M. Olivier Cadic. Pour les mêmes raisons, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 923 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 1245 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 91

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3122-6 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous cherchons, nous aussi, en toute modestie, à simplifier le code du travail et nous vous proposons d’abroger l’un de ses articles.

Abrogeons donc l’article L. 3122-6 du code du travail, qui permet aux employeurs d’imposer à leurs salariés d’importantes modulations du temps de travail, sans avoir à craindre de sanctions judiciaires, à l’image de celle qu’avait prononcée la Cour de cassation le 28 septembre 2010. Cet arrêt avait en effet clairement affirmé qu’un accord collectif ne pouvait imposer au salarié une modulation de son temps de travail sans requérir préalablement son consentement exprès.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, ces amendements et ceux qui vont suivre visent à revenir à un véritable code du travail, conforme à un projet de société différent de celui que propose M. Cadic.

Nous voulons en effet un code du travail qui permette aux salariés et aux employeurs de connaître leurs droits et leurs devoirs et garantisse que ceux-ci soient respectés dans l’intérêt général, afin que les salariés puissent travailler dans de bonnes conditions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 1329 rectifié et 1245 rectifié ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1329 rectifié vise à généraliser le principe de faveur. La commission spéciale a émis un avis défavorable, de même que sur l’amendement n° 1245 rectifié.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que vous attendiez avec impatience les résultats de la commission Combrexelle. Finalement, l’objet de ses travaux n’est pas très éloigné de celui de l’amendement sur lequel vous avez par inadvertance émis un avis favorable hier soir. N’ayez donc pas trop de regrets ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avec l’amendement n° 1329 rectifié, vous refermez toutes les portes ouvertes dans le code du travail tant par la réforme de 2004, qui a permis à des accords de branche de déroger à la loi, que par la réforme de 2013, qui permet cette fois à des accords majoritaires d’entreprise de déroger à la loi.

Nous avons un désaccord d’ordre politique sur ce point. Je considère qu’il est utile que ces accords, d’entreprise ou de branche, puissent déroger à la loi, mais dans des conditions précises.

Dans les deux cas, ces accords ne sont possibles que dans certains secteurs, définis par la loi.

Ensuite, la possibilité de déroger doit aussi être explicitement prévue par la loi : il n’y a donc pas de principe général permettant à l’accord majoritaire d’entreprise ou à l’accord de branche de déroger à la loi.

Enfin, l’accord d’entreprise doit être majoritaire, ce qui est encore plus contraignant – nous avons eu un long débat avec Mme Lienemann sur ce sujet.

Le droit actuel est donc équilibré et, je le répète, il n’existe aucun principe général de dérogation de l’accord de branche ou de l’accord majoritaire d’entreprise par rapport à la loi.

Vous percevez ces ouvertures comme des failles et je reconnais la cohérence de votre position. Comme je viens de l’expliquer, nous n’avons pas la même vision. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, parce que je pense que vous ne le retirerez pas, compte tenu de la ligne que vous défendez.

Néanmoins, cet amendement a le mérite de mettre un fait en lumière : on a créé des éléments de flexibilité encadrés, mais l’architecture d’ensemble du code du travail n’est pas cohérente.

Indépendamment de nos sensibilités, reconnaissons qu’il faut ouvrir un débat sur la totalité du code du travail pour y rétablir une cohérence. Il faudra revenir à des principes simples, par exemple en précisant ce qui doit relever de la loi et ce qui doit relever des accords, et avec quels contrôles. Chacun devra se prononcer en fonction de ses convictions, mais je ne vous suivrai pas sur les corrections que vous proposez, parce que je crois à la nécessité des accords de branche et des accords d’entreprise, à condition qu’ils soient bien cadrés.

En ce qui concerne l’amendement n° 1245 rectifié, j’émettrai également un avis défavorable. En effet, l’annualisation du temps de travail est un principe appliqué dans de nombreux secteurs – c’était d’ailleurs l’un des apports de la loi sur les 35 heures, que je ne manque jamais de saluer.

Lorsqu’une entreprise décide d’y recourir, elle doit être couverte par un accord collectif, consulter le comité d’entreprise et informer les salariés concernés. Dans ce cadre, le salarié reste protégé dans la durée légale de la semaine de travail. Il n’y a pas lieu d’abroger une disposition qui permet une certaine souplesse vis-à-vis des salariés, en toute transparence. Imposer une modification du contrat de travail ne ferait qu’alourdir le dispositif sans apporter de garantie supplémentaire.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. On a demandé à M. Cadic de retirer son amendement parce que la commission Combrexelle se penchait sur la question ; le même argument aurait pu être opposé à Mme David, même si son amendement ne visait pas, lui, à inverser la hiérarchie des normes du droit du travail.

Monsieur Cadic, le problème qui se pose ne tient pas simplement au poids du code du travail ! Quand M. le Premier ministre a adressé sa lettre de mission à M. Combrexelle, il a bien fixé le cadre et dit les attentes du Gouvernement. Il est parti d’une observation : depuis 1982, c’est-à-dire depuis les lois Auroux, notre pays a connu d’importants changements. Les chiffres relatifs aux accords intervenus en 2013 sont assez éclairants : 5 accords nationaux interprofessionnels, 1 300 accords de branche et 39 000 accords d’entreprise. Le Premier ministre veut donc savoir comment on peut prendre en compte tous ces accords.

Le Premier ministre insiste, également, sur le fait que le droit du travail doit « coller » à la réalité du terrain.

Dans tous les cas, monsieur Cadic, il s’agit de favoriser la négociation collective afin qu’elle se déroule au plus près des acteurs.

Dans le texte que nous examinons, deux notions qui font leur apparition en droit me paraissent importantes. Il s’agit notamment, pour ce qui concerne le travail du dimanche, de la reconnaissance des accords territoriaux.

Lorsque nous examinerons, en fin de parcours, tout ce qui a trait au plan de sauvegarde de l’emploi, le PSE, nous aurons alors à considérer une seconde notion, celle de bassin d’emploi, très importante par rapport à la volonté du Gouvernement de s’approcher au plus près du terrain, mais toujours dans le cadre de la négociation collective. C’est d’ailleurs ce qui nous différencie de vous, monsieur Cadic, qui préférez vous attacher aux relations conventionnelles et individuelles.

Nous considérons, pour notre part, que le sujet traité concerne des salariés, et non des individus, et là réside notre divergence avec nombre de personnes de droite.

Alors on peut toujours dire que l’on aurait dû décider cette mission plus tôt, madame Procaccia. Quoi qu’il en soit, la démarche est importante : elle nous donnera matière à adapter le droit du travail, sans que l’on ait à se départir de la volonté de négociation, si importante, des partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. En souhaitant le rétablissement de la hiérarchie des normes, nous ne disons pas pour autant qu’il faut supprimer les accords d’entreprise et que tout doit figurer dans la loi.

Ces accords ont toujours existé, mais la loi doit fixer les règles minimales qu’il convient de respecter. C’est ce que je vous reproche de ne pas avoir prévu concernant le travail du dimanche.

J’y insiste, la loi doit fixer les règles minimales relatives au salaire, aux horaires, à la modulation, aux conditions de travail. Par la suite, évidemment, chaque branche élabore l’accord qui lui correspond. Dans la métallurgie, l’accord sera différent de celui qui s’applique dans l’hôtellerie, la restauration ou le commerce. C’est déjà le cas aujourd’hui ! Mais au moins existe-t-il, aujourd’hui, un minimum légal pour tous les salariés : le SMIC, par exemple.

Si l’on vous suivait, on pourrait très bien imaginer, demain, un SMIC différent selon l’entreprise... Cela ne voudrait plus rien dire, si ce n’est une grille de salaires par entreprise. Ce n’est pas ce que nous voulons !

La loi doit définir les règles qui seront impérativement respectées par tous les partenaires sociaux dans les entreprises, règles qui sont ensuite déclinées dans les accords de branche et les accords d’entreprise.

Parmi les accords d’entreprise que vous avez évoqués, madame Bricq, certains sont sans doute plus avantageux que la loi. Tant mieux ! Mais peut-être, aussi, certains le sont-ils moins. Je ne connais pas les milliers d’accords d’entreprise existants...

Vous nous parliez, monsieur le ministre, des accords majoritaires. Ils existent, certes, mais je vous rappelle qu’il y a aussi des référendums, auxquels les entreprises aiment à recourir, car ils leur permettent de faire porter la responsabilité du moins-disant social sur les salariés.

Rappelez-vous les Conti, qui avaient accepté de travailler plus de 35 heures et de diminuer leur salaire, en contrepartie de quoi l’entreprise devait maintenir les emplois. Or, au bout du compte, les salaires ont diminué, les horaires ont augmenté et l’entreprise a fermé !

À un moment donné, il faut tout de même que le droit du travail permette aux salariés, à leurs représentants et à l’ensemble des institutions représentatives du personnel, les IRP, de se faire respecter et d’être entendus.

Par cet amendement visant à rétablir la hiérarchie des normes, je ne souhaite pas revenir à l’époque des dinosaures, mais à la situation d’avant 2004. Ce n’est pas vieux ! Car c’est cette année-là que la hiérarchie des normes a été inversée...

Par ailleurs, nous ne souhaitons pas tant empêcher l’annualisation qu’éviter que les employeurs ne se dispensent de payer les heures supplémentaires, comme cela leur incombe dès lors que l’annualisation est mise en œuvre.

Je maintiendrai donc mes deux amendements, malgré les arguments qui nous ont été opposés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne veux pas prolonger indéfiniment la discussion, mais celle-ci est très importante en ce qu’elle fait écho, sur le plan conceptuel, au débat que nous avons eu sur le travail du dimanche, exemple que vous avez eu raison de citer.

Lorsque la recodification du code du travail a été lancée, selon le principe très simple que vous avez rappelé, le constat a été dressé collectivement qu’il fallait introduire des aménagements. Mais je ne suis pas d’accord avec vous, madame David, toute la hiérarchie des normes n’a pas été inversée : dans certains pans du droit, l’inversion était très marginale.

Aujourd’hui, il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes. Nous en restons au principe dit « de la crémaillère sociale » : sur l’essentiel, hormis les deux sujets que nous avons évoqués, l’accord de branche est toujours mieux-disant que la loi et l’accord d’entreprise toujours mieux-disant que l’accord de branche.

Cela étant, on observe que, lorsque l’on souhaite aller au-delà du minimum prévu par la loi, certains secteurs ou acteurs de l’économie ne peuvent plus suivre, ou difficilement.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est le cas pour le travail du dimanche !

M. Emmanuel Macron, ministre. Exactement !

Sur le principe, je pourrais être d’accord avec vous et dire qu’il faut payer double le dimanche, car c’est une juste compensation. Pourquoi ne l’a-t-on pas prévu dans la loi ? Parce que nous savons que certains types de commerces et de secteurs ne pourront pas faire face à une telle obligation.

Toute la question est de savoir quel doit être le minimum à inscrire dans la loi. C’est l’objet du débat politique !

En France, le consensus social s’est établi ainsi, collectivement. Ces dernières décennies, la droite et la gauche ont eu tendance à inscrire dans la loi un niveau minimum très exigeant. Or, quand certains secteurs ou certaines entreprises se sont retrouvés en situation difficile, on a vu que ce niveau minimum n’était parfois plus soutenable. C’est exactement ce qu’a illustré notre débat sur le travail du dimanche.

Ainsi, dans le secteur du vêtement, les commerçants ne peuvent pas payer double un salarié qui travaille le dimanche, pas plus que dans nombre de petites villes dites « touristiques » où la fréquentation est nulle du mardi au vendredi soir.

Voilà pourquoi nous n’avons pas inscrit ce niveau minimum dans la loi et que nous l’avons renvoyé à des accords de branche et d’entreprise.

Cette forme de déconcentration, qui consiste à fixer dans la loi des principes et à renvoyer pour le reste à des régulations sociales, a ses vertus. En effet, la meilleure volonté du monde se heurte parfois à la diversité des situations. C’est tout le défi posé au travers de cette réforme du code du travail.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Ce débat commence à devenir vraiment intéressant et à aller dans le bon sens ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame David, le code du travail doit être le plus simple possible, pour être compréhensible par tous. J’ai compris que vous l’aviez compris ! (Sourires.)

Tel était exactement l’objet de mes amendements : un code du travail le plus simple possible, l’accord de branche pour entrer plus avant dans les détails, puis l’accord d’entreprise afin d’élaborer le contrat final.

Ce que je viens d’entendre me fait penser que nous pourrions, tous ensemble, progresser et marquer l’Histoire.

Mme Éliane Assassi. Avec vous, j’ai des doutes ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1329 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1245 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 4

Mesures relatives au développement de l’emploi des personnes handicapées et aux contrats d’insertion

Articles additionnels après l'article 91
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 93

Article 92

(Non modifié)

L’article L. 5212-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « fournitures » est remplacé par le mot : « fourniture, » ;

2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Soit des travailleurs indépendants handicapés reconnus bénéficiaires de l’obligation d’emploi au sens de l’article L. 5212-13. Est présumée travailleur indépendant au sens du présent article toute personne remplissant les conditions mentionnées au I de l’article L. 8221-6 ou à l’article L. 8221-6-1. » ;

3° Après le mot : « établissements », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « , services ou travailleurs indépendants. Toutefois, cet acquittement partiel est déterminé soit en tenant compte du nombre de salariés exerçant pour le compte des travailleurs indépendants mentionnés au 4°, soit de façon forfaitaire pour les travailleurs indépendants mentionnés au même 4° relevant du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Apparemment, cet article, qui offre aux entreprises la possibilité de s’acquitter partiellement de leurs obligations en matière d’emploi de travailleurs handicapés semble constituer une réponse intéressante pour permettre le développement de l’emploi des travailleurs indépendants en situation de handicap.

Cependant, ce changement dans l’obligation d’emploi a des effets que je qualifierais de pervers, ainsi que des conséquences indésirables et incontrôlables. Il ne faut pas oublier, en effet, que la grande majorité des travailleurs indépendants qui sollicitent, notamment, le soutien de l’Association chargée de gérer le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, sont des personnes très défavorisées et en difficulté. En outre, elles exercent souvent des métiers ne répondant pas aux demandes des entreprises.

Si cette disposition vise à concerner tous les travailleurs indépendants handicapés, elle ne touchera ainsi, en pratique, qu’une faible minorité qui pourra conclure des contrats avec des entreprises. Il s’agira sans doute, principalement, de personnes qui pourront proposer des prestations intellectuelles : consultants, avocats, comptables, ou encore architectes.

Par ailleurs, alors que le nombre de recrutements de personnes handicapées ne cesse de diminuer d’année en année, avec une baisse en proportion de ces recrutements en CDI, cette disposition pourrait même, dans de nombreux cas, fragiliser les revenus et la qualité de l’emploi de ces travailleurs. En effet, bien que cela soit prohibé par le droit du travail, la tentation risque d’être grande pour un certain nombre d’employeurs de contraindre leurs salariés à adopter le statut d’auto-entrepreneur et ainsi de transformer la relation contractuelle.

Enfin, des interrogations demeurent.

La médecine du travail permet de certifier le handicap d’un salarié pour qu’il soit comptabilisé dans le calcul de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Mais, dans le cas des travailleurs indépendants, comment vérifiera-t-on que l’entrepreneur est bien handicapé ?

Autre interrogation : comment vérifiera-t-on que le travail sous-traité aura été effectué par une personne handicapée ? Par exemple, lorsqu’un cabinet créé par un expert-comptable en situation de handicap intervient pour le compte d’un employeur, comment s’assurer que la prestation a bien été réalisée par lui, et non par un de ses salariés valides ?

Cet article risque donc, selon nous, d’affaiblir l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, et donc de constituer un recul par rapport à la loi de 2005. C’est pourquoi nous nous y opposons.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 81 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mmes Cohen, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 485 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 81.

Mme Éliane Assassi. Après avoir obtenu, depuis vingt ans, des exonérations massives de cotisations sociales, ce qui a permis de faire passer de la poche des salariés à celle des patrons une part croissante des richesses créées par le travail, le MEDEF veut davantage : il souhaite maintenant faire baisser le salaire directement perçu par les travailleurs.

Comme il est encore difficile de casser les garanties collectives contenues dans le code du travail et les conventions collectives, la technique choisie est de priver le maximum de personnes de ces garanties : des informaticiens payés à la mission, des vendeuses qualifiées « gérantes », des cuisiniers « prestataires de services », sans parler des « entrepreneurs de mise en rayon dans les supermarchés », et j’en passe.

Nous rappelons notre opposition à la précarité des travailleurs indépendants et refusons de voir appliquer aux travailleurs handicapés l’absence de statut protecteur.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 485.

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, pour satisfaire leur obligation d’emploi de personnes handicapées, les entreprises peuvent notamment conclure des contrats de sous-traitance, de fourniture ou de prestation avec des entreprises adaptées, centres de distribution d’aide à domicile et services d’aide par le travail. L’article 92 élargit cette liste aux travailleurs handicapés indépendants.

On peut penser que les prestations intellectuelles seront davantage demandées que les manutentions. Surtout, cet article encourage le recours à l’externalisation : certaines entreprises pourraient avoir la tentation de transformer le statut de leurs salariés en indépendants avec, à la clé, des avantages indéniables, comme une rémunération et des horaires « à la carte ».

Lutter contre l’exclusion des personnes handicapées du monde du travail ne doit pas favoriser la précarisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 92 ouvre la possibilité de prendre en compte les contrats passés avec des travailleurs indépendants handicapés au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

Il apporte une réponse aux difficultés que rencontrent ces personnes sur le marché de l’emploi. Lorsque nous avons reçu l’Association des accidentés de la vie, la FNATH, elle ne nous a d’ailleurs pas fait part de son opposition à cette mesure, dont la portée restera certainement limitée. Est-ce, pour autant, une raison de la supprimer ? La commission ne le pense pas.

L’avis est donc défavorable

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.

Mme Anne Emery-Dumas. L’article 92 prévoit d’intégrer les contrats de sous-traitance passés avec des travailleurs indépendants handicapés dans les modalités d’accomplissement partiel de l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées pesant sur tout employeur d’une entreprise d’au moins vingt salariés.

L’étude d’impact qui nous a été fournie indique que l’ouverture du dispositif aux contrats de sous-traitance passés avec des travailleurs handicapés indépendants permettrait à plus de 70 000 d’entre eux d’obtenir un emploi.

Parallèlement, les employeurs pourraient s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi de personnes en situation de handicap.

Un décret en Conseil d’État fixera les modalités de cette disposition nouvelle, qui appelle en effet un encadrement strict afin d’éviter les effets d’aubaine. Sur ce point, je partage les inquiétudes de Jean Desessard.

La formule retenue pourrait être le prix hors taxe des fournitures, des travaux ou des prestations figurant au contrat, déduction faite du coût des matières premières des produits, des matériaux, des consommations et des frais de vente – consommations intermédiaires – divisé par 1 600 fois le SMIC horaire.

Dans le cas où le travailleur indépendant handicapé emploie un ou des salariés, seul sera déductible de l’obligation d’emploi le volume de travail effectué par le travailleur indépendant handicapé, puisque c’est lui qui est visé par la mesure.

Dans le cas où le travailleur indépendant handicapé bénéficie du régime de la micro-entreprise et ne dispose pas d’une comptabilité détaillée lui permettant d’évaluer le coût réel des consommations intermédiaires, le montant de celles-ci pourra être forfaitaire.

Il convient de souligner que cet article, comme les articles suivants, répond à une demande forte des associations, lesquelles s’étonnent que les travailleurs indépendants en situation de handicap ne bénéficient pas des mêmes aides que les entreprises qui emploient des salariés dans la même situation. L’objet de ces dispositions est donc de répondre aux demandes des associations, plus à même que quiconque d’évaluer les besoins.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis assez mal à l’aise avec les articles 92, 93 et 93 bis relatifs aux travailleurs handicapés.

Les personnes en situation de handicap ont de très importantes difficultés d’accès à l’emploi et vous savez qu’aucune entreprise, y compris cette noble maison, ne remplit ses obligations d’emploi à cet égard.

Pour ma part, je voterai ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 81 et 485.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1291, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mmes Cohen, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du I de l’article L. 214-13 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce plan comporte un volet concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées, élaboré en lien avec les politiques concertées visées à l’article L. 5211-2 du code du travail. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je vais faire plaisir à mes camarades socialistes... La volonté du groupe CRC est de relayer un engagement du Président de la République.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Nous pensons, comme M. Hollande (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP), qu’il est essentiel d’assurer une accessibilité pleine et entière aux personnes atteintes de handicaps. Cette intégration dans la société doit bien évidemment passer aussi par le travail.

Le Président de la République s’y était engagé lors de la campagne des présidentielles : il « garantirait l’existence d’un volet handicap dans chaque loi », il « renforcerait les sanctions en cas de non-respect des 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, les services publics et les collectivités locales ».

Aujourd’hui, pourtant, que nous propose-t-on, sinon de nouvelles solutions pour soustraire les entreprises à leur obligation de recrutement ?

Nous le savons, il existait déjà des possibilités de détournement, par le biais du recours aux services d’entreprises adaptées et d’établissements et services d’aide par le travail. Pour autant, nous aurions pu nous attendre de ce gouvernement qu’il ait plus de clairvoyance !

Monsieur le ministre, comment comptez-vous favoriser le salariat des personnes souffrant de handicap alors que vous créez de nouvelles exceptions ? Alors, oui, les 71 000 travailleurs handicapés indépendants pourront plus facilement travailler et les employeurs pourront les déduire de leur « quota ». Toutefois, ce coup de canif au droit du travail se fait au détriment des plus de 5 millions de personnes handicapées en France !

Autre détournement au profit des entreprises, la possibilité d’intégrer les périodes de mise en situation en milieu professionnel, les PMSMP, dans l’obligation faite aux entreprises de plus de vingt salariés de compter 6 % de travailleurs en situation de handicap dans leurs effectifs.

Ce dispositif, qui ne donne aucune garantie de rémunération, est une aubaine pour les entreprises... Ces dernières, plutôt que d’embaucher, pourront enchaîner les PMSMP pour répondre à leurs besoins. On retrouve ici exactement la même logique que pour les stages d’observation d’un mois, qui, au final, servent aux entreprises à se renforcer périodiquement.

L’un de nos collègues parlait d’un retour aux diligences ; avec vos attaques contre le droit du travail, vous nous offrez un retour à l’époque de Victor Hugo, dont j’occupe la place dans cet hémicycle. C’est grandiose...

Vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une politique au rabais en matière d’intégration des personnes souffrant de handicap dans le marché du travail.