M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi la proposition de loi, présentée par trois de nos collègues de l’UDI-UC et de l’UMP, MM. Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati, tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.

Cette proposition de loi vise à transférer au maire – ou à la maire – de Paris les compétences de police attribuées au préfet de police. En effet, en l’état actuel du droit, le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police est dérogatoire du droit commun. Cette exception au régime général trouve son origine dans l’histoire de nos institutions, comme l’a très bien rappelé Mme la ministre.

Avant de vous faire part de la position de mon groupe sur les finalités de cette proposition de loi et les conséquences importantes, voire dangereuses, qu’induirait cette modification législative du point de vue de la sécurité des Parisiennes et des Parisiens, je souhaite revenir sur l’histoire de ce régime particulier.

Depuis 1667, l’autorité de police à Paris exerce un bloc de compétences unifié en matière d’ordre public et de sécurité, concentrant ainsi à la fois les compétences étatiques et les compétences municipales. La préfecture de police a été créée par Napoléon Bonaparte et exerce l’intégralité des pouvoirs de police sur la capitale dans le but de renforcer son efficacité pour la préservation de l’ordre public.

Ces particularités correspondent également aux contraintes spécifiques à Paris, qui est une capitale où siègent les institutions de la Républiques et de nombreuses représentations diplomatiques en même temps qu’elle constitue, avec sa couronne, la première agglomération de France et que, chaque année, elle accueille 29 millions de touristes et voit se dérouler environ 7 000 manifestations revendicatives.

Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de la présente proposition de loi, cette répartition des compétences n’est pas attentatoire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territorial. Mme la ministre a pertinemment rappelé qu’il existait des exemples similaires de police dans de grands pays, comme à Washington, capitale de l’État fédéral des États-Unis, ou, encore plus près de chez nous, à Londres.

Considérant le régime actuel comme archaïque, les auteurs de la proposition de loi entendent moderniser le dispositif en créant une police municipale. Cependant, ce texte entraînerait, s’il était adopté, des bouleversements majeurs de l’ordre juridique qui encadre l’action du préfet de police et du maire ou de la maire de Paris. En effet, celui-ci ou celle-ci deviendrait alors le détenteur de droit commun et le préfet de police n’exercerait plus qu’un pouvoir de police résiduel.

Cette situation conduirait à un démembrement de la préfecture auquel nous sommes opposés. Ce qui m’interpelle dans ce texte, c’est que, sous prétexte d’améliorer la sécurité des Parisiens, on casse ce qui fonctionne bien ! La droite républicaine s’est toujours voulue championne de la lutte contre la délinquance. Or, aujourd’hui, messieurs, vous jouez un peu avec la sécurité des Parisiens en prenant le risque d’affaiblir la préfecture de police. Là où vous vous placez dans le registre de la communication, la gauche démontre encore une fois son sérieux et agit !

J’ajoute que la Ville de Paris n’a jamais eu la volonté de créer de police municipale, qu’elle que soit l’étiquette politique de son maire, de Jacques Chirac à Anne Hidalgo. Pour avoir le privilège de siéger au Conseil de Paris depuis fort longtemps, je me rappelle les positions tranchées sur ce sujet de Jacques Chirac. Lors de la dernière élection municipale, la candidate de l’UMP à la mairie de Paris s’y était dans un premier temps montrée défavorable ; elle a ensuite changé de position et en a fait un de ses thèmes de campagne. Force est de constater que les Parisiennes et les Parisiens ont tranché ce débat en votant majoritairement pour les listes soutenues par Anne Hidalgo.

Cependant, en mars dernier, à l’occasion d’une séance du Conseil de Paris, les groupes UMP et UDI revenaient à la charge en proposant une délibération tendant à organiser un référendum local à Paris sur la création d’une police municipale. La majorité municipale a repoussé cette proposition. Anticipant ce rejet, notre collègue Yves Pozzo di Borgo avait déjà annoncé au Conseil de Paris qu’il déposerait une proposition de loi au Sénat pour, d’après le bulletin municipal, « que la police municipale soit au moins acceptée au Sénat, où nous sommes majoritaires ».

Je ne suis pas certain que ce procédé soit la meilleure façon de légiférer dans l’intérêt général… En effet, après avoir utilisé l’assemblée parisienne pour refaire le débat perdu des dernières élections municipales, voilà qu’on utilise le Sénat pour remettre la question sur le tapis ! Je considère que, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, ce texte constitue une intrusion dangereuse des débats du Conseil de Paris dans l’enceinte du Parlement et engendre des polémiques politiciennes inutiles.

La préfecture de police est une institution forte, qui fonctionne ; elle a d’ailleurs démontré son efficacité. Depuis sa création, elle a su se réformer et s’adapter pour garder sa valeur ajoutée au service de la sécurité des Parisiens. J’en veux pour preuve la réorganisation des services de la préfecture à l’échelon de l’agglomération parisienne, qui a ainsi anticipé en la création de la métropole du Grand Paris.

La proposition de loi qui nous est soumise prévoyait initialement le démantèlement de cette institution. En effet, l’amendement que vous avez introduit par la commission des lois sur votre initiative, monsieur le rapporteur, édulcore la proposition initiale. En étant un peu taquin, je dirai que l’on peut deviner, derrière cette modification, l’intervention d’un ancien ministre de l’intérieur, ancien Président de la République et président d’un parti représenté par un groupe majoritaire dans notre assemblée, qui n’aurait pas tout à fait apprécié le texte dans sa version initiale, vous amenant ainsi à trouver une solution de compromis.

Je considère que la remise en cause de l’équilibre actuel porte atteinte à la cohérence et, par là même, à l’efficience de l’action de la préfecture de police. Elle priverait les Parisiens des synergies et des économies d’échelle du modèle actuel. Au demeurant, le coût d’une telle réforme pour les finances publiques n’a pas été mesuré et aucune étude d’impact n’a été commandée pour en étudier les effets.

C’est la raison pour laquelle je ne partage pas l’avis de notre rapporteur, selon lequel il y a lieu de renforcer les responsabilités du maire ou de la maire de Paris et d’aligner le droit applicable sur celui des autres communes de France. Cet argument ne me paraît pas pertinent : Paris, capitale de la France, n’est pas n’importe quelle ville française !

Je rappelle qu’après avoir assumé la décision du gouvernement de François Fillon, aujourd’hui député de Paris, de supprimer près de 1 600 postes de policiers à Paris, les auteurs de ce texte souhaiteraient que la ville puisse compenser ces suppressions par la création d’une police municipale.

La majorité municipale parisienne ne souscrit pas à ce raisonnement. Elle considère que la sécurité des Parisiens doit rester une prérogative de l’État, et la maire de Paris et sa majorité travaillent étroitement avec le ministre de l’intérieur pour que Paris bénéficie davantage de police nationale, de plus de police de proximité, que vous avez d’ailleurs détruite. Je rappelle que c’est Nicolas Sarkozy, lui encore, qui, alors qu’il était ministre de l’intérieur, est revenu sur cette réforme, pourtant efficace, qui avait été mise en place par Jean-Pierre Chevènement.

Je me félicite que Paris ait été entendu par les différents ministres de l’intérieur qui ont exercé cette fonction depuis 2012 – d’abord Manuel Valls, aujourd’hui Premier ministre, puis Bernard Cazeneuve – et qui ont permis à Paris de retrouver un nombre de policiers plus conforme aux besoins.

Remplacer la police nationale par une police municipale n’est pas la solution, et vous le savez.

Face au risque terroriste de plus en plus pressant que connaissent notre pays et notamment sa capitale, le dispositif prévu par cette proposition de loi conduirait à affaiblir la préfecture de police à une période où elle doit faire face à des enjeux majeurs.

Incontestablement, dans le contexte actuel, nous avons besoin d’une police nationale républicaine solide, confortée dans ses effectifs et dans ses moyens. C’est le message que nous ont adressé les milliers de Parisiens qui se sont dressés contre le terrorisme le 11 janvier dernier.

Il est clair que votre proposition de loi constitue un très mauvais signal, voire une manifestation de défiance à l’égard des personnels de la préfecture de police, qui œuvrent au quotidien au service des Parisiens pour leur sécurité.

En conclusion, je voudrais dire à M. le rapporteur que l’argument selon lequel ce système ne serait pas efficace parce que l’argent des amendes ne rentrerait pas dans les caisses, n’est pas recevable. En effet, les automobilistes en infraction sont bel et bien verbalisés ; c’est au niveau du recouvrement des amendes que se situe le problème.

J’entends aussi dire que les fonctionnaires de police qui assurent le « barriérage » des voies, par exemple à l’occasion du marathon, seraient mieux employés s’ils étaient affectés à des missions de sécurité. Mais pensez-vous vraiment, chers collègues, qu’on pourra envoyer ces fonctionnaires-là assurer l’ordre dans les cités ou arrêter les dealers et les toxicomanes ? Ce n’est pas sérieux !

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi, même si le débat mérite d’être ouvert. Je pense toutefois qu’il doit l’être de manière sereine et non politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous avons déposé, avec mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Philippe Dominati, une proposition de loi visant à faire du maire de Paris un maire de plein exercice en matière de police municipale, c’est en raison d’une exception aujourd’hui incompréhensible : Paris n’est pas dans le droit commun en matière de police municipale.

Tous mes collègues, notamment ceux qui sont ou ont été maires savent que le maire dispose d’une compétence en matière de police municipale. La gestion de l’ordre public, de la sécurité publique, de la salubrité publique et de la tranquillité publique sont des attributions spécifiques du maire. Cela paraît évident du petit village à la grande ville... C’est même un acquis du droit des collectivités locales. L’absence de police municipale violerait le principe de libre administration des collectivités territoriales, si l’on en croit la doctrine des juristes les plus sérieux.

Pourtant, à Paris, nous restons un peu les mal-aimés du droit des collectivités locales ! Le préfet de police dispose de la plupart des compétences en matière d’ordre public municipal, tandis que le maire de Paris ne dispose que d’une compétence qui reste résiduelle.

Pourquoi cette exception ? Il y a, bien sûr, tout le contexte insurrectionnel du XIXe siècle qui a conduit à ce que Paris ne soit pas une commune comme les autres. Le résultat de cette méfiance a été un statut donnant un grand nombre d’attributions au préfet de police, institution longtemps spécifique à Paris. Paris était alors sous surveillance, elle était une ville mineure. Pourtant, la charte des communes de 1884 dotait toutes les villes de France d’un statut ambitieux.

Les temps ont changé : les Parisiens ne sont pas des factieux ou des citoyens de seconde zone. À chaque élection, ils nous le rappellent, nous interpellent et nous interrogent ! Ils vivent le temps des élections municipales comme celui d’une élection à part entière, ni plus ni moins.

Malgré un statut spécifique, Paris exerce des compétences étendues depuis 1977. Le maire de Paris et le Conseil de Paris sont des institutions décisionnaires exerçant un grand nombre de compétences, sous le regard vigilant des citoyens.

Paris prend des décisions en matière économique, sociale ou culturelle : elle est bien une commune de plein exercice qui joue dans la cour des capitales mondiales, une ville qui agit comme toutes ses sœurs de province.

Le statut de Paris a beaucoup progressé, mais il reste un domaine sur lequel le législateur n’a pas été assez ambitieux : celui de la gestion de l’ordre public local. Plus rien ne justifie un dispositif aussi limité qu’incompréhensible !

La proposition de loi que nous avons déposée tend à attribuer la gestion de l’ordre public municipal au maire de Paris, comme c’est le cas partout en France. Cependant, aligner Paris sur le droit commun, ne revient pas à fuir les responsabilités.

Ainsi, comme dans toutes les communes de France, le pouvoir de substitution en cas de défaillance du maire en matière de pouvoirs de police reste prévu. À Paris, il serait naturellement attribué au préfet de police.

Nous respectons l’institution du préfet de police, nous n’en faisons pas le vestige d’un passé suranné : nous le considérons, au sens le plus fort du terme, comme un représentant de l’État, au même titre que le préfet de Paris.

De même, nous entendons respecter les compétences qui ne peuvent que relever de l’État : la protection des institutions de la République et des représentations diplomatiques continuerait à relever du préfet de police.

Vouloir être traité de la même manière que dans le reste de la France, c’est justement prendre à cœur tout ce qui relève de l’intérêt national. Nous savons que certaines compétences ne peuvent être exercées que par l’État, et lui seul.

Enfin, cette proposition de loi est à la fois ambitieuse et réaliste. Si elle vise à transférer au maire de Paris la police générale, elle reste prudente en matière de polices spéciales. Ainsi, au titre des polices spéciales, ne seraient donc transférés au maire de Paris que la circulation et le stationnement.

Mais, à terme, on peut prévoir le transfert d’autres polices spéciales : il faut donner le temps au temps ! Je suis persuadé que l’application de cette proposition de loi appellera le transfert d’autres polices spéciales. Avec l’expérience, nous aurons la possibilité d’évaluer ce qui pourra être transféré.

Cette proposition de loi peut imprimer un élan, qui sera, je l’espère, suivi.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous vous demandons une chose : de l’audace ! Paris n’est plus une ville mineure : donnons-lui la plénitude de ses compétences !

Ce n’est qu’un début. Peut-être, un jour, le maire de Paris sera-t-il élu au suffrage universel direct. Ce sera sans doute pour plus tard et cette future loi PLM sera l’occasion de procéder à bien des changements.

Madame la ministre, soyez plus audacieuse que les collègues de votre majorité au Conseil de Paris. Je peine à comprendre pourquoi ils s’obstinent à vouloir maintenir un dispositif réactionnaire… Ils veulent, si j’ai bien compris, défendre à la fois la Commune de Paris et ceux qui l’ont réprimée ! On se revendique de Louise Michel tout en rassurant Thiers ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Si Paris, c’est la France, alors rendons-lui ses pouvoirs de police municipale, comme pour toutes les villes de France. Une ville monde comme Paris ne peut jouir de pouvoirs de police aussi limités… ou plutôt de pouvoirs aussi dérisoires.

Le Paris du XXIe siècle, c’est un Paris autonome et responsable, un Paris innovant, qui sait prendre des décisions pour tous ceux qui y vivent, un Paris qui assume ses obligations en matière de sécurité de ses citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les différents orateurs qui se sont exprimés. En effet, lorsque le Sénat aborde les problèmes institutionnels de la capitale, bien souvent, nous autres, élus parisiens, sommes un peu isolés tant ces questions peuvent sembler étrangères à un certain nombre de nos collègues.

Je remercie en particulier M. le rapporteur, qui a produit sur cette proposition de loi un rapport extrêmement complet. Il y a mis tout son sérieux et toute sa fougue.

Nous, les trois élus parisiens coauteurs de cette proposition de loi, avons, à la lecture de ce rapport, approfondi notre connaissance du sujet, en particulier sur la cinquantaine de polices spéciales qui restent dans les attributions du préfet de police.

Sur le plan technique, j’aurai peu de choses à ajouter à ce qu’ont dit les précédents orateurs, mais je voudrais rappeler le cheminement institutionnel de la mesure que nous proposons.

Durant des années, en raison des troubles politiques qu’a connus la capitale, le pouvoir, surtout après l’épisode de la Commune, mais déjà sous la royauté, s’est toujours montré frileux et a toujours voulu placer la Ville de Paris sous tutelle, voire lui mettre un carcan. De fait, Paris est la ville dont les habitants jouissent des droits communaux parmi les moins étendus des communes de France et dont les droits sont les plus récents.

De fait, cette évolution, est survenue récemment, en 1977, après l’élection du président Valéry Giscard d’Estaing. Déjà, la majorité de l’époque avait vu se confronter dans un débat d’idées les centralisateurs et les décentralisateurs.

Une fois de plus, je constate que, lorsqu’il s’agit de Paris et de la région capitale, l’innovation, les propositions de réforme viennent de la droite. Même si j’ai pu observer une évolution favorable chez certains de nos collègues de gauche, le discours reste bloqué à ce qu’il était quand il s’agissait de défendre le préfet au moment où la droite projetait l’élection d’un maire à Paris. Certains disaient alors qu’une telle élection entraînerait une révolution !

Cette évolution lente a ensuite été amplifiée sous François Mitterrand pour toucher un certain nombre d’agglomérations comme Lyon et Marseille.

Sur le plan opérationnel, on essaie de nous faire croire que nous serions irresponsables, que cette proposition de loi, si elle était adoptée, désorganiserait, démantèlerait la Ville de Paris.

Tout de même, ne sont ici en jeu que des pouvoirs de police municipale ! C’est là quelque chose d’extrêmement modeste : il n’est nullement question de terrorisme international ; il s’agit seulement de contraventions.

À ce sujet, certains de nos collègues ne s’effrayent pas de ce que 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement. C’est là une façon particulière d’envisager la gestion des finances publiques ! Ce n’est pas la mienne : je fais partie de ceux qui ne peuvent voir là un signe de performance !

On me dit qu’il est nécessaire que des policiers soient soustraits à leur mission de sécurité publique pour s’occuper du marathon ou d’autres manifestations sportives ou réprimer la consommation d’alcool. Ah bon ?

Madame la ministre, vous avez évoqué certaines situations que l’on rencontre à l’étranger : Londres, mais aussi Washington, capitale d’un État fédéral… Est-ce le modèle que vous proposez pour la République française ? Moi, je vous parle de Berlin, de Madrid, de Bruxelles, capitale européenne, à proximité immédiate de nos frontières.

Ce débat qui anime les élus parisiens sous-tend la vision différente qu’ont longtemps eue les centralisateurs et les décentralisateurs de ce que devait être l’organisation municipale de Paris.

Je me tourne vers Roger Karoutchi pour évoquer Philippe Seguin. Celui-ci, qui avait pourtant une conception centralisatrice de la République, a su mettre fin à ce débat et concilier les points de vue des différents membres de la majorité municipale de l’époque – d’un côté l’UDF et le RPR et de l’autre certains gaullistes – en proposant la création d’une police municipale à Paris. Cela a constitué une avancée majeure.

Contrairement à ce qui a été dit, Jacques Chirac, au cours de son troisième mandat, agacé de cette dualité entre le préfet de police et le maire, a considéré qu’il fallait sans doute procéder à des réformes.

Pourquoi faut-il réformer ? D’abord, c’est une exigence démocratique, une question d’équité. Vous ne le savez peut-être pas, mes chers collègues, mais à quatre reprises, le titulaire du ministère de l’intérieur a été un conseiller de Paris. Connaissez-vous d’autres communes en France où le candidat à la mairie, ayant proposé un projet et ayant été battu par le suffrage universel, enverrait son représentant auprès du maire élu pour lui signifier que c’est lui qui dispose des pouvoirs propres à tous les autres maires de France, celui de Levallois-Perret, celui de Vincennes, etc. ?

De fait, M. Quilès, M. Joxe, M. Vaillant et, à droite, M. Debré ont été simultanément conseillers de Paris et ministres de l’intérieur, exerçant les pouvoirs du maire de Paris par l’intermédiaire du préfet.

Monsieur Favier, je pense que, au regard de votre conception du Grand Paris, vous accepterez très prochainement que le préfet de police de Paris, dont les pouvoirs seront étendus à votre département, vienne siéger à côté de vous pour exercer éventuellement certains pouvoirs dans les communes de votre département !

J’ai compris là votre inclination au maintien d’un pouvoir véritablement centralisé. C’est aujourd’hui une manière éminemment désuète, archaïque et antidémocratique de gérer une collectivité territoriale.

Madame la ministre, à l’occasion d’autres débats, vous nous avez souvent entretenus du projet du Grand Paris, projet éminemment complexe. Malheureusement, contrairement à la métropole de Lyon, qui a obtenu la suppression d’un échelon territorial, nous n’avons pas bénéficié de la même souplesse et du même pragmatisme. Donc, s’agissant du Grand Paris, soit vous avancez, soit vous reculez, mais vous ne pouvez pas à la fois refuser toute évolution pour Paris tout en maintenant la législation en vigueur dans les autres villes : soit vous étendez les pouvoirs du préfet de police à toutes les communes composant la métropole du Grand Paris, soit, au contraire, vous faites évoluer les pouvoirs de celui-ci en matière de pouvoirs de police.

On nous reproche d’être irresponsables en formulant cette proposition, pour des raisons liées à la sécurité. En quoi la réforme que nous proposons aurait-elle empêché les forces de la police nationale, lors des événements qui se sont déroulés récemment, d’intervenir d’abord dans le nord de Paris, puis hors des frontières de la capitale, dans les Hauts-de-Seine, puis à la limite du Val-de-Marne ?

Certains orateurs se plaisent à entretenir la confusion, à tenir des discours destinés à faire peur, à faire croire que nous voudrions démanteler un système qui fonctionne. Ce n’est pas acceptable ! Nous sommes des gens responsables ! Au contraire, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi permettrait de dégager des moyens, des effectifs pour la police nationale, qui n’a pas à s’occuper du marathon ni des amendes. Puisque la Ville perçoit le produit de celles-ci, eh bien, qu’elle gère le personnel qui les inflige !

Ce sont toutes ces raisons d’ordre politique qui fondent ma conviction, celle du rapporteur, celle de mes collègues, de régler ce problème à la fois institutionnel et opérationnel.

Madame la ministre, j’ai évoqué à plusieurs reprises la tutelle qu’exerce l’État centralisateur sur les institutions parisiennes. Dans le cadre de vos fonctions ministérielles, vous avez à cœur de dialoguer avec le Parlement. Mais nous n’avons pas de chance : chaque fois que vous parlez de Paris et des institutions parisiennes, vous vous montrez centralisatrice et exprimez une vision un peu trop jacobine.

Vous nous avez proposé de retirer cette proposition de loi. Moi, je vous propose de changer votre titre ministériel : plutôt que d’être la ministre de la décentralisation, vous pourriez en outre, en ce qui concerne Paris, être la ministre de la centralisation. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Cette vocation transparaît à la lecture des ordonnances relatives à la politique des transports, au Grand Paris, etc.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Dominati. C’est une bonne journée, car nous avons consacré du temps à ce sujet et je constate qu’un certain nombre de forces politiques de tendances très diverses commencent à faire leur cette idée. Cette majorité d’idée, qui est celle d’une majorité de citoyens, est en train de se constituer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à paris en matière de pouvoirs de police

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Article 2

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2512-13 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2512-13. – Dans la commune de Paris, le maire de Paris exerce les pouvoirs de police qui sont conférés au maire par l’article L. 2212-2, dans les conditions fixées à l’article L. 2214-3 et aux deux premiers alinéas de l’article L. 2214-4.

« Les services correspondant aux missions de la police municipale en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage ainsi que de maintien du bon ordre dans les foires et les marchés demeurent mis à la disposition de la mairie de Paris par l’État.

« En outre, dans les conditions définies au présent code, au 3° de l’article L. 2215-1 et aux articles L. 3221-4 et L. 3221-5, le maire est chargé de la police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la commune de Paris.

« Par ailleurs, le maire de Paris assure, dans les conditions définies par le présent code, les mesures de sûreté sur les monuments funéraires exigées en cas de danger grave ou imminent et prescrit, dans les conditions définies par l’article L. 511-4-1 du code de la construction et de l’habitation, la réparation ou la démolition des monuments funéraires menaçant ruine.

« Le pouvoir de substitution conféré au représentant de l'État dans le département est exercé, à Paris, par le préfet de police. » ;

2° L’article L. 2512-14 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs de police qui sont conférés au représentant de l’État dans les communes où la police est étatisée. » ;

b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Pour les motifs d’ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou » sont supprimés ;

c) Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :

« Pour l'application du présent article, le contrôle administratif et le pouvoir de substitution sont exercés, au nom de l'État, par le préfet de police.

« En outre, les pouvoirs conférés par le code de la route au représentant de l’État dans le département sont exercés à Paris par le préfet de police. » ;

d) Les cinquième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

e) Après le mot : « nationale », la fin du dernier alinéa est supprimée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3 (nouveau)

Article 2

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° à la première phrase de l’article L. 131-1, les mots : « à Paris des dispositions de l’article L. 2512-13 du même code et » sont supprimés ;

2° L’article L. 131-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « À Paris, il s’exerce dans les conditions définies à la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre Ier du même livre. » ;

3° L’article L. 131-2 est abrogé ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 532-1, les mots : « sous l’autorité du préfet de police » sont remplacés par les mots : « sous l’autorité du maire de Paris ». – (Adopté.)

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3 (nouveau)

À l’article L. 211-28 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « Conformément à l’article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales, » sont supprimés. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble