Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, cher Michel Teston, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme vous le savez, le train et sa gouvernance font toujours l’objet d’une attention particulière de la part des écologistes. Or le présent projet de loi traite de toutes les questions d’avenir en la matière. La discussion qui s’ouvre au Sénat est donc très importante.

Aujourd'hui, nous avons des trains à plusieurs vitesses, et tous les passagers ne bénéficient pas des mêmes qualités de service.

Pour certains, le transport ferroviaire est synonyme de déplacements rapides et confortables. C’est même l’une des incarnations de la modernité et du dynamisme d’un territoire. Mais, pour nombre d’usagers au quotidien des trains de banlieue ou de certaines liaisons régionales, c’est aussi le symbole d’une France délaissée, comme cela se mesure au degré de fatigue due à la modernisation insuffisante du matériel et des réseaux, voire à son usure sévère, pour ne pas utiliser les termes plus durs qui font aujourd'hui débat. En plus, les difficultés anciennes du dialogue social au sein de l’entreprise sont aussi source de difficultés pour les usagers.

Défauts d’entretien ou problèmes d’organisation de la maintenance et de coordination entre la SNCF et RFF – nous en avons tous des exemples concrets –, les difficultés actuelles sont connues et le constat est assez partagé. Certes, dans le cas de l’accident de Brétigny-sur-Orge, qui est évidemment présent à l’esprit de tous aujourd’hui – j’ai d’ailleurs une pensée pour les victimes à cet instant –, c’est bien à la justice de déterminer les responsabilités des uns et des autres.

L’analyse selon laquelle l’organisation n’est pas satisfaisante ne date pas d’hier et appelle des réponses - j’y reviendrai -, mais elle dit également la nécessité de nous réinterroger sur les priorités d’investissement.

Ainsi, si les écologistes se sont opposés, par exemple, à la politique du « tout TGV » et au Lyon-Turin, ce n’était pas pour bloquer le développement du transport ferroviaire ; au contraire, c’était même, et les évolutions récentes ont confirmé la pertinence de leur position, pour le sauver !

Comment garantir et développer aujourd'hui un service public de qualité et accessible à tous ? Sous couvert de course à la vitesse et de développement métropolitain, on nous a « vendu » les nouvelles lignes à grande vitesse, les LGV ; mais, dans une situation de raréfaction de l’argent public disponible, à quel prix pour le réseau existant, celui qui maille les territoires et sert les usagers au quotidien !

En toute cohérence, nous, écologistes, avons donc défendu le train à haut niveau de service, face à des projets parfois pharaoniques. S’il est déjà très rapide, atteignant tout de même 220 kilomètres par heure, il nécessite des investissements beaucoup moins lourds, s’inscrivant ainsi dans une logique qui donne la priorité à la rénovation des lignes existantes et limite l’endettement.

En effet, la dette historique de SNCF-RFF, même si elle n’est pas comptabilisée dans celle de l’État au sens des critères de Maastricht, ne peut plus être occultée. Ainsi que d’autres orateurs l’ont rappelé, elle atteint aujourd'hui une quarantaine de milliards d’euros, en hausse moyenne de 1,5 milliard d’euros par an, mais de 2,2 milliards d’euros en 2013, l’objectif gouvernemental étant de la contenir autour de 60 milliards d’euros à l’horizon 2025. Voilà qui donne un peu le vertige !

Comment éviter la paralysie du système, avec une dette aussi lourde, d’autant que l’activité ferroviaire a ralenti en 2013, avec une baisse de 2 % pour le transport de voyageurs – c’est un signal assez alarmant – et de 3 % pour le fret, et que les LGV lancées par le gouvernement précédent plombent les comptes de l’entreprise ? D’ailleurs, Gilles Savary, rapporteur du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, a déclaré : « Les lignes à grande vitesse sont un joujou français qui ne fonctionne qu’en dégradant les comptes de la SNCF et en endettant RFF. » À méditer !

Aussi, face à de tels projets, et compte tenu de la situation budgétaire critique qui est la nôtre, les écologistes réaffirment l’importance de flécher en priorité les financements vers l’aménagement et la rénovation des lignes existantes plutôt que vers le déploiement de nouvelles lignes.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mentionné à juste titre le plan de modernisation doté de 410 millions d’euros qui vient d’être lancé. Mais nous craignons tout de même que cela ne soit insuffisant. Nous ne pouvons que faire la comparaison avec les sommes allouées, par exemple, à ce fameux tunnel Lyon-Turin : plus de 14 milliards d’euros ! Cela ne nous semble pas raisonnable aujourd'hui.

La même logique s’applique au fret ferroviaire. L’absence de rénovation des réseaux capillaires et le caractère insuffisant des investissements de la part de l’État, de la SNCF ou de RFF nous empêchent de développer une véritable stratégie de report modal, stratégie pourtant à la fois présente dans tous les discours et nécessaire pour répondre aux grands enjeux climatiques liés aux transports.

Si la France adore souligner qu’elle émet assez peu de gaz à effet de serre dans sa production d’électricité – nous connaissons l’histoire –, elle omet de préciser que le bilan de ses émissions dans les transports est tout à fait désastreux et ne s’est pas amélioré au cours des dernières années. (M. Jean Desessard acquiesce.)

Il faut donc des financements innovants pour les transports. Si vous me pardonnez ces bien mauvais jeux de mots, je dirai que le péage poids lourds est en train d’être remis sur les rails. (Sourires.) C’est une bonne nouvelle.

M. Roger Karoutchi. Cela fait longtemps qu’il a déraillé !

M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes déjà partants pour augmenter le réseau taxable. Si nous avons gardé le système, nous n’avons préservé que 4 000 ou 5 000 kilomètres taxables. Il sera assez simple d’étendre le réseau taxable, et relativement rapidement ; il y a déjà des propositions en ce sens dans un certain nombre de régions.

Alors que le budget de l’État est contraint, et cela concerne particulièrement les transports, nous considérons également que les régions doivent obtenir les moyens de leurs politiques. C’est ainsi que nous appelons à donner aux régions une plus grande autonomie fiscale. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) C’est un élément constant du discours des écologistes.

Ainsi, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous avons déposé des amendements tendant à la création d’une part régionale de taxe sur le transit poids lourds. Nous n’avons pas pu les défendre jusqu’au bout, pour les raisons que chacun sait, mais nous sommes toujours disposés à en discuter dans la perspective de la prochaine loi de finances.

À mon sens, dans le contexte actuel, et avec le transfert aux régions de nouvelles compétences en matière de transport, nous devons absolument leur trouver de nouvelles recettes, et en préservant le système actuel. Avec la participation de l’État à Ecomouv’, il ne sera pas très compliqué d’ajouter une part taxable pour le réseau routier relevant de la responsabilité des régions pour l’aménagement, l’investissement et l’entretien. Il faudra, me semble-t-il, avoir cette discussion.

Sur le présent projet de loi, notre commission a adopté un amendement, sur l’initiative notamment de Roland Ries, visant à la création d’une part régionale de versement transport interstitiel. Nous vous inviterons à aller plus loin en ajoutant une part de VT additionnelle à un taux maîtrisé – nous avons proposé 0,2 % – et dans le cadre, j’insiste sur ce point, du maintien d’un plafond à 2 %.

Nous le savons tous, il y a là une véritable difficulté : une part des habitants des agglomérations bénéficient des étoiles ferroviaires. Il serait donc logique que les agglomérations participent à ce financement. Certes, j’entends les objections liées à la nécessité de ne pas augmenter le taux de VT ou aux difficultés de négociation entre les agglomérations et les régions, mais je crois qu’il y a là une vraie question et qu’il faudra rechercher des solutions.

Au demeurant, il est d’autant plus justifié de donner des marges de manœuvre budgétaires aux régions que celles-ci sont appelées à prendre plus d’importance dans l’organisation de l’ensemble des politiques de transports avec la loi Lebranchu.

Mireille Schurch a parlé à l’instant de « régionalisation » du transport ferroviaire. C’est, me semble-t-il, un peu exagéré.

M. Ronan Dantec. Mais, et j’aimerais insister sur ce point, régionalisation ne rime pas avec démembrement du service public ; c’est aussi un renforcement de l’action publique ! Ce n’est pas parce que nous nous situons à l’échelon régional, et pas à l’échelon étatique, que nous ne sommes pas dans le service public et dans l’action publique ! (Mme Mireille Schurch manifeste son scepticisme.)

C’est aussi pourquoi les écologistes veulent renforcer la place des régions dans la gouvernance de la future entité SNCF à l’occasion de ce projet de loi. Nous avons un peu gagné à l’Assemblée nationale à cet égard. Je le rappelle, les régions assurent aujourd'hui les deux tiers du financement public du système ferroviaire. Il nous semblerait utile et raisonnable d’avoir trois représentants des régions au conseil de surveillance de la SNCF. Nous savons déjà qu’il y aura un représentant de la région parisienne ; il ne serait pas absurde d’avoir en plus deux représentants issus de régions autres que l’Île-de-France, compte tenu du rôle des régions dans le financement et de leur engagement sur ces dossiers.

Je sais qu’il y a en arrière-plan des calculs sur les équilibres au sein du conseil de surveillance, mais je pense que nous pouvons trouver une solution.

En parallèle, nous soutenons très clairement le fait que l’État soit conforté dans son rôle stratégique au sein du futur groupe ferroviaire réunifié.

La planification des investissements, le pilotage stratégique et cohérent des politiques de mobilité sont essentiels, dans un moment, je l’ai indiqué, où nous avons des choix déterminants à opérer, sur la résorption de la dette, la hiérarchisation des investissements, la réponse aux enjeux écologiques.

Au vu de l’importance de tels sujets, nous croyons que la représentation nationale a aussi un rôle à jouer dans la définition des objectifs à moyen et à long terme : il nous semble important qu’une loi d’orientation quinquennale en matière de mobilité soit soumise au Parlement. Nous avons été plusieurs à déposer des amendements en ce sens.

Et, s’il n’est pas possible d’adopter un tel texte législatif, nous pourrions nous inspirer du schéma retenu pour la loi relative à la transition énergétique, même si elle n’a pas encore été votée : le Parlement validerait une programmation pluriannuelle qui s’imposerait à l’opérateur historique. Cette programmation concernerait non seulement le ferroviaire, mais, plus généralement, la mobilité, comprise comme un ensemble de politiques publiques convergentes.

Réintégrer le rail dans la problématique plus large de la mobilité est aujourd'hui un enjeu essentiel. En effet, la proximité des problématiques, qu’il s’agisse de l’environnement ou de la nécessité de hiérarchiser finement les investissements au vu des masses financières concernées, devrait nous inciter, lorsque nous évoquons la transition énergétique, à parler aussi de « transition des mobilités ».

Je souhaite également aborder le dialogue social au sein de l’entreprise.

Nous serons nombreux ici, me semble-t-il, à considérer que la SNCF est un socle du service public à la française, que la conscience de cette mission de service public est très forte parmi les cheminots et les personnels et que cette forme de patrimoine français ne doit pas se dégrader au rythme du matériel roulant ou des voies. Tout cela est totalement lié.

J’ai apprécié les propos de Mireille Schurch sur les « valeurs qui cimentent » le territoire. Je partage cette idée forte, encore que j’aurais préféré que l’on parle de « mieux irriguer » le territoire plutôt que de le « cimenter »... (Sourires.)

Nous serons vigilants. Il faut à tout prix éviter que l’ouverture à la concurrence ne s’effectue sur la base d’un dumping social ; l’exemple du transport routier nous en rappelle aujourd'hui les risques. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’entreprise soit condamnée à l’immobilisme. Nous avons déjà souligné qu’il y avait des gains de productivité à réaliser.

Aujourd'hui, la première concurrence, c’est celle du transport routier. C’est là que se joue l’avenir du fret ferroviaire et de la SNCF. Il faut donc à la fois réaliser des gains de productivité et éviter le dumping social, y compris dans le transport routier, pour l’avenir de la SNCF comme du système ferroviaire français.

De mon point de vue, le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale a permis d’apporter un certain nombre de garanties aux personnels et à leurs syndicats quant à leur participation à la gestion de la nouvelle structure. Les députés ont fait un travail important, allant même plus vite que prévu. Reste qu’il était essentiel de donner des assurances à cet égard.

Puisque nous parlons de gestion collective, il est aussi très important de laisser une place aux usagers et aux associations de protection de l’environnement, à côté de l’État, des salariés et des régions. L’article L. 141–2 du code de l’environnement prévoit la participation des « associations de protection de l’environnement » à « l’action des organismes publics concernant l’environnement. » Je pense qu’il serait utile de s’en inspirer s’agissant de la SNCF.

Le présent projet de loi portant réforme ferroviaire est donc bienvenu ; une réforme en profondeur du système ferroviaire était devenue plus que nécessaire. Nous voterons en faveur de ce texte. Toutefois, pour nous, des marges d’amélioration existent encore. Espérons que le débat qui s’ouvre permettra d’avancer en ce sens.

Enfin, je souhaitais rendre hommage à Michel Teston, dans ce moment symbolique – c’est probablement l’un de ses derniers rapports –, car notre collègue a réalisé un gros travail pour améliorer le texte du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du RDSE.)

 
 
 

9

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d'Éthiopie

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, à la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de quatre parlementaires du groupe d’amitié Éthiopie-France de la Chambre des représentants de la République d’Éthiopie, conduite par son président, son excellence M. Bashir Ali Mahdi. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, se lèvent.)

Cette délégation est accompagnée par les membres du groupe d’amitié France-Pays de la Corne de l’Afrique, présidé par notre collègue Louis Duvernois.

La délégation est en France jusqu’au 14 juillet, pour une visite d’étude centrée sur le développement des transports ferroviaires et urbains et les politiques applicables à la gestion des ressources en eau.

La délégation a rencontré hier certains de nos collègues de la commission du développement durable sur ces sujets. Elle a également effectué une visite des équipements des sociétés Aéroports de Paris et RATP Dev.

À la fin de la semaine, la délégation se rendra dans le Var, à l’invitation de nos collègues Pierre-Yves Collombat et François Trucy, pour découvrir l’expertise française dans le domaine de la gestion des ressources en eau de la Société du Canal de Provence.

Le Sénat français entretient d’excellentes relations de confiance et d’amitié avec la Chambre des représentants d’Éthiopie, qui a accueilli à plusieurs reprises des délégations sénatoriales pour des sessions d’échanges interparlementaires.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement éthiopien, en votre nom à tous et en mon nom personnel, une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

10

Communication d'avis sur deux projets de nomination

Mme la présidente. J’informe le Sénat que, saisie conformément à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission des lois a, d’une part, émis un avis favorable - 16 voix pour, 14 voix contre, 5 bulletins blancs - sur le projet de nomination de M. Jacques Toubon aux fonctions de Défenseur des droits et, d’autre part, émis un avis favorable - 18 voix pour, 13 voix contre, 4 bulletins blancs - sur le projet de nomination de Mme Adeline Hazan aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

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Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite « loi FATCA », déposé sur le bureau du Sénat le 9 juillet 2014, et du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 9 juillet 2014.

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Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Hélène Conway-Mouret membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Laurence Rossignol, dont le mandat sénatorial a cessé.

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Réforme ferroviaire – Nomination des dirigeants de la SNCF

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme ferroviaire a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 juin dernier.

Dans un contexte social compliqué, nos collègues députés, et particulièrement le rapporteur, M. Gilles Savary, ont largement couvert - et adapté - le champ législatif du texte gouvernemental.

Au Sénat, sous la conduite de notre rapporteur, Michel Teston, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a pris tout le temps nécessaire pour améliorer le dispositif, et poursuivre ainsi la construction d’un texte majeur pour l’avenir du transport par fer dans notre pays.

Je veux saluer l’important engagement de Michel Teston, ainsi que la qualité de son intervention devant notre Haute Assemblée. Ce n’était pas facile, dans la suite des débats de l’Assemblée nationale, d’apporter sa patte à un document déjà bien pourvu. Notre rapporteur y est parvenu, en intégrant les amendements qu’il vient de nous exposer.

François Patriat, excellent rapporteur pour avis de la commission des finances, a précisé le projet de stabilité financière et la règle d’or, pour atteindre un objectif majeur, que nous partageons, celui de ne pas augmenter le déficit de SNCF Réseau. C’est une orientation que j’approuve, tant le poids de la dette accumulée entrave l’évolution du système ferroviaire de notre pays.

Stabiliser la dette à une échéance proche de 2020, oui, monsieur le secrétaire d’État, nous vous suivons aussi sur ce point primordial de la réforme. Toutefois, c’est un objectif a minima que nous agréons dans la situation actuelle de l’économie. À cet égard, j’ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à fournir « l’opportunité de créer une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire ». Son adoption représenterait un pas important, un signe fort de reprise par l’État de tout ou partie de la dette historique. Je pense notamment aux 10,8 milliards d’euros que l’INSEE propose de requalifier en dette publique.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, oui, cette réforme est essentielle. En prenant le parti de réunifier RFF et la SNCF au sein d’un groupe public verticalement intégré, le Gouvernement opte pour un modèle intelligent, eurocompatible et qui, je l’espère, sera efficace.

Nous revenons pourtant de loin ! Aujourd’hui, la séparation orchestrée par la loi du 13 février 1997 n’a plus d’avocat. Beaucoup, sur les travées de notre assemblée, en ont accepté le principe et la réalité.

Est-il utile de rappeler que cette séparation institutionnelle entre le gestionnaire d’infrastructure et l’entreprise ferroviaire allait bien au-delà des directives européennes de l’époque, notamment de la directive 91/440/CEE ? Elle était alors la déclinaison nationale d’une vague de réformes ferroviaires libérales touchant la plupart des États européens. L’exemple anglais est le plus emblématique à cet égard.

Cette loi Pons de 1997 mettait en cause, à terme, l’unicité du ferroviaire, et ouvrait peut-être même la voie à une privatisation. C’était dans l’air. N’oublions pas qu’à cette époque l’objectif des dirigeants allemands de la DB était d’introduire leur société à la bourse de Francfort. Nous savons ce qu’il est advenu, mais, en contrepartie, la dette allemande a été épongée. Le gouvernement de l’époque ne l’ignorait pas.

Malgré la qualité et les technicités développées par les différents personnels de RFF et de la SNCF, chacun sait combien la séparation du système ferroviaire en deux EPIC, sans intégration, a affecté son efficacité et n’a pas résolu positivement les situations rencontrées. Une telle organisation n’existe dans aucun autre secteur d’activité. Elle était ambiguë dès son acte de naissance, forcément coûteuse, et privait le système ferroviaire d’une indispensable unité de management.

Quatre ans après, en 2001, on pouvait lire, dans le document d’évaluation de la réforme lancée par votre prédécesseur, M. Jean Claude Gayssot : « La répartition des rôles entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre n’est pas claire dans les faits ; la SNCF et RFF ne s’expriment pas toujours d’une même voix vis-à-vis des autorités organisatrices de transport, ce dont la collectivité risque de pâtir. Cette “double expertise” permet d’améliorer la qualité des projets, mais l’expérience montre aussi que le processus consomme encore beaucoup de temps et d’énergie. Le vécu est difficile de part et d’autre, le climat social peut en être affecté dans certains métiers. »

Depuis 2001, ces constats ont été largement confirmés. C’est que le rail n’est pas un moyen de communication comme un autre : il se caractérise par une forte intégration entre l’infrastructure et le mobile, indispensable à une sécurité de haut niveau. Le TGV aurait-il pu voir le jour dans le cadre d’une organisation éclatée ? Beaucoup s’interrogent à ce sujet. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes vous-même interrogé publiquement au moment du drame de Brétigny-sur-Orge. Ayons en cet instant une pensée pour les victimes et pour leurs proches.

L’entreprise intégrée permettra de définir des responsabilités précises, ce qui conduira l’entreprise publique à parler d’une même voix, se fixant des objectifs qu’elle devra tenir.

Pour conclure sur ce point, je ne résiste pas à la tentation de citer les cinq recommandations issues de l’évaluation de la loi de 1997, réalisée par le Conseil supérieur du service public ferroviaire en 2001, sur commande du ministre des transports.

Il s’agissait, premièrement, d’assurer une meilleure intégration du système ferroviaire, celle-ci étant considérée comme une nécessité vitale ; deuxièmement, d’apurer la dette accumulée, à hauteur, à l’époque, de 15 milliards d’euros, et de mobiliser, pour le développement, un flux moyen annuel de 5 milliards d’euros d’investissements ; troisièmement, de rétablir des relations contractuelles entre l’État et le système ferroviaire sous la forme d’un contrat de plan à cinq ans, d’une programmation glissante à dix ans des projets de services et des besoins d’infrastructures, et d’un plan stratégique à vingt ans de développement du mode ferroviaire ; quatrièmement, d’harmoniser les conditions de concurrence au sein du secteur des transports, dans les domaines économique, environnemental et social ; cinquièmement, enfin, de mettre en place une instance d’arbitrage et de décision chargée des choix d’investissements multimodaux, placée sous le contrôle du Parlement.

Sans s’inspirer totalement de ces recommandations, dont une bonne partie est toujours d’actualité, je me réjouis que la politique du Gouvernement ait contribué à modifier l’état d’esprit et, plus fondamentalement, l’orientation du système ferroviaire de notre pays.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer particulièrement, comme d’autres l’ont fait, mais peut-être pas assez cet après-midi, le combat complexe mais décisif que vous avez mené pour faire valoir l’entreprise intégrée devant la Commission européenne, toujours réticente. Il ne s’agit pas du modèle allemand ; vous avez conçu notre modèle français, et nous espérons bien que le futur paquet ferroviaire en tiendra compte.

La nouvelle architecture à trois EPIC au caractère indissociable et solidaire – SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau – renforce à l’évidence les moyens du gestionnaire d’infrastructure, tout en permettant une gestion et une organisation plus rationnelles.

Les moyens d’intervention de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, contribuent pour beaucoup à crédibiliser le projet qui nous est soumis, d’un point de vue tant juridique qu’économique : il s’agira d’un régulateur puissant.

J’apprécie aussi l’engagement pris par le Gouvernement de fournir sous deux ans un rapport sur les conditions de reprise de tout ou partie de la dette, ainsi que sur les conditions qui pourraient être mises en œuvre pour traiter l’évolution de sa part historique. Je suis persuadé que cette réforme permettra à la SNCF, entreprise qui appartient à notre patrimoine national, d’entamer la mutation qui lui permettra de faire face aux nouvelles exigences du secteur ferroviaire et, demain, en 2019 ou en 2023, à la concurrence dans le domaine du transport de voyageurs.

Cette réforme est engagée pour améliorer la vie des voyageurs et des chargeurs. Rendre un meilleur service public ferroviaire : ne perdons jamais de vue l’objectif.

Dix-sept ans après avoir bataillé contre la loi Pons, j’ai beaucoup d’émotion et de plaisir à croire que ce projet de loi permettra de renforcer le service public ferroviaire. En effet, dans une organisation verticalement intégrée, il impose un pilotage stratégique unique, une cohérence économique et une politique unifiée des ressources humaines pour l’ensemble du groupe.

J’apprécie que le Parlement soit consulté et intervienne sur les contrats d’objectifs assignés au groupe public et, je l’espère aussi, au sein du Haut Comité du système de transport ferroviaire créé par ce projet de loi. J’ai déposé un amendement en ce sens. Je me réjouis également de la création, auprès de SNCF Réseau, d’un comité des opérateurs.

Notre commission a adopté un amendement sur le VT interstitiel, dont je me félicite, après d’autres ici, puisqu’il permettra, une fois la loi votée définitivement, d’apporter aux régions des moyens nouveaux, certes modestes, mais c’est un pas dans le bon sens.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste votera résolument, et avec enthousiasme, le projet de loi de réforme ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Ronan Dantec applaudit également.)