant, bien entendu, en supporter les conséquences.

La mesure du risque doit concerner, aussi, l’alimentation humaine. Nous l’affirmons : nous devons être très vigilants quant à la maîtrise de ce risque.

Et, justement, c’est là que nous devons intervenir, c’est là que le législateur doit jouer pleinement son rôle !

Je ne pense pas qu’il faille produire une loi pour chaque espèce – c’est un peu ce qui nous attend, au bout du compte, avec le Monsanto 810. Il est évident que cette loi ne réglera pas tous les problèmes.

Nous pensons toutefois véritablement qu’un cadrage plus global serait nécessaire à l’heure actuelle. Je vous ai écouté très attentivement, monsieur le ministre : c’est sur ce point que nous devrions engager nos réflexions et nos discussions, car c’est un véritable enjeu pour l’avenir de l’agriculture.

Il est regrettable que nous ne l’ayons pas fait lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt… Pourquoi donc préférer inscrire à notre ordre du jour des propositions de loi sur les OGM en procédure accélérée, plutôt que d’inscrire cette thématique dans le projet de loi d’avenir ? Je n’insisterai toutefois pas sur ce point, qui appartient déjà au passé, monsieur le ministre, et me contenterai de noter vos engagements pour l’avenir.

Cela étant dit, nous ne pourrons pas nous réunir et écrire une nouvelle loi chaque fois qu’un obtenteur demandera l’inscription au catalogue d’une nouvelle variété !

Monsieur le ministre, évitons les effets d’affichage et les textes symboliques sur des variétés bien connues. Entrons enfin dans le vif du sujet avec un cadrage général, une loi plus globale pour tous les organismes ou les plantes génétiquement modifiés.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut bien commencer par l’urgence, mon cher !

M. Jean-Jacques Lasserre. Et, à mon sens, cela commence par une réglementation de la recherche et de l’expérimentation, au-delà des signes que nous devons adresser à la communauté scientifique, d’autant que la France est en pointe sur les évolutions technologiques, mais aussi pour ce qui est de la demande de renforcement des contrôles. Les recherches ne doivent pas être conduites sans sécurité ni garde-fou.

Rappelons que nous avons notamment, en France, le Haut Conseil des biotechnologies, qui évalue, entre autres choses, l’impact sur l’environnement et la santé.

De surcroît, au niveau de l’Union européenne, cette fois, nous savons qu’il n’existe pas de consensus pour interdire la culture de maïs OGM en Europe.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est surtout problématique pour l’Europe !

M. Jean-Jacques Lasserre. Dernièrement, le maïs TC 1507 du semencier Pioneer l’a montré aisément.

Le contexte européen est donc propice à une censure de cette nouvelle proposition de la loi. C’est notamment pour cela que nous avions voté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité lors de l’examen de la première proposition de loi similaire, en février dernier.

Il n’existe, à l’heure actuelle, aucun consensus pour interdire le maïs OGM en Europe, ce qui est encore problématique pour le texte que nous examinons aujourd’hui.

Et je reconnais la difficulté qu’il y a à trouver une position acceptée et applicable par tous les États, dès l’instant qu’une grande partie des territoires européens ne sont pas concernés par le débat sur la production de maïs.

Notre souhait est clair : nous voulons sortir d’un texte de circonstance, saisonnier, pour porter le débat à un autre niveau.

Je le redis, les principes de précaution s’imposent. Les mesures des incidences doivent se perfectionner et s’inscrire dans le temps.

Nous voulons inscrire le droit à la recherche et à l’expérimentation dans cette loi. Cela va mieux en le disant. Cela méritera, par voie de conséquence, une réflexion et un contrôle public par rapport aux objectifs de la recherche – en l’occurrence, la puissance publique a assurément un rôle à jouer.

Toutes ces raisons m’amènent, une fois de plus, à penser que, en l’état, il nous sera difficile de voter pour ce texte. Mais nous nous m’exprimerons, en fin de discussion, sur les positions des membres du groupe UDI-UC. (Mme Chantal Jouanno et M. Jean Bizet applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, le Sénat rejetait une proposition de loi identique à celle dont nous débattons aujourd’hui, marquant ainsi sa volonté d’autoriser la culture de maïs génétiquement modifié.

Le groupe CRC avait pour sa part soutenu à l’unanimité le texte interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié en votant contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par le groupe UMP.

En effet, au-delà des risques de contentieux européens invoqués par les auteurs de la motion, d’autres risques, beaucoup plus importants, militaient, et militent toujours, en faveur de l’interdiction de la mise en culture des variétés de plantes génétiquement modifiées.

Comme cela a déjà été longuement expliqué, je rappellerai brièvement que les deux variétés visées par le texte présentent des risques environnementaux avérés.

Ainsi, le maïs MON 810 contient un insecticide génétiquement intégré ayant des effets délétères au-delà des insectes non-cibles. De plus, comme l’a très justement noté M. le rapporteur, les larves ciblées ont développé une résistance à la toxine, ce qui nécessite l’utilisation de pesticides plus puissants et plus dangereux pour l’environnement.

Des phénomènes de résistance similaires au glufosinate, un herbicide, sont également à craindre avec le maïs TC 1507, avec les mêmes conséquences.

Le Sénat vient d’adopter en première lecture le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Dans leur grande majorité, les sénatrices et les sénateurs ont souligné à cette occasion l’importance de mesures visant à diminuer la consommation d’intrants en agriculture.

En outre, les cultures de plantes génétiquement modifiées induisent des pratiques agronomiques intensives et contribuent à une standardisation, à une diminution du nombre de variétés et à un affaiblissement de la biodiversité. Il serait donc paradoxal que le Sénat encourage aujourd'hui la culture de plantes contraire aux objectifs de l’agroécologie.

Au-delà de ces enjeux environnementaux d’importance, la culture des plantes génétiquement modifiées présente également des enjeux sociaux, économiques et éthiques, lesquels sont peu pris en compte par la Commission européenne, et ce pour deux raisons principales : du fait, d’une part, de la faiblesse des procédures aboutissant à une autorisation et, d’autre part, du déficit démocratique dont souffre l’Union européenne.

Ainsi, les autorisations de mise en culture bénéficient d’une présomption d’absence de toxicité. Pourtant, la question sanitaire est loin d’être tranchée. Elle suscite beaucoup de controverses. Or nous ne disposons pas d’études fiables attestant l’innocuité des organismes génétiquement modifiés sur la santé humaine et animale.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous réaffirmons ici notre attachement au renforcement d’une recherche publique indépendante des intérêts purement mercantiles. En ce domaine, la recherche empirique est particulièrement importante, en complément de la théorie génétique, qui reste insuffisante pour apporter une réponse a priori et pour permettre des expérimentations d’interprétation fiable et universelle.

Ensuite, le débat autour des OGM est symptomatique du fossé qui se creuse entre la Commission européenne et les peuples, plus largement les citoyens européens. Vous avez regretté, monsieur le ministre, lors de nos précédents débats, que la Commission européenne ait pu autoriser le maïs TS 1507, alors même que le Parlement européen et dix-neuf des vingt-huit États membres, représentant 60 % des voix, s’étaient opposés à une telle autorisation, et ce alors même que l’opinion publique européenne était majoritairement défavorable aux cultures d’OGM.

Cette tendance peut être constatée dans bien des domaines. L’adoption de cette proposition de loi par le Parlement serait donc un acte fort, car elle permettrait d’appuyer l’action de la France, lors des futures négociations, visant à réviser et à renforcer les méthodes d’évaluation des risques liés aux plantes génétiquement modifiées.

Ensuite, je tiens à rappeler à nos collègues de droite, fervents défenseurs du certificat d’obtention végétal, que les plantes génétiquement modifiées sont couvertes par des brevets,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est exact !

Mme Laurence Cohen. … ce qui a des conséquences non négligeables en termes de propriété intellectuelle. La recherche n’est plus libre, la plante ne bénéficiant plus de l’exception de sélection.

M. Jean Bizet. C’est plus compliqué que ça !

Mme Laurence Cohen. La commission des affaires économiques a d’ailleurs adopté en janvier dernier une proposition de résolution européenne pointant les dangers de la brevetabilité du vivant, pour les agriculteurs comme pour l’innovation semencière.

Le groupe CRC avait alors fait adopter un nouvel alinéa dans lequel le Sénat affirmait son « attachement au caractère non brevetable des plantes issues de la sélection génétique, tout particulièrement dans le cas de plantes obtenues par des procédés d’amélioration classique et [excluait] en conséquence les plantes comme les variétés du domaine de la brevetabilité ».

Enfin, si les risques environnementaux, socio-économiques et sanitaires liés à la culture d’OGM en France nous conduisent à voter pour la proposition de loi, nous souhaitons néanmoins apporter deux précisions.

Premièrement, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, l’interdiction ne vise que deux variétés de maïs, ainsi que leur mise en culture. Le champ d’application du texte est donc restreint.

Parallèlement, à l’échelon européen, la délivrance d’autorisations de mise sur le marché de plantes génétiquement modifiées s’accélère, indépendamment de la question des cultures.

Je rappelle également que la Commission européenne a autorisé, à l’automne dernier, pour l’alimentation animale et humaine, dix plantes génétiquement modifiées, dites « empilées », ainsi que le pollen issu du maïs Monsanto 810.

Interdire la culture de plantes génétiquement modifiées ne permet donc de garantir ni aux consommateurs ni aux élevages une alimentation sans OGM.

Deuxièmement, le traité de libre-échange transatlantique, qui signe la fin des barrières non tarifaires, aura pour conséquence, notamment dans le secteur agricole, d’autoriser les multinationales à poursuivre en leur nom propre un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur politique commerciale.

Par le biais des brevets dans la future zone de libre-échange transatlantique, les industries biotechnologiques pourront imposer aux États membres de l’Union européenne leur catalogue de produits OGM, et ce même si l’Europe refuse la culture de certaines plantes génétiquement modifiées !

C’est pourquoi nous voterons sans hésitation la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire français.

Cependant, nous continuerons de dénoncer les dangers que font courir, pour notre modèle agricole européen, l’instauration de zones de libre-échange ainsi que les accords de l’Organisation mondiale du commerce. Ces questions ne pourront être éludées si l’Europe veut préserver son potentiel agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens à mon tour, au nom du groupe socialiste, pour souligner l’enjeu crucial que constitue le vote de cette proposition de loi.

Le Parlement se doit de se mobiliser de nouveau aux côtés du Gouvernement afin d’éviter toute prise de risque liée à la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur notre territoire, risque à la fois pour l’environnement, la santé publique, la sécurité sanitaire, mais aussi pour l’activité économique de nos agriculteurs.

En effet, certaines inquiétudes restent prégnantes à l’heure actuelle et appellent la plus grande vigilance de notre part sur les effets encore mal mesurés de la mise en culture de certains OGM sur notre écosystème.

J’évoquerai ici les principales inquiétudes que suscite la commercialisation du maïs génétiquement modifié Monsanto 810.

Tout d’abord, ce maïs a un effet scientifiquement démontré sur l’environnement et sur la biodiversité. La variété de maïs génétiquement modifié Monsanto 810, dont la mise en culture a été autorisée par la Commission européenne depuis 1998, aurait des effets indésirables considérables. Ainsi, la toxine créée par la plante pour se protéger de certains insectes aurait des incidences beaucoup plus larges puisqu’elle nuirait également à des insectes non-cibles. De surcroît, cette variété favoriserait mécaniquement le développement d’une résistance à la toxine par les insectes visés. Outre son impact environnemental, ce maïs aurait donc un impact sanitaire néfaste. La résistance des insectes visés à la toxine développée par la culture OGM entraînerait logiquement l’usage de pesticides plus puissants encore par les agriculteurs.

Ensuite, l’impact économique que l’on présage sur l’agriculture ne doit pas être négligé. En effet, le problème de la traçabilité des cultures OGM pose la question de la coexistence des cultures OGM et des cultures non OGM, plus précisément des cultures OGM et de l’agriculture biologique, cette dernière répondant à des normes particulièrement strictes.

Par ailleurs, un autre problème risque de se poser à nos exploitants : celui des droits de propriété intellectuelle de ces semences OGM. En plus des problèmes de traçabilité et de contrefaçon pouvant émerger, ces semences protégées risquent en effet de placer les agriculteurs dans une lourde dépendance vis-à-vis des grands groupes industriels mondiaux, ce qui sera d’autant plus préjudiciable aux petits exploitants agricoles.

Enfin, des conséquences significatives sur la filière apicole et sur la santé des abeilles sont à craindre. L’impact de la culture OGM serait d’autant plus redoutable qu’il viendrait s’ajouter à la surmortalité des abeilles actuellement constatée. Or la toxicité de l’insecticide génétiquement intégré dans les semences de maïs est encore très imparfaitement mesurée, ce qui laisse dans un flou inquiétant les conséquences de cet insecticide sur la filière apicole.

Il semble donc évident que, face à ces incertitudes, mais aussi compte tenu de certains risques avérés, la France doive avoir le choix de reconduire l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié tant qu’elle n’est pas pleinement satisfaite des résultats scientifiques attestant la neutralité de la mise en culture OGM sur la qualité de nos terres, de notre santé et de notre écosystème.

Or cette démarche précautionneuse de la France s’est heurtée à plusieurs reprises à des exigences imposées au niveau européen. En effet, à deux reprises depuis 2007, le gouvernement français a souhaité instaurer un moratoire pour la mise en culture du maïs génétiquement modifié sur le territoire français. Il a par ailleurs associé cette décision temporaire à une demande de renforcement des procédures d’évaluation du risque environnemental lié aux OGM, mais aussi à la mise en place de mesures de gestion appropriées telles que l’instauration de zones refuges, de rangs de bordure de maïs non OGM, ou encore l’éloignement des cultures de l’habitat de certaines espèces. Mais, également à deux reprises, le Conseil d’État est intervenu pour annuler ce moratoire, en application des normes juridiques européennes imposant à la France de démontrer une situation d’urgence et de menace manifeste qui puisse légitimer l’adoption de mesures contre la mise en culture d’OGM.

Toutefois, un signe encourageant a été donné aujourd'hui par le Conseil d’État, qui vient de confirmer l’arrêté gouvernemental interdisant la culture du Monsanto 810.

C’est encourageant, car la situation juridique de la France n’est pas sans soulever des interrogations quant à la capacité de notre pays à décider souverainement de son exposition ou non aux risques liés aux OGM. L’autorisation prochaine de la mise en culture en Europe d’une deuxième semence de maïs génétiquement modifié, le maïs TC 1507 de Pioneer, illustre de manière saisissante le manque de marges de manœuvre de notre pays dans ce domaine.

Ni l’opposition du Parlement européen à une telle autorisation de mise en culture ni le refus exprimé par dix-neuf des vingt-huit pays composant le Conseil européen n’ont constitué des barrières suffisantes pour empêcher la mise en culture de cette nouvelle espèce d’OGM. En effet, les règles de décision à l’échelle européenne en la matière sont particulièrement restrictives, puisqu’elles ne donnent au Parlement que la possibilité d’émettre un avis consultatif et qu’elles limitent la force d’opposition du Conseil européen à un vote à la majorité qualifiée.

Par conséquent, la Commission européenne est l’unique détentrice de la décision finale d’autorisation.

Je tiens à souligner que les nombreuses prises de position de la France sur le manque d’évaluation et sur les faibles prises en compte des risques environnementaux du maïs Monsanto 810 depuis 1998 n’ont guère fait évoluer le processus d’autorisation, comme on le voit pour la nouvelle espèce dont le projet d’autorisation est porté par la Commission européenne depuis 2008 : le manque d’évaluation du maïs TC 1507 de Pioneer n’est pas plus acceptable, compte tenu des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques.

La présente proposition de loi apparaît donc comme l’instrument nécessaire pour faire entendre la voix de la France et pour montrer que nous souhaitons maintenir une position ferme dans l’attente de contreparties sécurisantes sur la question de la mise en culture d’OGM.

Comme je l’ai dit précédemment, les inquiétudes suscitées par l’utilisation de semences génétiquement modifiées sont suffisantes pour justifier que nous prenions encore le temps d’approfondir les recherches scientifiques. Nous devons également nous assurer que les consommateurs, comme les producteurs, seront suffisamment protégés face à l’introduction de ces nouvelles pratiques. Nous ne voudrions pas nous retrouver confrontés aux mêmes problèmes que ceux auxquels nous avons à faire face aujourd’hui : la résistance aux pesticides, le développement de l’antibiorésistance, ainsi que la prolifération de certaines maladies liées à l’utilisation de ces produits !

Par ailleurs, le vote de cette proposition de loi permettra de donner une marge de manœuvre au ministre français pour infléchir la position de la Commission européenne et poursuivre le travail de révision de la directive européenne sur les OGM dans lequel le gouvernement français s’est engagé.

Enfin, je tiens à rappeler que cette proposition de loi est une réponse à l’engagement, pris par le Président de la République à l’occasion de la conférence environnementale de 2012, de maintenir le moratoire français sur la mise en culture d’OGM. Elle constitue également le bouclier nécessaire face aux risques trop importants qui pèsent à l’heure actuelle sur l’environnement et la biodiversité.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)