M. Pierre-Yves Collombat. Non seulement nous ne nous sommes jamais réunis, non seulement les questions essentielles – les retraites, le statut juridique des indemnités et la revalorisation de celles des élus des petites communes, la responsabilité et la sécurité juridiques des élus territoriaux – sont toujours prudemment ignorées, mais le texte a été vidé au cours de la navette des quelques dispositions novatrices qu’il contenait après son examen en première lecture au Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Ainsi, cela a été dit, la commission mixte paritaire a-t-elle renoncé à modifier la définition de la prise illégale d’intérêt, modification que notre assemblée avait pourtant votée trois fois.

Chemin faisant, la présente proposition de loi, qui ne mangeait pas de pain à l’origine, pourrait désormais s’intituler, après l’intégration de la charte de l’élu local par l’Assemblée nationale, « proposition de loi de prévention de la délinquance des élus territoriaux ».

Je l’ai dit lors de la seconde lecture au Sénat, je le répète aujourd’hui : rendre obligatoire cette liturgie moralisatrice, c’est laisser croire qu’elle est souhaitable. C’est donc alimenter, en pensant l’apaiser, la cabale « anti-élus ». Or on n’apaise pas la rumeur en lui donnant raison ; on la combat par la démocratie et en laissant passer la justice quand il y a faute. Et les armes ne manquent pas !

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Pour reprendre les propos de Jean-Pierre Sueur que je viens de citer, « c’est par un discours de vérité et de transparence que l’on combat le populisme » !

M. Jean-Pierre Sueur. Quel honneur !

M. Pierre-Yves Collombat. Après les affaires Woerth et Cahuzac, qui touchaient aux sommets du pouvoir, celui-ci, pensant noyer le poisson et diluer le poison, crut bon d’élargir la cible des critiques aux élus locaux, lesquels seraient trop nombreux et trop bien indemnisés, paresseux, pour ne pas dire corrompus. Ainsi les élus furent-ils sommés de se faire aussi transparents que des non-personnes et de proclamer rituellement à la face de l’opinion médiatique, avant d’être publique, qu’ils n’étaient pas, et ne seraient pas, des concussionnaires. Le problème, c’est que la multiplication des professions d’honnêteté et de droiture est loin d’être rassurante : au contraire, elle suscite des inquiétudes.

Souffrez, mes chers collègues, que ni moi ni le RDSE ne nous associions à cette opération pavée d’autant de bonnes intentions que peut l’être l’enfer.

Après le retraitement de la proposition de loi initiale par l’Assemblée nationale, retraitement accepté par le Sénat, la question n’est plus de savoir si trois fois rien c’est déjà quelque chose. Elle est d’accepter ou de refuser d’être complice de l’offensive anti-élus en cours, qui aura pour résultat tout à la fois d’alimenter le populisme et de placer les élus du peuple sous la surveillance de censeurs qui, eux, n’ont de comptes à rendre à personne !

Stendhal, avouant qu’il serait au désespoir de vivre en démocratie, expliquait qu’il préférait devoir faire sa cour à M. Guizot qu’à son bottier. Visiblement, en démocratie de marché post-moderne, il convient de faire sa cour à la fois à M. Guizot et à son bottier. Toutes nos excuses si nous manquons d’entrain pour l’exercice !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est dit avec esprit !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État – c’est un plaisir de vous retrouver au Sénat –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un long processus, qui s’achève aujourd’hui de manière positive, avec l’adoption par nos deux assemblées d’un texte commun de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, que j’ai eu l’honneur de préparer avec mon collègue Jean-Pierre Sueur. Après l’intervention de notre collègue Pierre-Yves Collombat, permettez-moi un commentaire positif ! (Sourires.)

La présente proposition de loi, je le rappelle, a été déposée à la suite des états généraux de la démocratie territoriale, organisés sous l’égide du Président de la République les 4 et 5 octobre 2012, au cours desquels deux sujets ont été évoqués en particulier : le statut de l’élu et les normes.

Le texte que nous examinons aujourd’hui avait été déposé, je le rappelle modestement, par Jean-Pierre Sueur et moi-même en même temps que la proposition de loi portant création du Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, qui est devenue la loi du 17 octobre 2013. C’est bien la preuve que les propositions de loi peuvent aboutir, même si le processus est long, et améliorer la vie publique et politique de notre pays.

Je tiens ici à remercier nos collègues députés Philippe Gosselin et Philippe Doucet, qui, dans leur rapport, ont formulé vingt-neuf propositions visant à améliorer le statut de l’élu.

Enfin, je rappelle que Jean-Pierre Sueur et moi-même avons utilisé à bon escient, lors de la rédaction de la présente proposition de loi, les travaux effectués au Sénat par nos collègues Patrice Gélard, Marie-Hélène Des Esgaulx et Bernard Saugey. Nous n’avons pas sorti de notre chapeau des propositions inventées ex nihilo. De même, nous avons pris en compte les revendications de l’Association des maires de France.

Le texte soumis à notre vote prévoit la fixation au taux maximal de l’indemnité allouée au maire dans les communes de moins de 1 000 habitants – c’est dans l’article 1er. À cet égard, je rappelle que j’avais déjà déposé une proposition de loi en ce sens voilà quelques années au Sénat, laquelle avait été adoptée, mais le processus s’était arrêté là. Cette disposition répond à une revendication ancienne. On ne peut pas à la fois se faire le chantre des petites communes rurales et ne pas se donner les moyens d’avoir des élus honnêtement rémunérés.

Si la rémunération des élus des grandes communes est une formalité, décidée lors de la première réunion du conseil municipal après les élections, elle suscite toujours de vifs débats dans les petites communes. Ces communes ayant de faibles budgets, il est difficile pour leurs maires de bénéficier pleinement de leur indemnité. Or les maires et leurs adjoints ne peuvent pas être uniquement des retraités ou des personnes ayant les moyens de faire de la politique. Nous devons donc nous donner les moyens de notre démocratie.

Je suis aujourd’hui très fière que la présente proposition de loi soit adoptée, mais, je le dis, je m’étonne que des gens qui défendent toujours les communes rurales ne la votent pas ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Le texte adopté prévoit également que la fraction représentative des frais d’emploi des indemnités de fonction perçues par les élus locaux est exclue des revenus pris en compte pour le versement d’une prestation sociale sous condition de ressources. Il s’agit là d’une disposition importante que réclamaient depuis longtemps de nombreux élus. Un certain nombre d’entre eux ne pouvaient pas en effet bénéficier d’indemnités de chômage, car cette fraction n’était pas déduite de leurs revenus. Il s’agit donc de mesures précises et importantes pour les élus.

En ce qui concerne l’articulation du contrat de travail et de la réinsertion professionnelle, le texte prévoit l’abaissement de 20 000 à 10 000 habitants du seuil démographique des communes et communautés de communes dans lesquelles les adjoints au maire et les vice-présidents d’intercommunalité bénéficient du droit à suspension du contrat de travail. Ce n’est pas rien !

Le présent texte met également en œuvre le doublement de la durée de perception de l’allocation différentielle de fin de mandat à compter du septième mois, le taux du montant mensuel de l’allocation passant alors à 40 %. Ce n’est pas rien non plus.

La proposition de loi instaure par ailleurs un dispositif de validation des acquis de l’expérience au titre d’une fonction élective locale. Cette disposition est elle aussi très importante.

Enfin, le texte prévoit le financement par une cotisation obligatoire du droit individuel à la formation des élus, comme l’a rappelé tout à l’heure M. le rapporteur, et l’instauration d’un plancher pour les dépenses de formation des élus votées par la collectivité à 2 % de l’enveloppe des indemnités de fonction.

Cette liste n’est pas exhaustive. Je n’évoque là que les mesures fondamentales du texte, qui en contient d’autres, bien sûr.

En conclusion, permettez-moi de rappeler, comme l’a fait Mme Cukierman à l’instant, et comme l’avait fait Jean-Jacques Hyest lors de la réunion de la commission mixte paritaire, laquelle s’est déroulée dans une très bonne ambiance : à force de prendre des décisions, on construit un statut de l’élu.

Mme Jacqueline Gourault. Ce statut existe. On peut toujours rêver d’un grand soir du statut de l’élu et imaginer qu’il est possible de tout changer ou de créer quelque chose de nouveau, mais la réalité, c’est la construction régulière d’un statut des élus et son adaptation à la vie de nos concitoyens et à l’évolution de notre société.

Si l’on veut que les élus des collectivités locales représentent bien la société, c’est-à-dire qu’ils comprennent des vieux, des jeunes, des gens d’âge moyen, des hommes, des femmes, des actifs et des retraités, il faut se donner les moyens de notre démocratie. Dans le climat dans lequel nous vivons aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire le contraire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a quelque temps déjà, lorsque j’ai eu l’honneur de présenter devant cette assemblée et devant l’Assemblée nationale le texte qui allait devenir la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, laquelle a créé la formation et le droit à la retraite pour les élus locaux, on me disait déjà que tout cela était positif, mais que cela ne faisait pas un statut de l’élu ! Quelques années plus tard, on nous reproche encore, lors de la présentation de nouvelles mesures, qu’elles ne constituent toujours pas un statut de l’élu.

Permettez-moi donc de souscrire totalement aux paroles que vient de prononcer Jacqueline Gourault sur le grand soir. Nous avons en effet beaucoup rêvé d’un grand soir, mais, pour notre part, nous sommes de ceux qui préfèrent les grandes avancées – parfois même les petites et les moyennes – à un grand soir qui n’arrive jamais.

Le statut de l’élu progresse et avance peu à peu, et la présente proposition de loi, qui sera une loi ce soir, y contribue grandement.

Si Jacqueline Gourault et moi-même avons été les rédacteurs du texte, il ne faut pas oublier que cette proposition de loi est le fruit d’un vaste dialogue mis en œuvre à la suite des états généraux de la démocratie locale organisés sur l’initiative de Jean-Pierre Bel et qu’elle reprend largement les propositions élaborées par l’Association des maires de France et par de nombreuses autres associations d’élus.

Ce texte constitue donc incontestablement une avancée pour un meilleur exercice des mandats locaux. Parlons clair, mes chers collègues, il permettra surtout d’éviter qu’il y ait toujours plus de retraités et de fonctionnaires et toujours moins de salariés du privé au sein de nos conseils municipaux. Pour cela, il faut prendre des mesures appropriées. C’est ce que nous faisons avec ce texte.

Pour parler très franchement à notre ami Pierre-Yves Collombat, nous n’avons pas, au Sénat, d’affection particulière pour cette charte à laquelle tenaient nos collègues députés. Disons simplement, est-il même utile de préciser, que les élus se doivent d’appliquer la loi… comme tout un chacun !

Si cette charte ne vient pas du Sénat, nous avons tout de même été attentifs à la nécessité de parvenir à un accord. Ce fut long – trop long, dirais-je. Cela devrait nous conduire à réfléchir à nos méthodes de travail, monsieur le secrétaire d’État, et au fait qu’une proposition de loi adoptée par une assemblée puisse être examinée par l’autre assemblée dans des délais rapprochés. Pensez qu’il a fallu plus de deux ans pour arriver aujourd’hui à la lecture définitive de ce texte !

Vous avez dit, cher Pierre-Yves Collombat, que le contenu de ce texte se résumait à « trois fois rien ». Connaissant votre grande culture, je sais que vous pensiez au sens étymologique du mot « rien » : comme vous le savez, « rien », c’est toujours quelque chose ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Pour le Gouvernement, c’est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. En l’espèce, cher collègue et ami, ce « rien » représente même pas mal de choses ! Car enfin, je n’aurais sans doute pas le temps de citer les vingt mesures positives de ce texte, mais permettez-moi d’en reprendre succinctement quatorze.

Premièrement, l’harmonisation des modalités de fixation de l’indemnité de fonction des maires des communes de moins de 1 000 habitants, qui est demandée depuis des années, y compris par l’Association des maires ruraux de France, que vous connaissez tellement bien, monsieur Collombat.

Deuxièmement, le versement aux conseillers des communautés de communes d’une indemnité de fonction décente.

Troisièmement, l’extension du congé électif pour les candidats aux élections dans les communes d’au moins 1 000 habitants.

Quatrièmement, l’extension du crédit d’heures pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants.

Cinquièmement, la suspension du contrat de travail.

Sixièmement, la généralisation de la faculté de remboursement des frais d’aide à la personne.

Septièmement, le remboursement des frais supplémentaires de garde d’enfant ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées pour tous les conseillers départementaux et régionaux.

Huitièmement, l’exclusion de la fraction représentative des frais d’emploi dans le calcul des ressources ouvrant droit à prestation sociale – qui reprend une demande très ancienne des associations d’élus.

Neuvièmement, la validation des acquis de l’expérience professionnelle obtenue dans l’exercice du mandat.

Dixièmement, l’allongement de la durée de versement de l’allocation différentielle de fin de mandat.

Onzièmement, le droit au congé de formation professionnelle.

Douzièmement, la consécration d’un droit individuel à la formation au profit de l’ensemble des élus locaux.

Treizièmement, l’instauration d’un plancher de dépenses obligatoires pour la formation des élus locaux

Enfin, quatorzièmement, l’organisation obligatoire d’une formation pour les élus locaux durant la première année de leur mandat.

Je veux bien que tout cela se résume à « trois fois rien », voire quatre ou cinq fois rien, mais allez expliquer aux 550 000 élus que compte notre pays que ce ne sont pas là des avancées concrètes. Nous sommes des militants du concret, qui voulons améliorer, pas à pas, les conditions d’exercice des mandats locaux. Je me réjouis donc, pour ma part, qu’au-delà de nos clivages habituels, à la suite des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, nous soyons parvenus à un vaste accord sur ces mesures concrètes et pragmatiques. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, vise à avancer sur la voie d’un véritable statut des élus. Je ne reviens pas sur l’intervention précédente ni sur le point de savoir si ce changement doit être progressif ou plus rapide.

En tout état de cause, alors que nous notons un certain désintérêt pour l’action publique – les dernières élections municipales ont montré la difficulté de construire ne serait-ce qu’une liste dans certaines communes –, nous savons bien aujourd’hui qu’un véritable statut de l’élu constitue un enjeu majeur face aux difficultés que connaissent des centaines de milliers de nos concitoyens dans l’exercice de leurs fonctions d’élus, notamment dans les plus petites communes. Cette discussion est l’occasion de leur rendre hommage et de répondre à leurs difficultés.

Nous savons aussi que cette précarité des élus locaux a longtemps été compensée par le cumul des mandats. C’était, à l’évidence, une mauvaise réponse, dont nos concitoyens ne veulent plus, et les écologistes se sont toujours engagés dans la voie d’une stricte limitation du cumul des mandats.

Créer un véritable statut des élus est également le moyen de faire progresser la diversité des assemblées locales et, ainsi, leur représentativité et leur légitimité. Tout citoyen qui le souhaite devrait pouvoir devenir élu : or tel n’est pas le cas aujourd’hui – d’autres intervenants ont tracé le profil type de l’élu de petite commune. Ce texte peut donc être une petite pierre apportée à l’édifice, car, pour faire face à la crise de la représentativité que nous connaissons, nous devons nous appuyer sur une communauté des élus représentative de la communauté nationale.

En complétant la législation actuelle, ce texte s’inscrit dans une démarche de reconnaissance du travail et de l’engagement des élus locaux, animateurs des territoires portant de lourdes responsabilités, très investis au quotidien dans un exercice de mandat qui confine parfois au sacerdoce.

La proposition de loi qui finit ici son parcours législatif comporte des avancées significatives qui ont été énumérées dans les interventions précédentes, que ce soit en matière de crédit d’heures pour exercer le mandat, d’indemnités, d’allocation de fin de mandat, de formation et de validation des acquis. Permettre aux élus d’exercer leur mandat dans de bonnes conditions, améliorer leur sortie du mandat, faciliter leur retour à la vie professionnelle, tels sont les objectifs de ce texte. Les écologistes ne peuvent qu’y souscrire !

Je veux ici rendre hommage à ma collègue Hélène Lipietz qui s’est battue au Sénat pour défendre l’idée d’un meilleur statut des élus. Elle était notamment parvenue à améliorer le texte sur le volet formation des élus, mais n’avait pas obtenu gain de cause sur toutes ses propositions – qui étaient aussi les nôtres. Nous avions, entre autres, projeté d’instaurer qu’un plancher de 3 % du budget de la collectivité soit consacré à la formation des élus. Nous sommes encore bien en dessous.

Je profiterai également de mon intervention pour dire qu’il faut distinguer ce que l’on inscrit dans la loi de l’application qu’en font les maires en termes de droits pour leurs élus, de la majorité ou de l’opposition. Pour avoir été longtemps secrétaire général de la fédération des élus Verts et écologistes, je peux affirmer que nous devons vraiment nous battre pour que ce droit à la formation soit respecté par les maires et leur majorité. Si ce débat est l’occasion de faire passer un message, c’est qu’au-delà de la loi elle-même, nous devons veiller à ce qu’elle soit appliquée par des maires qui, dans certaines communes, remettent souvent en cause le droit à la prise en charge d’un voyage et d’un hébergement pour assister à une formation. Il s’agit un combat permanent pour de trop nombreux élus.

Au-delà de ces améliorations – que nous aurions souhaitées plus marquées –, nous devrons à l’avenir aller plus loin sur l’ensemble des questions de vie démocratique locale touchant à la condition d’exercice du mandat d’élu. À l’heure où nous voulons approfondir la décentralisation, il serait temps d’envisager une véritable séparation des organes exécutif et délibérant des collectivités territoriales, et d’accroître les droits de l’opposition – autrement dit, de « parlementariser » les assemblées locales, au moins dans les grandes collectivités.

Les écologistes, vous le savez, ont de nombreuses propositions à présenter sur ces sujets. Nous nous félicitons que certaines de nos propositions – trop peu malheureusement ! – aient été retenues dans le projet de loi NOTRe.

Je pense, entre autres, à l’abaissement à 1 000 habitants du seuil à partir duquel les droits des élus d’opposition sont garantis, ce seuil étant jusqu’alors fixé à 3 500 habitants. Maintenant confirmée à l’Assemblée nationale, cette reconnaissance des élus d’opposition dans les petites communes est extrêmement importante et fait aussi partie du statut de l’élu : il est très important d’être reconnu, même lorsque l’on n’appartient pas à la majorité municipale.

Dans le même ordre d’idée, je relève que la charte de l’élu, que cette loi crée, sera remise à tous les élus, dont les élus communautaires. Or cette charte indique que l’élu local est « issu du suffrage universel », ce qui n’est pas encore le cas pour les élus communautaires – vous le savez, c’est une vieille revendication écologiste dont nous avons longuement discuté lors de l’examen de la loi NOTRe. La mise en cohérence de l’augmentation des compétences des intercommunalités et de leur légitimité démocratique est aussi un enjeu d’égalité entre élus.

Aussi, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à l’adoption, lors de l’examen du projet de loi NOTRe par l’Assemblée nationale, d’un amendement socialiste tendant à ce que les représentants dans les intercommunalités soient élus au suffrage universel direct, selon des modalités qui seront à préciser par une loi à adopter avant 2017. J’étais convaincu d’aller dans le sens de l’histoire, je ne pensais pas que nous irions si vite ! Cet amendement a une portée évidemment beaucoup plus politique que contraignante et, si je tiens à l’évoquer devant vous en conclusion, c’est pour souligner d’ores et déjà que le groupe écologiste sera attentif à ce que cet amendement soit suivi d’effet.

Le groupe écologiste votera donc pour ce texte qui, bien qu’encore insuffisant sur certains aspects, apporte un début de réponse aux attentes de ceux de nos concitoyens qui font le noble choix de s’engager dans la gestion de la cité, et sont donc le socle de la défense de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une proposition de loi chemine toujours lentement…

M. Pierre-Yves Collombat. Cela dépend laquelle !

M. Jean-Jacques Hyest. … sauf volonté du Gouvernement d’accélérer et de l’inscrire à l’ordre du jour de l’autre assemblée, elle reste soumise à la bonne volonté de ladite assemblée. D’ailleurs, d’excellentes propositions de loi votées par le Sénat, dont je pourrais dresser la liste, sont toujours en attente à ce jour.

Mme Jacqueline Gourault. Et certaines qui ont été votées par les deux assemblées ne sont toujours pas appliquées !

M. Jean-Jacques Hyest. Avec la révision de 2008, nous avons donné au Parlement plus de droits en matière de propositions de loi, mais on ne peut contraindre l’autre assemblée à faire ce qu’elle ne veut pas. Pour ma part, à une certaine époque, j’expliquais à mon homologue de l’Assemblée nationale que, s’il n’examinait pas une proposition de loi adoptée par le Sénat, celui-ci n’examinerait pas celles de l’Assemblée nationale. Autrement dit, nous pratiquions des « échanges équilibrés »… (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. C’est gentiment dit !

M. Jean-Jacques Hyest. Que voulez-vous, c’est ainsi !

Pour en revenir à la proposition qui nous occupe aujourd’hui, comme Jacqueline Gourault l’a noté, peu à peu, le statut de l’élu se dessine. Le rêve d’un grand statut, à l’image du statut de la fonction publique, ne voudrait rien dire. Comme le disait Jean-Pierre Sueur, le droit à la formation remonte à longtemps, mais il n’était pas mis en œuvre. Insuffisamment précisé, il n’était pas rendu obligatoire et les crédits n’étaient pas au rendez-vous ; si bien que l’on en usait peu.

Mais, outre l’affirmation du droit individuel à la formation, cette proposition de loi présente de nombreux éléments positifs… et consensuels !

Il est difficile de faire la genèse de cette proposition de loi, car elle a de très nombreux pères et mères… Néanmoins, je pense que les états généraux de la démocratie territoriale, qui avaient été organisés au Sénat, je le rappelle, ont été un moment très important. Cette proposition de loi montre d’ailleurs qu’ils ont tout de même produit des résultats. En effet, elle traduit bien les aspirations des élus locaux, en particulier des membres de l’Association des maires de France, laquelle a pris toute sa place dans la réflexion menée sur ce sujet.

Bien sûr, on peut regretter que toutes les propositions que nous avions émises à l’occasion des Assises de la démocratie locale n’aient pas été retenues. Je note toutefois que nos demandes pourraient finalement être prises en compte dans le cadre de la discussion du projet de loi NOTRe.

M. Pierre-Yves Collombat. Quand il n’y aura plus de communes, le problème sera en effet réglé !

M. Jean-Jacques Hyest. Sur ce point, je ne suis absolument pas d’accord avec M. Dantec. Les élus communautaires sont évidemment issus du suffrage universel, mais nous aussi ! Nous sommes bien placés pour savoir qu’on peut être élu au suffrage universel sans qu’il s’agisse du suffrage universel direct ! Certaines confusions juridiques sont bien commodes !

M. Ronan Dantec. Il n’y a pas de confusion.

M. Jean-Jacques Hyest. Je rappelle, monsieur Dantec, que l’Association des maires de France, lors de son congrès, a de nouveau rappelé solennellement qu’intercommunalité ne signifiait pas supracommunalité. Le jour où nous transformerons les communautés de communes ou d’agglomération en organes concurrents des communes, nous aurons entériné la disparition de ces dernières.

M. Ronan Dantec. Mais non !

M. Jean-Jacques Hyest. Il me semble que la grande majorité des élus de ce pays, et même du peuple français, souhaitent conserver la commune comme cellule de base de la démocratie.

M. Ronan Dantec. Nous aussi !

M. Jean-Jacques Hyest. Quand il n’y aura plus que des grandes intercommunalités technocratiques – car c’est bien ainsi que l’histoire se terminera –, la démocratie locale aura pris un sérieux coup ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. MM. Pierre-Yves Collombat et René Vandierendonck applaudissent également.)

M. Pierre-Yves Collombat. Ne pouvant m’applaudir moi-même, je vous applaudis ! (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. Et cette évolution renforcera le sentiment d’insécurité dans le pays !