M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 823, adressée à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir rappelé notre longévité parlementaire. Sachez cependant que je vous dois le respect, car vous avez été élu plus souvent que je ne le fus, les électeurs, dans leur sagesse, m’ayant donné la possibilité de découvrir d’autres activités que la députation, par exemple en 1981… (Sourires.)

Monsieur le ministre, je me réjouis que vous soyez présent, non parce que la réponse de Mme Lebranchu m’aurait déçu – bien au contraire, c’est une femme compétente ! –, mais parce que c'est une première et que je souhaite saluer l’arrivée d’un nouveau ministre qui apporte au Gouvernement une tonalité différente. Cela pose d’ailleurs davantage de problèmes chez vous que chez nous, monsieur le ministre, mais c'est votre affaire et je suis persuadé que vous pouvez l’assumer !

Je m’en réjouis également parce que vous êtes en charge des professions réglementées et vous souhaitez faire évoluer celles-ci au bénéfice de la productivité française. Cela tombe bien, car le sujet que j’évoquerai aujourd'hui est lié à la fonction publique, laquelle est la première profession réglementée dans notre pays, et je pense ici tout particulièrement à la fonction publique d’État, ainsi que, accessoirement, à celle des collectivités territoriales, la fonction publique hospitalière n’étant pas concernée par la question que j’entends soulever.

Je note que le Gouvernement comprend un ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Cet ensemble est extrêmement cohérent : la décentralisation implique que l’État transfère, nolens volens, des responsabilités aux collectivités locales. Les collectivités locales sont alors obligées, M. le maire de Marseille le sait bien, d’assumer des activités que l’État ne peut ou ne veut plus assumer. Dans ce jeu de la décentralisation, se pose naturellement la question du statut des agents.

On ne peut pas reprocher à nos compatriotes qui sont fonctionnaires de réfléchir à la façon dont ils sont traités selon qu’ils relèvent de la fonction publique d’État ou de la fonction publique territoriale. Ils font en effet le même métier, même si les conditions d’emploi sont différentes.

Les attachés d’administration chargés de la conservation du patrimoine ou des bibliothèques territoriales, sur qui porte ma question, sont des fonctionnaires des collectivités locales. Ils souhaitent un alignement de leur statut sur celui des attachés d’administration généraux, qu’ils ressortissent à la fonction publique territoriale ou à celle de l’État.

Monsieur le ministre, votre collègue Mme Lebranchu – mais, en vertu de l’unité gouvernementale, vous représentez ici l’ensemble du Gouvernement – avait retenu le principe selon lequel une large réflexion en vue de rapprocher les deux statuts serait menée en 2014. L’année touche à sa fin. Aussi ma question sera-t-elle d’une grande simplicité : où en est cet effort de rapprochement des deux statuts ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, Mme Lebranchu vous prie de bien vouloir l’excuser, car elle est ce matin en déplacement dans le Loir-et-Cher.

M. le président. Avec Mme Gourault !

M. Gérard Longuet. C'est une raison suffisante !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais donc vous apporter la réponse qu’elle m’a chargé de vous transmettre. C’est dire que ma science en la matière est toute récente ! (Sourires.)

J’aborderai d’abord le point particulier que vous avez soulevé, avant d’élargir le débat.

Vous évoquez la situation des agents des cadres d’emplois de catégorie A de la filière culturelle de la fonction publique territoriale, en l’occurrence les attachés de conservation et des bibliothèques, qui souhaitent un alignement de leur carrière sur celle des attachés de la filière administrative. Je rejoins votre préoccupation en la matière. Il est vrai que, pour nos concitoyens, en particulier les fonctionnaires, la complexité de l’articulation entre les différents grades et avancements des fonctions publiques devient de plus en plus insoutenable et difficile à expliquer.

À l’occasion de la dernière modification du statut des bibliothécaires territoriaux et des attachés territoriaux de conservation du patrimoine, opérée par deux décrets du 17 décembre 2009, pris à la suite du rapport sur la filière culturelle présenté au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, l’indice brut terminal de leur grade unique a été aligné sur celui du premier grade du cadre d’emplois des attachés, soit 801, contre 780 auparavant.

En revanche, l’instauration d’un grade d’avancement n’a pas été retenue. Il convient de noter que l’un des corps homologue de la fonction publique de l’État, celui des bibliothécaires, ne comprend également qu’un seul grade. À cet égard, un rapport de l’inspection générale des bibliothèques de 2009, consacré à l’évolution de ce corps, ne préconisait pas la création d’un grade d’avancement. Une telle évolution n’a donc pas été envisagée dans la fonction publique territoriale de peur de susciter un « appel d’air », si j’ose dire, et de provoquer des demandes reconventionnelles dans les autres filières non alignées sur les attachés territoriaux.

La réponse qui m’a été fournie ne concerne que les bibliothécaires. Je ne sais ce qu’il en est pour les attachés de conservation. Mais cet exemple illustre en tout cas qu’il devait exister de bonnes justifications pour ne pas créer un grade supplémentaire.

J’ai bien conscience que la démonstration que je suis en train de vous faire montre la complexité de la situation et les effets de bords symétriques entre fonctions publiques.

C’est consciente de cette complexité et de cette harmonisation nécessaire que Mme Lebranchu avait annoncé l’ouverture de discussions sur l’avenir de la fonction publique. Elle entend faire en sorte que cette réflexion soit menée ; elle portera notamment sur l’harmonisation des carrières et des grilles entre versants de la fonction publique et à l’intérieur de chaque versant. La problématique que vous avez soulevée pourrait être étudiée dans ce cadre.

Le dialogue qui a été entamé par Marylise Lebranchu sera poursuivi dans les mois à venir et a vocation à aboutir en 2015.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je ne vous répondrai pas sur le fond du sujet, car il est d’une grande technicité. Mais revenons-en aux principes.

J’étais rapporteur du budget de la fonction publique en 1978 : cela m’avait valu quelques difficultés avec les organisations syndicales, car j’avais préconisé une fonction publique reposant sur des opérateurs et des agences ; j’avais un peu d’avance, car c'est aujourd’hui de plus en plus souvent le cas !

Monsieur le ministre, il faut rechercher le dialogue, bien sûr, mais il faut aussi accepter la souplesse. Mme Lebranchu étant en charge de la décentralisation, elle conviendra sûrement qu’il est normal que les collectivités locales aient des visions différentes en matière de culture. Certaines, pour des raisons historiques, en raison de la présence d’une métropole ou à cause de leur vocation touristique, font un effort culturel important, qui les conduit à privilégier des carrières culturelles et à s’efforcer de recruter les meilleurs, donc d’être attractives.

Les collectivités locales ont une marge de manœuvre, qui pousse naturellement les salariés de la fonction publique à rechercher un alignement vers le haut. Est-ce compatible avec l’état général des finances des collectivités locales ou de l’État ? Sans doute pas !

Je souhaite profondément que Mme Lebranchu tienne son engagement de dialogue, mais j’accepterais que, dans une politique de décentralisation, on laisse une certaine liberté aux collectivités locales. J’ai en tête l’exemple du Centre Pompidou de Metz, en Lorraine, qui est une véritable réussite. Il se trouve que les collectivités locales participent à son fonctionnement ; c’est leur libre choix, car elles n’avaient aucune obligation de le faire. Elles peuvent participer soit en subventionnant des personnels, soit en en embauchant. Il faut leur laisser une certaine liberté.

J’espère que la sincérité du dialogue permettra à chacun d’accepter le libre choix des collectivités locales, sans dévaloriser la fonction publique territoriale par rapport à la fonction publique d’État.

complexité des normes administratives

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 861, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, c’est la première séance que vous présidez depuis le début de cette nouvelle mandature. Pour ma part, c’est la dernière fois que je suis présent dans cet hémicycle.

L’homme ne choisit ni le berceau de sa naissance ni le lit de sa mort, mais il peut choisir la façon de vivre sa vie. Voilà trois ans, je m’étais engagé à passer le relais à mon suppléant : je m’apprête donc simplement à tenir parole.

Cher Jean-Claude Gaudin, je le dis en toute sincérité, je vous porte une très grande considération. Pendant trente-sept ans, vous avez surmonté les obstacles grâce à vos qualités humaines : votre compétence, votre sérieux, votre chaleur inspirent en effet la confiance. C’est aussi grâce à elles que règne entre nous un profond esprit de tolérance.

Je tenais à formuler ces quelques remarques avant d’en venir à ma question.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons conscience que la situation est difficile, que l’activité économique obéit à une sorte de « loi de la jungle ». Dans la compétitivité, le prix des produits est un facteur déterminant. Or il est très largement lié au coût de la main-d’œuvre, ainsi, bien sûr, qu’à celui des biens utilisés dans le processus de production, dont certains arrivent parfois de fort loin. Certes, la qualité des produits entre aussi en ligne de compte, mais elle est plus difficile à évaluer.

Face à cela, nous, Français, sommes souvent désarmés. L’Europe et la France ne sont-elles pas un peu victimes de la conception selon laquelle, en voulant « laver plus blanc que blanc », en voulant être trop transparent, on fragilise le développement économique et l’envie d’entreprendre, on suscite le découragement ?

On le sait, nous ne devons pas faire n’importe quoi, mais les normes devraient être sécurisantes sans être dissuasives.

Ne voulant pas abuser de votre temps, monsieur le secrétaire d’État, ni de mon temps de parole, je ne multiplierai pas les exemples qui montrent que l’excès de normes, dont certaines sont totalement inutiles, heurte le bon sens, jusqu’à frôler le ridicule, mais surtout mine les initiatives, décourage les porteurs de projet. J’évoquerai seulement le fait – et c’est un ancien agriculteur qui vous parle – que l’utilisation d’un escabeau de plus de trois marches par un apprenti nécessite pratiquement un agrément ! N’y a-t-il pas, dans les cas de ce genre, des améliorations à apporter ? Je connais les difficultés de la France, celles d’hier et d’aujourd’hui. Je sais aussi qu’on ne peut pas faire ce que l’on veut. Mais là, on peut !

Une journée n’a que vingt-quatre heures, mais un délai d’instruction se compte souvent en jours, en semaines, voire en mois. C’est inadmissible ! La superposition des normes nationales et européennes, quand il n’y a pas surenchère entre les unes et les autres, est telle que celui qui s’attache à les respecter doit se livrer à un véritable parcours du combattant, quand bien même nous sommes en paix ! Il faut établir des rapports en concertation avec toutes les parties prenantes, puis établir la synthèse de ces rapports, avant de faire le rapport de la synthèse !

Croyez-le bien, ce message, je l’ai adressé au gouvernement de la majorité précédente avec la même détermination qu’aujourd'hui.

Et toutes ces normes, toutes ces prescriptions, nous donnent-elles le pouvoir de supprimer les accidents de la vie ? Peut-on rendre la mobilité à des centenaires ou à des personnes handicapées ? Peut-on remédier à toutes les imprévisions techniques dans les bâtiments ?

Aujourd’hui, des personnes âgées utilisent les services publics, mais beaucoup vivent chez elles, dans des conditions difficiles. Améliorer concrètement leurs conditions de vie serait plus positif que de superposer les normes.

De surcroît, les normes ne sont souvent pas adaptées. Dans un bâtiment public parisien, un escalier est fréquenté par des milliers d’usagers, dont certains s’agrippent à la rampe, mais, dans une commune de 120 habitants, une commune de la « France d’en bas », un escalier n’est emprunté que de temps en temps. Pourtant, dans l’un et l’autre cas, les mêmes normes s’appliquent !

Les gouvernements d’hier, comme celui d’aujourd’hui, ont proclamé le slogan : « Simplifions ! ». Mais nous ne voyons rien arriver. L’Europe, dont nous sommes solidaires, met-elle des freins qu’il faudra avoir le courage de dénoncer ?

Qu’en pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Si j’ai bien compris, monsieur le sénateur, cette question orale est la dernière que vous adressez au Gouvernement en tant que sénateur. Elle a donc une valeur symbolique : le législateur que vous avez été, participant activement au travail de cette assemblée, pose, lors d’une dernière intervention dans l’hémicycle, la question de la complexité liée à un flux législatif et normatif permanent. Cela doit nous amener à réfléchir sur la nécessité absolue d’une action vigoureuse, construite et de long terme en matière de simplification.

Comme vous, je crois qu’il faut à la fois éviter la surenchère normative, en réduisant le flux – c’est ainsi qu’on nomme l’ensemble des nouvelles règles s’ajoutant, par l’adoption de projets de loi, de propositions de loi ou de décrets, aux règles existantes, dont le nombre est déjà considérable –, et agir sur le stock, à savoir les règles existantes.

Depuis quelques mois, la simplification des normes est entrée dans une nouvelle phase. Un programme de simplification des normes pour les entreprises, comprenant plus de 124 mesures, a été adopté le 17 juillet dernier. Une cinquantaine de nouvelles propositions seront présentées le 30 octobre prochain. Cette démarche systématique sera complétée par deux dispositions nouvelles, qui permettront de mieux gérer les flux de règles législatives nouvelles.

Premièrement, à compter du 1er janvier 2015, toute nouvelle législation visant à créer des charges pour la vie économique fera l’objet d’une contre-expertise de son étude d’impact par un organisme indépendant comprenant un certain nombre d’entreprises, ce qui permettra de mieux mesurer les conséquences des textes nouveaux et, surtout, de compenser à due concurrence, par la suppression de charges existantes, les charges nouvellement créées.

Ce dispositif est inspiré de ce qui a été instauré au Royaume-Uni voilà quelques mois sous le nom de One-in, One-out. Il permettra des gains significatifs en matière de charges administratives liées aux règles nouvelles.

Deuxièmement, un moratoire sera proposé pour les normes concernant les collectivités territoriales. En effet, grâce à la CCEN, la Commission consultative d’évaluation des normes, toute charge nouvelle pesant sur les collectivités territoriales devra s’accompagner du retrait d’un montant de charges équivalent, afin de rester, là encore, à un niveau constant.

Au-delà de ces politiques de principe, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la question des normes concernant les handicapés. Mme la sénatrice Claire-Lise Campion travaille actuellement avec Mme Ségolène Neuville à un plan de simplification de certaines normes héritées du passé. Dans ce cadre, celles qui concernent l’urbanisme et les collectivités locales doivent être examinées attentivement et objectivement.

Par ailleurs, vous avez soulevé à juste titre la question de la transposition des directives européennes, et surtout leur surtransposition. En effet, nous introduisons des complexités supplémentaires lorsque nous transposons un certain nombre de directives européennes en droit français. C’est la raison pour laquelle, au mois de janvier ou février 2015, un certain nombre de dispositions nouvelles touchant à la fabrication de la loi seront proposées aux assemblées, afin d’éviter à l’avenir les surtranspositions.

Ce travail de simplification administrative est très long. Le Royaume-Uni l’a commencé voilà une dizaine d’années, l’Allemagne, voilà environ neuf ans, tout comme les Pays-Bas, le Danemark ou la Belgique. Tous ces pays parviennent à la conclusion suivant laquelle les résultats ne peuvent être perceptibles qu’au bout d’une quinzaine d’années. J’espère très sincèrement que les choses se mettront plus vite en place en France, dans la mesure où nous nous inspirons pour partie d’un certain nombre de dispositions couronnées de succès chez nos voisins.

Au demeurant, croyez à la détermination complète du Gouvernement de « passer la démultipliée » en matière de simplification.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. « Découvrons nos richesses » : tel est le slogan adopté par mon département. Ce matin, je vous découvre, monsieur le secrétaire d’État, et je m’aperçois que vous connaissez très bien ce dossier. Certes, il y a, je le sais, le vouloir et le pouvoir. Mais je perçois aussi dans vos propos une profonde détermination.

Dans notre société, qu’on soit ou non en période de sécheresse, chacun veut prendre son parapluie pour se couvrir. C’est ce qui nous freine, qu’il s’agisse des services de l’État ou, disons-le, des maires, qui redoutent de se retrouver dans une situation très délicate au cas où des normes n’auraient pas été appliquées. Pourtant, les hasards de la vie font que certains accidents se produisent même si les normes ont été respectées !

Monsieur le secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que, dans le cadre de la construction ou de la rénovation d’un bâtiment, des normes locales, et non pas nationales ou européennes, adaptées à la dimension de la commune, devraient pouvoir s’appliquer, après avoir été validées par le préfet et une commission ad hoc ?

Enfin, l’application des normes européennes ne devrait-elle pas être plus cohérente ? Je sais bien que c’est facile à dire ! Je me permets toutefois de rappeler que, dans certains pays – par égard pour eux, je n’en nommerai aucun –, il existe des dérogations ou des règles propres à accroître leur compétitivité, ce qui nous pénalise.

M. le président. Monsieur Boyer, vous avez décidé librement de quitter la Haute Assemblée. À mon tour de vous dire, au-delà de l’amitié, le respect et la reconnaissance que nous inspire ce que vous avez fait pour le département de la Haute-Loire et pour notre pays.

Vous incarnez, dans cette race des hommes et des femmes politiques, tant décriée aujourd'hui, l’exact opposé de ceux qui sont critiqués, souvent injustement d’ailleurs.

Comme le disait Étienne Borne, philosophe chrétien que vous connaissez bien, « la politique est partout, mais la politique n’est pas tout ». Vous avez creusé un sillon, mon cher collègue, dans Le Sillon de Marc Sangnier. Nous vous sommes très reconnaissants de tout ce que vous avez fait. (Applaudissements.)

publication des déclarations d'intérêts et d'activités des parlementaires

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 846, adressée à M. le Premier ministre.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite interroger le Gouvernement sur la publication des déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires.

La loi organique n° 2013-906 et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ont introduit l’obligation de publication des déclarations d’intérêts des parlementaires. Ces déclarations ont été rendues publiques le 24 juillet 2014 sur le site internet de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Comme bien d’autres, j’ai consulté en ligne, plus que celle des autres, ma propre déclaration, et ma question est double.

Tout d’abord, je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur l’adéquation du format de ces données avec les attentes du grand public, l’État s’étant fermement engagé dans un processus d’open data. Les déclarations en question sont en effet totalement inexploitables.

Je m’étonne que soient notamment publiés des formulaires manuscrits, simplement scannés, sans aucun traitement de mise en page. Le collectif Regards citoyens et Le Monde ont invité le public à « traduire » ces données et plus de 8 000 personnes se sont attelées à la tâche. Or c’est à l’État, compte tenu de ses engagements, et non pas aux citoyens, de réaliser ce travail.

Ensuite, je m’étonne que la signature des élus soit parfaitement visible sur le Web. J’ai assisté au débat ayant précédé l’adoption de la loi : si les déclarations d’activités ont été rendues obligatoires, il n’était pas dans l’esprit du texte de faire apparaître lisiblement les signatures. Je m’inquiète qu’une haute autorité de la République puisse ainsi favoriser l’usurpation d’identité, question qui a fait ici l’objet de nombreuses discussions. Puisque nous défendons l’identité des citoyens, pourquoi ne défendons-nous pas celle des parlementaires ? En effet, notre signature est désormais en ligne et il n’est pas difficile de trouver nos date et lieu de naissance.

Je tiens donc à marquer ma vive opposition à la divulgation de ces signatures, qu’il aurait été très simple de flouter. Un gamin de douze ans est capable de le faire !

Je vous demande par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer si vous comptez intervenir pour supprimer les signatures des parlementaires et les protéger ainsi de fraudes, en limitant le détournement de ce type de données personnelles.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question, qui comprend deux aspects.

S’agissant tout d’abord des signatures, rendues publiques dans le cadre de la déclaration, cette obligation résulte non pas des décisions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mais du décret du 23 décembre 2013. Vous connaissez les sanctions qu’entraînerait une déclaration mensongère. Il est donc essentiel que l’auteur s’identifie par sa signature : c’est la raison pour laquelle ces documents sont signés de manière manuscrite.

Par ailleurs, c’est la loi du 11 octobre 2013 qui détermine les éléments devant être rendus publics et ceux qui doivent rester confidentiels. Or la signature du déclarant ne fait pas partie des informations ne pouvant être publiées aux termes de la loi. Il n’existe donc actuellement aucun obstacle juridique à la mise en ligne des signatures.

Par ailleurs, je tiens à vous démontrer que la publication des déclarations d’intérêts des parlementaires n’augmente pas le risque d’usurpation d’identité ou d’usurpation de signature.

En effet, nombreux sont les documents comportant la signature de l’élu, qu’il s’agisse d’une lettre aux électeurs ou d’une profession de foi. Si une personne malveillante voulait usurper votre signature, madame la sénatrice, il n’aurait malheureusement que l’embarras du choix pour trouver un modèle !

Il n’empêche que nous pouvons étudier une éventuelle amélioration de la publication de ces documents. Compte tenu de la nature des informations et de l’usage qui peut en être fait, leur format – je pense au caractère manuscrit – gagnerait à être transformé, comme vous l’avez dit, en open data, ou données ouvertes.

Je me rapprocherai donc, dans quelques semaines, de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour étudier avec elle les premiers enseignements qu’elle tire de cette publication. S’il advient que nous pouvons renforcer la qualité d’usage de ces documents, la transparence de ces données, nous prendrons bien évidemment les dispositions qui conviennent.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. S’agissant de la question de l’open data, j’ai été choquée par les critiques dont un certain nombre d’élus ont fait l’objet au prétexte qu’ils auraient griffonné ou mal écrit. Je rappelle en effet qu’on nous a envoyé un document qui n’était pas destiné à être rempli en ligne, alors que c’est par exemple le cas pour la déclaration des revenus. Cela montre d’ailleurs que l’administration est capable de mettre en place ce type de formulaire, plus facilement exploitable.

Je reviens sur la question des signatures, dont plus de mille ont été jetées en pâture. Si quelqu’un veut usurper une identité – par exemple la mienne, même si je doute fort qu’on veuille l’usurper –, il lui faut chercher des informations. Dans le cas présent, il lui suffit d’ouvrir le panier et de choisir n’importe quelle signature !

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué un décret, mais les parlementaires sont exclus de la rédaction des textes réglementaires. Puisque vous êtes chargé de la réforme de l’État, j’ose espérer que vous regarderez de plus près ce problème posé par la publicité des signatures. Certes, la Haute autorité doit les vérifier et les valider, tout comme elle doit valider les déclarations d’intérêts ; toutefois, je considère qu’il n’est pas besoin de les reproduire in extenso.

Pour illustrer mon propos, je rappelle que, très récemment, la signature de votre collègue Najat Vallaud-Belkacem a été usurpée et que cela a servi à la publication d’une fausse lettre. Certes, un ministre étant amené à signer de nombreux documents, il est beaucoup plus facile d’usurper sa signature. Mais, dans une société comme la nôtre où tout est publié, on doit faire attention à protéger nos concitoyens. Les parlementaires sont aussi des citoyens qui ont besoin d’être protégés !

utilisation d'un système de lecture des plaques d'immatriculation

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la question n° 878, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, à la suite de mes collègues, je voudrais vous dire l’honneur qui est le mien de poser cette question ce matin sous votre présidence. C’est un vrai bonheur de vous retrouver à ce fauteuil, avec votre personnalité et votre savoir-faire.

Par cette question, je veux attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la problématique posée par le refus opposé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, à la ville de Gujan-Mestras d’utiliser le système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, le système LAPI, mis en place dans le cadre de l’installation de la vidéoprotection sur le territoire communal.

Je rappelle que c’est sur la base d’un diagnostic de sûreté, élaboré en étroite collaboration avec un spécialiste de la vidéoprotection missionné par la préfecture, que la ville de Gujan-Mestras a déterminé des sites et des moyens techniques adaptés à la mise en œuvre de la vidéoprotection sur son territoire.

Ce diagnostic a fait ressortir la pertinence du recours au système LAPI, souhaité et même plébiscité par l’ensemble des forces de l’ordre, tant la gendarmerie que la police nationale.

À ce jour, sept sites ont été équipés, comprenant vingt-six capteurs, dont sept disposent du système LAPI.

Il faut savoir que ce système n’est pas utilisé de manière spontanée, à savoir qu’aucun agent ne scrute vingt-quatre heures sur vingt-quatre les vidéos. Il n’est utilisé que sur réquisition de la gendarmerie ou de la police nationale, en présence d’un agent de police municipale dûment habilité par la préfecture. Seules les forces de l’ordre ont la possibilité d’exploiter ces données.

Le refus de la CNIL ne porte que sur le système LAPI ; il ne porte pas sur les autres caméras que nous avons installées. Or LAPI fonctionne strictement de la même manière : il n’a d’autre fonction que de permettre de zoomer sur les plaques d’immatriculation, dans le but de faciliter le travail des forces de l’ordre.

Aussi, je ne comprends pas le refus de la CNIL, dont les griefs sont très contestables.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’elle avance, les services de police municipale ne mettent pas en œuvre les dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules à des fins de recherche des auteurs d’infractions ; je le répète, ce n’est que sur réquisition des forces de l’ordre – gendarmerie ou police nationale – que s’opère le visionnage. Aucune surveillance n’est exercée en permanence.

Ensuite, concernant l’exigence de proportionnalité, la CNIL estime que ledit système contrevient à l’article 6–2 de la loi du 6 janvier 1978 dans la mesure où la finalité de l’enregistrement des données qu’il permet n’est ni déterminée, ni explicite, ni légitime. Tout cela n’a aucun sens !

En outre, la CNIL indique, de manière péremptoire, que ce dispositif permet d’identifier les occupants du véhicule. C’est faux ! Il ne le permet en aucun cas. Cet argument est erroné.

Enfin, la CNIL évoque la durée excessive de conservation des enregistrements par la ville. Cette durée est de vingt et un jours, et il en a toujours été ainsi, quel que soit le type de caméra utilisé.

En sensibilisant le ministre de l’intérieur sur ce sujet, je souhaite éviter que d’autres collectivités ne soient confrontées à la même situation. Tout cela a un coût. Pour les sept caméras du système LAPI, nous avons dépensé 80 000 euros et cette décision est donc extrêmement dommageable pour notre ville. Je souhaite que le Gouvernement prenne position sur cette question, qui mérite quelques éclaircissements. En tout état de cause, la ville de Gujan-Mestras demandera, bien sûr, au Conseil d’État d’annuler la décision de la CNIL.