M. Michel Delebarre. Au groupe socialiste, nous essayons de rester fidèles aux positions que nous avons défendues en première lecture. Nos propositions n’ont pas toujours été suivies, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle. L’intérêt de la séance plénière tient peut-être justement au fait que l’on peut toujours espérer un éclair soudain, qui fera qu’un des amendements rejetés en commission sera finalement retenu.

M. Philippe Dallier. Vous avez donc besoin d’une deuxième lecture !

M. Michel Delebarre. Oh non, une seule lecture me suffirait ! C’est parce que vous n’écoutez pas suffisamment !

M. Philippe Dallier. Si, j’écoute même trop ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Delebarre. Comme en première lecture, le groupe socialiste propose l’abaissement du seuil de création des intercommunalités à fiscalité propre de 20 000 à 15 000 habitants.

Vous voyez, si vous aviez été plus attentifs en première lecture, je n’aurais pas besoin de répéter ce qui a déjà été dit ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Michel Delebarre. Le groupe socialiste propose donc d’abaisser le seuil de 20 000 à 15 000 habitants, tout en intégrant – c’est là qu’il y a une avancée – les conditions d’adaptation retenues par l’Assemblée nationale. L’adaptation de ce seuil en fonction de critères de densité permettra d’avoir, dans les zones les moins peuplées, des intercommunalités à fiscalité propre d’une superficie qui garantisse la proximité des services au public. Un autre amendement porte plus spécifiquement sur les EPCI en zone de montagne.

Avec le dispositif que nous proposons, sur les 2 134 intercommunalités existantes, 719 devraient fusionner, soit un tiers d’entre elles. Ce serait, à mes yeux, un progrès significatif.

À ce sujet, je regrette que notre commission, dans ses propositions d’amendements, reste figée sur l’existant puisqu’elle veut revenir au seuil de 5 000 habitants, fixé par la réforme de 2010. Peut-être nos débats pourront-ils vous faire évoluer sur ce point…

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. J’ai dit : « en l’état » !

M. Michel Delebarre. Monsieur Hyest, je ne peux signaler systématiquement toutes vos avancées intellectuelles à la Haute Assemblée !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il y en a trop !

M. Michel Delebarre. Vous êtes un intellectuel qui progresse !

L’intérêt du Sénat réside peut-être justement dans le fait qu’on peut y voir les positions évoluer.

Ce matin, dans les couloirs du Sénat, j’ai rencontré le président Michel Mercier. Une journée qui commence par une rencontre avec le président Mercier se présente déjà sous les meilleurs auspices ! (Exclamations amusées.)

Mais j’ai aussi, un peu plus tard, croisé Mme la présidente Jacqueline Gourault.

Eh bien, M. Mercier comme Mme Gourault m’ont affirmé que cette affaire de seuil de 15 000 habitants pour le regroupement des intercommunalités, ça leur allait bien, que ça leur paraissait intelligent – venant de leur part, le compliment ne pouvait que me flatter ! –, dès lors que sont pris en considération des éléments qui permettent de tenir compte de la spécificité des territoires.

Nous sommes donc, si nous le voulons, en train de préparer la base d’un possible accord entre la position du Sénat et la position de l’Assemblée nationale sur ce point.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne le compromettez pas !

M. Michel Delebarre. Si nous veillons effectivement à faire en sorte que le seuil soit modulé et entendre les propositions du rapporteur de l’Assemblée nationale, nos réunions auront été utiles et pourront conduire à la construction du consensus qui nous paraît indispensable.

N’applaudissez pas ! (Sourires.)

M. Bruno Sido. Il n’y a pas de danger ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Delebarre. Je vous connais : vous vous obligez à vous retenir ! (Rires.)

Intégrez simplement cette donnée !

M. Philippe Dallier. Il nous faudra plus de temps ! (Mêmes mouvements.)

M. Michel Delebarre. Bien sûr, certains ont besoin de plus de temps !

Une fois que vous aurez intégré cette donnée, dans quelques jours, nos discussions pourront déboucher et nous pourrons nous retrouver.

Voilà ce qui me plaît dans ces débats : l’incertitude du démarrage…

M. Roger Karoutchi. Et l’incertitude de l’arrivée ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Delebarre. … et le fait que nous parvenions, le moment donné, à un compromis.

Je pourrais illustrer mon propos par d’autres exemples, mais je m’aperçois que le temps passe et que j’ai déjà dépassé mon temps de parole…

M. le président. Allez à l’essentiel, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Michel Delebarre. Je pourrais vous dire également que, en matière de construction des logements sociaux, les souhaits respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont rapprochés. Nous, socialistes, avons déposé des amendements qui montrent la voie d’un accord.

Je pourrais encore montrer que la réflexion qu’a menée la commission des lois sur les travaux de l’Assemblée nationale peut conduire le Sénat à jouer parfaitement son rôle, à savoir jeter les bases d’un accord entre les deux assemblées, ce qui permettrait de reconnaître l’utilité de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, afin que certains ne soient pas contraints de s’exprimer dans la discussion générale après la pause du dîner, j’appelle les prochains orateurs à respecter le temps qui leur est imparti.

La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est nécessaire d’aborder ce débat en le replaçant pleinement dans son contexte.

Combien de fois avons-nous indiqué que l’approche fractionnée de cette réforme privait celle-ci de toute la cohérence qui était souhaitable !

Comment ne pas évoquer le véritable saccage qu’a constitué le découpage des cantons, totalement déconnecté des principes évoqués dans le projet de loi : respect des bassins de vie et des découpages intercommunaux ?

Comment ne pas évoquer le découpage administratif des régions, alors que son aspect primordial – les ressources et la fiscalité – n’est même pas abordé ?

Au moment de discuter en deuxième lecture de ce projet de loi NOTRe, fondamental pour l’avenir de nos institutions, je pense qu’il est utile d’en revenir à quelques idées basiques, de bons sens, trop souvent occultées, et de tordre le cou à certains poncifs.

D’abord, le « millefeuille » serait à l’origine de toutes les dérives financières et la France serait en retard dans le concert européen. C’est faux : les dérives financières, mes chers collègues, sont aussi imputables à l’insuffisance de rigueur, aux erreurs de ceux qui ont en charge la gestion des collectivités.

Autre poncif : l’idée que les regroupements tentaculaires et la recherche d’une taille critique sont les seules solutions. Je viens, dans mon département, comme vous tous, je l’imagine, de me livrer à une analyse extrêmement fine de la situation des collectivités locales. Les preuves affluent de partout démontrant que la taille ne rime pas du tout avec économies et efficacité.

Autre poncif : l’idée que, même d’une façon déguisée, la diminution du nombre de communes ou leur disparition est une nécessité, voire un gage de modernité.

La France, de par sa culture politique, a su protéger et faire vivre ses territoires. Donner aujourd’hui des signes d’abandon du réseau communal, c’est porter atteinte à l’engagement au service des autres, de milliers de citoyens, élus ou acteurs, constructeurs de l’équilibre sociétal français.

Autre poncif : l’idée que le découpage administratif, normé et imposé, peut supplanter la volonté des hommes et des femmes de se rassembler sur leurs propres points communs et sur leurs projets.

Enfin, s’agissant des méthodes employées, il faut dénoncer l’attitude consistant à systématiquement passer outre les points de vue et la volonté des acteurs locaux, totalement mis hors-jeu lors des découpages cantonaux.

Il s’agit aujourd’hui de redonner un rôle à ces élus locaux, une responsabilité, notamment au travers du fonctionnement de la commission départementale de la coopération intercommunale – CDCI.

Les décisions que nous prendrons sur la taille des intercommunalités sont extrêmement importantes. Il est maintenant acquis qu’une règle unique et générale, valable pour chacun de nos territoires, est inadaptée. Il est évident que la règle doit pouvoir s’adapter aux réalités locales, que la notion de projet partagé et de volonté des acteurs locaux doit s’inscrire dans la loi.

Pour ces raisons, nous approuvons certains principes évoqués : utilisation de dérogations dans certaines conditions, notamment de densité démographique ; fixation d’un seuil à un niveau acceptable, à condition toutefois que les CDCI puissent, dans des limites précises et dans certains cas, aménager ce seuil, lorsque les contours géographiques des futures communautés l’exigent. Il s’agit là de répondre à un principe de réalité, lorsque, à l’évidence, la nature des projets communautaires est un bon indicateur des périmètres.

Il s’agit donc de donner aux élus, au travers des CDCI, la possibilité d’exercer leurs responsabilités. Je le dis une nouvelle fois à nos chers préfets : ils ne sont pas investis de la clause de compétence générale.

Je conclurai en évoquant un point que j’avais déjà abordé maintes fois en première lecture : les compétences futures des départements, ainsi que leur rôle.

Au regard du surdimensionnement des régions et de la stagnation ou de la diminution des ressources, le renforcement du couple communes-département s’inscrira dans le paysage. La loi NOTRe doit favoriser ce partenariat, notamment dans le domaine économique – à travers des conventionnements –, dans le domaine touristique – au nom du principe de réalité –, dans le domaine de l’aménagement du territoire, dans la détermination des services au public.

Enfin, la place des départements et des collectivités locales dans l’élaboration des différents schémas régionaux sera fondamentale, et ce sera sans doute le chantier qui nous occupera dans le futur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin.

M. François Baroin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, en entamant la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, nous approchons du terme d’un débat qui a vigoureusement animé la représentation nationale.

Madame la ministre, personne ne conteste sérieusement que les collectivités locales font partie intégrante de l’organisation républicaine de la Nation, que, naturellement, elles doivent s’adapter dans un contexte de globalisation et d’accélération des enjeux, mais aussi en raison des fragilités profondes de notre société.

Nous devons également, bien entendu, redéfinir ensemble les périmètres de manière pertinente et le contenu des politiques publiques.

Si nous nous sommes retrouvés un temps sur l’ambition affichée, ne serait-ce que dans le titre de ce projet de loi, qui a suscité à l’origine une grande espérance et même beaucoup d’attente parmi les élus locaux, au final, il suscite énormément de déception, de confusion, de frustration, car on a inversé l’ordre d’arrivée des thèmes sur lesquels nous devions travailler.

Il existe un lien très fort entre l’État et les élus locaux. Chacun comprendra dans cette assemblée que je me fasse le porte-parole, modestement, mais avec beaucoup de détermination, des maires de France, en tant que président de leur association, laquelle sera d’ailleurs reçue jeudi prochain par le Premier ministre pour parler des dotations.

Il aurait d’abord fallu que l’État nous dise précisément ce qu’il voulait, pour que, ensuite, nous engagions ensemble un dialogue vertueux sur ce que nous pouvions faire et sur ce que nous ne devions pas faire.

Je prendrai l’exemple de la compétence en matière d’assainissement.

Il aurait été pertinent de débattre d’abord du rôle de l’État et de l’articulation globale de son action avec celle des collectivités. Il aurait également été opportun, me semble-t-il, de ne pas empiler les dispositions les unes sur les autres, de telle sorte que, au terme de cette discussion, qui aura finalement duré de nombreux mois, plus personne ne saura précisément qui fait quoi.

Ce qui subsistera, c’est seulement une vision de la France organisée autour de douze métropoles, quelques grandes régions, un département rétabli après avoir été supprimé, un conseil général remplacé par un conseil départemental.

Je vous le dis tout de go, madame la ministre : la France, en raison de son histoire, de la manière dont elle s’est construite, de la géographie de ses territoires, ne peut pas se résumer à douze métropoles et à treize régions. Notre pays compte 36 000 communes, 33 000 d’entre elles comptant moins de 3 500 habitants et regroupant 36 % de la population française. C’est bien autour de ces bassins de vie, de ces territoires et de cette population – que l’on ne va pas, dans un exode généralisé s’apparentant à une transhumance inhumaine, transférer vers les grandes zones métropolitaines –, qu’il conviendra d’imaginer l’issue de ce grand découpage territorial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Il nous faut des points forts, mais il nous faut également des points d’appui et c’est bien en nous appuyant sur l’ensemble de nos territoires et de nos communes que nous devrons trouver l’énergie nécessaire pour les faire sortir de la confusion dans laquelle ce nouveau texte malheureusement va les faire entrer.

Les textes se sont succédé de manière totalement contradictoire : la clause générale de compétence a été rétablie avant d’être de nouveau supprimée ; le conseil général, je l’ai dit, a été supprimé avant que ne soit rétabli le conseil départemental ; de grandes régions ont été artificiellement créées.

On voit bien la difficulté, le mal qu’ont, dans nos régions, les préfets « orienteurs » et configurateurs à imaginer ce que pourrait être simplement une piste d’atterrissage exempte non pas de nids-de-poule, mais de nids d’autruche, pour permettre aux régions, après les élections régionales de la fin de l’année, d’exercer véritablement les compétences que le législateur leur aura confiées.

Cette confusion altère la clarté, s’il en était besoin, de notre organisation locale et, là où les élus locaux étaient en attente d’une simplification, ils sont victimes – ou cobayes ! – d’un mouvement législatif incessant.

Notre position est également relayée très largement par l’Assemblée des départements de France, tant à présent, depuis l’élection à sa tête de Dominique Bussereau, élu local enraciné, que je félicite, que précédemment, du temps de Claudy Lebreton, avec qui nous partagions la même vision.

De même, nous sommes en phase avec l’Association des régions de France, même si, la vérité m’oblige à le reconnaître, nous avons avec elle des débats sérieux sur la clé de répartition de l’effort de réduction des dotations de l’État aux collectivités locales : l’effort porté par le bloc communal n’est pas tenable, sachant qu’il représente 58 % de l’ensemble quand celui qui est demandé aux départements et aux régions est respectivement d’un peu moins de 30 % et d’un peu plus de 12 %. Sur ce point aussi, il faudra engager une discussion sérieuse avec le Gouvernement, et nous commencerons dès jeudi en rencontrant le Premier ministre.

Je voudrais également rappeler, avec regret et même une pointe de nostalgie, puisque nous sommes presque au terme de l’examen de ce texte, que celui-ci aurait dû faciliter l’action des élus en charge de la proximité, c’est-à-dire les maires et les acteurs du bloc communal. Je pense notamment à l’action que nous avons menée en commun, madame la ministre, voilà quelques semaines, sur la question de la mutualisation, qui sera la priorité numéro un de ce mandat.

Aucun maire en France, quelle que soit la taille de la commune dont il a la responsabilité, ne conteste sérieusement la nécessité d’offrir le meilleur rapport qualité-prix aux contribuables et aux usagers du service public dans le cadre d’une meilleure coopération avec les structures intercommunales.

Aucun élu responsable, qu’il soit conseiller municipal ou conseiller communautaire, ne rejette la mutualisation si celle-ci permet d’assurer des services de meilleure qualité, plus adaptés et plus en phase avec le périmètre nouveau des compétences que vous aurez déléguées à ces structures.

En revanche, pourquoi avoir alourdi l’ensemble du dispositif ? Pourquoi avoir créé la confusion avec le seuil des 20 000 habitants, avant de revenir en arrière en manifestant une telle défiance à l’encontre des élus locaux ? Ce climat qui se développe donne le sentiment que ces grands coups de ciseaux résultent d’un enfermement dans le discours très doctrinaire de spécialistes et de technocrates qui n’ont jamais assumé de véritables responsabilités électives et qui modèlent de grands bassins sans tenir compte de la réalité géographique et physique des territoires.

Administrateurs délégués de politiques publiques qu’ils n’ont pas choisies, ils n’exercent aucune fonction élective…

M. Bruno Sido. Heureusement !

M. François Baroin. … et ne savent pas ce que cela implique.

La partie financière est la grande affaire de ce texte. Lorsque, de manière sincère, nous en avons discuté, madame la ministre, j’ai essayé de faire appel à vos souvenirs d’élue locale, de faire vibrer votre corde sensible et votre mémoire. Je tairai nos conversations individuelles,…

M. Roger Karoutchi. Au contraire ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Baroin. … car je ne veux pas vous mettre en difficulté au sein de l’équipe gouvernementale. (Mme la ministre invite l’orateur à s’exprimer sans fard.)

Nous sommes satisfaits d’avoir obtenu cette rencontre avec le Premier ministre. En revanche, les décisions exclusivement dictées par la logique bruxelloise qui vous conduisent à sacrifier l’investissement public local sur l’autel d’un équilibre global au niveau national nous préoccupent gravement, et c’est un ancien ministre du budget et des finances ayant lui-même négocié avec Bruxelles au cours d’une période très difficile qui vous le dit ! Cela ne fera pas de la France un meilleur élève ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Le modèle économique de notre pays repose sur la consommation, c’est-à-dire sur le pouvoir d’achat des Français, mais aussi sur l’investissement : l’investissement privé est en cale sèche ; l’investissement public étant porté à 70 % par les collectivités locales et à 60 % par le bloc communal, une diminution de 30 % en 2017, c’est entre 0,6 et 1 point de croissance en moins, ce qui effacera d’emblée le seul maigre trimestre positif que nous ayons enregistré depuis trois ans.

C’est dire la responsabilité qui est portée par cette feuille de route, mais c’est dire aussi la responsabilité qui est celle de l’État dans des discussions au cours desquelles, malheureusement, nous ne sommes pas entendus, à tel point que, dès la fin de l’année 2015, au moins 1 000 communes seront dans le rouge, chiffre qui connaîtra une croissance exponentielle en 2016. Pour 2017, je vous donne rendez-vous : plus d’une commune sur deux en France se trouvera dans la situation d’un autofinancement négatif.

Si l’État veut administrer les collectivités, qu’il le dise tout de suite ! Quoi qu’il en soit, une négociation s’impose pour mettre les choses au point vis-à-vis de l’opinion française. (Mme Françoise Gatel et M. Daniel Dubois applaudissent.)

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. François Baroin. Il restera quelques points à éclaircir, concernant d’abord les établissements publics de coopération intercommunale et la liberté pour ceux-ci d’instituer eux-mêmes un pacte financier fiscal.

Nous aurons rendez-vous – bientôt, je l’espère – sur la compétence « gestion de l’eau, des milieux aquatiques et prévention des inondations », ou GEMAPI. Nous souhaitons, là aussi, que l’État réaffirme son rôle et ses responsabilités.

Enfin, nous préconisons que soient facilités différents types de mutualisation entre les communes et les EPCI, car les règles s’avèrent encore trop rigides.

Puisque nous aurons d’autres occasions d’en reparler, je m’arrêterai là, monsieur le président. Ainsi, je n’empêcherai pas mes amis et collègues d’aller dîner vers vingt heures, comme c’est l’usage dans nos démocraties occidentales ! (Sourires et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes de nouveau réunis pour un débat important, comme l’atteste votre présence nombreuse, mes chers collègues, car il s’agit de l’organisation territoriale de notre République.

J’ai entendu de nombreuses critiques sur ce texte et sur la manière dont se sont déroulées nos discussions. Pour ma part, je n’irai pas dans ce sens, car je constate que, en fin de compte, le débat a porté ses fruits.

Il faut en effet se souvenir d’où nous sommes partis, à savoir le texte adopté en conseil des ministres en juin 2014 et considérer tout le travail qui a été réalisé depuis, et dont je remercie nos corapporteurs : d’un point de vue simplement quantitatif, nous sommes passés de 37 articles dans le projet initial à 166 aujourd’hui ; cela illustre les multiples changements qui ont été apportés.

À l’origine, on parlait de la fin des départements ; ils sont maintenant confortés.

Certains veulent faire le procès de ce projet de loi, qui tendrait à assassiner les communes, alors que rien dans ce texte ne permet de mettre en cause l’avenir de ces dernières. Bien au contraire : en favorisant le regroupement intercommunal, on leur permet de procéder à des mutualisations et de voir l’avenir de façon positive, grâce aux possibilités offertes en vue d’améliorer les services publics, afin qu’ils soient vraiment au service des habitants.

Je suis plutôt fier de tout le travail qui a été accompli ici, au Sénat, mais également à l’Assemblée nationale, même si nous n’avons pas trouvé d’accord sur la totalité des points. Cela apparaît clairement au début de cette deuxième lecture puisque 250 amendements ont été adoptés en commission et que plus de 700 autres doivent être examinés en séance publique.

Le Sénat doit apporter sa pleine contribution à la réforme territoriale, et le groupe socialiste fera tout pour que nous puissions aboutir à un accord.

Depuis le début, le texte a fait l’objet d’un travail de coproduction législative, et le Parlement a été largement entendu : on ne peut pas dire que le Gouvernement – il faut d’ailleurs mettre cela au crédit de Mme la ministre – n’ait pas été à l’écoute des demandes qui émanaient des différents groupes de notre assemblée.

Notre rôle est désormais d’aboutir à un point d’équilibre. Il est en effet dans l’intérêt du Sénat de montrer notre utilité, d’autant que nous parlons des collectivités locales.

Mes chers collègues, et je m’adresse là plus particulièrement à ceux d’entre vous qui siègent à la droite de cet hémicycle, il ne serait pas forcément souhaitable de laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale sur quelques sujets essentiels sur lesquels je reviendrai.

De surcroît, comme l’ont dit d’autres orateurs, nos concitoyens comme les élus locaux attendent de la stabilité dans les réformes. Nous ne pouvons nous placer dans une logique selon laquelle, tous les trois ou quatre ans, on vient remettre complètement à plat l’organisation territoriale de la République.

Comme l’ont déjà affirmé des personnes bien plus éminentes que moi, notamment M. le président du Sénat, que je n’ai pas l’habitude de citer, « les élus locaux n’en peuvent plus des changements incessants ; ils ont besoin de stabilité ». Il a d’ailleurs mis en garde – je me demande bien à qui il pensait (Sourires.) – ceux qui étaient tentés de « faire des effets de manches », et il souhaitait que les deux assemblées puissent « converger vers un accord » sur cette réforme territoriale. C’est la voie du bon sens. C’est donc en vue de cet objectif que le groupe socialiste entend travailler lors de cette deuxième lecture.

Nous ne partons pas de rien puisque l’Assemblée et le Sénat ont déjà trouvé des points d’entente, notamment sur la clause de compétence générale, sur le maintien au département de la gestion des collèges et des routes, ou encore sur l’affirmation de la compétence régionale en matière de développement économique.

D’autres points d’accord restent à trouver. Je pense notamment au seuil minimum de population pour les regroupements intercommunaux. L’Assemblée semble déterminée à maintenir le seuil de 20 000 habitants,…

M. Gérard César. C’est idiot !

M. Philippe Kaltenbach. … alors que la majorité sénatoriale, si j’ai bien compris, est arc-boutée sur le seuil actuel de 5 000 habitants.

Attention, mes chers collègues, si aucun accord ne se dégage, nous savons tous à qui reviendra le dernier mot ! Est-ce cela que nous souhaitons ?

M. Philippe Dallier. C’est absurde !

M. Philippe Kaltenbach. Dans ce cadre, le groupe socialiste au Sénat formule des propositions constructives et vous invite, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, à y réfléchir. Peut-être un seuil de 15 000 habitants pourrait constituer un bon point d’atterrissage pour la commission mixte paritaire. Il serait sûrement moins violent que le seuil d’origine…

M. Jacques Mézard. Cela n’a aucun sens ; c’est totalement ridicule !

M. Philippe Kaltenbach. … et permettrait en tout cas des regroupements, donnant ainsi une cohérence nationale.

M. Jacques Mézard. Pourquoi pas un seuil à 16 500 habitants ?

M. Philippe Kaltenbach. Certes, on peut laisser les élus s’arranger entre eux.

Mme Natacha Bouchart. Laissez-les vivre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Kaltenbach. Mais on sait aussi que, dans un grand pays comme la France, il faut un cadre et des règles pour l’organisation territoriale comme pour le reste. Il est bon de fixer des objectifs, des seuils, en dépit des critiques dont ils seront inévitablement la cible. Sinon, malheureusement, rien n’avance. On sait que certaines intercommunalités sont purement « défensives » : il s’agit de garder la cagnotte, sans mutualiser ni partager les ressources.

Sachons placer le curseur au bon endroit. Pour sa part, le groupe socialiste l’a fixé dès la première lecture à 15 000 habitants, seuil qui nous semble raisonnable et sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.

Il est d’autres différences entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur lesquelles le groupe socialiste ne veut pas tergiverser, car le vote des députés nous semble complètement inapproprié – j’emploie volontairement un langage diplomatique. Nous serons très fermes pour que ces points ne figurent pas dans le texte qui sera finalement adopté.

Je pense tout d’abord à l’instauration du Haut Conseil des territoires, à laquelle nous sommes farouchement opposés, car nous savons bien qu’elle supposerait que nous votions dans la foulée la suppression du Sénat. (M. le secrétaire d’État lève les yeux au ciel.) Or nous sommes attachés au bicamérisme et à l’idée que c’est au Sénat de représenter les territoires au sein de la République.

S’agissant du PLU intercommunal, nous étions arrivés à un compromis, mais l’Assemblée nationale est revenue sur cet accord, ce qui ne nous semble pas de bonne politique sachant qu’il a été trouvé voilà à peine quelques mois. Le groupe socialiste souhaite donc le réexamen de cette question afin que la minorité de blocage soit entérinée, comme cela s’était produit lors de l’examen de la loi ALUR.

Enfin, la disposition introduite concernant l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre, règle que nous avons votée pour les métropoles, ne nous semble pas non plus appropriée et ne devrait pas être étendue en la matière.

Le groupe socialiste fera preuve de fermeté sur ces trois points qu’il considère comme non négociables.

Je conclurai par quelques mots sur une métropole qui m’est chère.