M. Jean-Claude Lenoir. Les applaudissements écologistes me surprennent !

M. Jean-François Husson. Ils ont la tête à l’envers ! (Sourires.)

Mme Ségolène Royal, ministre. Madame Jouanno, vous avez très justement rappelé les risques que fait courir le réchauffement climatique sur la paix mondiale. Il est à noter les personnes déplacées et, malheureusement, les conflits armés pour le contrôle de l’accès à l’eau potable, faits qui nous conduisent à intervenir avec encore plus de force.

Vous avez aussi souligné le rôle de la fiscalité écologique européenne, notamment la question du prix du carbone. Vous avez absolument raison : c’est l’un des domaines sur lequel l’Europe doit avancer clairement et rapidement.

Vous avez également complété l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre par la notion d’empreinte carbone. Cette approche novatrice me semble en effet indispensable, et nous devrons réintégrer cette notion trop souvent oubliée dans notre réflexion.

Madame Didier, vous avez insisté sur le coût de l’économie mondialisée. Effectivement, si les transports étaient payés à leur juste prix, les rapports de force ne seraient sans doute pas les mêmes et l’évolution vers des transports propres aurait été bien plus rapide. Vous avez relevé la nécessité de tirer tous les États vers le haut pour trouver le meilleur modèle énergétique. Je pense que c’est une bonne façon de faire, en commençant par l’Europe, en prenant ce qu’il y a de meilleur dans chaque pays, et en aidant chaque État à supprimer ce qu’il peut y avoir de pire chez lui.

Vous avez aussi évoqué, de même que d’autres intervenants, les concessions hydrauliques. Je suis allée à Bruxelles lundi dernier pour notifier à la Commission notre demande de prolongation de ces concessions, avec en contrepartie l’engagement, que j’inscrirai dans le futur projet de loi, de faire évoluer le statut juridique des entreprises concernées et de les transformer en sociétés d’économie mixte, les SEM, à l’image de la Compagnie nationale du Rhône. Je pourrai soutenir l’argument selon lequel nous avons besoin d’un peu de temps pour mettre en place ces SEM. De surcroît, dès lors que les entreprises seront assurées du prolongement de leur concession, elles devraient pouvoir investir 1,5 milliard d’euros. Je soutiens donc sans réserve cette position.

Monsieur Courteau, vous avez parlé de pédagogie, de sobriété énergétique, et vous avez dénoncé les bâtiments-passoire. C’est à raison que l’on donne parfois des leçons aux autres pays quand on est soi-même en avance, mais, sur ce sujet, la France est très en retard. En effet, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, l’énergie étant abondante et bon marché dans notre pays, nous n’avons pas été très regardants en matière de construction. À l’inverse, les pays où l’énergie était rare ou chère disposent aujourd’hui d’un avantage compétitif certain, car ils ont anticipé. Ainsi, je suis convaincue que l’un des leviers de la croissance économique en Allemagne réside dans la mobilisation de ce pays sur des chantiers d’isolation énergétique : leurs entreprises ont développé des savoir-faire, construit des bâtiments extrêmement performants et remporté des appels à projets internationaux. (Marques d’approbation sur les travées du groupe écologiste.)

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, les choix effectués à certaines périodes sont déterminants. Si l’on n’anticipe pas sur les mutations à venir, on le paye assez cher par la suite.

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous avez aussi relevé la nécessité d’accélérer la simplification des procédures, monsieur Courteau, et vous avez complètement raison. J’ai d’ailleurs demandé à mes services d’agir en ce sens, et je les remercie d’avoir engagé ce travail.

Rien ne justifie en effet que les délais soient de sept à huit ans en France, contre quatre à cinq ans en Allemagne. Nous allons donc faire des propositions dans ce domaine, et j’espère avoir l’occasion de vous en rendre compte très prochainement.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Mézard, vous avez souligné le retard pris pour ce qui concerne les véhicules propres, et vous avez absolument raison. Il va falloir là encore accélérer, et j’y tiens tout particulièrement.

Vous avez aussi évoqué la question de la place du nucléaire. Je le répète, nous ne devons pas opposer les énergies les unes aux autres. Je souhaite dépolitiser le débat sur cette question, car, in fine, ce sont les Français qui paient les factures d’électricité.

M. Gérard Longuet. C’est vrai, ils payent les fantaisies écologistes ! La CSPE, la contribution au service public de l’électricité !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nos concitoyens ont par conséquent le droit de savoir quels choix sont effectués et comment sont structurés les prix. Je suis d’ailleurs en train de réformer le décret qui fixe les prix de l’électricité : il m’a en effet semblé étrange que, à l’issue des explications fournies par le producteur d’électricité sur le coût de production de l’électricité, la Commission de régulation de l’énergie soit obligée d’entériner les prix. C’est ainsi que l’on a accepté la fatalité de l’augmentation régulière – 10 % par an – du prix de l’électricité.

M. Jean-Claude Lenoir. L’État est actionnaire du producteur d’électricité !

Mme Ségolène Royal, ministre. J’attire votre attention sur le fait que cette augmentation est très violente pour les Français : ils la perçoivent comme un impôt.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Pourquoi les producteurs d’électricité ne réaliseraient-ils pas aussi des gains de productivité, ne connaîtraient-ils pas des retours sur investissement ou encore une meilleure organisation ? Je veux inciter l’opérateur énergétique à s’engager sur cette voie, plutôt que de lui garantir une augmentation de son chiffre d’affaires sans lien avec les efforts qu’il accomplit en termes de productivité.

M. Jean-Claude Lenoir. EDF n’est pas une entreprise privée !

M. Gérard Longuet. C’est votre entreprise ! Vous avez la main !

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet, comme j’ai la main, je vais faire en sorte que les augmentations du prix de l’électricité ne soient plus entérinées de cette manière, et que les Français puissent au contraire obtenir un gain de pouvoir d’achat au moyen des économies d’énergie d’une part, de la baisse du prix de l’électricité d’autre part, laquelle sera notamment possible grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables.

Monsieur Gattolin, vous avez dressé un panorama mondial des enjeux climatiques, ce dont je vous remercie. Vous avez aussi souligné la force et l’importance des initiatives européennes. Une fois encore, je sais gré aux membres de votre groupe d’avoir suscité ce débat, et j’espère que vous allez le poursuivre, parce que le Gouvernement a aussi besoin de propositions. Les ministres chargés de l’énergie ont besoin de s’appuyer sur leur propre Parlement demandeur d’initiatives, d’actions et de résultats pour pouvoir peser à l’échelon européen.

Monsieur Husson, vous avez dit que l’Europe repoussait à plus tard les décisions pour cause de dissensions. Je partage complètement votre réprobation : j’estime également que les choses avancent beaucoup trop lentement et je considère qu’il ne faut pas baisser les bras avant même d’avoir mené le combat. Or c’est parfois un peu ce qui se passe. Pour l’instant, effectivement, les résultats ne sont pas à la hauteur. Eh bien, ils doivent l’être, je ne peux pas vous dire autre chose !

La transition écologique doit être le nouveau moteur non seulement de l’Europe, mais aussi du couple franco-allemand. C’est la raison pour laquelle j’ai pris contact avec les autres ministres européens chargés de l’énergie. Ainsi, s’il y a une vraie volonté politique, certains dossiers peuvent avancer lors de contacts bilatéraux, de face-à-face ou de petites réunions de proximité.

Je me suis notamment entretenue longuement avec le ministre allemand Sigmar Gabriel, pour que nos équipes puissent dépasser les lourdeurs et le fatalisme de l’inaction.

J’ai aussi rencontré le ministre britannique chargé de l’énergie, qui a créé le groupe de la croissance verte, le Green Growth Group. Il a cependant beaucoup de difficultés à faire progresser ce groupe, en dépit de son intérêt.

Il faudrait donc donner une nouvelle impulsion à cette façon de procéder, car lors de mes rencontres bilatérales ou restreintes avec mes homologues étrangers, je constate qu’ils sont très offensifs, mais, par la suite, les initiatives ont parfois tendance à s’engluer dans la lourdeur des procédures. C’est cela qu’il faut dépasser, et je compte sur vous pour nous aider à avancer.

Je souhaite en effet une écologie positive, qui ne soit pas synonyme de taxes ou d’interdits.

M. Jean Desessard. Nous aussi !

M. Jean-François Husson. Il va falloir corriger le tir, alors ! (Sourires.)

Mme Ségolène Royal, ministre. Vos critiques sont sans doute excessives, monsieur le sénateur. Et, sans vouloir polémiquer, je vous rappellerai que le précédent quinquennat a commencé avec le Grenelle de l’environnement, et qu’il s’est terminé avec cette phrase terrible : l’environnement, « ça commence à bien faire ! » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe écologiste.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué la question de la validation automatique des autorisations ou des certificats. J’y suis favorable. Je pense en effet que nous devons passer à un système déclaratif, tout en prévoyant des contrôles, car, malheureusement, des fraudes très lourdes existent dans ce domaine. Il faut donc trouver un juste équilibre. Il est regrettable que les non-fraudeurs payent pour les fraudeurs, en étant contraints à des délais de réalisation très longs.

Madame Bataille, vous avez insisté sur le rôle crucial de l’innovation, et vous avez affirmé que l’ambition devait être au rendez-vous. C’est également mon avis, et je vous remercie d’avoir fait preuve d’autant de conviction.

Madame Bourzai, je vous remercie d’avoir dressé le panorama des dépenses d’avenir et d’avoir si bien illustré la croissance verte, notamment par les interconnexions en Europe qui sont en effet cruciales. Nous allons, de manière générale, accélérer ces chantiers opérationnels. Vous avez parfaitement souligné l’articulation entre la croissance verte et les résultats que nous pouvions en attendre.

En conclusion, je veux remercier une nouvelle fois de ces échanges les intervenants des différents groupes, notamment ceux du groupe écologiste que préside Jean-Vincent Placé et qui est à l’origine de ce débat. Nous aurons de toute façon l’occasion de nous revoir pour reparler de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes toujours la bienvenue !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je remercie les intervenants

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le climat et l’énergie en Europe.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 26 mai 2014, à onze heures, à quatorze heures trente et le soir :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (n° 357, 2013-2014)

Rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 490, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 491, 2013-2014) ;

Avis de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 540, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART