Mme Ségolène Royal, ministre. Elle avait même été annoncée et signée par trois ministres, comme l’a rappelé le rapport Battistel. C’est en remettant en cause ces signatures ministérielles et en recherchant une idée neuve que nous avons pensé à la création de sociétés d’économie mixte, qui permettent justement de maintenir le contrôle public sur les concessions hydrauliques.

Il est important de le rappeler, nous avons en France deux régimes juridiques. La concession est le régime de la plus grande partie du parc hydroélectrique français. Cela signifie que l’État a la propriété des ouvrages construits par le concessionnaire, les contrats de concession permettant un encadrement strict de toutes les actions des exploitants. C’est ce régime que je vous propose d’adopter, et non pas l’autre régime français, à savoir le système d’autorisation, où l’encadrement réglementaire se fait au titre de la police de l’eau. Il s’agit là d’une privatisation des ouvrages, et les contrôles de l’État sont limités.

Aujourd'hui, les contrats de concession, qui avaient été attribués pour une durée de soixante-quinze ans, arrivent à échéance. À ce jour, quatorze sont déjà échus et trois autres arrivent à échéance en 2014 et 2015. Ces dix-sept concessions représentent trente-six ouvrages, pour une puissance installée de 2 800 mégawatts répartis dans dix vallées. Il est donc important de prendre une décision dans le cadre du renouvellement de ces différentes concessions.

J’ajoute que le choix du régime de la concession n’a pas été fait partout en Europe. D’autres pays, comme l’Allemagne, la Suède ou la Finlande, ont fait le choix de la privatisation de l’énergie des cours d’eau. Dans ces pays, les barrages sont la propriété des électriciens. Par conséquent, nul besoin d’une ouverture à la concurrence, puisque ces ouvrages sont déjà privatisés.

La France ne fait pas ce choix, au contraire ! Je réaffirme ici notre attachement au maintien du régime de la concession, qui constitue un outil efficace pour que les barrages restent un patrimoine national. L’État doit en effet conserver des marges de manœuvre importantes pour concilier les usages de l’eau et percevoir à la source les bénéfices économiques de l’hydroélectricité. Je pense également aux collectivités territoriales qui rentreront au capital des sociétés d’économie mixte.

Vous l’avez dit, monsieur Chiron, les collectivités locales ne peuvent pas, aujourd'hui, entrer au capital d’une société produisant de l’hydroélectricité. Une telle possibilité est donc nouvelle. La structure des sociétés d’économie mixte prévoit une entrée au capital d’un pôle de partenaires publics, constitué de l’État, des collectivités concernées qui le souhaitent et des investisseurs publics de la Caisse des dépôts et consignations. À l’heure où je vous parle, l’Agence des participations de l’État et la Caisse des dépôts et consignations se sont déclarées intéressées par une entrée au capital de ces sociétés d’avenir. En effet, il s’agit de bons placements ! Je suis convaincue que les collectivités territoriales prendront des participations, dans la mesure où elles bénéficieront d’un retour sur investissement grâce aux redevances qui seront versées.

Que les choses soient bien claires : la participation des partenaires publics sera au minimum de 34 %. Je déposerai d’ailleurs un amendement prévoyant que cette participation s’échelonne de 34 % à 66 %. Il convient d’ajouter à cela le fait que l’opérateur privé peut être, comme c’est le cas aujourd'hui, EDF ou GDF-Suez pour la totalité. Ainsi, avec des opérateurs énergéticiens que nous connaissons bien, 66 % du capital de ces sociétés peut être possédé par des partenaires publics. Par conséquent, je ne peux pas laisser dire qu’il y a une privatisation de l’hydroélectricité. Au demeurant, grâce à l’amendement que je défendrai tout à l’heure, vous devriez être totalement rassurés sur ce point. Je précise que le dispositif des sociétés d’économie mixte hydroélectriques renforcera le contrôle public sur l’exploitation des concessions, en instaurant la présence au capital d’un pôle public.

Il convient de conditionner la prolongation des concessions aux investissements, pour que l’hydroélectricité, la houille blanche, comme l’on disait autrefois, reste ce pôle d’excellence majeur auquel la France est très attachée et qui constitue aujourd'hui le pilier de la transition énergétique et des énergies renouvelables françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 111 est présenté par MM. Ravier et Rachline.

L'amendement n° 511 est présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 111 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 511.

M. Jean-Pierre Bosino. Nous continuons à penser qu’il existe bien une démarche visant à « casser » le service public. Nous avons entendu que la participation des partenaires publics s’échelonnera de 34 % à 66 %. Si c’est 66 %, on peut discuter…

Vous nous avez expliqué, madame la ministre, que les collectivités pourront investir. Mais quelles collectivités pourront investir dans ces concessions avec une baisse des dotations de 11 milliards d’euros ? Au demeurant, nous ne comprenons pas pourquoi nous devons remettre en cause un système qui fonctionne bien. Roland Courteau a proposé de prolonger les concessions telles qu’elles existent à l’heure actuelle. Nous sommes favorables à une telle solution.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement de suppression de l’article 28.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. J’ai peur que le remède que vous proposez avec cet amendement, monsieur Bosino, soit pire que le mal que vous dénoncez. Vous êtes fidèle à votre logique : vous êtes contre l’ouverture à la concurrence. Mais c’est précisément un problème de logique ! En supprimant l’article 28 proposé par le Gouvernement, qui prévoit une prolongation de la durée de vie des concessions dans le cadre d’un regroupement par vallée, on reviendrait au système antérieur, ce qui signifie que nous devrions respecter l’obligation émanant de Bruxelles.

L’article 28 est important : il prévoit que le regroupement de concessions est possible dans les vallées où opèrent des concessionnaires différents, que les délais glissants qui prorogent la durée d’une concession dans l’attente de la délivrance d’une nouvelle autorisation sont pris en compte dans le calcul de la date d’échéance commune à hauteur des investissements réalisés ou encore que la durée de certaines concessions pourra être prolongée afin de permettre la réalisation de travaux qui sont nécessaires à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique nationale. Autrement dit, c’est un montage qui n’est pas si mal ficelé ! C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

Madame la ministre, je compléterai simplement sur un point votre démonstration. Il existe un petit intérêt à tout ce processus : c’est l’obligation de faire des travaux. Vous avez rappelé que l’hydraulique représentait aujourd'hui 12,6 % de la production d’électricité française. On ne fera pas de nouveaux barrages dans notre pays, on a bien vu ce qu’il en a été pour ce petit barrage agricole dans le sud de la France. En revanche, que ce soit dans le grand hydraulique ou le petit hydraulique, on peut augmenter la performance de nos barrages. Grâce à l’ouverture des concessions et aux prolongations de durée de vie, on va probablement augmenter la capacité de l’hydraulique française, et c’est une bonne chose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, je crois l’avoir abondamment démontré.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Vial. Je ne voudrais pas ouvrir un débat avec nos deux collègues du groupe CRC, d’autant que je peux pratiquement reprendre intégralement les propos d’Annie David, ce qui n’est d’ailleurs pas complètement surprenant, puisque nous sommes voisins et que le périmètre de notre parc hydraulique est identique.

En revanche, je réagirai davantage aux propos tenus par notre collègue Bosino. Je n’interviendrai pas sur le débat de fond. Il a défendu une position qui ne nous surprend pas complètement. Mais il a aussi attaqué la « manne », si j’ai bien compris son expression, des industriels, qui profiteraient de l’hydraulique à bas coût.

Puisque nous sommes en train de modifier la loi, permettez-moi de rappeler les fondements historiques de l’hydraulique. Le fameux article 8 de la loi du 8 avril 1946 s’explique, pour les industriels, par l’existence d’un reliquat, après la « spoliation », si je puis dire, de ceux qui avaient de l’hydraulique et qui l’ont perdue à une date que vous avez bien connue.

Quand on parle d’un phénomène comme celui-ci, il faut le replacer dans son contexte. Je crois que M. Jean Gandois, un grand patron de l’industrie, notamment dans le secteur des entreprises électro-intensives, a dit que son seul regret d’industriel était de n’avoir pas pu intégrer au patrimoine de son groupe l’hydraulique, notamment l’hydraulique au fil de l’eau. En effet, on sait très bien que l’hydraulique des barrages coûte cher et n’apporte pas une réponse complètement satisfaisante aux entreprises électro-intensives. L’hydraulique au fil de l’eau, en revanche, est une hydraulique à bas coût.

Si je me permets de faire cette explication, c’est bien évidemment pour aller dans le sens des propos tenus par Mme la ministre et M. le rapporteur. Nous aurons à examiner, dans le cadre des articles suivants, l’approvisionnement global de l’industrie, notamment des entreprises électro-intensives, que l’on peut aborder sous plusieurs angles.

La vraie question est la suivante : est-on capable aujourd'hui, dans le cadre de ce texte relatif à la transition énergétique, de mettre en place des dispositifs permettant à l’industrie électro-intensive française – elle représente 100 000 emplois directs et 400 000 emplois indirects – de continuer à vivre, sachant que, si cette industrie est encore viable, c’est parce qu’elle bénéficie de l’article 8 précité, des tarifs verts et des contrats spécifiques, qui vont disparaître dans les deux ans qui viennent ?

Nous devons donc trouver des dispositifs permettant de sauver cette industrie. Au demeurant, je ne suis pas preneur d’un dispositif plus que d’un autre. C’est la raison pour laquelle je me permets, au moment où nous évoquons l’hydraulique, de ne pas opposer l’industrie lourde électro-intensive à l’hydraulique, car leur histoire est commune. Je dirais même que, si nous n’avions pas eu de gros consommateurs dans nos vallées au moment de la « houille blanche », je ne suis pas sûr que la France serait aujourd'hui dotée d’un tel parc hydraulique.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je voudrais formuler deux remarques très brèves. La première relève de la prudence, la seconde de la logique.

La prudence, c’est d’aller vite, que l’on renouvelle les concessions ou qu’on les prolonge. Aujourd'hui, les travaux de maintenance ne sont plus effectués, ce qui peut entraîner des désagréments importants, dans la mesure où une catastrophe est susceptible de se produire.

La logique, c’est de ne pas tenir des discours inconciliables : dire que la houille blanche est le fleuron des énergies renouvelables et considérer en même temps que le parc hydraulique est complètement figé. Si on estime – c’est ma position – que la houille blanche est l’énergie renouvelable par excellence, il faut considérer, même si cela doit déplaire à certains, qu’on pourra encore construire des barrages dans notre pays.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Certains ne le veulent pas !

M. François Fortassin. Pour ma part, j’assume, avec la plupart des membres de mon groupe, cette position.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. À la suite de notre collègue Fortassin, je voudrais rappeler que l’entretien des barrages, c’est essentiel. Voilà quelques jours, une vanne d’un petit barrage situé en amont de la Dordogne, faute d’avoir été entretenue depuis des temps immémoriaux, a cédé, libérant un torrent de boue sur plusieurs kilomètres.

Je veux dire à nos collègues du groupe CRC que je comprends qu’ils s’inquiètent d’une prise de contrôle par le secteur privé de la production d’énergie. Mais pour avoir été ici le rapporteur de la loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique – après avoir été celui de la loi pour le développement des sociétés publiques locales –, je puis leur assurer que celle-ci offre de véritables garanties. En effet, aux termes de cette loi, d’une part, le président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est un représentant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales ; d’autre part, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales détient 34 % au moins des voix dans les organes délibérants.

Comme l’a souligné très justement le rapporteur, les dispositions prévues à l’article 28 sont un moyen de garantir ce à quoi nous sommes très majoritairement attachés, à savoir le contrôle de cette source d’énergie, même si, encore une fois, nous comprenons les inquiétudes qui se sont fait jour. Il faut dire que nous savons aussi ce qu’est la position de l’Europe sur les mises en concurrence…

Comme l’a rappelé le président de la Fédération des entreprises publiques locales, c’est un bon système et c’est celui qui nous permettra de garantir le mieux ce à quoi nous sommes attachés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 511.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 911 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent code, ou des objectifs et exigences mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement

II. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent code, ou des objectifs et exigences mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Par cet amendement de cohérence, le Gouvernement entend préciser que les possibilités de regroupement des différentes concessions hydrauliques dans de nouveaux appels d’offres relèvent non seulement du code de l’énergie, mais également du code de l’environnement.

Le regroupement des concessions est justifié par la prise en compte tant des enjeux environnementaux – l’équilibre de la vallée – que des critères énergétiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite prendre également en compte les enjeux environnementaux parmi les objectifs au regard desquels le regroupement des concessions hydroélectriques doit chercher à optimiser l’exploitation de la chaîne d’aménagements hydrauliquement liés. Cette précision est bienvenue. La commission a émis un avis très favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 911 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 947, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les travaux mentionnés au premier alinéa du présent article sont prévus sur une concession comprise dans une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés concernée par l’application des articles L. 521-16-1 ou L. 521-16-2, le montant de ces travaux peut être pris en compte pour la fixation de la nouvelle date d’échéance garantissant le maintien de l’équilibre économique, calculée en application du troisième alinéa des articles L. 521-16-1 ou L. 521-16-2. »

II. – Alinéa 19

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Dans le cas mentionné au second alinéa de l’article L. 521-16-3, l’ensemble des concessions concernées par l’application des articles L. 521-16-1 ou L. 521-16-2 est soumis à la redevance mentionnée au premier alinéa du présent article. La redevance, dont le taux est fixé par l’autorité concédante pour chaque concession, est prise en compte dans la fixation de la nouvelle date d’échéance garantissant le maintien de l’équilibre économique, calculée en application du troisième alinéa de l’article L. 521-16-1 ou du troisième alinéa de l’article L. 521-16-2.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Le présent amendement vise à mieux articuler deux démarches : celle de regroupement et celle de prolongation des concessions hydroélectriques.

Plutôt que de traiter les deux démarches successivement, la commission propose de prendre en compte, dans la procédure de regroupement, la redevance et les travaux afin de fixer la nouvelle date d’échéance des concessions regroupées et ainsi de pouvoir engager les travaux plus rapidement. Plusieurs de nos collègues en avaient manifesté le souhait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 947.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 332 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Montaugé, Cabanel, Poher, S. Larcher et Cornano, Mme Bonnefoy, MM. Aubey, Roux, Madec, Miquel, Germain, Boulard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – 1° Sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté, les concessions hydroélectriques en cours à la date de la promulgation de la présente loi peuvent être prolongées, sans que leur durée totale puisse excéder quatre-vingt-dix-neuf ans.

2° Au 2° de l’article L. 521-4 du code de l’énergie, les mots : « soixante-quinze » sont remplacés par les mots : « quatre-vingt-dix-neuf ».

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Outre les deux dispositifs que vous proposez, madame la ministre, il existe peut-être une possibilité pour tenir compte de la spécificité des concessions hydroélectriques, qui sont des concessions de service public et des outils indispensables à la réalisation de plusieurs missions de service d’intérêt économique général, ou SIEG. Elles contribuent en effet à la gestion de la ressource en eau, à la sécurité du système électrique, à l’approvisionnement équilibré et sécurisé en électricité sur l’ensemble du territoire.

L’hydroélectricité apparaît donc comme un élément clé indispensable à la réussite de la transition énergétique.

Or la directive européenne sur l’attribution des contrats de concessions réserve une attention particulière aux SIEG. Son article 10 permet d’exclure de son champ d’application « les concessions de services attribuées à un opérateur économique sur la base d’un droit exclusif qui a été octroyé conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ».

Pour toutes ces raisons, les concessions hydroélectriques peuvent être exclues, me semble-t-il, du champ d’application de cette directive et leur durée de vie prolongée au-delà des soixante-quinze ans.

Cela étant, j’ai noté que l’un des alinéas de l’article 28 du projet de loi traite également d’une possible prolongation de la durée des concessions, dès lors que la réalisation de travaux est nécessaire à l’atteinte des objectifs fixés par la loi. Madame la ministre, estimez-vous que notre amendement est satisfait par cette disposition ? En fonction de votre réponse, j’aviserai.

M. le président. Le sous-amendement n° 977, présenté par MM. Bosino et Le Scouarnec, Mme Didier, M. Vergès, Mme Assassi, M. Abate, Mme Beaufils, MM. Billout et Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman, David et Demessine, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :

Amendement n° 332 rectifié bis, après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

3° Le concessionnaire, ou la société d’économie mixte hydroélectrique, respecte la mission d’intérêt général définie dans un cahier des charges type, notamment en ce qui concerne la police des eaux, la navigation, le flottage, la défense nationale, la sécurité civile, dont la protection contre les inondations et la protection des biens et des personnes à l’aval des barrages, la salubrité publique, l’alimentation en eau des populations et des besoins domestiques, le refroidissement des centrales nucléaires, le soutien et la régulation du réseau électrique, la gestion des pollutions canalisable par manœuvre d’exploitation, le soutien d’étiage, l’irrigation, le tourisme, la conservation de la faune et de la flore, la circulation des poissons migrateurs, la protection des sites et paysages, la sauvegarde du patrimoine architectural. Ces missions d’intérêt général doivent prendre le pas sur l’exploitation des aménagements en marge de toute rentabilité ou placement d’énergie.

4° Le statut appliqué au personnel des sociétés d’économie mixte hydroélectriques est le statut national du personnel des industries électriques et gazières.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Par ce sous-amendement, nous souhaitons inscrire dans la loi les éléments de base de la mission de service public qui incombera à tous les concessionnaires ou sociétés d’économie mixte, cela quel que soit le cas de figure. Ces éléments ne font que reprendre les dispositions du décret du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées.

De plus, il nous semble impératif, pour assurer la bonne gestion du service public de l’hydroélectricité, d’assurer aux personnels des futurs SEM le statut des IEG. Il ne faut pas se voiler la face : les futures sociétés auront besoin d’un personnel très qualifié, et aujourd’hui ce personnel bénéficie du statut des IEG. C’est le compromis qui a été trouvé avec le modèle de la Compagnie nationale du Rhône, que vous avez citée en exemple, madame la ministre. Cette réussite est due au maintien du statut du personnel.

Notre hydroélectricité, la première en Europe, est aussi le fait de l’engagement des personnels. Leur statut est la marque non pas d’un privilège, mais d’une excellence et d’un engagement. Doit-on rappeler qu’on ne compte aujourd’hui qu’une seule école de formation aux métiers de l’hydroélectricité et qu’elle est au sein d’EDF ? Il en est de même des métiers de la maintenance, qui, bien qu’ils soient régionalisés, sont sous statut.

Enfin, il ne faudrait pas que l’État tienne un double discours : nous savons tous qu’EDF pourrait prendre des participations dans ces SEM via un processus de filialisation qui lui permettrait de faire fi du statut des IEG, alors que dans le même temps vous développez une rhétorique de montée en gamme, de formation et de pérennité des emplois.

La sûreté de nos installations, la gestion des déchets et la sécurité civile sont aujourd’hui assurées par des personnels sous statut. Ce n’est pas un hasard ! Il serait dangereux de remettre ces fondamentaux en cause. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Par ce sous-amendement, mon cher collègue, vous voulez préciser la liste des missions d’intérêt général prévues dans le cahier des charges. Comme je vous l’ai dit ce matin en commission, cette disposition est d’ordre réglementaire et non législatif. Cette précision n’a donc pas sa place dans cet article.

En outre, vous demandez que le statut appliqué au personnel des SEM hydroélectriques soit celui du personnel des IEG. Cette précision est inutile : tous les salariés des centrales hydrauliques sont sous statut IEG. Nous avons inscrit cette disposition dans la loi de 2000, disposition qui a dû être insérée depuis lors dans le code de l’énergie. Le rappeler pourrait même inquiéter les personnels, qui se demanderont bien pourquoi les parlementaires ont cru bon de revenir sur cette question. Ils en viendront peut-être à se demander s’ils sont réellement sous statut IEG, alors que c’est bien le cas.

Pour ces deux raisons, la commission sollicite le retrait de ce sous-amendement.

Nous demandons l’avis du Gouvernement sur l’amendement de notre collègue Roland Courteau, qui vise à prolonger la durée de vie des concessions hydroélectriques jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans.

Madame la ministre, pensez-vous que ce soit jouable auprès de Bruxelles ? Si oui, disons « banco ! » et engageons-nous dans cette voie. Nous sommes le seul pays à être contraints d’ouvrir nos centrales hydrauliques à la concurrence étrangère ; nos entreprises ne peuvent se porter candidates pour exploiter et gérer des centrales hydrauliques dans aucun des pays européens, puisque pas un seul d’entre eux n’a adopté le statut des concessions. C’est un marché de dupes ! Il n’y a aucune raison que nous nous fassions avoir !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Le Scouarnec, comme vous, je suis attachée au respect des missions d’intérêt général. Or celles-ci sont largement prises en compte par la réglementation existante et elles le seront dans le cahier des charges des appels d’offres que j’aurai prochainement l’occasion de mettre au point, de signer et d’engager pour le renouvellement des concessions.

En ce qui concerne le statut des personnels, votre sous-amendement est satisfait. En effet, pour toutes les concessions, et non pas seulement pour les sociétés d’économie mixte, le cahier des charges type existant et approuvé par décret impose que les salariés de la société concessionnaire soient sous statut IEG. Vous pouvez donc être totalement rassuré.

Aussi le Gouvernement sollicite-t-il le retrait de ce sous-amendement.

En ce qui concerne la prolongation des concessions contre investissement que propose M. Courteau, je précise que le projet de loi comporte déjà une disposition qui permet cette prolongation contre travaux. Il est d’ailleurs très important de pouvoir contrôler que les travaux sont nécessaires pour atteindre les objectifs de politique énergétique définis dans le projet de loi.

Les auteurs de l’amendement prévoient que la durée maximale des concessions soit portée à quatre-vingt-dix-neuf ans, alors que le projet de loi prévoit déjà qu’une dérogation est possible au-delà de soixante-quinze années, sans fixer de terme. En théorie, cette dérogation peut donc être accordée pour une durée supérieure à quatre-vingt-dix-neuf ans, pourvu qu’elle soit justifiée par des investissements d’ampleur.

La dérogation que vous prévoyez étant inutile, monsieur Courteau, je vous invite à retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, la prorogation des concessions a pour contrepartie la réalisation d’investissements, mais comment cette durée sera-t-elle calculée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. La durée de prorogation de la concession sera calculée en fonction de l’amortissement actualisé de l’investissement. Si, au bout de soixante-quinze ans, de gros travaux justifient un amortissement sur vingt-cinq ans, la concession pourra durer cent ans.

M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 332 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Compte tenu des assurances que Mme la ministre vient de nous donner et des possibilités de prolongation de la concession bien au-delà des vingt-quatre ans que je sollicitais, je retire l’amendement. Néanmoins, je déplore le manque de réciprocité entre les États membres : les ouvrages hydroélectriques peuvent être soumis au régime de l’autorisation en Suède, concédés jusqu’à une date lointaine en Italie ou en Espagne, assujettis à un régime mixte en Allemagne ou, enfin, inaccessibles aux acteurs privés sans partenariat avec des structures publiques en Suisse et en Norvège.

M. le président. L'amendement n° 332 rectifié bis est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 977 n’a plus d’objet.

L'amendement n° 948, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’application du présent article, le taux de la redevance est fixé en tenant compte, dans l’évaluation de l’équilibre économique de la concession, des volumes et des prix de vente de l’électricité que le concessionnaire s’engage à céder dans les conditions suivantes :

« 1° L’électricité est vendue pour satisfaire la consommation d’une entreprise ayant avec le concessionnaire les liens mentionnés à l’article L. 233-3 du code de commerce ;

« 2° L’électricité est vendue dans le cadre des contrats mentionnés à l’article 238 bis HW du code général des impôts ;

« 3° L’électricité est vendue dans le cadre de contrats établis pour l’approvisionnement des entreprises et sites mentionnés à l’article L. 351-1 du présent code, comprenant un investissement dans la concession et un partage des risques d’exploitation, et conclus pour une durée supérieure à dix ans ou allant jusqu’au terme de la concession si celui-ci est antérieur. »

La parole est à M. le rapporteur.