M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1728, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° La seconde phrase est ainsi rédigée :

« Le règlement du fonds peut prévoir plusieurs catégories de parts.

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement est retiré.

M. le président. L'amendement n° 1728 est retiré.

Je mets aux voix l'article 35 septies.

(L'article 35 septies est adopté.)

Article 35 septies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 35 octies

Article 35 octies

(Non modifié)

I. – Le titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 10° sexies de l’article L. 135-3 est abrogé ;

2° La section 2 du chapitre VII est abrogée.

II. – Le I est applicable aux abondements versés par les employeurs à compter du 1er janvier 2016.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous sommes défavorables à cet amendement, que nous avions déjà rejeté en commission.

Nous nous inquiétons tous du déficit du Fonds de solidarité vieillesse – FSV –, qui a atteint 2,9 milliards d’euros en 2013. L’article 35 octies, que cet amendement vise à supprimer, supprime certes une ressource du FSV, mais dont le rendement est marginal : la contribution sur les abondements des employeurs au PERCO s’élève à 7 millions d’euros par an, à comparer aux 21,4 milliards d’euros de ressources du FSV en 2013.

De plus, cette contribution avait des effets désincitatifs qui freinaient le développement des PERCO.

La commission a émis un avis favorable sur le dispositif prévu à l’article 35 octies, qui ne remet pas en cause notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Cet article répond par ailleurs à une demande du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35 octies.

(L'article 35 octies est adopté.)

Article 35 octies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 35 nonies

Article additionnel après l'article 35 octies

M. le président. L'amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux, Deseyne et Gruny, est ainsi libellé :

Après l’article 35 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- L’article L. 3334-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3334-3. – L'entreprise qui a mis en place un plan d'épargne d'entreprise depuis plus de trois ans met en place un plan d'épargne pour la retraite collectif ou un contrat mentionné au b du 1 du I de l'article 163 quatervicies du code général des impôts ou un régime mentionné au 2° de l'article 83 du même code. »

II – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Les amendements que je vais vous proposer viseront toujours le même objectif : développer l’épargne longue dans les PME et les TPE – cela devrait plaire beaucoup à Mme David (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) – au moment où elles ont besoin de fidéliser leurs personnels et où ceux-ci s’inquiètent pour leur retraite.

En effet, aujourd’hui, seuls 17 % des salariés de TPE et de PME de moins de cinquante salariés sont couverts par un dispositif d’épargne salariale, contre 93 % des salariés des entreprises de plus de 500 salariés.

L’ensemble des amendements que je vais vous proposer n’engendre pas de charge financière directe pour les entreprises, si ce n’est, il est vrai, quelques frais administratifs extrêmement légers.

L’amendement n° 104 rectifié bis prévoit la mise en place d’un dispositif d’épargne pour la retraite couvrant tous les salariés de l’entreprise dès lors que celle-ci propose un plan d’épargne d’entreprise, ou PEE, depuis plus de trois ans.

Cette proposition est de nature à accélérer le développement de l’épargne de longue durée en vue du financement de la retraite dans les TPE et les PME.

Le coût de mise en place du PERCO est marginal pour l’employeur par rapport à celui du PEE. La disposition proposée ne créerait donc pas de contrainte financière supplémentaire significative pour les entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est bien entendu favorable au PERCO et aux dispositifs équivalents.

L’auteur de l’amendement souhaite aller au-delà du système actuel en rendant obligatoire la création d’un PERCO, ou d’un dispositif équivalent, après trois ans d’existence d’un PEE.

Compte tenu de leur rémunération, de leur situation familiale et de leur choix personnel, les salariés d’une entreprise peuvent privilégier le court terme, donc le PEE, qui est plus liquide, ou, au contraire, le long terme à travers le PERCO, qui est utilisable seulement lors du départ en retraite.

La commission a souhaité conserver la souplesse actuelle aux entreprises et aux salariés.

En outre, à notre connaissance, le COPIESAS n’avait pas non plus formulé de proposition particulière en ce sens.

Nous demandons donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Cinq cas, entre autres situations, permettent le déblocage anticipé du PERCO : le décès, l’invalidité, le surendettement, l’expiration de droits à l’assurance chômage – surtout ! – et l’acquisition de la résidence principale.

Aujourd’hui, le PERCO représente 10,3 milliards d’euros d’encours. Il a connu une augmentation de 20 % en un an, mais uniquement dans les grandes entreprises.

Notre amendement vise seulement à en rendre obligatoire la mise en place. On ne sera pas obligé de l’alimenter. Il s’agit de développer le PERCO, de manière que chaque société puisse se familiariser avec ce dispositif. Il n’y a aucune obligation pour les entreprises ou pour les salariés d’effectuer des versements. Mais si on n’oblige pas les entreprises à mettre en place ce dispositif, il ne se développera que dans les très grandes entreprises, ce qui finalement crée une iniquité envers tous les salariés.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Madame Debré, nous sommes défavorables à votre amendement.

Ce que vous proposez va au-delà de la mise en place d’un PERCO puisque vous prévoyez que, dès lors qu’il existe un PEE, la mise en place d’un PERCO, abondé ou pas, ou d’un système de capitalisation pour la retraite est obligatoire. Votre amendement inclut en effet les deux dispositifs.

Mais le problème, c’est que cette mise en place doit résulter d’un dialogue social, c’est la philosophie de ce type de dispositif. Par ailleurs, des dispositions qui devraient accélérer la mise en place du PERCO sont prévues dans le projet de loi.

Nous ne sommes pas dans la logique d’un système obligatoire, qui est contraire à la philosophie générale de ce dispositif, lequel résulte d’un accord entre l’entreprise et les salariés au travers du dialogue social. En outre, le rythme d’abondement des uns et des autres doit être fixé par les salariés et les chefs d’entreprise. Donc, nous désapprouvons tout à fait votre amendement.

Mme Isabelle Debré. C’est votre droit !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Selon nous, mais Mme Bricq vient d’évoquer ce point, en matière d’épargne salariale, comme d’ailleurs en matière d’épargne retraite, il ne faut rien mettre en place qui ne soit le fruit de la décision mûrement réfléchie par l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Donc, le principal défaut de votre amendement, madame Debré, c’est en effet de rendre obligatoire un produit financier dont la particularité, soit dit en passant, est de n’être liquidable que sur le long terme.

C’est une des raisons pour lesquelles nous voterons contre cet amendement.

M. Jean Desessard. Et on n’est même pas sûr que le général de Gaulle soit d’accord... (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Pas de provocation, monsieur Desessard ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 35 octies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 40 ter (priorité)

Article 35 nonies

I. – La section 9 du chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 137-17 ainsi rétabli :

« Art. L. 137-17. – Le taux de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code est fixé à 12 % pour les versements des sommes issues de l’intéressement et de la participation ainsi que pour les contributions des entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 3334-6 du code du travail et versées sur un plan d’épargne pour la retraite collectif dont le règlement respecte les conditions suivantes :

« 1° Les sommes recueillies sont affectées par défaut dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 3334-11 du même code ;

« 2° L’allocation de l’épargne est affectée à l’acquisition de parts de fonds, dans des conditions fixées par décret, qui comportent au moins 7 % de parts ou de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier.

« Le produit de cette contribution est réparti dans les conditions prévues à l’article L. 137-16 du présent code. »

II. – (Non modifié) À la première phrase du dernier alinéa du V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, le taux : « 5 % » est remplacé, deux fois, par le taux : « 10 % ».

III (nouveau). – L’avant-dernier alinéa et le tableau constituant le dernier alinéa de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le produit de cette contribution est affecté pour 80 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et pour 20 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1. »

IV (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

Mme Annie David. Cet article 35 nonies traduit de manière législative la proposition n° 17 du rapport du COPIESAS. Il s’agissait d’inciter les entreprises à modifier les mandats de gestion des fonds PEE et PERCO afin de permettre une réaffectation de 5 % à 10 % de l’actif de ces fonds en titres PME.

Le COPIESAS suggérait de mettre en œuvre cette incitation par une modification du forfait social. En tant que membre du COPIESAS, je m’étais opposée à cette proposition n° 17.

En effet, ce qui est proposé dans l’article 35 nonies, c’est finalement un abaissement du taux du forfait social pour les PERCO composés d’au moins 7 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions, PEA, destiné au financement des petites et moyennes entreprises ou des entreprises intermédiaires.

Le COPIESAS estimait que l’épargne salariale pourrait entraîner 350 millions à 400 millions d’euros d’investissement dans les PME, au cours des trois prochaines années, sous réserve d’une démarche volontariste.

Cela signifie que le COPIESAS tablait sur une réorientation de l’encours de PERCO de l’ordre de 1,9 milliard d’euros, à comparer aux 9,7 milliards d’euros d’encours total.

Pour cette réorientation, le forfait social est abaissé de 8 points dans la version du texte de la commission spéciale, ou de 4 points dans la version du texte proposé par le Gouvernement.

Or, d’après le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, 0,5 point de forfait social équivaut à 0,15 milliard d’euros de recettes en moins pour la sécurité sociale. Le manque à gagner équivaudrait donc à 2,4 milliards d’euros pour 8 points de forfait social en moins, ou 1,2 milliard d’euros pour 4 points de forfait social en moins.

Certes, la baisse de forfait social prévue dans cet article ne s’applique qu’à certains versements sur le PERCO : les versements issus de l’intéressement, de la participation, et des contributions de l’entreprise. Or ces versements représentent quand même 83 % des PERCO.

En prenant en compte cet élément, la baisse du forfait social coûterait environ 2 milliards d’euros à notre protection sociale.

La baisse du forfait social étant selon nous suffisamment importante pour créer un effet d’aubaine et orienter l’essentiel des flux futurs vers des PERCO contenant 7 % de titres PME, le coup porté aux comptes de la sécurité sociale est sérieux, mes chers collègues.

La branche vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, qui percevaient le forfait social, vont ainsi être privés de plusieurs centaines de milliers d’euros, pour, de nouveau, un gain sur l’économie estimé à 133 millions d’euros par an.

Or ce n’est pas comme si la branche vieillesse et le FSV n’avaient pas besoin de ressources : le FSV affiche en 2015 un déficit de 2,9 milliards d’euros, et la branche vieillesse, de 1,5 milliard d’euros.

Ce n’est pas non plus comme si ce besoin de ressources allait croître au fil du temps, étant donné l’évolution démographique de notre pays : selon l’INSEE, du fait de la croissance de la population âgée, il n’y aurait plus que 1,5 actif pour un inactif de plus de soixante ans en 2060, contre 2,1 en 2010. Ce n’est donc pas le moment de priver notre protection sociale de ressources.

Voilà les quelques mots d’introduction que je voulais formuler au début de l’examen de cet article.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mme Assassi, MM. Bocquet et Watrin, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. À travers cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 35 nonies.

En effet, la mesure prévue à cet article, en ce qu’elle contribue à développer la retraite par capitalisation, n’est pas acceptable pour celles et ceux qui défendent une vision de gauche.

Cela accroît la pression financière sur la branche vieillesse de l’assurance maladie et contribuera à ce que les retraites proposées par le régime général soient insuffisantes pour vivre.

Elle encourage a contrario la constitution d’une épargne retraite personnelle, ou du moins au niveau de l’entreprise.

Or ce système est forcément défavorable aux plus modestes : étant donné la faiblesse des salaires, il est impossible de se constituer une épargne. D’ailleurs, les salaires sont d’autant plus faibles que l’épargne salariale est privilégiée au détriment du salaire brut, nous y reviendrons.

De plus, les PERCO ne s’adressent pas à toutes et à tous. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montre ainsi que la part des salariés ayant un PERCO est d’autant plus grande que la taille de leur entreprise est importante.

Cette part dépend également du secteur d’activité : 3,8 % des salariés de l’hôtellerie et de la restauration ont un PERCO, contre 50,1 % des salariés du secteur de la finance et des assurances, par exemple.

Selon l’Association française de la gestion financière, le bénéficiaire d’un PERCO est âgé de quarante-six ans en moyenne, et c’est un homme dans deux tiers des cas. Nous n’irons pas jusqu’à démontrer un éventuel lien de causalité entre la faiblesse des salaires des femmes et le fait qu’elles ont moins souvent un PERCO, mais ce constat donne à réfléchir...

Ainsi, pour forcer le trait, le salarié qui bénéficie d’un PERCO est un homme d’âge mûr, avec un emploi stable dans une grande entreprise, disposant d’un salaire confortable. Pour les autres, notamment les femmes, les personnes ayant subi des carrières discontinues, celles dont le salaire sert à peine à subvenir à leurs besoins et qui n’ont donc pas la capacité d’épargner pour leur retraite, il ne leur reste que le régime général.

Or, avec cet article, ce régime est amputé d’une partie de ces ressources. Reste donc, après des années de travail, une vie avec un revenu proche des minima sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 37 visant à supprimer l’article 35 nonies dans la mesure où elle a renforcé l’attractivité du « PERCO plus », orienté vers le financement des entreprises, en abaissant le taux du forfait social de 16 % à 12 %.

Cette nouvelle forme de PERCO est utile pour les salariés qui arrivent à l’âge de la retraite et pour le développement de nos entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi, à ce moment opportun, de dire quelques mots sur ces dispositifs et l’esprit de la réforme qui fait suite au rapport du COPIESAS.

Pour des raisons budgétaires, une décision a entraîné, en 2012, le relèvement du forfait social de 8 % à 20 %.

M. Emmanuel Macron, ministre. On en a discuté concernant d’autres dispositifs. Cette mesure, qui me semble, honnêtement, avoir été douloureuse,…

M. Emmanuel Macron, ministre. … a indéniablement pénalisé les entreprises ayant fait le choix de mettre en place ces plans d’épargne et qui ne sont pas, il faut bien le dire, les entreprises les moins-disantes sur le plan social.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme je l’ai indiqué hier à propos d’autres sujets, nous sommes collectivement victimes d’un raisonnement statique, que nous tenons constamment, et qui constitue une ambiguïté.

En ces matières budgétaro-fiscales, on tient toujours un raisonnement qui fait penser à une scène de chasse : le lapin ne bouge pas du pré. Lorsque dix lapins sont dans un pré, on en tue peut-être huit la première année, mais, la deuxième année, force est de constater que dix lapins ne reviennent pas. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Ils sont malins, les lapins ! (Nouveaux sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Le lapin est malin ! Et, manifestement, le Français aussi ! (Même mouvement.)

Pour le sujet qui nous occupe, il en résulte que la base est constamment réduite. On a constaté que le relèvement du forfait social de 8 % à 20 % avait certes entraîné un gain budgétaire – c’était l’objectif recherché ! –, mais avait désincité certaines entreprises à recourir à l’épargne salariale. Ce faisant, l’assiette de cet impôt a été réduite. On a eu beau relever le taux du forfait, les recettes s’en sont trouvées affectées. Nous n’avons pas encore la pleine évaluation de ces mesures, mais voilà le cadre.

J’ai entendu vos remarques, madame David, sur les pertes en matière de comptes sociaux.

Je ferai d’abord observer que, le taux ayant été relevé en 2012, la situation est plutôt mieux-disante en termes de recettes sociales.

Avec l’article 35 nonies, le Gouvernement propose une mesure très particulière, l’abaissement du taux de 20 % à 16 % – c’est là où se situe le débat avec la commission spéciale –, dans le cas de versements sur un PERCO qui permettraient de financer des PME et des ETI. Les évaluations que nous avons réalisées figurent dans l’étude d’impact, cette mesure coûte entre 50 millions et 60 millions d’euros, après l’augmentation précédente qui a engendré un gain de plusieurs milliards d’euros. Cet ensemble de mesures est donc très loin de mettre en danger les équilibres des comptes sociaux.

Mme Annie David. Mais non, c’est plus, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Bien sûr que si ! Je veux bien en parler de manière très précise, le coût de la mesure prévue à l’article 35 nonies est évalué entre 50 millions et 60 millions d’euros, avec l’hypothèse selon laquelle les comportements en matière de placement seront pérennes. En suivant ce raisonnement, j’estime que l’avantage accordé en faveur de l’épargne salariale placée dans un PERCO destiné au financement des PME et des ETI incitera certaines entreprises à placer plus. Ainsi, la première année, le coût budgétaire devrait être compensé par une dynamique plus favorable. Telle est la précision que je tenais à apporter.

C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement. Je tenais à corriger les estimations en milliards d’euros que vous avez présentées quant à l’impact de cette mesure pour justifier cet amendement de suppression. (Mme Annie David s’exclame.) On est très loin de cette réalité ! Les choix qui ont été faits par le Gouvernement en la matière en sont aussi très loin !

Enfin, concernant nos propres contraintes, on a pu voir que l’augmentation de la fiscalité peut aussi parfois conduire à des effets pervers.

Compte tenu des équilibres définis à la suite des travaux du COPIESAS – nous aurons de longs débats sur ce sujet ultérieurement –, le Gouvernement a souhaité mettre en place un système de baisse progressive. Concernant l’accord qui a été pris, je serai assez contraint dans mes positions, mais nous pourrons en discuter.

Le COPIESAS souhaitait un peu plus que ce que le Gouvernement a pu arrêter pour des contraintes budgétaires de court terme.

M. Jean Desessard. C’est très bien expliqué, mais l’histoire des lapins, je n’ai pas compris… (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas très transparent ! Que deviennent les deux lapins ? (Exclamations amusées.)

M. Éric Doligé. Ils se reproduisent ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Bouvard. C’est la parabole du lapin ! (Même mouvement.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je n’ai pas la prétention de vous répondre, monsieur le ministre, mais j’aimerais alimenter le débat.

Vous dites que cette mesure est proposée en vue de financer les PME et les ETI. Mais enfin, vous proposez aux salariés de financer les entreprises ! Et que font les banques ? Que fait la Banque publique d’investissement ? Vous vous servez de l’épargne des salariés pour financer les entreprises. Depuis hier, j’essaie de vous parler de responsabilités sociales des entreprises. Mais là, pour le coup, c’est encore aux salariés, qui plus est à travers leur épargne, avec le PERCO, un plan d’épargne pour la retraite collectif, de financer eux-mêmes les entreprises ! C’est beaucoup demander aux salariés !

Quant aux comptes de la sécurité sociale, les sommes en jeu ici n’ont peut-être rien à voir avec les gains apportés par le passage du forfait social à 20 % il y a quelque temps, mais quand même…

Je ne voulais pas vous ennuyer, mais permettez-moi de vous lire des déclarations faites par certains de nos collègues sénateurs lors des débats concernant l’augmentation du forfait social.

« Tout travail mérite salaire et tout salarié mérite protection sociale. Comment cette protection est-elle payée ? Dans notre système, elle prend la forme de cotisations salariales et patronales. Dans ces conditions, pourquoi certaines rémunérations échapperaient-elles à la solidarité nationale, alors qu’elles sont issues du même rapport salarial ?

« Notre objectif est en effet d’éviter la substitution d’une épargne salariale […] aux hausses de salaires. »

« Ces éléments exemptés d’imposition, de contribution sociale constituent, quoi que l’on puisse dire, de véritables niches sociales particulièrement appréciées et optimisées et, que cela plaise ou non de l’entendre, plus répandues dans les grandes entreprises que dans les petites et moyennes entreprises. Elles profitent davantage aux salariés de niveau élevé qu’à ceux qui sont au bas de l’échelle des salaires. » C’est exactement ce que je vous ai dit.

« Surtout, nul ne peut ignorer l’effet substitutif en termes de salaire et de rémunération que peut provoquer une utilisation trop large de ces dispositifs quand, nous le savons, les salaires sont, eux, assujettis à une contribution globale qui approche les 45 % à titre social. »

Mes chers collègues, ce ne sont pas nos propos, même si nous les partageons, ce sont ceux du groupe socialiste du Sénat,…

M. François Pillet, corapporteur. Et voilà !

Mme Annie David. … qui a défendu, en 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, l’article 27 visant à relever le forfait social de 8 % à 20 % !

Monsieur le ministre, nous partageons toujours ces mêmes propositions et, en tout cas, nous défendons toujours ces valeurs. C'est la raison pour laquelle je ne puis accepter de vous entendre dire que cela ne portera pas un coup fatal à notre protection sociale.

Je vous ai donné les chiffres, le FSV, l’assurance maladie et l’ensemble de notre protection sociale sont en peine de trouver des recettes. Et alors même que vous aviez eu le courage, que nous avions eu collectivement le courage, en 2012, de porter ce forfait social à 20 %, vous voulez revenir en arrière, en l’abaissant à 16 %. Nous ne pouvons pas être favorables à cette mesure.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je tiens simplement à apporter deux précisions.

Premièrement, je l’ai dit à votre collègue précédemment, votre argumentation pose constamment une question sous-jacente liée au caractère de substitution de l’épargne salariale au salaire. De multiples thèses ont été écrites sur ce sujet. On n’arrive pas à le documenter, mais regardons simplement ce qui s’est passé au cours de la décennie passée.

Dans les grands groupes, huit salariés sur dix ont une épargne salariale. Mais il n’y en a quasiment pas dans les PME. Aussi, l’un des objectifs de cette réforme est de remédier à cette lacune.

En France, c’est dans les grands groupes que la dynamique salariale a été la plus forte.

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Durant la dernière décennie, les salaires ont augmenté dans les entreprises ayant distribué le plus d’épargne salariale.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si l’on compare la France et l’Allemagne, sauf à ce que quelque chose m’ait échappé, j’observe que, en moyenne, le taux de croissance allemand a été plus élevé et le taux de chômage plus bas et que la dynamique salariale a été beaucoup plus modérée que la nôtre.

Les salariés qui, en moyenne, ont le plus touché d’épargne salariale n’ont pas été ceux qui ont le plus souffert en termes de salaire. Ce n’est pas vrai !