Mme Claire-Lise Campion. J’appelle l’attention du Gouvernement sur la prise en compte de l’obligation alimentaire dans le calcul des ressources des majeurs sous tutelle.

Dans un souci de solidarité intergénérationnelle, afin qu’aucune personne âgée ne se trouve privée d’une solution d’hébergement adaptée et de conditions de vie décentes, la loi oblige les descendants à apporter, si besoin, une aide financière, sous la forme d’une obligation alimentaire.

Actuellement, lorsque l’obligation alimentaire est versée par les descendants directement à un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, un EHPAD, elle n’est pas considérée comme une ressource de l’ascendant si celui-ci dispose de faibles ressources, par exemple s’il est bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Cette disposition permet à ces personnes âgées dépendantes de ne pas être imposables et de rester éligibles aux aides sociales auxquelles leurs ressources personnelles leur donnent droit.

Lorsqu’une personne âgée est placée sous la tutelle d’une association habilitée, celle-ci est chargée de réunir les sommes dues par les descendants au titre de l’obligation alimentaire, puis de régler directement les frais d’hébergement à l’EHPAD. Dans ce cas de figure, le montant versé au titre de l’obligation alimentaire est alors considéré comme une ressource de la personne dépendante et entre dans le calcul de son impôt. Par le biais de ce mécanisme, cette dernière devient bien souvent imposable et perd le bénéfice des aides sociales auxquelles elle avait précédemment droit, telles l’ASPA ou l’allocation de logement sociale, l’ALS.

C’est un double poids pour la personne dépendante et pour ses proches, qui doivent, d’une part, compenser, en vertu de l’obligation alimentaire, l’imposition de leur ascendant et la perte de ses aides sociales, et, d’autre part, s’acquitter de frais de gestion plus importants auprès de l’association tutélaire, ceux-ci étant calculés en fonction des ressources de la personne dépendante.

Aussi, dans l’intérêt des majeurs dépendants placés sous tutelle et de leurs proches, pouvez-vous m’indiquer, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement entend uniformiser le mode de calcul actuel, qui, en l’état, constitue une entrave à l’expression de la nécessaire solidarité intergénérationnelle au sein d’une même famille ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, en application de l’article 79 du code général des impôts, dans le cas de l’entretien de l’ascendant dans une maison de retraite, lorsque les frais de pension sont directement acquittés par le contribuable et déduits de son revenu imposable à titre de pension alimentaire, l’ascendant devrait, en principe, être personnellement soumis à l’impôt à raison des sommes ainsi versées à titre de pension alimentaire.

L’administration admet toutefois, par mesure de tempérament, que l’ascendant qui se trouve placé, temporairement ou non, dans une maison de retraite et ne dispose que de très faibles ressources, ne soit pas imposé du chef des sommes correspondant aux frais de pension, lorsque ces frais sont réglés directement par ses enfants ou ses petits-enfants et présentent le caractère d’une pension alimentaire au sens des articles 205 et suivants du code civil.

Une telle mesure doctrinale de tempérament doit toutefois conserver un caractère strictement limité, en vertu du principe de lecture littérale de la doctrine. Elle ne peut donc s’appliquer aux gages versés à une tierce personne pour la garde d’un ascendant invalide disposant de faibles ressources. Elle ne peut davantage s’appliquer lorsque le versement transite par le compte de l’ascendant.

Je ne peux donc, madame la sénatrice, vous répondre favorablement. Pour autant, le Gouvernement est ouvert à une réflexion sur le sujet. Il serait en effet souhaitable que ce dispositif fiscal complexe soit plus lisible pour les contribuables.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d’État, et surtout de votre proposition d’ouvrir une réflexion de fond sur le sujet : cela me paraît indispensable.

Au cours des dix dernières années, un certain nombre de parlementaires ont posé des questions sur ce thème ; il faut aller plus loin aujourd'hui. Madame la secrétaire d’État, je suis à votre disposition pour participer à ce travail de réflexion !

rétablissement de l'allocation équivalent retraite

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 854, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, alors qu’elle s’était engagée clairement en faveur du rétablissement de l’allocation équivalent retraite, l’AER, supprimée en 2011 par Xavier Bertrand, la majorité a finalement prolongé l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS, au travers du décret du 4 mars 2013, tout en l’assortissant de conditions trop restrictives.

Le prolongement de cette allocation était un premier pas, parce qu’il rompait avec la logique précédemment suivie et permettait à plusieurs milliers de salariés ayant débuté tôt leur activité professionnelle de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite. Or ce décret paraît aujourd’hui insuffisant.

Dans nos villes et dans nos départements, nous faisons tous les jours le constat des effets dramatiques, pour les populations, de l’extinction de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, qui contraint les salariés privés d’emploi non éligibles à l’ATS à survivre avec à peine 500 euros par mois.

En effet, cette allocation est réservée aux chômeurs nés entre 1951 et 1953, indemnisés par l’assurance chômage en 2010 et justifiant du nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein, ce qui exclut une grande partie des chômeurs âgés.

Le Gouvernement s’est rétracté, mettant notamment en avant le coût de la mesure – environ 800 millions d’euros –, et a opté pour le scénario le moins coûteux, mais le plus arbitraire, ce qui a suscité l’incompréhension et la colère de ceux qui ne bénéficieront pas du dispositif après avoir pourtant travaillé plus de quarante ans sans discontinuer.

En 2014, le Gouvernement a accordé 20 milliards d’euros aux entreprises au titre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Or l’emploi a reculé de 22 000 postes au début de l’année et le CICE ne jouerait, selon l’INSEE, qu’un rôle d’amortisseur.

Le rétablissement de l’AER aurait, lui, un effet certain : il permettrait à des milliers de séniors français de ne pas vivre dans la misère en attendant la retraite, de redevenir des citoyens à part entière et des consommateurs.

Nul n’ignore d’ailleurs que, trop souvent, au lieu de considérer les séniors comme des atouts, c’est-à-dire comme des salariés performants et formés, capables d’être des relais de compétences et de savoir-faire auprès des nouvelles recrues, les entreprises les voient surtout comme des charges, voire des freins à la croissance. Les contrats de génération n’ont d’ailleurs pas changé la donne : un an après leur création, seuls 20 000 contrats de génération, qui ont pour l’essentiel validé des projets d’embauche en cours, avaient été signés.

Il est inadmissible que des personnes ayant travaillé et cotisé toute leur vie se retrouvent ainsi en situation de grande précarité, contraintes de vivre avec l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, ou le revenu de solidarité active, le RSA, dont le montant est largement inférieur au seuil de pauvreté.

Devant l’urgence de la situation, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre pour mettre un terme à cette injustice sociale majeure.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, votre question me donne l’occasion de réaffirmer les engagements sans faille du Gouvernement en faveur de la justice sociale, de la reconnaissance des efforts individuels, de l’amélioration de l’accompagnement vers et dans l’emploi de tous nos concitoyens qui en ont besoin ou qui en font la demande.

Ces engagements, le Gouvernement a tenu à les mettre en acte, d’abord en adoptant lors d’un comité interministériel de lutte contre les exclusions, réuni en janvier 2013 pour la première fois depuis 2006, un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, qui organise la revalorisation de 10 % du RSA socle en cinq ans. Même si l’on peut toujours considérer que c’est insuffisant, cet engagement financier important, tenu depuis, porte aujourd’hui le montant du RSA socle à près de 510 euros par mois pour une personne seule et sans autres ressources.

Ensuite, le Gouvernement a élargi les conditions d’éligibilité à l’allocation transitoire de solidarité, que vous avez jugées trop restrictives à l’origine. Cet élargissement a été mis en œuvre par un décret du 4 mars 2013 et a permis de corriger un certain nombre d’injustices provoquées par la réforme des retraites décidée en 2010 par la précédente majorité.

Vous évoquez à cet égard, monsieur le sénateur, l’exclusion d’une grande majorité des chômeurs âgés du bénéfice de l’ATS et, en creux, un reniement par la majorité actuelle des combats qu’elle menait dans l’opposition. Or, attentive à la correction réelle des injustices de la réforme de 2010, cette majorité a fait inscrire dans la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites qu’un rapport sur la situation des générations de 1952 et de 1953 sera remis au Parlement.

Ce rapport sera rendu cette semaine. Il montre, en toute transparence, que l’élargissement du champ du décret du 4 mars 2013 a effectivement permis à la quasi-totalité des chômeurs nés en 1952 ou en 1953 et pouvant prétendre à l’ATS de bénéficier de celle-ci. On dénombre 907 personnes qui, à la suite de la perception de l’allocation de solidarité spécifique, et donc de la validation des trimestres qu’elle permet, auraient pu obtenir l’ATS si les trimestres validés au titre de l’ASS avaient été pris en compte. À la fin de l’année 2014, toutes ces personnes pourront faire valoir leurs droits à la retraite, car elles auront atteint l’âge légal de départ.

Chaque situation individuelle compte, je n’en disconviens pas. Quand des difficultés particulières ont été repérées ou signalées, les services de l’État, en lien avec tous les acteurs locaux pertinents, ont chaque fois cherché des solutions et proposé des conseils.

Enfin, le Président de la République a confirmé, lors de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet derniers, la priorité donnée à l’emploi des plus de 50 ans et à la lutte contre le chômage de longue durée, qui touche en premier lieu les séniors.

Cela passe par des mesures favorisant le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée, notamment en ciblant prioritairement sur ce public les contrats aidés dans le secteur marchand – les contrats de professionnalisation, par exemple –, ainsi que les 100 000 formations prioritaires de Pôle emploi.

Cela passe également par le maintien dans l’emploi des salariés au-delà de 45 ans. Nous devons en effet lutter contre une certaine forme de discrimination, consciente ou non, et inciter davantage à embaucher et à conserver des salariés expérimentés. En 2015, la prime du contrat de génération sera doublée en cas d’embauche simultanée d’un jeune et d’un sénior.

Monsieur le sénateur, les engagements, la volonté et l’action du Gouvernement en faveur de la justice sociale sont intacts. L’emploi reste le meilleur rempart contre les difficultés financières et la précarité. Mon combat, celui du Gouvernement, celui des partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage, est de créer les conditions de l’emploi, de restaurer l’employabilité des personnes à travers leur formation et l’accompagnement de leurs projets et de sécuriser des parcours parfois heurtés. La comparaison entre le taux de pauvreté des chômeurs français et celui des chômeurs allemands est défavorable à l’Allemagne.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Votre réponse, monsieur le ministre, n’apporte malheureusement aucun élément nouveau véritablement susceptible d’apporter une solution humaine à des dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui ont travaillé toute leur vie et se sentent aujourd'hui oubliés, relégués.

Vous avez évoqué l’augmentation du RSA socle, mais celui-ci ne s’élève aujourd’hui qu’à environ 500 euros par mois. Je le répète, il s’agit ici de gens qui ont longtemps travaillé et vécu dignement. Ils ont droit, me semble-t-il, à une retraite ou à un traitement équitable qui leur permette de sortir de la pauvreté.

Il est vrai que le Gouvernement avait renvoyé l’examen de cette question au rapport au Parlement sur le nouveau dispositif de retraites. Je pense que nous aurons l’occasion, lors du débat qui suivra la remise de ce rapport, d’y revenir.

Je pense aussi à ces anciens salariés nés entre 1954 et 1957, qui se retrouvent dans la même situation que ceux nés entre 1951 et 1953, mais qui ne peuvent, eux, bénéficier de l’ATS.

Ces salariés qui ont travaillé dur, qui ont cotisé toute leur vie, parfois plus de quarante années, sont en colère, car ils sont victimes d’une double peine : la suppression de l’AER, qui les a frappés directement et que ne compense pas ce que vous annoncez, et le recul de l’âge de la retraite.

Un pays aussi riche que la France, qui sait dégager des dizaines de milliards d’euros pour exonérer de cotisations sociales les entreprises, en premier lieu celles du CAC 40, devrait être capable de supporter une dépense de 800 millions d’euros afin d’assurer un revenu décent à ceux qui ont fait cette richesse.

centre de l'établissement public d'insertion de la défense de montry en seine-et-marne

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 843, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Houel. Si vous le permettez, monsieur le président, je céderai la parole à mon collègue Alain Gournac, ma voix étant aujourd’hui quelque peu défaillante, comme vous pouvez le constater.

M. le président. Je l’accepte bien volontiers, mon cher collègue.

La parole est donc à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. La question de mon collègue Michel Houel porte sur le devenir des centres de l’Établissement public d’insertion de la défense – plus connu sous le nom d’« EPIDE » –, et plus particulièrement de celui de Montry, en Seine-et-Marne.

Selon un rapport du directeur général de l’EPIDE daté de mai 2014, dont la presse s’est largement fait l’écho, est prévue la fermeture des centres de Velet, de Montry, de Langres et de Lanrodec, avec redéploiement des places et des moyens correspondants dans les autres centres existants.

Le centre de Montry a ouvert ses portes en 2005 et reçoit chaque année 150 jeunes volontaires âgés de 16 à 25 ans, tous en grande difficulté, souvent en rupture totale avec la société.

L’objectif de ces établissements n’est autre que de favoriser l’insertion professionnelle de tels jeunes et leur intégration dans la société. Il est ambitieux, certes, mais les résultats sont remarquables. Ainsi, en 2013, l’établissement seine-et-marnais a enregistré 107 « sorties positives » : concrètement, monsieur le ministre, 107 jeunes ont trouvé un emploi ou une formation durable. Cette réussite repose en partie sur la taille de la structure, son taux d’encadrement et la qualité professionnelle des soixante agents qui s’investissent au quotidien.

Alors que le chômage des jeunes est au plus haut, est-il raisonnable de sacrifier sur l’autel budgétaire des jeunes sans formation prêts à s’en sortir ?

Est-il raisonnable de vouloir fermer un établissement qui, depuis trois ans, a bénéficié d’importants travaux financés par l’État, ou encore de mettre en péril les emplois des agents travaillant sur le site ?

En Seine-et-Marne, les élus comme les personnels sont mobilisés pour sauver le centre de Montry et lui permettre de poursuivre ses activités dans de bonnes conditions. Cet établissement aux résultats incontestables devrait servir d’exemple dans la lutte que nous menons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, pour améliorer la formation et l’emploi des jeunes. Ne nous privons pas des expériences qui donnent des résultats !

Je vous demande donc, monsieur le ministre, d’engager un véritable dialogue constructif avec les professionnels et les élus locaux, en vue de trouver une solution financière acceptable pour tous et ainsi de sauver le centre de Montry.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mis en place en 2005, l’EPIDE est chargé de l’organisation et de la gestion du dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 18 à 25 ans sans diplôme, sans titre professionnel ou en voie de marginalisation, pour une durée de six à douze mois. Pour accomplir sa mission, l’EPIDE dispose à l’échelon national de dix-huit centres pouvant accueillir au total 2 085 jeunes, répartis sur quinze régions du territoire métropolitain.

Dans le cadre du contexte budgétaire qui s’impose à l’ensemble de l’administration et de ses établissements publics, l’EPIDE, comme les autres opérateurs, est amené à réfléchir à la rationalisation de son dispositif.

Depuis l’adoption du contrat d’objectifs et de moyens, le 2 février 2009, le budget de l’EPIDE – hors recettes non budgétaires de l’établissement – était plafonné à 85 millions d’euros par an jusqu’en 2011. Mais la participation de la mission « Travail et emploi », qui était originellement fixée à 50 millions d’euros par an, a été revue à la baisse, dans le cadre de l’effort général de réduction des dépenses publiques, par le gouvernement de M. Fillon, en janvier 2010. Pour 2014, j’ai pu maintenir le niveau de participation du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à 45 millions d’euros, pour un budget global de 75,7 millions d’euros, 22,155 millions d’euros provenant du ministère de la ville.

L’établissement est, de fait, entré dans une dynamique visant à mettre son format en adéquation avec ses moyens. En 2012, l’EPIDE a entrepris une restructuration qui a conduit à la fermeture de trois centres et à l’ouverture d’un nouveau centre à Lyon-Meyzieu.

Pour 2014, le budget prévoit une économie de 8 % sur le fonctionnement, qui conduit encore à repenser ce dernier. Il s’agit aujourd’hui de penser et de conduire un projet de refondation de l’EPIDE qui, d’une part, vise à instaurer davantage de solidité financière et de pérennité – cela pourra impliquer des regroupements de centres –, et, d’autre part, intègre une réflexion sur l’évolution du projet pédagogique.

C’est dans ce cadre que le directeur général de l’EPIDE a proposé différents schémas impliquant des fermetures de centres. Nombre de parlementaires m’ont écrit à ce sujet, mais, je tiens à le souligner, ces schémas ne sont, à ce stade, que des pistes de travail.

En effet, la réflexion sur l’évolution de l’EPIDE sera entreprise dans le cadre d’une conduite du changement qui associera tous les acteurs concernés : les personnels administratifs et pédagogiques, les élus des collectivités territoriales, les partenaires sur les territoires – opérateurs du service public de l’emploi, entreprises, etc. –, mais aussi les volontaires eux-mêmes.

La fermeture du centre de Montry, en Seine-et-Marne, a été envisagée au titre des pistes de travail parce que le site, propriété de l’EPIDE, possède un potentiel de valorisation élevé du fait de sa position géographique, malgré la faiblesse de l’entretien dont il a été l’objet. De surcroît, d’autres centres existent en région parisienne ou à proximité de celle-ci, et des travaux importants devraient être engagés pour la mise aux normes du site de Montry.

En tout état de cause, nous n’en sommes qu’au stade des pistes de travail, monsieur le sénateur, et je profite de cette occasion pour réaffirmer l’attachement du Gouvernement aux spécificités de l’EPIDE, notamment l’internat, parmi la palette des outils d’insertion mobilisables au bénéfice des jeunes les plus fragiles.

Quoi qu’il en soit, je ne manquerai pas de vous tenir personnellement informé des options qui seront retenues par le Gouvernement, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Je vous invite à venir visiter le centre de Montry, qui est proche de Paris. Mon problème de voix n’est pas contagieux !

M. Antoine Lefèvre. C’est le projet de loi de finances qui nous laisse sans voix !

dématérialisation des actes comptables pour les petites communes

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 842, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Antoine Lefèvre. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la dématérialisation des actes comptables pour les petites communes, en particulier sur son aspect financier.

En effet, l’article 8 de l’arrêté du 3 août 2011 impose au secteur public local la dématérialisation de l’intégralité des pièces et des actes comptables, pour lesquels était auparavant utilisé le support papier : c’est ce que l’on appelle le nouveau protocole d’échange standard version 2, le PESV2.

Or, cette nouvelle réglementation fait peser l’intégralité des charges sur l’ordonnateur des dépenses, spécifiquement des collectivités locales.

Ainsi, outre l’achat de ces nouveaux logiciels, les communes sont souvent dans l’obligation, compte tenu de la puissance de ceux-ci, d’acquérir de nouveaux serveurs informatiques.

La mise en place du PESV2 va donc avoir un impact financier important pour les plus petites d’entre elles, qui devront investir dans du matériel informatique performant, dans un scanner – une mauvaise saisie peut d’ailleurs bloquer le dossier –, et installer sur ce nouveau matériel les nouveaux logiciels financiers, notamment de gestion du personnel, dont le coût de maintenance annuel est plus élevé. Ces tâches imposeront un travail supplémentaire important aux secrétaires de mairie, qui devront être formés, d’où un coût à la charge de la commune. Enfin, l’accès au service, comme à la plateforme d’assistance, devra être possible du lundi au vendredi dans la journée.

Sur ce dernier point, monsieur le ministre, que se passera-t-il pour les communes assurant des permanences le samedi et en soirée ? Quid de l’accès à une plateforme d’assistance dans ces tranches horaires en cas de difficultés ? Quid des contacts avec la trésorerie s’il manque un bordereau, par exemple ?

Pour illustrer mon propos, j’indique que près de la moitié des 816 communes de mon département comptent moins de 250 habitants et que beaucoup tiennent leur permanence en toute fin de journée ou le samedi matin.

En outre, les pièces ainsi produites doivent, au même titre que les « documents papier », être conservées. Or l’archivage électronique sécurisé est encore à ce jour une source d’incertitudes pour les collectivités.

En effet, le stockage appelle un certain nombre de précautions, concernant la localisation du prestataire, les conditions de stockage, la protection des données, les délais de récupération, etc.

Les petites collectivités locales, qui ne disposent pas des moyens d’expertise nécessaires pour analyser les multiples solutions disponibles sur le marché, se trouvent désarmées et à la merci du service marchand.

Une telle perspective induit beaucoup de questions, de dépenses à venir, de dysfonctionnements à anticiper, sans qu’un accompagnement financier susceptible de compenser toutes ces charges nouvelles soit prévu. Ainsi, monsieur le ministre, nous avons calculé que les communes en seront « de leur poche » d’environ 3 000 euros. C’est une somme qui peut être absorbée par les communes importantes, mais, pour les plus petites, la dépense devient insupportable !

J’ajoute, monsieur le ministre, que les services de certaines sous-préfectures ne suivent pas le mouvement, et il n’est pas sûr qu’elles arrivent à effectuer correctement les contrôles. Les baisses d’effectifs y sont aussi sans doute pour quelque chose…

Enfin, monsieur le ministre, ces dépenses que les communes vont devoir assumer permettront aux services de trésorerie de faire de sensibles économies, aux frais donc de celles-ci ! On aurait pu espérer, pour le moins, que la dépense soit partagée, voire – pourquoi pas ? – compensée !

La circulaire de M. Valls en date du 9 octobre dernier, donc toute fraîche, adressée à l’ensemble des ministres précise que, « à compter du 1er janvier 2015, toute charge financière liée à l’impact d’une loi ou d’une réglementation nouvelle devra être compensée par une simplification ou un allègement d’un montant équivalent » ; c’est la règle dite du « un pour un » en matière de normes applicables aux collectivités locales. Son application ferait bien l’affaire de nos petites communes concernant le présent dossier !

Dans le contexte de la mise en œuvre des rythmes scolaires, extrêmement coûteuse pour les budgets communaux, et de la baisse des dotations aux communes, dont le projet de loi de finances maintenant soumis au Parlement contient la sinistre confirmation, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir faire un point sur l’évolution de ce dossier, et de nous préciser quelles mesures vous pourriez proposer pour alléger la facture des communes !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, retenu au Luxembourg par un conseil Ecofin. J’aurais aimé qu’il puisse vous répondre en personne, mais je puis néanmoins vous apporter quelques éléments.

Je connais bien la situation des départements comptant de nombreuses petites communes de moins de 250 habitants, la Côte-d’Or étant dans ce cas.

Vous conviendrez que l’amélioration de la qualité comptable et l’enrichissement des échanges de données entre les collectivités locales et leur comptable public constituent une attente forte exprimée par les ordonnateurs locaux.

C’est justement pour répondre à cette attente que l’article 8 de l’arrêté du 3 août 2011 prévoit, d’ici au 1er janvier 2015, la généralisation à l’ensemble des ordonnateurs du protocole d’échange standard version 2, ou PESV2, en remplacement des protocoles historiques moins performants.

À cet égard, j’observe que la circulaire de M. Valls en date du 9 octobre, à laquelle vous avez fait référence, ne peut s’appliquer que pour l’avenir, et ne peut valoir rétroactivement pour cet arrêté du 3 août 2011 pris par le ministre des finances de l’époque.

Ni la généralisation du protocole ni le calendrier de cette dernière n’ont été décidés de façon unilatérale par l’État : l’arrêté prévoyant la généralisation du protocole a été pris en concertation avec les associations nationales représentatives des élus locaux, dans le cadre de la structure nationale partenariale.

Le protocole d’échanges permet aux ordonnateurs de transmettre à leur comptable dans des conditions de plus grandes sécurité et fiabilité les informations qui leur incombent réglementairement. Je souligne par ailleurs que ce protocole peut servir de support à la dématérialisation des échanges des pièces comptables et justificatives produites par les ordonnateurs, mais qu’il ne crée pas d’obligation de mise en œuvre de la dématérialisation.

Pour les collectivités locales, le nouveau protocole constitue certes une dépense, qui peut être lourde pour les petites communes, mais également un moyen de moderniser la gestion publique locale et d’améliorer la performance des acteurs de l’ensemble de la chaîne budgétaire et comptable. En effet, la mise en œuvre de la dématérialisation ne nécessite pas d’investissements très importants, du fait du faible nombre de pièces à transmettre ; c’est particulièrement vrai pour les collectivités de taille modeste, vous en conviendrez avec moi. En outre, le retour sur investissement est relativement rapide, puisque les coûts de fonctionnement des transmissions dématérialisées sont largement plus faibles que ceux des transmissions traditionnelles.

Enfin, les services de la Direction générale des finances publiques, qui sont déjà en contact permanent avec les associations nationales représentatives des élus locaux, apporteront aux ordonnateurs tous les conseils et les aides nécessaires à la mise en œuvre du protocole, dont la généralisation, je le rappelle, interviendra au 1er janvier 2015.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je veux bien convenir avec vous que la dématérialisation peut constituer une avancée, notamment pour les ordonnateurs, mais je n’en regrette pas moins que son coût soit à la charge exclusive des collectivités, qui subissent déjà une baisse sans précédent de leurs dotations. Un effort aurait pu être fait ; je déplore que la circulaire du 9 octobre 2014 n’ait pas d’effet rétroactif, car cela aurait permis d’améliorer les choses.