M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet le droit d’option, dont nous avons beaucoup discuté au cours des deux derniers jours.

Sur nombre de travées a été exprimée la volonté de faciliter le choix d’un département de quitter sa région d’origine.

On nous a expliqué que la carte était la carte, qu’il était très difficile de la modifier et que le seul moyen d’avancer était de s’en tenir pratiquement à la position du Gouvernement. Or nous avons vu que des problèmes particuliers se posaient dans un certain nombre de régions, que des départements n’étaient manifestement plus du tout à leur place dans le cadre de la nouvelle région fusionnée et qu’il était donc indispensable de donner de la liberté aux départements en leur permettant d’aller vers une autre région. C’est même le corollaire du caractère quelque peu arbitraire du projet de loi.

Au mois de juillet dernier, en première lecture, le Sénat avait voté à une large majorité un de mes sous-amendements – exactement le même que celui que je propose aujourd’hui – tendant à permettre à un département et à une région, lorsqu’ils sont limitrophes, de demander par délibération concordante de leurs assemblées délibérantes une modification des limites régionales pour inclure le département dans le territoire de la région concernée, par une décision à la majorité simple du département concerné et de la région prête à l’accueillir.

Tout autre système, qu’on le veuille ou non, aboutit de fait à un veto. S’il faut une triple majorité, par exemple, une telle modification sera pratiquement impossible à réaliser. Telle est la réalité ! Si la Haute Assemblée souhaite véritablement donner ce droit d’option et permettre cette liberté, elle doit émettre le même vote qu’au mois de juillet dernier.

Il ne faut pas considérer que les élus départementaux et régionaux sont dénués de bon sens. Un département et sa région d’accueil votant de la même manière à la majorité simple, c’est en l’occurrence la bonne solution. Si l’on attend l’accord de la région d’origine, on peut attendre éternellement !

Ne nous cachons pas derrière d’autres éventualités. La seule possibilité de disposer d’un droit d’option, c’est l’accord passé entre le département qui veut partir et la région qui est prête à l’accueillir. (M. Éric Doligé opine.)

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 11

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L’article L. 4122-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4122-1-1. – I. – Un département et une région, lorsqu’ils sont limitrophes, peuvent demander, par délibérations concordantes à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région concernée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres.

« II. – Ce projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région dont le département demande à être détaché. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la notification des délibérations du conseil régional et du conseil départemental intéressés.

« III. – La modification des limites territoriales des régions concernées est décidée par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli qui tend à prévoir une majorité des trois cinquièmes, laquelle sera beaucoup plus difficile à obtenir que la majorité simple.

Je le répète, si l’on exige de réunir trois majorités – celle de la région d’origine, celle du département qui veut partir et celle de la région d’accueil –, le droit d’option sera strictement impossible à appliquer. Mieux vaut le dire clairement !

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par MM. Guillaume, Vandierendonck, Kaltenbach, Sueur, Delebarre et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit, outre la suppression de la consultation locale, que la demande de rattachement d’un département à une autre région limitrophe soit adoptée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des assemblées délibérantes du conseil départemental concerné, de la région d’accueil et de la région de départ.

La commission spéciale a adopté ces modalités, avec une variante : la région d’origine ne donnerait plus son accord pour le départ du département à la majorité des trois cinquièmes, mais pourrait refuser ce départ à la majorité qualifiée.

Avec l’instauration d’un droit de veto des trois cinquièmes, il revient à la région de départ, hostile au départ du département, de renverser la présomption. Le fait que la région de départ ait à se prononcer non plus positivement, mais négativement pour refuser au département de la quitter facilite ce départ, puisque celui-ci pourra partir si sa région d’origine ne réussit pas à obtenir 60 % de non. En effet, ne pas voter contre vaut accord.

Comme pour les regroupements de départements et de régions, il s’agit de revenir au principe des délibérations concordantes à la majorité simple, sur la demande de rattachement d’un département à une autre région limitrophe.

Ce faisant, cet amendement vise à reprendre un amendement déposé en première lecture par le rapporteur d’alors, Michel Delebarre. Le droit pour un département de choisir une autre région que la sienne permettra d’ajuster plus finement la carte des régions et de répondre aux aspirations à une réorganisation sur la base de la carte départementale, aspirations qui s’expriment déjà et ne peuvent être prises en compte, sauf à déstabiliser l’ensemble des collectivités territoriales. Il serait regrettable de mettre à mal la méthode évolutive qui préside à cette réforme en votant une procédure trop lourde, qui ne serait jamais utilisée.

C’est pourquoi le principe des délibérations concordantes à la majorité simple se justifie.

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« I. – Un département et la région d’accueil limitrophe, peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région précitée. La demande de modification est inscrite à l’ordre du jour du conseil départemental, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres ou à l’initiative d’un vingtième des électeurs inscrits dans la collectivité territoriale concernée.

« Avant les délibérations du département et de la région d’accueil limitrophe, le projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se trouve ce département. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification, par le président du conseil départemental, de l’inscription à l’ordre du jour de la délibération visant à la modification des limites départementales.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Tous les amendements présentés tendent à aller dans le même sens : nous l’avons bien compris, l’enjeu principal, c’est d’empêcher tout droit de veto de la région de départ.

L’amendement n° 100 est assez complet. Il vise à prévoir les délibérations concordantes du département et de la région d’accueil, ainsi qu’un dispositif permettant que, sur l’initiative d’un vingtième des habitants d’un département, le conseil départemental se saisisse du sujet et délibère. En effet, il est essentiel de créer un tel mécanisme, qui n’a rien de compliqué, puisque le département continue de voter et de prendre lui-même la décision, mais qui permet une mobilisation dans les territoires sur ces questions.

De plus, et c’est ce qui distingue cette proposition des amendements déposés par M. Mézard, nous envisageons une disposition supplémentaire que nous avons cherché à rendre véritablement opérationnelle et aux termes de laquelle, quand un département décide de changer de région, le conseil régional de la région qui va être quittée se prononce et émet un avis visant à éclairer le débat du conseil départemental et présenté en amont de la décision de la délibération concordante. Il me semble que c’est un bon compromis entre ne pas tenir compte de la région quittée, la mépriser en quelque sorte, voire considérer qu’elle n’existe pas, et lui accorder un droit de veto.

L’amendement n° 100 vise à prévoir une dynamique territoriale grâce à l’action d’un vingtième des habitants. Néanmoins, pour ceux qui ne voudraient pas d’un débat citoyen, l’amendement n° 117 tend à instaurer seulement l’avis en amont de la région quittée avant la délibération concordante des assemblées départementales.

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Guerriau, Canevet, Paul et Cadic et Mme Gatel, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« I. – Un département et la région d'accueil limitrophe peuvent demander, par délibérations adoptées à la majorité simple des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure définitivement le département dans le territoire de la région d'accueil. La demande est inscrite à l'ordre du jour du conseil général, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 et du conseil régional, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9.

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Nous ne retirons pas que des satisfactions de la nouvelle carte qui nous est proposée, à l’issue d'ailleurs de débats particulièrement intenses… Ceux-ci ont bien montré l’attachement que les sénateurs portaient aux territoires qu’ils représentaient ici. Bien plus, ils témoignent de l’insatisfaction générale qui résulte du projet arbitré par notre assemblée.

Nous considérons donc qu’il faut absolument permettre des changements dans les délais les plus courts possible, pour que l’on ne soit pas en permanence en train de revoir la carte des régions et qu’une nouvelle organisation territoriale puisse se mettre en place. Pour ce faire, il faut des conditions extrêmement souples, seules à même de favoriser les évolutions particulièrement attendues par la population comme par les élus.

En tant qu’élu de Bretagne, je sais que la population bretonne – j’entends par là celle des quatre départements de la Bretagne administrative, ainsi que la population de la Loire-Atlantique – est attachée à ce que ces cinq départements puissent être réunifiés le plus rapidement possible. Pour permettre des changements de cette nature, il faut prévoir des dispositifs souples, à savoir une délibération adoptée à la majorité simple dans les assemblées délibérantes du département et de la région d’accueil ; tel est l’objet de l’amendement n° 131.

L’amendement n° 39 rectifié bis tend à prévoir que la région d’appartenance ne sera consultée que pour avis. En effet, comme vient de le souligner mon collègue Ronan Dantec, il ne faut pas que la région d’appartenance fasse obstacle à tout changement. Le conservatisme ne doit plus être de mise dans notre organisation territoriale ; il faut avancer, et s’en donner les moyens.

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Après le mot :

délibérations

insérer le mot :

concordantes

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. D. Dubois, Delahaye et V. Dubois et Mmes Loisier et Morin-Desailly, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La région d’accueil prend sa délibération après avis des autres départements qui la composent, émis par des délibérations adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes.

II. – Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La région d’origine du département peut s’opposer à cette procédure après avis des autres départements qui la composent, par des délibérations adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de leurs assemblées délibérantes.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 39 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau et Canevet, Mme Gatel et MM. Paul et Cadic, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La région d'origine du département doit être consultée pour avis.

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 117, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Avant les délibérations du département et de la région d’accueil limitrophe, le projet de modification des limites territoriales est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se trouve ce département. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la notification, par le président du conseil départemental, de l’inscription à l’ordre du jour de la délibération visant à la modification des limites départementales.

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 88, présenté par MM. Favier et Le Scouarnec, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer les mots :

des trois cinquièmes

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Il est défendu, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

trois cinquièmes

par les mots :

deux tiers

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Le débat commence à m’intéresser : nous abordons des sujets passionnants. (Sourires.)

Comme chacun l’a deviné, mon objectif est de rendre service au Gouvernement (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP), en particulier à André Vallini, qui a proposé de réduire à cinquante le nombre des départements, grâce à des fusions ; c’est tout à fait ma philosophie, et nous avons eu, lui et moi, des échanges à ce sujet. Pour cela, il faut simplifier les procédures, et c’est ce que nous sommes en train de faire.

Parmi tous les amendements présentés visant à élaborer des solutions de simplification, notamment parmi ceux de Jacques Mézard et de Ronan Dantec, il faut déterminer lequel est le meilleur. Ce n’est pas forcément le mien, loin de là, puisque je ne propose pas le dispositif le plus souple. Nous en avons parlé ce matin : dans la génuflexion, pour ma part, la souplesse commence à m’être difficile…

C’est pourquoi, afin de rendre un peu plus complexe l’interdiction ou l’empêchement par une région du départ d’un département, il faut que le conseil régional se prononce à la majorité des deux tiers, c’est-à-dire de 66 %, et non plus des trois cinquièmes, c’est-à-dire de 60 %.

Néanmoins, j’avoue que si les amendements présentés précédemment sont adoptés, cela me conviendra très bien !

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, dans les quatre mois qui suivent la notification de ces délibérations par les présidents des deux assemblées concernées. À défaut, son avis est réputé favorable.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à fixer un délai de quatre mois à la région de départ pour s’opposer au droit d’option d’un de ses départements. À défaut, son avis est réputé favorable.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 92 est présenté par M. Bas.

L'amendement n° 103 est présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 9 et 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 92.

M. Philippe Bas. Il s’agit de rendre le droit d’option effectif et, si toutes les conditions de majorité sont réunies dans les trois assemblées concernées par cette démarche, de permettre à un département de changer de région et de rejoindre sa nouvelle région sans avoir besoin de saisir de nouveau le législateur.

En effet, il est assez curieux de prévoir un droit d’option qui, en réalité, ne pourrait être conduit à son terme par la dynamique propre au vote des assemblées et qui supposerait une sanction du législateur. De ce fait, le Parlement, qui ne peut se prononcer que sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires, pourrait très bien rester silencieux et ne pas tirer les conséquences des décisions dont nous voulons accorder le pouvoir aux assemblées locales concernées.

Par conséquent, cet amendement tend à prévoir la suppression des alinéas 9 et 11 du texte que nous avons arrêté en commission, qui renvoient à une loi. Dois-je rappeler que c’est non pas à nous, mais à la Constitution, de préciser la compétence du législateur ? Qui plus est, le droit d’option doit pouvoir être complet, sans intervention législative supplémentaire.

Je présenterai dans quelques instants un autre amendement, qui est le corollaire de celui-ci. En effet, il faudra bien déterminer où siègent des conseillers régionaux qui ont été élus pour le compte d’un département dans une première région quand ce département aura rejoint une seconde région. Il faudra ensuite que, pour les élections régionales suivantes, on ajuste le nombre de conseillers régionaux de ce département en fonction du nombre d’habitants par conseiller régional qu’il y a dans la nouvelle région et qui peut être différent du nombre d’habitants par conseiller régional de la région d’origine.

Il faudra pour cela appliquer les principes que nous aurons retenus dans le tableau qui fixe le nombre de candidats de chaque département pour les élections régionales de chaque région. Dans la mesure où le Parlement se sera prononcé en fonction de critères qu’il aura implicitement appliqués, il sera très facile de décider d’appliquer les mêmes critères.

C’est une affaire assez complexe. Si l’on veut que la procédure liée au droit d’option aille à son terme, il faudra régler ces questions de nombre de sièges, de répartition des sièges et de continuation du mandat des élus qui ont été désignés pour le compte du département dans une première région, quand ce département, en cours de mandature, rejoint une autre région.

Toutefois, pour l’instant, l’amendement n° 92 vise seulement à préciser qu’il n’est pas nécessaire de passer par la loi et que les collectivités concernées peuvent aller au terme de la procédure du droit d’option de leur propre initiative.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 103.

M. Ronan Dantec. Tout a été dit par M. Bas : il s’agit en quelque sorte de ne pas refaire le match dans un cadre législatif et de ne pas allonger les délais. On imagine bien, en effet, le temps nécessaire à l’élaboration et à l’adoption d’une loi. Par conséquent, il faut revenir au décret.

Je précise que je maintiendrai précieusement cet amendement, sur lequel la commission spéciale a émis un avis favorable, ce qui n’est pas arrivé souvent sur ce texte. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« L’intégration d’un département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe peut aussi être demandée suite à l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, dans le département concerné, résultant d’une consultation organisée à la demande du conseil départemental après délibération de son assemblée délibérante.

« Le projet d’intégration d’un département à une région limitrophe est ensuite soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle le département demande à être intégré. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la consultation des électeurs. » ;

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement, très différent du précédent, vise à répondre au souci de Marie-Noëlle Lienemann. En effet, il faut tout de même prévoir un dispositif de type référendaire ! Sans cela, il y a plus qu’un angle mort dans ce projet de loi… Plus encore, nous serions en contradiction par rapport à nombre d’interventions que j’ai pu entendre depuis hier.

Ce référendum à la demande du conseil départemental – c’est le plus simple – constitue un processus tout à fait légitime, qui permettra, dans un certain nombre de départements où le débat est fort et non consensuel, que ce soit bien le peuple souverain qui décide de changer de région.

M. le président. L'amendement n° 125, présenté par MM. Guillaume, Vandierendonck, Kaltenbach, Sueur, Delebarre et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Giraud.

Mme Éliane Giraud. L’objet de cet amendement de suppression est de revenir au décret en Conseil d’État pour arrêter les limites territoriales des régions concernées, afin de ne pas alourdir une procédure déjà très complexe en repassant devant le Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je souhaiterais tout d’abord rappeler quel principe la commission spéciale a décidé de retenir, ce qui me permettra de vous dire à quels amendements elle est défavorable ou favorable.

S’agissant de l’amendement n° 87, qui vise à revenir sur la suppression de l’obligation de référendum, il me semble que nous sommes aujourd'hui face à une sorte de « syndrome alsacien » : en Alsace, les élus étaient favorables au projet de fusion, tout comme la majorité des électeurs, mais celui-ci n’a pu aboutir en raison du nombre insuffisant de votants. Aussi, nous nous retrouvons dans la situation que l’on connaît et qui a fait l’objet de débats ces deux derniers jours.

Pour éviter cette difficulté, bien réelle, l’idée est de supprimer le caractère obligatoire du référendum. Chaque collectivité territoriale conserve néanmoins la possibilité d’y recourir au travers de l’exercice du droit d’initiative référendaire local, qui figure dans notre droit positif.

La contrepartie de cette suppression – ou de ce non-recours obligatoire au référendum –, c’est la mise en place d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes, à la fois dans la région d’accueil et dans celle de départ. Dans cette dernière, toutefois, la majorité qualifiée s’exerce sous forme de droit de veto, afin de s’opposer au changement de rattachement du département.

Voilà le principe que la commission spéciale a retenu et qu’elle défend en séance publique. Tous les amendements n’allant pas dans ce sens ont évidemment reçu un avis défavorable.

L’enjeu est de sécuriser la procédure de fusion des départements sans parvenir à des niveaux de majorité qualifiée qui pourraient paraître insurmontables. Le choix important, pour ne pas dire grave, d’un département de quitter sa région pour une autre n’est pas anodin dans son principe, ni dans ses conséquences.

S’il advenait que ce droit d’option puisse s’exercer avec beaucoup de simplicité – j’allais dire de facilité – et qu’une majorité simple suffise pour revenir en arrière au détour de circonstances électorales, cela pourrait occasionner de grands dommages pour l’organisation des services, les dépenses, bref, pour tout ce qui fait la vie de nos collectivités locales.

Il faut donc un peu de stabilité et de sécurité, ce qu’offre cette majorité des trois cinquièmes – c’est-à-dire de 60 % des élus des départements et des régions –, qui ne pose pas de problème à la commission spéciale.

Aussi, la commission est bien entendu favorable aux amendements que j’ai présentés : l’amendement de précision n° 148 et l’amendement n° 154, qui tend à fixer un délai de quatre mois à la région de départ pour se prononcer sur le droit d’option – je dois à l’honnêteté intellectuelle de dire que cette disposition a été très bien préparée par notre collègue Alain Richard.

De même, elle est favorable aux amendements identiques nos 92 de notre collègue Philippe Bas et 103 de nos collègues Dantec et Placé, du groupe écologiste, ainsi qu’à l’amendement n° 125 de nos collègues Guillaume, Vandierendonck et du groupe socialiste.

En revanche, la commission est défavorable aux amendements nos 87, 21 rectifié, 22 rectifié, 124, 100, 131, 39 rectifié bis, 117, 88, 56 et 101, dont les dispositions se heurtent au principe qu’elle a retenu pour la mise en œuvre du droit d’option.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’objectif de la nouvelle carte, vous l’avez bien compris, est de favoriser les fusions de régions et de stabiliser le paysage territorial français, non de faciliter le démembrement des régions nouvellement constituées.

Néanmoins, cette conception, qui inspire la démarche du Gouvernement, peut être assortie d’un certain nombre de souplesses au bénéfice des départements souhaitant rejoindre une autre région après que les fusions auront été constituées.

Il faut donc trouver un équilibre entre la nécessité de créer ces nouvelles régions et de les stabiliser, d'une part, et la nécessaire souplesse dans les premières années suivant la fusion, d'autre part, ce qui constitue d’ailleurs une garantie de stabilisation durable du paysage territorial.

C’est dans le cadre de cet équilibre que se pose plus particulièrement la question du droit d’option. À cet égard, l’objectif est de trouver un équilibre délicat, subtil – le Sénat en a l’habitude lorsqu’il s’agit de trouver de bons compromis législatifs –, entre, d’une part, la nécessité d’assurer la stabilité du découpage, fruit de nos travaux, de nos réflexions, de nos décisions, et, d’autre part, la nécessité de trouver un chemin à l’indispensable flexibilité qui permettra de satisfaire certaines aspirations locales cohérentes et légitimes.

La première question qui se pose – la plus importante –, est celle des modalités et des conditions de vote de ce droit d’option. Dans le texte issu de l’Assemblée nationale, il fallait que la majorité s’exprimât de façon qualifiée, à hauteur des trois cinquièmes des élus siégeant dans chacune des trois collectivités concernées par le droit d’option.

La commission spéciale a adopté un amendement tendant à ce que le rattachement d’un département à une autre région ne soit possible que dès lors que la majorité de la région de départ s’exprimerait à hauteur des trois cinquièmes. Il s’agit d’une sorte de majorité qualifiée inversée.

L’amendement du groupe socialiste vise, quant à lui, à revenir au principe d’un droit d’option s’exerçant dans les mêmes termes et mobilisant la même majorité dans les trois collectivités concernées. Le Gouvernement a considéré cet amendement, comme je l’ai indiqué il y a quelques instants, avec intérêt et sagesse.

Nous n’avons pas émis un avis favorable, pour des raisons qui tiennent au fait que nous sommes favorables à cet équilibre entre stabilisation et souplesse, sur l’amendement n° 87 présenté par M. Favier tendant à instaurer l’organisation obligatoire d’un référendum après que l’opportunité du départ de la fusion a été établie.

La seconde question qui se pose est celle de l’instrument juridique approprié pour créer les conditions de cet ajustement. Faut-il passer par la loi ou par le décret ?

Les dispositions de l’amendement n° 125 du groupe socialiste vont dans le sens du décret. Cette solution est cohérente avec l’obligation de consulter les collectivités concernées qui ne peut s’imposer au législateur. La délégation ainsi effectuée au profit du pouvoir réglementaire nous paraît suffisamment encadrée.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes le législateur, et c’est à vous qu’il revient de décider si vous souhaitez ou non déléguer cette prérogative. Je m’en remets donc sur ce point à la sagesse du Sénat.

J’émettrai également un avis de sagesse sur les amendements identiques nos 92 et 103, déposés par MM. Philippe Bas et Ronan Dantec, qui ont le même objet : tirer les conséquences de l’exercice du droit d’option sur le tableau des circonscriptions électorales et régionales, ainsi que sur celui des sections départementales par décret en Conseil d’État.

Pour résumer, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements nos 124 et 154, pour les amendements identiques nos 92 et 103, ainsi que pour l’amendement n° 125.

Il est favorable à l’amendement n° 148.

Il émet un avis défavorable sur les amendements nos 87, 100, 131, 39 rectifié bis, 117, 56 et 101.

Enfin, il demande le retrait des amendements nos 21 rectifié, 22 rectifié et 88.