Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac, M. Claude Haut.

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

M. Roger Karoutchi ; M. le président.

3. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 98 A (nouveau) (suite)

Amendement n° 1775 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 909 rectifié ter de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Mme Annie David

Mme Nicole Bricq

M. Jean Desessard

Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.

Articles additionnels après l'article 98 A

Amendements identiques nos 742 de Mme Pascale Gruny et 910 rectifié bis de M. Olivier Cadic ; sous-amendement n° 1784 de la commission. – Retrait de l’amendement n° 910 rectifié bis. –Adoption du sous-amendement et de l’amendement n° 742, modifié, insérant un article additionnel.

Amendement n° 744 de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Article 98

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Amendement n° 88 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 538 rectifié ter de M. Maurice Vincent. – Rejet.

Adoption de l’article par scrutin public.

Articles additionnels après l'article 98

Amendement n° 1337 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1310 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1311 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1313 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 99

M. Thierry Foucaud

Amendement n° 89 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 539 rectifié ter de M. Maurice Vincent. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 100

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Amendement n° 90 de Mme Éliane Assassi – Rejet.

Amendement n° 1314 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 540 rectifié quater de M. Maurice Vincent. – Retrait.

Amendement n° 1778 de la commission. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 101

Mme Annie David

Amendements identiques nos 91 de Mme Éliane Assassi et 490 de M. Jean Desessard. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 1803 du Gouvernement. – Après une demande de priorité du Gouvernement, adoption.

Amendement n° 1317 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.

Amendement n° 541 rectifié quater de M. Maurice Vincent. – Rejet.

Amendement n° 924 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Amendement n° 1488 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Rejet.

Amendement n° 542 rectifié ter de M. Maurice Vincent. – Rejet.

Amendement n° 925 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.

Amendement n° 1315 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1316 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1318 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 102

M. Thierry Foucaud

Amendements identiques nos 92 de Mme Éliane Assassi et 491 de M. Jean Desessard. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 1779 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 1320 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article.

4. Dépôt d'une question orale avec débat

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

5. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels après l'article 102

Amendement n° 1321 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1322 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1288 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1287 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 103

Mme Christine Prunaud

Amendement n° 93 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1323 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 103

Amendement n° 1336 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1333 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1327 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1331 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1326 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1324 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1262 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1332 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1293 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1325 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1330 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1328 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 103 bis – Adoption.

Suspension et reprise de la séance

Articles additionnels après l’article 103 bis

Amendement n° 1266 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1267 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1265 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1269 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1334 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1335 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 269 rectifié bis de Mme Nicole Duranton et sous-amendement n° 1783 de la commission. – L’amendement n’étant pas soutenu, le sous-amendement n’a plus d’objet.

Amendement n° 1805 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 1804 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 104

Amendement n° 1780 de la commission. – Retrait.

Amendement n° 512 de M. Jean-Claude Lenoir. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 104

Amendement n° 1338 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 627 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Adoption de l’amendement 627 rectifié bis insérant un article additionnel.

Amendement n° 554 rectifié ter de Mme Catherine Procaccia et sous-amendement n° 1785 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement, modifié, insérant un article additionnel.

Amendement n° 552 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Amendement n° 553 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Amendement n° 232 rectifié de M. Philippe Adnot. – Après une demande de priorité de la commission, adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1264 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1263 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 557 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Rejet.

Amendement n° 555 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 556 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Amendement n° 558 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.

Amendement n° 559 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 105 A (supprimé)

Articles additionnels après l’article 105 A

Amendement n° 827 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Rejet.

Amendement n° 1339 rectifié de M. Paul Vergès. – Rejet.

Articles 105, 105 bis et 106 – Adoption.

Articles additionnels après l’article 106

Amendement n° 1511 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1514 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1509 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1516 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1508 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1669 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1670 du Gouvernement ; sous-amendements identiques nos 1798 rectifié bis de M Jean-Claude Lenoir et 1801 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Adoption des deux sous-amendements et de l’amendement, modifié, insérant un article additionnel.

Amendement n° 1671 du Gouvernement ; sous-amendements identiques nos 1799 rectifié quater de M Jean-Claude Lenoir et 1802 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Adoption des deux sous-amendements et de l’amendement, modifié, insérant un article additionnel.

Amendement n° 1672 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 10 ter (suite) (précédemment réservé)

Amendement n° 1743 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 21 (suite) (précédemment réservé)

Amendement n° 1757 du Gouvernement et sous-amendement n° 1789 rectifié de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement, modifié, insérant un article additionnel.

Article additionnel après l’article 58 quater (suite) (précédemment réservé)

Amendement n° 1797 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Renvoi de la suite de la discussion.

Suspension et reprise de la séance

6. Réforme de l'asile. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des finances

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

M. Pierre-Yves Collombat

M. Stéphane Ravier

Mme Valérie Létard

M. Jean-Yves Leconte

Mme Esther Benbassa

Mme Éliane Assassi

M. Michel Savin

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

Mme Catherine Tasca

Mme Gisèle Jourda

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Claude Haut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux. En effet, l’examen du texte qui nous occupe aujourd’hui précède celui du projet de loi relatif au droit d’asile, lequel aurait dû commencer jeudi après-midi, avant d’être remis à ce matin, puis à cet après-midi – dans le meilleur des cas !

Or une rumeur circule, selon laquelle le Gouvernement envisagerait, à l’occasion de la conférence des présidents prévue demain, d’imposer la discussion de ce texte au cours de la semaine prochaine, réservée à l’initiative parlementaire, en utilisant les « blancs » de l’ordre du jour, ainsi que la Constitution lui en donne le droit.

Si tel était le cas, nous discuterions des plus de deux cents amendements déposés sur ce texte le mardi soir, le mercredi soir et le jeudi soir, après avoir consacré le reste de ces journées à d’autres débats. Cette méthode m’apparaît tout à fait détestable et même scandaleuse s’agissant d’un texte aussi important, dans le contexte actuel.

Le ministre de l’intérieur a annoncé ce matin que la France acceptait, à la demande de l’Union européenne, d’accueillir un quota supplémentaire de demandeurs d’asile, et nous devrions discuter du droit d’asile en France par petits morceaux au cours de la semaine ! Ce sujet mérite un vrai débat parlementaire.

Monsieur le ministre, je forme le vœu que vous influiez sur votre honorable collègue chargé des relations avec le Parlement pour faire valoir auprès de lui la nécessité d’adopter des méthodes respectueuses du Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Nous verrons demain, à l’occasion de la conférence des présidents, si la rumeur que vous évoquez se confirme !

3

Article 98 A (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 98 A (nouveau)

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.

TITRE III (SUite)

TRAVAILLER

Chapitre II (suite)

Droit du travail

Section 6 (suite)

Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi

M. le président. Au sein de la section 6 du chapitre II du titre III, nous reprenons l’examen de l’article 98 A, dont je rappelle les termes :

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 98 A

Article 98 A (nouveau) (suite)

Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé :

« Développement, maintien et sauvegarde de l’emploi » ;

2° L’intitulé du chapitre V est ainsi rédigé :

« Accords de développement et de maintien de l’emploi » ;

3° L’article L. 5125-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

- Au début, les mots : « En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, » sont supprimés ;

- Après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « ou développer » ;

b) Au second alinéa du I, les mots : « dans l’analyse du diagnostic et » sont supprimés ;

c) Le deuxième alinéa et le 1° et le 2° du II sont supprimés ;

d) La première phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :

« La durée de l’accord est fixée par les signataires. » ;

e) Le second alinéa du III est supprimé ;

4° Le troisième alinéa de l’article L. 5125-2 est supprimé ;

5° Après le II de l’article L. 5125-4, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. - À défaut d’un accord conclu dans les conditions prévues au II, l’accord peut être conclu avec les représentants du personnel, ou approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral. » ;

6° L’article L. 5125-5 est abrogé ;

7° À l’article L. 5125-6, les mots : « consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1, » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 1775, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

II. – Compléter cet article par un 8° ainsi rédigé :

8° Le chapitre V est complété par un article L. 5125-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-8. – Dans les conditions prévues aux articles L. 5125-1 à L. 5125-7, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de développer les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération au sens de l’article L. 3221-3. »

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Il s’agit d’un amendement de clarification juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, à la fin de la semaine dernière, je vous ai fait connaître mes arguments contre les accords de maintien de l’emploi, ou AME, dits « offensifs ».

Par cohérence, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1775.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 745 est présenté par Mme Deromedi, MM. Allizard, Bas, Bignon, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, Cornu et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre, Dériot et Doligé, Mme Duranton, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Pierre, de Raincourt, Reichardt, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.

L'amendement n° 909 rectifié ter est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le deuxième alinéa de l’article L. 5125-2 est ainsi rédigé :

« Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application de l'accord à leur contrat de travail, leur licenciement repose sur un motif personnel » ;

L’amendement n° 745 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° 909 rectifié ter.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise à supprimer l’incertitude juridique qui pèse sur les accords de maintien dans l’emploi, et par extension sur les accords de développement de l'emploi, lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent les aménagements à leur contrat de travail prévu par ces accords.

La loi du 14 juin 2013 dispose que, lorsque des salariés refusent l'accord de maintien de l'emploi à titre individuel, ils doivent être licenciés sous le régime du licenciement économique individuel, alors que la cause réelle et sérieuse du licenciement n’est pas réputée acquise. Pour l’employeur, la sécurité juridique du licenciement n’est donc pas garantie, le juge gardant la possibilité de le déclarer nul.

De ce fait, la sécurité juridique n’est donc jamais garantie pour l'employeur, dans la mesure où le juge peut toujours déclarer nuls les licenciements intervenus.

Cet amendement tend à clarifier et à sécuriser les accords de maintien de l’emploi, en indiquant que le refus du salarié relève du licenciement pour motif personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le Sénat a déjà eu l’occasion de débattre sur le choix du motif du licenciement des salariés qui refusent l’application d’un accord de maintien de l’emploi, lors de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi, en 2013.

Le motif économique avait alors été retenu pour trois raisons. Ce choix semblait, tout d’abord, compatible avec la logique même du code du travail, qui dispose que le licenciement pour motif économique doit reposer sur « un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié » ; opter pour un motif non économique risquait, ensuite, d’être contraire à la convention n° 158 de 1982 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT ; enfin, la protection des salariés serait moins élevée si le motif du licenciement n’était pas économique.

Le choix du motif économique risque cependant de freiner la conclusion d’accords de maintien et de développement de l’emploi.

Reste que ces accords doivent être majoritaires. Votée en 2000, la loi Aubry contenait le même dispositif concernant les accords de réduction du temps de travail, précisant que, quand un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d’un accord de réduction du temps de travail, leur licenciement est individuel et ne repose pas sur un motif économique. La loi Warsmann de mars 2012 sur l’annualisation du temps de travail intégrait la même disposition.

Pour toutes ces raisons, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat, bien qu’elle soit plutôt défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Les arguments juridiques avancés par Mme la corapporteur sont pertinents et me conduisent à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

C’est pour sécuriser les licenciements de ces salariés que le législateur a repris les termes de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, de 2013, en les qualifiant de « licenciements économiques » plutôt que de « « licenciements pour motif personnel ». Un autre choix aurait été contraire à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, selon laquelle tout licenciement doit reposer sur un motif tenant à la situation personnelle du salarié ou aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise ; ces deux aspects sont bien distincts.

Qu’il soit défensif ou offensif, au-delà de nos divergences sur ses modalités d’application, un accord de maintien de l’emploi se justifie, par définition, par la situation de l’entreprise. En conséquence, le licenciement du salarié qui en refuse l’application repose sur un motif qui tient non pas à sa personne, mais à la situation de l’entreprise.

En outre, ce risque d’inconventionalité a été soulevé par le Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi en 2013, conduisant le Gouvernement à décider, s’agissant des accords de mobilité interne – ils feront l’objet d’un amendement ultérieur –, de faire également reposer sur un motif économique le licenciement des salariés qui les refuseraient, alors même que l’ANI du 11 janvier 2013 prévoyait un motif personnel.

Je ne reviendrai pas sur nos débats passés concernant les conditions de rupture ; nous savons que les engagements conventionnels peuvent donner lieu à des blocages. La convention n° 158 nous conduit toutefois très clairement à opérer un distinguo entre motif personnel et motif économique. La lecture que le Conseil d’État en a faite au moment de la loi sur la sécurisation de l’emploi nous a éclairés en sens.

Monsieur Delahaye, quelle que soit ma sensibilité à vos arguments, ces éléments m’amènent à vous proposer de retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable, non par conviction philosophique, mais pour des raisons seulement juridiques. Il en ira de même concernant l’amendement qui vise les accords de mobilité interne et dont nous discuterons dans quelques instants.

M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 909 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 909 rectifié ter est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’article.

Mme Annie David. Je souhaite, en quelques mots, confirmer notre désaccord profond avec cet article, inséré par la commission spéciale.

Tout d'abord, l’argument du faible nombre d’accords signés, développé par notre corapporteur, est inopérant dans la mesure où ce dispositif doit, par nature, rester exceptionnel. La mesure qui nous est proposée dévoie le principe des accords de maintien dans l’emploi, qui nous apparaît déjà contestable.

Rappelons que l’employeur, en signant un accord de maintien de l’emploi, s’engage seulement à ne pas licencier pour motif économique les salariés visés par l’accord, sans pour autant s’engager à maintenir le niveau de l’emploi dans l’entreprise. Dès lors, restent autorisés les ruptures conventionnelles, les plans de départs volontaires, les départs anticipés à la retraite, les licenciements pour motifs personnels, les licenciements économiques des salariés de l’entreprise non visés par l’accord et les licenciements économiques des salariés ayant refusé l’accord, sans obligation de remplacer les salariés partis.

Par cet article, il ne s’agit ni plus ni moins que de permettre à l’entreprise de payer moins, ou de faire travailler plus, n’importe quand et pour n’importe quel motif ! Vous évoquez des accords « offensifs », madame la corapporteur. On ne saurait mieux dire, tant ils permettent d’opérer une véritable offensive contre le droit du travail, en dérogeant aux droits des salariés quand l’employeur le souhaite et pour une durée illimitée, puisqu’elle est fixée dans l’accord lui-même.

La disposition autorisant des représentants du personnel à négocier ces accords même en présence de syndicats représentatifs, selon des conditions de majorité qui sont très loin de permettre le respect de l’avis des salariés, constitue une atteinte manifestement disproportionnée à leur liberté contractuelle.

La validation de ces accords par simple référendum est également inappropriée. Les salariés ne bénéficiant pas, contrairement aux organisations syndicales et aux représentants du personnel, de données fiables sur la situation économique de l’entreprise, le chantage à l’emploi s’en trouve facilité, au bénéfice de l’employeur.

Une mesure non négociée, décidée unilatéralement par l’employeur et soumise à plébiscite salarial ne peut être qualifiée d’accord collectif, comme le prétend ce texte, qu’au prix d’un changement profond du sens de cette expression et de la nature de ce qu’elle recouvre.

De surcroît, madame la corapporteur, les dirigeants de l’entreprise pourront voir leur rémunération augmenter et les actionnaires percevoir des dividendes en hausse, puisque vous proposez de supprimer l’obligation qui leur était faite de contribuer en proportion aux efforts demandés aux salariés.

Selon vous, il serait donc indispensable à la viabilité d’une entreprise de réduire les rémunérations de salariés aux faibles revenus, mais ni les rémunérations élevées des dirigeants ni les dividendes des actionnaires. En sus, les salariés qui refuseraient cet accord pourront être licenciés pour motif économique, alors même que le dispositif pourrait être mis en œuvre même si l’entreprise n’était pas confrontée à des difficultés économiques.

Une attitude si décomplexée face à l’injustice faite aux salariés en matière de droit du travail nous apparaît tout simplement indécente.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons évidemment contre l’article 98 A, tel qu’il résulte des travaux de la commission spéciale, ou du moins de la majorité de ses membres, car il a changé de nature.

Comme vous le savez, nous tenons beaucoup au dialogue social. Nous pensons qu’on ne peut pas se prévaloir du trop faible nombre d’accords défensifs ayant été conclus pour procéder à un renversement complet de la situation et instaurer des accords offensifs, comme nous le propose la commission spéciale.

M. le ministre a longuement expliqué la semaine dernière qu’une rencontre avec les partenaires sociaux, les organisations syndicales et le patronat était prévue à partir du 18 mai. Elle permettra de faire le bilan des accords défensifs et d’étudier les moyens de corriger l’accord de sécurisation ayant permis ce type d’accords. Les résultats de cette rencontre seront ensuite pris en compte à l’Assemblée nationale.

La disposition que vous proposez d’introduire dans le projet de loi constituerait, à notre sens, un marqueur négatif.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Au premier jour de cette quatrième semaine d’examen du projet de loi Macron, je serai bref ! (Exclamations amusées.)

Comme mes collègues socialistes et communistes, je voterai contre cet article.

M. Thierry Foucaud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. L’amendement de la commission spéciale soutenu il y a quelques instants visait à établir une distinction entre deux dispositifs, l’AME dit « défensif », d’une part, que la commission spéciale a amélioré et que le Sénat s’apprête à approuver, et l’AME dit « offensif », d’autre part.

Nous savons bien évidemment que l’examen du projet de loi va suivre son cours et qu’une concertation se déroule avec les organisations syndicales et l’ensemble des partenaires sociaux. Pour autant, il nous semble utile que le Sénat indique une direction claire pour l’avenir.

Nous pensons que, quand un secteur est appelé à évoluer, les entreprises doivent pouvoir, dans le cadre du dialogue social, discuter avec les organisations des salariés et avec les salariés eux-mêmes des conditions de restructuration. Nous devons regarder en face certaines rigidités existant dans notre pays, car elles posent problème.

Alors que certaines filières font l’objet d’une restructuration à l’échelon européen ou mondial, il arrive que les entreprises françaises ne soient, elles, en situation de se restructurer qu’au moment où surgissent les difficultés. L’AME dit « défensif » a donc pour objet de s’appliquer lorsqu’elles rencontrent de graves difficultés conjoncturelles. Attendre que ces difficultés soient patentes pour agir ne nous paraît pas être la solution. Il faut parfois les anticiper. À cet égard, les entreprises doivent pouvoir restructurer leur offre et leur outil de production, ainsi que le temps de travail de leurs salariés.

Mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais de nouveau porter à votre connaissance pour expliquer les choix que la commission a proposés au Sénat. Le processus législatif se poursuivra et d’autres votes auront lieu : nous verrons alors à quels arbitrages il aura été procédé.

M. le président. Je mets aux voix l'article 98 A, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 187
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Article 98 A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 98 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 98 A

M. le président. L'amendement n° 761 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Allizard, Bas, Bignon et Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, César, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Duvernois, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas et MM. de Raincourt, Reichardt, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Leleux, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 98 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « leur licenciement », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2242-23 du code du travail est ainsi rédigé : « est un licenciement qui repose sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 742 est présenté par Mme Gruny, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et di Folco, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Fouché et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras et Mandelli, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat, Perrin et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Retailleau, Revet, Savary et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel.

L'amendement n° 910 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Longeot et Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 98 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1221-2, il est inséré un article L. 1221-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-2-... – Le contrat de travail à durée indéterminée peut être conclu en vue de la réalisation d’un projet. Ce contrat est établi par écrit et précise la nature du projet pour lequel il est conclu ainsi que la durée indicative prévue pour sa réalisation. » ;

2° Au second alinéa de l’article L. 1233-3, après les mots : « à l’exclusion », sont insérés les mots : « du licenciement motivé par la réalisation du projet pour lequel le salarié a été recruté par un contrat à durée indéterminée conclu pour la réalisation de ce projet, et » ;

3° Le chapitre VI du titre III du livre II de la première partie est complété par une section... ainsi rédigée :

« Section ...

« Contrat conclu pour la réalisation d’un projet

« Art. L. 1236-9. – Le licenciement prononcé en raison de l’achèvement du projet pour lequel le contrat à durée indéterminée a été spécifiquement conclu n’est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique et est justifié par une cause réelle et sérieuse. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 742.

Mme Catherine Procaccia. Les partenaires sociaux ont déjà lancé, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, une formule expérimentale de contrat, le contrat à durée déterminée à objet défini, le CDDOD, lequel avait pour particularité de s'achever lorsque la mission pour laquelle il avait été conclu prenait fin.

Ce contrat était notamment réservé au recrutement d'ingénieurs et de cadres au sens des conventions collectives et devait être prévu par un accord de branche étendu ou, à défaut, par un accord d'entreprise. Sa durée ne pouvait être inférieure à dix-huit mois et ne pouvait pas dépasser trente-six mois. Ce contrat ne pouvait pas être renouvelé.

Expérimenté depuis 2008, ce contrat a fait ses preuves dans des secteurs comme la recherche. L'expérimentation s'est achevée le 25 juin dernier. Le volet « droit du travail » de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, dont j’étais le rapporteur, a d’ailleurs pérennisé, sur proposition du Sénat, cette forme particulière de contrat dans le code du travail, à la satisfaction en particulier des chercheurs et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Compte tenu de la satisfaction que suscite le CDDOD, nous proposons de l’étendre aux TPE-PME, afin de fluidifier le marché du travail. Cet amendement vise ainsi à mettre en place un contrat de mission de droit commun, inspiré du contrat de chantier, déjà largement pratiqué dans le secteur du BTP.

M. le président. Le sous-amendement n° 1784, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 742

I. – Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

1° Le second alinéa de l’article L. 1221-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « dans les cas et dans les conditions mentionnés au titre IV relatif au contrat de travail à durée déterminée » sont supprimés ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Dans ce cas, il est établi par écrit. »

II. – Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1236-9. – La réalisation du projet pour lequel un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu emporte la rupture de ce contrat de travail, après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Les dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique ne sont pas applicables. »

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce sous-amendement vise à clarifier les dispositions relatives au contrat de projet que tend à insérer dans le code du travail l’amendement que vient de défendre notre collègue Catherine Procaccia. Il tend à préciser que ce contrat doit être obligatoirement établi par écrit et à modifier les dispositions relatives à son terme.

La réalisation du projet pour lequel ce contrat aura été conclu emporterait sa rupture et ne s’analyserait pas comme un licenciement, comme lors de l’acceptation par un salarié du contrat de sécurisation professionnelle en cas de licenciement pour motif économique. Un délai de prévenance d’au moins deux mois devra toutefois être respecté.

Il est évident aujourd'hui que la rigidité des modalités de rupture d’un contrat de travail constitue un frein à l’embauche et à l’activité. Une des solutions à ce problème passe, comme l’a dit notre collègue, par la généralisation du contrat de projet tel qu’il a été proposé.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° 910 rectifié bis.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement étant identique à l’amendement n° 742, il est défendu.

J’indique que je partage l’avis de la commission spéciale et que je suis favorable aux précisions qu’elle souhaite apporter. Je me rallierai donc à l’amendement n° 742, modifié par le sous-amendement n° 1784.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1784, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 742.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ces deux amendements identiques, ainsi que le sous-amendement de Mme la corapporteur, visent à étendre le contrat à durée déterminée à objet défini expérimenté à la suite de l’ANI de 2008, lequel est réservé, je le rappelle, au recrutement d’ingénieurs et de cadres principalement, dans le cadre d’un projet tout à fait spécifique, que l’on sait définir.

Le CDDOD, qui a été pérennisé dans la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, sur proposition du Sénat, est destiné à un public très qualifié, exerçant des tâches justifiant ce type de contrat et dans le cadre de missions définies. Ce contrat est très encadré par l’ANI de 2008 : il ne peut être d’une durée supérieure à trente-six mois et ne peut pas être renouvelé.

Je dois dire que la généralisation de ce type de contrat me pose problème à ce stade, et ce pour trois raisons.

Premièrement, ce contrat, s’il est adapté aux catégories de salariés les plus qualifiés, ne l’est pas à la grande majorité des salariés, sauf à en faire une voie de contournement.

Deuxièmement, je rappelle qu’une conférence économique et sociale réunissant les PME-TPE aura lieu au début du mois de juin prochain. Sans préempter ici les résultats de cette conférence, je dis d’emblée que ce type de contrat ne fera pas partie des voies de sortie.

Troisièmement, et cette raison est la plus importante à mes yeux, je suis profondément convaincu que ce n’est pas en créant de nouveaux types de contrats ou en étendant certains types de contrats existants que nous parviendrons à régler les problèmes que nous rencontrons aujourd'hui sur le marché du travail ; cela ne ferait qu’ajouter de la complexité et susciter des interrogations méthodologiques ou juridiques. Je pense qu’il vaut mieux traiter le cœur même du problème et s’interroger sur les raisons pour lesquelles, alors que 90 % des embauches se font en CDD, quelque 80 % du stock des emplois sont tout de même toujours des CDI aujourd'hui.

Nous devons nous orienter vers un contrat unique, qui s’appelle le CDI. Il nous faut, d’une part, trouver des moyens de le rendre plus attractif, et, d’autre part, responsabiliser les entreprises, afin qu’elles proposent moins de contrats courts et plus de CDI. Tel sera le défi que nous devrons collectivement relever lors de la prochaine négociation de la convention UNEDIC. Nous devons redéfinir les modalités du CDI, en particulier ses modalités de rupture.

Cette piste de réflexion me paraît bien plus porteuse d’espoir que l’extension des contrats exceptionnels ou la création d’un nouveau type de contrat, comme le proposent parfois certains.

Je pense que la loi relative à la sécurisation de l’emploi, les accords de maintien dans l’emploi dit « défensifs », les négociations prochaines sur l’AME défensif – je ne reviens pas sur la distinction que je fais entre AME défensif et AME offensif – et les réflexions sur le CDI constituent des pistes qui permettront une amélioration probante du marché du travail.

Pour ces trois raisons, j’émettrai un avis défavorable sur les amendements identiques nos 742 et 910 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n° 1784.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je partage l’avis de M. le ministre sur ces contrats à objet défini ; comme quoi, tout arrive ! (Sourires.)

Je me souviens des débats que nous avions eus voilà quelques années dans cet hémicycle sur les contrats à durée déterminée et à objet défini : M. Xavier Bertrand représentait alors le Gouvernement, et nous n’étions déjà pas favorables à ces contrats qui étaient destinés principalement aux cadres ingénieurs et censés favoriser notre recherche universitaire. Nous n’avions pas été convaincus par les arguments avancés à l’époque. Nous sommes donc bien évidemment opposés à la généralisation de ces contrats !

J’ai bien entendu aussi la volonté de M. le ministre de rechercher, sur les CDI, un équilibre entre les intérêts des salariés et la possibilité pour les entreprises de s’adapter à leur charge de travail.

Quoi qu’il en soit, nous sommes opposés à ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous avons déjà eu ce débat à la fin de l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie des entreprises. Nous avions alors soutenu la pérennisation des contrats à objet défini, notamment pour les chercheurs, qui la réclamait. En revanche, chers collègues, nous ne pouvons aujourd’hui souscrire à la généralisation de ces contrats que vous proposez au travers de ces amendements.

Plus largement, il existe à droite une espèce de croyance mythique : le contrat de travail à durée indéterminée bloquerait l’embauche et expliquerait notre taux de chômage massif. Chers collègues, vous savez bien que, chez ceux qui s’intéressent au marché du travail, les avis sont partagés, y compris du côté du patronat. Quoi qu’il en soit, on ne réglera pas ce problème par une solution unique.

Lorsqu’on observe le nombre de CDD qui sont signés, la place de l’intérim et les quelque 900 000 ruptures conventionnelles intervenues l’an passé – un dispositif instauré par la droite auquel nous n’avons pas touché –, on mesure que les entreprises ne sont pas pieds et poings liés par ce fameux CDI.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Il existe déjà des souplesses dans l’économie, et l’on ne peut pas rendre le CDI responsable de tous les maux qui nous affectent. Nous savons bien que l’origine du chômage massif réside principalement dans la panne de l’économie et dans son manque de compétitivité.

Nous voterons donc contre le dispositif que nous propose la majorité de la commission spéciale.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments. Toutefois, sur le terrain, nous rencontrons des chefs d’entreprise qui ont à la fois des besoins en termes d’embauche et des craintes par rapport à la situation actuelle.

Si des évolutions interviennent ultérieurement, nous ne pourrons que nous en réjouir, et nous ne les bloquerons pas. Toutefois, nous souhaitons dès à présent mettre en place un outil qui puisse être rapidement opérationnel pour les entreprises.

Ce week-end, je lisais la revue de presse de mon département : la chute du nombre d’entreprises, TPE ou PME, dans certains secteurs d’activité est considérable !

Mme Annie David. Ce n’est pas la faute du CDI !

Mme Catherine Deroche. Bien entendu, le CDI n’est pas seul responsable, mais notre objectif au travers de ce texte est de donner des moyens aux entrepreneurs.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1784.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. Vincent Delahaye. Je retire l’amendement n° 910 rectifié bis, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 910 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 742, modifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 98 A.

L'amendement n° 744, présenté par Mme Procaccia, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Charon, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Emorine, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Paul, Pellevat, Pierre, Poniatowski et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 98 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par des articles L. 5125–8 à L. 5125–10 ainsi rédigés :

« Art L. 5125-8. – Un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur d’une entreprise de la branche peut, en contrepartie de l’engagement de maintenir ou développer les emplois pendant la durée de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération au sens de l’article L. 3221–3.

« Art. L. 5125-9. – Par dérogation à l’article L. 2232-6, la validité de l’accord mentionné à l’article L. 5125-8 est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience prévue au 3° de l’article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l’article L. 2122-6, au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants.

« Art. L. 5125-10. – Les II, III et IV de l’article L. 5125-1, ainsi que les articles L. 5125-2 et L. 5125-3 sont applicables aux entreprises de la branche qui appliquent l’accord mentionné à l’article L. 5125-8. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité de mettre en place des accords offensifs et défensifs en faveur de l’emploi au niveau de la branche, alors que cette possibilité n’est pour l’instant ouverte qu’au niveau de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avons axé notre réflexion sur les accords de maintien ou de développement de l’emploi à l'échelle des entreprises, considérant que c’était le niveau le plus pertinent pour négocier.

Cet amendement vise à donner un outil supplémentaire aux entreprises, qui pourraient se référer à une sorte d’accord-cadre au niveau de la branche. Toutefois, si l’accord de branche s’applique directement au niveau de l’entreprise, il devra être décliné et adapté.

En conséquence, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Qu’ils soient offensifs ou défensifs, de tels accords conclus à ce niveau ne répondraient pas à l’objectif des accords de maintien de l’emploi. En effet, la situation économique de l’entreprise ne peut pas s’apprécier à l’échelon de la branche ! Ou alors ces accords obéiraient à une logique très différente.

Je me souviens d’ailleurs que vous appeliez vous-même, madame la sénatrice, la semaine dernière, à faire preuve de cohérence lorsque nous faisions référence à la mission Combrexelle. Pour la même raison, je vous inviterai donc, à retirer cet amendement, dont les dispositions viendraient détricoter la hiérarchie des normes sans en avoir posé les principes.

Mme Catherine Procaccia. Je le retire, monsieur le président !

M. Emmanuel Macron, ministre. Merci !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Quel ministre persuasif ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 744 est retiré.

Articles additionnels après l'article 98 A
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 98

Article 98

(Non modifié)

L’article L. 1233-5 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour les entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l’article L. 1233-24-4.

« Dans le cas d’un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emploi.

« Les conditions d’application de l’avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le code du travail définit des critères d’ordre à appliquer en cas de licenciement.

Ces critères, objectifs, prennent notamment en compte les charges de famille, en particulier pour les parents isolés, l’ancienneté, la situation des salariés, notamment pour celles et ceux qui présentent des caractéristiques sociales rendant difficile leur réinsertion professionnelle – seniors, personnes en situation de handicap, etc. – et les qualités professionnelles.

Or la loi du 14 juin 2013, qui fait suite à l’accord national interprofessionnel, permet à l’employeur, après consultation du comité d’entreprise, de fixer les critères d’ordre des licenciements. Cette loi permet également aux entreprises, par accord collectif, de privilégier un critère par rapport à un autre, ou encore de définir un périmètre d’application de ces critères inférieur à celui de l’entreprise.

Cet article, tel qu’il a été présenté à l’Assemblée nationale, proposait d’étendre cette possibilité à l’ensemble des entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, avec ou sans la conclusion d’un accord collectif.

Autrement dit, cela permettait aux entreprises de cibler leurs licenciements. En effet, elles ont la possibilité d’établir elles-mêmes les critères d’ordre des licenciements, et l’article leur proposait de réduire leur périmètre d’application, par exemple au niveau d’un atelier ou d’un service.

Bien entendu, de notre point de vue, ce n’est pas acceptable. C’est pour cette raison que l’Assemblée nationale a introduit la notion de « zones d’emploi », selon la définition de l’INSEE. Il s’agit d’un compromis entre l’entreprise et l’établissement, ou l’atelier. Pour autant, nous ne sommes pas satisfaits.

Tout d’abord, l’intention première du Gouvernement, même si elle a été revue par l’Assemblée nationale, nous choque profondément.

Ensuite, cet article constitue une ingérence du législateur dans les contentieux en cours devant les tribunaux administratifs. Il nous est proposé de faire fi de tout un pan jurisprudentiel.

Ainsi, quand les employeurs ne sont pas satisfaits des décisions judiciaires, la loi est changée en leur faveur. C’est le cas quand vous proposez que l’annulation de l’homologation des PSE par la justice administrative ait une portée plus limitée. C’est également le cas concernant les juridictions prud’homales, affaiblies parce qu’elles constituent un dernier recours pour les salariés, afin de faire valoir leurs droits.

Dans le cas présent, cet article répond au problème rencontré par la société Mory Ducros. Celle-ci a en effet annoncé son dépôt de bilan en novembre 2013. Son actionnaire principal, Arcole, a alors proposé de racheter l’entreprise, en conservant quelque 2 100 emplois sur 5 000. Or, la société Mory Global, née de la reprise de Mory Ducros, vient également d’annoncer la suppression de l’ordre de 2 000 postes…

Alors que le ministre du travail qualifie cette annonce de « drame social », le présent projet de loi prévoit une mesure qui arrangerait fortement l’entreprise Mory Ducros.

En effet, la justice a annulé l’homologation du PSE de Mory Ducros, au motif que le document unilatéral ne pouvait pas procéder à l’application des critères de l’ordre de licenciement au niveau de chacune des quatre-vingt-cinq agences appartenant à la société Mory Ducros sur le territoire national. Elle a estimé que la définition d’un tel périmètre d’application des critères méconnaît l’article L. 1233-5 du code du travail, dès lors que sa détermination à un niveau inférieur à celui de l’entreprise n’est envisageable que dans le cadre d’un accord collectif. Cette décision a été rendue par la cour administrative d’appel de Versailles et la Cour de cassation.

Cet article vient directement remettre en cause la décision jurisprudentielle, et ce dans un contexte pour le moins compliqué, puisque l’actionnaire qui avait repris Mory Ducros supprime à nouveau des milliers d’emplois.

Nous ne pouvons bien entendu que nous opposer à une telle mesure, comme d’ailleurs nous nous sommes opposés aux mesures prévues par l’ANI, visant à laisser l’employeur fixer les critères d’ordre des licenciements.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 88 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 172 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et MM. Durain et Cabanel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 88.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article 98 autorise les employeurs qui définissent unilatéralement le plan de sauvegarde de l’emploi à fixer le périmètre d’application des critères relatifs à l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d’emploi d’un établissement.

Officiellement, il s’agirait de mettre fin aux divergences d’analyse des juridictions qu’aurait mises en exergue l’affaire Mory Ducros.

Vous avez en réalité mis à profit des interprétations antinomiques de la justice administrative et l’insécurité juridique qui en découle pour remettre en cause la règle selon laquelle l’ordre des licenciements doit s’appliquer à l’échelle du personnel de l’entreprise.

D’après l’étude d’impact, le problème viendrait des difficultés pour les entreprises dont l’un seulement des établissements fait l’objet d’une restructuration. En autorisant l’employeur à déterminer unilatéralement l’ordre des licenciements sur ce périmètre extrêmement flou qu’est la « zone d’emploi », on aboutit à un véritable mépris de la démocratie sociale !

La zone d’emploi est, selon le vocabulaire de l’INSEE, « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts ».

Faire de la zone d’emploi l’espace minimal d’application des critères d’ordre des licenciements est une avancée par rapport au texte initial. Cette notion demeure toutefois difficile à apprécier. En remplaçant la logique organisationnelle de l’entreprise par une notion territoriale, les difficultés d’interprétation de la justice administrative ne semblent pas terminées.

Pour encadrer la détermination unilatérale par l’employeur de la « zone d’emploi », des critères objectifs devront être fixés pour savoir si les entités de tel établissement ou de telle agence sont intégrées ou non dans le PSE.

Le constat partagé est un renforcement du pouvoir de l’employeur dans le choix des salariés qui seront licenciés lors des plans de sauvegarde de l’emploi.

M. le président. L’amendement n° 172 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 98 autorise les employeurs qui définissent unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi ou PSE à fixer le périmètre d’application des critères relatifs à l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à la zone d’emploi du ou des établissements.

La commission est défavorable à la suppression de cet article, qui nous semble offrir un bon compromis pour les entreprises et les salariés.

Je rappellerai au préalable que, de l’avis de certains juristes et du ministère du travail, le droit en vigueur permet en théorie à un employeur de fixer par un document unilatéral de définition du PSE le périmètre d’appréciation de l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l’entreprise.

Toutefois, à la suite d’interprétations divergentes par les tribunaux, le Gouvernement a souhaité à juste titre clarifier les règles. La version initiale du projet de loi n’était à cet égard guère satisfaisante, car elle ne fixait aucune limite à l’employeur : rien n’aurait empêché d’appliquer cet ordre au niveau d’un atelier, d’un service, voire d’une équipe.

Le choix qu’a fait l’Assemblée nationale de retenir comme plancher le niveau de la zone d’emploi au sens de l’INSEE constitue à nos yeux un compromis acceptable entre l’échelon de l’entreprise et celui de l’établissement. Il évite tout ciblage de salariés, tout en offrant des marges de souplesse aux employeurs.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 538 rectifié ter, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier et MM. Tourenne, Yung, Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

décret

insérer les mots :

en Conseil d’État

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Il s’agit d’un amendement de précision. La référence à une zone d’emploi territoriale constitue une procédure nouvelle ; par conséquent, il nous a semblé important que le décret qui permettra sa mise en œuvre soit pris en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La nécessité d’un décret pris en Conseil d’État est loin d’être évidente. De surcroît, cela risquerait à nos yeux de retarder la mise en œuvre de cet article, qui constitue une mesure intéressante et attendue par les entreprises.

La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 98.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 308
Contre 20

Le Sénat a adopté.

Article 98 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 99 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 98

M. le président. L'amendement n° 1337 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 98

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « notamment » est remplacé par les mots : « à une cessation d’activité ou » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’employeur doit justifier de manière précise l’ensemble des mesures prises afin de limiter la suppression d’emplois. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 1310, 1311 et 1313 rectifié. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Ces amendements feront donc l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1310, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 98

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du 1° du 1. de l’article 39 du code général des impôts, après les mots : « dépenses de personnel et de main-d’œuvre », sont insérés les mots : « à l’exception des sommes représentant le montant des cotisations versées par l’entreprise au titre de sa participation au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale pour les risques professionnels ».

L'amendement n° 1311, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 98

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 232-12 du code de commerce il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les sommes distribuables sont au préalable, et prioritairement, affectées à la garantie de l’intégralité des salaires des travailleurs qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de l’entreprise qui les emploie, soit à la réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué. »

L'amendement n° 1313 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 98

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

... – Après l’article L. 1233-10 du code du travail, sont insérés deux articles L. 1233-10-… et L. 1233-10-… ainsi rédigés :

« Art. L. 1233-10-… – Outre les renseignements prévus à l’article L. 1233-10, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l’employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité.

« Art. L. 1233-10-... – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le projet de licenciement concerne moins de dix salariés dans une même période de trente jours, l’autorité administrative vérifie, dans le délai de vingt et un jours à compter de la date de la notification du projet de licenciement, que :

« 1° Les représentants du personnel ont été informés, réunis et consultés conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur ;

« 2° Les obligations relatives à l’élaboration des mesures sociales prévues par l’article L. 1233-32 ou par des conventions ou accords collectifs de travail ont été respectées ;

« 3° Les mesures prévues à l’article L. 1233-32 seront effectivement mises en œuvre. »

Vous avez la parole pour les présenter, ma chère collègue.

Mme Annie David. Nous avons déjà présenté des amendements similaires en séance publique par le passé. À l’encontre des tendances récentes, ils tendent à rendre aux salariés des droits qui, au fil du temps, ont été supprimés.

Ainsi, l’amendement n° 1337 rectifié vise à mieux encadrer les licenciements boursiers, comme nous les appelons. Nous voulons empêcher ces pratiques qui constituent à licencier des salariés pour augmenter les dividendes des actionnaires.

L’amendement n° 1310 a pour objet les accidentés du travail. Nous avons déjà déposé plusieurs fois cette disposition depuis la loi de finances de 2010. Nous proposons par cet amendement que les indemnités journalières qui sont versées par la sécurité sociale aux victimes d’un accident du travail ne soient pas soumises à l’impôt. Tel était le cas jusqu’à la loi de finances de 2010 : nous voulons donc restaurer ce droit alors supprimé pour les salariés accidentés.

L’amendement n° 1311, quant à lui, vise à affecter les dividendes aux salaires en cas de chômage partiel. Dans mon département, il y a déjà quelque temps, une grosse entreprise – Caterpillar, pour ne pas la nommer – procédait à des licenciements alors même que les dividendes de ses actionnaires augmentaient, ce qui est à nos yeux tout à fait injuste et indécent. Verser les dividendes aux salariés qui sont en chômage partiel nous semblerait à la fois logique et juste pour ces travailleurs.

L’amendement n° 1313 rectifié a pour objet les règles de licenciement et de reclassement. Comme nous venons d’adopter un article somme toute à l’opposé de cet amendement, je ne me fais guère d’illusions sur son sort. Il nous semble important néanmoins de le défendre, puisqu’il vise, là encore, à garantir, en cas de licenciement et de reclassement, le respect tant des droits des salariés que du droit à l’information des organisations syndicales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 1337 rectifié souhaitent que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ne puisse plus constituer le motif économique d’un licenciement. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation la considère pourtant de longue date comme une justification valide. L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.

L’amendement n° 1310 vise à interdire la déduction des cotisations accidents du travail-maladies professionnelles, ou cotisations AT-MP, de l’assiette des bénéfices industriels et commerciaux. Contrairement à ce que vous affirmez, madame David, cet amendement ne met pas un terme à la fiscalisation des indemnités journalières, qui est un sujet dont nous pourrons débattre de manière tout à fait justifiée à l’occasion du projet de loi de finances. Nous émettons donc un avis défavorable.

L’amendement n° 1311 vise quant à lui à affecter prioritairement les sommes distribuables initialement consacrées aux dividendes au maintien du salaire des salariés au chômage partiel. Cette disposition est issue d’une proposition de loi déposée par le groupe CRC en mars 2009. Or depuis cette date le chômage partiel a subi une profonde réforme ; il est devenu l’activité partielle dans le cadre fixé par l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Il n’a pas semblé souhaitable à la commission spéciale de modifier ce régime et de confondre bénéfices distribuables et rémunération des salariés : son avis est donc défavorable.

Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 1313 rectifié, la loi de sécurisation de l’emploi a apporté quatre grands changements en matière de PSE. Elle a introduit la possibilité de conclure un accord d’entreprise majoritaire pour définir le contenu du plan. Elle a simplifié les délais de consultation du comité d’entreprise. Elle a renforcé les prérogatives de l’administration du travail, qui doit désormais valider les accords PSE ou homologuer les documents unilatéraux de l’employeur. Enfin, elle a confié au juge administratif la compétence de contrôle de ces nouvelles décisions administratives relatives aux procédures de licenciement économique collectif et aux PSE, tout en conservant la compétence du juge prud’homal pour les litiges individuels des salariés licenciés pour motif économique.

Le bilan de cette réforme majeure doit être tiré par les partenaires sociaux, mais les premiers éléments rendus publics sont encourageants. La commission spéciale a émis par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 1337 rectifié et la définition du licenciement économique, je développerai une argumentation juridique, avant de faire une remarque politique.

Cet amendement vise explicitement à restreindre les motifs de licenciement économique aux cessations d’activité, aux difficultés économiques et aux mutations technologiques. Une entreprise qui verserait des dividendes, donc ne serait pas alors en situation de crise, ne pourrait donc pas procéder à des licenciements.

Or les enjeux et les contraintes auxquels font face les entreprises, qui peuvent être amenées à licencier du fait de multiples facteurs, les conduisent parfois dans cette situation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le juge judiciaire lui-même a élargi la définition du motif économique par le critère de sauvegarde de la compétitivité. C’est cette zone grise que vous viendriez faire disparaître.

J’ajouterai une remarque politique : je comprends parfaitement l’indignation éprouvée lorsqu’une entreprise verse des dividendes et prend simultanément des mesures de licenciement : la semaine dernière encore, une société cotée française annonçait ainsi licenciements et fermetures de sites.

Face à de telles situations, deux réponses sont possibles. Tout d’abord, les dividendes sont souvent versés l’année n au titre de l’année n-1. Telle est la première difficulté à considérer dans la lecture de cette séquence. Je pense donc qu’il faut être vigilant.

Je ne sais pas comment l’exprimer dans le droit, mais partout où l’État est actionnaire, le Gouvernement veillera à ce que nul dividende ne soit versé durant une année d’exercice où un plan collectif serait mis en œuvre et où des efforts seraient demandés aux salariés ; cela serait inconcevable ! C’est un principe fort, que vous avez raison de défendre, mais le décalage dans le temps des exercices rend parfois la chose illisible.

La seconde réponse, qui est cruciale à mes yeux, consiste à trouver la bonne articulation entre l’AME défensif et le PSE. Comme j’ai pu l’expliquer la semaine dernière, lorsque le collectif productif qui réunit les actionnaires, les dirigeants et les salariés engage des efforts, il faut parvenir à ce qu’il y ait le moins de licenciements possible. Il faut travailler dans ce domaine d’abord pour préserver l’entreprise et éviter les licenciements.

Je suis défavorable à cet amendement, parce que le dispositif proposé introduirait dans la loi une rigidité contreproductive. Je pense néanmoins qu’il faut continuer à faire preuve de pédagogie et à être exigeant à l’égard des acteurs au cas par cas. Je ne sais pas comment l’écrire dans la loi, malgré nos efforts, mais je m’engage sur ces deux voies.

D'une part, nous devons d’une part toujours trouver les voies et les moyens d’aboutir à de bons AME défensifs pour ne pas détruire de l’emploi : en effet, c’est de la casse sociale, de la casse de capital humain et de la casse de capital productif ! D’autre part, il faut que les versements de dividendes se fassent de manière responsable.

Je n’ai pas d’ajout à faire sur les amendements nos 1310 et 1311 ; le Gouvernement émet donc le même avis défavorable que la commission sur ces amendements.

Enfin, je partage les préoccupations exprimées lors de la présentation de l’amendement n° 1313 rectifié, qui vise à compléter l’information des salariés. En effet, il est indispensable de s’assurer que les employeurs respectent bien leurs devoirs en matière de licenciement, qu’ils ne contournent pas l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, et qu’ils informent réellement les salariés.

Toutefois, il me semble que l’article 99 du présent texte répond davantage à ce souci, parce qu’il assure l’effectivité du contrôle exercé par l’administration sur les licenciements économiques et sur le respect des obligations de l’employeur, sans alourdir pour autant la procédure de licenciement.

Il serait utile d’améliorer la rédaction de cet amendement, en créant un dispositif renforcé de « codétermination », dont les modalités pourraient être définies dans le cadre du travail qui devra être mené prochainement en matière de représentation des salariés. Cette suggestion renvoie en effet à l’objet de l’amendement défendu la semaine dernière par Mme Assassi, sur lequel j’ai indiqué qu’il conviendrait d’avancer dans les semaines à venir.

Grâce à l’article 99, d’une part, et à une meilleure représentation des salariés dans les conseils d’administration, d’autre part, nous devrions atteindre l’objectif que vous défendez, en évitant de complexifier la procédure de licenciement comme tendrait à le faire votre amendement.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 1313 rectifié, sur quel, à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, que partage d’ailleurs pour moitié Mme la corapporteur, puisque vous avez émis deux avis presque identiques.

Je reviendrai brièvement sur l’amendement n° 1337 rectifié, qui vise les licenciements boursiers. Je connais bien l’arrêt de la Cour de cassation, qui admet que « lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation peut constituer un motif économique si elle nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe à laquelle elle appartient ».

Cependant, la rédaction de l’arrêt est tellement floue qu’il est possible de l’interpréter comme on le souhaite. Sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité peut en effet signifier bien des choses ! Certaines entreprises ont ainsi la possibilité de licencier des salariés, au motif que cela permettrait de sauvegarder leur compétitivité.

Pour notre part, nous ne partageons pas du tout cette conception des choses, car les salariés font malheureusement trop souvent les frais de stratégies à court terme qui permettent aux actionnaires de bénéficier d’un rendement à deux chiffres. C’est du moins ce que nous disent les salariés dans les entreprises. Par conséquent, je maintiendrai l’amendement n° 1337 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 1313 rectifié, nous avons bien compris les arguments du ministre et sa demande de retrait. Néanmoins, nous demandons que l’information des salariés soit garantie dans toutes les entreprises, et pas uniquement dans les grandes entreprises. Si ces dernières ont des conseils d’administration auxquels participent parfois les salariés, non sans une véritable utilité, il faut reconnaître que ceux-ci se trouvent jusqu’à présent dans une situation quelque peu inconfortable, car ils sont tenus au secret des délibérations.

Si, à l’avenir, on parvenait à donner aux salariés un rôle plus actif au sein des conseils d’administration, ce serait certes satisfaisant, mais cela ne répondrait pas à la demande d’information qui nous semble nécessaire pour l’ensemble des entreprises lorsqu’elles sont concernées par des plans de licenciement ou par des questions qui affectent leur organisation.

Je maintiendrai donc également cet amendement, dans l’attente d’éventuelles avancées qui pourraient intervenir en matière d’information des instances représentatives des personnels, à la suite des travaux de la commission Combrexelle.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je m’abstiendrai sur les amendements nos 1337 rectifié et 1310 et voterai pour les amendements nos 1311 et 1313 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1337 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1310.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1311.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1313 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 98
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 100 (Texte non modifié par la commission)

Article 99

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 1233-53 du code du travail, les mots : « et les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le projet de licenciement concerne moins de dix salariés dans une même période de trente jours » sont supprimés.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Selon les corapporteurs de la commission spéciale, cet article résulte de la correction d’une erreur matérielle introduite à la faveur du vote de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Cette loi disposerait que la procédure de consultation des représentants du personnel et le contenu des mesures de reclassement relèvent du contrôle de la DIRECCTE, y compris pour les licenciements de moins de dix salariés qui interviennent dans une entreprise de cinquante salariés et plus.

L’article 99, s’il était adopté, limiterait le contrôle de l’administration aux licenciements de dix salariés et plus dans une entreprise de moins de cinquante salariés. Or, même s’il s’agit d’une coquille, nous sommes favorables à l’existence d’un contrôle administratif dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque le licenciement concerne moins de dix salariés dans une période de trente jours.

Nous profitons donc de l’examen de cet article pour demander le maintien de la possibilité d’un contrôle de l’administration.

Il s’agirait non pas de créer des obligations administratives supplémentaires qui seraient insupportables pour les entreprises, mais simplement d’établir une possibilité de recours pour les salariés en cas de licenciement. Si, dans cette perspective, les moyens actuels des DIRECCTE ne sont pas suffisants, nous sommes bien entendu tout à fait favorables à l’augmentation des fonctionnaires travaillant dans ces services pour exercer le contrôle des licenciements des entreprises.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 99, qui corrige pourtant une erreur matérielle : en effet, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi n’avait pas pour objet de modifier les règles relatives aux « petits licenciements économiques » – entre deux et neuf salariés sur une période de moins de trente jours – dans les entreprises employant plus de cinquante salariés.

En vertu de l’article L. 1233-19 du code du travail, « l’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours » doit déjà informer « l’autorité administrative du ou des licenciements prononcés ». Cette information a pour but d’éviter le contournement des règles du PSE, au travers de la technique du « saucissonnage », qui consiste à fractionner les licenciements dans le temps, afin d’éviter de licencier plus de dix salariés sur une période de trente jours dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous pourrions retirer cet amendement si vous nous assuriez, monsieur le ministre, que la rédaction de l’article L. 1233-53 du code du travail, dans lequel se trouvent actuellement les dispositions sur les petits licenciements économiques que nous examinons, est aussi complète que celle de l’article L. 1233-19 du même code, dans lequel l’article 99 envisage de les transférer. En effet, cela ne nous semble pas être le cas aujourd’hui. Nous sommes inquiets vis-à-vis des garanties qui seront apportées au contrôle exercé par l’administration.

Si nous avons conscience que de telles dispositions devraient être placées dans une section qui correspond aux types d’emploi et de licenciement concernés, nous considérons que les contrôles en matière de licenciement et de droit des salariés sont moins importants dans cette section-là. Notre préoccupation est réelle, car nous craignons que, à la faveur de ce transfert, vous effaciez une partie des contrôles qui doivent être assurés par l’inspection du travail et l’autorité administrative.

Si vous nous garantissez, monsieur le ministre, que les droits des salariés resteront équivalents d’une section à l’autre, nous sommes prêts à retirer notre amendement. En revanche, si le doute n’était pas levé, nous le maintiendrions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais lever vos doutes, madame David, et vous apporter la garantie qu’il y aura toujours autant de droits reconnus et de contrôles.

La loi relative à la sécurisation de l’emploi est à l’origine d’une erreur matérielle à l’article L. 1233-53 du code du travail, qui a conduit à déplacer le contrôle de l’administration sur les petits licenciements collectifs ne donnant pas lieu à un PSE.

En effet, un contrôle a priori de l’administration, c’est-à-dire avant notification des licenciements aux salariés, a été introduit pour les licenciements de deux à neuf salariés par période de trente jours dans les entreprises de cinquante salariés et plus, alors même que le contrôle a posteriori était maintenu.

Avec l’article 99, on revient en fait au statu quo ante, en rétablissant le droit préexistant à la loi de sécurisation de l’emploi. Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour la complexité de mon propos, mais cette « erreur de plume » a créé, dans les faits, une double procédure pour les licenciements de moins de dix salariés, à savoir une homologation à la fois ex ante et ex post.

Désormais, le dispositif exclut les licenciements de moins de dix salariés, comme cela était prévu dans la loi. On revient ainsi au même degré de contrôle et de garantie qu’avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Nous souhaitions nous assurer que la section du code du travail qui accueille les dispositions sur les petits licenciements économiques assure un « mieux-disant » pour les salariés concernés.

Compte tenu de la réponse de M. le ministre, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 89 est retiré.

L'amendement n° 539 rectifié ter, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier et MM. Tourenne, Yung, Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

vingt-cinq

et le mot :

trente

par le mot :

soixante

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Je retire également mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 539 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l'article 99.

(L'article 99 est adopté.)

Article 99 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 101

Article 100

(Non modifié)

I. – À la fin du premier alinéa de l’article L. 1233-4 du code du travail, les mots : « dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient » sont remplacés par les mots : « sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ».

II. – L’article L. 1233-4-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-4-1. – Lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises.

« Les modalités d’application du présent article, en particulier celles relatives à l’information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de loi tend à réduire le périmètre dans lequel le respect de l’obligation de reclassement est apprécié.

Depuis 2010, l’employeur doit interroger les salariés menacés de licenciement sur leur souhait de recevoir ou non des offres de reclassement à l’étranger, et les inviter à préciser, le cas échéant, leurs restrictions en termes de mobilité géographique et de niveau de rémunération. Il peut ensuite adapter ses propositions de reclassement en fonction des souhaits exprimés, l’absence de réponse du salarié équivalant à un refus de recevoir toute offre d’emploi à l’étranger.

Désormais, l’obligation de l’employeur se limitera à proposer au salarié les seuls emplois disponibles situés sur le territoire national, et non plus ceux qui le sont dans les établissements ou les entreprises situés à l’étranger.

Lorsque l’entreprise est transnationale ou appartient à un groupe transnational, il appartiendra dorénavant au salarié dont le licenciement est envisagé de demander à avoir accès à la liste précise des offres d’emplois situés hors du territoire national, qui sont disponibles dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe auquel elle appartient. Le salarié devra donc prendre l’initiative de demander à recevoir les offres de reclassement à l’étranger, en précisant les restrictions qu’il entend faire valoir en matière de rémunération et de localisation.

À notre sens, il est anormal que, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, la responsabilité de demander à connaître les postes disponibles à l’étranger revienne au salarié.

Le faible nombre de salariés préférant poursuivre leur activité dans un établissement à l’étranger n’est pas un motif suffisant pour déresponsabiliser davantage les entreprises sur leur obligation de reclassement des salariés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 90 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 173 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et MM. Durain et Cabanel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 90.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le dépôt de cet amendement découle de l’inquiétude que je viens d’exprimer. Nous demandons la suppression de l’article 100, qui modifie les articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du code du travail. Cet article vise en effet à inverser la responsabilité du reclassement dans le cadre d’un PSE entre employeur et salarié.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 1233-4 impose à l’employeur d’informer le salarié d’éventuelles offres d’emplois hors du territoire national. Le salarié est libre d’accepter ou de refuser ces offres et peut opposer des restrictions, notamment en matière de rémunération et de localisation.

Quant à l’article L. 1233-4-1 du code du travail, créé par la loi du 18 mai 2010 visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement et modifié par l’article 100 du projet de loi, il est destiné, selon les parlementaires ayant présenté la proposition de loi dont la loi du 18 mai 2010 est issue, à prévenir les offres de reclassement indignes, comme celles qui ont été proposées aux salariés de Continental et d’Olympia : quelque 173 euros mensuels en Tunisie pour les premiers, quelque 110 euros mensuels en Roumanie pour les seconds.

En mai 2010, lors de la discussion de la proposition de loi au Sénat, notre groupe avait dénoncé un texte ayant « pour unique objet de nous cacher l’immense indécence que constitue le dumping social mondial, qui s’aggrave chaque jour et encourage les entreprises occidentales à faire fabriquer à l’étranger, à des coûts salariaux vingt à trente fois moindres ».

Au cours du même débat, notre ancienne collègue Jacqueline Alquier, prenant la parole au nom du groupe socialiste, avait conclu son discours par ces mots : « Dans l’attente d’une meilleure organisation syndicale et d’une réelle négociation, nous condamnons, nous groupe socialiste, cette proposition de loi qui ne résout en rien le problème des délocalisations et ses conséquences sur l’emploi en France. Ce texte passe à côté des vrais problèmes de désindustrialisation de notre pays. Il est seulement destiné à donner bonne conscience au patronat. Nous voterons contre, car il s’agit pour nous de défendre les droits des salariés que vous malmenez. »

L’article 100 du projet de loi n’améliore en rien la situation du salarié ; il vise surtout à dégager l’employeur de ses responsabilités et de ses obligations, alors que c’est bien ce dernier qui supprime des emplois en délocalisant dans des pays à bas coût de main-d’œuvre.

En définitive, son adoption renforcerait l’opacité de la politique salariale de l’entreprise, puisque moins les offres d’emplois délocalisés sont nombreuses à être portées à la connaissance des salariés, moins ceux-ci sont armés pour lutter contre un dumping mondial dont les actionnaires sont les seuls gagnants. Mes chers collègues, supprimons cet article, qui parachève un véritable recul pour les salariés !

M. le président. L’amendement n° 173 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 90 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous maintenons la position que nous avons adoptée lors des débats en commission spéciale : nous sommes défavorables à la suppression de l’article 100. Celui-ci, en effet, ne réduit pas les droits des salariés qui souhaitent recevoir des offres de reclassement à l’étranger ; il épargne simplement des formalités inutiles aux entreprises mettant en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi et prévient des risques de contentieux en prévoyant qu’il appartiendra au salarié d’engager la démarche de recherche d’un poste à l’étranger.

La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Plusieurs raisons me paraissent justifier l’article 100 du projet de loi.

Aujourd’hui, lorsque se produit un conflit social comparable aux deux exemples bien connus mentionnés par Mme Gonthier-Maurin les propositions de reclassement à l’étranger sont vécues par les salariés comme une humiliation, et par les employeurs, qui ont l’obligation de les présenter, comme un formalisme absurde.

D’une part, en effet, les propositions de reclassement international n’ont plus de sens et sont parfois perçues comme humiliantes. Quand des salariés licenciés à Amiens ou à Compiègne se voient offrir un reclassement en Pologne ou en Roumanie à des salaires de dix fois inférieurs aux leurs, ils ne peuvent pas l’accepter et d’ailleurs ne l’acceptent pas.

D’autre part, l’approche formelle actuelle fait courir à l’entreprise un risque juridique disproportionné en raison de la lourdeur du processus : il suffit parfois qu’une case n’ait pas été cochée pour que tout le plan de sauvegarde de l’emploi soit frappé de nullité. Au demeurant, ce formalisme est exploité par certains avocats, très souvent pyromanes, pour faire annuler des plans de sauvegarde de l’emploi. Toutefois, la belle affaire qu’un PSE invalidé : pendant des années et des années, le plan étant en suspens, les salariés ne se projettent pas ailleurs et les indemnités ne sont pas versées !

À cet égard, la situation des salariés de Goodyear, à laquelle Mme Gonthier-Maurin a fait allusion, est une honte collective, qui démontre que le système actuel ne marche pas, certes parce que des patrons ne jouent pas le jeu – en l’occurrence, l’entreprise n’a pas joué le jeu –, mais aussi parce que des avocats, utilisant la crédulité de certains salariés, s’insinuent dans tous les interstices du droit pour soulever l’ensemble des arguties possibles. Résultat, pendant sept ans, un collectif a été empêché de se projeter ailleurs.

Pour ma part, je suis fermement opposé au dispositif actuel, car il n’est pas possible de considérer les reclassements étrangers comme une solution crédible pour tous les salariés. Dans ces conditions, il est absurde de maintenir un formalisme que nombre d’employeurs jugent excessif et qui conduit à des propositions que les salariés reçoivent souvent comme une brimade, voire une humiliation.

L’article 100 prévoit qu’un reclassement international n’aura plus à être systématiquement proposé, mais que, si le salarié demande à être reclassé à l’étranger, le groupe aura l’obligation de lui répondre. Il me semble que ce mécanisme de bon sens est beaucoup plus équilibré et adapté aux réalités que le dispositif actuel : aucun salarié qui n’est pas volontaire n’acceptera d’être reclassé en Pologne ou en Roumanie ; en revanche, si un salarié demande à bénéficier d’un reclassement à l’étranger, le groupe sera tenu de lui répondre. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1314, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous considérons qu’il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 540 rectifié quater, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier, MM. Tourenne, Yung et Leconte, Mmes Conway-Mouret et Lepage et MM. Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

territoire national

insérer les mots :

ou en zone frontalière

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Le présent amendement vise à faciliter le reclassement hors du territoire national des salariés travaillant en zone frontalière, pour lesquels il est plus aisé d’occuper un poste au-delà de la frontière, mais à une distance réduite, que de se rendre à l’autre bout du territoire français. Il s’agit donc d’élargir les possibilités d’offres de reclassement dans un esprit pragmatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale est défavorable à l’amendement n° 1314, puisqu’elle soutient l’article 100 du projet de loi.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 540 rectifié quater. En effet, le dispositif actuel est simple : l’article L. 1233-4 du code du travail instaure une obligation générale de reclassement sur le territoire national et l’article L. 1233-4-1 du même code fixe les règles relatives au reclassement à l’étranger. Il ne nous a pas paru utile de le compliquer en introduisant la notion de zone frontalière, d’autant que l’étendue de celle-ci est difficile à déterminer.

Quand l’article 100 du projet de loi sera entré en vigueur, rien n’empêchera un salarié désireux de bénéficier d’un reclassement dans un pays limitrophe de solliciter des offres en application de l’article L. 1233-4-1 du code du travail, en précisant ses critères et ses attentes. Je vous rappelle en effet que, aux termes de l’article 100, le salarié sera informé qu’il peut demander un reclassement à l’étranger et que son entreprise sera obligée de lui proposer des offres s’il en fait la demande.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1314.

Monsieur Vincent, je comprends votre préoccupation, car les territoires frontaliers sont par excellence des zones où la mobilité internationale a du sens. Simplement, ce type de reclassement est couvert par le dispositif actuel de l’article 100, que l’Assemblée nationale a complété sur l’initiative des députés socialistes, en instaurant l’obligation pour l’employeur de répondre au salarié ayant demandé un reclassement à l’étranger. Puisque tout salarié volontaire, qu’il soit en zone frontalière ou non, aura droit au reclassement international, la précision que vous proposez d’inscrire dans le projet de loi est superflue.

Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 540 rectifié quater.

M. Maurice Vincent. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 540 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1314.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1778, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

dont il bénéficie

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1778 est retiré.

Je mets aux voix l'article 100.

(L'article 100 est adopté.)

Article 100 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 102 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 101

Le II de l’article L. 1233-58 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 1° de l’article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l’administrateur, le liquidateur ou l’employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l’employeur appartient pour l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, l’autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l’emploi après s’être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l’entreprise. » ;

2° Au quatrième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, les deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 s’appliquent. »

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Cet article concerne l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’autorité administrative dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.

Actuellement, l’autorité administrative évalue les moyens mis en œuvre par l’entreprise pour reclasser ses salariés au regard des moyens du groupe auquel elle appartient.

L’article 101 prévoit que les moyens consacrés au reclassement seront désormais évalués au niveau non plus du groupe, mais de la seule entreprise en difficulté. Cette disposition relève d’une profonde méconnaissance des relations au sein des groupes ou d’un profond mépris à l’égard des salariés. En effet, il est évident que les relations entre les maisons mères et leurs filiales permettent aux premières d’organiser la faillite des secondes ou de diminuer les moyens que celles-ci allouent à un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire au reclassement des salariés.

M. le corapporteur fait valoir qu’un groupe n’a pas intérêt, si sa filiale est en redressement ou en liquidation judiciaire, à participer financièrement au plan de sauvegarde de l’emploi, et qu’il n’y est pas légalement obligé. Soit : le groupe n’a effectivement aucun intérêt à « mettre au pot », comme l’on dit, sauf s’il est sous la menace d’un refus d’homologation, mais la commission spéciale propose justement de supprimer cette menace. Quant à prétendre que cette disposition serait favorable aux salariés, monsieur le corapporteur, cela confine au mépris !

Sans doute le salarié se retrouve-t-il, en cas de refus d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, privé de ressources pendant un temps, mais cette situation n’est pas le fait de l’administration ou de la justice ; la responsabilité en incombe à l’entreprise qui a choisi de consacrer au plan de sauvegarde de l’emploi des moyens inférieurs à ses capacités financières.

Surtout, il est important de laisser le choix aux salariés : préfèrent-ils être indemnisés rapidement, mais a minima ou attendre que l’entreprise et son groupe soient mis en face de leurs responsabilités et qu’eux-mêmes obtiennent leur dû ?

En outre, cet article prévoit aussi que l’annulation de la validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour défaut de motivation dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire sera neutralisée. En d’autres termes, les décisions des tribunaux administratifs, derniers remparts contre les plans de sauvegarde de l’emploi abusifs, seront presque sans portée dans ce cas précis.

Quant à l’instauration par l’Assemblée nationale d’une obligation morale pour l’entreprise de rechercher auprès de son groupe des moyens pour financer son plan de sauvegarde de l’emploi, elle a certainement pour objectif de faire passer la pilule ; elle n’a en effet aucune portée, dès lors que le défaut de recherche ne peut pas justifier l’invalidation du plan de sauvegarde de l’emploi.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé l’amendement n° 91 tendant à supprimer l’article 101.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 91 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 174 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et MM. Durain et Cabanel.

L'amendement n° 490 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 91.

Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 174 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 490.

M. Jean Desessard. Je considère que les articles 101 et 102 sont véritablement antisociaux et que cela pose problème.

Aujourd’hui, en cas de plan social accompagnant un redressement ou une liquidation judiciaire, l’entreprise a l’obligation de prendre des mesures suffisantes et proportionnées par rapport aux moyens du groupe auquel elle appartient.

Or l’article 101 prévoit que, par dérogation à cette règle, les mesures prises pourront désormais être appréciées au regard des moyens de la seule entreprise. Il est extrêmement étrange que, si le groupe dont fait partie l’entreprise en difficulté se porte bien, on ne fasse pas jouer la solidarité en son sein, alors que c’est la solidarité nationale qui jouera si des salariés sont licenciés !

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean Desessard. Cela revient à privatiser les bénéfices, mais à nationaliser les difficultés, puisque cette mesure permet au groupe d’organiser le naufrage d’une filiale n’apportant plus satisfaction, afin de s’en défaire à moindres frais. Le principe de solidarité au sein du groupe est important et, par conséquent, nous estimons qu’il doit être conservé afin de protéger les emplois de notre pays.

L’article 102 prévoit que dès lors que l’autorité administrative a édicté une nouvelle décision, l’annulation de la première décision de l’autorité administrative pour le seul motif d'insuffisance de motivation ne donne lieu ni à la réintégration au sein de l’entreprise ni au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur.

Une telle disposition n’existait pas dans la rédaction de l’article 101. Seulement, monsieur le ministre, vous avez déposé un amendement qui tend à rétablir le texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale.

Par conséquent, si un tribunal estime que la mesure n’est pas conforme à la loi, on ne tient pas compte alors de la décision du tribunal, et cela ne donne lieu ni au versement d’une indemnité ni à la réintégration du salarié au sein de l’entreprise. Il s’agit là d’un dispositif que je qualifierai de honteux, puisqu’il revient à ne pas appliquer la décision prise par le tribunal.

En l’état actuel, un tel dispositif n’est pas prévu dans l’article 101, mais uniquement dans l’article 102, même si l’amendement que vous avez déposé tend justement à le rétablir. Cet article, et par là même l’amendement du Gouvernement, est honteux !

Tout d’abord, il est nécessaire de faire appel à la solidarité du groupe. Ensuite, si le tribunal estime que la situation n’est pas correcte au niveau des procédures, la réintégration des salariés et le versement d’indemnités sont nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 101 prévoit une solution, qui nous a semblé pragmatique, puisqu’elle défend les salariés en prévoyant que l’administration contrôle désormais la proportionnalité du PSE uniquement à la lumière des moyens de l’entreprise en redressement et en liquidation, et non plus du groupe.

En effet, le problème tient surtout au fait qu’il n’existe pas d'obligation légale pour un groupe de participer au financement du PSE d'une filiale, alors que la DIRECCTE doit contrôler le PSE à la lumière des moyens dont dispose l’entreprise et le groupe. Le code du commerce et le code du travail ne poursuivent pas la même logique sur ce point.

En outre, l’administration doit agir très rapidement, puisque l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, permet seulement la garantie des salaires pendant au maximum un mois. Par conséquent, obliger l’administration à contrôler le PSE d’une entreprise en faillite à la lumière des moyens du groupe allonge les délais et fragilise les salariés en pure perte, puisque l’administration n’a pas les moyens d’obliger le groupe à financer le PSE d’une filiale.

Nous devons donc trouver une solution à cet effet pervers de la loi, qui n’a été anticipé par personne. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la possibilité d’engager dans les mois à venir une réflexion d’ensemble, qui associerait au moins le ministère du travail, de la justice et de l’économie, afin de responsabiliser les groupes vis-à-vis de leurs filiales lorsqu’elles mettent en place un PSE. Cette réflexion devrait s’inscrire dans le cadre européen et ne pas nuire à l’attractivité de notre territoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais tenter d’expliquer pourquoi nous avons, mon collègue François Rebsamen et moi-même, rédigé l’article 101, et pourquoi un amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale a ensuite été déposé, ce qui me permettra de répondre à M. le sénateur Desessard et de défendre, par là même, l’amendement n° 1803 du Gouvernement.

Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation où un blocage peut se produire entre le code du travail et le code du commerce, avec pour conséquence d’empêcher l’homologation du PSE par l’autorité administrative, au détriment des droits des salariés.

Il s’agit ici non pas de déresponsabiliser les sociétés mères, mais de tirer les conséquences du fait que la notion de groupe existe uniquement dans le code de commerce, et non pas dans le code de travail.

L’homologation des plans sociaux de l’administration a été introduite en vertu du code de travail par le biais de la loi de sécurisation de l’emploi. On a pu alors constater qu’un blocage pouvait se produire. En effet, dès lors que l’homologation se fait en tenant compte des moyens dont dispose l’entreprise, si celle-ci ne dispose pas des moyens suffisants, l’homologation ne peut se faire. Sur ce point, le caractère « mieux-disant » du PSE n’est absolument pas un critère. En effet, quand le plan social n’est pas suffisamment disant, l’homologation n’est pas donnée, qu’il s’agisse ou non d’un groupe ; ce n’est pas un critère.

À l’inverse, comme vous l’avez souligné, et c’est un point important, si le groupe se porte bien, il doit verser sa contribution financière. L’objectif de l’article est donc de sécuriser l’homologation des PSE et d’éviter que celle-ci ne soit pas bloquée par la situation du groupe ou le contexte.

Le code du travail prévoit de rechercher les moyens du groupe au moment de la liquidation et de l’exécution du PSE. Ainsi, le code du travail ajoute l’obligation de solidarité financière pour le groupe.

Le cadre législatif place l’État dans un dilemme. Soit il peut refuser d’homologuer le PSE, au risque de priver les salariés d’une entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire de tout revenu, puisque, au-delà d’un certain délai, les salaires ne sont pas pris en charge par l’AGS et ne peuvent pas non plus être indemnisés par Pôle emploi. Soit il peut accepter d’homologuer le PSE, en sachant que cette disposition sera très probablement annulée par le juge administratif, annulation dont les conséquences sont assumées non pas par la société mère, mais par l’AGS.

Par conséquent, le présent article prévoit que l’appréciation du PSE ne se fasse plus, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, en fonction des moyens du groupe, mais en fonction de ceux de l’entreprise, afin de sécuriser l’homologation et l’indemnisation des salariés.

En revanche, le groupe peut, bien entendu, continuer à venir aider l’entreprise et à améliorer son PSE de manière volontaire. La rédaction de l’article 101 confirme l’obligation pour le représentant de l’entreprise en difficulté, par exemple pour un administrateur ou un mandataire judiciaire qui viendrait dans le cadre de la liquidation s’occuper de l’entreprise, d’aller chercher dans les moyens du groupe.

M. Jean Desessard. Où est-ce écrit ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Dans l’article 101 ! Celui-ci est rédigé comme suit : « Par dérogation au 1 de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63, au regard des moyens dont dispose l'entreprise ».

Nous avons ensuite ajouté un alinéa de façon à préciser la distinction prévue par cet article. Pour être parfaitement transparent, peut-être voulez-vous que je vous lise les articles qui s’appliquent en cascade ?

M. Jean Desessard. Vous jouez les cascadeurs, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non ! Tout cela est le fruit d’un travail, et je vous explique pas à pas les éléments qui en sont à l’origine.

M. Jean Desessard. Je vous en remercie !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le début de l’alinéa 3 de l’article 101, tel qu’il est rédigé, correspond exactement à ce que je vous explique.

En effet, il s’agit d’aller chercher les moyens du groupe en cas de redressement ou de liquidation judiciaire et au moment de l’exécution du PSE, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur.

L’examen des moyens du groupe n’est donc pas un élément qui pourrait entraver l’homologation du PSE, compte tenu même des instabilités juridiques constatées, que j’ai rappelées tout à l'heure entre le code du travail et le code du commerce. Cette instabilité juridique a d’ailleurs donné lieu à des jurisprudences contradictoires depuis la loi de sécurisation de l’emploi, et c’est précisément face à cette situation que mon collègue François Rebsamen à proposer ce changement.

Nous avons donc voulu clarifier les règles de l’homologation du PSE, afin d’éviter de nous retrouver en situation de blocage ou d’impossible homologation, ce qui conduirait par là même à une absence d’indemnisation, comme cela a pu se produire.

En revanche, il est précisé que les moyens du groupe sont recherchés au moment de la liquidation et de l’exécution du PSE. Il n’est donc plus question de protéger la société mère, même s’il ne s’agit pas pour autant de prendre en compte uniquement l’entreprise. Cet élément de sécurisation juridique de l’homologation a été ajouté au moment de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, par l’un des rapporteurs, Denis Robillard, afin de lever toute ambiguïté.

La rédaction retenue par la commission en référence à l’article L. 1235-16 du code de travail est équivalente à celle de l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 1803 vise justement à rétablir la rédaction du texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale. Au lieu de renvoyer simplement à L. 1235-16 du code de travail, et pour éviter tout malentendu, cet amendement du Gouvernement tend à rétablir les deux alinéas de la procédure d’information des salariés et à décrire le régime applicable à la motivation, ce qui est similaire à la modification apportée par la commission.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L’amendement n° 91 du groupe CRC me semble important. Il est l’illustration d’une question qui est au départ uniquement technique et juridique qui se transforme, y compris à l’extérieur de nos hémicycles, en problème politique.

Nous avons tous lu ou entendu que les dispositions prévues par cet article constituaient une régression sociale. Mon collègue Desessard s’est, à l’instant, exprimé en ce sens, même s’il n’a pas utilisé tout à fait les mêmes termes. Il s’agit donc de savoir quels sont les moyens dont dispose le législateur face à cette situation juridique compliquée.

La Cour de cassation rappelle que tout PSE doit être établi en fonction des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise, et elle précise aussi que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur ne concerne pas le groupe. En revanche, ce dernier n’est pas tenu d’abonder le plan, sinon l’employeur ne peut pas se conformer à son obligation de reclassement.

Le problème se pose pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation, puisqu’elles ne disposent pas des moyens financiers pour répondre aux obligations d’un PSE, notamment en matière de reclassement. En résumé, l’administrateur judiciaire est légalement tenu de construire un PSE qui prend en compte les moyens du groupe, mais il ne peut obliger le groupe à abonder le PSE. Par conséquent, l’obligation légale est difficilement applicable, voire impossible à appliquer.

Cette situation a des conséquences très graves pour les salariés. En effet, l’AGS doit prendre en charge les rémunérations, à condition d’avoir été saisie dans un délai d’un mois. Or, comme l’a souligné notre corapporteur, ce n’est jamais le cas et les salariés se retrouvent ainsi dans une situation difficile.

Au sein de cette question technique, un autre débat s’insère, qui est non moins négligeable. Pour être tout à fait honnête intellectuellement, je dois dire d'ailleurs que nous l’avons eu au sein du groupe socialiste.

La mise délibérée en liquidation d’entreprises qui ont été rachetées, notamment dans le cadre d’un leverage buy-out, ou LBO, à seule fin de les vider de leur substance, est une opération purement financière que nous condamnons. Certes, ces cas sont marginaux, mais ils ont un retentissement considérable, et c’est légitime.

La recherche de responsabilités devant les tribunaux est une procédure longue et coûteuse ; examiner les flux financiers, rechercher les actes anormaux de gestion dans d’autres pays prend des mois, voire des années.

La question technique principale – le ministre s’en est expliqué à l’instant – est celle des liens entre le groupe et l’entreprise, entre la mère et la fille. Évidemment, le juge appréciera la véritable intégration ; le cas échéant, les moyens du groupe peuvent être recherchés.

L’exemple qui me vient à l’esprit, que j’ai cité lors de la réunion de la commission spéciale, c’est l’exemple allemand. À la suite du crash de l’avion de Germanwings, la compagnie low cost de la Lufthansa, la direction de cette dernière a immédiatement assumé la responsabilité de ce drame. C’est là l’exemple parfait d’une intégration totale, ce que la théorie juridique – d’application restreinte en pratique – appelle le coemploi des salariés.

Il nous revient à nous, législateur, de préserver les droits des salariés et de sortir par le haut de cette situation. À cette fin, le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements sur cet article.

Finalement, nous voulons parvenir à ce que l’administration n’homologue un PSE qu’après s’être assurée de la recherche des moyens du groupe pour financer les actions d’accompagnement, de reclassement et de formation auxquelles les salariés ont droit dans le cadre d’un plan de redressement.

C’est pour cette raison que nous ne voulons pas que soit supprimé l’article 101 ; nous souhaitons au contraire qu’une solution soit trouvée, afin que les salariés ne soient pas privés de leur droit et qu’il ne soit pas fait appel indûment aux finances de l’État pour régler les salaires en lieu et place de l’entreprise ou de l’AGS.

Je le répète, nous voulons vraiment pouvoir défendre les amendements que nous avons déposés sur cet important article.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. De quoi parle-t-on ? Il est question d’engager un plan social en fonction non pas de la situation financière de l’entreprise – celle-ci, à un moment donné, peut connaître des difficultés –, mais des moyens du groupe. C’est bien le moins !

J’apprécie – et même je m’en réjouis – que le groupe socialiste, comme nous l’a expliqué Mme Bricq, ait déposé des amendements en ce sens ; toutefois, je pense qu’on aurait pu se dispenser de cet article, et c’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement de suppression.

Monsieur le ministre, quand vous dites que la notion de groupe n’existe pas en droit, je vous pose la question : qui fait le droit, sinon le législateur ? Pourquoi ne définirions-nous pas la notion de groupe ? C’est trop difficile ? On a trouvé plus facile de ne pas tenir compte de la bonne santé du groupe auquel appartient une entreprise qui a engagé un plan social ? Je rappelle que c’est le plan social qui procède aux reclassements des salariés, fixe le montant de leurs indemnités ; c’est pourquoi il est quand même normal de tenir compte des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise qui engage un tel plan.

Monsieur le ministre, vous le savez, j’ai plaisir à débattre avec vous, mais je considère que l’on aurait pu disjoindre cette partie-là de votre projet de loi et que votre collègue François Rebsamen aurait pu approfondir la question, afin de définir la notion de groupe, dont vous dites qu’elle n’existe pas aujourd’hui dans le code du travail.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 490.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je demande que l’amendement n° 1803 du Gouvernement, que j’ai déjà défendu, soit examiné en priorité, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1803 faisant l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 1317, cette demande de priorité porte de facto également sur celui-ci.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, l’adoption, le cas échéant, de l’amendement n° 1803 ne rendrait pas sans objet les amendements déposés sur cet article, à l’exception bien sûr de l’amendement n° 1317.

La commission spéciale émet un avis favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

J’appelle donc par priorité les amendements nos 1317 et 1803, qui font l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1317, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 101, qui renvoient à l’article L. 1235-6 du code du travail, modifié par l’article 102 du présent projet de loi, ainsi qu’y a fait référence à l’instant Jean Desessard.

Dans l’état actuel du droit, l’article L. 1235-16 prévoit une réintégration des salariés licenciés en cas d’annulation du PSE. À défaut, ils ont droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui s’ajoute à l’indemnité de licenciement.

L’article 102 du présent projet de loi prévoit néanmoins de modifier cet article. Ainsi, en cas d’annulation d’une validation ou d’une homologation d’un PSE pour insuffisance de motivation, il est proposé que l’autorité administrative puisse prendre une nouvelle décision dans les quinze jours à compter de la notification du jugement à l’administration.

Dès lors que l’autorité a pris une nouvelle décision, l’annulation pour insuffisance de motivation n’a plus d’incidence sur la validité du licenciement. Ainsi, elle ne donne plus lieu à réintégration des salariés, ni même à indemnisation.

Les organisations syndicales, qui ont l’habitude de défendre les salariés licenciés, sont très inquiètes et nous ont donc alertés.

Les recours sur la validation ou l’homologation d’un PSE permettaient d’obtenir justice dans de nombreux cas. Or leur portée est de fait limitée dorénavant : une décision prise rapidement par l’autorité administrative supprimera toute possibilité d’annulation de l’homologation ou de la validation du PSE. Dès lors, les salariés ne pourront plus être réintégrés ni indemnisés.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ces deux alinéas.

M. le président. L'amendement n° 1803, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l’administration. Cette décision est portée par l’employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d’homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information.

« Dès lors que l’autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l’annulation pour le seul motif d’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a adopté un amendement de coordination sur cet article, qui lui a semblé bienvenu et dont j’ai souligné tout à l’heure l’intérêt. Le Gouvernement, au travers de son amendement n° 1803, vise le même objectif que la commission spéciale ; celle-ci s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Par ailleurs, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1317.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1317 ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Mon avis est évidemment défavorable. Je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir se rallier à l'amendement n° 1803 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Chère Annie David, je ne fais pas la même lecture que vous de l’alinéa 6 de l’article 101, que je trouve plutôt intéressant. J’en rappelle les termes : « En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, les deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 s’appliquent. »

L’article 1235-16 dispose : « L’annulation de la décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. À défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Par conséquent, tel qu’il est rédigé, l’article 101 ne fait pas échec à l’application des deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 du code du travail, ce qui est une bonne chose. En revanche, ce qui ne l’est pas du tout, c’est l’amendement du Gouvernement, qui vise lui à supprimer ces dispositions.

Dans l’état actuel du droit, le tribunal peut, au motif que les procédures n’ont pas été respectées, annuler la décision de validation du plan de sauvegarde par l’autorité administrative, donc donner droit aux salariés soit à être réintégrés dans l’entreprise soit à une indemnité. Le raisonnement du ministre est le suivant : « Vous vous rendez compte, on allait donner de l’argent aux salariés ; ils n’auront plus droit à rien ! »

C’est quand même formidable : un ministre de la République veut qu’il soit possible de faire échec à un jugement rendu par un tribunal administratif annulant un PSE, privant ainsi les salariés de tout droit à réintégration ou à indemnisation !

Cette disposition est tout de même extraordinaire ! Elle signifie tout simplement qu’on peut porter une affaire devant un tribunal pour rien.

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 6 de l’article 101, sur lequel la commission spéciale n’est pas revenue, est plutôt bénéfique, à mon avis, pour les salariés. En revanche, l’amendement du Gouvernement est incompréhensible : comment peut-on prévoir de ne pas appliquer un jugement rendu par un tribunal administratif ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1803.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1317 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 541 rectifié quater, présenté par MM. Vincent, Vaugrenard, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier, MM. Tourenne et Yung, Mme Bataille et MM. Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi par l’administration tient compte des ressources du groupe auquel l’entreprise appartient. » ;

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. La présentation de cet amendement m’amène, à la suite de M. le ministre, à revenir sur les conséquences de l’article 101.

Cet article est important, puisqu’il porte sur les PSE dans un cadre bien précis, celui d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires ; on en compte tout de même 350 par an.

Dans sa rédaction issue des travaux de la commission spéciale, cet article laisse subsister, selon nous, une ambiguïté. Certes, l’administrateur judiciaire sera bien obligé de rechercher les moyens du groupe, mais, par la suite, l’homologation se fera uniquement sur la base des moyens dont dispose l’entreprise, qui sera au mieux en difficulté, au pire en liquidation.

On voit bien le risque induit par cette dualité. Celle-ci soulève d’abord un problème d’interprétation : même si le groupe auquel appartient l’entreprise dispose de moyens importants, le plan de sauvegarde est homologué au regard de ses moyens à elle, qui sont faibles. Il y a là une forme de contradiction.

Un autre problème, plus fondamental, se pose : la perspective d’un appauvrissement des salariés.

Néanmoins, je ne fais pas de procès d’intention au Gouvernement sur ce dossier, car j’ai bien compris que cette question résulte d’une difficulté technique d’application d’une des dispositions de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, dans le cas précis d’une liquidation ou d’un redressement judiciaires.

Il me semble tout de même important de préciser que, jusqu’au bout, l’administration veillera non seulement à la mobilisation, mais aussi à l’existence des moyens du groupe pour valider le plan social. Tel est le sens de cet amendement.

Je ne prétends pas mettre ainsi fin à toutes les difficultés, et j’ai bien conscience qu’il s’agirait en fait d’un retour à la loi précédente, dont l’application n’est pas toujours simple et peut d’ailleurs poser des problèmes, y compris parfois aux salariés. Toutefois, ne pas y revenir aboutirait en fait à instaurer un double processus de PSE : un PSE pour les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, pour l’homologation duquel on ne peut s’appuyer que sur les moyens de l’entreprise ; un PSE normal pour les entreprises continuant de fonctionner, les moyens du groupe étant entièrement mobilisables.

On peut donc craindre l’instauration d’une forme de dualité qui permettrait le développement de stratégies de filialisation de la part des groupes, évidemment dans le but de dépenser moins au cas où ses filiales se trouveraient en difficulté ou en redressement judiciaire.

C’est la raison pour laquelle cet amendement, même s’il en revient à une situation qui n’est pas idéale, présente pour moi l’avantage de replacer le débat au fond, avant le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 1456 rectifié n’est pas soutenu.

L'amendement n° 924 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Tandonnet et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi,

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement tend à supprimer une partie de l’alinéa 3 de l’article 101 et à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, afin d’éviter que l’appréciation de la proportionnalité d’un plan de sauvegarde de l’entreprise ne se fasse au niveau du groupe et non de l’entreprise. En effet, à ce jour, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur établissant un plan de sauvegarde de l’emploi est dans l’obligation de solliciter le groupe.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 925 rectifié bis, qui vise quant à lui à insérer un alinéa dont la teneur serait en substance la suivante : « Si l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur sollicitent les autres entreprises du groupe auquel elle appartient afin d’établir une liste d’emplois qui y sont disponibles et de la mettre à disposition des salariés susceptibles d’être licenciés. » Notre volonté est bien d’utiliser les moyens et les possibilités du groupe, notamment les possibilités d’emploi au sein de celui-ci, dans le cadre d’un plan de sauvegarde pour l’emploi.

M. le président. L'amendement n° 1488 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la première occurrence des mots :

des moyens

insérer les mots :

pour les mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’un amendement de précision qui prévoit de mesurer les capacités réelles du groupe et d’appeler ce dernier à assumer pleinement ses responsabilités en matière d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

Comme je l’ai dit tout à l’heure à propos des amendements de suppression du groupe CRC et du groupe écologiste, il faut tout faire pour que les salariés soient défendus dans leurs droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 541 rectifié quater vise à obliger la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, à tenir compte des ressources du groupe lorsqu’elle homologue un PSE.

Ces mesures sont plus directives et volontaristes que l’alinéa 3 de l’article 101, mais l’expression « tenir compte » manque de précision juridique. Si un groupe n’abonde pas financièrement le PSE de l’une de ses filiales en redressement ou en liquidation judiciaire, la DIRECCTE pourra-t-elle refuser l’homologation pour ce seul motif ? A priori non.

En outre, cet amendement écrase les dispositions de l’alinéa 3, ce qui impliquerait que la DIRRECTE devrait continuer de contrôler le PSE de l’entreprise en difficulté à la lumière des moyens du groupe, ce que nous ne souhaitons pas à ce stade.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 924 rectifié bis tend à supprimer l’obligation, pour l’employeur, l’administration ou le liquidateur, de rechercher les moyens du groupe. Certes, les dispositions en cause peuvent paraître d’un effet limité, mais cette recherche des moyens du groupe n’entrera pas dans la ligne d’analyse de la DIRECCTE – nous l’avons déjà dit – lorsqu’elle doit homologuer un PSE d’une entreprise en difficulté. Cela dit, cette obligation morale constitue une étape provisoire en attendant que le Gouvernement propose une réforme plus globale sur les droits et les obligations des groupes, notamment en matière sociale.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 1488 rectifié tend à apporter une précision selon laquelle l’employeur qui met en œuvre un PSE dans une entreprise doit rechercher les moyens dont dispose le groupe en matière d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

Cet amendement ne remet pas en cause la logique même de l’article 101. Néanmoins, cette précision n’a pas semblé nécessaire à la commission. C’est pourquoi cette dernière s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 541 rectifié quater tend à rétablir l’obligation de tenir compte des moyens du groupe auquel l’entreprise appartient pour homologuer le PSE en cas de redressement ou liquidation judiciaire. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, il fait écho à l’amendement n° 542 rectifié ter, qui vise à instaurer un contrôle approfondi de l’administration en cas de lien étroit entre l’entreprise et le groupe.

La rédaction actuelle du 1° de l’article L. 1233-57-3 place aujourd’hui l’administrateur ou le liquidateur judiciaire devant une exigence impossible, puisque la maison mère n’a pas d’obligation légale de participer au financement du PSE de sa filiale. De plus, le refus d’homologation peut conduire les salariés à n’être ni payés ni licenciés compte tenu des délais de prise en charge de l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés, l’AGS. Si l’administration, consciente de cette fragilité, homologue tout de même le PSE pour protéger les droits des salariés, elle encourt une annulation devant le juge administratif.

Telle est la situation un peu baroque dans laquelle nous nous sommes placés.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour autant, nous avons maintenu l’obligation du groupe de financer le PSE, et c’est bien confirmé à l’article 101. L’administration sera particulièrement vigilante concernant l’application de cette disposition, dans le cadre de ce contrôle, mais on ne peut pas rétablir la prise en compte des moyens du groupe pour l’homologation du PSE en cas de redressement ou liquidation judiciaire. Sinon, on se retrouverait dans le cas que j’évoquais voilà un instant, à savoir soit bloquer ladite homologation, soit fragiliser l’homologation qui est décidée par l’administration devant le juge administratif, ce qui s’est déjà produit.

Je voudrais clarifier la situation à l’intention de M. Desessard.

Monsieur le sénateur, votre lecture de la modification gouvernementale de l’article 101 n’est pas juste. Nous réitérons les alinéas 4 et 5 qui sont ensuite précisés à l’article 102 que la commission spéciale avait maintenu.

Notre rédaction est plus lourde, je le reconnais,…

M. Jean Desessard. Elle est redondante !

M. Emmanuel Macron, ministre. … tout en étant plus explicite. Toutefois, elle n’est pas aussi grave que vous l’indiquez.

M. Jean Desessard. On verra cela tout à l’heure !

M. Emmanuel Macron, ministre. Elle ne l’est en aucun cas, monsieur le sénateur. Sinon, vous ne l’auriez pas laissée à l’article 102.

M. Jean Desessard. J’en ai demandé la suppression !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous y reviendrons.

Par conséquent, nous maintenons bien, en cas d’annulation de l’homologation d’un PSE, la réintégration du salarié telle qu’elle est prévue en vertu des deux paragraphes de l’article L. 1235-16 du code du travail. Nous disons juste qu’une telle annulation n’est plus possible au regard d’une erreur commise par l’administration. C’est cela que le Gouvernement veut corriger avec les deux paragraphes qu’il souhaite ajouter.

Aujourd’hui, l’administration elle-même, qui est chargée d’homologuer un plan de sauvegarde de l’entreprise, peut être conduite à commettre des erreurs formelles qui entraîneront ensuite l’annulation du PSE, dont la victime sera l’entreprise ou l’employeur et qui obligera à la réintégration du salarié. Pardonnez-moi, mais tout cela n’est pas cohérent !

Nous avons donc prévu que l’article L. 1235-16 du code du travail continue à s’appliquer : nous le réitérons à chaque endroit. En revanche, une erreur formelle commise par l’administration dans le cadre de l’homologation ne sera pas opposable à l’entreprise. Je tenais à clarifier ce point, eu égard aux attaques que vous avez lancées tout à l’heure.

En conclusion, nous ne changeons rien, en substance, à la rédaction de la commission spéciale. Nous n’apportons pas la moindre modification de fond sur ce sujet. Néanmoins, vous reconnaîtrez avec moi que, quand l’administration commet une erreur formelle sur un PSE ayant fait l’objet d’un accord syndical, et que cela aboutit à l’annulation de ce plan par le juge administratif, on ne défend l’intérêt de personne !

M. Jean Desessard. Nous n’avons pas la même lecture du texte que vous, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis prêt à passer avec vous le temps qu’il faudra pendant la suspension de séance pour bien vous montrer l’articulation des textes visés.

Sur l’amendement n° 541 rectifié quater, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons que je viens d’évoquer.

S’agissant des amendements nos 924 rectifié bis et 925 rectifié bis, je ne reviendrai pas sur les propos de Mme la corapporteur, car je partage en tout point son avis. L’adoption de ces dispositions risquerait de déséquilibrer le système, car les moyens du groupe ne seraient plus sollicités alors qu’il faut pouvoir continuer, y compris en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, à y faire appel, notamment pour financer le PSE. Je sollicite donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 1488 rectifié a pour objet de préciser que les moyens du groupe auquel appartient l’entreprise en redressement ou liquidation judiciaire doivent permettre de financer les mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés.

C’est en fait la possibilité actuelle. J’ajoute que c’est une obligation pour l’administrateur, le liquidateur ou toute personne en charge d’un intérêt social que d’aller requérir les moyens du groupe.

Cet amendement me semble satisfait par les ajouts issus des travaux de l’Assemblée nationale. J’en sollicite donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je formulerai juste une précision à l’intention de M. Desessard.

Je crois avoir compris l’origine de votre différence de lecture, monsieur le sénateur. Vous partez, me semble-t-il, de la rédaction actuelle de l’article 101 dans le code du travail,…

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … tandis que nous partons, le Gouvernement et la commission spéciale, de la version telle qu’elle nous vient de l’Assemblée nationale. Vous n’avez pas retenu le même texte de référence.

En conséquence, vous accordez à la proposition du Gouvernement une portée qu’elle aurait eue si elle s’appliquait au code du travail actuel. Or elle porte logiquement sur le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le président de la commission spéciale a parfaitement raison !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les articles 101 et 102 du présent texte constituent le cœur du texte.

Monsieur le ministre, vous auriez très bien pu conserver la rédaction de la commission spéciale, puisque le dispositif retenu est identique à ce qui existe déjà. Cela revient à écrire la même chose deux fois : les dispositions figurant à l’article 101 se retrouvent plus loin,…

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans l’article 102 !

M. Jean Desessard. C’est quelque peu incompréhensible ! Vous m’objecterez que, dans la mesure où il s’agit d’un article antisocial, vous n’avez pas l’habitude de rédiger de telles mesures… (Sourires.) En fait, vous insérez cet article à deux endroits pour ménager vos rapports avec les entreprises. Quoi qu’il en soit, vous avez été redondant sur cette affaire, comme vient de l’expliquer M. le président de la commission spéciale.

Au moins l’amendement n° 541 rectifié quater tient-il compte des ressources du groupe auquel appartient l’entreprise, même si ce n’est pas exactement ce que nous souhaiterions. C’est pourquoi les membres du groupe écologiste voteront cet amendement, même si ce n’est presque rien ! (Mme Catherine Deroche, corapporteur, rit.) C’est d’ailleurs ce que tend à supprimer l’amendement n° 924 rectifié bis : « sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l’administrateur, le liquidateur ou l’employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l’employeur appartient pour l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, »

Le Gouvernement dit que l’on ne tient plus compte des moyens du groupe, mais que l’on n’en profite pas pour indiquer dans la rédaction que l’on n’en tient pas compte du tout. (Nouveaux sourires.) C’est mieux que rien, mais, je le redis, c’est presque rien.

Quant à votre amendement n° 1488 rectifié, madame Bricq, je suis désolé de vous le dire, mais ces « mesures d’accompagnement, de formation et de reclassement des salariés » ne sont que des mots ! Qui n’a pas entendu cela quelque part ? (Mme Nicole Bricq rit.) Ces termes n’apportent pas grand-chose. Soit on tient compte des moyens du groupe et l’on met en place une vraie politique, soit on s’en tient aux mots, ce qui ne permettra pas aux salariés d’être intégrés ou indemnisés !

Monsieur le ministre, je reviendrai sur le rôle du tribunal lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé sur l’article 102. Pour l’heure, les membres du groupe écologiste soutiendront l’amendement n° 541 rectifié quater, s’opposeront à l’amendement n° 924 rectifié bis et s’abstiendront sur l’amendement n° 1488 rectifié, qui contient plus de mots qu’une réelle proposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 541 rectifié quater.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 924 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 924 rectifié bis est retiré.

Madame Bricq, l’amendement n° 1488 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Je tiens à remercier Mme la corapporteur de s’en être remis à la sagesse du Sénat, même si, à son sens, les dispositions en question n’apportent rien de substantiel…

Cet amendement est présenté au nom du groupe auquel j’appartiens, et je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1488 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 542 rectifié ter, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier et MM. Tourenne, Yung, Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les moyens du groupe devront plus particulièrement être recherchés par l’administration en cas de coordination des activités économiques et d’importants flux financiers et matériels entre l’entreprise et le groupe, ainsi que dans le cas d’une domination du groupe sur l’entreprise. »,

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Avec cet amendement de précision, la logique suivie est la même que précédemment. Aussi, je serai bref.

Je tiens simplement à rappeler un constat. À l’heure actuelle, lorsqu’un PSE est élaboré, deux cas de figure se présentent.

Ou bien l’entreprise concernée n’est ni en redressement ni en liquidation : dès lors, l’administration homologue le PSE en tenant compte des moyens du groupe ; ou bien elle est en redressement ou en liquidation : dès lors, l’administration homologue le PSE en tenant compte des seuls moyens de l’entreprise. Cette distinction s’explique par des raisons juridiques, j’en suis conscient. Au demeurant, ces motifs ont été abondamment détaillés.

Cette situation n’en pose pas moins un problème de fond. En effet, ces deux cas de figure sont très différents. Or, lorsque des salariés sont victimes de la fermeture de leur entreprise ou de la mise en œuvre d’un plan de redressement, les pouvoirs publics doivent veiller le plus attentivement possible à leur protection. À cet égard, ils doivent faire en sorte que les moyens du groupe soient effectivement mobilisés.

J’ai bien compris que nous nous heurtions, en la matière, à une impossibilité juridique, et que, de ce fait, l’adoption de mes amendements semblait délicate… Je mesure cette difficulté.

Cependant, je note qu’un certain nombre de spécialistes du droit se sont penchés sur ce problème, au rang desquels le doyen honoraire de la chambre sociale de la Cour de cassation. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

La question qui mérite d’être posée est simple : ne faut-il pas rendre obligatoire le soutien des groupes à leurs filiales qui, du fait des difficultés auxquelles elles se heurtent, risquent la liquidation ou le redressement judiciaire ?

À mon sens, mieux vaut résoudre le problème par le haut, dans le sens de l’intérêt des salariés, plutôt que de s’en tenir à un constat d’impossibilité. On ne peut se contenter d’homologuer le PSE sur la base des moyens de la seule entreprise, lesquels, dans les cas que nous avons évoqués, sont très faibles.

Il s’agit là d’une question de fond, à laquelle, je l’espère, l’Assemblée nationale pourra apporter une réponse positive dans la suite de ce débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à renforcer le devoir de vigilance de la DIRECCTE, lorsqu’elle examine le PSE d’une filiale. Il s’agit d’invoquer d’éventuels constats formulés par l’administration pour prouver l’existence d’un coemploi entre un groupe et sa filiale ou une faillite frauduleuse.

La commission est défavorable à cet amendement. En effet, elle n’est absolument pas sûre que l’administration ait la légitimité et, surtout, les moyens techniques et humains pour assumer une telle mission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Vincent, je ne reviendrai pas sur la démonstration qui a été opposée à votre précédent amendement. Toutefois, je tiens à répondre, sur le fond, à la question que vous soulevez : celle du coemploi.

La proximité entre un groupe et ses filiales est très encadrée par la jurisprudence. Cette dernière peut qualifier les cas d’ingérence avérée du groupe dans la gestion de sa filiale de « situation de coemploi ». Elle pointe, sur cette base, une solidarité de fait.

Hormis ces cas de coemploi, qui, je le répète, doivent être prouvés, dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, l’administrateur judiciaire ou le mandataire ne peut pas faire appel aux moyens du groupe pour financer le PSE. En effet, il ne dispose pas des leviers nécessaires pour l’y contraindre. On retombe, ainsi, dans la logique que j’ai précédemment développée et qui m’a conduit à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 541 rectifié quater.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces enjeux expliquent, au premier chef, l’inconfort que cette notion inspire à plusieurs d’entre vous. Je comprends et je respecte cette position.

La question fondamentale est la suivante : à quelles conditions peut-on faire appel aux moyens du groupe ?

Le droit social ne reconnaît pas la notion de groupe en tant que telle.

M. François Pillet, corapporteur. Eh oui !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il n’y fait référence que pour des questions particulières : au titre de l’obligation de reclassement, on mentionne, par exemple, le comité de groupe.

Les diverses sociétés réunies au sein d’un groupe disposent toutes d’une personnalité morale, assortie de droits et d’obligations qui lui sont propres. A contrario, un groupe n’a pas de personnalité morale. Voilà la véritable différence !

Certes, nous sommes en train de forger de nouvelles dispositions législatives. Mais, en faisant du groupe une entité disposant d’une personnalité morale à la place de ses sociétés, l’on créerait un monstre, sauf à accepter de généraliser le coemploi.

Le groupe n’existe pas juridiquement et n’est pas considéré comme responsable de ses filiales. Voilà pourquoi, en l’absence d’une faute reconnue, la Cour de cassation estime que la responsabilité de la maison mère ne peut être recherchée en droit social.

L’équipementier électronique Molex était considéré comme n’étant pas en situation de coemploi à l’égard de son groupe. On ne lui a donc pas demandé de coopérer au PSE. En revanche, dans le cas de la société Sofarec, le groupe aurait aggravé la situation financière, déjà difficile, de sa filiale française, par des décisions qui n’étaient profitables qu’à son actionnaire unique.

On le constate bien : il faut absolument qu’une ingérence du groupe soit prouvée pour que cette procédure juridique soit mise en œuvre. Mais on ne peut agir par la loi. Il faut passer par la notion de coemploi.

Je le rappelle, le coemploi repose sur le critère économique jurisprudentiel de la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction, détaché de tout lien individuel de subordination avec la société coemployeur. Ce sujet a suscité un contentieux massif.

Depuis de récents arrêts, la Cour de cassation s’attache à cerner le problème par la notion de responsabilité délictuelle. Les trois arrêts importants rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation les 2 et 8 juillet 2014 ont précisément permis d’aller dans ce sens.

Le dernier de ces arrêts, en date du 8 juillet, précise en toute logique que les salariés ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique peuvent valablement exercer une action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de la maison mère de la société qui les employait, et à laquelle des fautes ayant concouru à la « déconfiture » – je cite l’arrêt en question – de la société et aux licenciements économiques sont reprochées, dès lors que ces fautes supposées ne concernent pas le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ou de l’obligation de reclassement.

Monsieur Vincent, vous le voyez bien : à travers cette jurisprudence, c’est-à-dire par le droit positif, ce qui est recherché, c’est la responsabilité du groupe lorsqu’il a lui-même organisé la « déconfiture » d’une de ses sociétés.

La définition du coemploi a déjà été précisée, en juillet 2014, par les arrêts Molex et Sofarec. Elle me semble désormais satisfaisante. Elle permet d’imposer la mobilisation des moyens du groupe, en cas de coordination des activités économiques ou des flux financiers entre une entreprise et le groupe auquel elle appartient. À mon sens, l’on couvre réellement le risque que vous évoquez, à travers cette jurisprudence récente comme à travers cet article 101. En effet, ce dernier le précise : indépendamment de tout coemploi, c’est-à-dire de cette responsabilité qui peut être exigée du groupe, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, lorsqu’un PSE est déclenché, l’administrateur liquidateur va requérir les moyens du groupe pour faire face aux obligations financières.

À la lumière de ces éléments, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Le sujet qui vous préoccupe est déjà traité.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, au cas où je n’aurais pas le temps de vous le dire demain lors des explications de vote sur l’ensemble, je tiens à vous l’assurer dès aujourd’hui : j’apprécie que vous preniez le temps de nous exposer les enjeux de chaque question. Cela ne signifie pas que je me réjouis toujours de voir nos débats se prolonger au-delà d’une certaine heure. Comme nous tous, j’ai des obligations à respecter… Mais, à mon sens, la méthode que vous suivez mérite d’être saluée.

En l’occurrence, votre argument est le suivant : définir les groupes dans la législation et détailler la manière dont ils sont rattachés à leurs filiales reviendraient à créer un « monstre ». Je note d’emblée que cela reste à voir : il me semble plus juste d’affirmer que cette question reste à travailler.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. D’ailleurs, en cas d’optimisation, le « monstre » existe déjà !

M. Jean Desessard. Vous nous rappelez une jurisprudence que vous semblez approuver : si un groupe a fait subir des ingérences manifestes à l’une de ses filiales, en lui imposant des surfacturations, en l’obligeant à opter pour tel fournisseur ou, plus généralement, à faire des choix non rentables pour elle, il est normal qu’une solidarité s’impose. Ce principe est fixé par la jurisprudence. Mais, dès lors, pourquoi ne pas le transposer dans un article de loi ?

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas si simple !

M. Jean Desessard. Puisqu’une jurisprudence existe, il serait tout de même intéressant que les relations entre un groupe et ses filiales soient retranscrites, avec les responsabilités qui en découlent, dans le code du travail.

Je comprends bien les difficultés qui se font jour : il ne faut pas, en proposant une définition de la notion de groupe, créer un « monstre ». Je le répète, ce terme me laisse un peu perplexe… Pourquoi ne pas définir plus précisément la responsabilité d’un groupe par rapport à ses filiales, et ses obligations en cas de plan social ? La question reste posée.

S’il est maintenu, je voterai donc le présent amendement.

M. le président. Monsieur Vincent, l’amendement n° 542 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Maurice Vincent. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 542 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 925 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Tandonnet et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’article L. 1233-4, l’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement est mise en œuvre dans l’entreprise. Si l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur sollicitent les autres entreprises du groupe auquel elle appartient afin d’établir une liste d’emplois qui y sont disponibles et de la mettre à disposition des salariés susceptibles d’être licenciés. » ;

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à rétablir la possibilité de limiter les obligations de reclassement au seul niveau de l’entreprise en difficulté.

Cette disposition figurait effectivement dans le projet de loi initial, mais l’Assemblée nationale l’a supprimée.

La commission considère cette suppression comme justifiée : il ne faut pas multiplier les règles spécifiques aux entreprises en difficulté. De plus, nous venons de l’observer, l’article 100 simplifie déjà les règles de reclassement.

Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

M. le président. Monsieur Delahaye, l’amendement n° 925 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 925 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1315, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Après l’article L. 1233-63 du code du travail, il est inséré un article L. 1233-63-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-63-1. – Lorsque le plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, et que l’entreprise concernée appartient à un groupe, l’entreprise mère, au sens des articles L. 511-20 du code monétaire et financier et L. 233-16 du code de commerce, est solidairement responsable avec sa filiale du financement du plan de sauvegarde de l’emploi. Dans ce cas, l’institution de garantie mentionnée à l’article L. 3253-14 du présent code reste tenue de garantir les créances résultant de la rupture des contrats de travail mentionnées à l’article L. 3253-8 du même code, pour l’ensemble de la somme dont la filiale est solidairement redevable. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, cet amendement tend à responsabiliser les entreprises en instaurant une obligation d’abondement des plans de sauvegarde de l’emploi, les PSE, par les groupes et non par les seules filiales concernées. Vous le constatez, nous prolongeons ainsi le débat qui vient d’avoir lieu !

Dans sa rédaction actuelle, l’article 101 conduit à demander à des entreprises en difficulté financière de financer des PSE.

En outre, il nous expose à un autre écueil, à savoir un risque accru de fraude et une incitation à la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de la part des groupes. Pourquoi ces derniers se priveraient-ils de mettre en difficulté l’une de leurs filiales ? Ils pourraient ainsi réduire leurs coûts en délocalisant, et sans payer un sou au titre du PSE ! Les exemples existent déjà, et l’on pourrait détailler nombre d’entre eux.

Voilà pourquoi cet amendement vise à compléter le présent article, en y ajoutant un paragraphe rendant obligatoire la solidarité du groupe à l’égard de ses entreprises. Cela étant, j’ai bien compris qu’une telle mesure posait des difficultés.

M. le président. L'amendement n° 1316, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article L. 3253-8 du même code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3253-8. – L’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 couvre :

« 1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

« 2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

« a) Pendant la période d’observation ;

« b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

« c) Dans les quinze jours, ou dans les trente jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

« d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou dans les trente jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;

« 3° Les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l’une des périodes indiquées au 2° , y compris les contributions dues par l’employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ;

« 4° Les mesures d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l’employeur, conformément aux articles L. 1233 24 1 à L. 1233 24 4, dès lors qu’il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 1233 58 avant ou après l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

« 5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d’un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :

« a) Au cours de la période d’observation ;

« b) Au cours des quinze jours, ou dans les trente jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

« c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621 4 et L. 631 9 du code de commerce ;

« d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou dans les trente jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité.

« La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1° , 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour le Gouvernement, le principal problème auquel l’administration du travail est confrontée est le manque de temps. En conséquence, nous proposons de porter de vingt et un à trente jours la durée dont l’administration du travail dispose pour vérifier les plans de sauvegarde de l’emploi. Ainsi, les salariés bénéficieront des garanties nécessaires pour l’ensemble de cette période.

À travers cet article 101, le Gouvernement a décidé de pérenniser la situation actuelle, à savoir l’exonération des responsabilités des groupes lorsqu’une de leurs filiales se trouve en difficulté. En contrepartie, il nous paraît indispensable d’apporter cette garantie aux salariés : que l’ensemble des parties prenantes aient le temps d’étudier convenablement le PSE.

Nous craignons également que cet article ne conduise à créer un mécanisme incitant les groupes à organiser eux-mêmes, artificiellement, le redressement ou la liquidation judiciaire de leurs filiales. De tels cas de figure se présentent déjà, malheureusement !

Dans ces conditions, nous savons que les PSE seront moins favorables aux salariés et moins bien financés. Je le dis et je le répète, il est indispensable de donner à l’administration du travail le temps nécessaire pour vérifier en profondeur les choix proposés. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 1318, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article L. 3253-14 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations syndicales représentatives au niveau national sont représentées au sein de l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, et prennent part aux décisions. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’association pour la gestion du régime de garantie de créances des salariés, l’AGS, intervient en cas de redressement, de liquidation judiciaire de l’entreprise, ou encore, sous certaines conditions, en procédure de sauvegarde. Elle assure le paiement dans les meilleurs délais des sommes dues aux salariés – salaires, préavis, indemnités de rupture, etc. –, conformément aux conditions fixées dans le code du travail.

Nonobstant son statut d’organisme patronal, l’AGS bénéficie d’une convention de gestion avec le régime d’assurance chômage. Elle intervient donc directement dans le paiement des salaires. Il semble dès lors cohérent et indispensable d’y associer les organisations représentatives du personnel.

Les délégations de l’UNEDIC et de l’AGS présentes sur l’ensemble du territoire sont appelées à prendre des décisions déterminantes pour l’avenir des salariés. Associer les instances représentatives du personnel à ces travaux serait une mesure de transparence et d’équité. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1315 tend à instituer une obligation, pour la maison mère, de solidarité financière à l’égard d’une filiale en difficulté qui met en œuvre un PSE. Comme cela a déjà été souligné, cette piste de réflexion doit être approfondie. Il convient de l’inscrire dans une stratégie globale relative aux droits et obligations des groupes, et prenant en compte l’attractivité de notre pays à l’égard des groupes internationaux. L’avis est donc défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 1316, le d) du 2° de l’article L. 3253-8 du code du travail oblige l’AGS à garantir les salaires « pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ». L’amendement vise à porter cette période de vingt et un à trente jours. Si l’intention est louable, la commission craint qu’elle ne pose des difficultés à l’AGS, déjà confrontée à des problèmes financiers importants. L’avis est par conséquent défavorable.

L’amendement n° 1318 vise à intégrer la participation des organisations syndicales représentatives au niveau national à la gouvernance de l’AGS. La création de l’AGS relève d’une initiative des employeurs, et il a semblé difficile à la commission de modifier sa gouvernance sans entendre au préalable les parties prenantes, ce sujet n’ayant jamais été abordé lors des auditions. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Mêmes avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1315.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1316.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1318.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 101, modifié.

(L'article 101 est adopté.)

Article 101
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 102 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 102

(Non modifié)

L’article L. 1235-16 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « mentionné », sont insérés les mots : « au dernier alinéa du présent article et » ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative prend une nouvelle décision suffisamment motivée dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à l’administration. Cette décision est portée par l’employeur à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision de validation ou d’homologation, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information.

« Dès lors que l’autorité administrative a édicté cette nouvelle décision, l’annulation pour le seul motif d’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne lieu ni à réintégration, ni au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur. »

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Cette intervention vaudra défense de l’amendement n° 92.

On le sait, si l’administration ne motive pas suffisamment sa décision de validation de l’accord collectif ou d’homologation du document unilatéral valant PSE, cette décision peut être annulée. Dans ce cas, l’employeur doit, selon l’article L. 1235-16 du code du travail, réintégrer le salarié dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis, sous réserve de l’accord des parties, ou, à défaut, verser au salarié une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Pour éviter cette situation, l’article 102 du projet de loi prévoit qu’en cas d’annulation d’une décision d’homologation d’un PSE par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – la DIRECCTE - en raison de son insuffisance de motivation, l’administration sera juste tenue de prendre une nouvelle décision « suffisamment motivée ». Dès lors, l’annulation sera « sans incidence sur la validité du licenciement » et ne donnera lieu « ni à réintégration, ni au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur ». En outre, ce dernier devra porter à la connaissance des salariés licenciés à la suite de la première décision administrative la nouvelle décision, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à cette information.

L’objectif a été clairement exprimé par le rapporteur thématique à l’Assemblée nationale, ce dernier ayant indiqué : « à mon sens, le simple fait d’instaurer ce mécanisme a de fortes chances de dissuader les avocats de soulever le grief d’insuffisance de motivation ». Il semble surtout que ce projet de loi, au-delà des avocats, vise à dissuader les représentants du personnel et, plus généralement, les salariés d’engager des procédures judiciaires à l’encontre de leurs employeurs. Ainsi le Gouvernement se félicite-t-il sans cesse du succès de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, au motif que le nombre des recours engagés a très fortement diminué !

Désormais, il s’agit de sécuriser non plus l’emploi, mais les employeurs ! En effet, l’article 102 tend à éviter que l’employeur ne subisse, en présence d’un licenciement collectif impliquant la mise en place d’un PSE, les conséquences de l’annulation pour insuffisance de motivation d’une décision d’homologation ou de validation par le juge administratif. Ces conséquences, rappelons-le, sont inévitablement celles qui sont envisagées par l’article L. 1235-16 du code du travail, sur lequel ma collègue Annie David a déjà eu l’occasion d’intervenir.

Mais est-ce ainsi qu’il faut apprécier l’efficacité d’une loi ? Les recours ont-ils diminué parce que les salariés sont satisfaits de leur sort ou parce qu’ils ne disposent plus de recours efficace ?

À limiter ainsi les droits de recours, l’État pourrait finir par ne plus respecter l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Mais il prend aussi le risque de voir les salariés utiliser d’autres moyens que les voies judiciaires pour tenter d’être respectés.

De plus, il faut souligner que la décision rendue le 22 avril 2014, dans l’affaire Comité central d’entreprise HJ Heinz France SAS, par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est la seule que la commission spéciale de l’Assemblée nationale cite dans son rapport pour étayer cette modification législative. Or ce jugement critiquable a depuis été infirmé par la Cour administrative d’appel de Versailles.

Le montage que vous proposez, monsieur le ministre, vise en réalité à priver d’effet l’annulation par le juge administratif d’une décision non motivée de l’autorité administrative, décision ne constituant rien de moins, soulignons-le, qu’une condition de validité des licenciements.

Plus fondamentalement, il neutralise le développement d’un contentieux et d’une jurisprudence qui contribueraient, par touches successives, à définir les éléments de la motivation des décisions d’homologation ou de validation, c’est-à-dire le contenu de l’obligation de motiver posée à l’article L. 1233-57-3 du code du travail. Vous cherchez donc, une fois encore, à prendre le contrepied de la jurisprudence.

De plus, cet article 102 est un prolongement de la volonté initiale du Gouvernement de neutraliser partiellement la fonction même de l’homologation.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 102.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 92 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 491 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 958 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 92 a été défendu.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 491.

M. Jean Desessard. Nous avons déjà beaucoup discuté du sujet, à l’occasion de l’examen de l’amendement du Gouvernement à l’article 101. Dès lors qu’il y avait déjà renvoi vers l’article, l’adoption de cet amendement conduira à rallonger la loi en indiquant deux fois la même chose.

Tout comme l’amendement du Gouvernement, l’article 102 tend à retirer de l’importance aux décisions du juge. Il est effectivement prévu, en cas d’annulation d’une décision de validation ou d’homologation pour insuffisance de motivation, que l’autorité administrative prenne une nouvelle décision suffisamment motivée. Une fois celle-ci prise, donc après le jugement du tribunal, l’annulation pour le seul motif d’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne donc droit ni à la réintégration ni au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur.

Selon moi, mais M. le ministre s’est engagé à nous fournir des explications, il y a là un véritable mépris des décisions de justice et une atteinte aux revendications légitimes des salariés. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 102.

Sans vouloir argumenter à nouveau, lorsqu’une autorité invalide une décision, des compensations sont généralement prévues, soit sous une forme financière, soit par la réintégration en entreprise. Aujourd'hui, on nous oppose le contraire, ce qui a lieu de nous surprendre. D’ailleurs, si cet article 102 n’était pas supprimé, cela donnerait raison à mes collègues du groupe CRC qui, tout à l’heure, cherchaient à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 101. Pour ma part, je me fondais, comme l’a souligné fort justement et judicieusement M. le président de la commission spéciale, sur l’article actuel du code du travail.

M. le président. L'amendement n° 958 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 92 et 491 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 102 neutralise les conséquences de l’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi fondée uniquement sur un défaut de motivation, en permettant à l’administration de reprendre, dans un délai de quinze jours, une seconde décision motivée qui fait échec à toute demande d’un salarié licencié tendant à sa réintégration ou au versement d’une indemnité par l’employeur.

Sa portée est donc très limitée.

Elle l’est encore plus quand on observe les statistiques. Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles d’élaboration des PSE, les décisions de la DIRRECTE de valider ou d’homologuer les plans ont été annulées neuf fois seulement par le juge administratif pour défaut de motivation, c’est-à-dire pour des raisons de forme uniquement. En clair, le juge a estimé que ces décisions n’étaient pas exhaustives, ce grief pouvant être retenu s’il manque dans la décision quelques considérants. Ce chiffre est faible, car l’administration examine environ 1 000 dossiers par an.

Mais les conséquences de ces annulations sont parfois lourdes : les salariés saisissent de bonne foi le conseil des prud’hommes pour demander leur réintégration et des indemnités pour un licenciement nul, mais c’est en pure perte car l’administration reprend quelques jours plus tard une décision d’autorisation en bonne et due forme. (Mme Nicole Bricq opine.)

De ce fait, l’insécurité juridique est forte à la fois pour les salariés et pour les employeurs, qui dépensent en vain du temps et de l’argent, tous devant collectivement supporter les conséquences d’une faute de l’administration dont ils ne sont pas responsables.

L’objet de l’article 102 est de limiter ces effets indésirables de la loi relative à la sécurisation de l’emploi (Mme Nicole Bricq opine de nouveau.), en reconnaissant un droit à l’erreur formelle de l’administration, strictement encadré pour préserver l’autorité des décisions de justice.

La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 101 concernait les cas d’entreprises en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire et, à l’occasion de son examen, nous avons eu tout un raisonnement autour des moyens du groupe. Ici, nous traitons d’entreprises in bonis, susceptibles de mettre en œuvre un PSE et, précisément, de voir celui-ci annulé pour cause de décision insuffisamment motivée de l’administration, alors même qu’un accord syndical, là aussi, a été trouvé au niveau du groupe.

Nous faisons donc face à une situation d’insécurité juridique, qui nous semble devoir être corrigée.

La loi relative à la sécurisation de l’emploi prévoit que la décision d’homologation ou de validation du PSE prise par la DIRRECTE est motivée, sans pour autant préciser quel doit être le contenu ou le niveau de détail de la motivation.

Nous avons connaissance à ce jour de sept jugements ayant annulé des décisions administratives au seul motif d’une insuffisance de motivation. Or l’annulation pour un tel motif remet en cause des licenciements prononcés a posteriori. Elle fait retomber sur l’employeur les conséquences d’un acte qui lui est extérieur, alors même que la procédure d’information-consultation, dépendant de lui, a été régulièrement conduite dans les sept cas précités, que les mesures du PSE sont de bonne qualité et proportionnées et qu’elles ont fait l’objet d’un accord par les syndicats.

Cet article 102 du projet de loi tend donc à éviter de telles annulations.

En cas d’annulation d’une décision de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi sur le seul motif d’une insuffisance de motivation de cette décision, la DIRRECTE devra prendre dans les quinze jours une nouvelle décision suffisamment motivée et l’annulation, pour ce seul motif, ne rendra plus irrégulière la procédure d’information-consultation et le plan de sauvegarde de l’emploi mis en œuvre, la première ayant été correctement conduite et le second ayant fait l’objet d’un accord.

En d’autres termes, nous évitons simplement de repartir à zéro, alors même que le défaut est purement formel et que tout le reste a été sécurisé.

Cette évolution est donc typiquement de celles qui sont positives pour l’entreprise et pour les salariés. Elle est source de clarification, et permet d’accélérer le traitement d’une situation qui, de toute façon, est mauvaise pour tout le monde.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite vraiment à ne pas tirer de conclusions ou avoir des interprétations qui ne sont pas conformes au contenu de ce texte, tel que je viens, à nouveau, de le décrire, et, surtout, à la réalité des situations vécues. Les sept jugements auxquels j’ai fait référence ont véritablement été sources d’instabilité et ont créé objectivement des situations néfastes à tous les acteurs.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. M. le ministre et Mme la rapporteur ont évoqué les décisions insuffisamment motivées. Si une décision est insuffisamment motivée, cela veut dire ce que cela veut dire. Il ne faut pas tenir de propos exagérés. Certaines annulations d’homologation ont d'ailleurs donné lieu à la réintégration des salariés licenciés dans leur entreprise.

Monsieur le ministre, vous insistez sur le rôle de la DIRECCTE. Cependant, celle-ci ne remettra pas en cause la validité du licenciement, si bien que les salariés ne pourront malheureusement plus espérer obtenir leur réintégration dans l’entreprise ni réclamer des indemnités, à moins de tenter leur chance devant les prud’hommes. Ce qu’il faut savoir, et que n’ont dit ni M. le ministre ni Mme la rapporteur, c’est que, entre l’annulation de la première décision et la prise de la seconde, les salariés auront bel et bien perdu leur emploi.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je vous lis l’article L. 1235–16 du code du travail en vigueur : « L’annulation de la décision de validation mentionnée à l’article L. 1233–57–2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233–57–3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1235–10 donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

« À défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Cet article apporte donc une garantie : l’annulation de la décision donne lieu à la réintégration du salarié ou au versement d’une indemnité. Or vous proposez de supprimer cette garantie.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je ne voudrais pas faire à nos collègues un procès en mauvaise foi. Je pense qu’il y a une véritable incompréhension. L’article 102 vise à protéger les salariés, en évitant que l’employeur ne soit obligé de procéder à une réintégration ou à une indemnisation entre l’annulation de la première décision et la prise de la seconde. Je pense qu’il s’agit forcément d’une incompréhension. Ou alors c’est de la mauvaise foi, afin de pouvoir exploiter cet article.

On protège les salariés. J’en veux pour preuve le fait que le délai ait été raccourci par nos collègues députés. Le but est d’éviter qu’une erreur formelle de l’administration ne pénalise les salariés. J’estime qu’on ne peut qu’être défavorable à la suppression de l’article 102.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 et 491.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1779, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

réintégration

insérer les mots :

des salariés licenciés

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 1779 est retiré.

Les amendements identiques nos 511 et 735 rectifié ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 1320, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de procédure collective de licenciement, les conventions de formation professionnelle continue conclues entre un employeur et un organisme de formation au profit des salariés poursuivent leurs effets de plein droit. Les créances consécutives de l’organisme de formation sont prises en compte parmi les créances de privilège à charge pour le mandataire judiciaire d’en solliciter la couverture auprès de l’organisme collecteur paritaire agréé par l’entreprise. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Nous considérons – c’est notre philosophie depuis le départ – qu’il est nécessaire, en cas de dépôt de bilan de l’entreprise, de garantir au salarié la poursuite de sa formation et à l’organisme de formation la couverture de sa créance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à garantir aux salariés qu’ils pourront mener à leur terme leurs formations professionnelles même si leur entreprise dépose entre-temps son bilan. L’idée nous semble intéressante, mais elle soulève de nombreuses difficultés.

Tout d'abord, aucune distinction n’est faite entre les salariés, alors qu’on peut penser que la formation des salariés peu qualifiés doit être mieux protégée que celle des cadres dirigeants, même si tous les salariés ont évidemment le droit de bénéficier d’actions de formation.

Par ailleurs, on ignore le nombre de salariés qui pourraient être concernés par cette mesure et donc son coût. En outre, on ne sait pas qui supporterait in fine la charge financière. Les auteurs de l’amendement précisent seulement que les créances auprès de l’organisme de formation deviendraient des « créances de privilège ». On peut dès lors penser que c’est l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, qui serait mise à contribution. Or, comme chacun sait, l’AGS est confrontée à des difficultés financières. La mesure aurait des conséquences sur les sommes qu’elle garantit et donc, in fine, sur les salariés.

Enfin, les salariés licenciés pour motif économique peuvent bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle, qui comprend notamment un bilan de compétences, un suivi personnalisé et des actions de formation. Ce contrat permet aux personnes concernées de prendre un nouveau départ dans leur vie professionnelle. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Vos propos me semblent exagérés, madame la rapporteur. Vous dites que vous ne savez pas comment on peut faire, ni combien de salariés pourraient être concernés… Il faut dire directement que vous n’êtes pas d'accord !

Je vous rappelle que les sommes versées par l’employeur pour favoriser la formation continue des salariés ne sont rien d’autre qu’une partie socialisée du salaire de ces derniers, qui est le fruit de leur travail et de leur productivité. J’ajoute que le droit à la formation est une garantie pour le salarié, car il contribue à sa sécurité professionnelle.

Cela va toujours dans le même sens. Avec votre système, les salariés seront complètement lésés, et même défigurés, en quelque sorte, puisqu’on les empêchera de suivre une formation professionnelle pour retrouver du travail en cas de licenciement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1320.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 102.

(L'article 102 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rappelle aux membres de la commission spéciale que celle-ci se réunira à quatorze heures quinze en salle 263.

Article 102 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

4

Dépôt d'une question orale avec débat

M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

« n° 11 - Le 11 mai 2015 - Mme Élisabeth Lamure attire l’attention de M. le Premier ministre sur le bilan de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises.

« La délégation sénatoriale aux entreprises, créée en novembre 2014, est chargée d’informer le Sénat sur la situation et les perspectives de développement des entreprises, de recenser les obstacles à leur développement et de proposer des mesures visant à favoriser l’esprit d’entreprise et à simplifier les normes applicables à l’activité économique, en vue d’encourager la croissance et l’emploi dans les territoires. À cette fin, elle a entrepris d’aller à la rencontre des entrepreneurs et effectué ses premiers déplacements en Vendée, dans la Drôme, le Rhône et l’Hérault. Elle s’est aussi rendue à Londres le 13 avril 2015 afin de comparer l’environnement des entreprises de part et d’autre de la Manche.

« Lors de tous ses déplacements, la délégation a pu recueillir les témoignages convergents des entrepreneurs, dénonçant la lourdeur, la complexité et l’instabilité du cadre réglementaire. Elle a aussi relevé que le Royaume-Uni avait adopté en mars 2015 une loi relative aux petites et moyennes entreprises – PME – et à l’emploi – Small Business, Enterprise And Employment Act – qui comprend une règle visant la déflation législative : désormais, le Gouvernement du Royaume-Uni devra respecter, sur la durée de la législature – cinq ans –, un objectif de simplification réglementaire, destiné à favoriser la croissance des entreprises et fixé au début de chaque législature.

« Si la France ne s’est pas encore dotée d’une telle disposition d’ordre législatif, son Premier ministre a publié une circulaire relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, datée du 17 juillet 2013 ; elle prévoit qu’“un projet de texte réglementaire nouveau créant des charges pour [...] les entreprises [...] ne pourra être adopté que s’il s’accompagne, à titre de « gage », d’une simplification équivalente”.

« Soucieuse de faciliter la vie des entreprises afin de soutenir l’emploi et la croissance dans nos territoires, elle souhaite le solliciter, au nom de la délégation aux entreprises, afin qu’il présente au Sénat le bilan d’application, par les ministres et secrétaires d’État, de la règle posée par cette circulaire, selon laquelle un projet de texte réglementaire créant des charges pour les entreprises ne pourra être adopté que s’il est accompagné d’une simplification correspondante. »

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; la commission spéciale devant se réunir à quatorze heures quinze, nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Article 102 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 102

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements portant article additionnel après l’article 102.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 103

Articles additionnels après l'article 102

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements portant article additionnel après l’article 102.

L'amendement n° 1321, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 102

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme aux dispositions de l’article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l’article L. 1233-61 et s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l’entreprise ou, de l’unité économique et sociale ou du groupe.

La validité du plan de sauvegarde de l’emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique et sociale ou le groupe.

Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d’informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.

La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Permettez-moi d’abord de regretter que cet hémicycle soit quasiment vide cet après-midi. Pourtant, nous allons aborder des sujets importants, comme c’était d’ailleurs le cas au début du projet de loi. J’espère simplement que nos concitoyens concernés par ces questions intégreront cette donnée, que je regrette, croyez-le bien.

L’amendement n° 1321 prévoit la possibilité pour le juge d’apprécier au fond, et non plus seulement sur la forme, les licenciements économiques attaqués. Il pourra ainsi juger du caractère réel et sérieux et, donc, de la loyauté du licenciement.

Cette appréciation se fera au niveau de l’entreprise, de l’unité économique et sociale ou du groupe auquel appartient l’entreprise et devra, en outre, s’assurer que l’employeur a respecté ses obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et que l’information fournie aux représentants du personnel a été sincère et loyale.

Le non-respect de ces obligations ou l’insincérité de l’information pourront à eux seuls justifier la nullité du licenciement.

M. le président. L'amendement n° 1322, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 102

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positifs au cours des deux derniers exercices comptables.

Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stocks options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement définit comme licenciement sans cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique décidé par un employeur dont l’entreprise affiche un résultat net ou un résultat d’exploitation positif depuis au moins deux exercices comptables. Il en est de même pour les entreprises ayant constitué des réserves, distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites, ou procédé à une opération de rachat d’actions.

L’idée est claire : interdire la gestion d’une entreprise fondée sur la rentabilité à très court terme, au détriment de l’emploi et de son intérêt à moyen et à long terme.

M. le président. L'amendement n° 1288 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 102

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1233-10 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les représentants du personnel disposent d’un droit de veto suspensif sur les plans de licenciements collectifs. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. À travers cet amendement, il est prévu que le droit de veto suspensif sur les plans de licenciements et les plans de restructurations permet au juge de suspendre le plan de licenciements s’il n’y a pas de motif économique. Il s’agit dans ce cas de faire prévaloir la recherche de propositions alternatives aux licenciements.

Cet amendement vise à responsabiliser plus fortement les grandes entreprises ou groupes – en particulier ceux qui usent et abusent de l’alibi de difficultés conjoncturelles sans qu’on puisse contester leurs choix de gestion ou ceux qui licencient avec des bénéfices –, à l’égard des salariés licenciés et des territoires dont l’activité économique d’ensemble est affectée par les décisions de ces entreprises.

M. le président. L'amendement n° 1287 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 102

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1233-21 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à abroger l’article L. 1233–21 du code du travail, qui permet, par accord d’entreprise, de groupe ou de branche, de déroger aux règles de consultation et d’information des instances représentatives du personnel applicables, lorsque l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours.

Dérogation ne signifie certes pas suppression de l’obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise. Pour des employeurs bien intentionnés, comme cela s’est vérifié dans quelques cas, ce dispositif a permis d’aller au-delà de l’obligation faite en la matière. Toutefois, une telle dérogation autorise aussi l’employeur à se situer en deçà du seuil minimal applicable en matière d’information et de consultation, ce qui peut être tentant, vous l’avouerez, pour des employeurs peu scrupuleux.

Je prendrai un exemple récent pour illustrer mon propos, celui de l’entreprise Sober ; exemple que ma collègue Annie David, qui a malheureusement dû nous quitter, connaît d’ailleurs mieux que moi. L’inspecteur du travail vient de prononcer un refus d’autorisation de licenciement d’une salariée protégée, compte tenu des manquements de l’employeur dans la procédure d’information et de consultation. Les motifs économiques du licenciement ayant également été épinglés par l’inspecteur du travail, je comprends que l’employeur ait voulu « simplifier » la procédure d’information et la consultation des salariés afin de pouvoir supprimer vingt-trois emplois.

Nul doute que nombre d’employeurs trouvent dans cette dérogation la possibilité d’organiser au mieux les procédures d’information-consultation du comité d’entreprise, cela afin de réduire les risques de recours lors d’un projet de restructuration. Or ce que fixent les règles de l’information-consultation, ce sont les conditions dans lesquelles le comité d’entreprise « est réuni et informé de la situation économique et financière de l’entreprise » et les conditions dans lesquelles il « peut formuler des propositions alternatives » et « obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses propositions ».

Ces règles fixent également les délais à partir desquels les salariés pourront engager un recours en cas de contestation. Avouez, chers collègues, que ce n’est pas neutre !

Nous l’avons répété à plusieurs reprises au cours de nos débats, nous pensons que la loi et le code du travail ont pour objet de protéger les salariés et de les préserver de ce qui pourrait aller à l’encontre de leurs intérêts, fût-ce dans le cadre d’un accord collectif. Comme tout accord, en effet, l’accord collectif court le risque d’être soumis à diverses pressions de la part d’employeur.

J’ajoute que, pour nous, le dialogue social est bien évidemment un moteur de la croissance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. L’amendement n° 1321 vise à supprimer les acquis de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui réforme la procédure du plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE.

D’un côté, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, est seule compétente pour valider un accord ou homologuer un document unilatéral de l’employeur qui définissent le PSE, sous le contrôle du juge administratif.

De l’autre côté, le conseil des prud’hommes reste compétent pour vérifier la cause réelle et sérieuse du motif économique.

L’amendement tend à supprimer cette répartition des rôles. La commission y est donc défavorable.

L’amendement n° 1322 s’inscrit dans la continuité de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers déposée par le groupe CRC et rejetée le 16 février 2012 par le Sénat.

Son dispositif présente plusieurs difficultés.

La première est que la période de référence – deux ans – est longue. Une entreprise peut enregistrer un résultat net ou un résultat d’exploitation positif, ou distribuer des dividendes ou des actions gratuites, et devoir faire face l’année suivante à un bouleversement qui nécessite une restructuration.

La deuxième difficulté est que la formulation de l’interdiction qu’il tend à insérer semble trop large et imprécise, à savoir « toute suppression d’emploi, sous quelque forme que ce soit ».

La troisième difficulté est qu’il méconnaît la définition du licenciement économique, telle qu’apparaissant dans l’article L. 1233–3 du code du travail, définition qui concerne également le refus d’un salarié d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des mutations technologiques.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 1322.

L’amendement n° 1288 rectifié tend à donner aux représentants du personnel un « droit de veto suspensif » sur les licenciements collectifs.

Mais alors, que resterait-il du pouvoir de direction de l’employeur ? Quels seraient par ailleurs les représentants du personnel concernés ? Enfin, qu’est-ce qu’un « veto suspensif » ? Cela signifie-t-il qu’à l’expiration d’un certain délai les licenciements pourraient avoir lieu ?

Pour toutes ces questions, qui sont autant de raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

Enfin, l’amendement n° 1287 rectifié tend à supprimer la possibilité de fixer, par accord collectif, des modalités spécifiques d’information et de consultation du comité d’entreprise en cas de PSE.

Cette disposition est présente dans le code du travail depuis 2005. Il s’agit de faire confiance au dialogue social dans l’entreprise. Si les délégués syndicaux ne sont pas d’accord avec les propositions de l’employeur en matière d’aménagement de la consultation du comité d’entreprise en cas de PSE, la négociation aboutit à un échec et le droit commun s’applique.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Mêmes avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1321.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1322.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1288 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1287 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 102
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 103

Article 103

I. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article L. 1233-66 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le licenciement pour motif économique donne lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-2 et L. 1233-24-4, cette proposition est faite après la notification par l’autorité administrative de sa décision de validation ou d’homologation prévue à l’article L. 1233-57-4. »

II. – (Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.

Mme Christine Prunaud. Cette intervention vaudra défense des amendements nos 93 et 1323.

L’article 103 prévoit que la proposition de contrat de sécurisation professionnelle doit être faite au salarié concerné par le licenciement seulement après la notification par la DIRECCTE de sa décision de validation ou d’homologation du plan.

Nous y sommes opposés pour deux raisons.

La première est que nous sommes hostiles au contrat de sécurisation professionnelle, lequel permet aux licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés ou en redressement ou liquidation judiciaires de jouir d’un parcours de retour à l’emploi avec maintien de leur salaire à hauteur de 75 %. Nous estimons en effet que les salariés n’ont pas à faire des sacrifices sur leurs salaires tandis que les patrons continuent à percevoir leurs bénéfices.

La seconde raison porte sur les conséquences de la décision d’homologation ou de validation. Les entreprises non tenues d’établir un PSE, à savoir celles qui comptent moins de 50 salariés ou celles de plus de 50 salariés qui licencient moins de 10 salariés, ne seront plus soumises à l’intervention de l’autorité administrative, qui pour l’instant vérifie si les instances représentatives du personnel, les IRP, ont été consultées ou si des mesures de reclassement sont prévues.

Avec cet article 103, quand les juges du tribunal administratif se prononceront contre un plan social, cela n’aura aucune incidence pour les salariés concernés ; ils ne seront donc ni indemnisés ni réintégrés.

Nous ne pouvons qu’être opposés à cet article, qui prévoit de faire précéder les propositions de contrat de sécurisation professionnelle par la notification de l’autorité administrative et rend ainsi incontestable le plan de sauvegarde de l’emploi.

M. le président. L’amendement n° 93, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 93 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Au préalable, je fais remarquer aux auteurs de l’amendement que son objet ne correspond pas à son dispositif.

La commission souhaite conserver l’article 103, qui apporte une précision importante sur le contrat de sécurisation professionnelle.

En effet, l’article oblige l’employeur à attendre la notification par l’autorité administrative de sa décision de validation ou d’homologation du PSE avant de proposer aux salariés de bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle. Il protège ainsi les droits des salariés, car certains employeurs proposent très en amont de bénéficier d’un tel contrat.

La décision de l’administration autorisant le PSE peut alors intervenir après le délai de réflexion de trois semaines pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, ce qui peut empêcher les salariés de bénéficier dudit contrat.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1323, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section 2 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 1233-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les trois premiers critères sociaux doivent être privilégiés par l’employeur pour fixer l’ordre des licenciements. » ;

2° Il est ajouté une sous-section 5 ainsi rédigée :

« Sous-section 5

« Autorisation de l’inspection du travail

« Art. L. 1233-7-1. – Tout licenciement pour motif économique est soumis à l’autorisation de l’inspection du travail.

« Art. L. 1233-7-2. – La demande d’autorisation de licenciements dits " boursiers ", envisagés dans des entreprises dont les difficultés ne relèvent pas d’un motif économique au sens de l’article L. 1233-3, requiert un avis conforme des représentants du personnel.

« Art. L. 1233-7-3. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente sous-section. »

II. – La section 3 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du même code est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 1233-15 est ainsi rédigé :

« Lorsque l’employeur, qui a obtenu l’autorisation de l’inspection du travail en application de l’article L. 1233-7-1, décide de licencier un salarié pour motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. » ;

2° L’intitulé de la sous-section 3 est ainsi rédigé : « Autorisation de l’inspection du travail » ;

3° L’article L. 1233-19 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-19. – L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours adresse une demande d’autorisation à l’inspection du travail. » ;

4° La sous-section 3 est complétée par un article L. 1233-20-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-20-1 – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente sous-section. »

III. – La section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du même code est ainsi modifiée :

1° L’article L. 1233-39 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-39. – L’employeur qui a obtenu l’autorisation de l’inspection du travail en application de l’article L. 1233-7-1 notifie au salarié le licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception.

« La lettre de notification ne peut être adressée avant l’expiration d’un délai courant à compter de l’autorisation de l’inspection du travail. » ;

2° L’article L. 1233-40 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-40. – Le délai mentionné à l’article L. 1233-39 ne peut être inférieur à :

« 1° Trente jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;

« 2° Quarante-cinq jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;

« 3° Soixante jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. » ;

3° L’article L. 1233-41 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-41. – Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais plus favorables aux salariés que ceux mentionnés à l’article L. 1233-40. » ;

4° L’intitulé de la sous-section 4 est ainsi rédigé : « Autorisation de l’inspection du travail » ;

5° L’article L. 1233-46 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-46. – L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours adresse une demande d’autorisation à l’inspection du travail.

« Lorsque l’entreprise est dotée de représentants du personnel, la demande d’autorisation est faite au plus tôt le lendemain de la date prévue pour la deuxième réunion prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30.

« La demande d’autorisation est accompagnée de tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion. » ;

6° À l’article L. 1233-47, au premier alinéa de l’article L. 1233-48, à la première phrase des articles L. 1233-49 et L. 1233-50, aux articles L. 1233-51 et L. 1233-52, au premier alinéa de l’article L. 1233-53, à la première phrase des premier et second alinéas de l’article L. 1233-56 et aux premier et dernier alinéas de l’article L. 1233-57, les mots : « autorité administrative » sont remplacés par les mots : « inspection du travail » ;

7° À la première phrase des articles L. 1233-49 et L. 1233-50 et à l’article L. 1233-52, les mots : « notification du projet de licenciement » sont remplacés par les mots : « demande d’autorisation de licenciement » ;

8° L’article L. 1233-54 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-54. – L’inspection du travail dispose, pour procéder aux vérifications et adresser sa décision, d’un délai courant à compter de la date de demande d’autorisation de licenciement. » ;

9° L’article L. 1233-55 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-55. – Le délai mentionné à l’article L. 1233-54 ne peut être inférieur à :

« 1° Vingt et un jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;

« 2° Vingt-huit jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;

« 3° Trente-cinq jours lorsque ce nombre est au moins égal à deux cent cinquante.

« Lorsqu’il existe une convention ou un accord collectif de travail, ce délai ne peut être inférieur au délai conventionnel séparant les deux réunions de représentants du personnel, prévu à l’article L. 1233-30, augmenté de sept jours.

« Le délai dont dispose l’inspection du travail peut être prolongé pour une durée égale si les nécessités de l’enquête le rendent nécessaire. » ;

10° Les deux dernières phrases du deuxième alinéa de l’article L. 1233-56 sont supprimées.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’autorisation administrative de licenciement pour motif économique a été supprimée en 1986 ; ne demeure que l’autorisation préalable de l’inspection du travail avant licenciement d’un salarié protégé. La commission pense qu’il ne faut pas modifier cet équilibre.

En outre, l’amendement tend à imposer un avis conforme des représentants du personnel pour toute demande d’autorisation de licenciements dits « boursiers ». Il nous a semblé difficile de concilier cette disposition avec le principe de valeur constitutionnelle de liberté d’entreprendre.

Enfin, l’amendement vise à imposer de privilégier les critères sociaux parmi les critères à prendre en compte pour fixer l’ordre des licenciements pour motif économique. Or le droit en vigueur permet déjà de privilégier certains critères légaux, à condition de ne pas écarter les autres.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1323.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 103.

(L’article 103 est adopté.)

Article 103
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 103 bis

Articles additionnels après l’article 103

M. le président. L’amendement n° 1336, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1221-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-1. – Le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il est obligatoirement écrit. Il précise la durée et les horaires de travail, le niveau et les modalités de la rémunération, la qualification, l’emploi tenu, le lieu de travail. Le contenu de ces clauses ne peut être modifié unilatéralement par l’une ou l’autre des parties au contrat. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement tend à rendre plus précis l’article L. 1221–1 du code du travail, dont la rédaction actuelle ne peut satisfaire le groupe CRC. Elle comporte en effet deux écueils majeurs.

Le premier est que la constitution et la forme du contrat de travail n’obéissent pas réellement à un cadre bien établi. Aucun élément ne vient en effet préciser de nomenclature exacte. Il semblerait pourtant de bon sens, pour ne pas dire de bon ton, qu’un contrat liant un employeur et un employé soit suffisamment complet pour que chacune des parties sache dans quoi elle s’engage. Notre amendement vise donc à contraindre les rédacteurs des contrats de travail à insérer dans ces derniers des éléments capitaux : la durée et les horaires de travail, le niveau et les modalités de la rémunération, la qualification, l’emploi tenu et le lieu de travail.

Cette exigence de transparence est une nécessité pour les travailleurs mais aussi pour les employeurs, qui s’en trouveraient sécurisés. Comment pourraient-ils faire l’objet de recours si le salarié signe le contrat ainsi complété en son âme et conscience ?

Que l’on accepte ou non l’existence d’un lien de subordination dans la passation d’un contrat de travail, notre revendication nous semble légitime. De deux choses l’une : soit on considère qu’un contrat de travail est un engagement mutuel entre deux parties égales, et dans ce cas l’insertion de ces clauses ne sert qu’à assurer un choix libre et éclairé ; soit on pense qu’il existe bien un lien de subordination, et dans ce cas l’insertion de ces clauses vise à restreindre cette domination du rédacteur du contrat et à assurer des droits aux travailleurs en cas de non-respect des clauses de l’engagement.

Le second écueil concerne la modification des clauses. À l’heure actuelle, rien n’indique les conditions permettant la modification des termes d’un contrat. Encore une fois, il nous paraît sain d’ajouter que toute transformation des clauses d’un contrat ne doit être que le résultat tout à la fois d’une négociation et d’un accord entre toutes les parties engagées, soit l’employeur et l’employé. Il s’agit ainsi d’éviter les mutations brusques des conditions de travail sans accord de l’une ou de l’autre des parties.

Si certaines périodes tendues exigent des changements dans les conditions de travail des salariés, il nous paraît profondément injuste d’autoriser des employeurs à modifier unilatéralement les clauses d’un contrat.

Ce sont donc l’exigence de transparence, le respect du dialogue social et le souci de la justice sociale qui motivent notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent apporter une précision au contenu du contrat de travail.

On ne peut pas vraiment dire que le contrat de travail soit soumis aux règles de droit commun. Historiquement, le code du travail s’est construit comme une exception par rapport au code civil, avec des règles spécifiques au monde du travail.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article L. 1221–1 du code du travail laisse la rédaction des contrats de travail à la libre appréciation des parties. Les précisions que Mme Assassi préconise sont déjà largement présentes dans les contrats de travail.

Lorsque ce n’est pas le cas, certaines de ces clauses ainsi que d’autres clauses considérées comme essentielles sont réputées avoir existé ; il peut s’agir de la clause d’objectifs, de la clause d’exclusivité, de la clause de mobilité géographique, de la clause de confidentialité, de la clause liée à la rupture du contrat, de la clause de non-concurrence ou de la clause de dédit-formation... Le juge n’hésite pas à réinterpréter un contrat de travail jugé trop déséquilibré.

Le contrat est réputé exister même en l’absence d’un écrit dès lors que le salarié prouve qu’il est en situation de travail. Il est à craindre qu’une telle proposition ne puisse pas suffire à régler la problématique complexe et fortement encadrée par le juge de la rédaction des contrats de travail.

Je veux bien que nous examinions ensemble avec précision si la jurisprudence reste floue. Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, elle nous paraît très protectrice des salariés partout où elle est appliquée. Je crains que l’adoption d’un tel amendement n’ait pour conséquence d’en restreindre la portée. Le juge a actuellement une interprétation extensive des clauses essentielles du contrat de travail, même sur la base du fameux article L. 1221–1.

Certes, madame la sénatrice, si vous nous apportez la démonstration que telle ou telle clause n’est pas couverte par la jurisprudence et qu’il faut la mentionner dans la loi, je suis prêt à considérer votre demande ou à solliciter les partenaires sociaux.

Mais, encore une fois, la jurisprudence actuelle nous paraît très protectrice des salariés. Il n’est pas question d’y revenir ou de dégrader les règles relatives au contrat de travail.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1336 est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre ; je pourrais presque y souscrire. Mais l’article L. 1221–1 du code du travail n’est pas clair du tout, et je ne suis pas une spécialiste du code du travail.

Notre amendement a le mérite d’ouvrir un débat. Par conséquent, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1336.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1333, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1221-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il respecte la durée légale du travail. » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Toute autre modalité constitue une exception aux principes prévus au premier alinéa qui est fixée limitativement par la loi. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. À travers cet amendement, il s’agit de nouveau de revenir sur les régressions constatées dans la protection des salariés au regard du droit du travail.

Nous souhaitons réaffirmer que le droit du travail fait du contrat à durée indéterminée le contrat « normal » et marquer ainsi notre grande circonspection à l’égard des contrats précaires qui ont pullulé depuis une vingtaine d’années. Ainsi que nous pouvons le constater, ces contrats n’ont pas fait leurs preuves en termes de sécurisation des parcours professionnels et de lutte contre le chômage.

En fait, il faut nous interroger sur ces contrats, qui servent finalement seulement d’artifices comptables permettant de faire baisser le nombre de chômeurs sans aucune activité. Car c’est bien la vraie question : comment peut-on réellement prétendre que le chômage baisse alors que l’on a d’abord baissé les exigences de ce que l’on appelle un emploi ? En réalité, c’est une redéfinition de la notion de travail, en acceptant le sous-emploi et le précariat, qui permet au Gouvernement de ne pas présenter la statistique crue et drue : 5 millions de personnes sont aujourd’hui ou au chômage ou en situation de sous-emploi, sans parler des millions de personnes radiées et même plus inscrites à Pôle emploi.

Une telle évolution n’est tout simplement pas acceptable. Notre pays reste l’un des plus riches du monde, et nos travailleurs sont parmi les plus productifs de la planète ; ils figurent dans le peloton de tête européen. Rien ne peut justifier que l’on ait attaqué la protection des salariés et renforcé la lutte de tous contre tous avec des contrats de plus en plus précaires.

Il existe aujourd’hui près d’une dizaine de contrats de travail « alternatifs » au contrat à durée indéterminée. Tous ont la particularité d’être d’abord précaires et moins protecteurs pour les salariés. Aujourd’hui, l’extrême majorité des embauches s’effectuent par le biais de l’un de ces contrats. Le CDI apparaît bien souvent comme inaccessible, malgré l’implication des travailleurs dans l’entreprise, comme en témoigne leur niveau extrêmement élevé de productivité.

Par conséquent, il faut réaffirmer dans la loi que le CDI doit rester la règle et les contrats précaires l’exception.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à réaffirmer que le CDI à temps plein constitue la règle en matière de contrat de travail. La commission a estimé que sa portée normative était faible. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1333.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1327, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l’article L. 1243-10 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l’article L. 1243–10 du code du travail, pour mettre fin à une injustice : les travailleurs saisonniers ne bénéficient pas de la prime de précarité à la rupture de leur contrat.

Cette injustice est contestée par les associations et les syndicats. Elle a été encore rappelée lors du colloque organisé au Sénat par notre groupe le 1er avril ; ce n’est malheureusement pas une blague si, pour les saisonniers, travail rime avec « précarité » !

À cette occasion, nos collègues Annie David, Michelle Demessine et Michel Le Scouarnec, ainsi que le Forum social des saisonniers et l’Association des lieux d’accueil des travailleurs saisonniers, ou ALATRAS, ont interpellé Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, sur l’importance de mettre un terme à une telle injustice.

Nous demandons donc l’alignement du contrat des travailleuses et travailleurs saisonniers sur le CDD de droit commun, afin que ces derniers bénéficient de la prime de précarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cette indemnité – la prime de précarité – trouve son origine dans le fait que les relations de travail ne se poursuivent pas sous la forme d’un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim. Or un contrat saisonnier n’a pas vocation à se transformer en CDI.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1327.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1331, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1244-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1244-2. – Les contrats de travail à caractère saisonnier comportent une clause de reconduction pour la saison suivante.

« Tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. Le salarié fait savoir s’il fait acte de candidature par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre décharge auprès de l’employeur au moins trois mois avant le début de la saison.

« La non reconduction du contrat de travail à l’initiative de l’employeur est possible pour un motif réel et sérieux. Elle entraîne application de la procédure de convocation à un entretien préalable prévue aux articles L. 1232-2, L. 1232-3 et L. 1232-4. Cet entretien intervient avant la fin de la saison. Si, à la fin de cet entretien, l’employeur décide de ne pas reconduire le contrat, il en informe le saisonnier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en lui en indiquant le ou les motifs, au plus tard à la fin du contrat saisonnier. La non reconduction du contrat pour la saison suivante entraîne le versement au salarié d’une indemnité de non-reconduction au minimum égale à la prime de précarité de 10 % prévue à l’article L. 1243-8.

« Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise sont cumulées. L’arrêt ou la rupture de la succession des contrats saisonniers d’une saison à l’autre entraîne la caducité définitive de la reconduction. Toutefois, le droit à la reconduction est conservé si la succession des contrats saisonniers est suspendue pendant une ou plusieurs saisons pour cause de congé de maternité, de congé parental d’éducation, de congé individuel de formation, de congé pour la création ou la reprise d’entreprise, de congé sabbatique, et dans les conditions prévues par le présent code. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. La question des travailleurs saisonniers est très importante. Il convient d’y apporter des réponses concrètes.

Les contrats saisonniers dont les taux de cotisation ne seront pas majorés doivent néanmoins pouvoir être sécurisés. La reconduction par accord collectif des accords des CDD saisonniers ne concerne qu’une trop faible partie des saisonniers, faute de dynamique de négociation par branches professionnelles sur ce point. C’est au législateur qu’il revient de créer une clause de reconduction automatique, afin que les saisonniers cessent d’être exclus des avancées du droit du travail. Les salariés doivent cependant faire acte de candidature avant chaque nouvelle saison : ils sont libres de retravailler pour le même employeur ou non. Dans tous les cas, ils sont prioritaires.

Afin de permettre l’égalisation des droits, une prime de « non reconduction » du CDD saisonnier équivalant à la prime de précarité des CDD non saisonniers est alors versée par l’employeur s’il ne respecte pas la clause de reconduction.

Les employeurs ont la possibilité de ne pas respecter la clause de reconduction s’il existe des motifs réels et sérieux pour cela, comme un désaccord professionnel ou un manque de motivation du salarié, en respectant alors les formalités prévues en cas de rupture de CDI et le versement de cette indemnité de non reconduction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à définir un statut des travailleurs saisonniers.

À nos yeux, cette question nécessiterait une concertation au sein des branches professionnelles particulièrement concernées par ce type d’emplois saisonniers.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1331.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1326, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2242-5-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d’au moins vingt salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord sont fixées par décret.

« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 5 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa.

« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous proposons une nouvelle rédaction de l’article L. 2242–5–1 du code du travail. Nous avions déjà défendu cette idée lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes l’année dernière.

La mesure introduite en 2010 lors de la réforme des retraites nous semble insuffisante pour permettre de contrebalancer réellement les inégalités existant en défaveur des femmes.

Malgré l’adoption de dispositions légales censées favoriser l’égalité salariale, un écart significatif demeure entre les femmes et les hommes, écart qui reste quasiment stable depuis le début des années quatre-vingt-dix. En 2009, il était évalué à 25 % sur la base du revenu salarial moyen pour l’ensemble des salariés du secteur public et du secteur privé.

À en juger par l’actualité de ces derniers jours, la situation ne devrait pas aller en s’améliorant…

Nous proposons d’augmenter de manière significative la pénalité due par les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle et de prévoir une pénalité financière non plus de 1 % maximum, mais de 5 % maximum des rémunérations versées aux travailleurs au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou par un plan d’action.

Selon nous, cela aurait un effet bien plus incitatif sur les entreprises. D’ailleurs, force est de le constater, l’annonce par Mme Vallaud-Belkacem voilà environ deux ans que les sanctions seraient réellement appliquées a eu des conséquences sur la signature d’accords.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de 2009 indiquait à l’époque qu’à peine 7,5 % des entreprises disposant d’un délégué syndical avaient signé un accord sur l’égalité professionnelle.

Ce chiffre a aujourd’hui sensiblement progressé. Au 15 juillet dernier, 34,4 % des entreprises assujetties étaient couvertes par un accord d’entreprise ou un plan d’action. Ce chiffre cache néanmoins une situation très inégale en fonction de la taille des entreprises.

À travers cet amendement, nous souhaitons en quelque sorte maintenir, voire intensifier la pression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier le champ et le montant de la pénalité pour les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle.

Il est proposé de soumettre toutes les entreprises d’au moins vingt salariés à cette obligation, contre cinquante aujourd’hui, et de faire passer le plafond de la pénalité de 1 % à 5 % de la masse salariale.

À nos yeux, cet amendement n’entre pas forcément dans le champ du projet de loi, qui, certes, est très vaste. En plus, cela ne nous semble pas correspondre à la logique incitative en matière d’égalité professionnelle qu’il faudrait développer.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Mme Assassi propose de porter à 5 % de la masse salariale le montant de la pénalité pour les entreprises qui ne sont pas couvertes par un tel accord.

La lutte contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes est une priorité majeure pour le Gouvernement. D’ailleurs, François Rebsamen apportera toutes les clarifications nécessaires sur son projet de loi.

Mme Éliane Assassi. Ce serait la moindre des choses !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est ce à quoi vous faisiez référence en creux dans votre propos, madame la sénatrice.

Je pense qu’une augmentation du taux de pénalité serait contre-productive, pour deux raisons.

Premièrement, aujourd'hui, le dispositif de sanctions joue pleinement son rôle. En effet, à ce jour, 78 % des entreprises de plus de 1 000 salariés et 64 % des entreprises de plus de 300 salariés sont couvertes par un accord ou, à défaut, un plan d’action.

Deuxièmement, l’objectif de la pénalité est avant tout d’amener les entreprises à respecter leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. À ce titre, le dispositif porte ses fruits puisque la grande majorité des mises en demeure aboutit aujourd'hui à une régularisation de l’entreprise avant l’arrivée du terme, et ne donne pas lieu à une telle pénalité.

Vous proposez, de plus, de supprimer la prise en compte des efforts de l’entreprise en matière d’égalité professionnelle constatée par l’autorité administrative pour définir le taux de la pénalité. En la matière, comme nous l’avons vu sur d’autres sujets, il est important de prendre aussi en compte, secteur par secteur, le taux d’effort réalisé par l’entreprise pour se conformer à la loi.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1326 est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, j’avoue ne pas très bien comprendre.

Avec ce projet de loi, vous entendez, entre autres choses, développer davantage le travail le dimanche, qui concerne majoritairement les femmes. Cet amendement vise simplement à renforcer l’égalité salariale. Il nous paraît donc être le pendant logique de ce que vous entendez mettre en œuvre, même si nous ne le partageons pas vraiment.

Par ailleurs, vous souhaitez développer la croissance et l’activité. Or l’égalité salariale est source de croissance et d’activité puisqu’elle renforce le pouvoir d’achat des ménages. Je rappelle que l’égalité salariale procurerait 52 milliards d’euros de ressources supplémentaires à la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, je maintiens cet amendement, étant rappelé, mes chers collègues, que l’égalité professionnelle est un principe constitutionnel depuis 1946.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1326.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1324, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3123-8 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3123-8. – Il est interdit à une entreprise de procéder au recrutement d’un salarié à temps plein pour un type d’emploi lorsque au sein de cette entreprise un ou plusieurs salariés à temps partiel exercent déjà un emploi équivalent ou un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement mettrait en place un frein à l’embauche, alors que les salariés à temps partiel bénéficient déjà d’une priorité pour l’accès aux postes à temps complet disponibles dans l’entreprise.

Par ailleurs, la commission estime que le travail à temps partiel n’est pas toujours subi. C’est parfois, voire souvent, un choix du salarié.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1324.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1262 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 1243-8 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le contrat de travail est à temps partiel, l’indemnité est égale à 20 % de la rémunération totale brute versée au salarié. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour objet de porter à 20 % la prime de précarité que perçoit un salarié à l’issue de sa période de contrat, dès lors qu’il s’agissait d’un contrat à temps partiel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission émet un avis défavorable. Tout d’abord, sur la forme, parce que, comme d’autres amendements, il n’est pas forcément en lien avec l’objet du projet de loi. Ensuite, sur le fond, parce que cela renchérirait le coût du travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le salarié à temps plein dont le CDD n’est pas transformé en CDI percevrait une indemnité de précarité égale à 10 % de sa rémunération totale brute et le salarié à temps partiel percevrait alors une indemnité égale à 20 %. Si je comprends votre souhait de rendre moins attractifs les contrats à temps partiel et d’augmenter l’indemnité lorsque la précarité est plus importante, il me semble que l’option que vous retenez n’est pas la bonne. À tout le moins, elle est paradoxale par rapport à l’objectif visé.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable, pour les raisons invoquées par Mme le rapporteur.

M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1262 rectifié est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1262 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1332, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5411-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le demandeur d’emploi bénéficie, entre la rédaction de son projet personnalisé d’accès à l’emploi et la signature de celui-ci, d’un délai de dix jours ouvrés durant lequel il bénéficie d’un droit à rétractation et peut demander à rencontrer son conseiller afin de procéder à la rédaction d’un nouveau projet personnalisé de retour à l’emploi. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Estimant que le rôle du législateur n’est pas de s’immiscer dans les relations entre Pôle emploi et les demandeurs d’emploi, la commission a émis un avis défavorable.

Je rappelle par ailleurs que le projet personnalisé d’accès à l’emploi, ou PPAE, est actualisé tous les trois mois. Le demandeur d’emploi peut donc, à cette occasion, demander que des modifications y soient apportées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1332.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1293 rectifié, présenté par M. Vergès, Mmes Assassi, David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l’article L. 5312-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Procéder à une expertise approfondie des compétences et profils des personnes sur le bassin d’emploi, notamment outre-mer, avant de procéder à des appels à candidatures extérieures ; ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. En l’occurrence, je serai un peu plus longue car c’est un amendement auquel notre ami Paul Vergès, sénateur de La Réunion, tient beaucoup et dont il est le premier signataire.

Il s’agit d’accroître le rôle de Pôle emploi pour le recrutement dans le secteur privé dans le but de ne recourir à une main-d’œuvre dite « extérieure » qu’après constat avéré de carence sur le bassin d’emploi concerné.

En effet, dès lors que les compétences existent, il est préférable que les postes soient pourvus par des personnes implantées dans le bassin d’emploi, notamment dans ceux où le taux de chômage est important. Sinon on arrive parfois à des situations ubuesques et, surtout, inacceptables.

Je donnerai des exemples pour illustrer ces propos : cela s’est passé à La Réunion.

Dans les années quatre-vingt-dix, 110 Indiens sont recrutés pour la construction des chaudières de l’usine de canne à sucre de Saint-André. Pas besoin d’une haute technicité pour la construction.

En 2005, La Réunion voit arriver 150 soudeurs thaïlandais pour travailler sur le chantier de l’extension de la centrale thermique de Gol, à Saint-Louis. Cela a, bien évidemment, provoqué un véritable tollé. La direction du travail avait pourtant souligné que 650 soudeurs réunionnais étaient au chômage.

En 2009, l’État lance la construction d’une nouvelle centrale thermique au Port Est. Coût de l’opération : 500 millions d’euros. En tant que maître d’œuvre, EDF choisit son entreprise. Selon l’évolution du chantier, entre 150 et 300 travailleurs sont présents sur le site, le plus souvent pour des tâches ne nécessitant pas de compétences particulières. Des compétences qui existent à La Réunion. Une entreprise avait même envisagé de faire venir des peintres italiens.

Les syndicats avaient légitimement parlé de « provocation », de « dumping social » et, dans certains cas, de non-respect de la durée légale de travail. Leur indignation était légitime, le taux de chômage à La Réunion étant l’un des plus forts de France. Il n’était pas question de protester contre la venue de travailleurs européens, mais de se battre pour l’emploi des Réunionnais.

Sur le plan économique, on peut aussi se demander à quel salaire étaient payés les ouvriers, puisqu’il a fallu que les entreprises paient également leur billet d’avion et leur hébergement sur place. Le chiffre de 200 euros par mois était avancé.

Ces trois exemples se situent dans le domaine du BTP. Mais c’est aussi le cas dans la fonction publique où, malgré leurs compétences, les Réunionnais voient des postes – à responsabilité ou non – leur échapper, ce qui a fait l’objet d’une séquence télévisée ce week-end.

Nous reprenons l’affirmation des syndicats : il n’est pas question de dénoncer les travailleurs européens ou étrangers, seulement de se battre pour l’emploi des Réunionnais. Rappelons que La Réunion compte plus de 155 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi.

Pour lutter contre ce chômage de masse, des décisions politiques ont été prises. La région Réunion, alors présidée par le sénateur Vergès, avait signé une convention-cadre pour la construction de la route des Tamarins, avec Pôle emploi, le Carif-Oref et l’État. Il s’agissait de définir les besoins sur les chantiers et de mettre en œuvre des formations adéquates pour que les Réunionnais occupent les postes créés.

L’idée de cet amendement est donc simple : il faut ajouter une nouvelle compétence à Pôle emploi afin qu’il puisse répondre à des préoccupations locales. Tout poste mis sur le marché doit passer par Pôle emploi. C’est lorsque, dans le bassin d’emploi concerné, il n’y a pas les compétences que la zone de recrutement s’élargit. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement a pour objet de prévoir que Pôle emploi examine les compétences disponibles dans les bassins d’emploi avant de chercher, pour des offres d’emploi, des candidats extérieurs, notamment en outre-mer.

Aux yeux de la commission, il semble que c’est bien naturellement le cas et que la loi n’a pas à entrer dans de tels détails sur les méthodes de travail de Pôle emploi. S’il existe une difficulté locale avérée – vous avez cité l’exemple de La Réunion –, la commission espère que le ministre pourra y apporter une réponse ou faire en sorte qu’elle soit traitée par la direction générale de Pôle emploi.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’instaurer une priorité locale en matière d’emploi en favorisant les demandeurs d’emploi du bassin d’emploi dans lequel l’offre est émise. S’il est normal de contrôler le recours à la main-d’œuvre étrangère en France – nous avons eu l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises –, je ne peux qu’être défavorable à cette disposition, qui aboutirait in fine à créer une inégalité de traitement dans l’accès à l’emploi entre Français en fonction du lieu de résidence et à porter une atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre.

Par ailleurs, l’ajout de cette disposition dans le code du travail serait incompatible avec l’une des missions que le législateur a déjà confiée à Pôle emploi, à l’article L. 5312–1 du code du travail, qui est la facilité de la mobilité géographique et professionnelle des personnes. Nous le savons, c’est une de nos faiblesses.

Ici, la défense de l’amendement s’est focalisée sur le territoire de La Réunion, ce que je comprends parfaitement. Mais si l’on arrivait, à la lumière de l’expérience réunionnaise, à introduire une telle disposition, le risque serait de contrevenir à un objectif fixé par ailleurs sur notre territoire à Pôle emploi. En effet, lorsque l’on examine la situation française, on s’aperçoit que de nombreux travailleurs ont un problème de mobilité géographique. Il ne me paraît pas pertinent de procéder ici de la sorte.

En revanche, il serait utile que l’administration en charge se montre vigilante à ce qu’il y ait une expertise approfondie des compétences adaptées, afin de permettre, dans le bassin d’emploi concerné, la prise en compte des besoins et la meilleure allocation des compétences. Mon collègue François Rebsamen, qui a bien sûr pris connaissance de cet amendement, est pleinement conscient de la difficulté. C’est une préoccupation sur laquelle les services seront mobilisés. Quoi qu’il en soit, la réponse ne doit pas être législative, comme vous le proposez ici, car cela aurait des conséquences à la fois disproportionnées, voire contraires à votre intention.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1293 rectifié est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Comme je l’ai précisé, M. Vergès est le premier signataire de cet amendement. Je ne peux donc me permettre aujourd'hui de le retirer sans son accord, même si j’ai bien entendu les propos de M. le ministre. Je maintiens donc l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1293 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1325, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« VII. – Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est supprimé.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à supprimer la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de salaire. Un employeur qui ne respecte pas la loi en matière d’égalité salariale ne doit pas pouvoir bénéficier d’argent public.

Aujourd’hui, un tel employeur a l’obligation d’ouvrir la négociation salariale, mais pas de la conclure. Si son entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action relatifs à l’égalité professionnelle au 1er juillet 2013, il pourra être sanctionné financièrement, mais les critères et le montant de la sanction ne sont que peu dissuasifs.

Aussi, cet article vise à imposer aux employeurs une obligation de résultat en matière de négociation, dont le non-respect sera lourdement sanctionné sur le plan financier. Bénéfique pour les comptes sociaux, cette mesure, dont les effets devraient se faire sentir de manière immédiate, renforcerait les syndicats dans leur action contre le recours au temps partiel subi, pour l’augmentation des salaires et sur tous les autres leviers permettant de réduire les écarts salariaux.

M. le président. L'amendement n° 1330, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« VII. – Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas conclu d’accord salarial dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, la réduction est supprimée. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. À travers cet amendement, nous entendons de nouveau défendre – en matière d’égalité salariale et professionnelle – une obligation de résultat de la part des employeurs.

Il s’inscrit dans la même logique que la disposition qui a permis d’introduire dans la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes l’interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises n’ayant pas mis en œuvre l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle. Cela est une réelle avancée.

Mais nous souhaitons avec cet amendement aller un peu plus loin.

Toujours dans une logique de résultats, nous avons ainsi prévu que l’employeur ait l’obligation non pas seulement d’ouvrir une négociation salariale, mais bien de conclure un accord sur le fondement de l’article L. 2242–5 du code du travail, qui concerne spécifiquement la négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Cet amendement s’appuie également sur l’article L. 2242–8 du code du travail, qui porte sur « les salaires effectifs », « la durée effective et l’organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l’augmentation de la durée du travail à la demande des salariés ».

À défaut, l’employeur se verrait privé de réduction de cotisations patronales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces amendements, qui sont proches dans leur rédaction, le sont également par leur objet.

Sachant qu’il existe déjà une pénalité dont le montant peut atteindre 1 % de la masse salariale pour les entreprises d’au moins cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un tel accord, la commission n’a pas souhaité aggraver la sanction.

Elle a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1325.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1330.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1328, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article L. 741–16 du code rural et de la pêche maritime exonère les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles de cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient.

Nous souhaitons donc, d’une part, supprimer les exonérations des contrats de saisonniers qui justifient un contrat atypique et, d’autre part, toujours dans un souci de justice, faire contribuer les employeurs pour les travailleurs même occasionnels qu’ils emploient.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a estimé que cet amendement aurait davantage sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que dans le présent projet de loi. Il avait d’ailleurs été examiné et rejeté par l’Assemblée nationale dans le cadre du PLFSS.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1328.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 103
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 103 bis

Article 103 bis

L’article L. 1233-69 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le mot : « partie », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « affectent aux mesures de formation prévues à l’article L. 1233-65 une part des ressources destinées aux actions de professionnalisation et au compte personnel de formation, selon des modalités définies par décret. » ;

2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une entreprise a conclu un accord en application du premier alinéa de l’article L. 6331-10, elle reverse à l’organisme collecteur paritaire agréé tout ou partie de la contribution prévue au même premier alinéa afin de financer des mesures de formation prévues à l’article L. 1233-65. » – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 103 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 104 (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 103 bis

M. le président. L'amendement n° 1266 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 6322-7 du code du travail, après le mot : « différée », sont insérés les mots : « , après avis conforme du comité d’entreprise, ».

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement a pour objet de soumettre à l’avis du comité d’entreprise le report des demandes de congé individuel de formation formulées par les salariés. En l’état actuel de la rédaction de cet article, le report du CIF ne dépend que de la décision du chef d’entreprise. Afin de permettre au plus grand nombre de salariés d’accéder à la formation professionnelle, nous proposons que le report soit conditionné à la consultation et à l’approbation du comité d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le projet de loi ne porte pas sur la formation professionnelle, qui a fait l’objet d’une profonde réforme il y a un an. À cette occasion, les partenaires sociaux n’avaient pas souhaité modifier les règles d’accès au CIF. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la sénatrice, vous voulez soumettre à la validation par le comité d’entreprise le report des demandes d’ouverture d’un congé individuel de formation formulées par les salariés.

Le comité d’entreprise est déjà consulté pour avis dans le cas où l’employeur estime que l’absence d’un salarié sollicitant un CIF pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.

Par ailleurs, si les conditions d’accès du salarié au CIF, c'est-à-dire – je le rappelle – l’ancienneté et le délai de franchise, sont réunies, les textes prévoient que l’employeur peut non pas refuser le CIF, mais simplement le reporter de neuf mois au maximum.

Il ne paraît donc pas utile de prévoir une nouvelle consultation du comité d’entreprise. Je souligne le fait que, dans le projet de loi relatif au dialogue social que présentera dans quelques semaines mon collègue François Rebsamen, l’objectif est de recentrer les obligations de consultation sur les décisions stratégiques.

Si l’employeur avait pu bloquer totalement l’accès au CIF, j’aurais compris que l’on soumette sa décision à validation. Dans le système actuel, si les conditions sont remplies, le CIF est dans la plupart des cas accordé et, au pire, reporté au maximum de neuf mois. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. Madame Prunaud, l’amendement n° 1266 rectifié est-il maintenu ?

Mme Christine Prunaud. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1266 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1267 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 6322-7 du code du travail, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. En l’état actuel du droit, l’employeur peut s’opposer à ce que le salarié puisse bénéficier d’un congé individuel de formation si 2 % au moins de l’effectif de l’établissement est déjà en CIF. Ainsi, dans les entreprises de 200 salariés, seules quatre personnes peuvent simultanément bénéficier d’un CIF.

Or le congé individuel de formation est la faculté offerte au salarié de s’absenter de son poste de travail afin de lui permettre de suivre, sur son initiative et à titre individuel, des actions de formation. Dès lors, il peut constituer un atout dans le parcours professionnel du salarié, qui peut décider de suivre une formation lui permettant de prévoir, en amont et en dehors de toute situation d’urgence ou de crise, les évolutions de sa vie professionnelle.

Pour toutes ces raisons, nous proposons que le taux de 2 % soit porté à 5 %, afin de permettre à davantage de salariés d’accéder simultanément au CIF, sans pour autant déstabiliser l’organisation de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme tous les amendements portant sur le congé individuel de formation, l’avis est défavorable, pour les raisons précédemment exposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’accès au CIF ne peut pas être bloqué. Le seuil de 2 % est l’un des éléments qui permet de justifier le report d’un CIF, pour éviter que plus de 2 % de l’effectif soit en formation en même temps. Il s’agit d’une règle saine pour le bon fonctionnement de l’entreprise. Je m’oppose à ce que ce taux soit augmenté.

Par ailleurs, ce seuil a été défini dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, qui ne peut être modifié par voie d’amendement. Une renégociation de cet accord serait nécessaire si l’on voulait relever ce taux.

Pour ces deux raisons, je demande le retrait de l’amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 1267 rectifié est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Je maintiens cet amendement, que nous avions déjà déposé dans le cadre du débat sur l’ANI.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1267 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1265 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article L. 6322-27 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les périodes de stages sont intégralement prises en compte dans les durées d’ancienneté prises en compte pour l’ouverture du droit au congé individuel de formation. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Si, théoriquement, tous les salariés d’une entreprise peuvent bénéficier d’un congé individuel de formation, cette faculté est réduite par l’existence de délais d’ancienneté. En effet, le salarié qui souhaite bénéficier d’un CIF doit, pour ce faire, justifier d’une ancienneté de vingt-quatre mois consécutifs ou non en tant que salarié, dont douze mois dans l’entreprise, ou de trente-six mois dans les entreprises artisanales de moins de dix salariés. Il est expressément fait référence au salariat.

Or, avec la multiplication des stages en entreprise, on sait que de nombreux jeunes sont appelés à travailler dans les entreprises, parfois pendant une longue période, sans pour autant être considérés comme des salariés de celles-ci. Cette situation n’est pas acceptable, car elle retarde le droit à la formation des jeunes salariés recrutés. Aussi proposons-nous que les périodes de stages soient assimilées à des périodes d’activité salariée dans l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme tous les amendements portant sur le congé individuel de formation, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1265 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1269 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 123-4 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue, et qui souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d’une promotion sociale, ont un accès prioritaire à une formation diplômante ou qualifiante. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à créer un droit de priorité, dans l’accès à la formation, pour les salariés de notre pays qui ont arrêté leur formation initiale avant le premier cycle de l’enseignement supérieur ou qui n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue. Nous entendons ainsi permettre à ces personnes de bénéficier de la possibilité de reprendre des études en vue d’une promotion sociale, alors qu’elles sont déjà entrées dans la vie active et travaillent peut-être depuis plusieurs années.

Cette question de la promotion sociale est au cœur de notre conception de la formation professionnelle. Je rappelle que, en 2009, lors de l’examen du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, nous avions déjà défendu cet amendement, porté lui aussi à l’époque par nos collègues du groupe socialiste.

Depuis, la situation s’agissant de l’accès à la formation professionnelle des personnes les moins qualifiées n’a guère évolué et les personnes peu formées ou mal qualifiées ne constituent toujours pas les principaux bénéficiaires du système de formation.

Si un peu plus d’un titulaire de BTS ou de DUT sur cinq bénéficie d’une formation continue dans les trois ans qui suivent les études, le taux est de un sur quinze pour les non-diplômés et d’un peu plus de un sur dix pour les titulaires de CAP.

Par ailleurs, notre amendement s’inscrit dans la même logique que la disposition adoptée dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qui a inscrit, dans le code de l’éducation, le droit pour tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme de bénéficier d’une durée complémentaire de formation qualifiante. Cette période peut consister en un droit au retour à une formation initiale sous statut scolaire.

Notre amendement, s’il était adopté, permettrait d’assurer une réelle continuité de prise en charge des personnes les moins qualifiées et de donner une véritable effectivité à la notion de formation continue. Une étude du CEREQ, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, d’octobre dernier sur les freins à la formation vus par les salariés montre que « les freins à la formation des salariés […] les moins qualifiés et/ou les plus jeunes se heurtent plus souvent à des problèmes de coût auxquels s’ajoutent pour les ouvriers la non-maîtrise des prérequis et pour les employés un problème de conciliation entre vie familiale et formation continue ».

Les nouvelles dispositions adoptées dans la loi du 5 mars 2014, dont le compte personnel de formation, sont loin de lever toutes ces hypothèques ; je pense aux difficultés de conciliation entre la vie familiale et une formation continue. Quid, par exemple, de la prise en charge des frais liés à la formation des salariés sur l’organisation familiale ? Je pense aussi au coût parfois trop élevé des formations, notamment celles qui sont d’une durée longue. Le dépassement des 150 heures sera-t-il pratiqué autant que nécessaire ?

Notre amendement vise donc à lever les freins à la formation des salariés les moins qualifiés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La préoccupation exprimée dans cet amendement est satisfaite par la loi du 8 juillet 2013, qui a consacré l’existence d’un droit à la formation initiale différée à tout jeune sorti du système éducatif sans diplôme, notamment par le biais d’une durée complémentaire de formation qualifiante.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1269 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1334 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2323-34 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 2323-34.- Le comité d’entreprise émet chaque année, à l’occasion de deux réunions spécifiques, un avis sur l’exécution du plan de formation du personnel de l’entreprise de l’année précédente. Le projet de plan pour l’année à venir lui est soumis pour avis conforme.

« En cas de rejet par le comité d’entreprise, l’employeur dispose d’un délai d’un mois pour présenter un nouveau plan dans les mêmes conditions.

« Si le plan est de nouveau rejeté par le comité d’entreprise, il est tenu d’élaborer un document unilatéral qu’il soumet pour homologation à l’autorité administrative. Celle-ci dispose d’un délai d’un mois pour le valider. Le silence vaut refus de l’administration.

« Dans une telle situation, l’employeur encourt la sanction prévue dans le cas de délit d’entrave aux attributions du comité d’entreprise. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. La loi relative à la formation professionnelle a considérablement réduit la part de financement de la formation professionnelle des salariés par les entreprises. Il s’agit pourtant d’un enjeu de croissance essentiel auquel nous ne pouvons qu’être toutes et tous sensibles : enjeu de développement industriel, de productivité, de compétitivité, de capacité de développement de chaque entreprise. C'est également un enjeu pour la dynamisation et la sécurisation des parcours de professionnalisation des salariés, par l’élévation de leur niveau de qualification et de compétences. Ces enjeux indissociables doivent être promus en prenant en considération le fait que la formation est un intérêt partagé.

Il est utile de rappeler que les fonds collectés pour la formation professionnelle ne sont qu’une sorte de salaire socialisé, dont l’utilisation doit répondre en priorité aux besoins des salariés. À ce titre, ils doivent être gérés principalement par leurs représentants, et la formation professionnelle doit être l’objet d’un dialogue social renforcé non seulement dans l’entreprise, mais aussi dans les branches et dans les régions.

Le plan de formation de l’entreprise doit, lui, être décidé par la négociation, et sa mise en œuvre, pour l’ensemble des salariés de l’entreprise, contrôlée par le comité d’entreprise. Chaque année, lors de deux réunions spécifiques dont le calendrier est défini par accord collectif ou, à défaut, par décret, le comité d’entreprise est invité à émettre un avis sur l’exécution du plan de formation de l’année passée et celui de l’année en cours.

Un simple avis des représentants des salariés nous paraît inadapté aux enjeux que je viens de rappeler. Nous considérons qu’il est indispensable de faire évoluer cette procédure et de dépasser la simple consultation. C’est pourquoi nous proposons cet amendement, qui a pour objet de modifier l’article L. 2323-34 du code du travail, afin de renforcer les prérogatives des comités d’entreprise. Il s’agit de leur permettre de rendre un avis conforme sur le plan de formation pour l’année à venir et de s’opposer à un plan de formation qui serait manifestement insuffisant.

En cas de rejet par le comité d’entreprise, l’employeur disposera alors d’un délai d’un mois pour présenter un nouveau plan. En cas de nouveau rejet, l’employeur sera tenu d’élaborer un document unilatéral soumis pour homologation à l’autorité administrative. En cas de refus de validation par l’administration, l’employeur encourra la sanction prévue dans le cas de délit d’entrave aux attributions du comité d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a jugé que, en vertu du pouvoir de direction dont il dispose et de l’obligation qu’il a d’assurer l’accès de ses salariés à la formation professionnelle, le plan de formation est l’une des responsabilités majeures de l’employeur.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1334 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1335 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 6331-9 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6331-9. – Les entreprises employant au minimum dix salariés doivent consacrer au financement des actions de formation professionnelle au moins 2,5 % du montant des rémunérations versées pendant l’année en cours.

« Ce taux est porté à 4 % pour les entreprises de travail temporaires quelles que soient la nature et la date de la conclusion des contrats de mission.

« Les rémunérations sont entendues au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au chapitre II du titre II et au chapitre Ier du titre IV du livre VII du code rural et de la pêche maritime pour les employeurs des salariés mentionnés à l’article L. 722-20 du même code.

« Les modalités de versement de cette participation sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Un cinquième au moins de ce budget est consacré au financement d’un fonds d’assurance formation prévu à l’article L. 6332-7 du présent code.

« Deux cinquièmes au moins de ce budget sont consacrés au financement des actions de formation au bénéfice des travailleurs privés d’emploi, organisées dans des centres de formation conventionnés par l’État ou par les régions.

« Le solde du budget finance les actions prévues dans le plan de formation de l’entreprise au bénéfice de ses salariés. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour objet de modifier de manière importante la rédaction actuelle de l’article L. 6331-9 du code du travail. En effet, il tend à augmenter, de manière notable, mais toujours supportable par les entreprises, la part de financement que les petites entreprises consacrent à la formation professionnelle des salariés, ainsi que celle due par les entreprises d’intérim. En outre, il vise à préciser l’utilisation des ressources prévues dans cet article : un cinquième des sommes collectées sera dédié au fonds de formation des salariés, deux cinquièmes au financement des actions de formation des salariés privés d’emploi et le solde aux formations prévues dans le plan de formation de l’entreprise.

L’adoption de cet amendement permettrait de renforcer les financements à destination de la formation professionnelle, tout en permettant d’en orienter une partie, par la mutualisation et de manière solidaire, vers les salariés privés d’emploi, pour qui la formation professionnelle constitue un atout considérable pour renouer avec l’activité professionnelle.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus à la fin de notre série d’amendements tendant à insérer des articles additionnels. Notre concision sur ces amendements, que vous aurez tous notée, va de pair avec notre volonté de les défendre. Chacun de ces amendements était en effet porteur de propositions. Nous voulions qu’elles soient entendues, même si nous savions, bien évidemment, qu’elles ne seraient acceptées ni par la commission ni par le Gouvernement.

M. Jean-Claude Lenoir. Qui ne tente rien n’a rien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il y a un an à peine, nous avons procédé à une réforme structurelle des mécanismes de financement de la formation professionnelle en France et nous ne souhaitons pas remettre l’ouvrage sur le métier. La commission a donc émis un avis défavorable

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, madame Assassi, il était important que le groupe CRC présente ces amendements – je le remercie d’ailleurs de l’avoir fait de manière synthétique –, parce qu’ils portent sur des sujets majeurs pour la vie des salariés.

La loi du 5 mars 2014 vise à corriger les écarts dans l’accès à la formation à travers la mise en place de deux nouveaux droits effectifs à compter du 1er janvier 2015 : le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle. Elle met en place des mécanismes permettant d’accentuer l’effort de formation au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, notamment à travers la mobilisation du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

On peut considérer que cette loi ne va pas assez loin ; sans doute faudra-t-il la compléter au cours des années à venir, en particulier pour améliorer la formation des chômeurs. Reste qu’elle représente une amélioration de la formation professionnelle pour toutes et tous, notamment pour les chômeurs, et de la transparence des règles de financement.

Laissons à ce dispositif le temps de monter en charge. Il serait en outre plus pertinent de chercher à concentrer les financements sur les salariés les plus fragiles et les chômeurs, plutôt que d’accroître les contributions des employeurs. En effet, lorsque l’on fait la comparaison avec d’autres pays, on s’aperçoit que celles-ci sont déjà relativement élevées en France.

On peut rendre l’utilisation de l’argent versé plus transparente et plus efficace, mais, à ce stade, la volonté du Gouvernement est de s’en tenir à la réforme introduite par la loi du 5 mars 2014, même si cela ne doit pas exclure tout débat – vous le faites vivre à travers tous vos amendements. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 1335 rectifié est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1335 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 269 rectifié bis n'est pas soutenu.

En conséquence, le sous-amendement n° 1783 n’a plus d’objet.

L'amendement n° 1805, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis,

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle est destinée prioritairement aux personnes les plus éloignées de l’emploi. »

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement n° 269 rectifié bis, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1783, qui, sans en dénaturer le sens, améliorait son insertion dans l’article L. 6111-1 du code du travail. L’amendement n° 1805 vise à reprendre le texte de cet amendement, qui n’a pas été soutenu, et de ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Selon l’article L. 6111-1 du code du travail, l’objectif de la formation professionnelle tout au long de la vie consiste à « permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle ». Il s’agit d’un droit universel, propre à chaque actif et qui ne saurait être modulé en fonction de son statut ou de sa situation.

Il convient par ailleurs d’assurer le respect du principe d’égalité d’accès à la formation professionnelle ; or il existe des disparités fortes, comme cela avait été souligné au moment du débat sur la loi du 5 mars 2014. Ces disparités ont trait à la taille de l’entreprise, aux catégories socio-professionnelles – 56,5 % des ingénieurs et des cadres ont accès à la formation professionnelle, contre 32,4 % des ouvriers – et au statut, puisque le taux d’accès des demandeurs d’emploi à la formation professionnelle reste faible, même si leurs formations sont en moyenne plus longues. La loi de 2014 vise donc à corriger ces écarts par la création de nouveaux droits, que j’ai cités à l’instant – je n’y reviens donc pas. Elle met aussi en place des mécanismes de nature à accentuer l’effort de formation au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, à travers notamment la mobilisation du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

La concentration prioritaire des crédits de la formation professionnelle sur les personnes les plus éloignées de l’emploi est exactement au cœur de la loi du 5 mars 2014. Même si je reconnais que l’on pourrait sans doute faire mieux, l’amendement n° 1805 est donc satisfait. Je ne suis pas hostile à son esprit, mais, dans la mesure où il ne crée pas de droit supplémentaire, son adoption rendrait la loi bavarde, si vous me permettez cette expression. C’est pourquoi j’en demande le retrait.

M. le président. Madame la rapporteur, l’amendement n° 1805 est-il maintenu ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Compte tenu des explications de M. le ministre et pour ne pas surcharger la loi, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 1805 est retiré.

L'amendement n° 1804, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 103 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou à des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le motif économique se justifie au regard de la situation de l'entreprise ou, le cas échéant, de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. »

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à apporter des précisions à la définition du motif économique de licenciement, qui figure à l'article L. 1233-3 du code du travail.

Tout d’abord, il tend à inscrire dans la loi un motif de licenciement économique reconnu de longue date par la Cour de cassation, depuis son arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995 : la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. La jurisprudence, constante depuis lors, confirme le caractère réel et sérieux de licenciements prononcés dans le cadre d'une réorganisation rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, même en l'absence de difficultés économiques immédiates ou de mutations technologiques. Il s'agit ici, dans un souci de sécurité juridique, de mettre en conformité la définition du licenciement économique figurant dans le code du travail avec cette jurisprudence.

Ensuite, l’amendement vise à énoncer le périmètre d'appréciation par l'employeur, puis, en cas de litige, par le juge, du motif économique de licenciement, afin d'éviter que des interprétations restrictives ne limitent ce périmètre au niveau du secteur d'activité sans prendre en compte la situation de l'entreprise. Le motif économique peut donc reposer sur la situation du secteur d'activité, au niveau national ou international, mais il peut également résulter de la situation de l'entreprise elle-même.

Concernant la notion de « secteur d’activité » d’un groupe, le choix a été fait de ne pas en donner une définition figée dans la loi, car, en la matière, le législateur aura toujours un temps de retard sur l’activité économique. Est-ce pour autant une notion inconnue et nouvelle ? Non, puisque la Cour de cassation l’utilise depuis plus de vingt ans en s’appuyant notamment sur un faisceau d’indices ayant trait à la nature des produits, à la clientèle à laquelle s’adresse le groupe et aux modes de distribution auxquels il recourt. En cas de contentieux, une analyse au cas par cas est nécessaire ; elle est la seule qui soit à même de garantir à la fois le droit des salariés et la sécurité juridique des actes des employeurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Votre amendement vise à élever au niveau de la loi ce que la jurisprudence reconnaît depuis 1995. Je voudrais toutefois en réponse bien clarifier les termes du débat, car ils sont importants.

Premièrement, des licenciements économiques sont aujourd'hui reconnus par le juge dans le cas de difficultés économiques ou de mutations technologiques auxquelles une entreprise est confrontée. Depuis vingt ans, la jurisprudence considère en effet que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise peut fonder le caractère économique d’un licenciement. S’il faut être vigilant en la matière, la rédaction de cet amendement ne me semble pas poser de problème, dans la mesure où elle a les mêmes objectifs que la jurisprudence. Il faut en tout cas bien préciser que cet amendement ne vise pas autre chose que la retranscription explicite dans la loi de cette jurisprudence relative au motif légitime de licenciement économique. En tout état de cause, je précise que l’adoption de cet amendement n’apporterait pas de changement substantiel aux cas récents auxquels nous avons assisté – je pense par exemple à celui de Vallourec – puisqu’il s’agit de difficultés économiques déjà reconnues par la jurisprudence.

Deuxièmement, je vois dans cet amendement une articulation entre, d’une part, la définition du champ du licenciement économique et, d’autre part, le recours possible à l’accord de maintien dans l’emploi, ou AME, défensif. Ce dernier a été mis en place par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi et fera l’objet d’une discussion dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux pour en tirer tous les conséquences.

Il est donc primordial, s’agissant de cas de sauvegarde de la compétitivité des entreprises, de bien clarifier le cadre normatif – il me semble que vous le faites en élevant la jurisprudence au niveau de la loi – et de donner les moyens aux entreprises d’éviter autant que possible les PSE pour recourir plutôt à l’AME. L’intention du Gouvernement est de favoriser cette seconde voie, et je crois que ce texte permettra de le faire ; ma lecture de cet amendement est qu’il ne s’agit que d’une clarification et non d’un ajout.

Troisièmement, vous proposez d’apprécier le motif économique du licenciement au regard de la situation de l’entreprise ou, le cas échéant, du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Pour prévenir tout débat ultérieur sur l’application des critères ainsi énoncés, notamment concernant les groupes, je tiens à préciser un dernier point, pour que nous soyons certains d’avoir la même compréhension. Cet amendement précise, selon moi, que la réalité de la situation de l’entreprise ou du secteur d’activité concerné – qu’il soit national ou international – nécessitant des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise peut être constituée dès lors que l’entreprise elle-même le justifie ; la réalité de ces difficultés peut donc résulter d’une appréciation d’ensemble des deux situations. Ma compréhension, c’est que vous voulez éviter une situation dans laquelle une entreprise confrontée à des difficultés réelles mais dont le secteur se trouve dans une situation régionale favorable ne puisse pas faire qualifier d’économiques ses licenciements.

Ces précisions étant apportées – il s’agit d’une simple élévation de la jurisprudence au niveau de la loi et le Gouvernement souhaite favoriser les accords de maintien dans l’emploi –, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. M. le ministre vient d’évoquer la société Vallourec, qui s’est développée à l’origine notamment dans le Nord. Moi qui viens de cette région, je peux vous dire que ce genre de dispositif y est très souvent mis en œuvre. Dans ce territoire industriel, nous avons par exemple connu, avec le groupe PSA, l’accord de compétitivité pour le site de Sevelnord, pour lequel il a fallu batailler. Aujourd’hui, on constate que, pour cette usine, qu’on avait l’intention de fermer, la machine est repartie. Nous avons connu d’autres exemples de cette nature sur notre territoire, et il y en aura encore d’autres !

Pour ma part, je suis favorable à tout ce qui améliore la compétitivité. Je suis plutôt sensible aux arguments en faveur de la flexibilité, mais à condition que celle-ci soit mesurée, que lorsqu’une entreprise – nationale ou internationale – cherche à développer son activité, cela ne se fasse pas au détriment de l’emploi en France. Transposer cette jurisprudence dans la loi ne doit donc pas permettre aux entreprises de franchir trop rapidement un cran supplémentaire, même si un tel dispositif peut sembler être a priori la solution à une situation difficile. En prenant le temps de la réflexion, on se rend compte parfois que la négociation et la voie contractuelle peuvent mener à des solutions permettant de traverser une période difficile tout en conservant les emplois.

Vous comprendrez sans doute que, à ce stade j’ai des réserves sur cet amendement visant à préciser que le motif économique d’un licenciement peut se justifier au regard de la situation de l’entreprise ou de celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Concernant le cas de la société Vallourec, encore une fois, je pense qu’il faut envisager tous les moyens possibles, qu’il ne faut s’interdire aucune option.

Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Personnellement, je m’abstiendrai, parce que j’ai besoin d’avoir davantage de précisions ; j’estime ne pas disposer aujourd'hui de suffisamment de garanties sur les conséquences qu’aura la transcription de la jurisprudence dans la loi.

Mes chers collègues, j’en appelle à notre responsabilité collective. Qu’entraînera, demain, l’adoption d’un tel amendement ? Que changera-t-elle, concrètement, pour les entreprises industrielles ? En outre, comment pourrons-nous assurer à l’ensemble des salariés de notre pays que notre volonté de maintenir et de développer une entreprise, sur le plan national, sans pour autant négliger le plan international, de favoriser la flexibilité et la compétitivité ne conduira pas à privilégier systématiquement les licenciements, sans que les voies et moyens préalables aient été épuisés ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L’amendement de la commission spéciale vise à prendre en compte non seulement la situation propre de l’entreprise, mais aussi le « secteur d’activité » du groupe auquel l’entreprise appartient, alors que celui-ci, jusqu’à présent, n’était qu’un élément de contexte.

Dans son objet, l’amendement fait référence à l’arrêt Vidéocolor. Mes chers collègues, cet arrêt a été rendu le 5 avril 1995. C’était il y a vingt ans ! En vingt ans, le monde a changé et la mondialisation a fait son œuvre. Beaucoup d’entreprises qui sont encore sur le territoire national font désormais partie de grands groupes internationaux, qu’ils soient situés outre-Atlantique ou en Asie.

M. le ministre a apporté des précisions qui me semblent très utiles. Premièrement, il est ici question de « secteur d’activité » national ou international et non de « territoire ».

Mme Valérie Létard. Nous sommes d’accord !

Mme Nicole Bricq. Pour ce qui me concerne, j’aurais préféré que le mot « européen » figure dans la loi, mais je sais que c’est juridiquement impossible.

Deuxièmement, M. le ministre fait de cet amendement un miroir de l’accord de maintien dans l’emploi défensif. Nous avons évoqué, ce matin, la rencontre qui doit avoir lieu avec les organisations syndicales. Cette précision est très importante pour la compréhension du débat.

Troisièmement, M. le ministre est revenu sur la philosophie générale du plan de sauvegarde de l’emploi : celui-ci doit être évité chaque fois que possible, car prévenir est toujours mieux que guérir, surtout lorsque la guérison se passe mal. Cela me paraît également être la philosophie de cet amendement, qui n’est pas rédactionnel ni de précision – du reste, Mme la rapporteur n’en a pas parlé ainsi. Il importe que le législateur connaisse la portée de ce qu’il vote !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1804.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 103 bis.

Articles additionnels après l’article 103 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 104

Article 104

(Non modifié)

Les articles 98 à 103 sont applicables aux procédures de licenciement pour motif économique engagées, en application des articles L. 1233-8 ou L. 1233-30 du code du travail, après la publication de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 1780, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

après la publication

par les mots :

à la date d'entrée en vigueur

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 1780 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 512 est présenté par M. Lenoir.

L'amendement n° 741 rectifié est présenté par Mme Imbert et MM. D. Laurent, Milon, Morisset, Vasselle, Laufoaulu, Laménie, Lefèvre et Husson.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par les mots :

, ainsi qu’aux procédures pour lesquelles aucune décision définitive des juridictions compétentes n’est intervenue à la date de publication de la présente loi

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter l’amendement n° 512.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous le savons, un plan de sauvegarde de l’emploi peut être remis en cause du fait de l’annulation de la décision de validation ou d’homologation prise par l’autorité administrative. Cet amendement vise à lever cette insécurité juridique.

M. le président. L’amendement n° 741 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 512 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement revient à modifier les règles en cours de route.

Si la commission ne méconnaît pas les difficultés qu’a pu entraîner la réforme des PSE issue de la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, auxquelles le présent projet de loi apporte des réponses, elle a jugé que l’on ne pouvait pas remettre en cause la sécurité juridique des recours actuellement pendants devant le juge administratif.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, a renforcé son contrôle des lois de validation, en exigeant notamment un motif « impérieux » d’intérêt général, et non plus un motif « suffisant » d’intérêt général.

La commission a considéré que l’amendement ne présentait pas les garanties suffisantes pour éviter une censure du Conseil constitutionnel. Elle en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Lenoir, l'amendement n° 512 est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Lenoir. Non, monsieur le président ; je ne voudrais pas être tenu pour responsable du retard dans l’examen du texte et puis, surtout, je devine le bonheur qui sera le vôtre, monsieur le ministre, de m’entendre dire que je retire l’amendement. (M. le ministre s’esclaffe.)

M. le président. L'amendement n° 512 est retiré.

Je mets aux voix l'article 104.

(L'article 104 est adopté.)

Article 104 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 105 A (supprimé)

Articles additionnels après l’article 104

M. le président. L'amendement n° 1338, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du code du travail, il est rétabli un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Utilité sociale et collective des entreprises

« Art. L. 1A. – L’activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu’elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien-être des producteurs, la sécurité de l’emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l’environnement. Les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts qui priment toute autre considération. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à rééquilibrer, dans la loi, les principes fondamentaux que sont la liberté d’entreprendre et le droit pour chacun d’obtenir un emploi, en précisant les finalités de l’activité économique.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel vise à l’équilibre entre deux principes antagonistes ayant la même valeur juridique : la liberté d’entreprendre et le droit à l’emploi. En l’occurrence, ces deux principes ont valeur constitutionnelle, et toutes les normes inférieures doivent s’y conformer. Or, paradoxalement, si une seule clause du bloc de constitutionnalité consacre indirectement la liberté d’entreprendre, plusieurs dispositions protègent et constitutionnalisent nos droits sociaux, au point que l’on peut évoquer un véritable droit constitutionnel social. C’est pourquoi nous pensons que le législateur doit apporter une précision sur l’utilité sociale et collective des entreprises.

Dans ces conditions, il ne serait pas incongru de prévoir, à l’article 1er du code du travail, que l’activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu’elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien-être des producteurs, la sécurité de l’emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l’environnement et que les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts, qui priment sur toute autre considération.

Nous pensons que ce débat n’est pas seulement de nature constitutionnelle et que cette précision est bienvenue, voire indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement, dont la rédaction est finalement assez proche de celle retenue à l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014, qui définit l’économie sociale et solidaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1338.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 627 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour la préparation directe d’une épreuve, un étudiant justifiant d’une inscription valide et en cours au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur, a droit à un congé supplémentaire de cinq jours ouvrables par tranche de soixante jours ouvrables travaillés prévus par son contrat de travail.

Ce congé donne droit au maintien de son salaire. Il est situé dans le mois qui précède les épreuves. Il s’ajoute au congé payé prévu à l’article L. 3141-1 du code du travail et s’il y a lieu, au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans prévu à l’article L. 3164-9 du même code.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à accorder un « crédit congé formation » de cinq jours ouvrables par semestre universitaire aux étudiants salariés justifiant d’une inscription en cours valide au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur. Ce congé, pouvant être pris dans le mois précédant les épreuves et donnant droit au maintien du salaire, s’ajouterait aux congés payés et au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans.

Dans son enquête triennale publiée dernièrement, l’Observatoire de la vie étudiante affirme que 25 % des étudiants se déclarent en difficulté financière. C’est ce qui pousse 46 % d’entre eux à exercer une activité rémunérée pendant leur année universitaire. Parmi ceux-ci, la moitié déclarent que cette activité leur est « indispensable pour vivre » – et donc pour étudier – et 19 % qualifient cette activité de « concurrente » ou de « très concurrente » à leurs études. Les étudiants les plus concernés par les activités rémunérées concurrentes à la réussite de leurs études ne perçoivent souvent pas de bourses sur critères sociaux ou en touchent une d’un montant peu élevé, sans avoir les moyens financiers d’éviter le salariat.

Dans certains cas, les régimes spéciaux d’études à destination des étudiants salariés leur permettent d’aménager leur temps d’étude et de choisir prioritairement la répartition horaire de leurs enseignements. Malheureusement, cette possibilité n’est pas généralisée. Il n’existe donc aucune disposition permettant à un étudiant de faire valoir un droit à la préparation de ses examens, ce qui frappe l’étudiant d’une double peine : devoir travailler pour financer ses études et n’avoir aucun moyen de combiner ces deux emplois du temps différents, particulièrement pendant les périodes d’examens.

Cependant, les étudiants en alternance bénéficient de l’article L. 6222-35 du code du travail, lequel instaure un congé de cinq jours pour permettre la préparation des examens. Cette disposition répond à la nécessité de laisser un temps suffisant aux étudiants pour réviser, en vue de leur examen. Le présent amendement vise à étendre ce droit à tous les étudiants en mesure de justifier d’une inscription effective à une formation d’enseignement supérieur et d’un contrat de travail. Cette proposition permettra ainsi d’améliorer concrètement la réussite des étudiants qui sont contraints d’être salariés pour étudier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est vrai qu’un nombre croissant d’étudiants travaillent pendant leurs études, souvent pour payer leur loyer et les dépenses de la vie courante, lorsqu’ils ne peuvent bénéficier d’aucune forme de solidarité familiale, même si rares sont ceux qui travaillent à temps plein. La situation de ces étudiants n’est pas tout à fait comparable à celle des apprentis, qui sont en alternance à temps plein dans l’entreprise, puis en formation en centre de formation d’apprentis, ou CFA.

La commission avait jugé important de connaître la position du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre du travail sur cette question. N’ayant pas obtenu de réponse, elle a émis un avis défavorable sur l’amendement. Reste que nous allons maintenant pouvoir entendre le Gouvernement sur ce point !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Gillot, vous proposez de créer un nouveau congé, d’une durée de cinq jours par semestre universitaire, pour permettre aux étudiants salariés de se rendre à leurs examens. L’objet de votre amendement est en cohérence avec ce que nous avons pu faire par ailleurs. C’est pourquoi j’y suis favorable, même si nous devrons évidemment préciser les modalités de ce congé d’ici à la fin de l’examen du projet de loi par le Parlement. Il faut permettre aux étudiants salariés de préparer au mieux leurs épreuves universitaires.

Comme le Président de la République l’a rappelé mercredi dernier dans un discours consacré à la jeunesse, l’université doit être « la condition de notre réussite collective ». Il faut plus d’étudiants mieux orientés, mieux formés, et il doit y avoir, pour ces étudiants, les conditions pour réussir leurs études – les bourses, les conditions de travail, de logement, la prime d’activité… Comme l’a également déclaré le chef de l’État, tout cela permettra aux jeunes de France de pouvoir accéder davantage qu’aujourd'hui à des études de qualité et à l’autonomie.

Dans ce contexte, je considère que votre amendement apporte une pierre à l’édifice. Je répète qu’il faut encore en clarifier les modalités et en améliorer la rédaction. En tout état de cause, son adoption serait importante et cohérente avec les efforts entrepris aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, même si l’on ne peut pas assimiler un étudiant qui travaille à un étudiant en alternance. Dans ce dernier cas, l’entreprise sait au moment de la signature du contrat qu’elle devra lui donner des journées de congé pour lui permettre de préparer ses examens.

Cela étant, le droit au maintien du salaire me gêne. Autant je pense qu’il est important que l’étudiant ait droit à ces cinq jours de congé, autant je crains que le droit au maintien du salaire pendant ces cinq jours ne conduise les entreprises à embaucher moins d’étudiants. Gardons-nous, une fois de plus, de vouloir trop bien faire !

Dans ces conditions, ma chère collègue, je m’abstiendrai sur votre amendement, à moins que vous ne supprimiez le droit au maintien du salaire. La commission mixte paritaire pourra encore faire évoluer la rédaction si nous l’adoptons aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux qu’être favorable à cet amendement, qui apportera un peu plus de confort aux étudiants qui travaillent… y compris le dimanche !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Les arguments de Mme Procaccia sont justes : l’adoption de cet amendement risquerait de pénaliser certains étudiants. Comme nous tenons beaucoup à ce dispositif, Mme Gillot sera sans doute d’accord pour procéder à la rectification suggérée par notre collègue.

Vous aurez remarqué que je n’ai pas l’habitude de défendre des positions extrêmes. J’ai mes convictions, mais je pense qu’il vaut mieux avancer d’un petit pas que de ne pas avancer du tout. En outre, au regard de l’application de la règle de l’entonnoir – souvent évoquée par la commission – par le Conseil constitutionnel, il est important d’adopter cette disposition, quitte à en améliorer l’assise juridique par la suite.

M. le président. Madame Gillot, que décidez-vous ?

Mme Dominique Gillot. Je remercie Mme Procaccia d’avoir suggéré cette rectification à laquelle je souscris tout à fait.

Cette proposition fait son chemin depuis déjà quelques mois. Nous avons travaillé avec les organisations étudiantes, ainsi qu’avec certaines filières professionnelles qui embauchent des étudiants. Ces dernières ont fait un pas pour améliorer les conditions d’études de leurs salariés. Certaines vont même jusqu’à l’annualisation et accordent aux salariés étudiants, dans le contrat de travail, des congés rémunérés pour la préparation de leurs examens.

Comme l’ont dit M. le ministre et Mme Bricq, nous pourrons mettre à profit le temps de la navette pour parvenir au bon équilibre et améliorer la qualité de vie et les chances de réussite des étudiants obligés d’exercer une activité salariée pour financer leurs études. Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement d’un handicap : si l’emploi est en rapport avec les études poursuivies, ce peut être un stimulant intéressant. Il s’agit surtout d’éviter que les emplois salariés ne concurrencent ces mêmes études.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 627 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour la préparation directe d’une épreuve, un étudiant justifiant d’une inscription valide et en cours au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur, a droit à un congé supplémentaire de cinq jours ouvrables par tranche de soixante jours ouvrables travaillés prévus par son contrat de travail.

Ce congé est situé dans le mois qui précède les épreuves. Il s’ajoute au congé payé prévu à l’article L. 3141-1 du code du travail et s’il y a lieu, au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans prévu à l’article L. 3164-9 du même code.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Dans ces conditions, la commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 627 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 104.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 554 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 124-5 du code de l’éducation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour les stages ou périodes de formation en milieu professionnel effectués au cours d’une année de césure, cette durée ne peut excéder douze mois.

« Une année de césure est une période de douze mois d’interruption accordée par l’établissement à l’usager au cours d’un cycle licence ou master sur la base d’un projet pédagogique. L’année de césure ne peut être effectuée en fin de cursus. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Nous avons adopté voilà peu une proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires dans laquelle figurent beaucoup de mesures déclaratives et de bonnes intentions, mais qui ne correspond pas à la réalité du terrain.

Un certain nombre des amendements que je vais présenter avaient déjà été défendus soit dans le cadre de cette proposition de loi, soit dans celui de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR », ou s’inspirent de la loi Cherpion. L’objectif est de faciliter la vie des étudiants.

Cet amendement, qui vise à introduire une exception à l’année de césure, étant précisé que cette dernière ne pourra excéder douze mois, et les suivants ont été rédigés bien avant qu’interviennent un certain nombre de déclarations. Je ne songe pas, cette fois, à la commission Combrexelle, mais au Président de la République, qui a déclaré, mercredi ou jeudi dernier, être favorable aux années de césure. J’en suis heureuse : lors du débat sur la loi ESR, le rapporteur Jean-Pierre Godefroy et moi-même estimions que la vision par trop catégorique de l’année de césure allait beaucoup gêner les étudiants qui souhaitaient en bénéficier.

M. le président. Le sous-amendement n° 1785, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 554 rectifié ter

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

ou périodes de formation en milieu professionnel

II. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

accordée par l’établissement à l’usager au cours d’un cycle licence ou master

par les mots :

d’un cursus accordée par l’établissement d’enseignement à un étudiant au cours du premier ou du deuxième cycle de l’enseignement supérieur

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ce sous-amendement tend à apporter plusieurs modifications d’ordre rédactionnel à l’amendement que vient de présenter notre collègue Catherine Procaccia, auquel la commission est très favorable.

Il ne s’agit pas d’une modification de fond, mais de supprimer la référence aux périodes de formation en milieu professionnel, qui ne concernent que les lycées et pas l’enseignement supérieur, et de préciser la rédaction de la définition de l’année de césure. La conférence des grandes écoles, que nous avons reçue, a confirmé l’importance que revêt cette année de césure, laquelle ne pourra dépasser douze mois.

La durée maximale de stage de six mois, inscrite dans la loi, est particulièrement rigide – nous aurons la même discussion tout à l'heure à propos des stages de fin de master. C’est pourquoi nous souhaitons l’étendre à douze mois. La limite actuelle pénalise pour l’essentiel les étudiants de nos grandes écoles, mais aussi ceux de nos universités.

On voit l’importance de l’année de césure dans d’autres pays ; elle fait partie intégrante de la formation et participe du développement professionnel et estudiantin des jeunes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis 2011, la durée des stages effectués dans le même organisme d’accueil ne peut excéder six mois par année d’enseignement. La loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires a renvoyé à un décret la liste des formations pour lesquelles il peut être dérogé à cette durée pour une période de transition de deux ans. Le décret du 27 novembre 2014 a ainsi prévu une mesure dérogatoire pour les formations diplômantes de niveau master en cas d’interruption temporaire de la formation.

Vous proposez de revenir sur cet édifice pour traiter le cas particulier des grandes écoles d’ingénieur. Or le dispositif que j’ai évoqué fait l’objet d’un consensus de la part des partenaires sociaux et de nombre de représentants d’étudiants. En outre, certaines grandes écoles de commerce ainsi que les Instituts d’études politiques n’utilisent pas la formule du stage, mais celle du contrat d’apprentissage.

Les écoles d’ingénieurs seraient bien inspirées de suivre cet exemple. Rouvrir la question des stages nous conduirait à des débats sans fin sur la nature du stage, la validation du stage, le stage déguisé… Il s’agit d’un sujet à forte sensibilité politique – pour de bonnes raisons –, alors que le contrat d’apprentissage répond parfaitement à la problématique de l’année de césure.

À la lumière de ces explications, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 554 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Un apprentissage et un stage sont différents. Leur statut juridique et les rémunérations ne sont pas les mêmes.

En 2009, j’ai présidé la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. C’est sur l’initiative du Sénat qu’a été introduite la rémunération obligatoire des stages de plus de deux mois. Depuis, j’ai toujours défendu les stagiaires. Or défendre les stagiaires, c’est aussi défendre le droit des étudiants à avoir un stage.

Les présidents d’université ont refusé d’établir des conventions de stage tant que le décret en question n’était pas pris. Résultat : près de 500 stages ont été annulés par les entreprises ! Cette situation n’est pas satisfaisante. C'est la raison pour laquelle nous préférons réintroduire ce dispositif dans la loi.

Par ailleurs, quid des étudiants qui voudraient d’eux-mêmes, en cours de scolarité, profiter d’une année de césure qui ne serait pas prévue dans le cursus scolaire ? Ils ne pourraient en bénéficier.

Je vous ai suivi à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, mais cette fois, je ne le ferai pas.

M. le président. L'amendement n° 552 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

A. - Après l'article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 124-5 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il peut être dérogé à cette règle, dans des conditions fixées par décret, au bénéfice des stagiaires qui interrompent momentanément leur formation afin d'exercer des activités visant exclusivement l'acquisition de compétences en liaison avec cette formation, ainsi que dans le cas des stages qui sont prévus dans le cadre d'un cursus pluriannuel de l'enseignement supérieur, ou encore compte tenu des spécificités des professions auxquelles destine la formation. »

II. - Le VI de l'article 1er de la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires est abrogé.

B. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section ...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement tend à revoir les cas de dérogations possibles à la durée maximale de six mois de stage qui seront précisés par décret. Il s’agit en fait de rétablir la rédaction de la loi Cherpion de 2011.

M. le président. L'amendement n° 553 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au VI de l’article 1er de la loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Le délai de deux ans pour permettre aux établissements d’ajuster les maquettes de formation nous paraît un peu court. C'est la raison pour laquelle nous proposons de l’étendre à trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 552 rectifié propose de revenir à la rédaction de la loi Cherpion de 2011, préférée à celle de la loi du 10 juillet 2014. Or le décret auquel renvoyait la loi Cherpion pour la fixation des conditions de dérogation à la durée de six mois n’a jamais été pris.

Cet amendement devrait être satisfait par l’adoption de l’amendement n° 232 rectifié, lequel sera présenté dans quelques instants. Dans ces conditions, madame Procaccia, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

La commission étant favorable à l’amendement n° 554 rectifié ter, qui tend à proposer une définition juridique de l’année de césure et à reconnaître une dérogation permanente au plafond de six mois par stage, et à l’amendement n° 232 rectifié, l’amendement n° 553 rectifié me semble avoir perdu sa raison d’être. C'est la raison pour laquelle je vous demande également de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Par cohérence, le Gouvernement est défavorable à ces amendements

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur l’amendement n° 554 rectifié ter.

Mme Dominique Gillot. Je partage l’avis de Mme Procaccia, et je voterai l’amendement n° 554 rectifié ter.

En pratique, il semble que la loi a mis en place un cadre rigide qui sape la confiance des établissements d’enseignement supérieur. Je parle d’« établissements d’enseignement supérieur » à dessein, car je ne crois pas que seules les grandes écoles soient gênées. Les universités, qui avancent dans la formation professionnelle, les contrats d’apprentissage et l’alternance sont également soumises à cette pression. Tout ce qui permettra d’assouplir le dispositif tout en garantissant que stage et apprentissage ou stage et emploi déguisé ne seront pas confondus favorisera le parcours préprofessionnel des étudiants.

Par contre, je pense que les établissements n’ont pas besoin d’une année supplémentaire pour se mettre en ordre de marche. Les choses ont déjà bien avancé, raison pour laquelle je ne voterai pas l’amendement n° 553 rectifié.

M. le président. Madame Procaccia, les amendements nos 552 rectifié et 553 rectifié sont-ils maintenus ?

Mme Catherine Procaccia. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 552 rectifié et 553 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 1785.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 554 rectifié ter, modifié

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 104.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je demande que les amendements nos 232 rectifié et 904 rectifié quater soient examinés par priorité.

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Adnot, Karoutchi, Doligé, Bizet, P. Leroy, Laménie, Türk et Falco, est ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 124-5 du code de l’éducation est complété par les mots : « et un an par année d'enseignement pour ceux effectués par les étudiants préparant des diplômes de grade de master ».

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Pour ne pas perdre de temps, je dirai simplement qu’il est défendu. Il sera, j’en suis certain, soutenu par la commission comme par le Gouvernement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 904 rectifié quater n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 232 rectifié ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La conférence des grandes écoles nous a expliqué que les étudiants de master rencontraient parfois des difficultés à mener à bien leur travail en entreprise en six mois. Ils ont souvent besoin de deux ou trois mois supplémentaires, plus rarement d’un an, mais cette possibilité leur sera offerte. Notre objectif est que les étudiants sortent de leur cursus universitaire avec les meilleures armes.

La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Par cohérence, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Roger Karoutchi. Moins je parle, mieux mes amendements passent ! (Sourires.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 104.

L'amendement n° 1264 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 8221-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Soit de pratiquer un recours abusif aux stages mentionnés à la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement vise à définir l’abus de stage par une entreprise comme du travail illégal.

Nous proposons de réunir au sein de la notion de « recours abusif » l’ensemble des comportements qui sont aujourd’hui d’ores et déjà considérés comme des abus par la jurisprudence : recourir à un stage sur un vrai poste de travail, prévoir un stage d’une durée excessive, ne pas offrir de gratification au stagiaire, avoir recours à un nombre de stagiaires trop important par rapport à l’effectif de l’entreprise ou encore offrir un stage sans lien avec la formation par ailleurs suivie par l’étudiant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La loi du 10 juillet 2014 a donné compétence aux inspecteurs du travail pour constater les infractions à la législation relative aux stages, notamment pour vérifier qu’aucune convention de stage n’a été conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent. Considérant qu’il n’était pas nécessaire d’aller plus loin, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1264 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1264 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1263 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 611-… ainsi rédigé :

« Art. L. 611-… - Aucune formation de l’enseignement supérieur ne peut prévoir une durée de stage supérieure à la durée de formation délivrée par l’établissement évaluée en semaines. »

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement tend à encadrer les abus constatés concernant la pratique de certains diplômes universitaires d’insertion professionnelle au sein des universités ou de certains organismes de formation privés qui délivrent des conventions de stage sans que ce stage soit accompagné d’un réel support de formation au sein de l’établissement.

Il convient d’interdire le conventionnement de stage dès lors que la durée prévue du ou des stages serait supérieure à la durée totale de la formation délivrée par l’université ou l’organisme de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La loi du 10 juillet 2014 a également rendu obligatoire un volume pédagogique minimal et significatif de cours en accompagnement de tout stage. Elle devrait donc faire grandement diminuer la possibilité, pour les établissements d’enseignement, de créer des diplômes au contenu pédagogique nul visant simplement à délivrer des conventions de stage. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1263 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1263 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 557 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

A. – Après l'article 104,

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le troisième alinéa de l'article L. 124-6 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le montant de la gratification versée par l’organisme d’accueil dépasse le montant fixé en vertu du premier alinéa du présent article, la gratification versée est exonérée des cotisations patronales de sécurité sociale. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section ...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Il est souvent fait mention, avec raison, des problèmes financiers rencontrés par les étudiants. Or les stagiaires sont le plus souvent rémunérés au montant minimum, montant que le Sénat a d’ailleurs contribué à augmenter.

Certaines entreprises, compte tenu de la durée du stage ou de la compétence des stagiaires, pourraient pourtant envisager de proposer une meilleure rémunération. Cet amendement vise à les inciter à le faire en supprimant le coût supplémentaire qu’entraînerait une telle décision. Il me semble qu’un amendement similaire avait été adopté de concert avec nos collègues socialistes lors de l’examen de la loi de 2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Si elle comprend l’intérêt d’une telle exonération pour favoriser les stages, la commission s’est fixée comme ligne de conduite la responsabilité budgétaire. Certains de nos collègues, parmi lesquels M. Karoutchi (M. Karoutchi fait un signe de regret.), ont déjà pu le constater à leurs dépens.

Nous préférons que les amendements de ce type soient examinés dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est pourquoi nous en demandons le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 557 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 557 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 555 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier, Cazeau et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 124-8 du code de l’éducation, après le mot : « fixé », sont insérés les mots : « par accord de branche ou, à défaut, ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. La loi fixe un plafond au nombre de stagiaires par entreprise. Ce nombre ne saurait pourtant être identique pour une grande société, pour une PME, voire pour une TPE. En outre, une start-up accueille beaucoup plus de stagiaires qu’une grande entreprise.

Au lieu de fixer un nombre rigide, fruit d’une approche idéologique, cet amendement vise à privilégier le dialogue social en laissant aux accords de branche le soin de se prononcer sur les capacités d’accueil d’un secteur économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission a émis un avis favorable. Il lui paraît en effet opportun d’autoriser les branches à fixer leur propre quota de stagiaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 555 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 104.

L'amendement n° 556 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 124-10 du code de l’éducation, les mots : « décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « accord de branche ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à ce que le nombre maximum de stagiaires suivis par un même tuteur soit déterminé par un accord de branche plutôt que par un décret en Conseil d’État. L’encadrement d’un stagiaire dépend en effet du type de travail, du type de stagiaire et du type d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Comme le quota de stagiaires par entreprise, le quota de stagiaires par tuteur issu de la loi du 10 juillet 2014 devait être déterminé par un décret, qui est toujours attendu.

Toutefois, il existe des limites au nombre de stagiaires qu’une personne peut encadrer et accompagner dans des conditions garantissant le succès pédagogique et professionnel du stage. Peu importe le secteur d’activité ou le métier concerné, nul ne peut transmettre ses connaissances à un trop grand nombre de stagiaires simultanément, sauf à n’exercer aucune autre activité professionnelle. C’est pourquoi introduire une différenciation par branche sans conserver le recours subsidiaire au décret est susceptible de poser des difficultés. La commission demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Faire référence à un accord de branche plutôt qu’à un décret, dont on n’a effectivement toujours pas trouvé la trace, c’est peut-être pousser votre avantage un peu loin, ma chère collègue ! Dans certaines branches – cela concerne votre amendement précédent – comme les services, la publicité ou l’informatique, les stages sont renouvelés et multipliés.

Avec cet amendement, on change de secteur, mais je ne comprends pas la position de la commission : elle était favorable au précédent et elle est défavorable à celui-ci. Pour ma part, je suis défavorable aux deux : c’est simple, rigoureux et cohérent, dans la mesure où il s’agit du même sujet !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Non, pas tout à fait !

M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 556 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 556 rectifié est retiré.

L'amendement n° 558 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

I. – Après l'article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 124-14 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « à l'organisation du temps de travail » ;

2° Les 1°, 2° et 3° sont abrogés.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section ...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement concerne le temps de présence dans l’entreprise.

Il me semble préférable de renvoyer à la convention de stage la fixation des horaires, parce qu’elle est le fruit d’un accord tripartite et prend donc en considération la situation du stagiaire comme celle de l’entreprise. C’est par cet accord, et non par un statut rigide qui ne tiendrait pas compte des préoccupations respectives du stagiaire et de l’entreprise, que le temps de travail doit être fixé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Depuis la loi du 10 juillet 2014, l’article L. 124-14 du code de l’éducation dispose que le stagiaire est soumis aux mêmes règles que les salariés de l’organisme d’accueil en matière de durées maximales quotidienne et hebdomadaire de présence, de présence de nuit, de repos quotidien, de repos hebdomadaire et de jours fériés.

Cet amendement, dans son objet, précise vouloir « renvoyer à la convention de stage la fixation de ces horaires ». Toutefois, son dispositif confirme que ce sont les règles relatives à l’organisation du temps de travail des salariés de l’organisme d’accueil qui doivent s’appliquer aux stagiaires, ce qui étend le champ des dispositions existantes. Ce seront bien ces règles qui s’appliqueront, et non celles de la convention de stage.

La commission ne saisit donc pas l’articulation entre le droit existant et la modification proposée. Dans cette incertitude, elle demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 558 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Puisqu’il n’est pas clair, je le retire. J’entendais simplement préciser que le temps de travail en vigueur dans l’entreprise peut être trop élevé pour un stagiaire, qui est là pour apprendre, et non pour travailler comme un salarié.

M. le président. L'amendement n° 558 rectifié est retiré.

L'amendement n° 559 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Milon, Forissier et Longuet, Mme Cayeux et MM. Savary, Cambon et J. Gautier, est ainsi libellé :

A. – Après l’article 104

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 2° du I de l’article 1609 quinvicies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les jeunes de moins de vingt-six ans effectuant un stage en entreprise tel que défini à l’article L. 124-1 du code de l’éducation et qui sont, à l’issue de leur stage, embauchés en contrat à durée indéterminée par cette même entreprise. »

II. – La perte de recettes résultant, pour les centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage, du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Section ...

Dispositions tendant au développement des stages

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. L'article 1609 quinvicies du code général des impôts institue une contribution supplémentaire à l'apprentissage au profit du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage. Cette contribution est due par les entreprises de 250 salariés et plus, dont le nombre annuel moyen de salariés en contrat de professionnalisation ou d'apprentissage est inférieur à un seuil de 4 %.

Le présent amendement vise à favoriser la formation et l'embauche de jeunes en prenant en considération la situation des entreprises contraintes de verser la contribution supplémentaire à l’apprentissage parce qu’elles ne trouvent pas d’apprentis en raison de l’absence de filières de formation en alternance dans leur secteur d’activité. Il tend donc à permettre aux entreprises qui embauchent des stagiaires à l'issue de leur stage de les compter dans le calcul du quota de 4 % d’apprentis ouvrant droit à l'exemption de contribution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Lors de l’examen de la loi de 2014, notre groupe s’était montré favorable à une telle prise en compte. La commission spéciale, pour sa part, n’est pas convaincue que l’on puisse assimiler un stagiaire, c’est-à-dire un étudiant de l’enseignement supérieur poursuivant une première expérience professionnelle dans le cadre de la préparation de son diplôme, à un jeune apprenti qui suit une voie de formation professionnelle initiale par alternance et apprend ainsi un métier.

Par ailleurs, plusieurs questions se posent : combien de temps le stagiaire embauché en CDI serait-il pris en compte parmi les alternants ? Durant l’année suivant son embauche ? Pendant deux ans ?

Enfin, l’adoption de cet amendement aurait un impact budgétaire sur le financement des CFA. En effet, depuis l’an dernier, le produit de la contribution supplémentaire à l'apprentissage n’est plus versé à l’État, mais directement à des CFA par l’entreprise insuffisamment impliquée dans le développement de l’alternance.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement. À titre personnel, je le voterai.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. À la lecture de nos débats, on pourrait croire que nous ne procédons qu’à des ajustements techniques, que le dispositif fonctionne bien et qu’un jeune qui veut effectuer un stage dans le cadre de sa formation ne rencontre aucune difficulté. Or nous connaissons malheureusement beaucoup de cas où des jeunes que leur formation, notamment en BTS ou en bac professionnel, oblige à effectuer un stage ne trouvent pas d’entreprise pour les accueillir. Leur cursus de formation tout entier est compromis quand ils peinent à obtenir la conclusion d’une convention de stage.

Il est important de le souligner, sinon nos débats risquent d’être incompréhensibles pour quelqu’un d’extérieur, en particulier un jeune qui pourrait se dire : finalement, pourquoi est-ce que je ne trouve pas de stage ?

Cela étant, le problème est plus général, j’en conviens, et ce n’est pas maintenant que nous allons le régler. Je pense néanmoins qu’il va falloir se pencher sur le sujet, car il se présente à chaque rentrée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise des secteurs très ciblés : le conseil et l’audit. Or leurs conventions collectives sont celles qui sont le moins favorable aux salariés. Cela obère quand même la volonté de Mme Procaccia de favoriser les stages !

Ces entreprises seraient mieux inspirées d’organiser des formations en alternance de qualité en partenariat avec les régions. Ce serait le meilleur moyen de développer ces secteurs et d’avoir un personnel compétent. Je doute en tout cas que le recours aux stages améliore la situation.

Pour toutes ces raisons, je suis opposée à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 559 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 104.

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Articles additionnels après l’article 104
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 105 A

Article 105 A

(Supprimé)

Article 105 A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 105

Articles additionnels après l’article 105 A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 827 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, Karam, S. Larcher, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :

Après l’article 105 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le sixième alinéa de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « et du territoire des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « des départements d’outre-mer, de Mayotte, » sont supprimés ;

3° À la dernière phrase, après le mot : « métropolitain », sont insérés les mots : « du territoire des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ».

La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Cet amendement a pour objet, dans une logique comparable à l’article L. 711-22 du code monétaire et financier créé par l’article 16 de la loi relative à la régulation économique outre-mer, d’imposer des tarifs postaux équivalents pour le transport de colis compris entre deux et vingt kilos dans les départements régis par l’article 73 de la Constitution et le territoire hexagonal.

Une telle mesure a pour vocation de permettre, dans une logique de continuité territoriale, aux entreprises des départements d’outre-mer d’exporter plus facilement vers le territoire hexagonal et d’importer à moindre frais leurs intrants ainsi que de faciliter les échanges entre personnes physiques sur le territoire français.

M. le président. L'amendement n° 1339 rectifié, présenté par M. Vergès, Mme Assassi, M. Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 105 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « des départements d’outre-mer, de Mayotte » sont supprimés.

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2016.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Cet amendement, dont le premier signataire est M. Vergès, vise à réduire la discrimination dont souffrent aujourd’hui les populations d’outre-mer quant à l’accès au service postal universel.

Aux termes de la loi, « le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

Or le principe d’égalité est balayé à l’alinéa 6 de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques. Alors que les envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain, cet alinéa cautionne les inégalités vis-à-vis des outre-mer. Ainsi, « le tarif appliqué aux envois de correspondance à l’unité en provenance et à destination des départements d’outre-mer, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises est celui en vigueur sur le territoire métropolitain lorsque ces envois relèvent de la première tranche de poids. Il en va de même des envois de correspondance à l’unité relevant de la première tranche de poids en provenance du territoire métropolitain ou des collectivités précédemment mentionnées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ».

Concrètement, à destination de l’outre-mer, les prix sont les mêmes qu’en France métropolitaine pour les lettres de moins de vingt grammes, mais il en revient beaucoup plus cher au-dessus de ce seuil. La Poste désigne ce surcoût du nom de « complément d’affranchissement aérien ».

Le fait d’utiliser l’avion pour transporter un courrier de la métropole vers les outre-mer et réciproquement représente-t-il un surcoût pour La Poste ? On peut en douter à la lecture de l’avis n° 2012-0206 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes : « S’agissant de l’offre outre-mer, l’Autorité prend note des évolutions constatées en ce qui concerne la marge brute, mais constate que cette dernière reste 2,5 fois supérieure à celle de l’offre métropole en 2010. Cet écart de marge brute apparaît d’autant plus inapproprié que les tarifs de l’offre outre-mer sont sensiblement plus élevés que ceux de l’offre métropole. […], l’Autorité estime qu’une stabilité des tarifs de l’offre outre-mer est souhaitable, dès lors qu’elle contribuerait à réduire l’écart entre les tarifs de l’offre outre-mer de ceux de l’offre métropole. »

Pourtant, les tarifs postaux vers ou depuis les outre-mer ont évolué de la même manière que les tarifs postaux à l’intérieur du territoire hexagonal. L’amendement vise donc à faire disparaître cette injustice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Ces deux amendements ont quasiment le même objet, à savoir l’accès au service postal universel.

L’amendement n° 827 rectifié bis tend à aligner les tarifs postaux pour les plis et les colis jusqu’à vingt kilos entre les départements et régions d’outre-mer, d’une part, et le territoire hexagonal, d’autre part. Son coût serait toutefois loin d’être négligeable pour La Poste : de l’ordre de 70 millions d’euros. Comme la mission de service universel n’est pas compensée par l’État, ce coût pèserait in fine sur l’entreprise, sauf à ce qu’elle le répercute sur les usagers à travers une augmentation des tarifs métropolitains. C’est la raison pour laquelle, d’une façon générale, la péréquation tarifaire entre l’outre-mer et la métropole, si elle existe pour les lettres, n’a jamais été mise en place pour les colis. La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 1339 rectifié vise à « réduire la discrimination dont souffrent aujourd’hui les populations d’outre-mer quant à l’accès au service postal universel ». Or il nous semble que son dispositif va complètement à l’encontre de cet objectif très légitime. En effet, il supprime l’égalité tarifaire qui existe aujourd’hui pour les envois de correspondance à l’unité en provenance et à destination des départements d’outre-mer relevant de la première tranche de poids. Même si l’amendement était rédigé différemment, la commission ne pourrait y être favorable pour les raisons déjà exposées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 827 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1339 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 105 A
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 105 bis

Article 105

(Non modifié)

I. – (Supprimé)

II. – Au 5° de l’article L. 910-1 du code de commerce, les références : « et L. 751-1 à L. 761-11 » sont remplacées par les références : « , L. 751-1 à L. 752-26 et L. 761-1 à L. 761-11 ». – (Adopté.)

Article 105
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 106

Article 105 bis

I. – Le chapitre III du titre II du livre III du code du travail applicable à Mayotte est ainsi rétabli :

« CHAPITRE III

« AUTRES CONTRATS DE TRAVAIL AIDÉS

« Section 1

« Contrat relatif aux activités d’adultes-relais

« Sous-section 1

« Objet

« Art. L. 323-1. – Le contrat relatif aux activités d’adultes-relais a pour objet d’améliorer, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre les habitants de ces quartiers et les services publics, ainsi que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs.

« Il donne lieu :

« 1° À la conclusion d’une convention entre l’État et l’employeur dans les conditions prévues à la sous-section 2 ;

« 2° À la conclusion d’un contrat de travail entre l’employeur et le bénéficiaire de la convention dans les conditions prévues à la sous-section 3 ;

« 3° À l’attribution d’une aide financière dans les conditions prévues à la sous-section 4.

« Sous-section 2

« Convention

« Art. L. 323-2. – L’État peut conclure des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats relatifs à des activités d’adultes-relais avec :

« 1° Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que leurs établissements publics ;

« 2° Les établissements publics de santé ;

« 3° La société immobilière de Mayotte ;

« 4° Les organismes de droit privé à but non lucratif ;

« 5° Les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public.

« Sous-section 3

« Contrat de travail

« Art. L. 323-3. – Le contrat de travail relatif à des activités d’adultes-relais peut être conclu avec des personnes âgées d’au moins trente ans, sans emploi ou bénéficiant, sous réserve qu’il soit mis fin à ce contrat, d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi et résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans un autre territoire prioritaire des contrats de ville.

« Art. L. 323-4. – Le contrat relatif à des activités d’adultes-relais est un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée ou à durée déterminée conclu en application du premier alinéa de l’article L. 122-1-1 dans la limite d’une durée de trois ans renouvelable une fois.

« Les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public mentionnées à l’article L. 323-2, à l’exception des établissements publics industriels et commerciaux, ne peuvent conclure que des contrats de travail à durée déterminée, dans les conditions mentionnées à la présente section.

« Le contrat à durée déterminée comporte une période d’essai d’un mois renouvelable une fois.

« Art. L. 323-5. – Sans préjudice des cas prévus à l’article L. 122-10, le contrat de travail relatif à des activités d’adultes-relais peut être rompu, à l’expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution, à l’initiative du salarié, sous réserve du respect d’un préavis de deux semaines, ou de l’employeur, s’il justifie d’une cause réelle et sérieuse.

« Dans ce dernier cas, les dispositions relatives à l’entretien préalable au licenciement, prévues aux articles L. 122-27, L. 320-11 à L. 320-13 et L. 320-38, et celles relatives au préavis, prévues à l’article L. 122-19, sont applicables.

« Art. L. 323-6. – L’employeur qui décide de rompre le contrat du salarié pour une cause réelle et sérieuse notifie cette rupture par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée au salarié moins de deux jours francs après la date fixée pour l’entretien préalable. La date de présentation de la lettre fixe le point de départ du préavis.

« Art. L. 323-7. – Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions prévues à l’article L. 323-5 bénéficie d’une indemnité calculée sur la base de la rémunération perçue.

« Le montant retenu pour le calcul de cette indemnité ne peut cependant excéder le montant perçu par le salarié au titre des dix-huit derniers mois d’exécution de son contrat de travail. Son taux est égal à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

« Art. L. 323-8. – La méconnaissance par l’employeur des dispositions relatives à la rupture du contrat de travail à durée déterminée prévues à la présente sous-section ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi.

« Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient à la suite du non-respect de la convention mentionnée à l’article L. 323-2 ayant entraîné sa dénonciation.

« Sous-section 4

« Aide financière

« Art. L. 323-9. – Les employeurs mentionnés à l’article L. 323-2 bénéficient d’une aide financière de l’État.

« Cette aide n’est pas imposable pour les personnes non assujetties à l’impôt sur les sociétés.

« Cette aide ne peut être cumulée avec une autre aide de l’État à l’emploi.

« Sous-section 5

« Dispositions d’application

« Art. L. 323-10. – Un décret détermine les conditions d’application de la présente section. »

II (nouveau). – À l’article L. 5134-102 du code du travail, les mots : « soit d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, soit d’un contrat d’avenir » sont remplacés par les mots : « d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ». – (Adopté.)

Article 105 bis
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l’article 106

Article 106

(Non modifié)

Pour chaque ordonnance prévue par la présente loi, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)

Article 106
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 10 ter (précédemment réservé)

Articles additionnels après l’article 106

M. le président. L'amendement n° 1511, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 711-8 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au 1° , le mot : « applicable » est remplacé par les mots : « régionale et le schéma régional d’organisation des missions ayant valeur contraignante » ;

2° Au 4° , après les mots : « schémas sectoriels », sont insérés les mots : « et le schéma régional d’organisation des missions » ;

3° Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Assurent, au bénéfice des chambres de commerce et d’industrie territoriales qui leur sont rattachées les fonctions d’appui et de soutien, ainsi que toute autre mission mutualisée figurant dans le schéma d’organisation, dans des conditions et des domaines précisés par décret en Conseil d’État ; ».

II. – Au second alinéa du 2° du I de l’article L. 711-10 du code de commerce, les mots : « une partie des fonctions de soutien mentionnées au 6° de l’article L. 711-8 » sont remplacés par les mots : « tout ou partie des fonctions mentionnées au 6° de l’article L. 711-8, à l’exception de la gestion des agents de droit public sous statut ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Les amendements que je vais présenter tendent à réformer les réseaux consulaires, à savoir les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, et les chambres de métiers. Ils poursuivent deux objectifs : tirer les conséquences de la réforme territoriale, tout particulièrement de la création des nouvelles régions, et renforcer le mouvement de régionalisation des réseaux en levant un certain nombre d’obstacles juridiques.

Lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avons eu ici un débat compliqué sur les efforts budgétaires demandés aux réseaux consulaires, en particulier aux chambres de commerce et d’industrie. Ces efforts étaient justifiés au regard de la situation d’ensemble des finances publiques. Une fois que les CCI se seront restructurées – certaines en ont déjà pris l’initiative –, ces efforts seront beaucoup moins importants. Il importe donc ici de clarifier les règles.

Ces amendements font consensus au Sénat, comme en témoignent les sous-amendements déposés tant par l’opposition que par la majorité. Il n’y a rien d’étonnant à cela, puisque nous avons été largement inspirés par le rapport Bérit-Débat-Lenoir rédigé en 2014. Je parle donc sous le double contrôle de ses auteurs.

M. Jean-Claude Lenoir. Vigilant ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 1511 vise à rendre obligatoire et prescriptif un schéma d’organisation des missions par CCI de région, ou CCIR. Un tel schéma doit être élaboré pour préciser et organiser clairement les missions à vocation régionale, en fonction des besoins de chaque région. Il aura pour objet de définir les mutualisations mises en œuvre, les économies escomptées et les conditions d’exercice des missions.

Le schéma d’organisation que cet amendement vise à instaurer sera prescriptif, au sens où il s’imposera à toutes les chambres rattachées à une même CCIR. Cette dernière pourra déléguer tout ou partie de ses missions d’appui et de soutien, ainsi que toute autre mission mutualisée, et mieux se concentrer ainsi sur sa dimension politique de définition de la stratégie régionale.

M. le président. L'amendement n° 1514, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 2° de l’article L. 711-8 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « schéma directeur », est inséré le mot : « obligatoire » ;

b) Après la première occurrence des mots : « chambres territoriales », est inséré le mot : «, locales » ;

2° Le sixième alinéa de l'article L. 711-1 est ainsi rédigé :

« À l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie de région ou à leur propre initiative, des chambres de commerce et d'industrie territoriales peuvent être réunies en une seule chambre territoriale dans le cadre des schémas directeurs mentionnés au 2° de l'article L. 711-8. Elles disparaissent au sein de la nouvelle chambre territoriale ou peuvent devenir des délégations de la chambre territoriale nouvellement formée et ne disposent plus dans ce cas du statut d'établissement public. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 711-1-1, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « À l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de région, ou à leur propre initiative, des » ;

4° À l’article L. 711-22, le mot : « Une » est remplacé par les mots : « À l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de région, ou à sa propre initiative, une » et les mots : « à sa demande et en conformité avec le » sont remplacés par les mots : « dans le cadre du » ;

5° L’article L. 712-4 est abrogé.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rendre obligatoires et prescriptifs les schémas directeurs adoptés par les CCIR.

Les fusions de CCI ou la transformation de leur statut sont décidées par décret pris sur le fondement d’un schéma directeur régional. Ce schéma directeur a pour objet de fixer la carte régionale des CCI, leur nombre, leur circonscription et leur statut. Il est adopté par chaque CCIR à la majorité des deux tiers de ses membres et fait ensuite l’objet d’une approbation par voie d’arrêté ministériel. Toutefois, en l’état actuel du droit, ce processus de fusion ou de transformation peut être entravé par des CCI, y compris lorsque celles-ci sont minoritaires au sein de leur région. Le code de commerce prévoit notamment que seules les CCI qui le souhaitent peuvent fusionner.

L’amendement tend à modifier le code sur ce point afin de préciser le caractère obligatoire du schéma directeur et de le rendre opposable à tous les établissements concernés, à la condition que les deux tiers des membres de la CCIR l’adoptent.

Par coordination, les dispositions relatives aux modalités de création d’une CCI territoriale, de fusion d’une CCI territoriale avec sa CCI de région, de rattachement et de transformation d’une CCI territoriale en CCI locale dépourvue de personnalité morale sont également modifiées.

Enfin, toujours par souci de coordination, l’interdiction d’emprunter opposée aux CCI territoriales qui n’adoptent pas ou ne mettent pas en œuvre le schéma directeur doit être supprimée, ces formalités devenant sans objet.

M. le président. L'amendement n° 1509, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les trois premières phrases du second alinéa du III de l’article L. 713-12 du code de commerce sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :

« Chaque chambre de commerce et d’industrie territoriale, locale ou départementale d’Île-de-France est représentée au sein de la chambre de commerce et d’industrie de région à laquelle elle est rattachée à due proportion de son poids économique. Lorsque le nombre de chambres de commerce et d’industrie territoriales, locales ou départementales d’Île-de-France rattachées à une même chambre de commerce et d’industrie de région est égal à deux, il peut être dérogé à cette règle par décret. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer le plafond de représentation d’une CCI au sein de la CCIR. En effet, chaque CCI dispose d’un nombre de sièges au sein de la CCIR qui est fonction de son poids économique dans la circonscription régionale. Il est calculé sur le fondement des bases fiscales, du nombre de ressortissants et du nombre de salariés. Jusqu’à présent, aucune CCI ne pouvait disposer de plus de 40 % des sièges de la CCIR, sauf dans le cas où une même région ne comportait que deux CCI, comme pour la Corse.

Il est apparu que cette limitation constituait un frein à certains projets de regroupements ambitieux de CCI, projets qui étaient susceptibles d’entraîner des économies grâce à un effort de rationalisation rendu possible par la réduction du nombre de CCI. Dans cette perspective, et en considération des efforts budgétaires demandés par ailleurs aux CCI, cette limitation doit être supprimée afin de permettre aux CCI d’être représentées au sein de leur CCIR à leur juste poids économique.

Dans sa sagesse, si je puis dire, le Gouvernement n’a souhaité maintenir qu’une seule exception à cette mesure pour les CCIR auxquelles ne seraient rattachées que deux CCI. Pour ces CCIR, il peut en effet être nécessaire d’écarter le seul critère du poids économique de chaque chambre et, par suite, de fixer la répartition des sièges par décret. Ainsi, le même nombre de sièges a été attribué à chacune des deux CCI rattachées à la CCIR de Corse.

M. le président. L'amendement n° 1516, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 713-1 et L. 713-5 du code de commerce, les assemblées générales des chambres de commerce et d’industrie de région et territoriales créées par décret après l’entrée en vigueur de la présente loi et avant le 31 décembre 2015 peuvent, à la demande du ou des présidents des chambres de commerce et d’industrie de région concernées, être installées sans procéder à des élections à une date fixée par leur décret de création qui ne peut aller au-delà du 1er janvier 2016. Les établissements ainsi fusionnés sont dissouts à cette même date.

Les assemblées générales des établissements ainsi installés sont composées, par dérogation aux dispositions du II et du III de l’article L. 713-12 du code de commerce et jusqu’au prochain renouvellement général des membres des chambres de commerce et d’industrie, des membres élus en exercice des établissements dissouts ci-dessus. Au sein de la nouvelle chambre, chaque membre dispose d’un nombre de voix calculé proportionnellement au poids économique résultant de l’étude économique réalisée à l’occasion du dernier renouvellement de la chambre dans laquelle il a été élu. Les membres des chambres de commerce et d’industrie territoriales fusionnées, siégeant également à la chambre de commerce et d’industrie de région, conservent leur siège au sein de l’assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie de région.

Le taux annuel de taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises voté, dans les conditions prévues à l’article 1600 du code général des impôts, par les chambres de commerce et d’industrie de région créées à l’issue d’une fusion, ne peut excéder le taux moyen, voté l’année précédente, de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises des chambres de commerce et d’industrie de régions fusionnées pondéré par leurs bases de taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement tend à permettre aux CCI qui ont prévu de fusionner de mettre en place leur nouvelle organisation dès le 1er janvier 2016, si elles le souhaitent, sans attendre les élections consulaires prévues à la fin de l’année 2016. Il s’agit d’une faculté offerte aux CCI de s’organiser librement pour anticiper lesdites élections et pour réaliser, là encore, des économies et procéder aux réorganisations qui auraient été, de toute façon, décidées avant ces élections.

M. le président. L'amendement n° 1508, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toutes les chambres de commerce et d’industrie de région adoptent avant le 31 octobre 2015 leur schéma directeur mentionné au 2° de l’article L. 711-8 du code de commerce qui comporte, le cas échéant, les regroupements de chambres de commerce et d’industrie de région rendus nécessaires suite à l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’objet de cet amendement est d’imposer l’adoption d’un nouveau schéma directeur avant le 31 octobre 2015. En effet, la réduction à treize du nombre des régions à compter du 1er janvier 2016 entraînera nécessairement une modification de la carte consulaire régionale. La circonscription des CCI de région est la même que celle des régions administratives. Seize CCIR sur vingt-deux sont ainsi appelées à fusionner entre elles pour ne plus former qu’une CCIR par nouvelle région. Dans cette perspective, les CCIR doivent adapter leur organisation et envisager, le cas échéant, le regroupement des CCI territoriales qui leur sont rattachées.

Or les fusions de chambres ou la transformation de leur statut sont décidées par décret pris sur le fondement du schéma directeur régional adopté par chaque CCIR, dont l’objet est de fixer la carte, le nombre de CCI et la circonscription. Dans cette perspective, et afin d’être opérationnelles dès le 1er janvier 2016, les réorganisations de CCI doivent être fixées dans les schémas directeurs qui devront être adoptés avant le 31 octobre 2015.

M. le président. L'amendement n° 1669, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’artisanat est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 5-1, après les mots : « chambres de métiers et de l’artisanat départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales » ;

2° À l’article 5-4, après les mots : « chambres de métiers et de l’artisanat départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales » et les mots : « à la chambre de métiers et de l’artisanat de région ou » sont supprimés ;

3° L’article 5-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « chambre de métiers et de l’artisanat de région ou la » sont supprimés ;

b) Au 2°, après le mot : « répartit », sont insérés les mots : « , en fonction notamment des projets de budget départementaux et interdépartementaux qui lui sont soumis, » et après le mot : « départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales » ;

4° Au second alinéa de l’article 5-7 après les mots : « chambres de métiers et de l’artisanat départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales » et le mot : « sections » est remplacé par les mots : « délégations départementales », et après les mots : « du III », sont insérés les mots : « et du III bis » ;

5° À l’article 7, après le mot : « départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales » et les mots : « aux chambres de métiers et de l’artisanat de région ou » sont supprimés ;

6° Au premier alinéa de l’article 8, les mots : « des sections » sont remplacés par les mots : « des délégations départementales » et après les mots : « des chambres de métiers et de l’artisanat départementales », sont insérés les mots : « et interdépartementales ».

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement a deux objets principaux : d’une part, il tend à introduire les chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales dans le code de l’artisanat et, d’autre part, il vise à supprimer la possibilité de rattachement d’une chambre de métiers et de l’artisanat départementale à une chambre de métiers et de l’artisanat de région. En effet, la nouvelle délimitation des régions nécessite une adaptation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat. Ainsi, lorsque des circonscriptions administratives régionales sont regroupées, il ne doit plus subsister qu’une seule chambre de niveau régional.

Pour comprendre notre démarche, il faut rappeler que trois schémas d’organisation régionale coexistent aujourd’hui au sein du réseau : tout d’abord, la chambre régionale de métiers et de l’artisanat aux côtés de laquelle coexistent les chambres départementales dotées de la personnalité morale – il y a alors plusieurs établissements publics dans une région – ; ensuite, la chambre de métiers et de l’artisanat de région avec des sections départementales qui ne sont pas dotées de la personnalité morale – dans cette configuration, on n’a alors qu’un seul établissement public dans une région – ; enfin, un mélange des deux premiers schémas avec une chambre de métiers et de l’artisanat de région qui coexiste à la fois avec des sections départementales et des chambres de métiers et de l’artisanat départementales qui ont conservé leur personnalité morale.

Afin de respecter la volonté des élus des chambres, le présent amendement prévoit que si leur choix s’exprime en faveur d’une chambre régionale et que l’une des régions regroupées comporte une chambre de région, cette dernière devient une chambre interdépartementale rattachée à la nouvelle chambre régionale de métiers et de l’artisanat. Le but que vise notre amendement est donc de sortir du triptyque que je viens de décrire, car il s’agit d’un élément de complexité qui augmenterait l’hétérogénéité au sein des régions fusionnées, en particulier en ce qui concerne les personnalités morales.

Enfin, les dispositions du présent amendement favorisent la réduction du nombre d’établissements au sein du réseau, les économies d’échelle et les mutualisations qui l’accompagnent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Les amendements nos 1511, 1514, 1509, 1516 et 1508 visent à apporter un certain nombre de précisions et de correctifs à la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services pour tenir compte, d’une part, des retours d’expérience et des enseignements tirés de cinq ans d’application de la réforme et, d’autre part, pour prendre en compte l’évolution plus générale du paysage institutionnel, en particulier le changement de la carte des régions.

Les mesures qui figurent dans ces cinq amendements semblent aller dans le sens des préconisations du rapport faisant le bilan de l’application de la loi du 23 juillet 2010, qui a été élaboré l’an dernier par nos deux collègues, MM. Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat. L’une de leurs principales recommandations consistait à demander que soient apportées des précisions aux textes relatifs à la définition et à la mise en œuvre de la stratégie régionale du réseau des chambres de commerce et d’industrie pour en accroître la cohérence et l’efficacité. En particulier, nos deux collègues demandaient que soit précisés, par voie réglementaire, la forme et le contenu de la stratégie régionale, ainsi que le contenu des schémas sectoriels, de façon à leur donner toute leur portée prescriptive.

Ces préconisations étaient fondées sur un double constat.

Premièrement, dans un contexte général de crise des finances publiques, le durcissement des conditions de financement des chambres de commerce et d’industrie les contraint à exploiter tous les gisements d’économies possibles, ce qui implique une capacité accrue à travailler ensemble à l’échelon régional.

Deuxièmement, l’analyse des modèles de régionalisation réussie qui se sont mis en place dans certaines régions, comme le Nord, la Normandie ou la Champagne-Ardenne, montre qu’il est possible de concilier les gains d’efficience liés à la définition de stratégies régionales avec le maintien d’une représentation et d’une action consulaire de proximité. Le renforcement des compétences des chambres de commerce et d’industrie de région ne se traduit pas fatalement par l’absence de prise en compte des spécificités des territoires les moins influents dans les instances régionales ou par une répartition régionale inéquitable ou inefficace de la ressource fiscale.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis favorable sur ces cinq amendements.

Quant à l’amendement n° 1669, qui concerne les chambres de métiers, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1511.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

Je mets aux voix l'amendement n° 1514.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

Je mets aux voix l'amendement n° 1509.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

Je mets aux voix l'amendement n° 1516.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

Je mets aux voix l'amendement n° 1508.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

Je mets aux voix l'amendement n° 1669.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 106.

L'amendement n° 1670, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La fusion des chambres de métiers et de l’artisanat de niveau régional résultant des nouvelles circonscriptions instituées par les dispositions de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, intervient dans les conditions définies par le présent article.

Le choix de la forme de chambre de métiers et de l’artisanat de région ou de chambre régionale de métiers et de l’artisanat est décidé, au plus tard le 15 octobre 2015, par les établissements de niveau régional de la région constituée conformément aux dispositions du I de l’article 1er de la loi précitée.

Pour l’expression de ce choix, il est procédé au vote, à bulletin secret, des élus au sein de chaque représentation départementale de chaque assemblée générale régionale. La décision de cette chambre est prise à la majorité des représentations départementales représentant la majorité de leurs ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts. En cas d’égalité, le choix s’effectue à la seule majorité des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts. L’absence de choix au 15 octobre 2015 vaut décision d’instituer une chambre régionale de métiers et de l’artisanat.

II. – Dans les régions où le choix s’est exprimé en faveur du regroupement en chambre régionale de métiers et de l’artisanat et où l’une des régions regroupées comportait une chambre de métiers et de l’artisanat de région, il est substitué à cette dernière une chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale rattachée à la nouvelle chambre régionale de métiers et de l’artisanat. Cette chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale se compose d’autant de délégations départementales que de sections de la chambre de métiers et de l’artisanat de région à laquelle elle se substitue.

Les chambres de métiers et de l’artisanat départementales rattachées à la chambre de métiers et de l’artisanat de région à laquelle est substituée une chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale, ainsi que celles rattachées à la chambre régionale de métiers et de l’artisanat regroupée sont rattachées à la nouvelle chambre régionale de métiers et de l’artisanat.

Le nouvel établissement devient l’employeur des personnels des chambres régionales de métiers et de l’artisanat regroupées, y compris de l’ensemble des personnels qui occupent les fonctions exercées au niveau régional en application du IV de l’article 5-2 du code de l’artisanat.

III. – Dans les régions où le choix s’est exprimé en faveur d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région, les chambres de métiers et de l’artisanat départementales des chambres régionales de métiers et de l’artisanat et des chambres de métiers et de l’artisanat de région regroupées, ainsi que les sections des chambres de métiers et de l’artisanat de région, deviennent des délégations départementales de la nouvelle chambre de métiers et de l’artisanat de région.

Le nouvel établissement devient l’employeur des personnels employés par les anciens établissements de la circonscription régionale.

IV. – Lorsque les circonscriptions des chambres de métiers et de l’artisanat de région et des chambres régionales de métiers et de l’artisanat sont maintenues dans leurs limites territoriales en vigueur au 31 décembre 2015, les chambres régionales de métiers et d’artisanat ont la faculté d’opter pour le choix de la chambre de métiers et de l’artisanat de région dans les conditions mentionnées au troisième alinéa du I du présent article. Il ne peut être institué une chambre régionale de métiers et d’artisanat en lieu et place d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région. Les chambres de métiers et de l’artisanat de région sont exclusivement composées de délégations départementales à compter du 1er janvier 2016.

V. – Pendant la période allant du 1er janvier 2016 à la date du renouvellement électoral des chambres de métiers et de l’artisanat :

1° Le nombre d’élus régionaux par département des chambres de métiers et de l’artisanat de région ou des chambres régionales de métiers et de l’artisanat de Bretagne, Centre, Corse, Île-de-France, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur reste inchangé ;

2° Dans les régions suivantes, le nombre d’élus régionaux par département est ainsi fixé :

- Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine : 9 ;

- Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes : 7 ;

- Bourgogne et Franche-Comté : 11 ;

- Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées : 7 ;

- Basse-Normandie et Haute-Normandie : 18 ;

- Nord - Pas-de-Calais et Picardie : 18 ;

- Auvergne et Rhône-Alpes : 7 ;

3° Le nombre d’élus régionaux par département des chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales est fixé sur ces mêmes bases.

VI. – Par dérogation aux dispositions du III de l’article 5-2 du code de l’artisanat, les dispositions du présent article sont applicables aux établissements du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat jusqu’au prochain renouvellement général des membres de ces établissements suivant la publication de la présente loi.

VII. – L’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat coordonne la mise en œuvre de la réforme des chambres de métiers et de l’artisanat en apportant notamment l’appui nécessaire au bon fonctionnement du réseau, jusqu’au prochain renouvellement général des membres de ces établissements.

VIII. – Les établissements résultant des choix exprimés au présent article sont créés à compter du 1er janvier 2016 par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’artisanat.

Les modalités d’organisation et de fonctionnement des établissements institués en application de cet article sont fixées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de définir les mécanismes d’adaptation du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat à la nouvelle carte régionale, qui implique la fusion de plusieurs chambres à l’échelon régional.

L’amendement n° 1669 visait à rationaliser les personnalités juridiques au sein des nouvelles régions. Le présent amendement prévoit un mécanisme fixant les modalités de choix de la forme juridique des établissements de niveau régional du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat. Ces choix interviendront selon le principe du libre choix des élus, préalablement à l’organisation des élections consulaires qui sont prévues à la fin de l’année 2016.

En outre, par souci de coordination, cet amendement adapte le nombre d’élus des chambres issues des regroupements jusqu’aux élections consulaires, confie à l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, l’APCMA, la compétence de coordonner la mise en œuvre de la réforme jusqu’au prochain renouvellement général des membres du réseau et précise les conditions d’application de ces dispositions transitoires dans le temps. Il permet enfin de coordonner ces dispositions avec les autres modifications, pérennes celles-ci, du code de l’artisanat qui font l’objet des amendements nos 1669 et 1671. Les mesures proposées ici sont donc de nature exceptionnelle et transitoire.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.

Le sous-amendement n° 1798 rectifié bis est présenté par MM. Lenoir, Karoutchi et Longuet et Mme Gruny.

Le sous-amendement n° 1801 rectifié est présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Amendement n° 1670

1° Alinéa 4

Remplacer les mots :

par les établissements de niveau régional

par les mots :

par les élus des chambres de métiers et de l’artisanat départementales et des chambres de métiers et de l’artisanat de région

2° Alinéa 5, deux premières phrases

Remplacer ces phrases par un alinéa ainsi rédigé :

Il est procédé au vote, à bulletin secret, des élus de chaque chambre de métiers et de l’artisanat départementale et de l’ensemble des sections de chaque chambre de métiers et de l’artisanat de région, le choix exprimé par l’ensemble des sections étant pondéré du nombre de départements correspondant. La décision est prise à la majorité des choix exprimés représentant la majorité des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts.

3° Après l’alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Pour l’application du III à la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, le choix exprimé par les chambres de métiers régies par les articles 103 à 103l du code professionnel local du 26 juillet 1900 pour l’Alsace et la Moselle, maintenu en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, est pondéré du nombre de départements et des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Le regroupement choisi est opéré sous réserve des dispositions régissant les chambres de métiers des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

4° IV, dernière phrase

Remplacer les mots :

à compter du

par le mot :

au

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter le sous-amendement n° 1798 rectifié bis.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout d’abord, je tiens à préciser que j’avais déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Je remercie donc le Gouvernement de l’avoir ressuscité.

Ensuite, à titre d’observation, je souhaite exprimer un doute quant à l’opportunité de créer une situation transitoire en attendant les élections consulaires de 2016. N’aurait-il pas mieux valu attendre tout simplement ces élections pour mettre en œuvre le nouveau dispositif ? Je me contente de poser cette simple question après avoir entendu un certain nombre de représentants de chambres de métiers.

Par mon sous-amendement, je ne souhaite pas « calamistrer » l’amendement du Gouvernement mais y apporter quelques précisions d’ordre juridique, qui, à mon avis, ne peuvent que l’enrichir.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter le sous-amendement n° 1801 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’adapter le dispositif proposé, notamment pour la grande région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 1670, tout comme les amendements nos 1671 et 1672 qui viendront ensuite en discussion, ne soulève a priori guère d’objections, d’autant que l’on nous a assuré que le dispositif était non seulement consensuel, mais qu’il avait en outre suscité une approbation unanime au sein du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat. Reste que l’on nous a également indiqué que l’adaptation du réseau des chambres de métiers avait suscité des objections et des doutes sur les conséquences directes ou indirectes d’un tel dispositif.

Je résumerai ainsi les deux interrogations principales qui subsistent : d’une part, comme l’a dit M. Lenoir à l’instant, nous restons très attachés aux garanties de pluralisme. Or nous voudrions obtenir la certitude que ce regroupement, qui doit intervenir avant les prochaines élections consulaires, ne s’accompagnera pas d’une atteinte portée à cette dimension essentielle. Comme vous le savez, un regroupement peut s’apparenter à un redécoupage. Il est donc légitime de s’interroger sur ses effets électoraux. Par conséquent, la commission spéciale souhaite que ces doutes soient levés.

D’autre part, si l’on souhaite aller au bout de la logique d’adaptation à la nouvelle architecture territoriale, on pourrait réfléchir à la prise en compte des nouvelles compétences conférées aux métropoles en matière de développement économique et social dans l’organisation des réseaux consulaires.

Pour l’ensemble de ces raisons et compte tenu de ces interrogations, la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements identiques nos 1798 rectifié bis et 1801 rectifié ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ces deux sous-amendements identiques visent, en premier lieu, à faire participer l’ensemble des élus du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat au choix de la forme juridique des nouvelles chambres régionales, que l’amendement n° 1670 réserve aux seuls élus des établissements de niveau régional. Compte tenu de l’ampleur de la réforme territoriale en cours et de ses répercussions sur l’ensemble du réseau, l’élargissement à l’ensemble des élus consulaires du choix de la forme juridique de la future chambre régionale est de nature à renforcer le caractère démocratique et la légitimité des décisions qui seront prises par les élus.

Les sous-amendements visent, en second lieu, à tirer les conséquences du statut particulier des chambres de métiers et de l’artisanat d’Alsace et de Moselle, régies par des dispositions dérogatoires issues du droit local ; il s’agit de faire participer au choix de la forme juridique de la future chambre régionale d’Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne les élus des trois chambres de métiers et de l’artisanat du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Je ne puis que souscrire à ces propositions et encourager le Sénat à adopter les sous-amendements identiques : prévoir dans le régime temporaire et exceptionnel que nous mettons en place l’association au processus de décision de tous les élus consulaires de chaque région assurera une transition aussi démocratique et transparente que possible, étant entendu que ces dispositions transitoires ne gêneront en rien la mise en place du futur dispositif pérenne.

M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 1798 rectifié bis et 1801 rectifié.

(Les sous-amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1670, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 106.

L'amendement n° 1671, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 5-2 du code de l’artisanat est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du I, les mots : « , après avis des chambres départementales rattachées, » sont supprimés ;

2° Au II, le mot : « devient » est remplacé par les mots : « est une » et les mots : « et exerce ses fonctions à une date fixée par décret » sont supprimés ;

3° Le III est ainsi rédigé :

« III. – Si la majorité des chambres de métiers et de l’artisanat d’une région représentant la majorité des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts le décide, elles se regroupent en une chambre de métiers et de l’artisanat de région.

« Pour l’expression de ce choix, il est procédé au vote, à bulletin secret, des élus au sein de chaque chambre de métiers et de l’artisanat départementale et de chaque chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale. Cette dernière dispose d’autant de voix que de délégations départementales qui la composent. En cas d’égalité, le choix s’effectue à la seule majorité des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par l’article 1601 du code général des impôts.

« La chambre de métiers et de l’artisanat de région se substitue à la chambre régionale de métiers et de l’artisanat et à l’ensemble des chambres de métiers et de l’artisanat départementales et interdépartementales qui y étaient rattachées. Elle est constituée d’autant de délégations départementales que de départements dans la région.

« Le nouvel établissement devient l’employeur des personnels employés par les anciens établissements de la circonscription régionale.

« Les chambres de métiers et de l’artisanat de région sont instituées par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’artisanat. » ;

4° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Si des chambres de métiers et de l’artisanat départementales d’une même région le décident, elles se regroupent en une chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale. Pour l’expression de ce choix, il est procédé au vote, à bulletin secret, des élus au sein de chaque chambre de métiers et de l’artisanat départementale. Cette chambre se substitue aux chambres de métiers et de l’artisanat départementales qu’elle regroupe et est constituée d’autant de délégations départementales que de départements regroupés.

« Le regroupement entre chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales ou entre chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale et chambres de métiers et de l’artisanat départementales d’une même région intervient sur décision prise à la majorité des élus des établissements concernés. Pour l’expression de ce choix, la chambre de métiers et de l’artisanat interdépartementale dispose d’autant de voix que de délégations départementales qui la composent.

« Le nouvel établissement devient l’employeur des personnels des chambres de métiers et de l’artisanat départementales regroupées, à l’exclusion des personnels qui occupent les fonctions exercées au niveau régional en application du IV de cet article et qui relèvent de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat. » ;

5° Au IV, le mot : « administratives » est supprimé.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est défendu.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques.

Le sous-amendement n° 1799 rectifié quater est présenté par M. Lenoir, Mme Gruny et MM. Karoutchi et Longuet.

Le sous-amendement n° 1802 rectifié est présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Tous deux sont ainsi rédigés :

Amendement n° 1671

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Pour l’application du III à la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, le choix exprimé par les chambres de métiers régies par les articles 103 à 103 l du code professionnel local du 26 juillet 1900 pour l’Alsace et la Moselle, maintenu en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, est pondéré du nombre de départements et des ressortissants cotisants ou exonérés de la taxe prévue par la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Le regroupement choisi est opéré sous réserve des dispositions régissant les chambres de métiers des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour défendre le sous-amendement n° 1799 rectifié quater.

M. Jean-Claude Lenoir. Je n’aurai pas beaucoup d’efforts à faire pour que ce sous-amendement soit bien compris. Il me paraît inspiré par le bon sens et, du reste, il est identique à celui que Mme Bricq a déposé. Il semble qu’un bel élan d’unanimité se profile !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour défendre le sous-amendement n° 1802 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Puisque nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat ont rédigé ensemble le rapport d’information que M. le ministre a mentionné, il ne surprendra personne que le groupe socialiste présente un sous-amendement identique à celui qui vient d’être défendu par M. Lenoir. Nous terminerons donc cet après-midi dans le consensus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1671 et les sous-amendements nos 1799 rectifié quater et 1802 rectifié ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 1799 rectifié quater et 1802 rectifié ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je me suis tenu coi lorsque M. le ministre a signalé le travail important accompli par notre collègue Claude Bérit-Débat, qui ne peut pas prendre part à notre débat puisqu’il le préside… Je tiens à souligner que nous avons été l’un et l’autre particulièrement sensibles à l’intérêt porté à nos travaux et aux suites qu’ils ont entraînées.

M. le président. Je mets aux voix les deux sous-amendements identiques nos 1799 rectifié quater et 1802 rectifié.

(Les sous-amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1671, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 106.

L'amendement n° 1672, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 106

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 45 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services est abrogé.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement de coordination vise à abroger l’article 45 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, rendu caduc par le nouveau dispositif qui a été adopté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1672.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 106.

Nous allons maintenant examiner les amendements précédemment réservés.

Articles additionnels après l’article 106
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 21 (précédemment réservé)

Article 10 ter (suite) (précédemment réservé)

M. le président. L'amendement n° 1743, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Lorsqu’un projet bénéficie d’une autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité obtenue avant le 15 février 2015 pour tout projet nécessitant un permis de construire, cette autorisation vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à compléter le dispositif transitoire relatif à la procédure du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour couvrir les projets nécessitant un permis de construire qui bénéficient d’une autorisation en cours de validité obtenue avant le 15 février dernier. Quoique technique, la disposition proposée est importante pour des personnes qui connaissent aujourd’hui une situation d’incertitude juridique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le présent amendent a pour objet de limiter les risques juridiques consécutifs au retard avec lequel est intervenue, le 15 février dernier, l’entrée en vigueur d’un décret d’application de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

Plus précisément, il s’agit de sécuriser les projets d’implantation ayant obtenu une autorisation d’exploitation commerciale entre le 18 décembre 2014, date d’entrée en vigueur de l’article 39 de cette loi, et le 15 février dernier. L’adoption de cet amendement dispenserait les porteurs de projet de redéposer un dossier pour obtenir une nouvelle autorisation. Cette mesure s’appliquerait dans une quarantaine de cas menacés par un risque de contentieux.

La commission spéciale s’interroge sur les conséquences d’une sorte de validation rétroactive des autorisations, en particulier sur le nombre de dossiers potentiellement concernés. En outre, j’ai été interrogée sur le sort des dossiers déposés à la commission d’aménagement commercial avant le 15 février dernier, mais sur lesquels cette commission n’a pas encore statué : sous quel régime juridique devra-t-elle se prononcer, et combien de dossiers ce cas de figure recouvre-t-il ?

Sous réserve que M. le ministre lui apporte les éclaircissements nécessaires, la commission spéciale s’en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne puis pas vous communiquer le nombre exact de dossiers concernés, puisqu’ils sont disséminés entre toutes les commissions d’aménagement commercial, mais les services de mon ministère évaluent leur nombre à une centaine.

Les porteurs de ces projets doivent-ils, lors du dépôt de leur demande de permis de construire, solliciter de nouveau une autorisation d’exploitation commerciale, conformément à la nouvelle procédure ? Une interprétation du décret du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial conforme à l’esprit de la loi du 18 juin 2014 plaide en faveur d’une dispense de nouvelle demande d’autorisation. Reste que, dans le silence des textes, une incertitude subsiste, qui ne pourrait être levée que par le juge administratif ; l’incertitude juridique qui en résulte est indéniablement préjudiciable au pétitionnaire. C’est pourquoi le Gouvernement, répondant à la demande des organisations professionnelles représentatives, propose de clarifier la situation en confirmant les droits associés aux autorisations d’exploitation commerciale obtenues avant le 15 février dernier pour les demandes de permis de construire déposées postérieurement.

Si la détermination précise du nombre de dossiers concernés, qui est de l’ordre de la centaine, demeure difficile – je ne manquerai pas de communiquer cette donnée à la commission spéciale si mes services parviennent à l’établir –, les organisations professionnelles représentatives estiment que toutes les enseignes de la grande distribution pourraient bénéficier de cette mesure favorable à la sécurité juridique, donc à l’activité économique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1743.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10 ter, modifié.

(L'article 10 ter est adopté.)

Article 10 ter (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 58 quater (précédemment réservé) (début)

Article additionnel après l’article 21 (suite) (précédemment réservé)

M. le président. L'amendement n° 1757, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le premier alinéa de l’article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « à l’exclusion du transport par les personnes exerçant l’activité mentionnée au 2° de l’article L. 611-1, dans les conditions des articles L. 613-8 à L. 613-11, des objets placés sous main de justice ».

II. – Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Grâce à la collaboration entre mon ministère, le ministère de l’intérieur et la commission spéciale, la rédaction initialement prévue pour l’article additionnel que cet amendement vise à insérer dans le projet de loi a été clarifiée. Cet article est destiné à permettre le transport d’objets placés sous main de justice dans des véhicules blindés et avec un équipage armé.

Je ne m’attarderai pas sur cette question dont nous avons déjà débattu ; je rappellerai simplement qu’il était jusqu’ici impossible de faire appel à une entreprise de transport de fonds pour le transport sécurisé de tout autre bien que ceux mentionnés à l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.

L’adoption de cet amendement de clarification permettra aux sept entreprises de transport de fonds qui opèrent des transports en véhicules blindés avec des équipages armés, et qui emploient au total 5 000 convoyeurs armés, de répondre à des sollicitations de plus en plus fréquentes, ce qui accroîtra leur activité, créera des emplois et libérera les agents publics, en particulier les gendarmes, qui sont aujourd’hui chargés d’accompagner le transport d’objets placés sous main de justice.

M. le président. Le sous-amendement n° 1789 rectifié, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 1757

Après l’alinéa 3

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

... . – Après le 4° de l’article L. 645-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Au premier alinéa de l’article L. 612-2, les références : “L. 613-8 à L. 613-11” sont remplacées par les références : “L. 613-8, L. 613-9 et L. 613-11” ; ».

... . – Après le 5° des articles L. 646-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Au premier alinéa de l’article L. 612-2, la référence : “à L. 613-11” est remplacée par la référence : “et L. 613-9” ; ».

... . – Après le 4° de l'article L. 647-1 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Au premier alinéa de l’article L. 612-2, la référence : “à L. 613-11” est remplacée par la référence : “et L. 613-9” ; ».

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1757.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le sous-amendement n° 1789 rectifié opère une coordination avec le droit applicable en outre-mer.

Lorsqu’a été présenté, après l’article 9 quater, un premier amendement relatif au convoyage de fonds, nous avions déploré le manque d’informations sur les raisons et les conséquences du dispositif proposé, qui autorisait de manière générale le cumul d’activités de sécurité privée très différentes ; je rappelle que l’objet de cet amendement se résumait à une seule phrase.

Je pense que nous avons eu raison de prendre cette position, au vu de la précision beaucoup plus grande du présent amendement, qui se concentre sur le transport des scellés judiciaires. Compte tenu de ce ciblage, et puisque les conditions de droit commun applicables au convoyage de fonds sont préservées, la commission spéciale a émis un avis favorable sur l’amendement n° 1757, qui lui a paru utile et cohérent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1789 rectifié ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je remercie les services de M. le ministre pour le travail qu’ils ont accompli depuis le retrait par le groupe socialiste de son amendement n° 1467, qui méritait en effet d’être amélioré. Preuve que nous pouvons arriver à coproduire quand la cause est bonne.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1789 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1757, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

Article additionnel après l'article 21 (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 58 quater (précédemment réservé) (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 58 quater (suite) (précédemment réservé)

M. le président. L'amendement n° 1797, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 58 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le 6° de l’article L. 721-6 est complété par les mots : « , et exclut tout opérateur dont la certification a été non octroyée, suspendue ou retirée par l’organisme certificateur mentionné à l’article L. 721-9 » ;

2° Le 7° de l’article L. 721-7 est ainsi rédigé :

« 7° Les modalités et la périodicité des contrôles, le type d’organisme mentionné à l'article L. 721-9 en charge de leur réalisation, ainsi que les modalités de financement de ces contrôles. Les modalités comportent notamment les points de contrôle du produit et des éléments spécifiques de l’étiquetage ; »

3° L’article L. 721-9 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « d’évaluation de la conformité, », sont insérés les mots : « qui peuvent être soit des organismes d’inspection, soit des organismes de certification, » ;

b) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les organismes d’inspection effectuent les opérations de contrôle et transmettent leur rapport à l’organisme de défense et de gestion, qui décide des mesures sanctionnant les manquements.

« Les organismes de certification décident de l’octroi, du maintien ou de l’extension de la certification, ainsi que des mesures sanctionnant les manquements. »

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à clarifier, dans le dispositif de protection des indications géographiques portant sur les produits industriels et artisanaux, la possibilité pour les opérateurs de recourir à des organismes de certification ou d’inspection pour les contrôles du respect des cahiers des charges visés par l’article L. 721-9 du code de la propriété intellectuelle.

Cette clarification est nécessaire à la bonne mise en œuvre des indications géographiques et lève un blocage dans le dispositif issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. En effet, elle laisse explicitement aux organismes de défense et de gestion la possibilité de choisir entre un contrôle effectué par des organismes d’inspection et un contrôle effectué par des organismes de certification, pour un cahier des charges d’indication géographique déterminé.

Cette clarification permet de s’aligner avec les pratiques existantes en matière d’indications géographiques protégées portant sur les produits agricoles, dans un souci de cohérence et d’harmonisation des dispositifs.

M. Roger Karoutchi. On n’a rien compris, mais on est pour ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement vise à clarifier la possibilité pour les opérateurs de recourir à des organismes de certification ou d’inspection pour ce qui concerne les contrôles du respect des cahiers des charges des indications géographiques du secteur non alimentaire, comme pour les appellations d’origine contrôlée.

La commission spéciale est très heureuse de donner un avis favorable sur cet amendement. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Notre collègue Roger Karoutchi ne semble pas avoir compris cet amendement, mais il y est favorable… (Sourires.)

Cet amendement est très important dans la procédure du contrôle des cahiers des charges, et Mme le corapporteur a très pertinemment établi un parallèle avec les indications géographiques alimentaires.

Comme vous le savez, la France a toujours défendu fermement ses indications géographiques ;…

M. Roger Karoutchi. Il ne nous reste que cela !

Mme Nicole Bricq. … elles ont d’ailleurs été étendues dans le cadre de la loi relative à la consommation.

Les indications géographiques, qui constituent une notion européenne, ont d’ailleurs été reprises par d’autres pays, et nous y sommes très attachés dans les négociations commerciales – c’est toujours un point très délicat ! –, et nous les défendons avec acharnement. Aussi, je remercie le Gouvernement d’avoir proposé cet amendement.

Monsieur le président, au terme de l’examen de ce projet de loi – les explications de vote auront lieu demain, mais le temps sera contraint et le climat différent (Sourires.) –, je tiens à remercier les présidents qui se sont succédé au plateau, ainsi que le service de la séance, car nous siégeons jour et nuit depuis des semaines.

À cette occasion, je veux remercier les services affectés à la commission spéciale, ainsi que les corapporteurs, qui ont tenu la même ligne – nous en parlerons demain ! – : ceux-ci n’ont pas toujours réussi à contenir les velléités des sénateurs de droite,…

M. Roger Karoutchi. Il faut bien qu’on existe !

Mme Nicole Bricq. … mais ils ont essayé de construire un texte, et nous verrons demain ce qu’il en adviendra.

Je remercie également nos collègues qui ont assisté, dans la mesure de leurs possibilités, à tous nos débats, ainsi que M. le ministre et les services de son ministère pour le travail important réalisé, mais j’aurai l’occasion d’y revenir demain.

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les explications de vote auront lieu demain après-midi. Pour l’heure, nous en sommes aux explications de vote sur l’amendement n° 1797.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je me sens obligé de dire à notre collègue Nicole Bricq, qui pense que je n’ai pas compris l’objet de cet amendement – elle sait au fond que tout cela n’est qu’un jeu ! (Sourires.) –, que je le voterai. Par là même, je rassurerai M. le ministre, qui s’inquiétait, et les membres de la commission spéciale, qui s’étonnaient…

Même si les explications de vote sur l’ensemble du projet de loi auront lieu demain, je tiens, moi aussi, à remercier M. le président de la commission spéciale, les corapporteurs et M. le ministre, car cela fait des semaines que nous sommes présents nuit et jour, parfois contraints…

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Si peu ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Toutefois, je tiens à dire que nous n’avons pas souvent vu un débat parlementaire de cette durée et de cette qualité. En effet, nos échanges ont toujours été respectueux. D’ailleurs, les corapporteurs et le président de la commission spéciale ont été héroïques ! (Mme Dominique Estrosi Sassone rit.) Ils ont toujours tenu la même ligne, même si les membres de leur groupe politique les invitaient parfois à aller plus loin. Leur position a été cohérente avec la mission qui est la leur de réécriture d’un projet de loi, même si ce fut parfois à mes dépens : nombre des amendements que j’ai présentés n’ont pas été adoptés, surtout lorsque je les ai défendus brillamment, tandis que ceux que je n’ai pas défendus l’ont été… Voilà qui en dit long sur mes talents d’orateur ! (Sourires.). Mais, au-delà, ils ont été admirables de respecter la ligne qui était la leur.

Quels que soient nos conceptions et nos avis, je tiens à souligner que j’ai rarement vu un ministre aussi présent pendant trois semaines, nuit et jour – vous n’avez été que très rarement remplacé, monsieur le ministre ! –, avec une volonté d’expliquer et de convaincre, tout en ayant le souci permanent de la pédagogie. Vous n’avez pas toujours réussi à convaincre, monsieur le ministre, mais cela fait partie de la vie publique !

Les débats que nous avons eus honorent le Sénat, la commission spéciale et le Gouvernement. Si nous pouvions toujours avoir des discussions de cette qualité, cela honorerait, à mon avis, la classe politique, au sens large, et le Parlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je m’exprimerai, d’abord, sur l’amendement du Gouvernement. (Sourires.)

En tant que représentant du monde rural, cet amendement me semble important. Comme je l’ai indiqué en commission, le recours aux indications géographiques protégées permet la valorisation et la protection des produits de l’agriculture. La France est, en effet, très attachée aux indications géographiques protégées, comme l’a souligné notre collègue Nicole Bricq, et ce, notamment, dans le cadre de l’accord conclu entre l’Union européenne et le Canada et dans le cadre de celui qui sera bientôt discuté entre l’Union européenne et les États-Unis. La volonté de la France de faire respecter les indications géographiques protégées l’a finalement emporté, et nous sommes d’ailleurs le pays européen à en avoir le plus à défendre.

Cela dit, je ne veux pas être un personnage malitorne. Aussi, je ne manquerai pas de formuler quelques observations au terme de ces débats qui nous ont réunis pendant plusieurs semaines.

Comme l’a déjà souligné mon collègue Roger Karoutchi, qui a traduit l’essentiel de mes sentiments, j’ai, moi aussi, beaucoup apprécié la qualité de nos débats, notamment le respect avec lequel les uns et les autres ont exprimé leur position, ce respect mutuel qui caractérise la Haute Assemblée.

J’ai une grande admiration pour le président de la commission spéciale et les corapporteurs, qui ont assumé leur charge non seulement dans l’hémicycle, mais aussi, en amont, en commission, dans le cadre des travaux préparatoires, qui sont inévitables et essentiels. Nos collègues ont vraiment été à la hauteur de la tâche. Je ne voudrais pas singulariser les mérites de l’un d’entre eux, mais l’une de nos collègues, élue depuis quelques mois seulement, a montré à quel point elle méritait la confiance des grands électeurs du département des Alpes-Maritimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Je ne veux pas minimiser les mérites des autres corapporteurs, mais je tenais à le souligner, d’autant que cette sénatrice est, je le rappelle, membre de la commission des affaires économiques ! (Sourires.)

Mme Catherine Procaccia. On a compris ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je tiens à vous dire combien nous avons apprécié à la fois votre disponibilité, la patience dont vous avez fait preuve et votre souci de la pédagogie, qui a marqué l’essentiel de vos interventions.

Permettez-moi, en marge de ces débats, de vous adresser un autre compliment, qui vous surprendra : je vous remercie de ne pas avoir hésité à faire usage du latin ! (Exclamations.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est une initiative tout à fait opportune au moment même où l’enseignement du latin est remis en cause. Vous avez voulu afficher, j’en suis persuadé, non seulement votre conviction, mais aussi la volonté que le latin continuât d’être enseigné dans nos établissements scolaires, fût-elle une langue morte.

Mme Nicole Bricq. Et le grec ?

M. Emmanuel Macron, ministre. In cauda venenum ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Pour conclure, permettez-moi de reprendre cette adresse de Cicéron à Catilina : « Quae cum ita sint, Catilina, perge, quo coepisti... » Cela signifie : « Persévérez ! » (Mmes Valérie Létard et Elisabeth Doineau applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne m’exprimerai bien évidemment pas sur le fond, car ce n’est ni le moment ni le lieu, sans compter que j’aurais peur de troubler cette belle unanimité ! (Sourires.) Les frontières ont disparu…

Mme Éliane Assassi. Pas toutes !

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, non pas que nous nous soyons ennuyés avec vous – loin de là ! –, mais s’il était possible, à l’avenir, d’éviter d’examiner des textes regroupant une quinzaine de projets de loi différents, cela simplifierait l’organisation de nos travaux et encouragerait l’intérêt et la passion de chacun. Il me semble que tout le monde y gagnerait.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne connais pas encore les statistiques – le service de la séance nous les communiquera –, mais le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est l’un des textes ayant le plus occupé le Sénat, non pas en nombre d’heures, mais en nombre de semaines, à savoir presque quatre semaines. Certes, je ne suis pas le plus ancien, mais je n’avais encore jamais connu une telle situation.

C’est pourquoi il aurait été plus pertinent de scinder le texte en plusieurs volets thématiques ou en plusieurs parties différenciées : c’est la principale critique que l’on peut formuler à l’encontre de ce projet de loi.

Cela dit, j’ai, moi aussi, apprécié votre sens de la pédagogie, monsieur le ministre. En disant cela, je ne vous demande pas de nous proposer un nouveau projet de loi pour battre votre record ! (Sourires.) On vous connaît maintenant… À l’avenir, les textes pourront être plus courts !

Vous vous êtes toujours montré à l’écoute et, comme l’ont souligné mes collègues, vous avez toujours été présent. Par ailleurs, vous avez fait preuve de cohérence, ce qui est appréciable, car, parfois, certains ministres répondent un peu à côté, si je puis dire, même si ce terme est un peu exagéré. La passion et la technicité dont vous avez fait preuve sont rares.

Je remercie aussi les corapporteurs et le président de la commission spéciale, qui ont tout autant fait preuve de pédagogie. Encore ce matin, M. le président de la commission spéciale nous a explicité une situation un peu difficile, et, à sa façon, chaque corapporteur a toujours pris le temps de l’explication, même si, sur le fond, je ne peux être en accord avec toutes les positions défendues. Toutefois, je ne peux que souligner le dialogue instauré avec l’ensemble des sénateurs.

Enfin, je remercie les présidents de séance d’avoir animé les débats pendant ces quatre semaines, en nous laissant le temps de la discussion et en nous permettant d’achever l’examen de ce projet de loi un jour…

Mme Catherine Procaccia. Et pas une nuit !

M. Jean Desessard. Sur le fond, on discutera de la loi Macron, mais, sur la forme, nous sommes satisfaits.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. Le groupe UDI-UC est également satisfait de la tenue de nos débats. Je tiens, bien entendu, à saluer le travail et la mobilisation de l’ensemble des services du Sénat.

Je salue également l’important travail réalisé par le président de la commission spéciale et les corapporteurs, comme cela a déjà été souligné par mes collègues. C’est particulièrement remarquable eu égard à la densité du projet de loi et à la façon dont s’est construit le débat avec vous, monsieur le ministre, en vue d’améliorer le texte. Le travail préparatoire et les points de consensus, qui ont été nombreux, ont permis de faire évoluer ce projet de loi dans l’intérêt général. Même s’il subsiste, bien sûr, des différences de vision et des motifs d’insatisfaction de part et d’autre, une voie a été tracée au Sénat, qui ne peut que satisfaire chacun.

Comme cela a été souligné, un travail de cette qualité et l’état d’esprit ayant présidé à nos débats doivent nous inspirer pour la suite : chacun d’entre nous peut défendre ses idées, différentes et complémentaires, dans un débat de fond, très nourri. C’est à l’honneur du Parlement, et il n’est de meilleure défense du bicamérisme.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Pour vingt minutes ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Nous n’avons jamais abusé de notre temps de parole, mon cher collègue, s’agissant de la défense de nos amendements ou des explications de vote.

Je ne reviendrai pas sur le fond, car nous aurons l’occasion d’en parler demain après-midi, d’autant que je ne créerai pas la surprise…

Néanmoins, pour avoir, comme d’autres ici, participé à la quasi-totalité des débats du début à la fin, je dois dire que, moi aussi, j’en ai apprécié la teneur. J’aime le débat d’idées, et celles-ci n’ont pas manqué durant ces trois semaines, même si nous n’aboutissons pas au texte que nous souhaitions. Mais cela fait partie de la bataille d’idées.

Je tiens à remercier particulièrement l’ensemble du personnel du Sénat, qui a dû faire face aux mêmes contraintes que les nôtres, en manifestant une grande disponibilité, quelle que soit la mission de chacun.

Je remercie également Mmes les corapporteurs qui m’ont épatée chacune à leur façon, ainsi que M. le corapporteur, sans oublier M. le président de la commission spéciale, qui a fait preuve d’un certain talent en la matière.

Mes remerciements s’adressent aussi à vous, monsieur le ministre. Nous ne sommes pas d’accord sur un certain nombre de points, mais j’ai particulièrement apprécié votre disponibilité, votre sens de la répartie, vos colères aussi – étant moi-même capable de colères, la balle est au centre ! –, qui font aussi partie du débat d’idées, dès lors que cela s’accompagne du respect des individus. Pour ma part, je vous respecte, et je pense que la réciproque est vraie.

Ce débat a été long et, comme l’a dit notre collègue Pierre-Yves Collombat, il s’agissait d’un pari osé eu égard à la multitude de mesures très importantes qui nous sont proposées – je ne parlerai pas de texte « fourre-tout » – et qui auraient pu faire l’objet de plusieurs textes, nous donnant ainsi l’occasion de vous revoir, monsieur le ministre. (Sourires.) Je remercie, enfin, l’ensemble de vos collaborateurs.

Pour conclure, je me tournerai vers M. le ministre de l’intérieur qui vient de nous rejoindre pour l’inviter à relever un nouveau défi.

Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi. Pas pendant trois semaines ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Il est largement à la hauteur !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1797.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 58 quater.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Permettez-moi de dire quelques mots maintenant, car, conformément à la procédure, la commission spéciale ne pourra pas s’exprimer demain, et j’associe mes collègues corapporteurs à mes propos.

Monsieur le ministre, nous arrivons au terme de l’examen des articles et des amendements, avant le vote final qui interviendra demain.

Pour répondre au souhait de certains de nos collègues, je commencerai par vous livrer, comme de coutume, quelques éléments de statistique.

Nous avons passé quinze jours entiers, avec 130 heures de débat. Nous avons adopté en séance publique 280 amendements, qui s’ajoutent aux 347 amendements adoptés par la commission spéciale. C’est dire, monsieur le ministre, si le Sénat s’est emparé de votre texte pour y apporter sa marque. L’ensemble de nos débats se sont concrétisés par l’adoption de 627 amendements.

Je veux également rappeler que la commission spéciale s’est réunie vingt-sept fois et a débattu exactement quarante-neuf heures et cinquante-cinq minutes.

Je saisis cette occasion pour saluer le travail important accompli par les trois corapporteurs, en rappelant que l’Assemblée nationale avait choisi de nommer neuf corapporteurs. Mais la commission spéciale a convenu de l’intérêt de prévoir un nombre plus resserré au Sénat. Nos trois corapporteurs ont donc été triplement talentueux, sans établir aucune comparaison avec ceux de l’Assemblée nationale : je veux tout de même louer leur finesse, leur sagacité, leur résistance aussi, car, au fil des heures et des sujets, dont la très grande variété a fait le charme de votre texte, monsieur le ministre,…

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Un charme discret ! (Sourires.)

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. … ils ont dû faire preuve d’une grande pertinence pour s’adapter. Ils ont d’ailleurs été magnifiquement soutenus par les personnels affectés à la commission spéciale et, plus globalement, par tous ceux qui ont contribué au déroulement de nos travaux. Qu’ils soient tous salués, car chacun – et pas seulement le sommet de la pyramide ! – contribue au travail de précision législative que nous réalisons.

Monsieur le ministre, il n’est pas simple de faire la loi. Il est encore plus compliqué d’y parvenir quand l’ambition affichée est celle que vous avez bien voulu donner à ce texte. Lorsque nous avons commencé nos travaux, nous avons souhaité rendre cette ambition un peu plus concrète, en veillant à atteindre l’objectif initial, à savoir relancer la croissance et l’activité.

Nous y avons largement contribué ; et quand je dis « nous », j’y associe les présidents et les membres de l’ensemble des groupes de la Haute Assemblée, qui ont tous apporté à ce débat la hauteur qui convenait.

En partant d’un texte dont j’avais déclaré qu’il était parfois un peu irritant, mais aussi enthousiasmant, on pouvait y voir des motifs d’insatisfaction ou d’engouement. Les échanges que nous avons eus ici avec vous, monsieur le ministre, ont toujours été courtois, parfois passionnés, mais toujours utiles et animés, je veux le dire, par le souci de l’intérêt général et la volonté de contribuer à écrire la loi le mieux possible, en vue de l’enrichir pour la rendre applicable.

Je remercie tous nos collègues ayant participé à ces discussions, particulièrement ceux qui ont siégé avec nous quelques nuits durant, dont une jusqu’au petit matin.

Monsieur le ministre, dans ce texte, vous avez sans doute apporté beaucoup de vous-même. La Haute Assemblée s’honore de la qualité de nos échanges, car vous avez peu posé le débat – je dirai même que vous ne l’avez pas fait du tout ! – en termes politiciens ou en opposant la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat. Vous avez très largement cherché, me semble-t-il, à adapter notre pays à la nouvelle donne internationale, la mondialisation et le développement des nouvelles technologies. Notre pays a besoin d’être dans le train de tête et d’abandonner des règles datant d’un autre siècle, car la compétition a changé ailleurs. Ce point a constitué l’essentiel de nos débats, et nous nous réjouissons que vous ayez été au rendez-vous.

Avec François Pillet, nous avons cherché à apaiser et à ressouder les professions du droit, en leur apportant des solutions juridiques ; je pense en particulier aux professions réglementées. Vous le savez, monsieur le ministre, nous aurons à cœur demain de voir comment vous pouvez évoluer plus encore sur ce sujet.

Avec Dominique Estrosi Sassone, nous avons veillé à avancer sur le terrain économique et celui de la mobilité, et ce de manière constructive.

Avec Catherine Deroche, nous avons cherché, sur le terrain social notamment, le bon compromis – nous y œuvrons encore aujourd’hui –, celui qui permet aussi à nos entreprises et à nos salariés de s’adapter, en adoptant des mécanismes de prévention, avant l’apparition de difficultés graves.

Ce texte sera, je le souhaite, utile à notre pays. Encore faut-il que nous réussissions les étapes qui vont maintenant se présenter à nous. Le travail ne s’arrête d’ailleurs pas là pour la commission spéciale et pour vous, monsieur le ministre, car chacun des corapporteurs et moi-même entretiendrons avec nos homologues de l’Assemblée nationale un dialogue pour voir de quelle manière toutes ces mesures peuvent prospérer.

En conclusion, la sérénité, la volonté de réaliser un travail commun sur le fond, auquel chacun a contribué, et la détermination d’aller plus loin pour passer des mots aux actes ont été les marqueurs de nos débats. En effet, notre pays doit bien avoir à l’esprit que, dans un système bicaméral, la Haute Assemblée peut formuler des propositions qui dépassent parfois ce qui était attendu, mais qui vont toujours dans le sens de l’intérêt général. À cet égard, je remercie tous ceux d’entre vous qui sont intervenus.

Enfin, je remercie les présidents qui se sont succédé pour permettre le bon déroulement de nos travaux. Demain, lors du vote final, je souhaite que nous ayons à l’esprit ce sens de l’intérêt général, qui a animé nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous voici parvenus au terme de nos débats, auxquels nous avons consacré un peu plus de 130 heures, réparties en quinze journées pleines, ainsi que vient de le rappeler M. le président de la commission spéciale.

Durant ces heures et ces journées, nous avons bien sûr partagé des accords et des désaccords, mais, je crois pouvoir l’affirmer à mon tour, le débat en sort grandi, et ce texte s’en trouve amélioré sur le fond. En effet, les dispositions adoptées reflètent des sensibilités différentes, et certains des aspects du texte ont été examinés avec un regard nouveau.

Bien entendu, nous ne sommes pas toujours sur la même ligne, je n’en fais pas mystère, mais nous avons systématiquement parlé de nos désaccords. Selon moi, c’est ainsi que l’on éclaire un débat démocratique.

Sur le plan méthodologique, on peut se demander s’il est préférable d’avoir de nombreux petits textes ou un projet de loi plus volumineux. Quoi qu’il en soit, cette odyssée que nous venons d’accomplir au travers de l’économie française, au cours de ces quelques semaines, a au moins une vertu : avec un regard et une détermination que vous avez tous faits vôtres – et je vous en remercie –, nous nous sommes demandé comment recréer de l’activité en France. À cette fin, nous avons revisité des normes et des secteurs entiers à la lumière de la pertinence de la règle existante, en établissant une comparaison entre le droit et le réel et en analysant des situations concrètes, et cela a apporté quelque chose de nouveau.

Ce constat vaut pour mon ministère comme pour beaucoup d’autres : lorsqu’un texte est traité pour lui-même – c’est surtout vrai eu égard à la nature du projet de loi qui vous était soumis – par ses propres acteurs, ou ceux qui en ont l’habitude, on ne peut se défaire de certains réflexes ; on ne revisite pas des choses bien établies, on n’accorde pas des droits ou des opportunités supplémentaires à ceux qui ne se sont jamais entendus, tout simplement parce que l’on n’observe pas ces régulations avec un regard extérieur.

A contrario, nous avons, collectivement, porté un regard souvent neuf sur des réglementations existantes, sans nier les raisons pour lesquelles elles étaient en vigueur, mais en veillant à chaque fois à nous interroger sur leur fondement, pour voir de quelle façon nous pouvions concrètement les améliorer. Les débats du Sénat ont donc permis de mieux prendre en compte certains aspects du texte qui, peut-être, restaient trop peu détaillés. Je pense, notamment, à l’avenir des territoires et de la ruralité. Nous avons consacré un beau débat à la couverture téléphonique fixe et mobile, qui a fait ici l’objet d’un ajout particulièrement consensuel. Il importait de le faire.

Au sujet des professions juridiques ou des transports, une position différente de celle du Gouvernement s’est fait jour, mais en préservant les équilibres du texte, du moins pour partie.

Les avancées opérées en matière de droit du travail ou d’investissement appellent, de ma part, le même constat : un cœur de réformes a été préservé, même si la Haute Assemblée a souhaité aller plus loin. Eu égard au temps du dialogue social, j’ai parfois été conduit à émettre certaines réserves. Toujours est-il que nous avons défini les contours d’une réforme concrète, que le Gouvernement appelle de ses vœux !

Ce texte doit encore franchir plusieurs étapes, à commencer par le vote solennel, dès demain, au Sénat ; puis viendra l’examen par la commission mixte paritaire, à propos duquel nous pouvons légitimement nourrir beaucoup d’espoirs. Le travail que nous avons collectivement mené doit trouver là sa concrétisation. Si un accord n’était pas atteint à ce stade, une nouvelle lecture serait engagée devant chaque assemblée.

Désormais, il est urgent que ces dispositions entrent en vigueur, pour devenir des éléments concrets dans la vie de nos concitoyens. En effet, nos débats tiennent leur crédibilité, non seulement de leur richesse, de la liberté laissée à chacun de s’exprimer, mais aussi de notre capacité à traduire dans les faits les avancées que ce texte contient, à les faire advenir. Tel est, à présent, l’objectif que je m’assigne.

Je l’ai dit, nous avons passé beaucoup d’heures à débattre, à confronter nos convictions mutuelles, et j’en remercie sincèrement les membres de la Haute Assemblée.

Tout d’abord, monsieur le président de la commission spéciale, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé bien avant ces quatre semaines de séance publique, au travers des auditions notamment. J’ai été, vous le savez, très frustré de ne pouvoir assister aux travaux de la commission spéciale. Néanmoins, je sais que l’usage en vigueur au Sénat l’imposait.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Cela vous a plutôt réussi ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Au reste, cela ne m’a pas empêché d’apprécier l’action menée, en amont, par la Haute Assemblée.

Le président l’avait annoncé dès le début, le Sénat a tenu à démontrer sa valeur ajoutée, en coproduisant la loi avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Le travail que vous avez orchestré s’est constamment inscrit dans cette perspective, et, je ne puis manquer de le saluer, cet objectif a été atteint.

Ensuite, je tiens à remercier tous les corapporteurs, qui, concernant la partie qui leur était soumise, ont œuvré en faisant valoir leur sensibilité propre, ce qui est tout à fait respectable. Ils ont cherché non pas à faire table rase des dispositions prévues, mais à prendre celles-ci pour base. Cette méthode a pu, certes, susciter certaines frustrations chez M. Karoutchi (M. Roger Karoutchi s’exclame.) – vous l’aurez compris, je plaisante, monsieur le sénateur ! -, mais elle a donné beaucoup de crédibilité à la démarche de la commission spéciale.

En outre, mes remerciements s’adressent à tous les sénateurs présents, qui ont enrichi nos débats, comme l’a souligné Mme Assassi. Nous avons souvent constaté des désaccords. Toutefois, en nous écoutant les uns les autres, en nous opposant des arguments, nous sommes parfois parvenus à nous convaincre.

Je remercie tout particulièrement celles et ceux qui ont siégé sans discontinuer – M. Desessard, Mme Bricq, M. Karoutchi, Mme Assassi, Mme David et tant d’autres encore – : ils ont vraiment passé leurs jours et leurs nuits dans cet hémicycle, sans être nécessairement membres de la commission spéciale. Ils ont donné de leur temps et déployé leur conviction, sans jamais laisser leur esprit s’assoupir… Même lorsque les amendements étaient examinés très tard dans la nuit, les réactions restaient toujours aussi vives ! (Sourires.) C’est ce qui a fait la richesse de ce débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, eu égard à la qualité des discussions qui se sont déroulées dans cette enceinte, la Haute Assemblée a fait honneur à sa réputation. Je n’en ai jamais douté, mais, vous m’en avez pleinement convaincu, grâce à vous et au rôle qui est le vôtre, on fait bien la loi.

Enfin, je tiens à remercier vivement les collaborateurs des sénateurs, ainsi que l’ensemble des personnels du Sénat, les conseillers de tous mes collègues du Gouvernement qui ont été sollicités et mes propres équipes, qui, souvent, sont restés tard le soir et ont poursuivi leur tâche au fil des jours. Nous leur avons imposé notre rythme. Ils ont assumé une mission essentielle,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est certain !

M. Emmanuel Macron, ministre. … quoique invisible, pour permettre aux uns et aux autres de défendre leurs convictions dans les meilleures conditions, en disposant de toutes les informations nécessaires. J’ai été très sensible à leur disponibilité et à la qualité du travail accompli par leurs soins.

Avant que mon collègue Bernard Cazeneuve ne présente le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, pour une durée de quatre semaines, vient-il de me dire à l’instant ! (Rires.),…

Mme Nicole Bricq. Chiche ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. … permettez-moi, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous offrir le verre de l’amitié à la buvette du Sénat pour fêter la fin de nos débats ! (Applaudissements.)

M. Jean-Claude Lenoir. Applaudissements bien mérités !

M. le président. Les explications de vote sur l’ensemble du projet de loi auront lieu demain mardi 12 mai, à quatorze heures trente.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 58 quater (précédemment réservé) (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale (suite)

Réforme de l'asile

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (projet n° 193, texte de la commission n° 426, rapport no 425, avis n° 394).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comment ne pas songer, au moment où s’ouvre notre discussion sur la réforme du droit d’asile, au drame qui se joue actuellement en Méditerranée ? Plus de 1 700 hommes, femmes et enfants y ont déjà perdu la vie en 2015, victimes de trafiquants et de passeurs, qui n’hésitent pas, après les avoir rançonnés, à envoyer ces migrants à la mort sur des embarcations de fortune.

Comme vous le savez, le Conseil européen, réuni en urgence le 23 avril dernier, a dégagé de premières orientations pour répondre à cette crise migratoire, secourir les migrants en détresse et répartir l’effort entre les États membres. Le triplement des moyens de secours dédiés à l’agence Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, et le renforcement de notre coopération avec les pays d’origine et de transit, tout comme la lutte contre les filières de passeurs, traduisent cette volonté européenne.

La France, conformément à sa vocation, s’est portée aux avant-postes de cette mobilisation et continuera à le faire. D’ailleurs, l’agenda pour les migrations que la Commission européenne adoptera mercredi prochain devrait s’inspirer en grande partie des propositions de la France sur le renforcement des moyens de Frontex, celui de la coopération avec les pays de transit et d’origine – je me rends d’ailleurs au Niger mercredi et jeudi prochains pour traiter de ce sujet –, la mise en place d’une véritable politique européenne commune de l’asile, combinant responsabilité et solidarité des États membres de l’Union européenne, l’instauration d’un programme-pilote de réinstallation des réfugiés syriens au niveau européen et un soutien renforcé aux États membres les plus concernés par les afflux de migrants, afin qu’ils puissent plus efficacement protéger les personnes en besoin de protection et éloigner, dans des conditions de dignité et de respect des droits, les personnes relevant de l’immigration irrégulière.

Le projet de loi dont vous êtes saisis, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrit parfaitement dans cette initiative européenne. Mieux, il l’anticipe. Face à la grave crise migratoire que rencontre l’Europe, la France joue tout son rôle en adoptant une réforme qui vise à rendre soutenable la demande d’asile en France. Elle contribuera efficacement à l’initiative européenne conduite par Jean-Claude Juncker, à laquelle nous apportons tout notre soutien.

Je veux, à cet effet, rappeler les choses très clairement. Nous avons collectivement, je vous le dis à tous, une exigence de vérité et d’action pour faire taire les fantasmes sur lesquels prospèrent tous les extrémismes.

L’augmentation brutale des flux en Méditerranée n’est pas née du hasard. Elle résulte très directement du chaos libyen. La Libye n’est plus en mesure de contrôler ses frontières. C’est de ses côtes que partent les migrants, qui croient trouver en Europe le rêve que d’autres leur ont vendu en leur mentant.

Je veux, toujours au titre de cette exigence de vérité, dissiper une confusion qui a prospéré dans le tumulte médiatique. La France est loin d’être le pays le plus concerné par ces flux migratoires en provenance de la Méditerranée. Elle est loin aussi d’être le pays le plus concerné en Europe par la demande d’asile.

Elle est – cela doit d’ailleurs conduire tous les démagogues affirmant que notre pays serait la proie de migrants résolus à capter je ne sais quelle aide que nous octroierions trop généreusement à s’interroger ! – le seul pays de l’Union européenne à avoir connu une baisse de 2,34 % des demandes d’asile en 2014. Et les chiffres concernant les premiers mois de l’année 2015 sont, pour l’instant, stables. Cela signifie une chose : la France est, pour ces migrants, un pays de transit et non d’installation. Pour autant, cela pose des problèmes très difficiles, notamment à Calais.

Mais, de grâce, n’exploitons pas les drames en Méditerranée, comme j’ai pu le lire çà et là, pour faire peur aux Français ou, soudain, inviter le Gouvernement à je ne sais quel changement de cap !

Comprenons bien l’urgence de ce texte. Les migrants qui traversent la Méditerranée ne relèvent pas tous de l’asile. Mais certains, à l’évidence, les Syriens, les Érythréens, les Irakiens, en relèvent. Leur arrivée sur les côtes européennes impose à chaque État membre de l’Union européenne, et donc à la France, d’avoir des procédures d’asile efficaces, rationnelles, réactives et conformes aux meilleurs standards européens. Cette exigence de transposition de nos règles communes fait d’ailleurs partie intégrante des conclusions des 28 chefs d’État et de gouvernement et de la communication sur l’agenda des migrations, qui sera présentée mercredi prochain par la Commission européenne.

Or – c’est un point d’accord entre tous les républicains – l’exercice du droit d’asile est fragilisé en France. Notre dispositif en la matière est au bord de l’embolie.

Le texte qui vous est présenté est donc en prise avec une actualité brûlante. Et, je dois le dire, c’est pour moi une fierté particulière de présenter dans ce contexte si difficile un texte répondant aux urgences du moment et ayant recueilli un large assentiment à l’Assemblée nationale, lors de sa première lecture.

Toutefois, avant d’entrer dans le détail du texte, je veux insister sur l’esprit dans lequel il a été rédigé.

Je sais que la volonté de réformer notre système d’asile rassemble tous les républicains, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent, et ce pour une raison simple : l’histoire du droit d’asile et celle de la République et de la démocratie sont intimement liées l’une à l’autre.

Voilà pourquoi le projet de loi déposé par le Gouvernement est d’abord un texte de rassemblement, fruit d’une réflexion et d’une mobilisation de longue haleine, à laquelle nous sommes nombreux à avoir contribué.

En juillet 2013, mon prédécesseur Manuel Valls avait organisé une concertation nationale sur le droit d’asile, qui a rassemblé l’ensemble des acteurs concernés : l’État, bien sûr, qui doit prendre ses responsabilités – et il les prend ! – ; les collectivités locales ; les associations ; le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR ; l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA ; la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, et l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Votre collègue Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine ont coordonné ces travaux. Je voudrais, une fois de plus, saluer leur travail remarquable. C’est sur ces bases que le texte qui vous est aujourd’hui soumis a recueilli une large majorité à l’Assemblée nationale, à l’issue d’un débat de qualité, débarrassé des postures partisanes.

Je sais aussi que, sur de nombreuses travées de cette assemblée, des sénateurs se passionnent pour l’asile. Je pense bien sûr au rapporteur, François-Noël Buffet, que je veux remercier pour sa contribution à l’élaboration de ce texte, à Roger Karoutchi, auteur d’un rapport d’information consacré aux centres provisoires d’hébergement et au coût de notre politique d’asile d’une manière générale, à Jean-Yves Leconte et à Jean-Pierre Sueur, toujours mobilisés sur ces questions qui mêlent intimement République et humanité. Nous aurons sans doute des échanges riches avec Esther Benbassa ou Éliane Assassi, qui ont eu, je le devine, une lecture critique et fine de ce texte.

Si un consensus fort s’est dégagé à l’Assemblée nationale, c’est parce que nous avons pris le temps de réaliser un diagnostic. Celui-ci a été fait et refait ; il est établi et largement partagé. Le récent relevé d’observation provisoire de la Cour des comptes, dont la presse s’est opportunément fait l’écho, n’a fait que confirmer, parfois en ajoutant de la confusion ou de l’imprécision, les dysfonctionnements que des parlementaires de tous bords, des associations et des institutions avaient dénoncés.

Ces dysfonctionnements, je veux les redire simplement en quelques phrases. Notre système d’asile souffre de graves carences. Alors que la demande d’asile a presque doublé entre 2007 et 2012, passant de 35 000 à 62 000 demandes, aucune mesure n’a été prise pour gérer cette augmentation. La demande a continué à s’accroître en 2013, avant que l’année 2014 ne soit marquée par un léger retournement de tendance, paradoxal d’ailleurs, dans le contexte international actuel : selon les données collectées par l’OFPRA, plus de 64 536 demandes ont été déposées l’année dernière, soit une diminution, je le redis, de 2,34 % par rapport à l’année précédente.

Les délais à l’OFPRA comme à la CNDA se sont allongés considérablement, pour atteindre jusqu’à deux ans. Les hébergements se sont trouvés saturés. Les inégalités de traitement entre les demandeurs d’asile ont été accrues et les droits minimaux qui leur sont dus au titre des règles européennes n’ont plus été assurés. Le coût budgétaire de l’ensemble a cessé d’être maîtrisé. La gestion locale de la demande d’asile a été rendue plus difficile, puisque deux tiers des demandeurs sont concentrés dans deux régions.

C’est à ces dysfonctionnements, incontestables, connus et insoutenables à court terme que le projet de loi veut répondre.

Derrière sa technicité apparente, ce texte a trois objectifs simples, que je veux rappeler ici.

Il vise, d’abord, à réduire drastiquement les délais d’examen d’une demande d’asile. Il prévoit, ensuite, d’améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile en mettant en place un hébergement directif. Il tend, enfin, à accroître les droits des demandeurs d’asile, en transposant exactement les directives applicables.

Nous entendons, tout d’abord, réduire à neuf mois en moyenne la durée totale de l’examen d’une demande. À l’heure actuelle, celle-ci peut facilement excéder deux ans, contre moins d’un an, en moyenne, chez nos principaux partenaires européens.

Ce premier objectif constitue un préalable à toute amélioration de la situation que vivent les demandeurs d’asile. Des procédures trop longues freinent l’accès au statut de réfugié pour les demandeurs qui sont fondés à l’obtenir, mais rendent également notre dispositif plus vulnérable aux tentatives de détournement à des fins d’immigration irrégulière. En outre, elles compliquent l’éloignement des déboutés.

La priorité est donc d’accélérer les délais d’examen devant l’OFPRA, chargé des demandes en première instance, mais aussi devant la CNDA, cour spécialisée que le projet de loi entend maintenir et renforcer.

En effet, à chaque étape, les délais sont excessifs, sans parler du temps que prennent les échanges d’informations entre toutes les institutions concernées, ni même des délais « cachés », tels que celui de l’enregistrement de la demande en préfecture. Il n’est donc pas acceptable de laisser si longtemps dans une telle situation d’incertitude ceux qui font confiance à la France pour les protéger.

Voilà pourquoi l’OFPRA et la CNDA seront dotés en 2015 d’importants moyens humains supplémentaires : 55 équivalents temps plein ont d’ores et déjà été attribués et recrutés par l’OFPRA. C’est un effort exceptionnel, jamais encore réalisé, qu’a consenti le Gouvernement. De tels renforts permettront à l’OFPRA, dès 2016, d’accélérer ses procédures, afin de limiter à trois mois la durée moyenne d’examen d’une demande d’asile.

La CNDA, quant à elle, bénéficiera d’un renfort de magistrats et de rapporteurs, afin d’accompagner la réforme de ses procédures. Les demandes en procédure accélérée devront être examinées en moins de cinq semaines par un juge unique, et les demandes en procédure normale en moins de cinq mois par une formation collégiale. Pour ce faire, nous prévoyons, en outre, de simplifier un certain nombre de règles devant la Cour, notamment celles qui concernent l’aide juridictionnelle.

Nous devons également simplifier nos procédures d’asile en amont. Les délais d’enregistrement des demandes par les préfectures sont beaucoup trop longs ; ils devront être ramenés à trois jours grâce à la création de guichets uniques de l’accueil du demandeur d’asile, qui regrouperont sur un même site les agents de l’OFII et ceux des préfectures.

Enfin, nous devons savoir distinguer entre les demandes d’asile qui méritent un examen approfondi et celles pour lesquelles la réponse semble évidente, qui peuvent donc être traitées plus rapidement. C’est aussi de cette façon que nous réduirons sensiblement les délais de procédure : l’OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées, telles celles des Syriens ou des chrétiens d’Irak. À l’inverse, d’autres demandes ne nécessitent pas un examen approfondi, dans la mesure où elles ne reposent sur aucun motif sérieux. Pour cette raison, le texte vise à réformer les placements en procédure prioritaire, celle-ci devenant la procédure accélérée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis exploite toutes – je dis bien toutes ! – les possibilités offertes par les directives de placement en procédure accélérée. Quand on souhaite réduire les délais, on utilise tous les moyens disponibles entre les mains de l’administration pour y parvenir.

Par ailleurs, et parce qu’il s’agit d’un texte d’équilibre, le projet de loi enregistre aussi deux avancées essentielles.

Il tend, d’abord, à confier à l’OFPRA, qui a seule accès au contenu de la demande, le soin de dire en dernière instance si un dossier doit faire l’objet ou non d’un placement en procédure accélérée.

Il vise, ensuite, à garantir au demandeur d’asile en procédure accélérée les mêmes droits – un hébergement, une allocation, un recours suspensif – qu’à un demandeur en procédure normale. Sa demande est certes examinée plus vite, mais ses droits – tous ses droits ! – sont intégralement respectés.

Notre deuxième objectif est d’améliorer l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile.

Actuellement, notre système est bien trop inégalitaire. Pour cette raison, il n’honore pas la République. Certains demandeurs sont hébergés dans des centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA. Ils bénéficient à ce titre d’un accompagnement administratif, social et juridique dont chacun, jusqu’aux milieux associatifs les plus engagés, loue la qualité. Ce n’est, en revanche, pas le cas des deux tiers des demandeurs d’asile, qui sont soit pris en charge dans des structures d’hébergement d’urgence, soit tout simplement livrés à eux-mêmes et survivent tant bien que mal dans des campements de fortune. Cette différence de traitement n’est pas tolérable ; elle doit donc cesser.

D’ici à 2017, l’hébergement en CADA doit devenir la norme, et l’hébergement d’urgence l’exception. Pour ce faire, nous allons augmenter le nombre de places en CADA : nous avons déjà créé 4 000 places supplémentaires en deux ans, et nous avons l’ambition d’en ouvrir encore 5 000 d’ici à l’année prochaine, par créations nettes ou bien en transformant certaines places d’hébergement d’urgence.

Nous devons, ensuite, en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d’asile. L’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique, qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur.

Enfin, nous allons mettre en place – et c’est un point indissociable des deux précédents – un véritable hébergement directif.

Comme vous le savez, l’accueil des demandeurs d’asile peut être difficile à gérer sur le terrain, lorsqu’un trop grand nombre d’entre eux convergent en même temps vers un même point du territoire.

Aujourd’hui, deux territoires – la région parisienne et la région lyonnaise, François-Noël Buffet le sait bien – concentrent plus de la moitié des demandes. L’Île-de-France concentre à elle seule 42 % des demandeurs d’asile. Je n’ignore pas non plus les difficultés rencontrées en Alsace, en Bretagne ou en Lorraine. C’est la République qui offre l’asile à ceux qui en ont besoin, et non tel ou tel territoire.

Par conséquent, afin de mieux répartir l’effort, nous prévoyons de mettre en place une orientation directive des demandeurs. Mieux orienter leur accueil permettra également de mieux les accompagner et de leur offrir de meilleures conditions d’hébergement.

Concrètement, le versement d’une allocation dépendra de la sollicitation, puis de l’acceptation d’un hébergement. Si un demandeur ne souhaite pas bénéficier des conditions d’accueil prévues par la République, ou s’il ne souhaite pas aller là où une place est disponible pour le recevoir, il aura naturellement droit à un examen de sa demande d’asile, mais il ne pourra pas jouir de l’hébergement ni des allocations prévues. J’y insiste, il s’agit là d’un point crucial, qui conditionne le succès de la réforme.

Le troisième objectif de cette réforme concerne le renforcement des droits des demandeurs d’asile, dans un souci d’égalité et de juste transposition des normes européennes.

Cet élément est essentiel, car il est la démonstration que le raccourcissement des délais et l’augmentation des droits des demandeurs d’asile sont deux objectifs que l’on peut chercher à atteindre simultanément.

Ainsi, le demandeur d’asile pourra désormais bénéficier à l’OFPRA d’un conseil de son choix, de même qu’il pourra, s’il le souhaite, accéder de plein droit à l’aide juridictionnelle devant la CNDA. Les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité pourront également bénéficier d’un examen et d’une prise en charge adaptés à leur situation. Je pense, bien sûr, aux mineurs, mais aussi aux femmes victimes, en tant que femmes, des pires atrocités.

La loi permettra également à tous les demandeurs d’asile – en procédure normale comme en procédure accélérée – de jouir d’un droit au maintien sur le territoire pendant l’examen de leur demande, à savoir l’ensemble des droits aujourd’hui reconnus aux demandeurs en procédure normale.

Je ne peux aborder la question de l’asile sans avoir une pensée pour l’outre-mer, notamment Mayotte et la Guyane.

Ces départements sont confrontés à une pression migratoire exceptionnelle, dont je sais qu’elle peut être déstabilisante. La demande d’asile peut y être perçue, en raison de l’éloignement, de la longueur des procédures, comme une difficulté supplémentaire. Je veux devant vous prendre l’engagement que le Gouvernement veillera à ce que ce projet de loi, dans sa mise en œuvre, apporte dans ces territoires des solutions concrètes.

Pour conclure, je dirai un mot sur un point qui a subitement inquiété, me suis-je laissé dire, la commission des lois du Sénat ; je veux parler des déboutés du droit d’asile.

Le Gouvernement n’a pas attendu le relevé d’observation provisoire de la Cour des comptes pour prendre la mesure des difficultés sur ce sujet.

Je veux dire les choses très simplement et très clairement : un débouté de l’asile est, sauf s’il bénéficie d’un droit au séjour pour un autre motif, un étranger en situation irrégulière. Il doit donc – c’est la démarche du Gouvernement – quitter le territoire et regagner son pays d’origine, comme tout étranger en situation irrégulière. La lutte contre l’immigration irrégulière est, je le répète, une priorité de ce gouvernement et de mon ministère.

Je ne suis pas certain, en la matière, que ceux qui se posent en conseilleurs sur ces sujets aimeraient que je livre les résultats chiffrés auxquels ont pu mener d’autres politiques. Nous avons confié la comptabilisation des éloignements à un service statistique indépendant, du ressort de l’INSEE. C’était, comme en matière de délinquance, une décision destinée à créer les conditions de la transparence et de la fiabilité des données.

Quand nous avons fait ce choix, il est apparu que, une fois que l’on enlevait les retours aidés de Roumains et de Bulgares, c’est-à-dire de ressortissants de l’Union européenne, la politique d’éloignement de la France, au sens des normes européennes, celles qui doivent servir de référence, s’était en vérité effondrée entre 2007 et 2011. En effet, les retours étaient provisoires et, donc, fictifs : après avoir perçu à Noël la prime qui leur était accordée pour repartir dans leur pays, ceux-ci ne tardaient pas à revenir pour toucher la prime octroyée à Pâques pour repartir, avant de revenir. Tout cela alimentait des comptabilisations avantageuses, qui n’avaient pourtant absolument rien à voir avec la détermination à mener une politique en la matière.

Remettre sur pied une politique d’éloignement efficace et respectueuse des droits, c’est l’engagement que nous avons pris ; et c’est l’engagement que je veux tenir devant la représentation nationale.

Pour ce faire, nous avons pris deux mesures.

En premier lieu, nous avons remobilisé l’ensemble des services, qui en avaient besoin. Quatre circulaires traitant de la lutte contre l’immigration irrégulière ont été publiées entre 2013 et 2015. Des plans d’action ont été élaborés par chaque préfecture. Les aides au retour ont également été retravaillées, à ma demande, par l’OFII, qui a ajouté à ce dispositif un véritable volet en matière de réinsertion dans le pays d’origine.

Nous n’avons pas ménagé nos efforts parce que la République, je le dis là encore clairement et fermement devant la représentation nationale, ce sont des règles, qui doivent être rigoureusement respectées.

Quels sont les résultats de cette politique ? Les retours contraints, notamment vers un pays tiers à l’Union européenne, qui s’étaient effondrés entre 2007 et 2011, repartent à la hausse depuis trois ans. Je veux donner ici des chiffres précis, vérifiables par la commission comme par certains observateurs ayant écrit des articles, certes, percutants sur le sujet, mais qui n’étaient pas toujours, selon moi, honnêtement et convenablement documentés.

Les retours contraints ont augmenté de 13 % en 2013 et de 25 % environ l’année dernière. En 2014, la France a connu le plus haut niveau d’éloignements contraints depuis 2007, avec 15 161 éloignements contraints recensés. Je ne dis pas que nous réussissons là où d’autres ont échoué ; je dis simplement que tout le monde doit faire preuve de la plus grande humilité dans le cadre de cette politique difficile.

Par ailleurs, mes services sont également pleinement mobilisés dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière, de véritables filières de traite des êtres humains qui tirent profit de leur misère.

Là aussi, notre action porte ses fruits. L’année dernière, nous avons démantelé près de 230 filières clandestines – 226, très exactement ! –, un record historique, car cela représente 25 % de plus qu’en 2012. La détermination n’est pas toujours accompagnée des discours visant à l’instrumentalisation de ces questions, ces discours étant oublieux des chiffres, des réalités des actions, et usant d’artifices pour atteindre des objectifs qui, d’ailleurs, ne correspondent pas toujours aux nécessités de l’urgence.

En second lieu, je tiens à rappeler que nous avons inclus dans le projet de loi sur le séjour, dont la discussion au Parlement débutera dans les prochaines semaines, l’ensemble des dispositions qui apparaissent nécessaires à l’amélioration de nos dispositifs, dans le respect du droit et des droits. Je le précise, car il m’est arrivé de me demander si cet élément avait bien été compris.

Un débouté du droit d’asile, je le disais, c’est un étranger en situation irrégulière. Il n’y a aucune raison juridique de créer des dispositifs spécifiques d’éloignement, c’est-à-dire spécifiquement réservés aux déboutés de l’asile, sauf à prendre, justement, des risques juridiques. Personne, aucun gouvernement, ne l’a jamais fait. Ce serait d’ailleurs une bien étrange application des garanties constitutionnelles qui entourent le droit d’asile si un étranger en situation irrégulière, parce qu’il a fait une demande d’asile, se voyait appliquer des règles plus rigoureuses qu’un autre étranger en situation irrégulière qui ne l’aurait pas faite.

C’est la raison pour laquelle les réformes concernant l’ensemble des étrangers en situation irrégulière, déboutés de l’asile ou non, trouvent leur place dans le texte sur le séjour, lequel sera débattu, non pas à la Saint-Glinglin, mais en juillet à l’Assemblée nationale et en septembre ou, au plus tard, en octobre au Sénat. Il y a donc une véritable continuité dans l’examen des textes en ce domaine par le Parlement.

Si nous voulons être pragmatiques et efficaces, si nous voulons faire montre d’humanité, de responsabilité et de fermeté quand c’est nécessaire, si nous sommes désireux de ne pas instrumentaliser une telle question à des fins politiques, partisanes, voire électorales, nous serons en situation d’avoir adopté l’ensemble de ces dispositions d’ici à la fin de l’année. La France affirmera ainsi la vocation qui a historiquement toujours été la sienne en matière de droit d’asile et pourra, dans le même temps, procéder à la reconduite à la frontière des déboutés du droit d’asile, ceux qui n’ont pas eu accès à l’asile en France, car ils ne relèvent pas de ce dispositif.

Le Gouvernement propose au Sénat une approche globale. Il s’agit de renouer avec l’asile, mais également d’avoir une politique apaisée à l’égard de l’immigration, tout en renforçant la lutte résolue contre l’immigration irrégulière.

Là encore, le Gouvernement est dans l’action, et non dans le commentaire, et il se refuse à être dans l’approximation. D’ailleurs, j’aurai l’occasion, soit pendant cette discussion générale, soit lors de l’examen des amendements adoptés en commission, de démontrer que le Gouvernement prend bien en compte l’ensemble de vos préoccupations, mais en ayant en permanence le souci, d’une part, du respect des normes européennes et internationales et, d’autre part, de l’efficacité.

Par exemple, la commission des lois, en adoptant un amendement visant à priver le débouté d’une demande d’asile de toute possibilité d’admission au séjour à un autre titre, commet, à mon avis, une double erreur juridique.

D’une part, cette mesure aboutirait à une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile déboutés et les autres étrangers en situation irrégulière, qui est à la fois inexplicable et contraire au droit constitutionnel de l’asile.

D’autre part, les admissions au séjour obéissent le plus souvent à des contraintes résultant de normes européennes. Les interdire, c’est nous exposer à une condamnation certaine de la France par les juridictions nationales et européennes.

Ce n’est qu’un exemple, mais il est révélateur. Je ne pense pas une minute que ces arguments juridiques de bon sens soient inconnus des membres éminents de la commission des lois. Dès lors, pourquoi adopter des amendements dont on sait pertinemment qu’ils nous conduisent dans des impasses juridiques ? Pourquoi réclamer des choses dont on sait l’inconstitutionnalité ou l’inconventionnalité ?

Pour sa part, le Gouvernement contribuera à ce débat dans un esprit républicain, c’est-à-dire un esprit de responsabilité. Votre commission des lois a réalisé un travail important, que je tiens à saluer ; je pense notamment au travail du rapporteur François-Noël Buffet, dont les apports améliorent parfois le texte. Néanmoins, certaines des modifications proposées ne reflètent pas les orientations du Gouvernement et posent de réels problèmes constitutionnels. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements. Outre certaines dispositions relatives aux déboutés dont j’ai déjà parlé, je pense aussi à certaines dispositions en matière de compétence contentieuse ou d’hébergement directif. Le Gouvernement entend aborder chacune de ces questions avec la plus grande rigueur et la sérénité qui caractérise toujours les débats au sein de la Haute Assemblée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne nous trompons pas de débat ! Compte tenu des drames humanitaires auxquels le monde est confronté, il y a urgence à réformer nos procédures d’asile. La réforme que nous proposons est, j’en suis convaincu, à la fois globale et équilibrée.

Avec l’amélioration de nos dispositifs d’intégration, l’accueil des étudiants et des talents étrangers, la lutte contre l’immigration irrégulière, la réforme du droit d’asile est l’un des quatre piliers, le plus symbolique sans doute, de notre politique à l’égard des étrangers en France. Cette politique globale fait l’objet de deux projets de loi. Tous deux seront discutés et, je le souhaite, adoptés avant la fin de l’année.

Au demeurant, en élaborant deux lois dans la même séquence parlementaire, l’une sur l’immigration et l’autre sur l’asile, ce gouvernement n’innove pas. C’est exactement ce qui avait été proposé à la représentation nationale en 2003, et personne, à l’époque, n’avait estimé que cela fût irresponsable…

Aujourd’hui est venu le temps du débat sur la réforme de l’asile. C’est un débat indispensable, eu égard à l’ampleur des dysfonctionnements que j’ai rappelés. La réforme est urgente si la France veut tenir son rang dans la gestion des flux migratoires auxquels l’Europe est confrontée.

Je n’ignore évidemment pas les contingences politiques. Je n’ai aucune forme de naïveté à cet égard. Je comprends parfaitement les positionnements et les tactiques, ainsi que leurs motivations. Mais je forme le vœu que, sur un sujet aussi fondamental, lié à notre identité républicaine, nous sachions ensemble faire honneur à la réputation de la République,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … à la longue tradition de débats apaisés et de qualité, qui ont toujours caractérisé la Haute Assemblée. Nous pourrons ainsi aller sereinement au fond des choses. C’est en tout cas le souhait profond du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Élisabeth Doineau et Valérie Létard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui est important. Bien sûr, tous les textes sont importants, mais celui-ci l’est particulièrement, car la politique de l’asile concerne non pas des marchandises, mais des personnes. À ce titre, nous avons l’impérieuse nécessité et le devoir d’être extrêmement vigilants quant à nos décisions.

Mais cette exigence et notre préoccupation collective de doter notre pays des instruments lui permettant de mener ses politiques ne doivent pas nous empêcher de regarder la réalité en face. Nous sommes confrontés à la triste actualité de ces populations victimes de réseaux mafieux, qui leur font miroiter un Eldorado en Europe, et plus particulièrement en France, pour s’enrichir sur leur dos !

Certains ont parfois tendance à confondre la question de l’asile avec celle de l’immigration. Rappelons d’emblée que les deux sujets sont distincts !

Mme Catherine Tasca. Absolument !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’asile est une chose et l’immigration en est une autre. Il y a une immigration régulière, et il est bien normal que notre pays se dote d’une politique migratoire – ce n’est pas le sujet qui nous occupe aujourd’hui : peut-être est-ce dommage ? – ; il y a une immigration clandestine, contre laquelle nous devons lutter fermement.

La politique de l’asile découle avant tout de l’application de la convention de Genève de 1951. La France a le devoir d’accorder une protection à ceux qui sont menacés dans leur pays. L’objectif, ce n’est pas de répondre systématiquement par la négative ; c’est de pouvoir accorder rapidement l’asile à ceux qui en ont besoin. La difficulté qui est la nôtre aujourd’hui dans notre droit et dans la situation de fait tient au fait que la procédure a été dévoyée, et ce pour plusieurs raisons.

Sous le précédent quinquennat, j’ai eu à connaître, avec d’autres collègues, de ces politiques. Je peux témoigner, et je ne pense pas être démenti à cette tribune, que les moyens financiers de l’OFPRA, alors erratiques, ont été sanctuarisés. Nous étions parfaitement conscients de l’instabilité de certains pays et de la nécessité de permettre à cette instance, à laquelle nous sommes très attachés, de pouvoir travailler correctement.

Nous avons institué la Cour nationale du droit d’asile. Je suis intervenu à de multiples reprises sur le sujet dans cet hémicycle. Le dispositif que nous avions mis en place doit évoluer, car des insuffisances sont apparues.

Aujourd'hui, un demandeur attend en moyenne entre dix-sept mois et vingt-quatre mois pour savoir si la France lui accorde ou non la protection.

Les demandes ont augmenté, passant de 61 468 en 2012 à 66 251 en 2013, avant de redescendre en 2014, comme l’a souligné M. le ministre, à 64 811, ce qui est tout de même un chiffre élevé. Dans le même temps, les demandes en stock atteignaient, en 2012, 24 498, contre 30 197 en 2013. En 2012, les admissions s’élevaient à 10 000, contre 11 428 en 2013 et 14 512 en 2014. Il y a donc environ 40 000 déboutés du droit d’asile chaque année.

Cette situation est liée tout particulièrement à la longueur des délais et au fait que certains – cela ne concerne pas seulement des filières – utilisent la procédure de demande d’asile comme s’il s’agissait d’une procédure d’immigration. Cela ne peut évidemment pas fonctionner.

Le présent projet de loi aurait pu être examiné par le Sénat en même temps que le texte sur l’immigration, mais ce n’est pas le choix qui a été retenu. On peut le comprendre, car les deux sujets sont distincts, mais c’est tout de même un peu regrettable, et je m’en explique.

Lorsque les 40 000 déboutés du droit d’asile rejoignent la clandestinité, leur cas relève de la politique d’immigration. Il faut en avoir conscience quand on légifère sur l’asile.

Le texte dont nous sommes saisis transcrit trois directives dans notre droit. La première, la directive « Qualification », qui date de 2011, devrait déjà avoir été transcrite depuis le mois de décembre 2013. Les deux autres sont la directive « Accueil », qui porte particulièrement sur la vulnérabilité et l’accès au marché du travail, et la directive « Procédures », qui crée un certain nombre d’instruments pour essayer de réduire les délais d’instruction des demandes d’asile.

Permettez-moi d’évoquer la création des procédures d’irrecevabilité ou de clôture d’instruction des dossiers par l’OFPRA. Jusqu’à présent, cela n’existait pas. Les conditions sont parfaitement définies. Je mentionnerai également la procédure accélérée, qui remplace la procédure dite « prioritaire ». Il s’agit de traiter dans un délai bref, deux semaines, les demandes adressées à l’OFPRA qui ont le moins de chances d’aboutir.

Le projet de loi prévoit également de renforcer les pouvoirs de l’OFPRA, de modifier son conseil d’administration et de changer les conditions d’établissement de la liste des pays d’origine sûrs.

La CNDA devra décider en cinq mois. Elle pourra siéger non seulement en formation collégiale, mais également en juge unique. Même si cette procédure est contestée par un certain nombre de nos collègues, elle paraît tout à fait pertinente au regard des besoins. Il est nécessaire de traiter rapidement des dossiers dont on sait que l’issue ne sera pas positive. Les droits des demandeurs sont préservés : à chaque niveau de la procédure, les magistrats peuvent décider de confier le dossier à la formation collégiale.

Le projet de loi prévoit également des adaptations de notre droit, compte tenu notamment du règlement « Dublin III ». L’objectif est de pouvoir déterminer le plus rapidement possible le pays responsable de l’examen de la demande d’asile du demandeur, aux fins de son transfert dans ce pays.

J’en viens à un autre volet, celui de l’hébergement.

L’hébergement est l’un des sujets majeurs de préoccupation puisque la commission s’est rendu compte, depuis longtemps déjà, de la difficulté devant laquelle se trouvent les CADA, à la fois occupés par les demandeurs dont la procédure est en cours et par ceux qui ont été déboutés.

Il est également nécessaire, compte tenu des pressions migratoires – plus de 50 % d’entre elles s’exercent sur deux régions particulières : l’Île-de-France et la région Rhône-Alpes –, de disposer d’un dispositif plus efficace et de mettre en place le schéma directif des demandeurs d’asile. Cette disposition que la commission des lois a validée est positive. Aussi, nous souhaitons qu’elle soit maintenue, même si de nombreux amendements visant à la supprimer ont été déposés.

Ce texte vise aussi à donner plus de pouvoir à l’OFII, non seulement pour ce qui est de la gestion de l’hébergement, mais également pour ce qui est de la capacité d’allouer ou non un certain nombre d’aides en fonction de l’hébergement.

Je le dis sincèrement, en ce qui concerne la partie « Procédures », la retranscription des directives et les amendements adoptés par la commission des lois du Sénat, après examen du texte par l’Assemblée nationale, vont plutôt dans le bon sens puisqu’ils visent à assurer que la demande des demandeurs d’asile sera bien traitée dans un délai de neuf mois. Le délai sera de cinq mois pour la CNDA. Nous avons souhaité qu’il soit de trois mois pour l’OFPRA. Ainsi, la durée du processus ne fera plus opter en faveur de cette procédure à des fins étrangères à sa vocation.

Plus la procédure sera rapide, tout en respectant évidemment le droit de chacun – nous verrons que le texte comporte de nombreuses mesures en ce sens –, moins il y aura d’intérêt à l’utiliser à d’autres fins que l’asile.

Je rappelle également qu’au cours de nos discussions nous avons été informés d’un relevé d’observation provisoire de la Cour des comptes, qui a éveillé notre intérêt, à tel point que j’ai demandé un délai supplémentaire pour prendre connaissance de ce document et, éventuellement, auditionner les représentants de la Cour des comptes.

Malheureusement, pour des raisons de réglementation interne de la Cour des comptes, il n’a pas été possible d’auditionner le président de la quatrième chambre notamment. Néanmoins, un entretien a pu avoir lieu en présence du président de la commission des lois. Nous savons aujourd'hui que le rapport définitif de la Cour des comptes sera vraisemblablement communiqué à la fin du mois de juin. Il a été avancé que le coût de l’asile s’élevait à 2 milliards d’euros par an et que seulement 1 % des déboutés quittaient le territoire français. Nous aimerions obtenir des éclaircissements sur la réalité de ces affirmations.

Sincèrement, je dois dire ce soir que nous n’avons aucune information à ce sujet puisque la Cour des comptes nous a fait savoir qu’il lui était impossible de nous répondre en l’état ; elle attendait encore la réponse des services qu’elle a interrogés sur ce point. Quoi qu’il en soit, c’est un point sur lequel il faudra revenir pour savoir ce qu’il en est précisément. La Cour des comptes indique elle-même dans son relevé d’observation provisoire que le système est « au bord de l’embolie », qu’il ne fonctionne pas et qu’il faut donc le modifier.

Cependant, la commission des lois a estimé qu’il n’était pas possible de réformer singulièrement la procédure de demande d’asile sans traiter le cas des personnes déboutées. Il faut impérativement avancer sur nos deux pieds, je le dis sans volonté de polémique. Il s’agit uniquement de constater une réalité et d’apporter des réponses. À tout le moins, j’espère que, sur le fond, nous visons tous les mêmes objectifs.

Voilà pourquoi la commission a adopté plusieurs mesures.

La première d’entre elles consiste à prévoir que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, le cas échéant après que la CNDA aura statué, vaut obligation de quitter le territoire français. Loin de nous l’idée de jeter de l’huile sur le feu. Il s’agit simplement de gagner du temps entre la décision définitive de l’OFPRA et le moment où le préfet en a connaissance et formule l’obligation de quitter le territoire français.

Sur le plan juridique, nous avons prévu un certain nombre de précautions. En particulier, il reste possible au demandeur, qu’il soit clandestin ou débouté, de contester cette obligation de quitter le territoire français. Ce point est clair.

La deuxième mesure prise par la commission est la suivante : l’étranger débouté de sa demande d’asile ne peut solliciter un titre de séjour à un autre titre, sauf circonstances particulières. Pourquoi ? Tout simplement pour répondre à un constat partagé par tous : certains demandeurs d’asile savent par avance qu’ils seront déboutés et solliciteront alors un autre titre de séjour pour tenter de rester sur le territoire national. Telle est la réalité ! L’idée est de « tenir », si je puis dire, afin de profiter de la circulaire du mois de novembre 2012, qui permet l’ouverture de la régularisation au bout de cinq ans sur le territoire. Le demandeur essaie donc beaucoup de procédures et nourrit finalement l’ensemble du dispositif.

Voilà pourquoi la commission des lois a considéré que, sauf circonstances particulières, dès lors que le demandeur a choisi l’asile, il ne lui est pas possible de demander un titre de séjour à un autre titre.

Enfin, la commission a souhaité faire droit à une proposition de notre collègue Valérie Létard qui, sur la base de son rapport d’information rédigé en collaboration avec Jean-Louis Touraine, estime qu’il convient d’assigner à résidence les personnes déboutées de leur demande d’asile dans des centres dédiés, en vue de les accompagner à l’éloignement et au retour dans leur pays d’origine. La commission des lois a accepté bien volontiers cette proposition, estimant qu’elle était tout à fait pertinente.

Quelques autres points viennent conforter ces éléments. Il s’agit tout particulièrement de restreindre l’inconditionnalité de l’hébergement dès lors que l’on est débouté du droit d’asile. Les étrangers qui ne sont plus dans la procédure n’ont nulle raison de solliciter ce dispositif. En tout état de cause, la commission a globalement essayé de parvenir à une solution qui soit la plus équilibrée possible.

Certes, cette mesure peut être discutée, et elle le sera. Mais il convient cependant de garder à l’esprit que le législateur se doit d’envoyer des messages clairs.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis en toute sincérité, si nous ne prenons pas les mesures qui s’imposent, nous tuerons la procédure d’asile et nous nous trouverons dans une situation extrêmement difficile. Il ne nous sera plus alors possible de répondre rapidement, ou suffisamment rapidement, à ceux qui ont besoin de cette procédure, qui est l’honneur de notre pays.

C’est dans cet esprit que la commission a tenté de rééquilibrer ce projet de loi. Même si le texte proposé par la commission peut paraître quelque peu rigoureux, nos propositions me semblent suffisamment réalistes pour permettre à notre pays de traiter correctement les demandes de ceux qui méritent la protection de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Mme Evelyne Yonnet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, que puis-je ajouter de plus ? Mon collègue François-Noël Buffet a dit l’essentiel.

Monsieur le ministre, j’ai bien noté au début et à la fin de votre propos liminaire un peu d’agacement : ce texte méritait mieux, notamment d’autres propositions, plus républicaines...

Avant d’aborder les points liés plus particulièrement au financement de la réforme, permettez-moi de dire en toute sincérité que nous n’avons pas travaillé dans une ambiance partisane ni empreinte de sectarisme. J’ai toujours pensé que vous étiez un grand républicain. Je l’ai encore affirmé après les attentats de janvier dernier, lorsqu’il s’est agi de faire l’unité nationale. Ici aussi, sur le droit d’asile, pourquoi ne pas essayer de faire preuve d’unité ?

Lorsque j’ai été réélu sénateur en 2011, je me suis montré extraordinairement critique à l’égard du gouvernement de l’époque sur les questions liées au droit d’asile. Déjà, je pensais que tout cela était bel et bon, mais qu’il était important de préserver le droit d’asile. Car ce droit d’asile constitutionnel, lié à la convention de Genève, qui a fait l’honneur de la France lorsqu’elle a accueilli les persécutés des régimes militaires sud-américains, du bloc soviétique, du Cambodge ou d’Afrique, après bien des massacres et des guerres civiles, ce droit d’asile, nous y tenons ! Nous y sommes profondément attachés, car c’est l’honneur de la France que des personnes menacées du fait de leurs convictions, de leurs modes de vie ou de leur personnalité puissent se tourner vers notre République. Et je sais que tel est aussi votre sentiment, monsieur le ministre. Voilà pourquoi nous avons prévu certaines mesures, qui vont plus loin.

Depuis quelques années – le problème ne date pas de 2012, il résulte d’une situation internationale compliquée dans un grand nombre de pays, de la grande pauvreté qui règne sur le continent africain et de phénomènes qui échappent à la France, mais qui sont bien réels ! –, nous sommes passés de 30 000 demandes d’asile par an voilà sept ou huit ans à 60 000 en moyenne aujourd’hui. Or, excusez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais ces 60 000 personnes ne viennent pas toutes de pays où elles sont persécutées. Toutes ne sont pas en danger du fait de leurs convictions politiques, philosophiques, religieuses ou humaines. Un grand nombre d’entre elles sollicitent le droit d’asile parce que des réseaux mafieux, comme l’a très bien souligné notre collègue François-Noël Buffet, les incitent à l’immigration pour fuir la pauvreté dans leur pays. Ces personnes partent pour la France ou d’autres pays d’Europe et se servent de la procédure du droit d’asile, qui offre un certain nombre de garanties, pour ne pas dire d’avantages, car je ne veux pas exagérer. Mais cela existe !

Depuis deux ou trois ans – et vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre ! –, avec la guerre en Syrie, les difficultés en Irak, les persécutions des chrétiens d’Orient et tous les migrants venus de Méditerranée, le système européen – pas uniquement français ! – explose. M. le rapporteur l’a souligné précédemment, l’Allemagne ne sait plus où elle en est. Ce pays a accueilli 130 000 demandeurs d’asile en 2013, 200 000 en 2014, et le ministre allemand de l’intérieur Thomas de Maizière en annonce 400 000 en 2015. Vous rendez-vous compte, 400 000 demandeurs d’asile en 2015, contre 130 000 voilà à peine deux ans ? L’État allemand réquisitionne les casernes et les écoles parce qu’ils ne savent plus comment faire.

Monsieur le ministre, le problème, ce n’est pas que votre texte ne va pas dans le bon sens – votre conception du droit d’asile n’est pas en question –, mais, en réalité, le système explose.

Dans l’urgence liée à cette explosion, votre texte est certes conforme aux directives européennes. Il va évidemment dans le bon sens puisqu’il vise, comme le rapporteur l’a très bien expliqué et comme le président de la commission des lois le rappelle régulièrement, à réduire les délais de la CNDA et à créer des postes à l’OFPRA. Je le reconnais, c’est le Gouvernement en place depuis 2012 qui crée ces postes ; les précédents gouvernements ne l’avaient pas fait ; ils avaient sanctuarisé les budgets.

Mais à quoi bon créer 20 % ou 25 % de postes supplémentaires à l’OFPRA quand il y a 100 % de demandeurs d’asile supplémentaires par an ? C’est une course infinie ! D’un côté, vous créez des postes mais, de l’autre, les demandes ne cessent d’augmenter. C’est, je le répète, une course sans fin. Certes, il faut réduire les délais. Mais comment voulez-vous faire ?

L’Allemagne, qui est débordée par l’afflux des demandes d’asile, vient de décider la création de plusieurs centaines de postes au sein de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés, qui est l’équivalent de l’OFPRA.

On vous dit qu’il y a urgence, non pas parce que vous n’êtes pas conscient des réalités, mais parce que l’urgence à laquelle nous vous appelons est liée à la réalité internationale, à tout ce qui se passe, notamment en Orient, et vous en êtes parfaitement informé. Nous avons d'ailleurs toujours soutenu vos positions, que ce soit concernant le djihad islamique ou Daech. Les gens fuient l’Afrique, qui est de plus en plus pauvre ; les réseaux d’immigration se multiplient, et notre système a atteint ses limites.

Monsieur le ministre, vous évoquez les directives européennes, mais – et c’est là peut-être une différence entre nous ! – nous sommes tentés de vous dire que nous n’avons pas la capacité qui est la vôtre d’inciter l’Europe à prendre les choses à bras-le-corps. L’Europe doit se demander si sa politique en matière de droit d’asile et d’immigration correspond aux réalités d’aujourd’hui. Cette politique, qui a été définie voilà cinq ou dix ans dans bien des textes, a été mise en place à une période où on n’était pas dans l’urgence.

M. Michel Savin. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Ce qui se passe à Lampedusa, en Italie, les morts en Méditerranée, c’est inacceptable ! On renforce Frontex et Triton. Mais, en réalité, que fait-on en matière d’immigration et de droit d’asile ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Je vous entendais dire ce matin que l’Union européenne allait probablement proposer des quotas. Je comprends la situation, mais ce n’est pas une révision de la politique en matière d’immigration et de droit d’asile qu’il faut mettre en œuvre. Face au mur, comment agit-on ? Instaurer des quotas parce que l’Italie ou la Grèce ne peuvent pas intégrer tous les réfugiés ? Mais ce n’est pas ainsi qu’on redéfinit la politique en matière d’immigration et de droit d’asile. Je sais que vous êtes déterminé à avancer sur ce point, mais vos collègues européens me semblent un peu lents, pour ne pas dire très réticents…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est vrai !

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Or, à force d’être réticents, ils mettent les pays d’accueil, comme l’Allemagne et la France, dans des situations impossibles.

Sans reprendre ce qu’a excellemment dit mon collègue François-Noël Buffet, j’aimerais aussi parler un peu d’argent, si vous le permettez, car il faut bien malgré tout en parler.

J’attends les conclusions définitives, mais la Cour des comptes avance le chiffre de 2 milliards d’euros pour ce qui concerne le coût du droit d’asile. Elle prend sans doute en compte un certain nombre d’effets induits, car j’ai estimé, dans le rapport pour avis que j’ai établi, que le coût direct se situe aux alentours de 600 millions d’euros, à savoir le double de ce qu’il était il y a trois ou quatre ans.

Certains effets induits sont liés au fait qu’un certain nombre – pour ne pas dire un nombre certain ! – de déboutés deviennent des clandestins. Cela aussi a un coût. Tout a un coût ! Comment la Cour des comptes arrive-t-elle à 2 milliards d’euros ? Attendons qu’elle nous l’explique.

En tout cas, s’il est certain que le coût du droit d’asile est élevé, celui-ci pourrait être maîtrisé s’il concernait les 12 000 ou 15 000 personnes acceptées.

En réalité, le nombre de demandes acceptées n’a guère évolué : quand on comptait 30 000 ou 35 000 demandeurs d’asile, un peu plus de 10 000 personnes étaient acceptées ; aujourd'hui, il y a 65 000 demandeurs et le nombre des demandes acceptées oscille entre 10 000 et 15 000. Cela veut dire que le nombre des demandeurs relevant en réalité du droit d’asile n’a que très peu évolué, mais que le nombre des demandeurs a explosé. Il existe donc une dérive de l’immigration économique, qui est détournée, avec, bien sûr, un coût supplémentaire.

Je le reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, c’est sur l’initiative du gouvernement auquel vous appartenez qu’ont été créées, par le législateur, des places supplémentaires en CADA, qui devaient permettre d’accueillir tous les demandeurs d’asile. Cela devait être simple, rationnel, encadré. Il a été décidé de créer 4 000 places et, en l’espace de deux ou trois ans, on est passé de 20 000 à 24 000 places. Le problème, c’est qu’il y avait 20 000 places pour 35 000 demandeurs et qu’il y a aujourd’hui 24 000 places pour 65 000 demandeurs !

Il est vrai que vous faites un effort, mais, dans nos régions – vous avez évoqué l’Île-de-France et la région Rhône-Alpes entre autres –, on ne sait plus comment faire : les CADA sont pleins ; tout comme le sont les centres provisoires d’hébergement– avec 1 060 places en France, ce n’est pas ainsi que vous allez régler le problème du droit d’asile ! – ; les hôtels une étoile à Paris et dans la proche couronne sont aussi quasiment pleins, et cela ne suffit toujours pas. Vous ne pouvez nier qu’un grand nombre de demandeurs d’asile sont dehors.

Il est à présent question d’accepter un quota au niveau européen. Comprenez que la représentation nationale puisse s’en inquiéter ! Est-ce à dire que nous devrons accueillir entre 10 000 et 15 000 demandeurs supplémentaires cette année ?...

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je n’ai jamais dit cela !

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Je comprends que vous ne me disiez pas qu’il y en aura 10 000, mais on verra ce qu’il en sera après mercredi... Je vous demande seulement de m’indiquer quels moyens seront déployés pour faire face à ce quota supplémentaire.

La réalité, c’est, comme l’a souligné mon collègue François-Noël Buffet, entre 300 millions et 600 millions d’euros pour le coût direct et entre 1 milliard et 2 milliards d’euros si l’on tient compte des effets induits. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’on va réduire la voilure en raccourcissant les délais. C’est effectivement ce que vous prévoyez dans ce texte, mais, en même temps – l’équilibre est difficile à trouver ! –, vous augmentez les capacités de recours. Aussi, vous le savez, ces délais ne seront pas respectés. Des recours seront engagés. L’OFPRA et la CNDA n’auront d’ailleurs peut-être pas la capacité de tenir ces délais eu égard à leurs moyens en personnels face au nombre de demandes à traiter. Or, je le souligne, aucune sanction n’est prévue si le délai que vous avez fixé n’est pas respecté.

On dit qu’il faut aller plus vite. Je ne doute pas du fait que vous ayez envie, monsieur le ministre, que la procédure soit plus rapide, qu’il y ait moins de situations aberrantes, comme celles que nous avons connues dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, dans les centres d’hébergement d’urgence ou dans les centres provisoires d’hébergement où l’on a du mal à faire partir ceux qui étaient déboutés du droit d’asile et, donc, à intégrer les nouveaux arrivants. C’est pourquoi un certain nombre d’amendements visent à accélérer le départ de ceux qui sont déboutés, de ceux qui sont violents.

L’élément financier est, certes, important – un tel coût est énorme pour la collectivité nationale ! –, mais on a surtout le sentiment qu’il n’est pas maîtrisé. Ce n’est pas, je le répète, de votre fait, car je sais combien vous êtes attaché à la maîtrise des coûts, mais les conditions internationales ne vous aident pas. Vous n’y pouvez rien.

Que vous demandent la droite et le centre, monsieur le ministre ? Franchement, en tant que membre de la commission des finances, on me fait la même demande. Chaque fois, je réponds que je ne peux pas donner plus.

D’un côté, on donne beaucoup d’argent à l’OFPRA, à la CNDA, aux structures d’accueil, aux structures d’hébergement qui vont, enfin – c’est bien ! –, bénéficier d’un statut législatif. De l’autre, vous transférez à l’OFII la gestion de l’allocation temporaire d’attente. Je suis favorable à la barémisation de cette allocation, je l’ai d'ailleurs demandée dans les différents rapports d’information. Mais l’OFII se retrouve dans une situation particulièrement difficile : il récupère les indus de Pôle emploi, qui, soyons francs, distribuait l’allocation plus ou moins bien – tous les rapports montrent qu’il y aurait 20 % d’indus, ce qui est quand même considérable. Et, au-delà, Pôle emploi lui transfère 60 millions d’euros à régulariser. Comment va-t-on régler ce problème ?

Tout cela finit par coûter relativement cher – c’est même cher ! –, et tout cela est très difficile à maîtriser en raison des recours, des délais non sanctionnés, des problèmes pour créer davantage de places en CADA ou dans les centres d’hébergement. Vous le savez, la situation dans nos villes est extrêmement compliquée ; et je ne parle pas que de l’Île-de-France : les élus de gauche comme de droite sont nombreux à dire qu’ils ne parviennent plus à gérer ces situations.

Un autre élément me gêne depuis que je m’intéresse à ce dossier, c’est la faiblesse des moyens alloués à l’accompagnement de ceux qui obtiennent le statut de réfugiés.

Sincèrement, les personnes qui obtiennent ce statut sont appelées, à terme, à devenir citoyens français. Elles devraient donc être mieux traitées, mieux formées, davantage intégrées à la société.

Les moyens octroyés à l’OFII pour favoriser l’intégration au travers de l’instruction civique ou des cours de langue, par exemple, sont insuffisants. Voilà des années que je présente, en commission des finances, un amendement visant à renforcer les moyens dévolus à l’OFII. Mais, chaque année, pour une raison que j’ignore – tout le monde devrait adopter un tel amendement ! –, on le rejette.

Les 15 000 personnes qui, chaque année, obtiennent le statut de réfugiés vont un jour obtenir la nationalité française et devenir des citoyens français. Ces personnes doivent être traitées différemment, pour deux raisons principales : d’abord, parce qu’elles sont venues sur notre territoire, non par le détournement de filières d’immigration économique, mais en raison des persécutions ou des malheurs qu’elles subissaient et, ensuite, parce qu’elles sont capables d’intégrer la société française et d’acquérir la citoyenneté.

Monsieur le ministre, vous êtes confronté à une telle explosion du nombre de demandes que la situation, je le reconnais bien volontiers, surtout dans le contexte international insupportable que nous connaissons actuellement, est très difficile à gérer. Mais vous êtes aussi un parfait républicain. Obtenez donc de l’Europe un changement ou, en tout cas, une clarification de la politique d’immigration et du droit d’asile ! Et rassurez les Français, pas ceux de gauche ou de droite, mais tous les Français dans leur ensemble ! Les gens sont excédés, ils ont le sentiment que n’importe qui peut entrer en France et demander le droit d’asile.

Tous les républicains peuvent se retrouver sur un plan d’urgence, sur un nouveau plan européen. Quel bonheur ce serait alors de venir à cette tribune pour vous faire part de notre entier soutien ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essentiel ayant été dit, je m’en tiendrai aux quelques points qui me paraissent les plus importants.

Le droit d’asile, consacré par la première République française, constitue, avec les droits de l’homme qu’il complète, une sorte de « marque de fabrique » qui engage la France, laquelle entend rester fidèle à ses principes fondateurs. Qu’elle ne l’ait pas toujours fait, et pas seulement sous des régimes non républicains, n’y change rien.

Aujourd’hui, cependant, l’exercice effectif de ce droit d’hospitalité est menacé de deux manières, d’ailleurs liées : d’une part, par l’explosion du nombre des bénéficiaires potentiels, ce qui change la nature du droit d’asile ; d’autre part, par les délais de procédure qui finissent par neutraliser l’efficacité de ce droit et qui sont source de souffrances inutiles pour les intéressés.

L’article 120 de la Constitution de l’an I dispose : le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »

Sans nous attarder sur le sort souvent réservé par la « doulce France » aux tyrans déchus, ce qui pose un autre problème, nous constatons qu’il est de plus en plus difficile de distinguer les martyrs de la liberté des victimes impuissantes de l’incurie, de la corruption des régimes policiers qui ne peuvent faire autrement que subir, à moins de fuir.

Il s’agit de répondre à l’attente non plus d’individus, voire de groupes ciblés ponctuellement par la persécution, mais de foules entières parfois transformées cyniquement en armes de guerre par leurs bourreaux. Je vous renvoie, mes chers collègues, au cas libyen.

Je le remarque, le présent projet de loi contourne cet aspect du problème, ce qui est fâcheux, pour se limiter à l’amélioration de la procédure de traitement des dossiers de demande d’asile, afin de la rendre plus conforme à son objet.

La durée moyenne totale d’une procédure d’examen de première demande d’asile par l’OFPRA suivie d’un recours devant la CNDA est estimée, on le sait, à dix-neuf mois et demi. Après un premier rejet définitif, dans le cas où le demandeur sollicite un réexamen de sa demande suivi d’un recours, le délai passe à deux ans et sept mois.

Si, comme le relève la Cour des comptes, annuellement, 75 % des demandes d’asile sont rejetées en moyenne, cela signifie que celles-ci étaient infondées et que l’on assiste à un véritable détournement de la procédure de demande d’asile, ce qui a un coût à la fois financier et humain.

S’agissant du coût financier, les dépenses du programme 303 sont passées de 340 millions d’euros en 2008 à plus de 600 millions d’euros en 2014. Selon les estimations, une réduction de trois mois des délais d’instruction de l’OFPRA et de six mois de ceux de jugement de la CNDA permettrait d’économiser de l’ordre de 88 millions d’euros en matière de dépenses d’hébergement et d’allocation.

Pour ce qui concerne le coût humain, lorsqu’une famille de demandeurs d’asile s’est installée pendant deux années sur le territoire français, que les parents parfois travaillent, que les enfants sont scolarisés et parlent français, comment la renvoyer d’où elle vient sans y regarder à trois fois ?

Pour les membres du RDSE, le présent projet de loi va dans le bon sens, même s’il constitue davantage une réponse à l’urgence qu’un traitement de fond du problème.

Nous souscrivons à la fois à la simplification, à la réduction des délais d’examen et de réexamen des demandes formulées auprès de l’OFPRA comme de la CNDA, à l’établissement d’une liste de pays sûrs afin de rationaliser les flux et au renforcement des garanties procédurales conformes à la directive européenne : droit au maintien sur le territoire de tous les demandeurs d’asile, tenue d’un entretien personnel, présence d’un avocat lors de cet entretien, prise en compte systématique de la vulnérabilité des demandeurs, possibilité du huis clos pour les audiences devant la Cour.

Reste évidemment le plus difficile, comme je l’ai indiqué : la gestion des flux migratoires à l’échelle européenne et l’exécution effective de l’obligation de quitter le territoire français laquelle, selon la Cour des comptes, n’est guère exécutée. Sur ce dernier point, M. le ministre nous a affirmé que la situation s’améliorait, mais tout le monde sera d’accord pour dire qu’il existe encore des marges de progrès.

Des remèdes sont proposés : une décision définitive de rejet de la demande vaudrait obligation de quitter le territoire français, et un étranger débouté ne pourrait être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre.

Ces solutions ont la logique pour elles, mais ne sont pas forcément conformes au principe international du droit à une vie familiale et aux principes humanitaires – renvoyer quelqu’un, sinon des familles entières en enfer, même si ces personnes n’ont aucun droit à en sortir, n’est rien moins qu’anodin.

Et je ne dis rien des injonctions contradictoires de l’ordre médiatique reprochant au gouvernement, dans un même mouvement, sa passivité devant l’immigration illégale et son insensibilité aux drames humains que crée nécessairement la lutte contre cette dernière !

Personne n’en doute, la rationalisation proposée par le biais du présent projet de loi est souhaitable, mais, vous en conviendrez, mes chers collègues, beaucoup reste à faire.

La première preuve de la volonté du Gouvernement d’avancer sera qu’il s’en donne effectivement, et sur la durée, les moyens financiers, ce qui, à constater la sous-budgétisation constante de la mission « Immigration, asile, intégration », est loin d’avoir été le cas jusqu’à présent. Les mouvements de menton atteignent rarement le porte-monnaie !

Les membres du groupe du RDSE ne s’opposeront pas à l’adoption du projet de loi que nous examinons. Ils attendront cependant l’issue définitive de la discussion, notamment le terme de l’examen des amendements, pour déterminer s’ils pourront aller jusqu’à l’approuver. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon temps de parole étant limité, je n’irai pas par quatre chemins : le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est néfaste pour notre pays.

Ce texte ne va faire que renforcer encore l’appel d’air permanent qu’est le régime de l’asile en France, en donnant aux demandeurs toujours plus de moyens de se maintenir sur notre sol, alors même que celui-ci est plus que saturé d’immigration.

La majorité sénatoriale a voulu reporter l’examen du texte après la fuite d’un document interne de la Cour des comptes dénonçant un système « au bord de l’embolie », qui n’est « pas soutenable à court terme » et qui forme tout simplement « la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France » !

Hélas pour les Français, l’opposition de l’UMP à ce projet de loi n’est que du théâtre – la remarquable prestation de Roger Karoutchi en est la parfaite illustration –, puisque ce texte est la transposition fidèle de plusieurs directives européennes que la France est obligée de transposer sans délai et qui ont été votées au Parlement européen par les députés de l’UMP !

De plus, le nombre de demandes d’asile a doublé sous le mandat de Nicolas Sarkozy, pour atteindre 66 000 en 2013. Ce seul chiffre montre l’ampleur du scandale d’une politique qui a été dévoyée de sa finalité première, pour devenir aujourd’hui principalement une filière migratoire.

Sur les quelque 66 000 demandes d’asile annuelles, les trois quarts sont finalement rejetés, et plus de 95 % des déboutés se maintiennent sans droit ni titre sur notre territoire.

Je cite là encore la Cour des comptes : « Tant que la question de l’organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système ne pourra fonctionner correctement ». « L’organisation systématique et rapide de leur retour » : voilà un point, monsieur le ministre, que vous n’avez évoqué dans votre intervention que de façon vraiment très discrète…

La Cour considère que l’asile représente un coût direct de 2 milliards d’euros par an, à savoir 1 milliard d’euros pour les demandeurs d’asile, et 1 milliard d’euros pour les déboutés qui restent illégalement en France. C’est sans compter les coûts indirects divers pour les Français : je pense, par exemple, à la hausse des dépenses de sécurité, publique et privée, devenues nécessaires dans certaines zones habitées par des faux réfugiés.

Il est beaucoup question ces temps-ci de « République », de « Républicains », mais comment oser parler de République, d’État de droit, quand on ne fait que laisser faire, laisser passer, et entériner le fait accompli ? Un peu partout en France, nos compatriotes les plus modestes souffrent de votre laxisme, mes chers collègues.

Comble de l’ironie, la petite minorité des vrais demandeurs d’asile en souffre aussi, car, à vouloir accueillir tout le monde sans discernement, nous n’avons plus les moyens d’héberger dignement ces personnes, alors qu’elles le méritent. Je rejoins là le constat de Roger Karoutchi.

Enfin, ces vrais demandeurs d’asile vont immanquablement souffrir de la suspicion – légitime – que crée chez les Français votre laxisme.

Vous faites mine de crier : « Pas d’amalgames ! ». Pourtant, vous faites tout pour en créer.

La gauche au pouvoir, comme l’UMP avant elle, est donc incapable de faire respecter la loi républicaine,…

M. Alain Néri. Vous exagérez !

M. Stéphane Ravier. … et la Cour pointe même une « forme de renoncement » dans certaines préfectures à cause de l’absence de directive claire du Gouvernement.

Pour conclure, le présent texte, véritable machine à régulariser des clandestins, est d’autant plus néfaste qu’il semble déconnecté du monde dans lequel nous vivons. Dans ce monde, nous assistons à des arrivées massives quotidiennes de clandestins sur les rivages de ce qu’un romancier devenu visionnaire a qualifié de « camp des saints » et à des persécutions de masse dans des pays où se déroule un véritable génocide des chrétiens d’Orient.

Qu’avons-nous à proposer à ces millions de réfugiés potentiels ?

L’urgence est là, dans la définition d’une véritable politique étrangère indépendante, et certainement pas dans le vote de ce projet de loi, qui achève de transformer notre pays en passoire ! (Marques de protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Alain Néri. Oh là là !

Mme Éliane Assassi. Et voilà…

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Oui, tout est dans la modération !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile est un texte très important, à la fois symbolique et décisif, pour que notre pays perpétue la tradition d’accueil et d’intégration inscrite dans son histoire depuis la Révolution française.

Dans le contexte de drames humains et face à une actualité extrêmement sensible, que M. le ministre nous a rappelée rappeler, nous devons faire preuve de responsabilité. Car un constat s’impose à nous : le dispositif actuel de l’asile a été, au fil du temps, dévoyé.

Ce dispositif ne nous permet plus d’accueillir dans de bonnes conditions ceux qui justifieraient de l’être, car il est totalement engorgé par des demandes qui relèvent non pas de l’asile, mais plutôt d’une immigration économique, de la pauvreté, et donc d’un autre cadre que la convention de Genève.

Le 28 novembre 2013, Jean-Louis Touraine et moi-même avions rendu au ministre de l’intérieur un rapport sur la réforme de l’asile qui synthétisait les conclusions de la concertation que nous avions menée avec l’ensemble des acteurs quotidiens de l’asile. Depuis lors, j’attendais avec impatience que nous puissions débattre de cette réforme au Parlement. Nous y voilà !

Ces dernières semaines, les médias ont fait leur une sur « l’Europe assiégée » et bientôt « envahie » par les vagues de migrants venus du Sud, quelquefois à l’excès. Mais ce qui est certain, c’est que, au regard de cette détresse, il y a urgence à traiter non seulement de la question de l’accueil des demandeurs d’asile, mais, bien plus globalement, de la réponse que l’Europe, dans son ensemble, compte apporter aux immenses problèmes des pays qui sont à sa porte.

Lorsque Jean-Louis Borloo nous interpelle sur la situation de l’Afrique, continent de 1 milliard d’habitants où seules 180 millions de personnes ont aujourd’hui accès à l’énergie, mais où plus de 700 millions de portables permettent de savoir tout ce qui se passe ailleurs et qui, outre les conflits, subit les dérèglements climatiques, l’avancée du désert, la déforestation, la sécheresse et la baisse des capacités agricoles, comment pouvons-nous penser que ce qui s’y passe n’est pas notre problème ?

Monsieur le ministre, vous avez souligné récemment la nécessité de renforcer les coopérations avec les pays de départ ; je ne peux qu’approuver cette intention. Nous constatons bien aujourd’hui que le plan d’actions en dix points adopté le 20 avril dernier par le conseil conjoint des ministres des affaires étrangères et de l’intérieur ne suffira pas à faire face à cette situation de crise. La destruction des embarcations des passeurs, certes nécessaire, ne constitue pas, à elle seule, l’intégralité de la solution.

Par ailleurs, nous devons garder en tête que, même si le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de 44 % en 2014 du fait des crises politiques en Syrie et en Irak, il n’y a eu que 626 000 demandeurs d’asile qui ont frappé à la porte d’une Europe de plus de 511 millions d’habitants, soit en moyenne 1,2 demandeur d’asile par millier d’habitants. Il est vrai toutefois que cette demande s’est principalement concentrée sur quelques pays : l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la France. Je souhaite d’ailleurs, monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, que notre pays ait un rôle moteur en Europe et engage des actions nouvelles permettant de renforcer sa politique de développement et d’améliorer le fonctionnement de la politique européenne de l’asile, car – nous le savons – c’est à l’échelon européen que tout se joue.

Nous en convenons tous : la question de l’asile doit être dissociée de celle de notre politique d’immigration, et la présente réforme doit être complétée – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – par une réforme – nécessaire – de la politique de l’immigration : comme ses voisins, notre pays a besoin d’être attractif pour accueillir une immigration professionnelle, en particulier dans les secteurs où existent des besoins non satisfaits. Nous devons pouvoir attirer des talents et leur donner envie de s’installer en France, à l’image de ce que pratique le Canada.

Nous devons aussi prendre notre part à l’accueil de l’immigration de la pauvreté, mais nous devons le faire de manière choisie, et non subie, comme c’est le cas aujourd’hui, réfléchie et contrôlée, afin de pouvoir offrir à ces migrants une vie décente et la possibilité de s’intégrer socialement et professionnellement en France. Les formations politiques ont trop souvent préféré esquiver cette question sensible. Or le vote extrême nous rappelle avec force que nos concitoyens attendent des réponses qui ne soient ni l’angélisme de la bonne conscience ni le simplisme du « tous dehors ».

Le présent projet de loi réforme la politique de l’asile en transposant le « paquet asile », composé des directives européennes « Qualification », « Procédures » et « Accueil », que nous devons intégrer à notre législation nationale avant le 20 juillet prochain. Je ne reviendrai pas sur le contenu de ces textes : le rapporteur l’a fait et en a parfaitement rappelé l’esprit. La philosophie des règles du régime d’asile européen commun repose sur un équilibre entre des procédures efficaces pour un traitement rapide des dossiers et des garanties renforcées pour les demandeurs et les personnes obtenant la protection.

Le présent projet de loi doit nous permettre de passer un cap important en simplifiant la procédure d’examen du droit d’asile à chaque étape du parcours du demandeur. En supprimant la condition de domiciliation, en fixant des délais contraignants pour l’examen de la demande par l’OFPRA, puis par la CNDA, en organisant un hébergement directif et l’accompagnement social et administratif du demandeur, en précisant clairement les procédures de clôture, d’irrecevabilité, de retrait et de réexamen des dossiers par l’OFPRA, en permettant un examen en procédure accélérée des dossiers manifestement infondés ou prioritaires, en instaurant l’examen des recours devant la CNDA par un juge unique, nous devrions pouvoir accélérer le traitement des demandes et réduire leur délai moyen d’examen à neuf mois, contre environ deux ans aujourd'hui.

Cette réduction des délais est impérative pour deux raisons : d’abord, elle évitera que la procédure ne soit détournée de son objet par des personnes cherchant un moyen de se maintenir longtemps sur le territoire français, ce qui devrait donc décourager certaines filières mafieuses ; ensuite, elle permettra d’accueillir rapidement les personnes qui doivent être protégées en raison de menaces pesant sur leur intégrité physique, ce qui est aujourd’hui de moins en moins le cas.

Le présent projet de loi permet aussi d’accorder des garanties supplémentaires aux demandeurs : la possibilité de se faire accompagner lors de l’entretien à l’OFPRA, l’enregistrement de l’entretien, le caractère suspensif du recours jusqu’à la fin de la procédure, ou encore la prise en compte de la vulnérabilité. Il contient également des dispositions bienvenues : la réaffirmation de l’indépendance de l’OFPRA, la création de missions déconcentrées de ce dernier dans les territoires qui permettent de faire face efficacement à des afflux soudains de demandes, la suppression de la condition préalable de domiciliation, ou encore la désignation de l’OFII comme responsable du dispositif d’accueil du demandeur.

Lors de son examen, l’Assemblée nationale a modifié le texte, afin d’y introduire la prise en compte des violences faites aux femmes, la révision régulière de la liste des pays d’origine sûrs, l’ouverture à la parité du conseil d’administration de l’OFPRA, l’assouplissement de certains délais, ou encore la reconnaissance des associations de défense des droits de l’homme, des femmes ou des enfants ; en somme, une série de mesures qui ont utilement complété le travail du Gouvernement.

Ainsi, globalement, le projet de loi tel qu’il nous a été soumis après son adoption par l’Assemblée nationale reprend assez fidèlement les préconisations de simplification et de réorganisation figurant dans le rapport du mois de novembre 2013 précité, à une exception notable près : il ne traite pas de la question des demandeurs déboutés. Or, malgré les explications que vous nous avez fournies, celle-ci est centrale, monsieur le ministre, si l’on veut donner à la réforme de l’asile tout son sens. En effet, si 28 % des 64 811 demandes d’asile déposées en 2014 ont été satisfaites, cela signifie que, dans 72 % des cas, les demandeurs ont été déboutés. Et l’un des points sur lesquels le rapport susvisé avait mis l’accent était la nécessité que ceux-ci n’entrent pas, comme c’est le cas actuellement, dans la clandestinité, qu’ils ne recourent pas au dispositif d’hébergement d’urgence ou aux marchands de sommeil et qu’ils ne soient pas exploités, au sein de filières, par des personnes abusant de leur situation de précarité. Il faut au contraire les diriger vers des structures spécifiques, des centres dédiés, où ils seraient certes assignés à résidence, mais où leur situation ferait l’objet, si nécessaire, d’un dernier examen. En outre, le cas échéant, une fois que leur serait délivrée l’obligation de quitter le territoire français, cela permettrait de leur fournir une préparation psychologique et surtout matérielle au retour, plutôt que d’en faire des immigrés en situation irrégulière.

Sans ce volet, la réforme de l’asile n’est pas complète, et je me réjouis d’ailleurs que la commission des lois ait adopté mon amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 14, et visant la possibilité de mettre en place des centres dédiés aux personnes déboutées.

Mes chers collègues, puisque je mentionne les travaux de la commission des lois de la Haute Assemblée, permettez-moi de saluer la très grande qualité du travail de réécriture qu’a mené M. le rapporteur, François-Noël Buffet.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Avec beaucoup de compétence !

Mme Valérie Létard. Plus fluide, plus précise, plus ramassée : la rédaction de nombreux articles a beaucoup gagné après l’examen du texte par cette commission.

Enfin, je terminerai mon propos en abordant deux sujets importants sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir au cours de l’examen des amendements.

Premièrement, une partie de la majorité sénatoriale, réagissant à un article publié dans Le Figaro contenant les éléments d’un rapport à venir de la Cour des comptes – reprenant pourtant des chiffres déjà connus –, avait souhaité « durcir » le texte soumis au Sénat. Une de ses propositions, plutôt sévère – vous l’avez rappelée tout à l’heure, monsieur le rapporteur –, figure toujours dans le texte issu des travaux de la commission et consiste à conférer aux décisions de refus de l’OFPRA ou de la CNDA la valeur d’une obligation de quitter le territoire français. Adopter une telle disposition serait, selon moi, une erreur, car les décisions d’un agent de l’OFPRA ou d’un juge de la CNDA seraient brouillées si elles devaient être assimilées à des mesures de police administrative relevant d’une autre autorité. Nous aurons l’occasion d’en débattre ultérieurement, lors de la discussion des articles, et j’espère vivement, mes chers collègues, que je saurai vous convaincre de l’abandonner, car les arguments plaidant contre cette proposition sont nombreux.

Deuxièmement, une dernière étape reste à franchir, me semble-t-il, si nous voulons adapter l’examen des demandes d’asile à notre nouvelle organisation des territoires et à des entrées inégalement réparties selon les régions : la territorialisation de l’OFPRA par la création d’antennes là où existe une forte demande. À ce propos, je regrette que la commission des finances ait déclaré mon amendement n° 43 rectifié bis irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, l’excluant ainsi du débat parlementaire. Peut-être le Gouvernement voudra-t-il le reprendre, monsieur le ministre, s’il juge que la mesure qu’il visait à introduire mérite d’être expérimentée ? Il me semble en effet qu’une telle expérimentation mettrait en évidence des économies supérieures aux surcoûts créés, eu égard notamment au coût des missions foraines répétées ou du déplacement des demandeurs d’asile se rendant de manière massive et répétée à Paris.

Rendre notre dispositif plus souple, plus proche des territoires, plus efficace tout en réduisant les délais excessifs qui nuisent à sa lisibilité : voilà, selon moi, la meilleure manière de réussir la réforme de l’asile. Et nous nous devons de mener à bien cette réforme, qui touchera directement à la fois les milliers de demandeurs se présentant à nos frontières chaque année et tous les acteurs quotidiens de l’asile – travailleurs sociaux, officiers de protection, agents des préfectures, ou encore juges, qui travaillent aujourd’hui dans des conditions difficiles et méritent d’être soutenus. Enfin, vous l’avez rappelé, monsieur Karoutchi, il faudra s’assurer que les bénéficiaires du statut de réfugié puissent être pris en charge dans de meilleures conditions.

Pour conclure, je voudrais citer ces quelques lignes de Jean d’Ormesson : « Les Français s’interrogent sans cesse : "qu’est-ce qu’être français ?" C’est qu’il y a au cœur de la France quelque chose qui la dépasse. Elle n’est pas seulement une contradiction et une diversité. Elle regarde aussi sans cesse par-dessus son épaule. Vers les autres. Vers le monde autour d’elle. Plus qu’aucune nation au monde, la France est hantée par une aspiration à l’universel. Malraux assurait que la France n’était jamais autant la France qu’en s’adressant aux autres nations. […] C’est une tâche difficile de vouloir rester soi-même tout en essayant de s’ouvrir aux autres. Français, encore un effort pour être un peu plus que Français et pour faire de la France ce qu’elle a toujours rêvé d’être : un modèle d’humanité et de diversité. »

Un modèle d’humanité et de diversité : voilà ce que je souhaite que devienne notre système d’asile. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Protéger les combattants de la liberté, protéger les victimes du totalitarisme, c’est une tradition française. Cette tradition figure d’abord dans la Constitution de 1793 puis dans le préambule de celle de 1946 ; enfin, elle est consacrée à l’échelon international par la convention de Genève du 28 juillet 1951. Il existe donc dans notre pays deux fondements juridiques à l’asile, à la protection des combattants de la liberté : l’un constitutionnel, l’autre conventionnel.

Affirmer l’universalité des droits et l’égalité des hommes est essentiel ; c’est une valeur fondamentale de notre pays, celle qui empêche le repli sur soi. Reconnaître que les combattants de la liberté et les personnes persécutées sont nos frères humains et qu’ils méritent notre protection est par conséquent pour nous un devoir.

On ne peut défendre les valeurs de liberté et d’humanisme sans être solidaire de ceux qui les partagent et combattent en leur nom ; affirmer l’universalité de l’humain face à la barbarie est en effet au cœur de notre récit national. Renforcer le droit d’asile est donc non pas un poids, mais l’affirmation de notre identité et de nos valeurs. C’est dans cet état d’esprit, me semble-t-il, qu’il faut aborder le présent débat.

Dans ce projet de loi, qui me remplit de fierté, figurent trois points majeurs. D’abord, il y est proclamé que l’octroi de garanties supplémentaires aux demandeurs d’asile et le respect de leurs droits permettent d’améliorer l’efficacité de notre système. Ensuite, y est réaffirmée la volonté de notre pays de respecter les demandeurs en raccourcissant les délais de réponse. Enfin, ce texte donne à la France les moyens de promouvoir à l’échelon européen les dispositions nécessaires pour éviter les tragédies auxquelles nous assistons tous les jours en Méditerranée.

De ce point de vue, vous connaissez, mes chers collègues, la théorie de l’appel d’air. En se fondant sur cette théorie, certains des gouvernements précédents ont bouché le système, si je puis dire, faisant ainsi le pari de dissuader puis de faire disparaître les demandes d’asile. Nous avons de ce fait hérité d’un système au bord de l’embolie, et, nous le constatons, les vrais demandeurs se rendent ailleurs,…

M. Jean-Yves Leconte. … et ceux qui viennent dans notre pays utilisent le système pour obtenir le droit de rester sur le territoire national le temps que la procédure, très longue, arrive à son terme.

Or tout cela a un coût : environ 60 à 70 millions d’euros par mois, soit plus que le budget annuel de l’OFPRA.

Mme Esther Benbassa. N’est-ce pas, monsieur Karoutchi ?

M. Jean-Yves Leconte. C’est pourquoi réduire les délais est essentiel pour sortir de la situation actuelle d’embolie totale du système.

Par le biais du présent projet de loi, nous affirmons notre volonté de refaire de la France un pays attractif. En effet, si, entre 2012 et 2014, la demande a doublé en Europe et plus que doublé en Allemagne, elle a stagné en France. Dès lors, la question de notre attractivité est centrale.

L’immigration provoquant aujourd'hui des tensions dans notre pays, nous pourrions nous dire que l’attractivité modérée de celui-ci n’est pas trop dérangeante. Mais nous ne devons pas raisonner ainsi. L’attractivité est une preuve de santé. Elle prouve que nous sommes fidèles à nos valeurs. Être attractifs, c’est aussi affirmer l’universalité de nos valeurs, plutôt que le repli sur soi. C’est, du reste, l’ambition de ce texte.

À l’instar de certains orateurs précédents, je crois qu’il est indispensable, à cette étape de la discussion, de bien séparer l’asile et l’immigration et donc d’essayer de réfléchir à leurs intersections, à l’entrée comme à la sortie du système.

À l’entrée, si les procédures durent deux ans, quels seront en réalité les demandeurs d’asile ? Il s’agira non pas de personnes cherchant vraiment une protection rapide pour pouvoir s’insérer et continuer à avoir le droit de vivre dans notre pays, mais de personnes recherchant le moyen de rester longtemps sur notre territoire, tout en sachant que la protection ne leur sera pas accordée. Il faut par conséquent faire en sorte que les procédures d’accueil soient rapides.

À la sortie, les délais doivent être courts et les protections doivent être accordées rapidement.

Par ailleurs, quand on parle des déboutés, il n’y va pas seulement des obligations de quitter le territoire français. Nous devons être capables de donner une réponse à un demandeur d’asile en quelques mois, réponse qu’il est en droit d’attendre. C’est quand même plus simple d’exiger d’un demandeur d’asile de quitter le territoire s’il ne se trouve sur celui-ci que depuis quelques mois !

À cet égard, traiter la question des déboutés du droit d’asile, c’est d'abord traiter celle des délais. C’est l’objet du présent projet de loi. Les obligations de quitter le territoire français n’ont pas réponse à tout !

Cela étant, depuis deux ans, le travail des agents de l’OFPRA et des juges de la CNDA a été amélioré et la mobilisation de ces personnels a été accrue. Ainsi, un plus grand nombre de décisions peuvent être rendues chaque année, afin de sortir le système de l’embolie.

Mais, aujourd'hui, il faut aller plus loin. En effet, pour continuer à améliorer les délais, on ne peut pas se contenter d’améliorer la productivité des agents et la rapidité des décisions rendues par la CNDA. Il faut modifier la législation, de manière à accorder plus de garanties lors de l’examen de la demande par l’OFPRA et à permettre à la CNDA de se prononcer rapidement, dans le cadre des procédures accélérées.

Je ne prendrai qu’un exemple. En 2011, 43 % des protections étaient accordées par l’OFPRA. En 2014, ce taux s’élevait à 60 %, soit une différence de 17 %. Autant de demandeurs légitimes qui n’auront pas à attendre une ou deux années que la procédure devant la CNDA soit achevée pour se voir reconnaître une protection !

Vous le constatez, ces deux dernières années, nous nous sommes battus pour réduire les délais. Cependant, pour aller plus loin, une loi est désormais nécessaire.

M. le ministre et plusieurs orateurs qui sont intervenus au cours de cette discussion générale ont présenté les principales dispositions du texte. Celui-ci octroie plus de garanties au demandeur au moment de la procédure devant l’OFPRA. Il améliore les conditions d’accueil de tous les demandeurs, ainsi que les droits et les délais dont ils disposent, en particulier en permettant la présence d’un tiers lors de l’entretien à l’OFPRA. Il prévoit une procédure spécifique pour la CNDA, de manière que les procédures accélérées soient vraiment rapides. Enfin, il organise un hébergement directif, afin de répartir l’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire. À cet égard, certains de nos territoires, situés en dehors de la France métropolitaine, sont en contact avec d’autres situations géopolitiques que le continent européen. Cela rend l’ensemble du système, qui doit être cohérent avec le dispositif européen, compliqué. C’est pourquoi le projet de loi comporte des dispositions relatives à l’outre-mer.

Des défis se posent en matière de délais.

D’une part, traiter les 60 000 ou 65 000 demandes d’asile actuelles est possible avec les moyens qui ont été attribués à l’OFPRA par la dernière loi de finances. Mais, si la France était sollicitée à même hauteur que l’Allemagne, l’interrogation demeurerait entière. Il faudrait, à ce moment, augmenter les moyens ! Vous vous imaginez bien que, en Allemagne, face au doublement de la demande d’asile à laquelle est confronté ce pays, l’instance équivalente à l’OFPRA a dû recruter massivement pour faire face aux besoins…

D’autre part, les procédures d’accueil en préfecture qui sont désormais elles aussi transmises au guichet unique et gérées en commun avec l’OFII connaissent aujourd'hui des délais très importants.

Nous devons engager toutes ces réformes d’ici au mois de juillet prochain. En effet, comme cela a déjà été dit, le projet de loi a vocation à transposer les directives « Qualification », « Procédures » et « Accueil ». Il importe que cette transposition intervienne rapidement, la France ayant besoin d’être crédible et claire en Europe pour que celle-ci modifie ses dispositifs d’asile.

Par ailleurs, nous avons parlé des drames liés à l’immigration économique qui ont eu lieu en Méditerranée. Nous savons bien aussi que certaines personnes, venues d’Irak, de Syrie ou encore de Libye, sont à la recherche d’une protection internationale. Est-il logique de demander à ces êtres humains de risquer leur vie pour pouvoir demander cette protection ? Est-ce vraiment ce que l’on veut ? Je le rappelle, en Jordanie, au Liban, en Turquie, les réfugiés syriens se comptent par millions ! Quant à la Tunisie et à l’Égypte, elles accueillent de nombreux réfugiés venus de Libye. De ce point de vue, l’Europe doit être totalement responsabilisée pour que nous puissions, ensemble, faire face à ce défi.

À cet égard, je veux rendre hommage au travail de l’OFPRA et des consulats, qui, dans un certain nombre de pays, examinent, sur place, les demandes d’asile déposées avant même l’arrivée, sur notre territoire, des personnes concernées. En effet, notre devoir de protection doit aussi s’exercer hors de France. Pourquoi demander à des personnes de risquer leur vie pour pouvoir bénéficier d’une protection ?

Aujourd'hui, la révision du règlement Dublin est indispensable. Compte tenu des circonstances, nous n’osons plus demander à l’Italie de respecter ce règlement, même si nous savons bien qu’un grand nombre des personnes qui arrivent dans ce pays poursuivent ensuite leur chemin vers l’Allemagne et la Suède. Nous savons aussi qu’il faut du temps, parce que des pays comme la Bulgarie ou la Hongrie n’en peuvent plus. Ils n’ont plus les moyens. Il est important de répartir la charge sur l’ensemble du territoire européen, de la même manière que nous devons répartir l’accueil sur le territoire français.

En conclusion, monsieur le rapporteur, les membres du groupe socialiste vous rendent hommage et saluent l’état d’esprit qui a animé vos travaux sur le présent texte. Toutefois, nous reviendrons sur les obligations de quitter le territoire français, parce que nous considérons que c’est un point dur du projet de loi, une question de principe, mais aussi parce que vous essayez de construire un modèle allemand, sans aller jusqu’au bout. Ce que vous proposez n’est pas efficace.

Au reste, en termes de reconduite à la frontière, nous nous en sortons mieux, toutes proportions gardées, que nos partenaires européens.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Monsieur le ministre, nous sommes tous fiers de ce projet de loi, de son esprit et de la manière dont l’Assemblée nationale a travaillé.

Cela étant, nous serons très vigilants sur des points durs, sur des questions de principe, auxquels nous sommes très sensibles et sur lesquels le texte pourrait être dénaturé et le travail du Sénat balayé. Comptez sur nous pour évoquer ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étions nombreux à espérer beaucoup de ce projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Ma déception n’en est que plus grande quand je vois dans quelles conditions il a été examiné. La commission des lois n’a pu travailler sereinement, pour des raisons que je soupçonne d’être plutôt politiciennes. Nous allons examiner un texte capital par petits bouts, ce lundi soir, puis lundi prochain. Ce projet de loi, qui devrait être une expression privilégiée de l’humanisme fondant notre démocratie, valait mieux que cela, de même que la Haute Assemblée.

Qui peut rester insensible aux drames humains qui, ces dernières semaines, se jouent à nos portes ? Qui peut encore parler froidement de « chiffres de l’immigration », de « contrôle des flux migratoires », quand des milliers de migrants se noient en Méditerranée ? Qui peut refuser son empathie à ces centaines de milliers d’adultes et d’enfants qui fuient, chaque année, la guerre, la terreur, les catastrophes climatiques et que nous accueillons si peu et si mal ? Dans cette enceinte, qui sait ce que signifie quitter sa famille, ses amis, les couleurs et les odeurs de la terre où l’on est né ? Personne n’émigre ni ne demande de gaieté de cœur l’asile à un pays qu’il ne connaît pas.

Notre débat de ce jour doit s’élever au-dessus de la politique politicienne. Il exige, d’abord, de reconnaître l’intolérable détresse de ces êtres, menacés par des régimes dictatoriaux, qui s’exilent parce qu’ils ont pris des risques et qui font si souvent honneur au courage humain.

En commission, l’un d’entre vous, mes chers collègues, a affirmé récemment que, dans un tel débat, l’émotion ne devait pas interférer. Ce point de vue m’a beaucoup touchée, car je pense le contraire. Un législateur sans cœur est un arbre desséché. (Mouvements divers.)

Rappelons les grands principes gouvernant le droit d’asile, non que je soupçonne certains de les ignorer, mais parce que les avoir à l’esprit empêche de céder au confusionnisme en vogue entre droit d’asile et immigration.

Si la protection que nous devons aux demandeurs d’asile découle de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, elle est également, pour nous, Français, une exigence nationale, constitutionnelle, en vertu aussi bien du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 que de l’article 53-1 de la Constitution de 1958.

Pour le Conseil constitutionnel, le droit d’asile est un droit fondamental, un principe de valeur constitutionnelle. Il ne saurait donc être soumis aux vicissitudes de nos politiques d’immigration.

Dans son avis du 20 novembre 2014, la Commission nationale consultative des droits de l’homme affirme, à raison, que « réduire la question de l’asile à un problème de gestion des flux ou de réduction des coûts » est « inacceptable ».

Gardons-nous donc de priver de sens nos débats, en instrumentalisant les chiffres, en ne parlant que « gros sous ».

Certains ont déjà tenté de jouer du rapport d’étape de la Cour des comptes, dont des extraits sont parus à point dans Le Figaro, présentant la politique d’asile comme extraordinairement coûteuse et en faisant « la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France ».

M. Stéphane Ravier. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Qu’en savez-vous, monsieur Ravier ?

Mme Esther Benbassa. Revenons plutôt aux chiffres, tout à fait publics et transparents, montrant bien que la France n’est plus tout à fait la terre d’asile qu’elle s’enorgueillissait d’être.

Pour ne prendre qu’un exemple, sur les 122 800 Syriens ayant demandé l’asile dans l’Union européenne en 2014, seuls 2 084 l’ont fait en France. Au contraire de l’Allemagne et de l’Italie, qui, respectivement, ont connu une augmentation en la matière de 60 % et de 143 %, notre pays est l’un des seuls en Europe à connaître une diminution de la demande d’asile. Que je sache, cette baisse ne tient pas à une amélioration de la situation géopolitique mondiale ! Nous sommes loin, mes chers collègues, d’accueillir toute la misère du monde.

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

Mme Esther Benbassa. Le texte initial, amélioré par l’Assemblée nationale, comportait des avancées notables, que nous saluons. Ainsi, les membres du groupe écologiste se réjouissaient que le droit au maintien sur le territoire français soit consacré, que l’effet suspensif des voies de recours soit étendu, qu’un juge spécialisé dans le domaine de l’asile soit maintenu et que le demandeur puisse être mieux accompagné lors de son entretien devant l’OFPRA.

Malheureusement, si les modifications suggérées par la majorité sénatoriale étaient adoptées, le projet de loi, loin de mieux garantir les droits et libertés fondamentaux des demandeurs d’asile, tournerait au bouclier sécuritaire, sacrifiant les plus fragiles à une obsession anti-immigration.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oh !

Mme Esther Benbassa. Nous, écologistes, présenterons donc de nombreux amendements visant notamment à mieux encadrer la nouvelle procédure accélérée instaurée par le projet de loi.

Quant à notre vote final, il sera fonction de l’issue de nos travaux. Nous, écologistes, ne sommes pas là pour avaliser un texte satisfaisant l’agenda politique de l’UMP et du Front national, pour qui la lutte contre l’immigration tient lieu d’unique programme, alors que les Français attendent bien davantage de nous, à commencer par des solutions concrètes et justes aux difficultés économiques et sociales qu’ils rencontrent. Nous n’apporterons nos voix, mes chers collègues, qu’à un texte humaniste, ambitieux, fidèle aux valeurs de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous aussi !

Mme Esther Benbassa. J’ai lu vos déclarations dans le journal Le Monde, monsieur Bas, et je ne crois pas beaucoup me tromper…

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Avec le naufrage et la mort de centaines de migrants survenus au large des côtes libyennes ces dernières semaines, l’examen du présent texte relatif au droit d’asile s’inscrit dans une actualité dramatique et – malheureusement – répétitive qu’il ne suffit pas de constater. Ces drames humains, qui bénéficient d’une large couverture médiatique, ne sont que la partie visible de la souffrance de ces hommes, femmes et enfants confrontés, après les sentiers de l’exil, aux dédales de notre système d’accueil.

Ces êtres humains ont plusieurs visages : Soudanais persécutés par Boko Haram, Rohingyas – musulmans de Birmanie apatrides –, Yézidis et chrétiens qui fuient l’arrivée de l’État islamique en Irak, ou encore Bangladais réfugiés climatiques, victimes de la montée des eaux, par conséquent, des peuples entiers, mais aussi des individus persécutés en raison de leur minorité, de leur orientation sexuelle, voire de leur simple appartenance au genre féminin. Tous ces exemples nous rappellent, avec une féroce acuité, la nécessité du droit d’asile.

À cet égard, je tiens à saluer le travail des associations de soutien aux réfugiés, ainsi que celui des professionnels du droit qui incarnent au jour le jour les valeurs de notre République, aux côtés des réfugiés.

Ce qui se joue est très grave. Nous parlons du destin de femmes, d’enfants et d’hommes contraints de s’exiler dans la détresse, en quête de sécurité et d’une vie meilleure, et que l’on renvoie parfois tout simplement à la mort.

Prenons en compte l’humain d’abord et non les chiffres, tels ceux qui ont été récemment évoqués par la Cour des comptes et qui ont conduit au report de la publication du rapport de la commission des lois – ce que j’avais approuvé – et à un durcissement du présent texte – ce que je ne peux que réprouver.

Malgré le dévouement et le professionnalisme de l’ensemble des personnels concernés, notre système d’accueil en matière d’asile est défaillant : manque de places en CADA, saturation des dispositifs d’urgence, procédures trop complexes, allongement des délais de traitement, manque d’accompagnement des demandeurs d’asile, faible intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire… Mais de là à le considérer « à l’agonie », il y a – me semble-t-il – de la marge. En ce sens, la Cour des comptes nous propose une vision très dangereuse de l’asile, car purement comptable.

Arrêtons-nous donc un instant sur les chiffres, tout en gardant à l’esprit que la situation de la France est incomparable à celle du Liban, de la Jordanie ou même de la Turquie qui accueillent, dans des structures collectives, des centaines de milliers de réfugiés. Rappelons-nous aussi que les Nations unies estiment que, chaque jour, 32 000 hommes, femmes et enfants sont contraints à l’exil quand la France fait l’objet de quelque 60 000 demandes annuelles et que plus de 80 % de ces réfugiés atterrissent dans des pays dits « en développement ».

Quant aux demandeurs d’asile qui parviennent à franchir la fameuse forteresse Europe, des quatre pays européens ayant reçu le plus grand nombre de demandes d’asile en 2014, la France est celui qui y accède le moins, avec 21,7 % de réponses positives. Ramené aux populations des États membres, c’est en Suède que le nombre de demandeurs d’asile est le plus élevé, devant la Hongrie, l’Autriche et Malte.

Contrairement aux idées reçues, ni l’Europe ni la France ne sont les principales zones destinataires du flux des demandeurs d’asile. Ces chiffres nous invitent à combattre les discours démagogues, ce que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen s’engagent à faire tout au long de ces débats.

Mais au-delà de la question de savoir si nous accueillons trop ou pas assez de réfugiés, il devient urgent d’apporter à chacun d’entre eux un accueil de qualité, une réponse juste, rapide et effective. L’objectif est de rendre son sens au droit d’asile : il faut réduire les délais de traitement tout en améliorant la qualité de la décision, finalités tout à fait complémentaires.

Par le biais du présent projet de loi, le Gouvernement propose des améliorations au droit d’asile et la mise en lumière de certains grands principes incontournables qu’il reste toutefois à mieux définir.

Ce texte est porteur de plusieurs avancées issues des directives européennes, notamment d’un meilleur accès à la demande d’asile avec le droit au maintien sur le territoire français, pour tous les demandeurs, jusqu’à la décision définitive de l’OFPRA ou de la CNDA.

Les conditions de l’examen de la demande sont également améliorées, en particulier grâce à une mesure emblématique : l’entretien individuel systématique par l’OFPRA avec le demandeur d’asile et la possibilité, pour ce dernier, d’être assisté d’un avocat ou d’un représentant d’association.

D’autres avancées proposées à l’origine – vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous savons reconnaître et saluer les dispositions qui vont dans le bon sens…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est rare !

Mme Éliane Assassi. Si vous étiez plus souvent parmi nous, vous verriez que ce n’est pas si rare. Mais vous n’écoutez pas les communistes, que vous considérez sans doute aujourd’hui comme des adversaires.

Mme la présidente. Vous vous éloignez du sujet, madame Assassi.

Mme Éliane Assassi. À la tribune, ma parole est libre, madame la présidente.

D’autres avancées, disais-je, proposées à l’origine, ont été rognées par la commission des lois du Sénat.

Cependant, la mise en œuvre de ces mesures dépendra largement des moyens qui seront alloués pour garantir un hébergement et une allocation à tous les demandeurs. Nous attendons des précisions de la part du Gouvernement sur ce point.

De plus, plusieurs dispositifs d’amélioration sont porteurs de limitations, voire de contradictions qui vident les droits de leur substance. Il en est ainsi du droit d’être assisté par un tiers, fortement mis en cause. Nous vous proposerons de faire de cette mesure une véritable avancée pour l’accueil des demandeurs d’asile, en permettant à l’avocat ou à un représentant d’association de prendre la parole et des notes au cours de l’entretien.

Il en est de même du droit au maintien sur le territoire. Les dérogations prévues par la présente réforme sont plus étendues que celles qui sont définies dans la directive européenne dite « Procédures », pourtant d’interprétation stricte.

En cet instant, je souhaite rappeler que le législateur ne doit pas se borner à transposer les directives du « paquet asile », mais que chaque État est libre d’ajouter un certain nombre de mesures qu’il estime utiles pour régler sa propre situation. Gardons à l’esprit que les principes régissant l’asile sont garantis par la Constitution.

Par ailleurs, un certain nombre des dispositions préconisées sont pour nous source de grande préoccupation, à commencer les nouvelles missions confiées à l’OFII. Ces mesures laissent à penser que des considérations liées à la gestion des flux migratoires prendront le pas sur les besoins de protection des demandeurs d’asile.

Ainsi, au regard des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture et de ceux de la commission des lois du Sénat auxquels nous avons assisté, nous sommes très inquiets d’un certain discours teinté d’humanisme, mais qui masque mal le choix d’une politique du chiffre inavouée et de préoccupations de gestion des flux.

À cet égard, nous sommes vivement opposés à la procédure d’asile accélérée, dès lors qu’elle repose sur l’idée selon laquelle le détournement du droit d’asile serait aujourd’hui la règle. Son champ d’application, bien trop élargi par rapport à la procédure prioritaire déjà existante, permettra, d’une part, à l’OFPRA de traiter de manière expéditive l’essentiel des demandes d’asile et, d’autre part, de faire juger par un juge unique, devant la CNDA – dans un délai également expéditif –, l’essentiel des demandes rejetées par I’OFPRA. Ainsi, le principe deviendra assurément la procédure accélérée à juge unique en méconnaissance flagrante de toutes les garanties procédurales et de fond prévues par le droit européen, national et international des droits de l’homme.

De plus, le texte soumis à notre examen à l’issue des travaux de la commission est empreint de l’amalgame – croyez bien que je le regrette – entre demandeurs d’asile et immigrés. Pis encore, entre demandeurs d’asile et fraudeurs. Un article entier a été inséré pour écarter les « étrangers déboutés de leur demande d’asile » de l’hébergement d’urgence. Il s’agit là d’une vision scandaleuse de l’asile qui repose sur des chiffres par ailleurs inexistants et ne résiste à aucune analyse. Nous nous opposerons fermement à ces nouvelles dispositions inhumaines, tout comme à d’autres mesures directives ou discriminatoires.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, des orateurs précédents ont dépassé leur temps de parole de deux minutes !

Nous nous sommes d’autant plus réjouis de la volonté du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement du droit d’asile en France que nous plaidons depuis des années pour une véritable réforme. Cependant, au regard des arguments que je viens d’avancer, nous ne pouvons que douter de certaines de vos intentions qui semblent à la fois floues et guidées par une politique du chiffre…

M. Alain Néri. Que ne déposez-vous des amendements, alors !

Mme Éliane Assassi. Je ne vous ai pas attendu, monsieur Néri ! Laissez-moi finir mon propos, vous comprendrez mieux ce que je veux dire !

Cette politique du chiffre permet donc à la droite sénatoriale,…

M. Stéphane Ravier. Calmez-vous !

Mme Éliane Assassi. … par l’intermédiaire des travaux de la commission, de durcir le texte initial. Vous êtes content comme ça, monsieur Néri ?

M. Alain Néri. C’est vous qui n’êtes pas contente ! Déposez des amendements !

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Mais faites-le taire !

Mme Éliane Assassi. Avez-vous déjà vu le groupe communiste ne pas déposer d’amendements sur un texte ? (Sourires.)

M. Alain Néri. Vous avez raison !

Mme Éliane Assassi. Les idées que j’avance à la tribune, nous les défendrons par voie d’amendement !

C’est dans cet état d’esprit que nous présenterons au cours des débats un certain nombre d’amendements tendant à améliorer le texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. « Notre politique d’asile a atteint ses limites, si bien que pour la préserver – je dirai même pour la sauver –, il nous faut la réformer, profondément. […] il convient évidemment de mener cette discussion au niveau européen, tout en agissant au niveau national. […] Toutefois, compte tenu des contraintes budgétaires, nous ne pourrons pas multiplier à l’infini les hébergements. Si le fonctionnement de notre système d’asile reste inchangé, ces efforts seront vains, avec le risque […] d’un appel d’air et d’une confusion des publics. »

« À cela s’ajoute que près de 80 % des demandeurs sont déboutés de leur demande, dont une large part relève en réalité de motivations économiques et non de nécessité de protection. La majorité de ces déboutés reste de manière irrégulière sur le territoire et parmi eux nombreux sont ceux qui introduisent une demande de séjour à un tout autre titre que l’asile et sollicitent de surcroît les dispositifs d’hébergement d’urgence. C’est précisément ainsi que le droit d’asile est dévoyé et détourné. »

Je viens de citer, mes chers collègues, des extraits d’un courrier de M. Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, ainsi qu’une partie de son discours, prononcé le 15 juillet 2013 à l’occasion du lancement de la concertation sur la réforme de l’asile.

Le droit d’asile, puisant ses racines dans notre culture et notre civilisation, est une tradition ancrée profondément dans l’histoire et les valeurs de notre République. Cette protection fondamentale accordée aux victimes de persécutions et de violations des droits de l’homme n’a cessé de contribuer au rayonnement international de notre pays et au crédit qui lui est reconnu pour ce qui concerne la défense des libertés et des principes démocratiques.

Dans un rapport remis le 28 novembre 2013 à Manuel Valls, Valérie Létard et le député Jean-Louis Touraine avaient déjà clairement souligné les dysfonctionnements rongeant depuis plusieurs années le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, aujourd’hui à bout de souffle.

Si votre texte, monsieur le ministre, va dans le bon sens, il ne permettra malheureusement pas un changement profond de la gestion des demandes d’asile sur notre territoire. En restant trop focalisé sur l’aspect procédural, vous ne vous donnez pas les moyens de rendre ce projet de loi efficace : il contient beaucoup trop de règles et bien trop peu de sanctions.

Le faible taux de décisions positives devrait retenir notre attention sur la réalité du détournement de la procédure d’asile. Le nombre de demandes d’asile présentées à la France a presque doublé en sept ans, atteignant 65 894 en 2013. En moyenne, 80 % d’entre elles aboutissent à une décision négative. Ce taux important de réponses négatives, propre à la France, n’a malheureusement pas pour effet de réduire le nombre de demandeurs d’asile, lui aussi en forte augmentation.

Sans nous voiler la face sous l’effet de l’idéologie, nous devons y voir une preuve, parmi d’autres, du contournement de notre procédure d’asile par des populations qui visent, en réalité, une immigration économique.

Je garde à l’esprit le fait que les candidats à l’asile et à l’immigration sont les premières victimes des nombreuses filières organisées, réseaux mafieux difficiles à démanteler qui détournent notre réglementation à leur profit, sans vergogne, sans scrupule et sans crainte des sanctions – quand elles existent –, et qui exploitent honteusement la misère humaine.

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux un durcissement du présent projet de loi, afin que notre pays envoie un message clair et sans ambiguïté.

De manière à mettre fin à la dynamique perverse de ces contournements évidents, nous devons considérablement raccourcir les délais de traitement des demandes et nous assurer que les reconduites à la frontière sont effectives.

Pour ce qui concerne la question centrale des délais, il n’est plus supportable que la France affiche un délai moyen de traitement supérieur à vingt-quatre mois, dont seize mois entre le dépôt d’une demande à l’OFPRA et la décision définitive de la CNDA. Ce délai est respectivement de cinq mois en Allemagne et de six mois au Royaume-Uni…

L’augmentation des effectifs de l’OFPRA qui sont passés de 407 à 470 entre 2009 et 2014, auxquels s’ajoutent les 50 recrutements prévus cette année, ne permettra pas, à elle seule, de réduire significativement les délais de traitement des demandes, si elle ne se double pas de procédures réellement allégées et accélérées.

Dans sa version initiale, monsieur le ministre, votre texte présentait l’avantage de réduire ces délais, unanimement considérés comme trop longs et donnant trop souvent lieu à de nombreux détournements. Pour des raisons qui échappent à ma compréhension, les députés de votre majorité ont décidé d’introduire de nouveaux droits juridiques et matériels au bénéfice des demandeurs et d’apporter de nombreuses restrictions au champ de la procédure accélérée.

Qui dit plus de droits dit plus de recours ! Ces nouvelles dispositions aboutiront donc à un nouvel allongement de la durée des procédures. Résultat de ce jeu à somme nulle : les avancées louables de votre projet de loi – accélération des procédures de traitement et assainissement du système français de l’asile en vue de le rendre plus juste pour ceux qui obtiennent le statut – disparaîtraient aussitôt.

Si nous ne parvenons pas à statuer plus rapidement sur les demandes présumées abusives ou plus urgentes, notre pays se trouvera dans l’incapacité d’accueillir dignement les ressortissants de pays en crise sévère qui connaissent une situation dramatique, comme la Syrie et l’Irak.

Aussi, nous veillerons à ce que soient adoptées toutes les mesures susceptibles de diminuer les délais de traitement des demandes et de faciliter le recours à des procédures accélérées, dans le respect des droits du demandeur.

À ce titre, je vous invite à faire preuve de bon sens en acceptant la proposition de la commission des lois visant à inscrire dans la loi le respect des délais de traitement devant l’OFPRA et la CNDA.

J’en viens au sort des déboutés du droit d’asile, en lien avec la politique d’immigration. Dans les faits, notre système d’asile crée chaque année des dizaines de milliers de sans-papiers. Comme le rappelait si justement l’un de nos collègues, « le système actuel génère des “ni-ni”, c’est-à-dire des personnes qui ne sont ni expulsables – 95 % des mesures d’éloignement n’étant pas appliquées – ni régularisables. » Les filières clandestines d’immigration ont parfaitement conscience de cette faille, dans laquelle elles s’introduisent massivement.

Ainsi, ne faire porter nos efforts que sur l’accélération du traitement des dossiers ne servira à rien si nous ne renforçons pas, en aval, l’exécution des mesures de reconduite à la frontière des déboutés, auxquels le projet de loi s’intéresse bien trop peu.

Il ne semble pas logique, en effet, de dissocier de la présente réforme du droit d’asile la thématique de l’immigration et la question des étrangers en situation irrégulière dans notre pays. Les professionnels et les ONG qui interviennent auprès de ces populations pourraient même qualifier cela d’aberration.

Il aurait été beaucoup plus pertinent de traiter ces sujets au sein d’un texte commun, sans pour autant confondre asile et immigration, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Bien au contraire, une telle démarche aurait offert l’occasion d’aborder de manière globale et cohérente les interactions entre ces deux enjeux.

Sur le terrain, les agents doivent faire face à des situations humaines très délicates, par exemple lorsqu’un demandeur d’asile doit être reconduit à la frontière alors qu’il demeure sur le territoire français depuis plus d’un an, éventuellement avec sa famille, et qu’il a tissé de nombreux liens avec notre pays : famille nouvellement fondée, éventuellement avec des enfants bénéficiant du droit du sol, enfants scolarisés en France, etc.

Faut-il rappeler que l’article 6 de la directive 2008/115 impose à tout État membre de prendre une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire ainsi que d’adopter toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la décision de retour ?

Évoquons ensuite les moyens budgétaires, qui paraissent insuffisants et détournés, au détriment des bénéficiaires.

Nous ne pouvons plus accepter une situation dans laquelle ceux qui obtiennent l’asile se retrouvent à peine mieux lotis que les déboutés. Le montant des dépenses au bénéfice de ceux-ci serait, sous réserve de confirmation, équivalent aux sommes consacrées aux demandeurs d’asile.

Le coût de la politique d’asile, estimé entre 1 et 2 milliards d’euros, pourrait être considérablement diminué si l’on faisait preuve de plus de fermeté dans l’exécution des mesures d’éloignement comme dans l’attribution des moyens matériels.

Les cas de figure d’abus sont légion. C’est, par exemple, un débouté du droit d’asile, dont on n’a plus la moindre nouvelle et à l’encontre duquel a été prononcée une obligation de quitter le territoire français, qui continue à bénéficier du versement des allocations. C’est aussi une personne déboutée qui refuse de quitter sa place en CADA, gelant ainsi la possibilité pour tout nouveau demandeur de bénéficier d’un hébergement d’accueil décent.

Il est nécessaire de mieux gérer le budget dédié à notre système d’asile. Plus de rigueur et de fermeté en matière de versement indu de prestations matérielles d’accueil permettrait de dégager des marges budgétaires au profit des services qui en ont le plus besoin.

Faute de budgets suffisants, les services de police, de gendarmerie et de police aux frontières n’ont pas les moyens adéquats pour rechercher les déboutés et pour assurer comme il se doit les mesures d’éloignement, mettant ainsi en péril l’ensemble du système.

De même, il paraît indispensable d’augmenter les crédits alloués à l’OFPRA, dont le budget est en diminution alors qu’il devrait connaître un élargissement de ses missions.

J’aborde maintenant la question de la saturation des dispositifs d’hébergement. Permettez-moi de vous donner lecture d’un extrait du courrier adressé au mois de juin 2013 par le président socialiste de Grenoble-Alpes Métropole à l’ensemble des maires de la métropole grenobloise : « La plateforme d’accueil grenobloise recense tous les mois de nombreuses personnes nouvelles en situation de demandeurs d’asile qui viennent grossir l’effectif existant.

« Les lieux d’accueil, gérés par l’État, sont totalement saturés et ne peuvent plus faire face à ces arrivées régulières.

« Le corollaire de cet état de fait est une situation de précarité qui se diffuse à l’ensemble des territoires, au-delà des zones urbaines prioritairement concernées.

« L’État, compétent dans ce dossier, m’a officiellement annoncé son impossibilité de maintenir son effort financier lié à ses obligations faute de crédits disponibles. » Quel aveu ! Quel naufrage !

Saturés, les dispositifs d’hébergement ne répondent plus à l’urgence de la situation et ne peuvent plus accueillir les publics auxquels ils sont destinés. L’accélération du traitement des dossiers, pourtant nécessaire, ne sera pas suffisante. Il est indispensable que les organismes concernés puissent légalement mettre hors des lieux d’hébergement les personnes qui s’y maintiennent indûment.

De manière complémentaire, je tiens à saluer les efforts effectués par l’OFII en matière d’orientation territoriale des demandeurs dans l’attribution des places, face à la répartition inégale des demandes d’hébergement sur le territoire national, plus de 50 % des demandes étant concentrées dans les régions Île-de-France et Rhône-Alpes. De même, un meilleur partenariat entre les départements pourrait favoriser une gestion encore plus équitable de ces flux.

J’en termine en abordant le rôle de l’Europe. Nous le savons tous, Roger Karoutchi l’a rappelé, rien ne pourra se faire sans une politique européenne volontariste. Nous devons agir vite, surtout si nous ne voulons plus être les spectateurs impuissants de naufrages de navires chargés de demandeurs d’asile, en pleine Méditerranée ou le long des côtes italiennes.

Les récentes mesures prises par certains pays européens, visant en particulier à réduire les entrées migratoires, démontrent qu’il y a urgence à revoir en profondeur la politique communautaire si l’on souhaite faire preuve d’efficience et de dignité en matière d’accueil des populations dont la sécurité n’est pas, ou plus, assurée dans leurs pays d’origine.

Si le ministre de l’intérieur rappelait, voilà deux ans, la nécessité de mener une discussion à l’échelon européen, force est de constater que les instances européennes se sont peu mobilisées sur ce dossier, malgré l’urgence grandissante.

Militariser la Méditerranée ne suffira pas à faire diminuer les flux migratoires, dopés par les crises politiques, les conflits entre nations ou ethnies, et les difficultés socio-économiques. Le triplement annoncé du budget consacré à l’opération européenne Triton, dont le mandat cesse à cinquante kilomètres des côtes européennes, ne contribuera pas à réduire le nombre de naufrages.

Il est absolument nécessaire de réorienter et de mieux coordonner au plan communautaire nos efforts politiques et nos moyens financiers en direction de pays clairement identifiés, qui sont pourvoyeurs de départs massifs de populations désireuses d’une vie meilleure et plus humaine.

Afin d’offrir aux candidats au départ une nouvelle alternative, un cadre de vie meilleur, source de paix et d’espoir pour l’avenir, il est en effet devenu indispensable de remettre à plat les politiques bilatérales et européennes de coopération et de développement – projets structurants en matière d’éducation, d’agriculture, d’infrastructures, de développement économique –, dont les résultats sont loin d’être à la hauteur des investissements financiers consentis.

Dans un contexte d’explosion démographique dans les zones de départs massifs qui va s’amplifier au cours des prochaines années, cette voie seule nous permettra d’apporter des réponses concrètes à la régulation des flux et à l’éradication des réseaux mafieux qui profitent de la misère d’enfants, de femmes et d’hommes prêts à payer des sommes importantes et à risquer leur vie sur des embarcations de fortune.

Mes chers collègues, tenter tout ce qui est possible pour refuser la fatalité et changer le sort de centaines de milliers de personnes en quête d’une vie meilleure : tels sont notre devoir et notre honneur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, débattre de notre politique de l’asile nous renvoie à l’éternel dilemme entre le respect de principes humanitaires affirmés en droit international et les limites, malheureusement constatées, de nos capacités d’accueil. Sommes-nous vraiment condamnés ad vitam aeternam à cette opposition entre humanisme et réalisme ? Il me semble au contraire urgent d’en sortir. Pour cela, nous devons nous donner les moyens de la responsabilité, plutôt que nous enfoncer dans la passivité et l’assistanat, qui nourrissent suspicion et xénophobie.

Si le présent projet de loi et certains amendements adoptés en commission vont dans le bon sens, davantage d’ambition serait nécessaire. Je partage pleinement la volonté de réduire les délais d’instruction des demandes, mais je souhaite vous alerter sur deux écueils.

Raccourcir les délais d’examen des demandes est évidemment indispensable pour lutter contre l’engorgement du dispositif et redonner tout son sens au droit d’asile. C’est indispensable sur le plan à la fois humain, pour que les demandeurs d’asile soient, au plus tôt, fixés sur leur sort, et économique, pour éviter de faire peser trop longtemps sur la collectivité le coût de l’assistance aux demandeurs en attente de décision.

Je salue donc la volonté de la commission des lois d’inscrire les délais d’instruction par l’OFPRA dans la loi au lieu de les laisser au niveau réglementaire. La rapidité de traitement des dossiers est non pas un détail administratif, mais bien une condition de l’exercice effectif du droit d’asile.

Gardons-nous, toutefois, de nous arrêter à la formulation de vœux pieux. La longueur excessive des délais de traitement n’est évidemment pas le résultat de la mauvaise volonté des agents de l’OFPRA ou des juges de la CNDA. Fixer des objectifs ambitieux sans les assortir de moyens adéquats, c’est prendre le risque d’une planification à la soviétique. Je veux donc insister sur la nécessité de mettre en cohérence objectifs et moyens.

Un autre risque serait d’encourager une approche trop expéditive au niveau de la première instruction par l’OFPRA, qui se traduirait par une multiplication des recours au niveau de la CNDA.

Nous avons trop tendance, en France, à considérer la multiplication des possibilités de recours comme le critère de la décision juste. Le danger est de favoriser les demandeurs d’asile les plus procéduriers, souvent épaulés par des réseaux qui leur fournissent des argumentaires tout prêts, au détriment des demandeurs véritablement légitimes, rendus méfiants par rapport à une administration trop tatillonne du fait des traumatismes subis dans leur pays d’origine.

L’approche individuelle et humaine est essentielle. Et celle-ci exige de pouvoir consacrer un peu de temps à chaque dossier. Tout en comprenant le bien-fondé d’un raccourcissement des délais d’instruction des demandes, j’attire donc l’attention sur la nécessité de maintenir une approche individualisée bienveillante. C’est particulièrement essentiel pour des personnes en situation de grande vulnérabilité, notamment les mineurs ou les femmes victimes d’abus.

Cette étape du recueil des témoignages des demandeurs d’asile me semble être la clé d’une approche juste et d’une modération de l’engorgement du système.

Il y a aujourd’hui, comme il a été rappelé, plus de 60 000 demandes annuelles d’asile, contre 35 000 en 2007. Trois quarts de ces demandes environ font l’objet d’un rejet. Cela pèse évidemment sur notre capacité à accueillir dans la dignité les demandeurs d’asile légitimes. L’engorgement du dispositif rallonge les délais de traitement des demandes ; le partage des budgets alloués à l’hébergement et aux allocations temporaires d’attente entre un nombre croissant de demandeurs tourne à la gestion de la pénurie.

Mais comment endiguer cet afflux ? À l’évidence, exiger une réduction des délais de traitement ne diminuera en rien le nombre de demandes. Il faut donc trouver des approches complémentaires.

N’est-il pas absurde que les migrants chassés par la guerre et les persécutions soient obligés, pour déposer leur demande d’asile, de traverser la Méditerranée au péril de leur vie et en finançant les réseaux de trafiquants ? Plutôt que de compter les cadavres et de financer de coûteuses opérations de sauvetage en mer, ne devrait-on pas favoriser un examen des demandes d’asile sur place ?

C’est ce qui a commencé à être fait en Syrie et en Irak, où nos consulats réalisent un tri des demandes et peuvent délivrer le statut de réfugié sans que les demandeurs aient à venir clandestinement sur notre territoire pour présenter une demande à l’OFPRA. Cette approche aussi positive qu’humaine ne s’applique malheureusement qu’à quelques centaines de personnes, alors même qu’en 2014 20 % des 620 000 demandeurs d’asile en Europe étaient originaires de Syrie. Ne devrait-on pas favoriser la montée en puissance d’un tel dispositif, non seulement dans le cadre de la crise actuelle au Moyen-Orient, mais aussi de manière plus générale ?

Traiter les demandes dans le pays de départ plutôt qu’à l’arrivée des réfugiés en France présenterait de nombreux avantages.

D’un point de vue strictement économique, cela constituerait autant d’économies sur les dépenses liées à la subsistance des demandeurs d’asile sur notre sol – hébergement, allocation d’attente, soins médicaux, placement en rétention – et à leur éventuel éloignement du territoire.

D’un point de vue humain, cela éviterait aux demandeurs de risquer leur vie, de perdre toutes leurs économies en recourant à des passeurs, de subir des mois, voire des années de vie précaire dans l’attente de la décision de l’OFPRA et de risquer un nouveau déracinement en cas de rejet de la demande d’asile et d’éloignement forcé du territoire.

L’examen des dossiers d’asile par les consulats favoriserait aussi une approche plus juste, car mieux informée de la réalité du contexte politique et social local. Cela limiterait aussi les difficultés pratiques et budgétaires engendrées, en France, par le recours aux traducteurs. Cela éliminerait la polémique récurrente sur la liste des « pays sûrs » et permettrait de vérifier plus facilement la véracité des faits évoqués. Cela permettrait de mieux orienter, en amont, les candidats à l’émigration vers des statuts leur correspondant : asile pour les victimes de persécutions, visas étudiants ou visas d’affaires pour les autres...

Cet élargissement des missions consulaires nécessiterait évidemment le déploiement de moyens adaptés, mais ces dépenses seraient largement contrebalancées par les économies réalisées sur le fonctionnement du dispositif de l’asile dans notre pays. D’autant qu’une telle décentralisation de l’examen des demandes d’asile n’aurait de sens qu’en étant déployée à l’échelle européenne, par la création de véritables « guichets d’asile » européens.

En 2014, 20 % des 620 000 demandeurs d’asile en Europe étaient originaires de Syrie. Il est pourtant impossible de remplir une demande d’asile depuis les camps de réfugiés syriens au Liban ou en Jordanie, et ce malgré l’existence d’une directive européenne de 2001 sur la protection temporaire. Cela se faisait pourtant dans des camps de réfugiés irakiens en Syrie que j’avais pu visiter en 2008.

Cette directive européenne visait à gérer l’arrivée massive dans l’Union européenne d’étrangers ne pouvant rentrer dans leur pays en raison d’une guerre, de violences ou de violations des droits de l’homme. Elle instituait, pour ces personnes déplacées, une protection immédiate et temporaire d’un an renouvelable et assurait un équilibre entre les efforts réalisés par les États membres pour les accueillir.

La directive demeure inappliquée, faute de volontarisme politique des États membres. Par conséquent, seules l’Allemagne et la Suède accueillent massivement les réfugiés syriens. La France s’honorerait pourtant d’œuvrer en faveur d’une réelle application de cette directive.

Certes, le réseau consulaire français, particulièrement dense, exposerait la France à gérer une grande partie de ces demandes. Mais la directive prévoit un partage équitable de l’effort et donc un dédommagement par les États moins exposés. Un accord a tout récemment été trouvé en matière de protection consulaire. Une philosophie similaire pourrait donc être appliquée à l’asile.

L’adoption, par la commission des lois, d’un amendement offrant une base légale à la pratique de la vidéoconférence pour les entretiens OFPRA est, à cet égard, prometteuse, puisque cette mesure, initialement pensée pour les demandeurs placés en centre de rétention, pourrait aussi faciliter un traitement plus décentralisé des demandes.

Je voudrais consacrer le temps qui me reste à évoquer une question injustement laissée de côté dans le débat actuel sur l’asile : l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail.

Bien que le droit au travail des demandeurs d’asile soit reconnu en droit international, notamment par la convention des Nations unies de 1951 et par la Charte sociale européenne, la France reste frileuse.

Depuis 1991, les demandeurs d’asile ne bénéficient plus d’une autorisation de travail. Ils ne peuvent en solliciter une qu’au bout d’un an, si l’OFRA n’a pas répondu à leur demande ou si un recours est en cours d’instruction par la CNDA. Les conditions pour obtenir cette autorisation sont draconiennes et, en cas d’acceptation, des taxes élevées sont dues par l’employeur.

Remarquons-le au passage, si la question de l’accès au marché du travail est abordée dans le présent projet de loi, ce n’est sans doute pas le fruit d’une volonté politique forte. C’est, bon gré mal gré, la simple transposition en droit interne de la directive européenne « Accueil » de 2013, qui impose d’ouvrir le marché du travail aux demandeurs d’asile pour lesquels aucune décision n’aurait été prise dans un délai de neuf mois. Maigre progrès, alors que la législation actuelle fixe ce délai à douze mois !

La France est aussi très en retard par rapport à ses homologues européens : en Suède, les demandeurs d’asile peuvent travailler dès le dépôt de leur demande ; en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, le délai n’est que de trois mois ; en Belgique, en Italie ou aux Pays-Bas, il est de six mois. Aux États-Unis aussi, les demandeurs d’asile ont le droit de travailler – et ce sur un pied d’égalité avec les citoyens américains.

La question du travail est, chez nous, un véritable tabou. Elle réveille des peurs irrationnelles. Permettre aux demandeurs d’asile de travailler encouragerait, croit-on, les filières d’immigration clandestine et pousserait des migrants économiques à solliciter indûment le statut de réfugié. Mais il y en aura toujours pour profiter du système ! Certains sont déjà encouragés à postuler au statut de réfugié par l’existence de l’allocation temporaire d’attente. L’ouverture du marché du travail ne constituerait pas une incitation supplémentaire décisive.

Pouvoir travailler permettrait aux demandeurs d’asile de vivre dans la dignité, en gagnant eux-mêmes de quoi vivre et faire vivre leur famille. Le droit au travail est un droit fondamental, reconnu notamment par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Il est aussi le socle de la plupart de nos droits fondamentaux.

Travailler permet d’assurer un revenu de subsistance. Pouvoir travailler légalement diminue la probabilité du recours au travail informel et, notamment, à des emplois dégradants, exposant à des risques d’exploitation, à des violences sexuelles, voire à la traite des êtres humains. Cela réduit aussi les risques de sombrer dans la délinquance ou de devenir dépendant de l’aide publique.

Le travail est aussi un facteur essentiel de dignité et d’estime de soi, ce qui revêt une importance particulière pour des réfugiés souvent traumatisés par des parcours tragiques.

Travailler est, enfin et surtout, un facteur d’intégration.

Dans un avis voté en décembre 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, souligne qu’il est « de l’intérêt de tous de permettre l’accès au marché de l’emploi dans la mesure où il s’agit d’un facteur d’autonomisation des demandeurs d’asile. Cet accès devrait être ouvert à tout demandeur d’asile après le dépôt de sa demande. »

Dans une récente résolution, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe note que faciliter l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile profite tant aux sociétés dans lesquelles ils vivent qu’aux sociétés dans lesquelles ils pourraient retourner. C’est aider les demandeurs d’asile à maintenir et développer leurs compétences et à les mettre au service de leur pays d’accueil.

Le programme EQUAL, financé par le Fonds social européen, préconise de commencer l’intégration et l’autonomisation des demandeurs d’asile dès leur arrivée. Il a aussi prouvé que l’emploi des demandeurs d’asile était un élément essentiel de leur intégration future.

Pourquoi alors continuer à favoriser l’assistanat plutôt que la responsabilité et l’intégration ?

J’ai déposé un amendement d’appel visant à ouvrir notre marché du travail aux demandeurs d’asile, à l’image de ce que pratique la Suède. Je propose sinon, comme solution de repli, de réduire le délai d’accès au marché du travail de neuf à six mois. Le nombre de personnes concernées serait limité et une telle expérience serait riche d’enseignements pour envisager une évolution de notre politique d’accueil des réfugiés.

La fermeture du marché du travail aux demandeurs d’asile a un coût élevé, non seulement pour les individus auxquels on impose l’inactivité, mais aussi pour les sociétés d’accueil.

J’ai bien conscience que prôner une telle ouverture est politiquement incorrect en période de chômage et d’immigration élevés, mais le débat mérite véritablement d’être lancé.

Il ne s’agit pas d’ouvrir inconsidérément les portes de notre territoire, mais simplement de donner aux demandeurs d’asile les moyens de sortir de l’assistanat et de s’intégrer.

Une telle libéralisation peut aussi aller de pair avec une sévérité accrue vis-à-vis de ceux qui déposent des demandes d’asile manifestement illégitimes. Je soutiens les amendements déposés en ce sens, notamment ceux qui prévoient que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, le cas échéant après que la CNDA a statué, vaut obligation de quitter le territoire français, ou que l’étranger débouté de sa demande d’asile ne peut, à un autre titre, solliciter un titre de séjour.

La politique de l’Europe « forteresse » fait, naufrage après naufrage, la preuve de son échec. Les politiques uniquement répressives sont coûteuses et inefficaces, mais il est inadmissible que seule une petite minorité des déboutés de l’asile soit effectivement éloignée de notre territoire. L’alternative n’est pas une ouverture sans contrôle de nos frontières.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je conclus, madame la présidente.

Il s’agirait plutôt de miser sur les aspirations profondes des demandeurs d’asile. S’ils ont risqué leur vie pour venir en France, ce n’est pas pour vivre à nos crochets. Donnons-leur les moyens de reconstruire leur vie, de s’autonomiser, de s’intégrer.

Ouvrir le marché du travail aux demandeurs d’asile est le seul moyen de sortir du dilemme entre une générosité irresponsable et laxiste, source de dérives budgétaires, et un pseudo-réalisme nous conduisant au repli identitaire, qui s’avère chaque mois plus difficile à mettre en œuvre.

Mme la présidente. Il faut maintenant conclure, madame Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. N’oublions pas, enfin, que la politique de l’asile et la politique d’immigration ne peuvent être découplées de notre diplomatie globale. Prévenir l’afflux de migrants suppose de s’impliquer beaucoup plus activement en amont, non seulement par le biais de l’aide publique au développement, de la communication et de l’éducation, mais aussi par une meilleure coopération policière, pour lutter contre les réseaux de passeurs, et par la diplomatie.

Il faut une réponse européenne globale qui développe le travail en amont. C’est toute notre politique migratoire européenne qu’il nous faut revoir aujourd’hui, avec humanisme mais aussi avec fermeté, lucidité et courage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Voilà, madame la présidente, et je n’ai pas plus dépassé mon temps de parole que mes collègues ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Deux minutes quarante, ma chère collègue. Avec le nouveau règlement, nous allons devoir nous imposer une plus grande concision.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’une question fondamentale, celle du droit de l’asile. Il s’agit en effet d’un droit de nature constitutionnelle et conventionnelle. Nous devons porter au crédit du Gouvernement de s’être saisi de ce sujet et d’avoir remis l’ouvrage sur le métier, car nous avons assisté à la déliquescence de notre système d'asile pendant de trop nombreuses années. Alors qu’aucune réforme n’est intervenue depuis 2003, il est grand temps de réagir, comme l’Europe nous y oblige !

Il nous faut d'emblée écarter tout amalgame entre la politique de l'asile et les politiques de l'immigration et bien distinguer ces deux champs de l’action publique. À cet égard, plusieurs des collègues qui sont intervenus précédemment nous ont démontré combien la tentation est forte de confondre ces politiques et combien elle pollue le regard porté sur le droit d’asile. Nous ne les suivrons donc pas sur ce terrain.

Le droit d'asile est ancré dans notre histoire. Or il nous est impossible, aujourd'hui, de nier le manque d'efficacité de nos procédures, l'insuffisance de notre offre d’hébergement, les inégalités juridiques que subissent les différents demandeurs d'asile et les carences liées à l'accueil et à l'accompagnement de ces derniers sur notre territoire.

Actuellement, le délai pour qu’un demandeur d’asile obtienne une réponse définitive à sa demande avoisine les vingt-quatre mois. Cette situation est inacceptable ! Je pense également au coût élevé qu’induisent la longueur de ces délais et le manque de places dans les centres d'accueil de demandeurs d'asile, les CADA, qui entraîne des placements en hébergement d’urgence.

Les conditions matérielles de l’exercice du droit d’asile en France ne nous permettent plus d’accueillir comme nous le souhaiterions ceux qui ont réellement besoin de notre protection. Elles constituent, du reste, la source principale d’éventuels détournements de procédure et d’exploitations politiciennes tendant à faire croire que la France accueille « toute la misère du monde ».

Si le nombre de demandeurs d’asile en France a presque doublé entre 2007 et 2013 pour s’élever à près de 65 000 au titre des demandes déposées au cours de l’année 2014, l’Allemagne comptait, à elle seule et pour la même année, environ 173 100 demandes. La France est donc loin de ployer sous le poids des demandes d’asile, ainsi qu’on l’entend trop souvent.

Ce projet de loi cherche à pallier les défauts évidents de notre système d’asile et à mettre notre législation en conformité avec les directives communautaires qui, elles-mêmes, devront évoluer.

Les événements tragiques qui se déroulent depuis des mois – en particulier ces dernières semaines, où l’on a assisté à la mort de milliers de migrants lors de traversées décidées au mépris de toute sécurité – ont démontré qu’il est nécessaire de faire avancer l’harmonisation des législations et des pratiques européennes dans un domaine où chacun sait que la solution ne peut pas être strictement nationale.

Si je ne reviens pas sur l’architecture du texte, qui a été parfaitement présentée par M. le ministre et analysée par M. le rapporteur et les différents intervenants qui m’ont précédée, je veux toutefois souligner ici le caractère courageux d’une réforme juste et équilibrée.

Le texte traite des temps primordiaux de l’asile : l’accueil de la demande, les délais de l’instruction, les recours et l’issue de la procédure.

Premièrement, l’accueil des demandeurs d’asile sera rationalisé et amélioré grâce à la création en préfecture d’un guichet unique d’enregistrement des demandes, qui se fera désormais en trois jours. Après leur prise en charge par l’Office français de l'immigration et de l'intégration, l’OFII, les demandeurs se verront ensuite proposer un hébergement dans le cadre d’un nouveau système dit « directif », qui favorisera progressivement l’accueil en CADA pour tous les demandeurs. De l’acceptation de cette offre d’hébergement dépendra le bénéfice des allocations.

Ce nouveau système d’accueil des demandeurs représente donc l’un des piliers de la réforme. Il permet la mise en place d’un équilibre en proposant une offre décente aux demandeurs d’asile tout en réduisant le phénomène de congestion que connaissent les grandes métropoles.

Deuxièmement, le Gouvernement a fixé la réduction des délais d’instruction comme l’un des objectifs cruciaux de la réforme. Pour y parvenir, les mesures contenues dans le projet de loi allient rapidité et efficacité, tout en garantissant les droits des demandeurs. Le respect d’un délai d’instruction de neuf mois est une condition de réussite de la réforme, mais aussi la meilleure garantie de pérennité de notre système d’asile.

En ce sens, la nouvelle procédure accélérée permettra d’écarter rapidement les demandes qui suscitent le moins de difficultés, que ce soit lors de leur traitement par l’OFPRA ou devant la CNDA, avec un recours devant un juge unique dans un délai de cinq semaines.

En contrepartie, la réduction de ces délais s’accompagne de garanties nouvelles pour les demandeurs d’asile : la présence dorénavant de tiers lors des entretiens à l’OFPRA, la possibilité pour l’Office de déclasser une demande placée en procédure accélérée ou la généralisation du recours suspensif devant la CNDA.

L’Assemblée nationale a également assorti l’objectif de traitement des demandes dans un délai de neuf mois de la possibilité, pour les demandeurs dont le dossier ne serait pas clos à ce terme, d’accéder au marché du travail. Il s’agit à la fois d’une incitation pour l’exécutif à tenir les délais qu’il se fixe et du meilleur moyen d’aider les demandeurs d’asile à conquérir leur autonomie.

Le succès de la réforme dépendra bien évidemment des modalités de sa mise en œuvre et des moyens qui lui seront consacrés.

L’OFPRA, sous la direction courageuse de M. Pascal Brice, a déjà entrepris une réforme interne en adoptant un plan d’action pragmatique et en augmentant ses effectifs de 55 emplois pour venir renforcer l’efficacité de l’Office. Les résultats sont déjà visibles, puisque la proportion de statuts protecteurs accordés a augmenté, passant de 24 % à 28 % entre 2013 et 2014, dont les deux tiers sont reconnus dès l’OFPRA. Tandis que la demande d’asile a baissé de 2 % l’an dernier, le nombre de décisions s’est accru de 12 % entre ces deux années, ce qui a permis, pour la première fois, une réduction des demandes en attente et des délais.

Je veux aussi saluer la qualité du travail des officiers de protection qui remplissent quotidiennement cette mission et assurent l’écoute individualisée et humaine qu’a tant réclamée Mme Garriaud-Maylam. Il faudra porter une attention particulière à la formation et au statut de ces personnels.

L’effort doit également se poursuivre au niveau de la CNDA, mais aussi de l’OFII, dont les moyens sont encore trop restreints.

Je ne peux pas ne pas évoquer ici la situation des outre-mer au regard du droit d’asile.

En raison des changements incessants de l’ordre du jour du Sénat, nos collègues ultramarins ne peuvent pas assister à nos débats, en particulier M. Thani Mohamed-Soilihi, qui tenait pourtant à intervenir pour évoquer la situation désastreuse de l’asile à Mayotte. Si l’asile est un phénomène relativement nouveau et marginal dans ce département, il s’accélère depuis les années deux mille en raison de l’instabilité politique et de la multiplicité des conflits impliquant des populations civiles dans les régions voisines. Pour tous les demandeurs d’asile, la procédure d’asile est anormalement longue, avec des délais d’instruction qui peuvent durer près de trois ans.

La commission de recours des réfugiés n’est d’ailleurs pas venue sur l’Île depuis 2009 et l’antenne de l’OFII, dont l’une des missions déléguées par l’État est l’accueil des demandeurs d’asile, n’a ouvert que le 5 janvier dernier à Mayotte.

Il faut saluer le travail de l’association  Solidarités Mayotte, qui, en l’absence de centre d’accueil sur le département, a mis en place un dispositif d’hébergement d’urgence comprenant une quinzaine de places. Mais est-il bien normal de devoir compter sur une structure associative pour pallier l’absence de réponses de l’État ?

Les différences avec la métropole ne s’arrêtent pas à ces constats : on les observe également en matière de droits sociaux et d’accès aux droits, puisque les demandeurs d’asile ne disposent d’aucune source de revenus, contrairement à ceux de la métropole, qui bénéficient de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et de l’allocation mensuelle de subsistance, l’AMS.

Lors de votre audition par la commission des lois le 6 avril dernier, monsieur le ministre, vous avez noté que le centre de rétention de Mayotte était indigne. (M. le ministre le confirme.)

Rien ne justifie l’absence d’un accueil digne, la précarité générale des conditions de vie des demandeurs d’asile à Mayotte, la lenteur de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CNDA, ainsi que le manque de moyens mis à disposition. Souhaitons que l’application de ce texte permette d’améliorer nettement le système de l’asile sur l’ensemble du territoire de la République et que les outre-mer ne soient pas les oubliés de la réforme !

À Mayotte comme dans d’autres départements, la confusion entre asile et immigration est courante. Mais, dans ce département ultramarin qui subit une pression migratoire insensée, l’amalgame est encore plus nuisible qu’ailleurs. Cette pression explique la réticence des Mahorais à l’égard de l’asile et des valeurs qui le sous-tendent. La réduction des délais d’examen que vise ce texte devrait permettre de faire tomber ces préventions.

Troisièmement, enfin, s’agissant de l’issue de la procédure, la refonte du système de l’asile devra nécessairement passer par un renforcement de la prise en charge et de l’accompagnement des demandeurs qui accèdent au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire.

Dans le même temps, les décisions de rejet des demandes devront être dotées d’une réelle effectivité, afin de permettre aux autres demandeurs d’asile d’être pris en charge dans de bonnes conditions et de couper court aux tentations d’instrumentalisation de l’asile à des fins politiciennes.

Confondre rejet d’une demande d’asile et obligation de quitter le territoire français, OQTF, comme le fait malencontreusement la commission des lois dans le texte qu’elle a adopté, revient à confondre asile et immigration.

La Haute Assemblée ferait bien de se garder d’un tel amalgame.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme Catherine Tasca. À notre sens, les objectifs du projet de loi sont nécessaires et justes. C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe socialiste soutient votre initiative et se tiendra à vos côtés pour que votre ambition au service d’une réforme progressiste ne reste pas lettre morte. J’espère que le Sénat saura prendre de la hauteur lors de l’examen de ce projet de loi pour faire aboutir ce texte équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n’aurai pas de mots assez forts pour saluer un projet de loi qui a le mérite insigne de préciser les modalités d’acceptation de l’asile en France. Il en définit précisément les contours en en prescrivant le cadre et fixe sans ambiguïté, dans un esprit de responsabilité qui mêle rigueur, humanisme et transparence, les modalités de son octroi ou de son rejet, tout en tenant compte de ses évolutions.

Ce projet de loi, qui porte des avancées réelles pour les demandeurs comme pour le législateur, ne doit en aucun cas être confondu avec la problématique globale de l’immigration. Il décline les nombreux cas de figure qui peuvent se présenter et essaie de pallier les difficultés qui peuvent survenir. Beaucoup de ces difficultés ont d’ailleurs été évoquées par les orateurs qui m’ont précédée.

Mon intervention traitera essentiellement des solutions apportées par ce texte aux problématiques d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile.

Articulé autour du principe de l’hébergement directif, le projet de loi prévoit la mise en place d’un schéma national d’accueil qui favorise l’orientation directive des demandeurs d’asile ainsi que la simplification et l’unification du régime des conditions matérielles de cet accueil.

Dans ses grandes lignes, le texte permet une répartition plus équilibrée de la demande d’asile sur le territoire, ce qui est l’un des objectifs que vise la réforme, qui se veut équitable, en mettant en œuvre des mesures de bon sens.

Rationalisée, la procédure d’accueil est simple et concrète : le demandeur d’asile est orienté par le guichet unique, après enregistrement de sa demande, vers un hébergement dans la région d’arrivée ou vers une autre région. L’admission dans le lieu d’hébergement est opérée par l’OFII, qui assure la gestion nationale des demandes avec pour instruction principale d’orienter les demandeurs vers un centre adapté à leurs besoins. Ce point est primordial, en particulier pour les personnes en situation de handicap.

En ce sens, le texte donne des garanties nouvelles qu’il faut reconnaître à leur juste valeur.

Autre avancée notoire, le principe d’une orientation rapide évitera dans l’absolu aux demandeurs de longs mois d’attente en hébergement d’urgence.

Orienter certes, mais où et vers quelle CADA ? Telle est la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Compte tenu du nombre élevé de demandes et de l’extrême longueur des procédures à laquelle continuent encore de faire face les demandeurs – plus pour longtemps, je l’espère !- on ne peut que constater le manque de places d’hébergement

Je citerai quelques expériences vécues dans les CADA de Carcassonne et de Lagrasse dans le département de l’Aude. Les orateurs qui m’ont précédée m’ont semblé très optimistes lorsqu’ils ont évoqué les durées d’instruction des demandes. En effet, dans les CADA que je connais, les demandeurs d’asile doivent attendre au moins trois ans, voire parfois cinq ans avant de se voir octroyer le droit d’asile, sans même parler pas ici des dossiers en appel.

Je passe sous silence les drames humains liés à l’attente des demandeurs et l’inquiétude des personnels des structures chargées de les accompagner.

Si complexe que soit la tâche, je suis convaincue que le dispositif prévu par le projet de loi est bien conçu : la réduction du délai d’instruction des demandes, la généralisation, après adaptation, du modèle des CADA, dont les personnels seront rassurés, la disparition des commissions de sélection et l’attribution des places d’hébergement d’urgence aux seules personnes en situation transitoire, sans oublier la répartition équitable des places en CADA réalisée par les préfets de région après concertation avec les préfets de département et les élus locaux, toutes ces mesures bien pensées amélioreront l’accueil sur leur sol des familles persécutées.

Elles sont conformes à l’idée d’une France ouverte, juste et humaine. C’est pourquoi je voterai, en conscience, avec cœur et conviction, ce beau projet de loi républicain et fidèle à l’esprit des Lumières ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Esther Benbassa et Françoise Laborde applaudissent également.)

Mme la présidente. Je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole, ma chère collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de remercier l’ensemble des orateurs qui ont contribué de façon très utile à cette discussion générale en versant au débat leurs différents éclairages. Je regrette simplement que, compte tenu de l’ordre du jour de la Haute Assemblée, le débat aujourd’hui ouvert ne puisse se poursuivre que lundi prochain.

Plusieurs questions ont été soulevées, auxquelles je vais m’efforcer de répondre aussi précisément que possible.

S’agissant d’abord des phénomènes migratoires en général, et de l’asile en particulier, le Sénat doit savoir que, contrairement à la crainte qui a été exprimée et aux affirmations plus aléatoires qui ont été avancées, la France n’est pas confrontée depuis deux ou trois ans à un flux de demandeurs d’asile qu’elle ne maîtriserait pas. Même, le nombre de demandes d’asile dans notre pays baisse depuis 2014, dans le contexte d’une pression migratoire pourtant considérable : après avoir baissé de 2,34 % l’an dernier, il n’a pas du tout augmenté au début de cette année, alors même que des milliers, et même des dizaines de milliers de demandeurs d’asile arrivent à Lampedusa.

Je me permets d’insister, car l’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a laissé entendre que la déstabilisation du contexte géopolitique entraînait, sur le territoire européen, un afflux massif de migrants que nous serions incapables de maîtriser. Cela ne correspond pas du tout à la réalité.

Néanmoins, étant d’accord avec les nombreux orateurs de toutes sensibilités, en particulier M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis, qui nous ont appelés à la lucidité, je parlerai honnêtement devant la représentation nationale : je ne peux pas exclure que la déstabilisation politique de la Libye, un pays dépourvu d’État et incapable de faire face à l’existence sur son sol de véritables organisations de traite des êtres humains, sans parler des organisations terroristes qui, me dit-on, se livrent au trafic des êtres humains pour financer leurs activités, ne conduise à une pression démographique telle que l’Union européenne se trouver un jour confrontée à une situation extraordinairement difficile. Ne pas l’admettre serait, dans le contexte actuel, une manière d’occulter la réalité ; or ne pas regarder la réalité en face nous condamnerait à ne pas pouvoir la maîtriser à terme.

Ainsi donc, il est faux de prétendre que le nombre de demandeurs d’asile en France connaîtrait une augmentation massive depuis trois ans, même si la pression migratoire qui s’exerce sur l’Union européenne s’est fortement accrue ; en revanche, nous pourrions nous trouver confrontés demain à une situation compliquée, du fait notamment de la situation en Libye.

Non moins inquiétante est la situation dans la bande sahélo-saharienne, où des groupes terroristes et des organisations criminelles sont disséminés dans de nombreux pays qui peinent à maîtriser leurs frontières. Conscient de ce problème, je me rendrai à partir de mercredi au Niger, puis au Cameroun ; je m’attacherai à approfondir le travail que nous avons entrepris l’an dernier en Mauritanie avec les pays de la bande sahélo-saharienne pour les aider à mieux maîtriser leurs frontières et pour lutter contre les organisations criminelles internationales, en particulier celles qui se livrent à la traite des êtres humains.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’ont très bien dit Catherine Tasca, Jean-Yves Leconte et Esther Benbassa, ainsi qu’Éliane Assassi, que j’ai écoutée avec beaucoup d’intérêt, comme à l’accoutumée, nous devons bien prendre la mesure de cette véritable bataille pour l’existence que mènent les migrants qui sollicitent asile et protection. De quelque manière que l’on envisage la question, il demeure que rien, dans le temps long de l’histoire de l’humanité, n’a jamais empêché des hommes, des femmes, des enfants et même des peuples, lorsqu’ils sont persécutés sur leur sol avec le degré d’abjection que l’on devine, de prendre le chemin de l’exode pour essayer de sauver leur vie.

En vérité, quand on connaît les exactions dont sont capables certains régimes, en Irak, en Syrie ou en Érythrée, à l’égard de leur propre peuple, et la barbarie dont font preuve à l’encontre des chrétiens d’Orient, des yézidis et d’autres minorités, les groupes terroristes qui prospèrent en Irak, en Syrie et, désormais, en Libye, on comprend que des populations prennent le chemin de l’exode, à leur corps défendant et avec une souffrance extrême, parce que c’est leur existence même qui est en jeu.

Lorsque Laurent Fabius et moi-même avons reçu, au Quai d’Orsay, les représentants des minorités chrétiennes qui sollicitent la protection de la France, parce qu’elles sont victimes des exactions les plus horribles de la part de groupes terroristes, ils ne nous ont pas demandé d’accorder l’asile à leurs populations, non, ils nous ont demandé que la France fasse tout, au plan international, pour qu’elles n’aient pas à partir et à chercher refuge en Europe. (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, combien d’horreurs ai-je entendues dans les récits de ces victimes contraintes à prendre le chemin de l’exil ! J’ai en revanche rencontré peu de personnes m’expliquer que c’est par amour du code Schengen, lu quelque part sur les plages de Libye, qu’elles se sont mises en route vers l’Europe. Ils ne sont que quelques-uns à faire de l’Europe la source de tous les maux et raisonner de façon extraordinairement sommaire sur des sujets des plus compliqués pour faire croire à l’opinion publique que les choses se passent ainsi. D’ailleurs, je constate que, malgré la pluralité des sensibilités représentées sur les travées du Sénat, aucun d’entre vous, à une exception, n’a exprimé une telle idée.

De nombreux orateurs, en particulier M. le rapporteur pour avis, Mme Catherine Tasca, M. Jean-Yves Leconte, M. Pierre-Yves Collombat et Mme Valérie Létard, ont abordé la question de l’Europe : considérons-nous que l’Europe a un rôle particulier à jouer pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés ? Une autre question, tout aussi fondamentale, a été posée par M. Karoutchi : la France a-t-elle une stratégie en Europe pour faire face au drame de grande ampleur que nous connaissons ?

Oui, la France a une stratégie en Europe ; je prendrai le temps de l’exposer précisément devant la Haute Assemblée, car cet aspect du débat est capital.

Nous sommes confrontés à un drame humanitaire qui conduit l’Europe à augmenter les moyens consacrés au sauvetage de migrants de plus en plus nombreux et de plus en plus vulnérables, que leurs passeurs abandonnent sur des embarcations de plus en plus frêles pour une traversée de plus en plus souvent mortelle, après avoir prélevé sur eux des sommes de plus en plus importantes – un véritable impôt de mort.

Pour secourir ces migrants, les Italiens ont décidé, il y a quelques mois, l’opération Mare Nostrum. Cette opération de sauvetage en mer, tout à fait exemplaire d’un point de vue moral et que nous ne pouvons que remercier les Italiens d’avoir lancée, a incontestablement permis des sauvetages plus nombreux ; mais le contexte a provoqué, au bout du compte, une augmentation du nombre de morts. Ainsi arrive-t-il parfois qu’une opération humanitaire inspirée par les meilleures intentions conduise à une aggravation des problèmes. De fait, ces cyniques que sont les acteurs de l’immigration irrégulière ont incité de plus en plus de migrants à prendre la mer dans des conditions de plus en plus aléatoires. Résultat : s’il y a eu plus de sauvetages, il y a eu aussi plus de morts.

C’est la raison pour laquelle je me suis battu, monsieur Karoutchi, pour qu’une opération de FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’Union européenne, se substitue à Mare Nostrum. Il ne s’agissait pas de cesser de sauver des vies, comme j’ai pu le lire ou l’entendre dire, mais de mettre en place une opération qui, tout en continuant de sauver des vies – c’est le cas, comme nous en avons des exemples récents -, envoie aux passeurs un signal : nous n’entendons pas les laisser se livrer à leur trafic morbide sans réagir, tant il est vrai que cette opération FRONTEX vise, en même temps qu’à sauver des vies, à démanteler les filières criminelles de la traite des êtres humains.

La France se battra pour que les moyens alloués à FRONTEX soient accrus, afin que l’Agence soit en mesure de continuer à démanteler les filières de l’immigration irrégulière.

En France, nous obtenons de bons résultats dans ce domaine : en 2014, comme je l’ai signalé au début de la discussion générale, nous avons démantelé 300 filières d’immigration irrégulière de plus qu’en 2013. J’ai donné des instructions très claires aux services qui sont sous ma responsabilité pour qu’ils fassent de la lutte contre ces filières l’une de leurs priorités et pour qu’ils travaillent en liaison avec les services de renseignement et les polices non seulement des autres pays de l’Union européenne, mais également des pays de provenance, car il faut démanteler les filières partout où elles agissent.

La France œuvre également au renforcement d’un autre aspect de la politique de l’Union européenne, au sujet duquel j’ai présenté des propositions à mes homologues européens dès cet été, soit bien avant la publication du plan Juncker : je veux parler de l’organisation, dès les pays de provenance, de la distinction entre les personnes qui relèvent de l’immigration économique irrégulière et celles qui relèvent de l’asile.

Si nous, pays de l’Union européenne, réussissons à opérer cette distinction au Niger, au Cameroun et dans les autres pays qui voient transiter les flux de migrants, en liaison avec le Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et l’Organisation des migrations internationales, nous conduirons nous-mêmes en Europe ceux qui ont droit à notre protection ; ainsi, nous les arracherons aux mains des passeurs, nous combattrons les organisations criminelles internationales qui les exploitent et nous préviendrons des morts en mer. Si nous y parvenons, nous serons fidèles aux pères fondateurs de l’Union européenne et à leurs valeurs d’humanité, d’accueil et de protection, auxquelles tous les orateurs ont marqué leur attachement.

Grâce à des mesures de développement puissantes, nous devons assurer l’intégration dans leur propre pays de ceux qui fuient l’Afrique pour des raisons, vous les avez évoquées, qui tiennent à la pauvreté. Il s’agit d’ailleurs souvent de pays d’Afrique de l’Ouest qui ne sont pas dirigés par des régimes sanguinaires.

Je voudrais insister sur un dernier point concernant la politique de l’Union européenne, à savoir la politique des quotas. Contrairement à ce que vous avez pu croire, je ne soutiens pas la politique des quotas. Au contraire, je suis persuadé que nous devons mener une politique européenne de l’asile. C’est le seul moyen de renforcer l’Union européenne dans ses politiques d’immigration.

Le nombre de demandeurs d’asile que nous devons accueillir dans les pays européens doit prendre en compte l’effort déjà fourni en la matière par certains d’entre eux au cours des années précédentes. En effet, pour soutenir la politique d’accueil, des pays comme l’Allemagne, qui reçoit beaucoup de demandeurs d’asile, ou comme la France, qui fait son devoir, doivent être moins sollicités que d’autres qui n’en ont pas accueilli du tout jusqu’à présent.

Cette répartition du nombre des demandeurs d’asile entre les États de l’Union européenne qui prenne en compte les efforts déjà fournis par ces pays au cours des dernières années n’est pas une politique des quotas, c’est une politique européenne de l’asile. Voilà ce que je préconise, et c’est pour cela que nous nous battons au sein de l’Union européenne.

Je tiens maintenant à apporter des réponses précises aux questions que vous avez posées sur l’efficacité des dispositions prévues par ce projet de loi.

La réduction des délais est-elle efficace au regard des objectifs que nous nous fixons ? Elle est efficace à condition que nous tenions l’objectif d’une reconduite à la frontière, dans des conditions dignes et humaines, de ceux qui ont été déboutés du droit d’asile (Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Catherine Troendlé ainsi que M. Michel Savin approuvent.). Si nous ne sommes pas capables de remédier à ce qui ne fonctionne pas aujourd’hui, aucune politique de l’asile ne sera soutenable.

Sur ce point, nous devons dire clairement les choses. Je susciterai peut-être des divergences d’appréciation avec certains des parlementaires qui se sont exprimés, mais j’estime que nous devons tenir un discours de responsabilité et de vérité.

Si nous considérons qu’au terme de la procédure d’asile tous ceux qui sont déboutés ont vocation à rester sur le territoire national, à quoi sert-il d’avoir une procédure d’asile en France ? (Bien sûr ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mais j’irai plus loin : si tous les déboutés du droit d’asile doivent rester sur notre sol, cela signifie a fortiori que nous avons vocation à accueillir de façon inconditionnelle tous ceux qui arrivent. Une telle politique – et j’aimerais par anticipation prévenir les parlementaires les plus enclins à aller dans cette voie – ne pourrait que renforcer encore l’attractivité de la destination France, au point qu’il n’y aurait bientôt plus de politique d’accueil au sens où nous l’entendons, c'est-à-dire que les meilleures intentions humanitaires se traduiraient par une catastrophe humanitaire. C’est précisément parce que je suis attaché à l’asile, dont la philosophie a été rappelée par nombre d’entre vous, que je ne le souhaite pas.

Ma position sur ce sujet est donc très claire : les déboutés du droit d’asile doivent pouvoir être reconduits à la frontière dans les meilleures conditions et en toute humanité, ce qui implique un dialogue avec les pays de provenance et des dispositions juridiques nouvelles dans ces pays d’origine, c’est-à-dire un continuum d’humanité et de responsabilité, moyennant des dispositifs juridiques qui le permettent.

La position qu’a adoptée le groupe UMP, dont je me réjouis, et la manière dont nous avons débattu ce soir, que j’ai appréciée, me rendent optimiste quant à la possibilité d’aboutir, sur ce projet de loi, au compromis républicain que je souhaite.

Si je ne souscris pas à tous les amendements que vous avez déposés, pour des raisons qui tiennent à la Constitution ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme, je suis cependant d’accord avec certaines des dispositions proposées à l’occasion de la discussion du présent projet de loi, même si j’estime qu’elles trouveront mieux leur place dans le projet de loi relatif à l’immigration et au droit au séjour.

En effet, un débouté du droit d’asile est, me semble-t-il, un immigré en situation irrégulière, et il ne faudrait pas que cet immigré, sous prétexte qu’il a demandé l’asile en France, soit moins bien traité qu’un immigré en situation tout aussi irrégulière qui n’aurait pas demandé l’asile. Cela poserait des problèmes notamment d’ordre constitutionnel, au regard du principe d’égalité.

Mais à partir du moment où le Gouvernement, par ma voix, pose en toute clarté que ces préoccupations seront traitées dans le projet de loi relatif au droit au séjour, et non dans le projet de loi de relatif à l’asile, toutes les conditions sont réunies pour parvenir à trouver le chemin d’un compromis républicain de qualité. Je ne pense pas que les orateurs de la majorité sénatoriale qui ont exprimé ces inquiétudes aient la volonté de créer des clivages inutiles ou de susciter des tensions à ce sujet, et encore moins de l’instrumentaliser. Je m’engage donc sur la suite, que je n’envisage pas dans un temps très lointain, et je pense que nous pouvons trouver un accord sur ce point.

Mme Éliane Assassi et M. Jean-Yves Leconte se sont inquiétés de la procédure accélérée. On retrouve ces interrogations dans certains propos et dans certains journaux. Que les uns et les autres soient rassurés, ma réponse sera, là encore, très claire : nous ne sommes animés d’aucune volonté d’accorder moins l’asile et de renouer avec une politique du chiffre.

Si nous voulons réduire les délais de traitement des dossiers, c’est dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes, et aussi parce que nous pensons – c’est ma conviction profonde - que nous sommes en mesure de le faire. Les discussions que j’ai pu mener avec le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, le directeur général de l’OFII, M. Yannick Imbert, et le directeur général des étrangers en France, M. Luc Derepas, m’ont convaincu du fait que plus le temps de traitement du dossier est long, plus on risque une déshumanisation de la gestion de ces migrants désespérés, et plus le retour dans des conditions humaines de ceux qui ne relèvent pas de l’asile est difficile.

Mme Catherine Tasca s’est très bien exprimée à ce sujet et je souscris tout à fait à son propos : nous ne pouvons faire autrement que de traiter ces demandes avec rapidité et efficacité.

Madame Assassi, vous l’avez remarqué, j’ai précisé dans mon propos, à plusieurs reprises, que cette procédure accélérée avait deux corollaires : la reconnaissance intégrale des droits des demandeurs d’asile, y compris en procédure accélérée, et la mise en place de dispositifs nouveaux devant l’OFPRA, permettant de les voir reconnus dans leurs droits, y compris dans des procédures contradictoires qui jusqu’à présent n’existaient pas.

Si, parce que nous introduisons dans un projet de loi, en toute sincérité républicaine, des dispositifs destinés à faciliter la vie et à diminuer les tourments de ceux qui sont les plus vulnérables, d’aucuns décèlent dans ces dispositifs de simplification une arrière-pensée perverse, alors il sera difficile de trouver des éléments de consensus et de mobilisation des associations qui, comme vous l’avez relevé à juste titre, font un travail absolument remarquable.

Madame Garriaud-Maylam, vous avez particulièrement fait porter votre propos sur la question de l’accès au travail des demandeurs d’asile, développant à cette occasion une réflexion et une argumentation abouties. J’espère ne pas trahir votre raisonnement, et montré par là que je vous ai écoutée avec attention, en résumant ainsi votre propos : il faut créer les conditions pour permettre une mise au travail la plus rapide possible des demandeurs d’asile en évitant absolument l’assistanat, et, à cet égard, le texte tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale pourrait être grandement amélioré.

Précisément, madame Garriaud-Maylam, j’ai donné un avis favorable à un amendement défendu par votre collègue députée Sandrine Mazetier qui tendait à instaurer un délai de neuf mois ; passé ce délai les demandeurs d’asile devaient avoir accès à l’emploi ainsi qu’à la formation professionnelle. Cet amendement me semblait relever d’un bon équilibre.

Vous proposez d’aller au-delà, seulement je ne suis pas certain que cela facilitera l’insertion professionnelle des demandeurs d’asile, et je redoute que l’on renforce ainsi l’appel d’air et l’attractivité de la France. Or vous redoutez justement que la France ne soit exposée plus que d’autres pays à ce risque.

Il faut choisir sa stratégie, on ne peut se fixer les deux objectifs à la fois.

Les débats que nous aurons sur ce projet de loi seront sans doute l’occasion d’approfondir la réflexion sur le sujet, et je pense que l’examen de certains amendements nous permettra de traiter cette question.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous voulons humaniser ces dispositifs, qu’il s’agisse de la réduction des délais ou de l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile et de leur reconduite à la frontière, nous avons besoin impérativement d’une mobilisation forte des administrations, en lien étroit avec les associations. Telle doit être la méthode, telle doit être la règle.

Je terminerai en évoquant la situation à Calais, ce mot qui n’a pas été prononcé encore dans notre débat.

Votre collègue Natacha Bouchart est très mobilisée sur le sujet et nous travaillons dans une relation d’écoute et de coproduction. Je souhaite qu’il en soit ainsi, par-delà nos différences politiques. Je me suis rendu dans cette ville il y a quelques jours auprès de migrants installés sur le terrain mis à leur disposition à proximité de l’accueil de jour que nous avons aménagé conjointement avec la mairie de Calais, et j’ai effectivement dit aux migrants de demander l’asile en France.

Il s’est ensuivi toute une série de tweets compulsifs de représentants de sensibilités politiques différentes, lesquels ont expliqué que j’étais un irresponsable incitant les migrants à demander l’asile en France, comme s’il n’y avait pas déjà suffisamment de demandeurs d’asile dans notre pays…

De quoi s’agit-il ? Quelle est ma politique à Calais ? Je tiens à ce que ma réponse soit consignée dans le compte rendu intégral des débats, car c’est un point important.

D’abord, à Calais, se trouvent toujours 2 000 migrants vivant encore dans des conditions qui, humainement, ne correspondent pas à ce que nous souhaitons. Or si nombre de ces migrants relèvent de l’asile en France, parce qu’ils viennent d’Érythrée, d’Irak ou de Syrie, d’autres sont dans une situation d’immigration économique irrégulière.

Nous avons confié à deux personnalités, MM. Vignon et Aribaud, le soin de conduire une mission sur l’humanisation des conditions d’accueil des migrants, en très étroite liaison avec les associations présentes à Calais. Le travail effectué par ces deux personnes missionnées avec lesdites associations a été remarquable. Les conclusions de cette mission seront rendues publiques à Calais à la fin du mois de mai, afin de définir les modalités d’un travail au long cours avec les associations en vue de répondre aux préoccupations humanitaires en la matière.

J’ai accepté que des financements de l’État et des fonds de l’Union européenne accompagnent la mise en place d’un accueil de jour à Calais, parce que je ne voulais pas qu’en France des migrants quels qu’ils soient, hommes, femmes et enfants, puissent mourir de faim et ne pas avoir accès, en termes de soins, d’hygiène et d’alimentation, au minimum que nous leur devions dès lors qu’ils relevaient de l’asile en France.

En outre, plutôt que de laisser ces migrants entre les mains des passeurs leur promettant un Eldorado en Grande-Bretagne, alors que les accords du Touquet nous interdisent de les laisser passer, nous avons conclu un accord avec les Britanniques, afin que ceux qui n’étaient pas « dublinables » et qui relevaient par conséquent de l’asile en France, demandent cet asile chez nous. À défaut, notre stock de migrants à Calais ne cesserait d’augmenter.

Alors, oui, à Calais, j’ai dit à ceux qui relevaient de l’asile en France qu’il était préférable pour eux de demander l’asile ici plutôt que de rester entre les mains des passeurs et des organisations internationales du crime, parce qu’il était de mon devoir moral de le faire et que, juridiquement, je n’avais d’autre issue que de leur tenir ce discours. C’était, pour des raisons morales et juridiques et au nom de l’efficacité de notre action à Calais, le seul discours que je pouvais tenir.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous qui vous êtes interrogé pour savoir si nous avions assez de moyens pour agir, sachez que j’ai demandé à mes représentants, à mes collaborateurs, aux forces de sécurité qui dépendent de moi, notamment la direction centrale de la police aux frontières, la DCPAF – cela aussi, je l’assume devant le Sénat – de procéder à la reconduite à la frontière de tous ceux qui, à Calais, ne relèvent pas de l’asile en France. Sinon, notre action humanitaire à Calais n’a aucune soutenabilité. Telle est la politique que nous menons.

J’aurais pu survoler Calais en hélicoptère. J’aurais pu demander aux forces de l’ordre de disperser la « jungle » et conclure ma première visite à Calais, qui aurait d’ailleurs été aussi la dernière (Sourires.) en disant : « Regardez ce dont on est capable lorsqu’on a le courage politique de faire des choses absolument inefficaces et totalement inhumaines ! » Et j’aurais pu ne jamais revenir à Calais. Ce n’est pas mon choix. Je me rends régulièrement à Calais, une fois toutes les six ou huit semaines, je travaille en liaison avec la municipalité de Calais qui n’est pas de ma sensibilité politique, et je viens rendre des comptes à la population et aux associations de Calais pour expliquer notre action et la façon dont nous travaillons.

Voilà un lieu de désolation que l’on améliore en installant des infrastructures ; voilà des migrants qui n’ont pas d’autre solution en droit que de demander l’asile en France ; voilà un ministre qui conseille à ces migrants de faire cette demande parce que sa responsabilité morale le lui impose et qu’il n’y a de toute façon pas d’autre solution, en droit, que d’agir ainsi si l’on veut régler efficacement le problème, du moins si l’on parvient à convaincre les migrants. Mais voilà aussi des commentateurs de tous poils qui se disputent le droit de traiter le ministre d’irresponsable. Irresponsable ? Les migrants ne peuvent demander l’asile nulle part ailleurs qu’en France et ne pas s’y résoudre se résume pour eux à être condamnés à l’errance et à la vulnérabilité pour de longs mois !

Tel est le sens de ce que nous faisons à Calais, mesdames, messieurs les sénateurs, et c’est précisément parce que nous sommes convaincus de la responsabilité qui est la nôtre, de la nécessité d’être rigoureux dans notre action tout en étant respectueux des principes de notre droit, que nous devrions pouvoir trouver en la matière un compromis républicain. Il est bien d’autres sujets sur lesquels nous pouvons nous opposer pour que nous nous rapprochions à l’occasion de drames humains dont l’intensité est aussi forte et la réponse de la République si attendue.

Ce sont les éléments de réponse que je souhaitais donner à vos différentes interventions, très utiles, très riches et très denses. Je forme le vœu que le débat que nous allons avoir permette, au travers des amendements, d’aller au fond des questions, avec un niveau de précision technique et d’écoute mutuelle tel que ce texte puisse sortir du Sénat en étant meilleur, sur le plan des principes, sur le plan du droit , sur le plan de sa constitutionnalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces premiers échanges.

Mme la présidente. Nous saluons la précision de vos réponses, monsieur le ministre.

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la séance du lundi 18 mai.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale (suite)

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 12 mai 2015 :

À neuf heures trente : vingt questions orales.

À quatorze heures trente : explications de vote des groupes sur le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015).

De quinze heures quinze à quinze heures quarante-cinq : vote par scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

À quinze heures quarante-cinq : proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

À seize heures : débat sur l’avenir industriel de la filière aéronautique et spatiale face à la concurrence.

À dix-sept heures trente : question orale avec débat n° 10 de M. Joël Labbé à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur les risques inhérents à l’exploitation de l’huître triploïde.

Le soir : débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 12 mai 2015, à zéro heure cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART