M. Bruno Sido. Une loi de transformation !

Mme Chantal Jouanno. Selon nous, il s’agit plutôt d’une loi d’adaptation. Une loi de transition porterait une nouvelle vision de la société. Or on ne s’intéresse pas ici à la consommation, ni à l’empreinte carbone de la France.

Au demeurant, permettez-nous d’avoir quelques doutes et des regrets.

Cela a été dit, on ne peut avoir que des doutes concernant les moyens. Depuis 2012 – en réalité, vous n’y êtes pour rien, madame la ministre ! –, le Gouvernement a diminué de 1,65 milliard d’euros le budget du ministère de l’écologie, soit presque 20 % de son budget, ce qui a entraîné une baisse du budget de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

De plus, l’écotaxe poids lourds a été abandonnée ; le groupe UDI-UC tenait à cette mesure.

En outre, les objectifs fixés pour la troisième période des certificats d’économies d’énergie sont dérisoires.

Voilà pourquoi nous avons des doutes sur les moyens octroyés.

Du reste, nous n’aimons pas le discours sur l’écologie punitive. Selon nous, l’écologie, la vraie écologie, est systématiquement positive.

Quoi qu’il en soit, c’est dans un esprit plutôt bienveillant et d’ouverture que nous abordons ce débat. Nous sommes dans l’opposition constructive. D’ailleurs, en juin 2014, nous avions déposé une proposition de résolution sur la transition énergétique, mais nous n’avons jamais pu en discuter, ce que nous regrettons.

Cependant, nous restons ouverts, en défendant trois idées fortes, qui définiront notre position quant à notre vote.

Tout d’abord, ce texte est trop centralisateur à notre goût – nous ne partageons pas la vision de nos collègues du groupe CRC. Il ne fait pas assez confiance aux territoires.

Nous allons proposer la liberté d’expérimentation des collectivités dans tous les domaines permettant de répondre à l’objectif fixé à l’article 1er du projet de loi. À cet égard, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse.

Madame la ministre, vous affirmez souvent dans vos discours que les collectivités sont les plus efficaces et les mieux à même de porter la transition énergétique. Dès lors, pourquoi n’avez-vous pas d’abord présenté ce projet de loi devant le Sénat ?

M. Jacques Mézard. On veut le supprimer !

Mme Chantal Jouanno. C’est le Sénat qui représente les collectivités territoriales ! Nous l’avions fait pour le Grenelle 2, parce que nous faisions confiance au Sénat. Nous aurions aimé que vous fassiez de même.

Ensuite, la deuxième idée forte concerne la question de la réforme fiscale.

Selon nous, le système fiscal français est aujourd'hui un frein à la transition écologique et, plus globalement, à la croissance économique. En Europe, nous sommes les premiers en termes de taxation de l’emploi et des facteurs de production et les avant-derniers pour ce qui concerne la fiscalité écologique.

Nous proposons non pas une augmentation de la fiscalité écologique, mais un basculement de la fiscalité pesant sur la production vers la fiscalité écologique.

Si nous prenons l’exemple des meilleurs élèves européens que sont le Danemark ou la Suède, nous pourrions faire basculer de 30 milliards à 35 milliards d’euros. Nous défendrons des amendements en ce sens, et je ne doute pas qu’ils vont être accueillis avec enthousiasme dans l’ensemble de l’hémicycle. (Rires.)

Enfin, – c’est la troisième et dernière idée forte, même si celle-ci peut vous sembler plus anecdotique – nous devons adopter – c’est important ! – un plan de programmation de l’énergie. De même, nous devons adopter un plan de programmation des ressources stratégiques, afin d’avoir une vision prospective.

En 2025 – c’est demain ! –, la Chine captera 50 % des matières premières mondiales. Des tensions extrêmement fortes apparaîtront pour ce qui concerne des matières qui peuvent paraître très simples, très basiques, comme le zinc, l’aluminium ou encore le cuivre. De telles tensions apparaîtront également sur des matières dites mineures, mais stratégiques, telles que le tantale, le gallium, les terres rares. (M. Jean Desessard applaudit.) Ces ressources sont cruciales dans quatre secteurs d’activité : la chimie, l’automobile, l’aéronautique…

M. Marc Daunis. L’électronique et le numérique !

Mme Chantal Jouanno. … et la pharmacie. Or ces secteurs d’activité représentent un tiers de notre PIB. D’où l’intérêt de voter aussi un plan de programmation des ressources. J’insiste sur ce point, car elle est souvent la grande oubliée de nos débats relatifs à l’écologie.

Mes chers collègues, nous avons déposé quarante-trois amendements – vous le constatez, nous avons été très raisonnables ! –, soit presque un amendement par sénateur UDI-UC !

M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis de la commission des finances. Heureusement que vous n’êtes pas 150 !

Mme Chantal Jouanno. Si vous êtes gourmands, mes chers collègues, vous pourrez en adopter beaucoup plus, car j’en ai déposé soixante-cinq ! (Sourires.) Toutefois, il suffirait que vous adoptiez les trois orientations que j’ai évoquées à l’instant pour que nous ayons une vision extrêmement positive et optimiste du texte qui nous est ici proposé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)

Un sénateur du groupe socialiste. Chantage !

Organisation de la discussion

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Articles additionnels avant l’article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, pour une meilleure organisation de nos débats, la commission souhaite que l’amendement n° 79 soit disjoint des amendements en discussion commune et examiné séparément, car il réécrit l’article 5, dans son ensemble, un article important relatif à l’amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments.

Mme la présidente. Je suis saisie par la commission d’une demande d’examen séparé de l’amendement n° 79 portant rédaction globale de l’article 5.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)

M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. René Danesi.

M. René Danesi. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les présidents de commission, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, ce projet de loi sur la transition énergétique vise à graver dans le marbre des objectifs qui relèvent plus de l’acte de foi que du réalisme. Cela est particulièrement vrai pour la part du nucléaire dans la production d’énergie électrique.

En effet, le projet de loi initial prévoit dans l’article 1er de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 », et dans l’article 55 de plafonner la capacité de la production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 gigawatts.

Ces objectifs gouvernementaux sont irréalistes. Le volume de la consommation électrique dépend d’un ensemble de facteurs et, en premier lieu, de la croissance économique, qu’il serait suicidaire de vouloir brider de facto.

Étrange idée également que de vouloir plafonner la capacité de production d’électricité d’origine nucléaire à son niveau actuel, c’est-à-dire de fermer en 2017 au moins deux réacteurs en parfait état de marche, au simple motif de la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Ces objectifs sont surtout dangereux pour notre économie, et pour la qualité de vie de nos concitoyens.

Défendre lesdits objectifs, c’est ignorer que le nucléaire assure la base de notre production électrique, soit 77 % de la production en 2013, et que l’hydraulique et les centrales thermiques ne font que l’appoint.

C’est ignorer que cette production électrique est la moins chère d’Europe, à raison de 54,4 euros par mégawatt selon la Cour des comptes, ce qui donne un avantage compétitif aux entreprises françaises – et c’est bien le seul que l’État leur donne actuellement.

C’est ignorer le poids des entreprises françaises, telles Areva et EDF, dans le secteur nucléaire mondial.

C’est ignorer que le plafonnement de la production électrique supprimerait des milliers d’emplois dans les territoires concernés par l’arrêt des réacteurs.

C’est ignorer que l’objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre est contradictoire avec la réduction de la part du nucléaire, dont le bilan carbone est nul.

C’est ignorer, enfin, que les autres formes de production d’électricité, dites « renouvelables », ne sont pas en mesure de remplacer rapidement le nucléaire dans les délais fixés. Un tel « mix énergétique » est d’ailleurs infaisable sans investissements massifs sur le réseau de transport de l’électricité,…

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. René Danesi. … avec la création de lignes de 400 000 volts, ce qui nous promet des occupations de zones à défendre par les Zadistes.

Élu Alsacien, j’en viens plus précisément au problème de la centrale de Fessenheim, qui illustre parfaitement les problèmes posés par une promesse électorale hâtive.

De quoi accuse-t-on la centrale de Fessenheim ? D’être la plus âgée ! Certes, elle a été raccordée au réseau en 1977. Mais elle est parfaitement entretenue et sa sûreté n’est absolument pas en cause : 400 millions d’euros viennent d’y être investis à cet effet. Elle répond parfaitement aux exigences post-Fukushima, et elle a obtenu en 2013, de la part de l’Autorité de sûreté nucléaire, une nouvelle autorisation décennale d’exploitation.

Vouloir fermer cette centrale, c’est oublier qu’EDF n’en est pas la seule propriétaire, et qu’elle doit partager la production d’électricité avec trois compagnies privées suisses – en l’occurrence Alpiq, Axpo et BKW – et avec la compagnie allemande EnBW, propriété du Land de Bade-Wurtemberg. L’indemnisation de ces quatre compagnies, dont le droit de tirage sur la production d’électricité de Fessenheim est de 32,5 %, est chiffrée à 1,5 milliard d’euros. On n’en parle jamais !

Et c’est bien évidemment oublier qu’il n’y a pas de solution de remplacement valable pour alimenter l’Alsace en électricité, avec une réelle garantie de fiabilité.

Nos commissions nous proposent un texte heureusement amendé qui relève le plafond des capacités de production électrique nucléaire à 64,85 gigawatts, qui conditionne l’objectif de réduction de 50 % du nucléaire dans la production d’électricité au maintien de l’indépendance énergétique de la France, au maintien d’un prix compétitif de l’électricité, et à l’absence d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, comme c’est actuellement le cas en Allemagne, devenue grande consommatrice de charbon et de lignite.

En conclusion, le vert et vertueux projet de loi présenté par le Gouvernement oublie que la fermeture accélérée des centrales nucléaires aura un coût exorbitant. L’Allemagne est en train de le constater. Mais elle peut s’offrir ce changement accéléré. On me permettra de douter que la France, elle, en ait les moyens financiers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Annick Billon et M. Daniel Dubois applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’aménagement et de l’équipement du territoire a été saisie au fond de plus de la moitié des articles du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Tout d’abord, l’article 1er pose les orientations et les objectifs de la politique énergétique. Nous les partageons globalement, qu’il s’agisse de renforcer l’indépendance énergétique de la France ou de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les moyens pour y parvenir ont été portés eux-mêmes au rang d’objectifs, à savoir diminuer notre dépendance aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables dans la production énergétique. Par ailleurs, diminuer la part du nucléaire est un objectif destiné à réduire une production d’énergie à haut risque, surtout lorsqu’elle est entre les mains du marché – faut-il le dire ?

Le projet de loi décline ensuite les moyens à mettre en œuvre afin de répondre à l’urgence climatique. La commission du développement durable a ainsi travaillé sur les propositions relatives aux transports et au développement de formes de mobilité propre, et sur celles qui concernent la qualité de l’air. Elle a examiné le titre IV, relatif à l’économie circulaire et à la politique de gestion des déchets, ainsi que les dispositions ayant trait à la gestion du risque nucléaire, et les mesures en faveur des énergies renouvelables et des territoires à énergie positive.

En premier lieu, le projet de loi comporte des mesures intéressantes dans le secteur des transports, dont nous savons qu’il est le plus fort émetteur de CO2. Nous regrettons cependant la faiblesse normative de certaines dispositions. Ainsi, le chapitre Ier A, qui entend donner la priorité aux modes de transports les moins polluants « encourage » seulement les expérimentations de logistique urbaine afin de réduire les impacts environnementaux en ville des « derniers kilomètres de livraison ». L’article 9 B sur le report modal du transport routier par véhicule individuel reste de l’ordre du déclaratoire.

Le projet de loi entend également renforcer l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables dans les transports. L’exemplarité des personnes publiques et des entreprises est à ce titre indispensable. Lors du renouvellement d’un parc de véhicules, la part de véhicules propres doit répondre à un objectif de 50 % pour l’État et ses établissements publics, et de 20 % pour les collectivités territoriales et leurs groupements. C’est une mesure qui a priori va dans le bon sens. Cependant, il faudra tenir compte de la taille et des moyens des collectivités. Dans certaines collectivités, il n’y a qu’un véhicule !

Nous partageons, ensuite, le dispositif de l’article 9 bis qui définit une stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et leur alimentation. Il s’agit là de réduire nos importations de pétrole et nos émissions de gaz à effet de serre. La commission du développement durable a inclus dans ce dispositif les questions de diminution de la consommation des véhicules, avec la nécessité d’agir sur les reports modaux. Nous regrettons que ne soient pas abordées la question du fret ferroviaire, celle de la fermeture des lignes secondaires, l’autorisation de circulation des 44 tonnes et les questions d’urbanisme avec l’étalement urbain. Mais nous y reviendrons lors de l’examen du titre III.

Pour conclure provisoirement sur les transports, force est de constater que certaines mesures répondent à des problématiques très urbaines. Je pense en particulier à l’article 9 bis A qui prévoit la mise à disposition gratuite pour les salariés d’une flotte de vélos. Des efforts restent à faire pour que soit assurée sur l’ensemble du territoire, y compris en zone rurale, la mobilité durable, en évitant par exemple d’éloigner les salariés de leur lieu de travail.

En second lieu, concernant la pollution de l’air, et particulièrement l’exposition aux particules, nous partageons les propositions du projet de loi qui renforcent les réglementations. Ainsi, l’article 17 inscrit dans la loi la planification sur la pollution atmosphérique. Nous proposerons d’ailleurs dans ce sens un amendement visant à agir sur l’exposition des travailleurs et des usagers aux particules fines dans les transports.

Enfin, je voudrais aborder le titre IV, qui entend lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire. La question de la prévention et de la réduction des déchets est au cœur de ce titre. Il est important, selon nous, que l’économie circulaire soit clairement définie comme une économie de proximité, ancrée dans les territoires et garantissant des emplois pérennes. C’est dans ce sens que nous avons défendu le respect du principe de proximité, désormais inscrit dans le projet de loi. Il faut engager des actions sur l’organisation de la production, l’éco-conception, le cycle de vie des produits. L’inscription de la lutte contre l’obsolescence programmée est un premier pas.

S’agissant de la politique de gestion des déchets ménagers et assimilés, il nous faut conforter le service public en ce domaine et faire confiance aux collectivités territoriales, qui mettent en œuvre, en tenant compte de leurs problématiques locales, les projets les plus adaptés à leur territoire.

Pour conclure, sur les articles délégués au fond à la commission du développement durable, madame la ministre, nous partageons globalement les objectifs du projet de transition énergétique et de croissance verte.

Comme vous, nous sommes convaincus qu’il faut agir vite et fort. Pour cela, non seulement la transition énergétique a besoin de financements importants, mais il faut également repenser globalement les échanges économiques et agir pour consommer moins et distribuer mieux afin de répondre à l’urgence sociale et environnementale. Il n’est pas sûr que ce projet de loi réponde à lui seul à ces attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, tout a déjà été dit, ou presque… Ce projet de loi est très bon, excellent même – surtout dans ses ambitions ! (Sourires.)

Mettre en place un nouveau modèle énergétique français, plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif, créateur de richesses, d’emplois durables et de progrès, voilà assurément une bonne perspective, nécessaire à notre pays ; j’en accepte volontiers l’augure.

À titre personnel, je dois dire que je n’ai jamais cru au Grenelle de l’environnement. Je me suis, bien sûr, félicité des intentions exprimées dans ce cadre ; seulement, sur les centaines de mesures annoncées, il y en avait deux tout au plus qui étaient financées… Comme disait mon excellent ami Georges Frêche, recevant à Montpellier le non moins excellent M. Borloo : Borloo, il promet beaucoup, mais il donne peu ! (Sourires.) En tout cas, il faut éviter cet écueil.

Heureusement, madame la ministre, vous avez eu le souci louable de fournir aux territoires une boîte à outils, contenant plusieurs mesures et des appels à projets. Voilà qui change considérablement du Grenelle de l’environnement !

Reste que ce projet de loi est trop technique. Il faut s’imaginer qu’on s’adresse aux élus, et même à tous les Français, qui, en théorie, devraient l’adopter. Or il comprend un très grand nombre d’articles, traitant de sujets aussi complexes que le développement des énergies renouvelables, la promotion de la mobilité durable, l’économie circulaire, la lutte contre la précarité énergétique et la rénovation thermique. Cette complexité, je la regrette, même si je sais qu’il est très difficile de l’éviter. Le fait est que le projet de loi est technique et lourd, en plus d’être gigantesque.

M. Alain Bertrand. En vérité, connaissez-vous un Français, exception faite des passionnés, de nos collègues du groupe écologiste et de certains autres parlementaires, qui le lira entièrement ? (Sourires.)

M. Roland Courteau. Nous l’avons bien lu !

M. Alain Bertrand. J’oubliais, il est vrai, M. Courteau et les Audois : après avoir bu un excellent Corbières, ils pourraient arriver à le lire ! (Nouveaux sourires.)

Je rêvais, moi, d’un projet de loi qui simplifie les procédures, tout en fixant un cadre financier plus précis pour les décideurs, citoyens, entreprises et collectivités territoriales. Sur le terrain, nous avons des idées ! Seulement, un cadre financier est nécessaire à leur développement.

J’ai vu que les appels à projets avaient suscité de nombreuses réponses, par exemple dans les domaines de la méthanisation, de l’éolien et du photovoltaïque, mais aussi de la petite hydroélectricité. Moi qui suis président de fédération de pêche, je suis favorable à une génération nouvelle de petite hydroélectricité, sans nuisances et acceptable.

Je le répète : le projet de loi manque de précision et de clarté.

Si certaines dispositions, comme l’extension de l’expérimentation ou l’autorisation unique dans le domaine énergétique, vont dans le bon sens, l’ensemble du cadre administratif et réglementaire reste trop lourd, parfois trop contraignant, toujours trop compliqué, pour les entreprises et pour les collectivités territoriales, donc pour les citoyens.

Voilà dix ans que, en Lozère, j’essaie de développer un parc d’éoliennes participatif. Tout le monde conteste, manifeste : bref, c’est un foutoir complet ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. C’est le parcours du combattant !

M. Alain Bertrand. J’avais pensé : je trouverai dans le projet de loi de Mme Royal les réponses dont j’ai besoin. Or je ne vois rien, à l’article 38 bis du projet de loi, qui me permette d’espérer que mon parc éolien participatif verra le jour !

En ce qui concerne la méthanisation, le projet de loi se borne à ajouter un article au code de l’environnement. En Lozère, un article est paru sur ce sujet : aussitôt, 250 manifestations se sont produites, alors que personne ne sait ce qu’est la méthanisation ! (Sourires.) En Allemagne, pourtant,…

M. Gérard Longuet. Il y en a partout !

M. Alain Bertrand. … cette technique est utilisée partout : toutes les fermes neuves disposent d’une cloche à méthanisation, et aussi de panneaux photovoltaïques. Or les Allemands et les autres Européens, ce sont des gens comme nous ! (Rires.)

Je crois donc, madame la ministre, qu’on peut encore apporter du « punch » à votre projet de loi.

Je suis attaché au problème de la cogénération car, à Mende, nous disposons d’un réseau de cogénération biomasse qui est, je crois, le plus grand de France. Or, sur ce sujet aussi, le projet de loi reste un peu vague, même si le texte de la commission prévoit un plan stratégique national destiné notamment à « développer des synergies avec la production électrique par le déploiement et l’optimisation de la cogénération à haut rendement ». Dans quelles proportions, à quel coût, avec quelles aides ? Toutes précisions qui manquent, même si nous savons que, outre l’État, de nombreux acteurs peuvent collaborer : l’Union européenne, l’ADEME et les régions.

Je crois que les territoires et les collectivités territoriales ont de fait un rôle fondamental de moteur à jouer dans la mise en œuvre de la transition énergétique. De ce point de vue, madame la ministre, on peut dire que vos appels à projets visent le cœur du sujet.

Tous les maires savent d’expérience que les bâtiments communaux comme les écoles, les centres sociaux, les édifices institutionnels ou les gymnases et méga-gymnases sont de véritables passoires thermiques.

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet !

M. Alain Bertrand. Si leur rénovation était financée, ou si du moins on engageait un processus permettant aux élus, notamment aux présidents de communauté de communes, d’entrevoir les modalités d’un cofinancement de ce chantier, nous savons tous qu’une étape importante serait franchie, car là réside la première source d’économies énergétiques pour notre pays.

Cet exemple illustre, à mon sens, la nécessité d’une vraie stratégie financière. Je sais bien, madame la ministre, que les temps sont difficiles ; mais il faut savoir s’il s’agit d’une priorité ou non. Je crois que c’en est une pour vous, et que vous avez l’oreille du Premier ministre et du Président de la République.

Bien que le projet de loi soit bon, il manque, sur ce sujet comme sur d’autres, de pragmatisme et de bon sens. Le pragmatisme et le bon sens sont pourtant la clé de la compréhension des mesures par les élus et par les citoyens. Or, si elles sont comprises, elles susciteront un effet d’entraînement politique, qui se répandra dans tout le pays.

Prévoir, planifier au niveau local, aider financièrement, favoriser les mesures de bon sens et fixer des objectifs clairs par moyens de production : tels sont les principes que nous devons avoir à l’esprit.

Quand un élu sollicite le préfet ou le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement au sujet d’un projet de développement éolien, il s’entend répondre : mon pauvre, le schéma régional de développement éolien ne prévoit rien de tel ! Sans compter que la moitié des élus du département sont contre le projet pour satisfaire leur électorat. Et puis, il en va de ces projets comme des autoroutes : il suffit que le tracé passe par le terrain du cousin d’un conseiller municipal pour que tout soit bloqué !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Bertrand. Madame la ministre, vous auriez dû fixer des objectifs de production par secteur : tant pour la méthanisation, tant pour l’éolien et tant pour la petite hydroélectricité. Ainsi, vous auriez favorisé la transition entre le nucléaire, un secteur qui nous est cher à tous et dans lequel nous devons maintenir notre avantage, et les énergies renouvelables, que nous souhaitons tous développer.

M. le président. Concluez, monsieur Bertrand !

M. Alain Bertrand. En définitive, je suis de l’avis de Jacques Mézard et de Didier Guillaume – qui n’ont pas des points de vue tellement opposés, pour une fois (Sourires.) – : ce projet de loi est très positif et ambitieux, mais veillez, madame la ministre, avec le concours du Sénat, à l’améliorer encore, en vue d’une plus grande simplicité ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Nous allons nous y employer !

M. le président. Veuillez vous efforcer, mes chers collègues, de respecter le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que la France accueillera, à la fin de cette année, la conférence sur le climat, les enjeux énergétiques, au niveau tant national que mondial, sont plus que jamais au centre des attentions. Annoncé comme l’un des chantiers les plus importants du quinquennat, le projet de loi dont nous avons débuté l’examen cet après-midi était donc très attendu.

Il s’inscrit dans la continuité des deux Grenelles de l’environnement, brillamment menés par Jean-Louis Borloo, n’en déplaise à notre collègue Alain Bertrand. Aussi les sénateurs du groupe UDI-UC portent-ils un regard d’ensemble assez positif sur les intentions qui ont inspiré ce projet de loi. Force est pourtant de constater que son contenu n’est pas à la hauteur des attentes des professionnels et des élus.

Une nouvelle fois, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, alors que ce projet de loi mérite un examen approfondi : le nombre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale comme au Sénat témoigne de l’importance des travaux à mener sur les enjeux énergétiques. Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi ne pas avoir laissé la procédure législative suivre son cours normal ? Il est, d’ailleurs, encore temps de le faire : vu que nous attendons ce projet de loi depuis le début du mandat du Président de la République, je ne crois pas que quelques semaines d’examen supplémentaires poseraient problème ; je pense au contraire qu’une deuxième lecture apporterait une plus-value évidente aux réflexions engagées.

Je commencerai par dire quelques mots de la forme du projet de loi.

Il conjugue des déclarations d’objectifs dénuées d’effet immédiatement identifiable avec une multitude de petits détails techniques, parfois à la limite du domaine réglementaire et dont la portée financière et technique est difficile à appréhender. Il manque également de cohérence sur les objectifs qu’il affiche : des objectifs bien trop ambitieux compte tenu des outils et des financements mis à la disposition des acteurs de la transition. En effet, aucune traduction financière des ambitions exposées n’est présentée !

De même, en ce qui concerne l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, un domaine où des mesures étaient très attendues, le projet de loi ne prévoit aucun engagement financier d’envergure ni aucun chiffrage.

Certaines de ses dispositions aggravent même les contraintes administratives déjà très lourdes ; je pense en particulier au carnet numérique de suivi et d’entretien du logement, qui me semble totalement inapproprié pour le patrimoine immobilier déjà bâti. J’ai déposé sur ce sujet un amendement dont nous débattrons un jour prochain.

Nous attendons, en effet, des réponses concrètes aux dérives de la complexité normative. Madame la ministre, où est l’analyse coûts-avantages des nouvelles normes que vous souhaitez imposer ?

Près des deux tiers des 4 000 maires qui ont répondu au questionnaire sur la simplification lancé par le président Larcher à l’occasion du dernier congrès des maires ont désigné l’urbanisme, et un quart l’environnement, comme secteur prioritaire de la simplification des normes. C’est à cette attente, madame la ministre, que le Gouvernement et les parlementaires doivent répondre, en instaurant plus de souplesse et non plus de complexité.

Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de traiter de l’ensemble des mesures que le projet de loi comporte. Je souhaite seulement souligner l’intérêt que présentent certaines d’entre elles.

Je pense en particulier au développement du recyclage et du réemploi, ainsi qu’à la valorisation des déchets. À cet égard, l’interdiction des sacs plastiques à usage unique qui, ne se dégradant pas, provoquent une importante pollution constitue une avancée très positive. J’ai déposé un amendement visant à étendre cette interdiction aux emballages de journaux et de publicité destinés à l’envoi postal à compter de 2020, échéance qui permettra une transition progressive pour les acteurs de la filière.

Les dispositions relatives aux véhicules propres méritent également d’être soutenues. En effet, la stratégie nationale pour le développement de ces véhicules constitue, à mon sens, un point fort du projet de loi. Seulement, madame la ministre, pourquoi n’avoir traité du transport que sous ce seul aspect ? De fait, les autres modes de transport sont totalement passés sous silence, ce qui est assez décevant.

Enfin, j’appuie également les mesures visant à mieux informer le public sur la filière nucléaire, filière d’excellence et outil de compétitivité auxquels le groupe centriste est très attaché. À ce propos, nous regrettons que les arbitrages financiers qui s’imposent entre le soutien à cette filière et les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables, qui sont considérables comme le montre la contribution au service public de l’électricité, ne soient pas inscrits dans le projet de loi.

En vérité, des choix financiers lucides devraient aujourd’hui être opérés : soutenons le mix énergétique à partir des énergies renouvelables rentables qui font leurs preuves, et laissons de côté celles qui constituent aujourd’hui un gouffre financier !

Madame la ministre, votre projet de loi est trop national et trop centralisateur.

En effet, la transition énergétique que vous proposez ne réserve aucune place aux enjeux européens. Comme nos collègues centristes de l’Assemblée nationale, nous pensons que ce n’est pas ce projet de loi qui insufflera l’élan nécessaire en faveur d’une ligne européenne forte et commune ; de ce point de vue, il représente un vrai rendez-vous manqué. Au vrai, sur quels sujets nous sommes-nous concertés avec nos voisins européens en termes de recherche, de coordination et d’échange dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’accès aux matières premières nécessaires à notre industrie ?

Le projet de loi est également trop centralisateur et contraignant pour les acteurs locaux. Or notre groupe est convaincu que la transition énergétique se fera par les territoires : c’est pourquoi il aurait fallu donner aux collectivités territoriales une réelle compétence énergétique et intégrer au projet de loi des mesures en ce sens. À cet égard, je soutiens la démarche de ma collègue Chantal Jouanno, qui a déposé un amendement visant à faire confiance au terrain et aux collectivités territoriales en donnant à ces dernières la possibilité de procéder à des expérimentations dans l’ensemble de leur champ de compétence, afin de participer à la réalisation des objectifs fixés.

Il conviendrait aussi de desserrer l’étau imposé par la baisse des dotations de l’État, qui empêche les collectivités territoriales d’investir, faute de capacités de financement suffisantes.

En définitive, il me semble que ce projet de loi aux multiples mesures et objectifs n’est pas de nature à entraîner une réelle transition ni à lancer une dynamique permettant à la France de se fixer un cap national et de s’imposer au niveau international comme moteur incontournable d’un modèle énergétique novateur. Les sénateurs du groupe UDI-UC réservent leur vote : ils se détermineront en fonction de la discussion des amendements et des avancées qui en résulteront. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. René Danesi applaudit également.)