Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. L’article 42 veut inciter à développer la méthanisation agricole, dont nous avons longuement parlé sur ces travées. Il met en place une exonération temporaire de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la contribution foncière des entreprises pour les méthaniseurs alimentés principalement par des matières premières agricoles, en particulier des effluents d’élevage.

L’amendement de la commission des affaires économiques que je vous présente prend en compte une particularité de la méthanisation agricole. Celle-ci nécessite, en effet, de disposer de locaux de stockage des matières entrantes, mais aussi de digestats produits par les méthaniseurs, qui ne sont pas forcément utilisés tout de suite. Or les hangars agricoles, les silos et autres bâtiments d’élevage sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties par l’article 1382 du code général des impôts. Il conviendrait de faire de même pour les locaux de stockage des méthaniseurs agricoles, qui répondent à la même logique.

Les méthaniseurs étant très peu nombreux à ce jour, un tel amendement ne coûte quasiment rien, ou pas grand-chose aux finances publiques.

De plus, si le traitement fiscal diffère entre les fumiers stockés en exploitation et les fumiers stockés à proximité du méthaniseur, nous allons au-devant de belles complications administratives.

Pour toutes ces raisons, l’amendement prévoit d’ajouter les installations de stockage des méthaniseurs agricoles à la liste des constructions exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties. C’est donc la taxe foncière sur le non-bâti qui s’appliquera sur les surfaces concernées.

M. le président. L'amendement n° II-368 rectifié, présenté par Mme Primas et M. César, est ainsi libellé :

I. – Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l’exonération instituée par le présent article est exclusif de celui prévu à l’article 1387 A. »

II. – Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« II. – Le I s'applique aux impositions établies à compter du 1er janvier 2015 ».

III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Cet amendement tend à limiter les distorsions entre les unités de méthanisation agricole.

En effet, l’exonération concernera les unités de méthanisation achevées et opérationnelles à partir du 1er janvier 2015 qui seront exonérées durant sept ans. Cela engendre une distorsion entre celles qui seront créées à partir du 1er janvier 2015 et celles qui ont déjà été créées – par exemple, au cours de l’année 2014.

L’amendement prévoit de réduire cette distorsion, en rendant cette exonération rétroactive, mais pour une durée qui n’excéderait pas sept ans au total. Ainsi, sans pour autant revenir sur ce qui a déjà été réglé, un méthaniseur qui est déjà opérationnel depuis deux ans se verra exonéré encore cinq années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos II-155 rectifié ter, II-154 rectifié ter, II-121 et II-368 rectifié ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis soit un avis défavorable, soit une demande de retrait pour deux raisons : ou bien ces amendements sont déjà satisfaits par la rédaction de l’article 42, ou bien ils sont en contradiction avec la position de la commission qui souhaite rendre facultatives ces exonérations.

Ce n’est pas une critique de la méthanisation, du stockage ou des volontés qui viennent d’être exprimées, mais voter ces amendements se traduirait purement et simplement par une perte de recettes de plusieurs millions d’euros pour les collectivités. Cela peut être un choix des collectivités. Si les communes ou les EPCI à fiscalité propre décident d’encourager la méthanisation agricole, pourquoi pas, mais ils doivent en assumer les conséquences, et donc la perte de recettes afférente.

Dans le contexte actuel de baisse des dotations dont nous avons parlé, rendre ces exonérations obligatoires et sans compensation pour les collectivités ne paraît pas acceptable.

Cela a conduit la commission à émettre un avis défavorable sur les amendements nos II-155 rectifié ter et II-154 rectifié ter. Elle a demandé le retrait de l’amendement n° II-121, qui est satisfait par la rédaction de l’article 42 et qui, de plus, prévoit une exonération qui n’est pas facultative. Enfin, l’avis sur l’amendement n° II-368 rectifié est également défavorable, compte tenu de la perte de recettes qu’il engendrerait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement estime qu’il ne s’agit pas d’une perte de recettes, mais qu’il s’agit de la perte d’une recette qui, la plupart du temps, n’existe pas,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … puisque sont concernés les opérations ou bâtiments qui pourraient être créés à partir du 1er janvier 2015. On pourrait à la rigueur parler d’un manque à gagner.

Mme Sophie Primas. Merci, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous souhaitons encourager la montée en puissance des unités de méthanisation agricole et nous proposons, pour des raisons de simplification, de prendre en compte d’abord l’ensemble des bâtiments – cela a fait l’objet d’un débat, puisque l’on trouve, à côté des bâtiments propres à la méthanisation, les installations de stockage –, sur une durée limitée à sept ans.

Certains des amendements qui ont été présentés tendent à rendre cette exonération pérenne et définitive. Or, nous considérons que, au bout de sept ans, ces unités trouvent leur équilibre financier. Aussi, dans un souci de développer le plan de méthanisation, de préserver à terme les recettes des collectivités territoriales, l’abandon, pour une durée limitée, d’une recette qui n’est pour l’instant pas perçue par les collectivités est tout à fait compatible avec les équilibres déjà trouvés.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements, aussi bien à l’amendement n° II-313 de la commission qui rend l’exonération facultative, ce qui est déjà le cas puisque vous proposez en fait de revenir au droit antérieur, qu’aux amendements qui, de façon excessive à notre sens, la rendraient définitive, à savoir les amendements II-155 rectifié ter, II-154 rectifié ter, II-121 et II-368 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour la parfaite compréhension du Sénat, je préciserai qu’il ne s’agit pas du retour au droit existant, puisque l’article 42 étend l’exonération à la cotisation foncière des entreprises, ce qui n’est pas prévu actuellement, et pour une durée de sept ans.

Sur le chiffrage, si on peut sans doute jouer sur les mots, il s’agit en tous les cas d’un manque à gagner, puisque, à l’Assemblée nationale, ma collègue Valérie Rabault a estimé la part de recette du fait de l’exonération à 5 millions d’euros en 2016, 8 millions en 2017 et 17 millions en 2020.

Dès lors que cette mesure est facultative, la commission est cohérente avec sa position de défense de la liberté locale. Je ne suis pas certain que, rapportée à 1 000 installations, l’exonération de taxe foncière soit de nature à favoriser la méthanisation. Il existe peut-être d’autres raisons pour lesquelles cette activité ne se développe pas, et l’on peut partager l’objectif de développer ce type d’énergie alternative. Toutefois, le développement de ce type d’installations ne doit pas être réalisé sur le dos des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Boulard. Une perte à venir est une perte ! Honnêtement, au moment où l’État replie ses dotations, le respect du choix des collectivités locales de garder ou non une ressource devrait être un principe général.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En matière de logement social, le Gouvernement et la législation actuelle exonèrent de taxe foncière les logements sociaux à venir.

On peut jouer sur les mots quant à une perte ou un manque à gagner. Le Gouvernement souhaite développer ces énergies renouvelables et estime qu’il s’agit non pas d’une perte mais d’un manque à gagner. Ensuite, chacun interprétera les choses à sa guise.

Concernant les logements sociaux, j’ai entendu de nombreuses demandes d’exonération de plein droit sur des durées généralement plutôt longues, de mémoire quinze ou vingt ans,…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … voire vingt-cinq ans dans certains cas.

En l’occurrence, une exonération seulement sur sept ans ne peut être considérée comme une perte ; c’est une absence de croissance, mais sur une durée limitée et pour une cause qui nous semble tout à fait intéressante.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je souhaiterais revenir sur l’amendement n° II-121, qui tend à donner un statut particulier aux hangars de stockage des matières entrantes et du digestat. Comment pourrons-nous, sur une exploitation agricole, différencier un hangar où est stocké du fumier – veuillez me pardonner ce terme – pour un autre usage, un stockage agricole classique et un stockage pour les méthaniseurs ? Cela posera des problèmes administratifs sans fin. Aussi, je vous demande de réexaminer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la sénatrice, votre amendement est satisfait par celui qu’a adopté l’Assemblée nationale et visant à étendre l’article 42 au stockage. C’est la raison pour laquelle la commission n’avait pas émis un avis défavorable sur cet amendement, mais avait sollicité son retrait.

M. le président. Madame Primas, l'amendement n° II-121 est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II–121 est retiré.

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Il est incontestable que ces activités créent des emplois, en particulier dans le monde rural. Néanmoins, compte tenu des arguments avancés par M. le rapporteur général, je retire les amendements nos II-155 rectifié ter et II-154 rectifié ter, qui pouvaient d’ailleurs être considérés comme des amendements d’appel.

M. le président. Les amendements nos II-155 rectifié ter et II-154 rectifié ter sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° II-313.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 42 est ainsi rédigé et l’amendement n° II-368 rectifié n’a plus d’objet.

Article 42
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Articles additionnels après l'article 42 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 42

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II–335 rectifié est présenté par M. Lefèvre, Mme Mélot, M. Cambon, Mme Imbert, MM. Charon, Bonhomme, Bizet, César, B. Fournier, Laménie, Perrin, Raison, Delattre, Morisset, Husson et G. Bailly, Mme Deroche et MM. Houpert, D. Laurent, Trillard, Genest et Darnaud.

L'amendement n° II-378 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Cadic et Longeot, Mmes Gatel, Joissains et Férat et MM. Delahaye, Kern et Jarlier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 1382 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 13° Les casiers ou alvéoles de stockage de déchets, autorisés par arrêtés préfectoraux, ne réceptionnant plus de déchets. Le traitement du biogaz issu de ces alvéoles ou casiers de stockage n’est pas de nature à remettre en cause l’exonération. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° II-335 rectifié.

M. Marc Laménie. Cet amendement, dont l’initiative revient à Antoine Lefèvre et plusieurs de nos collègues dont moi-même, vise à clarifier la situation fiscale des installations de stockage de déchets et plus particulièrement la taxe foncière à appliquer.

Il vise à indiquer que les casiers ou alvéoles de stockage ne réceptionnant plus de déchets sont exonérés de taxe foncière sur les terrains bâtis, afin d'éviter une imposition non justifiée du fait de la cessation de l'activité principale de l'exploitation d'une alvéole.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° II–378 rectifié.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement, dont Yves Détraigne a été l’initiateur, vise à clarifier la situation fiscale des installations de stockage de déchets au regard de la taxe foncière à appliquer.

Il importe de distinguer deux régimes fiscaux pour deux phases de vie très différentes d’une installation imposée : la phase d’exploitation des casiers ou alvéoles produisant des revenus, et la phase de suivi d’une durée minimale de trente ans imposée par la loi ne produisant aucun revenu, et sans changement d’affectation du périmètre concerné qui aurait pu changer la destination des terrains.

Si cette distinction n’est pas opérée, l'exploitant restera imposable dans le cadre d'une imposition en foncier bâti alors qu'il ne sera plus en situation de recevoir de recettes au titre de l'activité d'enfouissement. Ainsi, l’exploitant sera conduit à devoir provisionner la somme d'impôt correspondant à cette période de suivi trentenaire. Cette innovation dans l'application des textes conduit donc, selon les situations, à une surcharge qui peut représenter de l'ordre de 18 euros à 22 euros hors taxe par tonne de déchets réceptionnés dans une alvéole, soit près de 20 % du coût actuel estimé selon l’ADEME à environ 79 euros par tonne.

L’incertitude d’interprétation du code général des impôts engendre un certain nombre de contentieux ou de redressement fiscaux qui fragilisent la situation des exploitants de ces installations.

Cet amendement vise donc à indiquer expressément que les casiers ou alvéoles de stockage ne réceptionnant plus de déchets sont exonérés de taxe foncière sur les terrains bâtis afin d’éviter une imposition non justifiée du fait de la cessation de l’activité principale de l’exploitation d’une alvéole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dès lors que les alvéoles telles qu’elles viennent d’être décrites entrent dans la longue liste des exonérations obligatoires de taxe sur le foncier bâti, cela entraînerait ipso facto une perte de recettes non compensées pour les collectivités.

Par conséquent, la commission émet sur ces amendements identiques un avis défavorable, par cohérence avec la position qu’elle a exprimée précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette exonération n’a pas lieu d’être, puisque les installations de stockage de déchets ne cessent pas d’être exploitées lorsque les alvéoles sont pleines. En effet, ces installations font l’objet d’une exploitation pendant une période avec un suivi sur trente ans. Elles continuent naturellement d’être soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties. La taxe foncière est un impôt dû à raison de la propriété d’un bien, quels que soient les revenus qui sont tirés de la propriété.

Le fait qu’aucun revenu ne soit perçu après l’enfouissement des déchets ne signifie pas qu’une installation de stockage cesse d’être exploitée.

Exonérer les installations de stockage à partir du moment où elles cessent d’accueillir de nouveaux déchets pourrait, de proche en proche, conduire à exonérer tous les locaux industriels ou commerciaux dont l’activité a diminué pour des raisons tenant aux risques normaux et prévisibles de la profession.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Compte tenu des explications qui m’ont été données par M. le rapporteur général et par M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement.

M. Marc Laménie. Faisant miens les propos de mon collègue, je retire également mon amendement !

M. le président. Les amendements identiques nos II-335 rectifié et II-378 rectifié sont retirés.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-83 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° II-151 rectifié est présenté par MM. Savary, Bouvard, Cambon, Cardoux et César, Mme Deroche, M. Détraigne, Mmes Estrosi Sassone et Férat, MM. B. Fournier, Gremillet, Husson, Laménie et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Primas et MM. Raison, Revet, D. Robert et Vaspart.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 2° du I de l’article 72 D du code général des impôts, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° Ou l’acquisition d’immobilisations amortissables strictement nécessaires à l’activité agricole et respectueuses des obligations prévues au titre Ier du livre V du code de l'environnement relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement, ou qui permettent de réduire l’impact des produits phytosanitaires sur l’environnement ou économes en énergie dont la liste est fixée par décret ;

« 4° Ou l'acquisition et la création d'immobilisations amortissables strictement nécessaires à l'activité agricole qui s'incorporent à des installations de production agricole et destinées à satisfaire aux obligations visées au 3° du présent I. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L’amendement n° II-83 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° II-151 rectifié.

M. Marc Laménie. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos II-151 rectifié et II–156 rectifié.

Ces deux amendements tendent à modifier le dispositif du code général des impôts qui a été institué par la loi de finances pour 2002.

En effet, les exploitants agricoles sont tenus d’investir en permanence, mais ces investissements coûtent très chers. Nous proposons donc d’utiliser la déduction pour investissement, la DPI, notamment pour l’acquisition ou la création d’immobilisations amortissables qui s’incorporent à des installations de productions agricoles respectueuses des normes environnementales prescrites par le code de l’environnement.

S’agissant de l’amendement n° II-156 rectifié, je précise simplement qu’une réintégration « trop massive » des DPA pratiquées antérieurement aurait nécessairement des conséquences fiscales et sociales qui limiteraient de fait d’éventuels abus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-151 rectifié ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par la loi de finances pour 2012, les immobilisations amortissables ont été exclues du champ des déductions pour investissement. L’existence d’abus semble avoir motivé cette décision.

Cet amendement tend à offrir de nouveau cette possibilité de déduire des investissements de cette nature. La commission y est défavorable : les voies et moyens ne nous précisent pas le coût de cette déduction, mais nous ne souhaitons pas revenir, dans ce domaine, à l’état de la fiscalité antérieur à la loi de finances pour 2012.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Laménie, comme M. le rapporteur général vient de le rappeler, la possibilité d’utiliser la DPI pour l’acquisition d’immobilisations corporelles a disparu en 2012. Il n’est pas envisageable de rouvrir cette possibilité, ne serait-ce que pour le type d’immobilisations que vous venez de décrire.

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.

M. Daniel Raoul. Nous aussi !

M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° II-151 rectifié est-il maintenu ?

M. Marc Laménie. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-151 rectifié est retiré.

M. Jean Germain. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-156 rectifié est présenté par MM. Savary, Bouvard, Cambon, Cardoux et César, Mmes Deroche et Estrosi Sassone et MM. Gremillet, Laménie, Lefèvre, Milon, Mouiller, de Nicolaÿ, Raison, Revet et D. Robert.

L'amendement n° II-224 rectifié bis est présenté par MM. Kern, V. Dubois, Luche et Guerriau, Mme Gatel et MM. Tandonnet, Roche et D. Dubois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 2. Du I de l’article 72 D bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au d), les mots : « pour le règlement des dépenses en résultant » sont supprimés ;

2° À la première phrase du e), les mots : « , dans la limite de cette différence » sont supprimés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L’amendement n° II-156 rectifié a été défendu.

L’amendement n° II-224 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-156 rectifié ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° II-156 rectifié vise à étendre le champ d’un avantage fiscal dont peuvent bénéficier les exploitants agricoles. Plus précisément, ces derniers pourraient retrancher de leurs revenus imposables la déduction pour aléas, la DPA.

Force est de reconnaître que cette déduction pour aléas, notamment climatiques, est somme toute rarement employée. Une telle disposition garantirait une certaine souplesse. Toutefois, la commission s’interroge quant à d’éventuels abus. Voilà pourquoi elle souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur ce problème qui, au demeurant, est bien réel : dans un certain nombre de cas, la DPA est extrêmement difficile à mettre en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout d’abord, je rappelle que la déduction pour aléas a pour vocation d’aider les exploitants agricoles à faire face à des dépenses déterminées.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Par exemple en cas de mauvaises récoltes.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est normal que la mobilisation de l’épargne constituée par ce biais serve à couvrir ces dépenses, et elles seules.

Le raisonnement est le même pour l’atténuation d’un aléa. La part de DPA initialement déduite, qu’il est logique de réintégrer au résultat, est celle qui permet de lisser le bénéfice de l’exercice, et pas davantage.

De surcroît, permettre la reprise de la DPA sans aucune limite serait sans cohérence avec l’incitation à la constitution d’une épargne. Si un véritable aléa survenait au cours des exercices suivants, l’exploitant ne pourrait plus y faire face en puisant dans l’épargne constituée à cette fin, étant donné que ses réserves auraient déjà été consommées de manière arbitraire.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° II-156 rectifié est-il maintenu ?

M. Marc Laménie. Le fait est que la déduction pour aléas est assez peu utilisée. Répétons que son emploi n’est pas aisé. Cela étant, compte tenu des réserves émises par M. le rapporteur général et des explications très détaillées de M. le secrétaire d’État, dont je le remercie, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-156 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-123, présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l’article 42

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin du deuxième alinéa du 3 du I de l’article 72 D bis du code général des impôts, les mots : « taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 » sont remplacés par les mots : « taux d’intérêt légal ».

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas, au nom de la commission des affaires économiques. Cet amendement a lui aussi pour objet la déduction pour aléas qui – ce constat a été rappelé sur les diverses travées – est assez peu employée. Cette dépense fiscale représente à peine 17 millions d’euros par an, somme bien inférieure aux 100 millions d’euros que coûtait la déduction pour investissement, la DPI, avant la réforme survenue il y a deux ans.

Un accord général se dessine en faveur d’un assouplissement de la DPA. Le but est d’en diffuser l’usage. Or l’un des freins à l’utilisation de ce dispositif est le taux d’actualisation des montants épargnés. En effet, au bout de sept ans, si ces sommes ne sont pas utilisées, il faut les réintégrer au revenu imposable, ce qui est bien normal, mais le taux d’intérêt de retard s’élève à 0,4 % par mois, soit 4,8 % par an et 33,6 % pour une période de sept ans. Les niveaux de ces taux sont extrêmement pénalisants, ou, à tout le moins, dissuasifs pour les agriculteurs.

Aussi, cet amendement tend à réviser les taux d’actualisation pour les fixer au niveau du taux d’intérêt légal appliqué aux retards de paiement en droit civil. Pour une assemblée comme la nôtre, une telle disposition semble de sagesse.