Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud'hommes
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi prévoyant la désignation des conseillers prud’hommes en fonction de l’audience des organisations syndicales de salariés définie au 5° de l’article L. 2121-1 du code du travail et de celle des organisations professionnelles d’employeurs définie au 6° de l’article L. 2151-1 du même code. Ces dispositions déterminent, dans le respect de l’indépendance, de l’impartialité et du caractère paritaire de la juridiction :

1° Le mode de désignation des conseillers prud’hommes ;

2° Les modalités de répartition des sièges par organisation dans les sections, collèges et conseils ;

3° Les conditions des candidatures et leurs modalités de recueil et de contrôle ;

4° Les modalités d’établissement de la liste de candidats ;

5° La procédure de nomination des conseillers prud’hommes ;

6° Les modalités de remplacement en cas de vacance ;

7° La durée du mandat des conseillers prud’hommes ;

8° Le régime des autorisations d’absence des salariés pour leur formation à l’exercice de la fonction prud’homale ;

9° Le cas échéant, les adaptations nécessaires en matière de définition des collèges et sections.

Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant sa publication.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.

M. Jean Desessard. Je remercie M. le ministre d’avoir détaillé l’ensemble des frais entraînés par une élection prud’homale, mais, comme je le disais, les coûts s’évaluent aussi en fonction de leur intérêt pour la société, y compris de leur intérêt économique. Si vous importez 60 milliards d’euros de pétrole, cet argent part directement dans un autre pays et vient accroître le déficit de notre pays ; si, pour la même somme, nous produisons nous-mêmes de l’énergie, c’est l’ensemble de la vie économique en France qui en profite.

La question est donc de savoir s’il y a, ou non, déperdition de ces millions dépensés. Pour ma part, je réponds non parce qu’ils créent de l’activité économique dans le pays et, par là même, des revenus.

On ne peut donc pas avoir une vision aussi négative des coûts occasionnés par une élection. On pourrait même dire qu’ils sont vertueux par rapport à d’autres dépenses que l’on encourage. Je pense, par exemple, à la distribution de tracts pour Intermarché, Auchan et autres grandes surfaces qui déversent dans nos boîtes aux lettres des tonnes de papier. Là, c’est un pur gaspillage, car ces documents ne servent vraiment à rien ! On peut considérer que l’argent dépensé pour la démocratie sociale est tout de même plus noble, outre le fait qu’il présente un intérêt économique.

Mais, monsieur le ministre, vous m’avez véritablement soufflé lorsque quand vous avez dit qu’il n’était pas grave que le chômeur ne vote pas, qu’il voterait plus tard ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

D’abord, c’est une manière de dire que vous allez résorber le chômage et qu’il n’y aura bientôt plus de chômeurs. Mais cela fait déjà un moment que vous nous le dites ! De la même façon, M. Sapin nous dira : « Pourquoi s’occuper de la précarité puisqu’il n’y en aura bientôt plus ? » Bien sûr, quand tout ira mieux, il n’y aura plus à se demander quoi faire pour les précaires ! Le problème, c’est que notre société est, pour longtemps, une société frappée par le chômage et la précarité. Dès lors, si vous n’apportez pas des réponses maintenant pour les chômeurs et les précaires, si vous attendez que tout aille bien, cela signifie que nos citoyens vont aller moins bien !

En d’autres termes, votre vision manifeste un manque de réalisme sur ce qu’est la société d’aujourd’hui.

Vous nous expliquez – c’est vraiment extraordinaire ! – que les chômeurs voteraient forcément plus tard. Voulez-vous dire que, en tant que chômeurs, il ne faut pas qu’ils votent, qu’ils ne doivent pas exprimer qu’un syndicat les défend mieux en tant que chômeurs ? Voulez-vous dire qu’ils doivent attendre d’avoir un boulot pour voter, car, en tant que chômeurs, leurs voix ne nous intéressent pas ?

« Vous n’êtes pas content parce que vous êtes chômeur ? Ce n’est pas grave, vous voterez quand vous serez contents ! » Voilà exactement ce que vous dites !

« Vous ne votez pas parce que vous êtes précaire. Votre vie est difficile, mais ce n’est pas grave : vous voterez quand vous ne serez plus en situation de précarité, quand votre vie sera meilleure. »

Or le vote d’un chômeur ou d’un précaire n’est pas forcément le même que celui d’un cadre ou d’un ouvrier qui a un travail.

Faut-il donc considérer que la démocratie sociale concerne les salariés, mais pas ceux qui n’ont plus de travail ni ceux qui se trouvent en situation de précarité. Je trouve votre réponse vraiment formidable !

Mme Annie David. Formidable, dans le mauvais sens !

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mon collègue de Paris considère que la suppression d’une élection est un progrès démocratique. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Pourquoi ne le faites-vous pas pour toutes les élections politiques ?

M. Jean-Pierre Caffet. Ce ne sont pas des élections politiques ! Lisez le rapport !

M. Jean Desessard. Comment peut-on considérer que la suppression d’une élection est un progrès démocratique ?

Faisons le parallèle entre élections européennes et élection présidentielle. Lors des élections européennes, la formation à laquelle j’appartiens – je ne parle pas des autres – réalise un score de 16 % et, deux ans plus tard, lors de l’élection présidentielle, elle atteint un modeste 1,7 %. On voit bien qu’il existe des différences de faveur suivant l’élection et suivant le message que veulent délivrer les électeurs. Cela tient aussi, bien sûr, à notre propre message électoral et à nos propositions, mais on ne peut pas faire l’impasse sur la réponse qu’apportent les électeurs à tel ou tel moment.

Cela signifie que, au travers des différentes élections, selon leur nature – régionales, cantonales, européennes –, les électeurs ne disent pas la même chose. Or il en va de même dans l’exercice de la démocratie sociale : on peut très bien avoir envie de soutenir tel syndicat au niveau local et vouloir au niveau national une représentation plus « idéologique », si je puis dire, plus représentative de la défense des droits des salariés.

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur l’économie sociale et solidaire.

M. François Rebsamen, ministre. Si !

M. Jean Desessard. Vous avez précisé qu’il y aurait une représentation pour les employeurs, sans préciser ce que serait la représentation du secteur de l’économie solidaire, secteur important pour nous puisqu’il s’inscrit dans une approche plus sociale, plus environnementale et dans une forme d’économie que nous défendons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sur cet article 1er, qui prévoit dans son premier alinéa la désignation en fonction de l’audience des organisations syndicales, je voudrais relancer M. le ministre quant à l’audience qui serait prise en considération pour cette désignation. J’avais évoqué ce point dans mon intervention, mais, sauf erreur de ma part, je ne pense pas avoir reçu de réponse.

S’agit-il vraiment de l’audience mesurée au niveau national ou pourra-t-on aller vers un système de mesure plus fin de chaque circonscription prud’homale afin de prendre en compte de la meilleure façon possible les implantations syndicales et patronales dans les territoires ? Comme vous le savez, on note de grandes disparités des forces en présence selon les territoires. Une telle mesure est certainement plus compliquée à réaliser, mais sûrement plus respectueuse des engagements que l’on peut trouver sur les différents territoires. De manière générale, cela permettrait de mieux prendre en compte la réalité locale.

Lors de votre audition, vous aviez évoqué, monsieur le ministre, une concertation à venir sur ce point. Quels éléments pouvez-vous nous livrer aujourd'hui à ce sujet ?

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Jean Desessard. J’ai déjà commencé la défense de mon amendement, madame la présidente.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est ce qu’il nous avait semblé !

M. Jean Desessard. Je reviendrai cependant sur l’idée défendue par mon collègue de Paris, représentant du groupe socialiste, qui disait que, puisqu’il s’agissait de l’élection d’un juge, les gens ne voyaient pas de différence entre les centrales syndicales et que, en conséquence, ce n’était plus la peine de procéder à une élection.

Mes chers amis, si la légitimité d’une élection tient à la différence que les électeurs sont susceptibles de faire entre les uns et les autres, supprimons aussi les élections politiques ! Car, dans de nombreux endroits, les citoyens ne savent plus faire la différence entre la droite et la gauche. Et beaucoup de citoyens se posent la question : « À quoi “ils” servent, “là-bas” ? », et particulièrement lorsqu’il est question de notre assemblée…

Vous ne vous êtes pas demandé – en tout cas, pas devant nous – si l’on allait faire suivre la démarche de suppression de cette élection par d’autres suppressions d’élections. Car, finalement, certains se demandent aussi à quoi on sert !

Mme Nicole Bricq. Nous aussi, nous nous demandons à quoi vous servez !

M. Jean Desessard. Ne faut-il pas aller au bout de la logique ? En écoutant mon propos, vous allez dire qu’il est un peu stupide. Car la question qui se pose n’est pas celle de la suppression, mais celle de la réorientation. Comment faire pour que notre assemblée soit respectée ? Comment faire pour redonner du pouvoir au politique ? Et comment faire pour avoir, dans l’opinion, une image réellement différenciée des différentes réponses politiques ?

La question qui se pose au niveau syndical se pose de la même façon au niveau politique. Donc, si elle justifie la suppression de ces élections, restons prudents, car c’est aller au-devant de bien des dangers. Il ne suffira pas de dire qu’il faut lutter contre la droite extrême : il faudra se poser la question de la perception qu’a la population de la représentation nationale, tout comme vous avez posé le problème de la différenciation entre les propositions syndicales faites à l’occasion des élections prud’homales.

L’élection prud’homale est une élection nationale qui permet de mesurer la représentativité par rapport à des réponses différentes. Il en va de même au niveau politique. Alors, faites très attention aux arguments que vous employez pour justifier la suppression des élections prud’homales !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. J’irai dans le même sens que mon collègue Desessard. Effectivement, on nous présente là un projet de loi extrêmement dangereux pour la démocratie sociale, prenant comme point d’appui le faible taux de participation. Cela a été dit et redit, mais je pense qu’il faut le répéter puisque, visiblement, les arguments ne sont pas entendus : est-ce réellement un argument audible que celui qui consiste, devant la faiblesse de la participation, à supprimer l’élection et à procéder par désignation ?

On note aujourd’hui, en France, un déficit de participation à tous les types d’élections. La proposition qui nous est faite consiste à dire qu’il ne faut pas nous inquiéter, qu’on va améliorer les choses. On se demande, monsieur le ministre, pourquoi vous faites une telle proposition sans avoir anticipé et sans nous proposer de mesures alternatives.

Nous avons rencontré un certain nombre de syndicats, et encore ce matin, lors d’une conférence de presse. Comme l’a dit mon collègue Dominique Watrin, tous avaient des propositions alternatives intéressantes dont il aurait été utile de débattre dans l’hémicycle. Mais, en l’occurrence, vous nous demandez de vous accorder notre confiance sur une réforme qui va certainement voir le jour pour améliorer la situation.

Sachez que ce n’est pas ainsi que l’on procède quand on veut sérieusement s’attaquer à un problème, car il s’agit en effet de réformer un système qui présente effectivement des défauts. En tout cas, cela ne peut pas se faire en supprimant les élections !

Que dire, par exemple, du taux de participation de 20 % aux élections des chambres de commerce ? C’est aussi un taux extrêmement faible. J’espère que vous n’allez pas non plus envisager de supprimer ces élections ! Ou alors, dites-nous franchement quelles autres élections, y compris politiques, vous envisagez de supprimer !

En fait, vous nous proposez tout simplement de casser le thermomètre. Or, vous le savez bien, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on guérit le mal. Ces arguments ne tiennent vraiment pas la route et sont dangereux en termes de démocratie sociale.

Je tiens à le redire ici, les élections prud’homales sont le résultat d’une bataille, de luttes sociales ; elles ont été obtenues pour donner aux salariés des droits supplémentaires au sein des entreprises.

Et voilà que ces élections, on nous propose de les supprimer d’un simple trait de plume, de surcroît par ordonnance !

Nous n’acceptons pas ce retour en arrière et, puisque nous n’avons pas la possibilité de réécrire totalement le dispositif par voie d’amendement, nous proposons la suppression de l’article 1er.

Comme mon camarade Desessard (Sourires.), j’ai été très frappée par les arguments que M. le ministre a avancés. En somme, il nous a dit : ne vous inquiétez pas, ce sera beaucoup plus démocratique après qu’on aura supprimé les élections ! De même, monsieur le ministre, vous nous avez assurés que ce n’était pas une affaire d’argent, mais vous avez expliqué, chiffres à l’appui, que ces élections coûtaient trop cher : au groupe communiste, républicain et citoyen, nous avons une autre conception de la démocratie !

À nos yeux, l’article 1er du projet de loi est un énorme pavé lancé dans l’édifice de la démocratie sociale. Nous ne pouvons pas l’accepter ! (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Ces deux amendements visant à supprimer l’article 1er du projet de loi, présentés l’un par le groupe écologiste, l’autre par le groupe CRC, sont inspirés par des motivations similaires.

La commission des affaires sociales, le 23 juillet dernier, pour les raisons qui ont déjà été largement exposées dans la discussion générale, a adopté conforme le présent projet de loi, dont l’article 1er constitue la colonne vertébrale. En son nom, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.

Permettez-moi, madame la présidente, de continuer quelques instants, par pur plaisir, mon débat avec M. Desessard.

Mme Laurence Cohen. On peut sortir, si vous voulez !

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, je dois dire que je suis parfois surpris par certains de vos arguments. Ainsi, j’avais cru comprendre que, dans certaines formations politiques, on voulait la suppression de l’élection présidentielle, voyant dans cette suppression une grande avancée démocratique. Ce rappel mérite réflexion. Qu’en pensez-vous, monsieur Desessard ? (Sourires.)

En ce qui concerne la communication, il est évident qu’on a fait aussi bien que possible lors de la dernière élection.

Et puis, le fait est que ces élections ne sont pas faciles à organiser pour les communes ; ceux d’entre vous qui sont maires savent bien qu’elles entraînent beaucoup de travail. (Mme Françoise Cartron et M. Claude Bérit-Débat acquiescent.) D’ailleurs, on a eu raison de rappeler tout à l’heure que l’Association des maires de France avait pris position contre le maintien de leur organisation actuelle.

Monsieur Desessard, on peut parler, comme vous, avec fougue, peut-être même avec un peu de vigueur. Reste que, malgré tous les efforts de communication qui ont été réalisés, il n’y avait que 5 % de demandeurs d’emploi inscrits sur les listes. Bien entendu, sur ces 5 % d’inscrits, certains se sont sans doute abstenus. Autant dire que la proportion de demandeurs d’emploi ayant effectivement voté a été très faible, vous en conviendrez que, au bout du compte, cela ne fait pas beaucoup de votants en chiffres absolus. Même si l’on peut considérer que cela ne justifie rien, il me paraît utile de rappeler cette réalité.

Notre proposition de réforme n’est pas fondée sur la suppression des principes démocratiques, comme certains l’ont prétendu. En effet, des mesures d’audience ont été légitimées par trois lois : celles de 2008 et de 2010 pour les salariés, celle de 2014 pour les patrons. Ces deux mesures d’audience nous permettront, en 2017, d’assurer la représentation la meilleure possible.

Cette réforme a pour but de renforcer la légitimité de l’institution prud’homale. On ne peut pas dire, quand il y a 35 % de participation à une élection, que ce résultat signe la fin du système politique en vigueur et, quand il s’agit des élections prud’homales, se gargariser d’un taux de participation de 25 % !

Quant à l’impartialité et à l’indépendance de la justice prud’homale, je répète qu’elles sont garanties par le caractère paritaire de la juridiction, qui heureusement n’est plus attaqué, ainsi que par l’interdiction des mandats impératifs.

Enfin, tous les justiciables potentiels sont susceptibles de participer aux juridictions, y compris ceux qui, à un moment ou à un autre – que cela ne soit pas mal pris –, ont pu se trouver sans emploi, puisque l’audience doit être mesurée par périodes de quatre ans. L’ensemble des employeurs seront pris en compte, comme l’ensemble des salariés. Quant à l’audience de l’économie sociale et solidaire, elle sera bien mesurée dans le cadre de la représentativité patronale.

Le recours à une ordonnance est nécessaire pour organiser la concertation avec les partenaires sociaux. Madame Cohen, il est fort bon que vous les ayez rencontrés. Je les ai rencontrés moi aussi, et je les rencontrerai encore, puisque nous allons les consulter pendant tout le premier semestre de l’année 2015. Nous voulons avancer avec eux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Les auteurs de ces amendements font valoir que l’abstention ne justifiait pas la suppression. Eh bien, la suppression proposée justifiera notre abstention… Cet après-midi, en effet, nous serons un peu normands en nous abstenant sur ces deux amendements comme sur les suivants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le 16 janvier dernier, j’ai posé toute une série de questions à M. Sapin. Je suis obligé de constater qu’on ne m’a pas répondu.

Je n’ai pas obtenu de réponse sur le bien-fondé de la suppression des élections prud’homales ni de véritable réponse sur la représentation des chômeurs. Je n’ai pas non plus de certitudes en ce qui concerne l’économie sociale et solidaire.

S’agissant du coût et de la participation, je rappelle à nos collègues que, si l’on a compté 4,8 millions d’électeurs aux élections prud’homales de 2008, il y en a eu 5,4 millions lors des élections mesurant la représentativité, soit seulement 600 000 de plus. Or quel a été le coût comparé de ces deux élections ? On sait très bien que, pour la publicité qui a précédé l’élection de représentativité, on a mis en œuvre des moyens d’une tout autre ampleur que ceux qui avaient été mobilisés en vue des élections prud’homales.

Les réponses qui nous sont apportées ne me donnent pas satisfaction. Je le regrette, car je crois que la représentation au sein des conseils de prud’hommes est une question très importante.

En particulier, je ne suis pas convaincu qu’une représentation définie au niveau national apporte une bonne réponse pour les juridictions. En effet, la représentativité des différentes tendances dans un secteur géographique peut être très différente des moyennes nationales, de sorte qu’une organisation syndicale dont l’audience est très forte dans un ressort prud’homal pourrait ne pas y être représentée parce qu’elle a réalisé un score faible au niveau national. (M. Claude Dilain acquiesce.)

Pour ces raisons, monsieur le ministre, je voterai, avec regret, les amendements présentés par nos collègues écologistes et communistes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’ai été interpellé par M. le ministre au sujet de la VIe République. (M. Marc Daunis s’exclame.) J’avais cru comprendre que le parti socialiste, à une époque, n’était pas pour le régime présidentiel actuel… Visiblement, une évolution s’est produite. Décidément, il n’y a plus de tabous ! Nous verrons bien dans les prochains mois…

En tout cas, les écologistes considèrent que le régime présidentiel pose un véritable problème parce que le Parlement a trop peu de pouvoirs. Je le répéterai autant qu’on voudra !

M. Jean-Pierre Caffet. Merci, ça ira comme ça !

M. Jean Desessard. L’élection au suffrage universel direct favorise-t-elle la présidentialisation du système ? Probablement. C’est pourquoi nous nous interrogeons sur le meilleur mode d’élection possible pour respecter les pouvoirs du Parlement. Je suppose que nous discuterons de tout cela quand nous débattrons de la VIe République !

Je veux revenir quelques instants sur les chômeurs. On nous explique qu’ils sont seulement 5 % à être inscrits. Mais c’est bien là le problème ! Cela a été clairement dit par moi comme par mes camarades communistes ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UDI-UC.)

On a bien le droit d’avoir des camarades !

M. Éric Bocquet. C’est un joli mot, « camarade » !

M. Jean Desessard. Sur le plan financier, la question est entendue puisque M. le ministre lui-même a expliqué que la vraie raison n’était pas là. Nous allons donc vous croire, monsieur le ministre !

Quant à l’argument fondé sur l’abstention, je vous ai mis en garde : si l’on appliquait le même raisonnement dans le domaine politique, il n’y aurait plus d’élections que tous les cinq ans : la présidentielle et les législatives.

Reste la question des modalités des élections prud’homales. Nous aurions aimé en débattre, mais, malheureusement, le Gouvernement a préféré recourir à une ordonnance.

M. Jean Desessard. Pourquoi n’y a-t-il que 5 % d’inscrits ?

Mme Laurence Cohen. C’est la question que j’ai posée !

M. Jean Desessard. On aurait pu citer la proportion de votants et conclure que les chômeurs ne se déplacent pas, mais, monsieur le ministre, vous avez bien distingué les deux chiffres. La question est donc : pourquoi les chômeurs ne sont-ils que 5 % à s’inscrire ?

On peut dire : sont-ils crétins, ces chômeurs ! Faut-il être bête pour ne pas s’inscrire ? C’est bien de leur faute s’ils ne votent pas ! (Murmure sur les travées du groupe socialiste.) Excusez-moi, mais c’est bien cela qui est dit : s’ils ne sont que 5 % d’inscrits, c’est de leur faute !

M. Jean Desessard. On peut aussi poser le problème autrement : comment aider des personnes en situation de détresse à participer à la démocratie sociale ? Voilà la vraie question ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

Poussons plus loin : il y a des disparités aussi aux élections politiques. Ainsi, aux élections européennes – je le dis quand bien même elles nous sont favorables –, les ouvriers et les chômeurs ne votent pas autant que les cadres. On ne supprime pas ces élections pour autant ! Le vrai défi est de conduire un plus grand nombre de citoyens à voter.

Comment des personnes qui ne sont pas dans la démocratie sociale, principalement les chômeurs, les précaires et les salariés des petites boîtes, peuvent-elles y être intégrées ? Telle est la véritable question dont le Parlement aurait dû débattre !

C’est ce que j’ai voulu signifier dans la discussion générale lorsque j’ai regretté qu’il manque un projet pour la mise en place d’une cogestion et d’une démocratie sociale réelle. Aujourd’hui, on nous dit : ce sera une fois tous les cinq ans, et tant pis pour les chômeurs. Et pour les précaires, M. le ministre ne l’a pas dit, mais c’est un peu pareil. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 3.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Je tiens à réaffirmer un certain nombre de nos convictions. Je veux le faire brièvement, mais avec une certaine solennité parce que la réforme qui se prépare me paraît très grave.

Je considère, avec mes collègues du groupe CRC, que les élections prud’homales sont en quelque sorte une « université des droits ». Dans ces conditions, nous sommes très inquiets que les conseillers prud’homaux puissent être non plus élus, mais désignés.

Monsieur le ministre, tandis que vous preniez plaisir à débattre avec M. Desessard, vous n’avez pas répondu à ma question : pourquoi ne pas avoir présenté au Sénat des propositions d’amélioration des élections prud’homales ? En nous promettant des propositions à venir, vous nous demandez de vous faire confiance a priori, alors que vous êtes en train de détricoter un élément important de la démocratie sociale.

Je crois extrêmement important d’aller au fond des problèmes, et notamment de se demander pourquoi les inscrits ne sont pas plus nombreux sur les listes électorales, en particulier parmi les plus fragiles. C’est là le nœud de la question ; faute de le défaire, les réformes aggraveront encore la situation et feront reculer la démocratie dans l’entreprise.

Telles sont les raisons pour lesquelles, notre amendement de suppression ayant été rejeté, nous voterons contre l’article 1er du projet de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud'hommes
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Non modifié)

I. – La date du prochain renouvellement général des conseils de prud’hommes est fixée par décret et, au plus tard, au 31 décembre 2017. Le mandat des conseillers prud’hommes est prorogé jusqu’à cette date.

II. – Dans les conditions fixées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1442-2 du code du travail, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes, sur leur demande et pour les besoins de leur formation, des autorisations d’absence :

1° Dans la limite de six jours par an au titre de la prolongation du mandat, prévue à l’article 7 de la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010, qu’ils exercent entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 ;

2° Dans la limite de six jours par an au titre de la prolongation du mandat qu’ils exercent entre le 1er janvier 2016 et la date fixée par le décret pris en application du I du présent article et au plus tard lors du prochain renouvellement général.

III. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1423-10 du code du travail, s’il n’est pas possible de pourvoir aux vacances dans les conditions fixées par l’article L. 1442-4 du code du travail, et jusqu’à la date du prochain renouvellement général, il peut être recouru aux affectations prévues en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d’une section, qui peuvent être renouvelées au-delà de deux fois, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article L. 1423-10.

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?