M. le président. L'amendement n° 1803, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l’administration. Cette décision est portée par l’employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d’homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information.

« Dès lors que l’autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l’annulation pour le seul motif d’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a adopté un amendement de coordination sur cet article, qui lui a semblé bienvenu et dont j’ai souligné tout à l’heure l’intérêt. Le Gouvernement, au travers de son amendement n° 1803, vise le même objectif que la commission spéciale ; celle-ci s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Par ailleurs, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1317.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1317 ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Mon avis est évidemment défavorable. Je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir se rallier à l'amendement n° 1803 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Chère Annie David, je ne fais pas la même lecture que vous de l’alinéa 6 de l’article 101, que je trouve plutôt intéressant. J’en rappelle les termes : « En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, les deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 s’appliquent. »

L’article 1235-16 dispose : « L’annulation de la décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. À défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Par conséquent, tel qu’il est rédigé, l’article 101 ne fait pas échec à l’application des deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 du code du travail, ce qui est une bonne chose. En revanche, ce qui ne l’est pas du tout, c’est l’amendement du Gouvernement, qui vise lui à supprimer ces dispositions.

Dans l’état actuel du droit, le tribunal peut, au motif que les procédures n’ont pas été respectées, annuler la décision de validation du plan de sauvegarde par l’autorité administrative, donc donner droit aux salariés soit à être réintégrés dans l’entreprise soit à une indemnité. Le raisonnement du ministre est le suivant : « Vous vous rendez compte, on allait donner de l’argent aux salariés ; ils n’auront plus droit à rien ! »

C’est quand même formidable : un ministre de la République veut qu’il soit possible de faire échec à un jugement rendu par un tribunal administratif annulant un PSE, privant ainsi les salariés de tout droit à réintégration ou à indemnisation !

Cette disposition est tout de même extraordinaire ! Elle signifie tout simplement qu’on peut porter une affaire devant un tribunal pour rien.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 6 de l’article 101, sur lequel la commission spéciale n’est pas revenue, est plutôt bénéfique, à mon avis, pour les salariés. En revanche, l’amendement du Gouvernement est incompréhensible : comment peut-on prévoir de ne pas appliquer un jugement rendu par un tribunal administratif ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1803.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1317 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 541 rectifié quater, présenté par MM. Vincent, Vaugrenard, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier, MM. Tourenne et Yung, Mme Bataille et MM. Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi par l’administration tient compte des ressources du groupe auquel l’entreprise appartient. » ;

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. La présentation de cet amendement m’amène, à la suite de M. le ministre, à revenir sur les conséquences de l’article 101.

Cet article est important, puisqu’il porte sur les PSE dans un cadre bien précis, celui d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires ; on en compte tout de même 350 par an.

Dans sa rédaction issue des travaux de la commission spéciale, cet article laisse subsister, selon nous, une ambiguïté. Certes, l’administrateur judiciaire sera bien obligé de rechercher les moyens du groupe, mais, par la suite, l’homologation se fera uniquement sur la base des moyens dont dispose l’entreprise, qui sera au mieux en difficulté, au pire en liquidation.

On voit bien le risque induit par cette dualité. Celle-ci soulève d’abord un problème d’interprétation : même si le groupe auquel appartient l’entreprise dispose de moyens importants, le plan de sauvegarde est homologué au regard de ses moyens à elle, qui sont faibles. Il y a là une forme de contradiction.

Un autre problème, plus fondamental, se pose : la perspective d’un appauvrissement des salariés.

Néanmoins, je ne fais pas de procès d’intention au Gouvernement sur ce dossier, car j’ai bien compris que cette question résulte d’une difficulté technique d’application d’une des dispositions de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, dans le cas précis d’une liquidation ou d’un redressement judiciaires.

Il me semble tout de même important de préciser que, jusqu’au bout, l’administration veillera non seulement à la mobilisation, mais aussi à l’existence des moyens du groupe pour valider le plan social. Tel est le sens de cet amendement.

Je ne prétends pas mettre ainsi fin à toutes les difficultés, et j’ai bien conscience qu’il s’agirait en fait d’un retour à la loi précédente, dont l’application n’est pas toujours simple et peut d’ailleurs poser des problèmes, y compris parfois aux salariés. Toutefois, ne pas y revenir aboutirait en fait à instaurer un double processus de PSE : un PSE pour les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, pour l’homologation duquel on ne peut s’appuyer que sur les moyens de l’entreprise ; un PSE normal pour les entreprises continuant de fonctionner, les moyens du groupe étant entièrement mobilisables.

On peut donc craindre l’instauration d’une forme de dualité qui permettrait le développement de stratégies de filialisation de la part des groupes, évidemment dans le but de dépenser moins au cas où ses filiales se trouveraient en difficulté ou en redressement judiciaire.

C’est la raison pour laquelle cet amendement, même s’il en revient à une situation qui n’est pas idéale, présente pour moi l’avantage de replacer le débat au fond, avant le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 1456 rectifié n’est pas soutenu.

L'amendement n° 924 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Tandonnet et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi,

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement tend à supprimer une partie de l’alinéa 3 de l’article 101 et à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, afin d’éviter que l’appréciation de la proportionnalité d’un plan de sauvegarde de l’entreprise ne se fasse au niveau du groupe et non de l’entreprise. En effet, à ce jour, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur établissant un plan de sauvegarde de l’emploi est dans l’obligation de solliciter le groupe.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 925 rectifié bis, qui vise quant à lui à insérer un alinéa dont la teneur serait en substance la suivante : « Si l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur sollicitent les autres entreprises du groupe auquel elle appartient afin d’établir une liste d’emplois qui y sont disponibles et de la mettre à disposition des salariés susceptibles d’être licenciés. » Notre volonté est bien d’utiliser les moyens et les possibilités du groupe, notamment les possibilités d’emploi au sein de celui-ci, dans le cadre d’un plan de sauvegarde pour l’emploi.

M. le président. L'amendement n° 1488 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la première occurrence des mots :

des moyens

insérer les mots :

pour les mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’un amendement de précision qui prévoit de mesurer les capacités réelles du groupe et d’appeler ce dernier à assumer pleinement ses responsabilités en matière d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

Comme je l’ai dit tout à l’heure à propos des amendements de suppression du groupe CRC et du groupe écologiste, il faut tout faire pour que les salariés soient défendus dans leurs droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 541 rectifié quater vise à obliger la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, à tenir compte des ressources du groupe lorsqu’elle homologue un PSE.

Ces mesures sont plus directives et volontaristes que l’alinéa 3 de l’article 101, mais l’expression « tenir compte » manque de précision juridique. Si un groupe n’abonde pas financièrement le PSE de l’une de ses filiales en redressement ou en liquidation judiciaire, la DIRECCTE pourra-t-elle refuser l’homologation pour ce seul motif ? A priori non.

En outre, cet amendement écrase les dispositions de l’alinéa 3, ce qui impliquerait que la DIRRECTE devrait continuer de contrôler le PSE de l’entreprise en difficulté à la lumière des moyens du groupe, ce que nous ne souhaitons pas à ce stade.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 924 rectifié bis tend à supprimer l’obligation, pour l’employeur, l’administration ou le liquidateur, de rechercher les moyens du groupe. Certes, les dispositions en cause peuvent paraître d’un effet limité, mais cette recherche des moyens du groupe n’entrera pas dans la ligne d’analyse de la DIRECCTE – nous l’avons déjà dit – lorsqu’elle doit homologuer un PSE d’une entreprise en difficulté. Cela dit, cette obligation morale constitue une étape provisoire en attendant que le Gouvernement propose une réforme plus globale sur les droits et les obligations des groupes, notamment en matière sociale.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 1488 rectifié tend à apporter une précision selon laquelle l’employeur qui met en œuvre un PSE dans une entreprise doit rechercher les moyens dont dispose le groupe en matière d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

Cet amendement ne remet pas en cause la logique même de l’article 101. Néanmoins, cette précision n’a pas semblé nécessaire à la commission. C’est pourquoi cette dernière s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 541 rectifié quater tend à rétablir l’obligation de tenir compte des moyens du groupe auquel l’entreprise appartient pour homologuer le PSE en cas de redressement ou liquidation judiciaire. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, il fait écho à l’amendement n° 542 rectifié ter, qui vise à instaurer un contrôle approfondi de l’administration en cas de lien étroit entre l’entreprise et le groupe.

La rédaction actuelle du 1° de l’article L. 1233-57-3 place aujourd’hui l’administrateur ou le liquidateur judiciaire devant une exigence impossible, puisque la maison mère n’a pas d’obligation légale de participer au financement du PSE de sa filiale. De plus, le refus d’homologation peut conduire les salariés à n’être ni payés ni licenciés compte tenu des délais de prise en charge de l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés, l’AGS. Si l’administration, consciente de cette fragilité, homologue tout de même le PSE pour protéger les droits des salariés, elle encourt une annulation devant le juge administratif.

Telle est la situation un peu baroque dans laquelle nous nous sommes placés.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour autant, nous avons maintenu l’obligation du groupe de financer le PSE, et c’est bien confirmé à l’article 101. L’administration sera particulièrement vigilante concernant l’application de cette disposition, dans le cadre de ce contrôle, mais on ne peut pas rétablir la prise en compte des moyens du groupe pour l’homologation du PSE en cas de redressement ou liquidation judiciaire. Sinon, on se retrouverait dans le cas que j’évoquais voilà un instant, à savoir soit bloquer ladite homologation, soit fragiliser l’homologation qui est décidée par l’administration devant le juge administratif, ce qui s’est déjà produit.

Je voudrais clarifier la situation à l’intention de M. Desessard.

Monsieur le sénateur, votre lecture de la modification gouvernementale de l’article 101 n’est pas juste. Nous réitérons les alinéas 4 et 5 qui sont ensuite précisés à l’article 102 que la commission spéciale avait maintenu.

Notre rédaction est plus lourde, je le reconnais,…

M. Jean Desessard. Elle est redondante !

M. Emmanuel Macron, ministre. … tout en étant plus explicite. Toutefois, elle n’est pas aussi grave que vous l’indiquez.

M. Jean Desessard. On verra cela tout à l’heure !

M. Emmanuel Macron, ministre. Elle ne l’est en aucun cas, monsieur le sénateur. Sinon, vous ne l’auriez pas laissée à l’article 102.

M. Jean Desessard. J’en ai demandé la suppression !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous y reviendrons.

Par conséquent, nous maintenons bien, en cas d’annulation de l’homologation d’un PSE, la réintégration du salarié telle qu’elle est prévue en vertu des deux paragraphes de l’article L. 1235-16 du code du travail. Nous disons juste qu’une telle annulation n’est plus possible au regard d’une erreur commise par l’administration. C’est cela que le Gouvernement veut corriger avec les deux paragraphes qu’il souhaite ajouter.

Aujourd’hui, l’administration elle-même, qui est chargée d’homologuer un plan de sauvegarde de l’entreprise, peut être conduite à commettre des erreurs formelles qui entraîneront ensuite l’annulation du PSE, dont la victime sera l’entreprise ou l’employeur et qui obligera à la réintégration du salarié. Pardonnez-moi, mais tout cela n’est pas cohérent !

Nous avons donc prévu que l’article L. 1235-16 du code du travail continue à s’appliquer : nous le réitérons à chaque endroit. En revanche, une erreur formelle commise par l’administration dans le cadre de l’homologation ne sera pas opposable à l’entreprise. Je tenais à clarifier ce point, eu égard aux attaques que vous avez lancées tout à l’heure.

En conclusion, nous ne changeons rien, en substance, à la rédaction de la commission spéciale. Nous n’apportons pas la moindre modification de fond sur ce sujet. Néanmoins, vous reconnaîtrez avec moi que, quand l’administration commet une erreur formelle sur un PSE ayant fait l’objet d’un accord syndical, et que cela aboutit à l’annulation de ce plan par le juge administratif, on ne défend l’intérêt de personne !

M. Jean Desessard. Nous n’avons pas la même lecture du texte que vous, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis prêt à passer avec vous le temps qu’il faudra pendant la suspension de séance pour bien vous montrer l’articulation des textes visés.

Sur l’amendement n° 541 rectifié quater, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons que je viens d’évoquer.

S’agissant des amendements nos 924 rectifié bis et 925 rectifié bis, je ne reviendrai pas sur les propos de Mme la corapporteur, car je partage en tout point son avis. L’adoption de ces dispositions risquerait de déséquilibrer le système, car les moyens du groupe ne seraient plus sollicités alors qu’il faut pouvoir continuer, y compris en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, à y faire appel, notamment pour financer le PSE. Je sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 1488 rectifié a pour objet de préciser que les moyens du groupe auquel appartient l’entreprise en redressement ou liquidation judiciaire doivent permettre de financer les mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

C’est en fait la possibilité actuelle. J’ajoute que c’est une obligation pour l’administrateur, le liquidateur ou toute personne en charge d’un intérêt social que d’aller requérir les moyens du groupe.

Cet amendement me semble satisfait par les ajouts issus des travaux de l’Assemblée nationale. J’en sollicite donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je formulerai juste une précision à l’intention de M. Desessard.

Je crois avoir compris l’origine de votre différence de lecture, monsieur le sénateur. Vous partez, me semble-t-il, de la rédaction actuelle de l’article 101 dans le code du travail,…

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … tandis que nous partons, le Gouvernement et la commission spéciale, de la version telle qu’elle nous vient de l’Assemblée nationale. Vous n’avez pas retenu le même texte de référence.

En conséquence, vous accordez à la proposition du Gouvernement une portée qu’elle aurait eue si elle s’appliquait au code du travail actuel. Or elle porte logiquement sur le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le président de la commission spéciale a parfaitement raison !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les articles 101 et 102 du présent texte constituent le cœur du texte.

Monsieur le ministre, vous auriez très bien pu conserver la rédaction de la commission spéciale, puisque le dispositif retenu est identique à ce qui existe déjà. Cela revient à écrire la même chose deux fois : les dispositions figurant à l’article 101 se retrouvent plus loin,…

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans l’article 102 !

M. Jean Desessard. C’est quelque peu incompréhensible ! Vous m’objecterez que, dans la mesure où il s’agit d’un article antisocial, vous n’avez pas l’habitude de rédiger de telles mesures… (Sourires.) En fait, vous insérez cet article à deux endroits pour ménager vos rapports avec les entreprises. Quoi qu’il en soit, vous avez été redondant sur cette affaire, comme vient de l’expliquer M. le président de la commission spéciale.

Au moins l’amendement n° 541 rectifié quater tient-il compte des ressources du groupe auquel appartient l’entreprise, même si ce n’est pas exactement ce que nous souhaiterions. C’est pourquoi les membres du groupe écologiste voteront cet amendement, même si ce n’est presque rien ! (Mme Catherine Deroche, corapporteur, rit.) C’est d’ailleurs ce que tend à supprimer l’amendement n° 924 rectifié bis : « sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l’administrateur, le liquidateur ou l’employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l’employeur appartient pour l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, »

Le Gouvernement dit que l’on ne tient plus compte des moyens du groupe, mais que l’on n’en profite pas pour indiquer dans la rédaction que l’on n’en tient pas compte du tout. (Nouveaux sourires.) C’est mieux que rien, mais, je le redis, c’est presque rien.

Quant à votre amendement n° 1488 rectifié, madame Bricq, je suis désolé de vous le dire, mais ces « mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés » ne sont que des mots ! Qui n’a pas entendu cela quelque part ? (Mme Nicole Bricq rit.) Ces termes n’apportent pas grand-chose. Soit on tient compte des moyens du groupe et l’on met en place une vraie politique, soit on s’en tient aux mots, ce qui ne permettra pas aux salariés d’être intégrés ou indemnisés !

Monsieur le ministre, je reviendrai sur le rôle du tribunal lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé sur l’article 102. Pour l’heure, les membres du groupe écologiste soutiendront l’amendement n° 541 rectifié quater, s’opposeront à l’amendement n° 924 rectifié bis et s’abstiendront sur l’amendement n° 1488 rectifié, qui contient plus de mots qu’une réelle proposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 541 rectifié quater.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 924 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 924 rectifié bis est retiré.

Madame Bricq, l’amendement n° 1488 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Je tiens à remercier Mme la corapporteur de s’en être remis à la sagesse du Sénat, même si, à son sens, les dispositions en question n’apportent rien de substantiel…

Cet amendement est présenté au nom du groupe auquel j’appartiens, et je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1488 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 542 rectifié ter, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier et MM. Tourenne, Yung, Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les moyens du groupe devront plus particulièrement être recherchés par l’administration en cas de coordination des activités économiques et d’importants flux financiers et matériels entre l’entreprise et le groupe, ainsi que dans le cas d’une domination du groupe sur l’entreprise. »,

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Avec cet amendement de précision, la logique suivie est la même que précédemment. Aussi, je serai bref.

Je tiens simplement à rappeler un constat. À l’heure actuelle, lorsqu’un PSE est élaboré, deux cas de figure se présentent.

Ou bien l’entreprise concernée n’est ni en redressement ni en liquidation : dès lors, l’administration homologue le PSE en tenant compte des moyens du groupe ; ou bien elle est en redressement ou en liquidation : dès lors, l’administration homologue le PSE en tenant compte des seuls moyens de l’entreprise. Cette distinction s’explique par des raisons juridiques, j’en suis conscient. Au demeurant, ces motifs ont été abondamment détaillés.

Cette situation n’en pose pas moins un problème de fond. En effet, ces deux cas de figure sont très différents. Or, lorsque des salariés sont victimes de la fermeture de leur entreprise ou de la mise en œuvre d’un plan de redressement, les pouvoirs publics doivent veiller le plus attentivement possible à leur protection. À cet égard, ils doivent faire en sorte que les moyens du groupe soient effectivement mobilisés.

J’ai bien compris que nous nous heurtions, en la matière, à une impossibilité juridique, et que, de ce fait, l’adoption de mes amendements semblait délicate… Je mesure cette difficulté.

Cependant, je note qu’un certain nombre de spécialistes du droit se sont penchés sur ce problème, au rang desquels le doyen honoraire de la chambre sociale de la Cour de cassation. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

La question qui mérite d’être posée est simple : ne faut-il pas rendre obligatoire le soutien des groupes à leurs filiales qui, du fait des difficultés auxquelles elles se heurtent, risquent la liquidation ou le redressement judiciaire ?

À mon sens, mieux vaut résoudre le problème par le haut, dans le sens de l’intérêt des salariés, plutôt que de s’en tenir à un constat d’impossibilité. On ne peut se contenter d’homologuer le PSE sur la base des moyens de la seule entreprise, lesquels, dans les cas que nous avons évoqués, sont très faibles.

Il s’agit là d’une question de fond, à laquelle, je l’espère, l’Assemblée nationale pourra apporter une réponse positive dans la suite de ce débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à renforcer le devoir de vigilance de la DIRECCTE, lorsqu’elle examine le PSE d’une filiale. Il s’agit d’invoquer d’éventuels constats formulés par l’administration pour prouver l’existence d’un coemploi entre un groupe et sa filiale ou une faillite frauduleuse.

La commission est défavorable à cet amendement. En effet, elle n’est absolument pas sûre que l’administration ait la légitimité et, surtout, les moyens techniques et humains pour assumer une telle mission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Vincent, je ne reviendrai pas sur la démonstration qui a été opposée à votre précédent amendement. Toutefois, je tiens à répondre, sur le fond, à la question que vous soulevez : celle du coemploi.

La proximité entre un groupe et ses filiales est très encadrée par la jurisprudence. Cette dernière peut qualifier les cas d’ingérence avérée du groupe dans la gestion de sa filiale de « situation de coemploi ». Elle pointe, sur cette base, une solidarité de fait.

Hormis ces cas de coemploi, qui, je le répète, doivent être prouvés, dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, l’administrateur judiciaire ou le mandataire ne peut pas faire appel aux moyens du groupe pour financer le PSE. En effet, il ne dispose pas des leviers nécessaires pour l’y contraindre. On retombe, ainsi, dans la logique que j’ai précédemment développée et qui m’a conduit à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 541 rectifié quater.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces enjeux expliquent, au premier chef, l’inconfort que cette notion inspire à plusieurs d’entre vous. Je comprends et je respecte cette position.

La question fondamentale est la suivante : à quelles conditions peut-on faire appel aux moyens du groupe ?

Le droit social ne reconnaît pas la notion de groupe en tant que telle.