Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, il arrive fréquemment que le salarié qui se rend chez son médecin pour obtenir compensation de son jour de carence soit arrêté plus longtemps qu’un jour… Nous constatons également une augmentation des accidents de travail.

Ce sujet n’est par conséquent pas aussi simple qu’on veut bien le laisser croire.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je reviendrai sur le jour de carence lors de l’examen des amendements.

Pour ce qui concerne l’immobilier des opérateurs, comme M. Bouvard l’a excellemment décrit, une intégration dans le pilotage de la politique immobilière, au travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, les SPSI, a été proposée et décidée au terme des travaux de fiabilisation de l’information sur le patrimoine des opérateurs. La phase de mise en œuvre est en route. Il est donc trop tôt pour en tirer un bilan.

Je peux toutefois m’engager, au nom de mes collègues de Bercy, à ce que cette intégration fasse l’objet d’une évaluation dans le cadre de nos évaluations des politiques publiques, dès qu’elle aura atteint son rythme de croisière. Les documents budgétaires présenteront l’application de cette mesure au fur et à mesure de sa réalisation. Vous pourrez donc suivre, mesdames, messieurs les sénateurs, les progrès réalisés sur ce dossier et, je l’espère, en prendre acte avec nous.

S’agissant des personnels de la fonction publique, il est vrai que le point d’indice a été gelé. Je rappelle toutefois que, dans le même temps, les traitements des agents des catégories C et B ont fortement augmenté. En effet, plutôt que d’augmenter tout le monde de manière proportionnelle, et donc de revoir à la hausse l’échelle des salaires, ce qui défavorise les moins élevés d’entre eux, nous avons choisi de prendre en compte d'abord les plus faibles traitements, qui concernent 58 % des effectifs de la fonction publique territoriale. Je dois dire que les salariés ont plutôt bien accepté ce choix. Je fais aussi remarquer que l’augmentation du nombre de jours de carence est tout à fait symbolique.

Afin de garder du temps pour pouvoir donner les explications nécessaires lors de l’examen des amendements, je signalerai simplement pour terminer que la mission « Provisions » comporte, à hauteur de 20 millions d’euros – une somme peu importante –, des crédits pour dépenses accidentelles, répartis en cours d’année entre les différents ministères, ainsi que, à hauteur de 150 millions d’euros, des crédits affectés à la réserve parlementaire, dont, naturellement, nous pourrons discuter avec entrain. (Sourires.) Je reviendrai également, au cours du débat sur les amendements, sur les quelques points que j’ai pu omettre dans cette intervention.

gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Provisions - Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Etat B

M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 330 574 233

11 219 042 007

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

8 315 642 013

8 214 825 704

Dont titre 2

7 077 675 959

7 077 675 959

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

1 092 108 580

1 055 767 865

Dont titre 2

511 148 707

511 148 707

Facilitation et sécurisation des échanges

1 570 439 716

1 583 123 707

Dont titre 2

1 131 668 032

1 131 668 032

Entretien des bâtiments de l’État

151 000 000

161 000 000

Fonction publique

201 383 924

204 324 731

Dont titre 2

249 549

249 549

 

gestion des finances publiques et des ressources humaines
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article additionnel après l’article 55

M. le président. L'amendement n° II-50, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

       0       

550 000 000

       0       

550 000 000

Dont Titre 2

550 000 000

550 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

Dont Titre 2

0

0

0

0

Facilitation et sécurisation des échanges

Dont Titre 2

0

0

0

0

Entretien des bâtiments de l’État

0

0

0

0

Fonction publique

Dont Titre 2

0

0

0

0

Total

0

550 000 000

0

550 000 000

Solde

- 550 000 000

- 550 000 000

 

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est très important sous l’angle budgétaire, puisqu’il porte sur un montant de 550 millions d’euros et concerne un sujet majeur s’agissant de l’un des premiers postes de dépense de l’État – la masse salariale : je veux parler du glissement vieillesse technicité, le fameux glissement vieillesse technicité positif.

La commission des finances, très largement rejointe, me semble-t-il, par les membres de la majorité sénatoriale, a jugé que la maîtrise de la masse salariale de l’État constituait un enjeu budgétaire primordial. À l’heure où nous sommes tous à chercher les moyens de réaliser d’importantes économies, où des mesures significatives sont prises en ce sens – coups de rabot ou autres -, cette maîtrise de la masse salariale apparaît de toute évidence comme l’un des principaux leviers pour contrôler l’évolution de la dépense publique.

Nous reconnaissons que des dispositions ont déjà été prises, comme le gel du point de la fonction publique, que Mme la ministre évoquait à l’instant, certaines mesures catégorielles, ou encore la stagnation du nombre de fonctionnaires. Ce sont autant d’efforts tendant à réduire la progression naturelle de la masse salariale.

Mais la Cour des comptes, elle-même, a appelé notre attention sur l’enjeu que représente le glissement vieillesse technicité pour la seule fonction publique d’État. Dans un rapport, elle indique que « les promotions individuelles, qui sont à l’origine du GVT positif, constituent le vecteur le plus dynamique de l’augmentation de la masse salariale à hauteur d’environ 1 200 millions d’euros par an ». Comme vous le constatez, mes chers collègues, nous parlons d’une somme considérable !

Le présent amendement vise, non pas à geler le mécanisme d’avancement dans la fonction publique, mais à le ralentir légèrement, en diminuant de 550 millions d’euros les autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme 156.

Cette économie résulterait d’une réduction du GVT positif pour l’ensemble des fonctionnaires de l’État. Pour ce faire, plusieurs pistes s’offrent au Gouvernement : un allongement de la durée à accomplir dans un échelon pour accéder à l’échelon supérieur ou une suspension temporaire, par exemple pour une durée de six mois, de toutes les mesures individuelles de changement d’échelon et de grade. Dans un souci de clarté, cette réduction serait imputée sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dont nous sommes en train de débattre.

Cette mesure, je le précise, n’aurait pas vocation à s’appliquer à la seule fonction publique d’État, et pourrait être étendue aux autres fonctions publiques. J’y insiste, elle est d’une grande importance.

Au regard de la situation budgétaire de notre pays – il enregistre le troisième déficit de la zone euro – et des appels que lui lancent la Commission européenne et ses partenaires pour qu’il mette en œuvre des mesures plus poussées de réduction des dépenses structurelles, il me semble que cet amendement mérite d’être soutenu et adopté. Il s’agit d’un choix difficile et courageux, mais le contexte budgétaire l’impose !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Regardons bien les chiffres ! Force est de constater que nos interprétations divergent. Je me permettrai donc, non pas de corriger les propos de M. le rapporteur général, mais de livrer, en cet instant, l’interprétation du Gouvernement.

La Cour des comptes souligne surtout la bonne maîtrise de la masse salariale en 2013, avec une évolution de 0,5 % et un GVT à hauteur de 286 millions d’euros. Le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement tend à réaliser le même effort en 2015, avec une évolution de 0,6 % de la masse salariale. Le nombre de postes supprimés sera effectivement inférieur, mais les effectifs ont déjà beaucoup diminué avec, cela a été rappelé, tous les problèmes qui peuvent en découler dans un ministère comme celui de la défense.

Il est donc parfaitement possible, à l’inverse de la proposition formulée par la commission par le biais de cet amendement, de maintenir l’emploi public, tout en assurant une gestion très rigoureuse.

La question de l’avancement appelle en outre à la prudence. Les fonctionnaires ont accepté de participer à l’effort de redressement des comptes publics, au travers d’un gel du point d’indice, mesure qui est appliquée depuis 2010. Leur situation a valeur de symbole, car je ne pense pas que les salariés du secteur privé – secteur auquel il a été fait référence à propos du jour de carence – à n’avoir bénéficié d’aucune augmentation depuis 2010 soient très nombreux !

M. Gérard Longuet. Leurs entreprises sont en dépôt de bilan !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si l’on veut comparer, il faut tout comparer, y compris les intéressements, les participations, les augmentations…

M. Jean-François Husson. Le chômage augmente !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la question du chômage me préoccupe autant que vous !

Mme Marie-France Beaufils. Mettre les fonctionnaires au chômage ne vaut pas mieux !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela étant, notre fonction publique de carrière mérite attention.

Depuis le mois d’octobre, des discussions sont engagées avec l’ensemble des organisations syndicales dans le cadre d’une grande négociation sur les parcours professionnels, les rémunérations et les carrières – évidemment, elles font actuellement d’objet d’une pause, du fait de la campagne électorale qui précède les élections professionnelles qui vont se tenir le 4 décembre. À cette occasion, nous avons très clairement indiqué aux organisations syndicales que les parcours professionnels devaient être améliorés.

Certaines réflexions ont été formulées à propos des passerelles. René Vandierendonck, par exemple, en appelait tout à l’heure à l’instauration de tels dispositifs au moment de la révision de la construction institutionnelle de la République. Nous pourrions tout à fait envisager un allongement des carrières, en rapport avec cette amélioration des parcours au travers de passerelles ou de l’octroi de véritables formations professionnelles, notamment lorsqu’un agent souhaite changer d’orientation. De nombreux fonctionnaires plafonnent à quarante ans de carrière, ce qui n’est pas satisfaisant.

Quoi qu’il en soit, je le rappelle, voilà trente ans que les questions des parcours professionnels, des rémunérations, des carrières, des régimes indemnitaires n’ont pas été examinées globalement. Si nous voulons vraiment traiter ces sujets de façon positive, même si je comprends l’analyse qui vient d’être avancée, je ne pense pas qu’un gel du GVT soit de bon augure pour la grande négociation qui a commencé.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je vais m’exprimer non seulement sur l’amendement n° II-50 de la commission, mais aussi sur l’amendement n° II-271 – celui-ci, déposé par les membres du groupe UMP, sera présenté dans quelques instants –, qui ont tous deux pour objet de ralentir les effets du glissement vieillesse technicité.

Chers collègues de la nouvelle majorité sénatoriale, vous aviez annoncé la couleur la semaine dernière en indiquant que vous formuleriez de nombreuses propositions visant à réduire les dépenses publiques ; effectivement, vous faites preuve de beaucoup d’inventivité !

Cela étant, la lecture de l’exposé des motifs de ces amendements présente au moins un intérêt : nous apprendre que les dépenses de personnel constituent une dépense majeure de l’État ! Mais, mes chers collègues de l’UMP, c’est enfoncer une porte ouverte ! On sait parfaitement le poids des effectifs dans le budget de l’État, des collectivités locales ou des établissements hospitaliers. Il s’agirait même, selon les dires du premier signataire de l’amendement n° II-271, de l’« une des dépenses les plus coûteuses » du budget de l’État !

Rassurons-nous, ce constat manque, selon nous, d’une certaine logique élémentaire. Si, au total, l’État doit débourser chaque année un peu plus de 121 milliards d’euros pour rémunérer les agents des différents ministères - 61 milliards d’euros pour l’enseignement scolaire, 18,7 milliards d’euros pour la défense nationale, etc. -, cette somme très élevée apparaît également sur le plan de la masse des recettes sociales, via les cotisations sociales correspondantes, et de l’assiette des recettes fiscales. En effet, au cas où vous l’auriez oublié, les fonctionnaires d’État, au nombre de 1,9 million, les 400 000 agents mis à disposition des opérateurs, les fonctionnaires territoriaux comme les fonctionnaires hospitaliers sont aussi des contribuables, des salariés, des consommateurs, et, à ce titre, facteurs de croissance.

On est même en droit de penser que c’est une chance pour notre pays d’avoir des agents du secteur public en nombre suffisant pour que les comptes publics ne soient pas plus dégradés qu’ils ne le sont aujourd’hui !

On nous propose maintenant de réduire les effets du fameux GVT. Les agents de la fonction publique n’auraient-ils pas encore assez payé leurs « privilèges » avec le gel du point d’indice pour qu’il faille remettre en cause, de surcroît, l’une de leurs garanties essentielles, à savoir le déroulement de carrière et l’évolution du traitement en découlant ? Quel manque de reconnaissance du rôle et des qualités professionnelles de ces agents publics !

Mais surtout - question qui n’est pas secondaire dans notre esprit - « ralentir » le GVT, c’est tout simplement admettre que quelqu’un puisse être payé en dessous de sa valeur, sans tenir compte de son expérience, de ses compétences, de sa qualification professionnelle.

Je vous rappelle, mes chers collègues de l’UMP, vous qui êtes si souvent attentifs à l’équité entre les secteurs public et privé, que toutes les conventions collectives, y compris les plus timides en termes d’avancées sociales, prévoient expressément un reclassement régulier des salariés de la branche à un coefficient supérieur !

La mise en cause du GVT proposée par les auteurs des deux amendements en discussion correspondrait, selon le cas, à 550 millions d’euros ou à 775 millions d’euros d’économies… C’est donc une perte de pouvoir d’achat comprise entre 290 euros et 410 euros par an pour chaque agent public. Un bon outil pour la croissance, n’en doutons pas !

Si vous cherchez quelques millions d’euros à réintégrer dans le budget de l’État, il y a du grain à moudre ailleurs ! Mais il est vrai que, à partir du moment où l’on estime normal de réduire, sous les motifs les plus divers, l’impôt de solidarité sur la fortune de plus de un milliard d’euros, où l’on accepte que certains P-DG de nos grands groupes industriels disposent d’une confortable retraite chapeau servie sous forme de rente viagère, on a du mal à trouver d’autres solutions que les mauvaises propositions qui nous sont soumises !

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC sollicitent, à deux jours d’élections importantes pour la fonction publique, le rejet par scrutin public de ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. La petite musique que je vais vous faire entendre, mes chers collègues, diffère quelque peu de celle qui vient d’être jouée.

Il est vrai que nous devons collectivement faire des efforts, au regard du contexte budgétaire et financier très compliqué dans lequel se trouve notre pays. Certes, la France n’est pas encore tout à fait dans la situation des pays ayant dû baisser les salaires de leurs fonctionnaires de 10 % ou 20 %, mais si nous ne voulons l’éviter, il faut anticiper.

Pour ma part, je regrette que nous ne disposions pas d’un véritable directeur des ressources humaines à l’échelon de l’État, car nous aurions besoin d’une vraie gestion des ressources humaines. Or tel n’est pas le cas aujourd'hui.

Oui, nous recherchons l’équité, que j’ai précédemment évoquée, entre secteur public et secteur privé. Cependant, madame la ministre, l’augmentation à l’ancienneté n’est pas une constante dans le secteur privé ; on n’y pratique pas non plus la garantie individuelle de pouvoir d’achat, la fameuse GIPA, qui représente un coût assez élevé et compense largement le gel du point d’indice. Ce gel a des conséquences sur les élus locaux : depuis 2010, ceux-ci n’y ont rien gagné ; au contraire, ils sont perdants du fait de l’augmentation de certaines cotisations. Pour eux, il n’y a rien ! Cela dit, tous les agents de la fonction publique territoriale – peut-être la disposition ne s’applique-t-elle pas partout, mais je peux vous garantir qu’elle est effective au sein de ma collectivité - ont droit à cette GIPA, qui leur garantit leur niveau de pouvoir d’achat.

La mesure proposée ne vise pas à remettre en cause le pouvoir d’achat – nous aurions pu envisager de faire – ni, contrairement à vos propos, madame la ministre, à bloquer le glissement vieillesse technicité ; elle tend à ralentir ce dernier. Ce ralentissement, en outre, n’empêchera pas l’application de la garantie individuelle de pouvoir d’achat et le versement de la prime correspondante.

Je ne vois donc pas pourquoi on renoncerait à proposer un tel effort, participant de la réduction des déficits. À un moment donné, il faut bien avancer des propositions en ce sens, sans quoi nous nous retrouverons un jour au pied du mur. Alors, nous serons contraints d’engager des efforts colossaux, qui, là, seront insupportables pour tous. Autant, me semble-t-il, prendre dès aujourd'hui des dispositions qui restent acceptables.

Évidemment, nous reconnaissons la qualité de nos fonctionnaires et de nos agents. Mais ils ont conscience, me semble-t-il, que l’effort doit être exigé de tous et réparti équitablement sur le territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.

M. Jean Germain. Tout le monde doit faire des économies, certes… mais à son échelon !

Cette proposition, d’un montant de 550 millions d’euros qui va peser sur plusieurs centaines de milliers de personnes, appelle plusieurs observations.

Tout d’abord, où se situera le curseur, une fois totalisées toutes les économies proposées par nos collègues de la majorité sénatoriale dans le cadre de ce débat budgétaire, entre les 50 milliards d’euros d’économies prévus et les montants réclamés par les principaux postulants à la candidature présidentielle, lesquels, je le rappelle, de réunion en réunion, déclarent insuffisant l’objectif fixé et invoquent 110 à 120 milliards d’euros d’économies ?

M. Jean-François Husson. Nous n’en sommes pas là !

M. Jean Germain. Par l’amendement n° II–50, la commission propose de diminuer les dépenses de 550 millions d'euros en ralentissant le GVT. Multipliez par dix ou par vingt les mesures de même nature, et vous aurez un aperçu de la ligne des propositions...

Nous savons ce que les Français – je ne parle pas des seuls fonctionnaires – pensent de la suppression de l’impôt sur la fortune. Au moment où un certain nombre de retraites chapeaux sont citées en exemple, je ne pense pas qu’expliquer aux centaines de milliers de fonctionnaires dont le traitement est bloqué depuis plusieurs années que l’on va supprimer, pour l’exemplarité, une grande partie des possibilités d’avancement de carrière dont ils disposent soit un bon signe.

Par ailleurs, nous devons réfléchir, les uns et les autres, à la fois aux économies, mais aussi à la croissance, à la déflation et à l’inflation.

En effet, les politiques de restriction salariale appliquées montrent leur échec. Pour favoriser la croissance, nous avons besoin non seulement d’investissements, nous y reviendrons, mais encore de personnes qui puissent consommer.

En tout cas, le groupe socialiste considère que cette proposition n’est ni juste ni présentée au bon moment : il votera contre !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Les membres du groupe UDI-UC, bien entendu, ne partagent pas du tout les propos qui viennent d’être tenus par l’orateur précédent. Il convient, à notre sens, de faire preuve de responsabilité sur le sujet.

Nous le savons, le budget de l’État étant largement déficitaire, ces programmes sont financés à crédit. Il importe dès à présent de prendre les dispositions permettant de revenir rapidement à l’équilibre budgétaire. Or il est bien évident que les mesures de gestion qui sont prises aujourd'hui se retrouveront dans tous les exercices à venir.

Il importe de faire preuve de sens des responsabilités et de ne pas laisser filer la situation. La nécessaire croissance ne proviendra pas de dépenses publiques supplémentaires ; elle résultera bien entendu de la baisse des charges, qui permettra aux entreprises de renouer avec la confiance, absolument indispensable pour relancer l’économie. Car seule la relance de l’économie permettra de résoudre les problèmes actuels !

Il faut penser aux cinq millions de demandeurs d’emploi qui, eux, attendent que des mesures fortes soient annoncées pour que l’on puisse avancer.

M. Jean-Louis Carrère. Là, vous allez en ajouter !

M. Michel Canevet. En tant qu’élus et employeurs publics, il est nécessaire que nous disposions d’outils de gestion pour faire face aux charges nouvelles qui nous sont imposées.

Pour ma commune, en 2014, la revalorisation des bas salaires a représenté deux points d’impôt, la réforme des rythmes scolaires, huit points, la diminution de la DGF, un point, soit au total onze points d’impôt. Dans le même temps, on nous a supprimé, au 1er janvier, l’outil de gestion du personnel que constituait la journée de carence. Toutes les études avaient pourtant montré le bien-fondé de cette mesure, c'est-à-dire la possibilité de réaliser des économies.

En supprimant ainsi tous les outils à la disposition des employeurs publics, on accroît encore le déficit de notre pays, alors que c’est l’inverse qu’il faut faire. On ne peut pas continuer comme cela, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’il est un point d’accord avec le Gouvernement qui ressort de nos débats, c’est la relative obsolescence des grilles indiciaires de la fonction publique. Certains métiers du secteur public sont mal rémunérés ; les grilles, les échelles ne sont pas adaptées.

Quelle est la situation ? En fin d’année, à l’issue du vote du projet de loi de finances, la France occupera la troisième place en termes de déficit de la zone euro ; elle aura renoncé à tenir ses engagements en matière de déficit public et devra a minima emprunter, pour financer le déficit budgétaire de l’année, 188 milliards d’euros sur les marchés. Dans ces conditions, la commission des finances considère que nous n’avons pas le choix.

La masse salariale de l’État constitue l’un des premiers postes du budget de l’État, soit, pour reprendre les chiffres du projet de loi de finances, 121 milliards d’euros sur 350 milliards d’euros. Le fait de refuser de toucher à ce levier, en dehors du gel du point d’indice, pose donc problème.

Concrètement, la situation nous contraint malheureusement à étudier l’évolution naturelle de la masse salariale induite par le GVT qui représente à elle seule près de 40 % des dépenses de l’État. La Cour des comptes soulignait dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que le GVT positif, estimé à 1,2 milliard d’euros, permettait de creuser un certain nombre de pistes.

Par le biais du présent amendement, la commission propose non pas le gel, mais le ralentissement de l’avancement automatique. Différentes voies sont ouvertes. Plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre à cette fin ; le fait de passer moins rapidement à l’échelon supérieur en est une. Il serait irresponsable de ne pas agir sur un poste de dépenses de près de 121 milliards d’euros ; la Cour des comptes nous y invite. Le rapport précité ouvre des pistes permettant de réaliser des économies sensibles.

L’amendement n° II–50 va dans ce sens. Le simple ralentissement du GVT aurait des effets immédiats et massifs. L’économie serait de 550 millions d’euros pour la fonction publique d’État, mais bien supérieure en termes de dépense publique une fois appliquée aux autres fonctions publiques. Les élus locaux responsables de collectivités savent à quel point le GVT est un élément important qu’il convient de maîtriser dans un contexte de baisse des dotations de l’État.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à soutenir l’amendement de la commission des finances.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je souhaite apporter quelques réflexions supplémentaires.

Tout d'abord, ne l’oublions pas, la GIPA est calculée sur une période de quatre ans. Je m’engage d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous communiquer un rapport montrant comment est calculé concrètement le traitement de nos fonctionnaires. Ce n’est pas si simple, puisqu’il faut attendre quatre ans pour obtenir cette garantie. Soyons attentifs à cet élément.

Concernant la Cour des comptes - je veux bien recevoir toutes les leçons du monde, mais le présent gouvernement n’occupe ses fonctions que depuis deux ans et demi et ces questions se gèrent sur de longues périodes -, je lis, à la page 153 de son rapport du 28 mai 2014 : « Hors mission Défense, une exécution tenue par rapport à la LFI et en amélioration par rapport aux années précédentes […] Les effectifs ont diminué plus que prévu malgré des départs en retraite moins nombreux qu’anticipé ». Il faut tout dire sur le rapport de la Cour des comptes ! Je poursuis : « L’article 7 de la LPFP 2012-2017 prévoit que ″le plafond global des autorisations d’emplois de l’État et de ses opérateurs […] est stabilisé sur la période de la programmation″ ».

Le résultat par ETP montre que nous sommes allés au-delà de ce que nous voulions faire.

Il faut aussi prendre en compte les personnes parties à la retraite. Sur les 121 milliards d’euros, vous ne pouvez pas effacer les 40 milliards d’euros de pensions qui sont dus. Il convient donc de relativiser le chiffre.

Je ne vous lis pas tout le rapport de la Cour des comptes, mais il serait intéressant que cette bonne gestion et cette bonne exécution soient mises également au crédit de la collaboration positive que l’État entretient avec ses personnels, qui ont accepté le gel des salaires depuis 2010. Évidemment, les sénateurs et les députés sont également concernés, puisque leur rémunération est liée au point d’indice. Toutefois, pour les agents des catégories C et B dont certains perçoivent des salaires très faibles, il fallait faire un effort parce que nous devions augmenter tous les ans les salaires de ces personnels en fonction de la revalorisation du SMIC - même si celui-ci augmente malheureusement très peu. Or c’est une mesure assez humiliante, indigne de la fonction publique. Je pense aux personnes exerçant des métiers extrêmement difficiles en EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, que j’ai rencontrées.

Je dirai quelques mots sur le nombre de fonctionnaires. En la matière, il faut aussi raison garder.

Pour ce qui concerne le coût de la réforme des rythmes scolaires, monsieur Canevet, votre budget communal devra être examiné de près, car il présente un problème, sachant de surcroît que le fonds d’amorçage est devenu pérenne. Nous nous sommes donc engagés à assumer une dépense publique supplémentaire. J’ai entendu expliquer devant l’Association des maires de France, qui n’est pas dirigée par quelqu’un de ma famille politique, que la baisse de la dépense publique était forcément récessive. Ce qui est récessif dans un cas ne l’est pas dans l’autre ! Il va donc falloir que l’on se mette d’accord sur l’ensemble du discours et la garantie de 11 milliards d’euros pour les collectivités territoriales. C’est encore un point difficile à gérer. Nous avons pris également quelques leçons ce jour-là.

Je tiens maintenant à rappeler les chiffres d’encadrement de la fonction publique, qui s’élèvent, en France, hors défense, à 72 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. Au Canada, que l’on me cite toujours en exemple – nous travaillons avec ce pays depuis deux ans dans le cadre de l’OCDE, ce qui est fort intéressant -, le taux d’encadrement est de 100 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. La Suède, qui a abandonné son statut, paie 140 équivalents temps plein pour 1 000 habitants. Notre pays se situe donc dans une fourchette relativement basse par rapport à la moyenne. La fonction publique n’est pas responsable de tous les maux de notre pays !