M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. … car aujourd’hui ces dernières revendiquent évidemment pleinement leur compétence en matière économique et connaissent bien des difficultés dans l’élaboration de ces schémas pour lesquels nous ne souhaitons pas qu’il y ait « deux poids deux mesures », un schéma qui s’appliquerait à tout le territoire, sauf aux métropoles. Ce n’est pas envisageable, sinon on crée une rupture d’égalité.

Il faut englober les métropoles dans ce schéma, mais dans le même temps, comprenons qu’une métropole à qui nous venons de donner la capacité à devenir un vrai levier, une vraie locomotive économique, doit reposer sur une véritable stratégie, comme pour tous les grands EPCI qui, aujourd’hui, sont des relais de développement économique, de croissance économique par leur action forte en lien avec le tissu économique.

Ce seront autant d’effets démultiplicateurs pour une région qui sera toujours pilote, qui ne sera pas dépossédée, mais qui, au travers d’une organisation réfléchie, portée régionalement, se verra véritablement mise en œuvre avec l’intervention et le soutien de tous.

Dans ces conditions, les métropoles pourront entrer dans un schéma régional, car elles pourront aussi contractualiser. Au travers de cette proposition, nous pouvons régler cet aspect sans mettre en péril l’équilibre de la loi MAPTAM.

Voilà les deux principales modifications que je souhaitais soumettre au Sénat. Je me réjouis que le texte adopté par la commission des lois ait pris en compte ou satisfait partiellement onze des seize amendements que la commission des affaires économiques avait approuvés. Cependant, je suis convaincue qu’il faut encore améliorer le texte pour favoriser la « montée en gamme » des schémas de développement économique par cette fameuse coconstruction et cette contractualisation.

C’est d’ailleurs cette même idée qui a sous-tendu les amendements présentés par la commission des affaires économiques sur la compétence tourisme – je ne m’étendrai pas sur cette question, puisqu’il s’agit de la même logique.

Sous réserve de ces observations et de l’adoption des amendements qui en résultent, la commission des affaires économiques a approuvé l’adoption des volets intervention économique et tourisme du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je tiens à mon tour et en premier lieu à remercier la commission des lois et tout particulièrement ses rapporteurs de leur écoute. Nous avons fait un travail tout à fait intéressant. Il appartenait à la commission des affaires sociales de présenter le volet de l’action sociale des départements. Sur ces points, nos propositions ont été acceptées par la commission des lois.

Nous avons également essayé de bâtir les premières étapes d’une régionalisation de la politique de l’emploi, qui, serait, nous semble-t-il, une avancée majeure au sein du dispositif.

Rappelons le contexte qui a prévalu à nos travaux.

Les départements se trouvaient dans une spirale très particulière lorsque ce projet de loi a été élaboré. Depuis, les esprits ont évolué, et la mobilisation des élus locaux a sûrement porté. Bref, les départements sont préservés ; les choses sont claires maintenant. Mais à quel prix, madame la ministre ?

M. Bruno Sido. Tout ça pour ça !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. À ce propos, je voudrais vous faire part des difficultés rencontrées par le personnel départemental, qui a été particulièrement affecté…

M. Bruno Sido. Exact ! (M. Didier Guillaume s’exclame.)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … par ce manque de reconnaissance manifeste.

MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Oui !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cela mérite d’être souligné de nouveau, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

La notoriété des conseils généraux, collectivités reconnues de proximité et de solidarité, a été sérieusement mise à mal !

M. Jean-Louis Carrère. Les prochaines élections municipales sont dans six ans !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. C’est en tenant compte de ce contexte nouveau que nous avons examiné les articles 23 et 24 du projet de loi.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’article 23 prévoit la possibilité d’organiser, dans le cadre d’une convention, le transfert ou la délégation, du département vers la métropole, de sept groupes de compétences dont six ont trait à l’action sociale – nous étions particulièrement concernés. Dans sa version initiale, le texte disposait que, dans l’hypothèse où aucune convention n’aurait été conclue sur au moins trois des sept groupes de compétences au 1er janvier 2017, leur totalité serait transférée, de droit, aux métropoles.

Là aussi, madame la ministre, où est la cohérence ?

MM. Bruno Sido et Éric Doligé. Bien sûr !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Si vous ne trouvez pas d’entente pour trois compétences, comment imaginer qu’en imposer sept va régler les divergences ?

M. Bruno Sido. Exact !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Aussi, la commission des affaires sociales a estimé que seul le conventionnement volontaire devait s’appliquer. La délégation ou le transfert doivent alors traduire l’existence d’un projet de territoire construit et pensé de façon conjointe par le département et la métropole. Ils doivent en outre être circonscrits à un nombre limité de compétences clairement définies, afin de ne pas créer de distorsions avec le reste du territoire et pour préserver la capacité d’organisation de l’action sociale du département sur l’ensemble de son territoire. C’est le sens des amendements que nous avons portés et sur lesquels nous avons été rejoints par la commission des lois.

À l’article 24, qui supprime la clause de compétence générale des départements, nous avons réaffirmé les deux piliers sur lesquels doit reposer l’action de ces derniers : la solidarité entre les hommes et la solidarité entre les territoires.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Là encore, la commission des lois a partagé notre position.

Enfin, la commission des affaires sociales a tenu à proposer une solution particulière à la question récurrente de l’accueil et de l’accompagnement des mineurs isolés étrangers,…

M. Bruno Sido. Parfait !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … par la mise en place d’un prélèvement sur les recettes de l’État dont l’objet est de compenser une partie des dépenses à la charge des départements. Il s’agit d’assurer une juste répartition des responsabilités de l’État au titre de l’immigration et des départements au titre de l’aide sociale à l’enfance.

M. Éric Doligé. Le Gouvernement est d’accord !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Nous espérons être suivis dans cette proposition.

M. Bruno Sido. Être entendus !

M. Éric Doligé. Bien sûr !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. À ce stade de mon intervention, je ne peux, madame la ministre, que vous faire part de ma frustration. (Sourires compatissants sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Doligé. Allons bon !

M. Roger Karoutchi. Pas ça ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Eh oui !

Le texte que nous examinons constitue le véhicule législatif idéal pour engager des réformes structurelles concernant en particulier l’accueil des jeunes enfants, la politique du logement, les politiques d’insertion ainsi que l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.

Rien de tel n’est proposé dans ce projet de loi. Or les marges de manœuvre dont dispose le Parlement pour enrichir le texte sont très limitées. En effet, les règles de recevabilité financière des amendements empêchent,…

M. Bruno Sido. Elles sont draconiennes !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … à enveloppe de financement constante, tout transfert de compétences d’une personne publique à l’autre.

Nous souhaitons tous rendre plus lisible l’action publique sur nos territoires, mais passer d’une logique de partage, voire d’enchevêtrement parfois, à une répartition claire des compétences nous fait prendre le risque de contrevenir à la Constitution. C’est tout de même inouï !

Pourtant, plusieurs mesures simples seraient à la fois gage d’une efficacité accrue, d’une utilisation plus efficiente des deniers publics et d’une meilleure lisibilité des politiques menées pour nos concitoyens.

La balle est dans le camp du Gouvernement. C’est pour cette raison, madame la ministre, que je vous ai fait parvenir la semaine dernière un courrier – j’ai adressé le double à M. le secrétaire d’État – présentant trois mesures structurelles qui peuvent paraître tout à fait intéressantes.

La première porte sur le financement conjoint par l’assurance maladie et par les conseils généraux des centres d’action médico-sociale précoce, les CAMSP.

La deuxième tend à entamer un rapprochement entre les maisons d’accueil spécialisées, les MAS, et les foyers d’accueil médicalisés à double tarification.

La troisième vise à confier les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, à la compétence départementale, puisqu’elles constituent un niveau supérieur des centres locaux d’information et de coordination, les CLIC. Ainsi, ces dispositifs seraient placés sous la responsabilité de la même collectivité.

Si ces propositions vous intéressent, ce dont je ne doute pas,…

M. Bruno Sido. C’est certain !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … merci d’y répondre !

J’en viens à la régionalisation de la compétence « emploi », que la commission des affaires sociales, relayée par la commission des lois, a introduite dans le présent texte.

Vous le savez, cette question était totalement absente du projet de loi initial, alors qu’elle suscite nombre d’attentes de la part d’un grand nombre d’élus locaux et de sénateurs, indépendamment, du reste, de leur orientation politique.

En effet, dès lors que les conseils régionaux sont compétents en matière de développement économique, d’orientation, de formation professionnelle et d’apprentissage, pourquoi ne pas pousser la logique à son terme en leur confiant la compétence « emploi » ? Pourquoi ne pas faire confiance aux régions, qui sont l’échelon pertinent pour piloter la politique de l’emploi au sein des territoires ? Non seulement elles sont proches des bassins d’emploi mais elles disposent d’une vision stratégique irremplaçable.

C’est bien cette vision stratégique que l’on a invoquée devant nous pour justifier le concept de grande région – pour me convaincre par exemple que Reims, située à trois quarts d’heure de Paris, devait être placée sous l’influence métropolitaine de Strasbourg.

M. Roger Karoutchi. C’est normal ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Et c’est comme ça ! (Mêmes mouvements.)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Si les régions n’ont pas la compétence « emploi », à quoi sert tout ce grand chambardement ? (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Bref, tout ça pour ça…

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Au reste, c’est dans cet esprit que l’Association des régions de France, l’ARF, a proposé d’ériger à titre expérimental les régions en « autorités organisatrices d’accompagnement vers l’emploi », ce qui implique notamment un transfert de crédits et d’agents de l’État.

L’amendement que j’ai présenté à ce sujet ne tend pas à aller aussi loin : il vise simplement à poser les jalons de la décentralisation de la compétence « emploi » vers les régions. Compte tenu des règles de recevabilité financière fixées à l’article 40 de la Constitution, seul le Gouvernement pourrait se montrer plus ambitieux.

Avant de vous présenter les apports du texte de la commission, je tiens à dissiper, à titre préventif, tout malentendu et, partant, à éviter toute polémique inutile. Nous n’avons nullement remis en cause les prérogatives de l’État en matière d’élaboration, de pilotage et de financement de la politique de l’emploi. Les critiques selon lesquelles nous aurions méconnu le principe « qui paie décide » ne me semblent donc pas fondées.

Nous n’avons pas davantage contesté le rôle des services déconcentrés de l’État en matière de restructuration d’entreprises et d’inspection du travail.

Enfin, nous ne modifions en rien les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, lesquelles ont vocation à rester nationales.

Au total, le texte de la commission renforce le rôle de Pôle emploi et des régions, afin de rationaliser le service public de l’emploi.

En la matière, son premier volet porte sur Pôle emploi. Le but est d’en faire un acteur incontournable de la politique de l’emploi.

D’une part, Pôle emploi devra conclure des conventions pluriannuelles de coopération avec tous les autres acteurs de la politique de l’emploi, puis présenter régulièrement des propositions visant à réduire le nombre de ces intervenants et à rationaliser l’organisation du service public de l’emploi.

D’autre part, les conseils régionaux seront, à l’avenir, consultés avant la signature de la convention pluriannuelle nationale conclue entre l’État, Pôle emploi et l’UNEDIC. En outre, les régions bénéficieront d’un siège supplémentaire dédié au sein du conseil d’administration de l’opérateur public.

Parallèlement, Pôle emploi pourra désormais acheter directement des formations collectives si ces dernières présentent un intérêt national – leur liste sera définie par décret –, ce qui permettra notamment de préserver certains centres de formation de rayonnement national de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, qui sont actuellement menacés. Cette situation inquiète nombre de membres de la Haute Assemblée.

Le second volet porte sur le conseil régional, qui sera chargé d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi dans son ressort.

La présidence du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, le CREFOP, sera ainsi confiée au seul président de région (M. Bruno Sido s’exclame.), qui ne partagera donc plus cette attribution avec le préfet de région. Il faut un chef de file, une voix unique pour éviter la cacophonie, les luttes de pouvoir, et pour bousculer les conservatismes.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous le constatez, le texte de la commission traduit un compromis sur cette question essentielle de la régionalisation de la compétence « emploi ». Il constitue une base de travail pour ouvrir le débat : nous n’avons pas la prétention d’avoir épuisé le sujet.

Certains semblent déplorer que l’on change les règles du jeu régissant la gouvernance des CREFOP…

M. Bruno Sido. Et pourquoi pas ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … moins d’un an après leur création par la loi. Or ces comités n’ont même pas tous désigné leur bureau ! (MM. Bruno Sido et Éric Doligé rient.) Il n’est donc pas trop tard : saisissons cette opportunité.

Avant de conclure, je dirai quelques mots de l’accompagnement social vers l’emploi.

Il faut absolument replacer l’individu au centre de politiques d’accompagnement globales,…

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Pascale Gruny. C’est sûr !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … sans se soucier de savoir si le demandeur d’emploi bénéficie ou non du revenu de solidarité active, le RSA. Les actions d’insertion demeureront de la compétence du conseil départemental, mais il faudra mieux les articuler avec les missions du CREFOP, afin de conforter son rôle d’ensemblier des politiques de l’emploi au sens large, à l’échelon régional.

C’est bien à l’échelon départemental d’organiser les missions d’insertion et d’accompagnement social vers l’emploi, quel que soit le statut des publics concernés.

Encore faut-il que les départements en aient les moyens...

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. C’est sûr !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Or les finances départementales sont exsangues…

M. Bruno Sido. C’est un euphémisme !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … du fait des dépenses non maîtrisables du RSA,… .

M. Éric Doligé. La faillite !

M. Didier Guillaume. À qui la faute ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … dont le nombre de bénéficiaires augmente inexorablement. Les départements ne tirent aucune plus-value du financement de ces allocations, dont l’instruction relève des caisses d’allocations familiales et dont les critères d’attributions sont établis par l’État.

M. Bruno Sido. La main sur le cœur !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Quel dommage…

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. … de ne pas avoir saisi l’opportunité de ce projet de loi pour clarifier la situation !

Mes chers collègues, nombre de départements seront bientôt en déficit comptable de fonctionnement si des mesures concrètes ne sont pas mises en œuvre dans les plus brefs délais.

M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ce mouvement se précipitera encore si les routes et les collèges sont confiés aux régions : de telles mesures accentueraient la déstructuration des budgets et plongeraient les finances départementales dans le rouge. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. C’est n’importe quoi !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. En conclusion, maintenir les départements c’est bien (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.), les faire vivre c’est mieux. (Mêmes mouvements.) Créer de vastes régions stratégiques, pourquoi pas ? Mais il est primordial de les rendre dynamiques ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes très chers collègues, dans un contexte général de crise économique profonde et durable, et alors que la portée de l’action des pouvoirs publics subit une désillusion, chacun admet l’importance de simplifier l’organisation territoriale de notre pays.

Depuis quelques années, plusieurs textes ont été débattus et votés par le Parlement sans qu’il en résulte le moindre partage réel du pouvoir de décision, la moindre clarification véritable des attributions. Le présent projet de loi n’échappe pas à cette règle. En effet, il ne s’agit pas à proprement parler d’un nouveau texte de décentralisation.

Pour être pertinente, cette réforme exigeait un préalable, à savoir la réforme de l’État lui-même : il est difficile de parler d’approfondissement de la décentralisation sans que l’État ait d’abord procédé à un examen rigoureux de ses missions. Dès lors, ce projet de loi ne traite somme toute que de répartition de compétences entre collectivités territoriales.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Même si elle n’a pas vocation à traiter de cette réforme de fond dans son ensemble, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ne pouvait rester à l’écart de ce débat. Elle s’est donc saisie pour avis des dispositions du projet de loi relatives à la culture, au sport et à l’éducation, sans oublier le fort impact de cette réforme sur la vie associative.

Cela étant, à travers ces compétences, le présent projet de loi soulève bien des enjeux généraux : on ne saurait se contenter d’un texte désincarné, ignorant les intérêts des publics concernés. Je pense notamment aux plus jeunes d’entre nos concitoyens.

Voilà pourquoi, en matière éducative, notre commission s’est prononcée contre le transfert aux régions des collèges et des transports scolaires. (Mmes Colette Mélot et Catherine Procaccia ainsi que MM. Jean-René Lecerf et Jean-Louis Carrère applaudissent.)

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Deux amendements visant à supprimer les dispositions concernées des articles 8 et 12 du présent texte ont été adoptés par ses soins, et je me réjouis qu’ils aient été repris par la commission des lois. (Mme Jacqueline Gourault opine. – M. Henri Tandonnet applaudit.)

Bien qu’étant à l’origine, sur le papier, plutôt favorable à ces transferts à titre personnel, je me suis efforcée d’en questionner le bien-fondé à l’aune des critères que sont la lisibilité, la proximité, la cohérence et l’efficience de l’action publique.

J’ai tout d’abord dû constater que la nécessité de ces transferts n’était pas certaine. Sans pour autant se satisfaire de l’existant, la commission a fait sienne la conclusion du rapport établi en 2009 par nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault : « L’état actuel de la répartition des compétences [...] apparaît comme globalement satisfaisant : une remise en question pourrait soulever plus de difficultés qu’elle n’en réglerait. »

Vous le savez, en matière éducative, les compétences sont réparties selon un principe simple : à l’État la responsabilité de l’enseignement, aux collectivités la prise en charge des conditions matérielles de l’enseignement. Quant au fonctionnement des établissements, les responsabilités des collectivités répondent à une logique de subsidiarité : les communes prennent en charge l’enseignement primaire et les départements les collèges, tandis que les lycées relèvent des régions.

La gestion des collèges et des transports scolaires constitue avant tout une compétence de proximité. Notre commission juge peu logique un tel transfert au profit des treize grandes régions « stratèges », dont la vocation est le développement économique, l’aménagement du territoire et la planification des formations. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Les nouvelles régions se verraient ainsi embarrassées du transport scolaire de 4 millions d’élèves et du fonctionnement quotidien de 5 271 collèges publics, en plus des 2 513 lycées. Au demeurant, on voit mal comment les élus régionaux pourraient assurer le suivi nécessaire au sein des conseils d’administration.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Le transport scolaire est l’exemple même d’une compétence aux enjeux complexes. Un tel transfert ferait fi de l’expérience acquise par les conseils généraux en la matière.

M. Didier Guillaume. Ne changeons rien…

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Madame la ministre, l’interdiction de la subdélégation tend à créer un dispositif rigide et totalement inadapté aux enjeux. Je rappelle à cet égard que le rapport de MM. Malvy et Lambert excluait expressément les transports scolaires des compétences à transférer aux régions.

De plus, dans ce domaine, l’harmonisation des pratiques tarifaires présente un double danger : celui d’un alignement sur le plus-disant, au risque d’une dégradation supplémentaire des finances locales, ou celui d’une harmonisation par le bas qui alourdirait nécessairement les charges pesant sur les familles.

Parallèlement, chose très étonnante, sur le plan pédagogique, le transfert des collèges aux régions méconnaît les orientations fixées par la toute récente loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée il n’y a guère plus d’un an. Je rappelle que ce texte organise la continuité entre l’enseignement primaire et le collège, notamment par la création d’un cycle de consolidation formé du CM1, du CM2 et de la sixième, et par la réunion d’un conseil école-collège où doivent siéger élus municipaux et départementaux.

De fait, les gains attendus en termes tant financiers que de qualité de service sont plus qu’incertains. À ce sujet, je ne peux que déplorer l’indigence de l’étude d’impact, qui conclut à des économies d’échelle sans avancer le moindre chiffre. Les auditions menées par nos soins ont, hélas ! abouti à ce constat.

En revanche, ce transfert s’accompagnerait à n’en pas douter de dépenses importantes, liées à l’harmonisation des politiques en matière d’équipement ou de numérique, mais également au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services, ou personnels TOS. À lui seul, le coût de l’alignement au mieux-disant des régimes indemnitaires s’élèverait à 120 millions d’euros par an.

C’est pour ces raisons que notre commission s’est prononcée contre ces transferts.

J’en viens aux dispositions relatives aux compétences partagées. Je rappelle qu’il s’agit, pour ce qui nous concerne directement, des domaines de la culture et du sport.

Dans ces deux secteurs, les collectivités territoriales jouent de longue date un rôle essentiel. Chaque année, elles consacrent plus de 7 milliards d’euros à la culture et plus de 12 milliards d’euros au sport, dont 2,9 milliards d’euros pour les seules associations.

Culture et sport ne sont certes pas des compétences obligatoires, mais les collectivités ont massivement investi ce champ depuis trente ans en vertu de la clause de compétence générale dont elles disposent. Les financements conjoints sont importants, même s’ils ne peuvent être précisément évalués. Le monde de la culture et le mouvement sportif nous ont dit combien ils étaient attachés à cette pluralité de financements.

Le projet de loi ne revient pas sur la clause de compétence générale concernant la culture ou le sport. Il leur reconnaît même, à l’article 28, le statut de « compétences partagées ». Il ne saurait s’agir, pour autant, de figer un statu quo, niant ainsi la réalité d’un contexte budgétaire très difficile. Des évolutions sont en cours, vous le savez, qui se traduisent par une répartition progressive des rôles, ne serait-ce que parce que certaines collectivités sont contraintes de faire des choix.

On notera que régions et intercommunalités sont amenées à être de plus en plus impliquées dans les domaines sportif et culturel. S’il est trop tôt pour acter précisément, dans la loi, une répartition des missions par échelon, c’est-à-dire une véritable « compétence répartie », nous devons engager une réflexion en ayant à l’esprit la structuration et la mise en cohérence des politiques concernées, l’efficacité de l’action publique, et donc le service rendu à nos citoyens. Il faut encourager les collectivités à s’organiser au plus près des réalités de terrain, par voie de contractualisation. Notre commission considère que cela est particulièrement nécessaire dans les domaines des enseignements artistiques, de l’enseignement supérieur culturel et des industries culturelles et créatives.

Si le projet de loi consacre donc la compétence partagée, il a aussi pour ambition de simplifier son exercice, en précisant le cadre de la mise en place de guichets uniques. Sur le papier, l’idée est évidemment séduisante et elle s’inscrit dans le vaste mouvement de simplification des démarches de nos concitoyens. En revanche, dans la pratique, qui dit guichet unique dit concertation approfondie en amont entre collectivités et administrations, chacune devant logiquement veiller à ce que la dimension de l’action publique qui lui incombe soit prise en compte. Je ne suis pas certaine que, au total, il n’en résulte pas une suradministration et donc un frein à la mise en œuvre des projets.

Aujourd’hui, nous devons concilier deux principes : le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et le principe d’une responsabilité collective. Dans le contexte général de crise des finances publiques, les collectivités sont de plus en plus contraintes de se désengager de nombreux projets. La ministre de la culture vient d’ailleurs de stigmatiser ces décisions, comme si elles n’étaient pas liées, au moins pour partie, à la baisse des dotations de l’État. Je le regrette. Selon moi, le devoir de l’État serait plutôt d’accompagner les collectivités et de veiller à ce que des pans entiers de la culture ou du sport ne soient pas abandonnés, comme l’ont été les enseignements artistiques, ou de s’assurer que des territoires ne soient pas oubliés,…