M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 188 rectifié est présenté par Mme Canayer et MM. Bonhomme, Mandelli et Mouiller.

L'amendement n° 428 est présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé.

L'amendement n° 779 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 188 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 428.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 3 bis A, qui autorise le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour créer un établissement public visant à la réalisation du canal Seine-Nord Europe.

Les arguments en faveur de ce canal sont connus : l’intérêt de relier les canaux desservant la mer du Nord, les créations d’emploi, le report modal vers le fluvial pour désengorger les autoroutes.

Les arguments contre ce canal sont tout autant connus : un coût important et encore sujet à question, un report modal qui peut prêter à discussion, un impact environnemental des travaux potentiellement négatif, notamment en Picardie.

Nous ne souhaitons pas aujourd’hui entrer dans ce débat de fond, légitime, complexe et qui transcende les oppositions politiques. Et nous ne souhaitons pas non plus que ce débat important soit limité à la discussion de cet article, au détour d’une loi qui en compte près de 300.

On nous assure que la réalisation de ce canal s’effectuera avec toutes les collectivités concernées. Mais c’est bel et bien au Parlement que ce débat doit avoir lieu, et dans de bonnes conditions, puisque l’État financera ce projet. Une ordonnance n’est clairement pas suffisante.

Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article. Nous appelons le Gouvernement, si son souhait est bel et bien de réaliser cette infrastructure d’envergure, à préparer un véritable projet de loi pour que nous ayons le temps d’en discuter et de l’amender, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui.

M. le président. L’amendement n° 779 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 428 ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La création de la société de projet prévue à cet article permettra de confier la maîtrise d’ouvrage du canal à l’ensemble des acteurs participant au financement, État et collectivités territoriales. L’adoption de cet article vient également à l’appui de la demande de subvention déposée auprès de la Commission européenne.

La commission spéciale est donc défavorable à la suppression de l’article 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends vos réserves, monsieur le sénateur, mais elles valent en quelque sorte pour toutes les dispositions du projet de loi, qui touche à des sujets variés. Comme cela vient d’être rappelé, le projet de canal Seine-Nord Europe a un lien avec la croissance et l’activité, puisque les travaux extrêmement structurants qu’il implique créeront de l’emploi et amélioreront l’accessibilité de nos territoires.

Le projet redonnera également de la compétitivité à certains territoires dans le jeu européen, et en particulier dans le jeu des grands ports. Relier, grâce à un nouveau canal et à l’aménagement des canaux existants, différents territoires aujourd'hui enclavés, c’est un élément de compétitivité. L’augmentation des tonnages permettra à nos ports d’exporter davantage et d’acheminer différemment les marchandises. De nouvelles perspectives en termes d’activité logistique s’ouvriront pour les territoires concernés. Enfin, pendant toute la durée des travaux, des emplois seront créés dans ces territoires, qui souffrent particulièrement.

Pour toutes ces raisons, je considère que l’article 3 bis A a pleinement sa place dans le projet de loi et qu’il doit être défendu.

Le choix de légiférer par ordonnance est lié à la complexité du sujet. En outre, deux rapports parlementaires ont déjà été remis, et l’ensemble des collectivités locales ont été associées ; Alain Vidalies a réuni ces dernières en décembre dernier. Des engagements financiers et budgétaires ont été pris de part et d’autre. Nous devons maintenant avancer, en structurant la société de projet recommandée par les deux rapports, sur le modèle de la Société du Grand Paris, afin d’attirer différentes compétences d’ingénierie.

Ce projet est cohérent avec les annonces faites par le Premier ministre à l’automne dernier. Il tire les conclusions des deux rapports parlementaires publiés ces derniers mois. Il nous permettra de soutenir la croissance et l’activité dans le pays.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. M. le ministre a déjà indiqué presque tout ce qu’il y avait à dire. Je serai donc très bref. On ne peut pas différer à nouveau le projet. Comme les autres grands projets d’infrastructures du pays, il est connu de tous depuis des années. Il a fait l’objet d’autant de rapports qu’il est possible.

Deux enjeux de fond sont associés au projet : le déficit d’infrastructures dans notre pays et la crédibilité de la signature de la France au niveau européen.

Depuis des années, les crédits européens du programme du réseau transeuropéen de transport, le programme RTE-T, ne sont pas consommés. L’Union européenne s’en préoccupe. Si nous ne prenons pas notre tour, les grandes infrastructures d’Europe centrale et orientale prendront le relais ; les pays concernés ont déjà monté des dossiers, et ils seront prêts dans quelques années, peut-être même au cours de l’actuelle période budgétaire.

C’est sans doute notre dernière chance de financer un certain nombre de grandes infrastructures. L’ancienne commissaire européenne aux transports, Loyola de Palacio, aujourd'hui disparue, estimait que le déficit d’infrastructures en Europe coûtait 0,7 point de croissance annuelle à l’Union européenne. Dans notre pays, 0,7 point de croissance, c’est ce qui distingue la situation où l’on crée des emplois parce qu’on dépasse le cap d’1,5 % de croissance, de celle où l’on n’en crée pas parce que la croissance est trop faible.

Je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet particulier. Certains soutiennent que le canal Seine-Nord Europe étendra l’hinterland des ports allemands et belges ; ce discours a été relayé par le maire du Havre. Le véritable enjeu, c’est d’opérer correctement la jonction entre les infrastructures comme le canal Seine-Nord Europe et les ports français. Ce n’est pas le cas actuellement dans l’espace qui sépare les ports de la façade atlantique des infrastructures, tant fluviales que ferroviaires, qui permettent de desservir et d’irriguer le pays. Il y a des problèmes de jonction et de goulets d’étranglement, par exemple au niveau du contournement de Paris. Il faut impérativement traiter ces problèmes.

Les grandes infrastructures sont un atout. Il faut engager les travaux sans tarder afin d’envoyer des signaux positifs à Bruxelles. Le présent article va dans ce sens. Je veux cependant attirer l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il importe également tant d’organiser les connexions entre les façades portuaires, le réseau fluvial et le réseau ferroviaire, que de réaliser des plates-formes nous permettant d’avoir des systèmes performants.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.

M. Jérôme Bignon. Michel Bouvard vient de souligner un enjeu important, que je n’avais pas traité lors de ma prise de parole sur l’article. Notre collègue Agnès Canayer, qui est également adjointe au maire du Havre, l’aborde aussi à travers l’un de ses amendements.

Dans une tribune récente publiée par Les Échos, Édouard Philippe s’est fait le chantre du combat non pas contre le canal Seine-Nord Europe, mais contre l’oubli de la ligne transversale Le Havre-Châlons-en-Champagne. (M. Michel Bouvard acquiesce.) Le maire de cette dernière commune, Benoist Apparu, en a souvent parlé lui aussi. Pour compléter le grand chantier du canal Seine-Nord Europe, il faudrait réaliser cette ligne transversale. Ce serait formidable pour la Picardie, pour l’Aisne et pour la Champagne-Ardenne. Un maillage fluvial et ferroviaire renforcé permettrait à cette plaine à blé extraordinaire que nous avons la chance de posséder en commun d’exporter ou d’importer des produits via Le Havre.

Les enjeux ne sont pas les mêmes : si ma mémoire est bonne, la ligne ferroviaire représente un coût de 150 millions d'euros, contre 4 milliards d'euros pour le canal Seine-Nord Europe. Si l’on pouvait trouver les 150 millions d'euros dans les 4 milliards d'euros afin de réaliser les deux projets, ce serait exceptionnel. En tout cas, il faut avoir à l’esprit l’enjeu soulevé par Michel Bouvard, car la transversale Le Havre-Châlons-en-Champagne serait très structurante et compléterait bien le canal Seine-Nord Europe. Personne ne doit être oublié. La revendication des élus normands, haut-normands et champenois me paraît pertinente et légitime.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je serais bien resté silencieux, mais, comme la balance penche trop d’un côté, il faut que je fasse modestement contrepoids.

Nous ne sommes pas opposés par principe au projet de canal Seine-Nord Europe – nous avons des discussions –, mais nous souhaitons qu’il donne lieu à un débat spécifique, car certaines questions ne sont pas résolues.

Mme Barbara Pompili vous l’a dit lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre : un canal à grand gabarit, cela a l’air intéressant, mais il semble que le canal Seine-Nord Europe soit un chaînon isolé, faute de continuité au Nord et au Sud : il n’y a pas le tirant d’eau et l’appel d’air nécessaires pour prolonger la liaison et ainsi valoriser l’investissement. Nous nous demandons également quel est le schéma directeur général. Il y a d’autres ports, comme Le Havre, qui pourraient jouer le même rôle.

La question de l’emploi est également posée. On sait bien que ce sont des multinationales qui réalisent ce type de travaux. Cela signifie que ce ne seront pas forcément des emplois locaux qui seront créés. Les entreprises peuvent en effet recourir à des travailleurs détachés. Il faut être conscient du fait que les grands travaux ne créent pas obligatoirement des emplois dans la région où ils sont effectués.

Enfin, vous avez eu raison d’évoquer les fonds européens, mais il y a aussi une importante participation financière de l’État. Les sommes consacrées à la réalisation du grand canal ne pourraient-elles pas être utilisées ailleurs ? Selon les calculs que Mme Barbara Pompili a portés à votre connaissance, monsieur le ministre, le coût par poste créé est très élevé. D’autres activités auraient peut-être besoin d’un coup de main financier de l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Le groupe du RDSE est favorable à la réalisation de grands équipements pour le pays, même si ce n’est pas à la mode, surtout à Paris, où les gens ne comprennent pas l’utilité de tels équipements puisqu’ils ont déjà tout. Nous soutenons donc le projet de canal Seine-Nord Europe. On peut certes ergoter sur le recours aux ordonnances, mais il faut accélérer les travaux. C'est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.

M. Jérôme Bignon. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Comme la liaison Charles-de-Gaulle Express, dont nous allons débattre ensuite, le canal Seine-Nord Europe est un projet extrêmement important.

J’indique à Jean Desessard, pour le rassurer, que, dans la suite du débat, nous allons, je l’espère, adopter la carte professionnelle du bâtiment, qui vise à lutter contre le travail clandestin et à faire en sorte que les travailleurs détachés soient soumis au même régime que les travailleurs nationaux. Cependant, ce n’est pas là l’essentiel.

Les grands travaux soulèvent toujours des difficultés, mais il est temps de démarrer. Cela fait plus d’une génération qu’on débat du canal Seine-Nord Europe !

Je voudrais effectuer un petit rappel. Lors de l’élaboration du programme d’investissements d’avenir, le PIA, par le gouvernement de François Fillon, notre ancien collègue Philippe Marini, très attaché au projet de canal Seine-Nord Europe, avait beaucoup bataillé en faveur de la réalisation de grands projets structurants. À l’époque, le Gouvernement et le Président de la République s’étaient opposés à l’inclusion d’infrastructures, qu’elles soient autoroutières, ferroviaires ou fluviales, dans le PIA.

Je me félicite que le projet de canal Seine-Nord Europe, qui est un projet utile, démarre enfin. Les financements des régions et des départements sont déjà avancés. Il y aura effectivement des problèmes de liaison avec l’Ouest, mais les problèmes de ce type sont le propre des grands projets.

Il s’agit maintenant de créer une société de projet, comme nous l’avons fait, je le rappelle, pour le Grand Paris. La Société du Grand Paris a été créée pour réaliser les études nécessaires. Le débat public, je tiens à le dire, a été extrêmement important : des débats nourris ont été organisés dans tous les départements d’Île-de-France. Il y aura autant de débats pour le canal Seine-Nord Europe ; une concertation avec les élus et le public sera organisée. Il faut démarrer le projet, et je remercie le Gouvernement de le faire. (MM. Jérôme Bignon et Michel Bouvard applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 428.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le gouvernement présente un rapport, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, qui présente les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet la création d'un établissement public, associant notamment des représentants de l'État, d'établissements publics de l'État et de collectivités territoriales participant au financement du projet, aux fins de réalisation d'une infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau européen à grand gabarit et de développement économique en lien avec cette infrastructure.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous avons rectifié notre amendement, qui visait à l’origine à une suppression. En effet, après en avoir débattu au sein de notre groupe, et au vu des arguments des uns et des autres, et notamment de M. Jérôme Bignon, il nous a semblé que, malgré le recours aux ordonnances et le manque d’information du Parlement, il n’était pas judicieux de nous opposer totalement à la réalisation du canal Seine-Nord Europe.

En revanche, comme le recours aux ordonnances pose un problème d’information des parlementaires, un certain flou entourant malgré tout la réalisation de ce projet, il nous semble nécessaire, monsieur le ministre, que vous reveniez d’ici à trois mois nous apporter des éléments plus précis, concrets, avec notamment le résultat de la concertation locale avec les élus concernés. Ce bilan a toute son importance si vous voulez véritablement associer le Parlement à la réalisation de ces grands projets.

J’ai bien entendu les arguments des uns et des autres. Je peux comprendre les arguments de M. Bignon sur l’utilité de ce canal et la nécessité de sa réalisation, mais je partage aussi ceux de notre collègue Jean Desessard, notamment sur l’emploi. Ainsi, je suis d’accord avec lui lorsqu’il dit que ces chantiers bénéficieront non pas forcément à des entreprises locales, mais plutôt à des grandes sociétés multinationales qui recourent à des travailleurs détachés.

Monsieur le ministre, madame Bricq, vous savez bien que l’emploi dans ces grandes infrastructures n’est pas tout à fait le même que dans les entreprises locales ; le problème du chômage ne sera donc pas réglé pour autant.

À notre sens, le bilan que nous demandons pourra apaiser les positions sur ce dossier et permettra aux parlementaires de vous faire part de leurs préoccupations quant à la réalisation de ce projet, lequel nous apparaît quand même comme une opportunité de développement économique pour ce secteur.

M. le président. L'amendement n° 1034, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Il ne peut être recouru aux contrats de partenariat pour le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires pour les infrastructures de transports terrestres.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 1034 est retiré.

L'amendement n° 1686, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

société de projet

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 rectifié.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1686 est un amendement rédactionnel.

S’agissant de l’amendement n° 7 rectifié, la demande de bilan, qui équivaut à une demande de rapport, est contradictoire avec l’habilitation que la commission a acceptée. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame David, je comprends l’objectif que vous visez avec cet amendement n° 7 rectifié, et je vous remercie de l’esprit d’ouverture que vous manifestez en retirant l’amendement n° 1034.

Sur ce point, le rapport Pauvros a permis d’éclairer nombre de difficultés résiduelles. La demande d’un nouveau rapport après ce travail parlementaire ne me paraît donc pas de bonne méthode.

Il est évident que cette société de projet vise à répondre à l’ensemble des problèmes techniques et économiques qui se posent. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que les points soulevés par M. Desessard, que vous avez rappelés, sont aujourd’hui totalement résolus et que nous avons une pleine lisibilité.

Vous avez raison de poser ces questions, mais je pense que nous devons nous attacher d’abord à créer cette société de projet plutôt qu’à rédiger un énième rapport. Puisque nous allons procéder par ordonnances, je m’engage à faire preuve de la plus grande transparence durant tout ce travail de conception de la société de projet en prévoyant notamment des clauses de rendez-vous.

Ainsi, tout en avançant, nous vous donnerons la pleine visibilité sur les aspects techniques, sur les conséquences économiques et environnementales des différentes options se présentant à nous à chaque étape. Par exemple, comme l’a dit M. Desessard tout à l’heure, sur certains tronçons, nous devrons nous demander si nous voulons restaurer les canaux dits Freycinet ou en créer de nouveaux. Nous n’avons pas la solution aujourd’hui, car il est très difficile de l’avoir a priori. Le rapport Pauvros pose la question, mais il ne règle pas tous les problèmes, car tel n’est pas son but. Il faut donc avancer et faire le point à chaque étape. Je le répète, il est important de prévoir des clauses de rendez-vous avec la représentation nationale pour évoquer l’activité de cette société de projet.

De la même façon, vous avez raison, nous devons être très exigeants en termes d’emploi local. Ces chantiers étant des perspectives offertes à ces territoires, nous devons garantir que ces derniers bénéficieront effectivement des travaux.

Il importe de rappeler ces exigences étape après étape, et je m’engage à ce que la société de projet fonctionne en pleine transparence au regard de tous ces critères. Je préfère prendre cet engagement de discipline collective, plutôt que d’envisager un rapport qui aura du mal, je pense, à aller plus loin que celui du député Rémi Pauvros.

Je vous invite donc à retirer l’amendement n° 7 rectifié, faute de quoi j’y serai défavorable, mais dans l’esprit que je viens d’évoquer.

En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 1686.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 7 rectifié.

Mme Annie David. J’entends les arguments de M. le ministre et je prends acte des rendez-vous ponctuels qu’il propose pour le suivi du chantier. Peut-être un débat pourrait-il être organisé sur le sujet lors d’une semaine de travail parlementaire dédiée au contrôle ? (M. le ministre acquiesce.) Ce rendez-vous, qui pourrait prendre la forme d’une question orale avec débat, par exemple, serait de nature à rassurer l’ensemble de nos collègues et leur permettrait d’avoir une vision plus large de ce projet.

Certes, ce projet concerne localement les territoires, mais, vu son importance, notamment en termes de budget, il me semble que la représentation parlementaire, qu’elle soit du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest ou du Centre, est concernée dans son ensemble par ce dossier. Aussi, l’organisation d’un débat de suivi, ici même, dans trois mois, six mois peut-être, serait intéressante.

Monsieur le ministre, si tel est bien le rendez-vous que vous avez à l’esprit, je suis disposée à retirer l’amendement.

M. le président. Monsieur le ministre, que répondez-vous à cette sollicitation ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je prends bien évidemment l’engagement de participer à une telle séance. Je pense même qu’il faudra prévoir plusieurs rendez-vous. Nous devons créer les conditions pour que la société de projet, en lien avec le Gouvernement, puisse rendre compte régulièrement de ses activités et prendre en considération l’ensemble des préoccupations. En effet, le débat parlementaire et les échanges qu’il implique éclaireront les contraintes réelles que nous devons intégrer au projet. Je le répète, l’engagement est pris, et il sera tenu.

Mme Annie David. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 7 rectifié, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1686.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote sur l’article.

M. Gilbert Barbier. Bien entendu, je voterai cet article 3 bis A concernant le canal Seine-Nord Europe. Simplement, permettez que j’exprime un sentiment de jalousie par rapport à la décision qui vient d’être prise… (Sourires.).

Aussi, je voudrais savoir si M. le ministre envisage d’étendre cette proposition à d’autres secteurs du territoire, notamment au canal Rhin-Rhône, qui avait été abandonné en 1997, alors que nous étions dans une phase proche de la signature d’engagement des travaux.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. En tant qu’élu de Seine-Maritime, je me dois de donner mon avis sur le canal Seine-Nord Europe. D’ailleurs, je dirai que cette question ne concerne pas directement le fleuve traversant Paris, puisqu’il s’agit surtout de l’Oise et de son affluent.

Les Seinomarins, comme on appelle les habitants de Seine-Maritime, ont évidemment un regard vers la mer, ne serait-ce que parce que Le Havre est le deuxième port français, le premier en termes de réception de conteneurs. C’est aussi parce que Rouen, pourtant placé au bout de l’estuaire de la Seine, est le premier port céréalier d’Europe, desservant les grandes plaines de l’Oise, de la Somme ou de l’Artois, qui est aujourd’hui l’un des greniers à blé de notre pays.

Les habitants de ce département ont donc un regard acéré sur cette question, qui est susceptible d’influer sur les activités industrielles et économiques de la Normandie. Nul n’ignore que le bassin de la Seine a vu apparaître les grandes industries de l’automobile, les papeteries, les industries chimiques, la pétrochimie, les raffineries ; malheureusement, nous les voyons aussi disparaître aujourd’hui.

En ce qui me concerne, je partage un certain nombre d’arguments qui ont été donnés ce matin. La problématique est posée sur les liaisons entre le nord, l’ouest, mais aussi une partie de l’est de la France. Sans faire abstraction, bien sûr, du canal Seine-Nord Europe, mais en me concentrant plus particulièrement sur la Seine-Maritime, que je connais bien, je dirai qu’il est impératif de réaliser les liaisons entre le Nord et l’Ouest, ainsi qu’entre le Nord et l’Est, sinon, le département se retrouvera demain dans un cul-de-sac,…

M. Thierry Foucaud. … puisque nous partirions sur une ligne qui va de Paris vers le Nord, là où se feraient cinq plateformes. Tout passerait par Anvers et Rotterdam, le port du Havre étant ainsi menacé. Il faut bien prendre cet élément en compte, car il fait peser sur nous, je le répète, le risque de finir en cul-de-sac. L’aménagement Nord, Est et Ouest s’impose donc évidemment. En ce sens, je rejoins les remarques faites au cours de ce débat.

Monsieur le ministre, vous allez peut-être me répondre par le contrat de plan État-région, mais je veux vous dire qu’il y a en Seine-Maritime – j’allais dire malheureusement – des possibilités de réaliser des plates-formes. Sur Le Havre, il y a des terrains couvrant de 400 à 500 hectares, sur lesquels se posent, certes, des problèmes de biodiversité,…

M. Thierry Foucaud. … mais que l’on peut régler.

Sur Rouen, et ce que l’on appelle la Seine-Sud, si 600 hectares sont aujourd’hui disponibles, ces terrains ne sont malheureusement pas achetés, et donc encore moins aménagés. Le problème des plates-formes est donc repoussé aux calendes grecques. Je pense notamment à des terrains sur Seine-Sud, que je connais très bien, d’où les usines de chimie et de pétrochimie ont disparu. Il serait donc nécessaire de dépolluer ces terrains avant de les aménager. Je regrette que rien n’ait été fait.

Il faudrait que nous allions tous dans le même sens ; mais, s’agissant de la Seine-Maritime, malgré des remarques, des propositions et des interventions répétées, monsieur le ministre, rien n’a été fait.

Comme je ne dirige ni le conseil régional, ni le conseil général, ni la métropole rouennaise, je tenais à pointer ce sujet important. Il nous faut prendre des décisions, mais il nous faut aussi les appliquer. Cela vaut pour les questions d’emploi, les problèmes de la route, du fleuve, mais également ceux du rail, qui sont aussi fondamentaux, au moment où il est question de supprimer à Sotteville-lès-Rouen la troisième plate-forme de France en termes de triage. Or nous connaissons tous l’importance de ces activités pour irriguer notamment le pays. J’ajoute que le fret est également intéressant en termes de sécurité, d’environnement, d’écologie.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. J’en termine là, monsieur le président, mais j’interviendrai de nouveau sur le sujet, car, à ce stade, je pense que la discussion n’est pas close.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Notre collègue Gilbert Barbier, évoquant l’abandon du canal Rhin-Rhône, a exprimé un sentiment de jalousie. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)

Pour la bonne information de nos collègues, il me semble important de faire un rappel l’historique. Le projet de canal Rhin-Rhône a été abandonné en 1997 pour des raisons environnementales. La liaison Saône-Moselle a ensuite été inscrite à l’agenda, au nom de considérations politiques.

Afin de régler le problème, d’aucuns ont évoqué le « Rhin-Rhône-Saône-Moselle », le fameux « Y ». Mais nous savons bien qu’un tel projet, dont le coût serait exorbitant, ne verra jamais le jour. Tôt ou tard, il faudra bien choisir entre l’option Rhin-Rhône et l’option Saône-Moselle pour établir une jonction en grand gabarit entre les grands ports du nord de l’Europe et la Méditerranée, en l’occurrence le port de Marseille.

Vous le savez, monsieur le ministre, c’est la deuxième option qui a ma préférence. Un tel choix conforterait les efforts réalisés par l’État dans le cadre du contrat de plan État-région et du pacte Lorraine en termes d’aides aux plateformes multimodales, celles-ci ne demandant qu’à se développer. En même temps, cela permettrait de régler le problème des flux de poids lourds, notamment ceux de l’autoroute A31, et des grands mouvements de circulation entre les ports de la mer du Nord et le sud de l’Europe.