M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bref, des assignats…

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Cette solution a été mise en œuvre en Amérique latine à la fin des années 1980, par un ancien secrétaire d’État américain au trésor, M. Brady.

La crise grecque est un défi pour le fonctionnement de la zone euro. Une zone monétaire unifiée ne peut perdurer sans le respect de règles communes. Nous disons « oui » à la solidarité, mais « non » à l’assistanat ! Nous disons « oui » à la solidarité, mais, plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, il ne saurait y avoir de solidarité sans responsabilité.

Je le dis et je le répète : la Grèce a toute sa place dans l’Union européenne. Toutefois, faute d’un accord, dont le destin se joue davantage à Athènes qu’à Bruxelles, il faudra bien finir par l’admettre : une sortie momentanée de la zone euro est inévitable. Cette éventuelle sortie ne doit pas nous faire peur. Certes, ce cas de figure n’est pas codifié dans les textes, mais il doit également être interprété comme un signe de la rigueur, du sérieux budgétaire et intellectuel dont l’Europe entière a besoin.

Enfin, permettez-moi de vous avouer une autre source de mon inquiétude. Force est de le constater, la parole de la France est un peu moins crédible, un peu moins audible sur la scène européenne,…

M. Daniel Reiner. Ce n’est pas vrai !

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. … pour une simple et bonne raison : économiquement, la France inquiète plus qu’elle ne rassure. (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues, j’en suis le premier désolé !

M. Daniel Reiner. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Jeanny Lorgeoux. Ce sont des propos partisans…

M. Didier Guillaume. Des propos de déclinologue !

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le ministre, notre pays ne doit pas poursuivre dans cette voie.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Restez dans les clous du temps de parole !

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre. Au demeurant, il serait bon que le Gouvernement invite les deux chambres du Parlement à débattre de cet enjeu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à remercier tous les orateurs de leurs interventions qui, comme toujours, se sont révélées intéressantes et stimulantes.

J’en suis persuadé, chacun a, dans cet hémicycle, apprécié les propos de MM. Bizet et de Montgolfier. M. le président de la commission des affaires européennes l’a souligné avec raison : nous sommes, en l’espèce, face à un saut dans l’inconnu. N’oublions pas cette réalité.

Les interventions des uns et des autres ont fait naître, dans mon esprit, diverses observations.

M. Retailleau, que je salue, s’est exprimé sur un ton toujours modéré, mais le fond de son propos m’a semblé – j’espère ne pas lui faire injure en le relevant – assez idéologique. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

Mme Bariza Khiari. Et c’est peu de le dire…

M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez, d’entrée de jeu, posé la question du coût. Cette dernière est digne d’intérêt, même si elle n’est pas exclusive d’autres interrogations. Cela étant, je ne suis pas sûr de souscrire à votre analyse.

Sauf erreur de ma part, le cas de figure le plus onéreux serait, selon vous, le maintien de la Grèce dans la zone euro. Lorsque vous avez émis cette affirmation, je me suis tourné vers mon voisin au banc du Gouvernement, M. le ministre de l’économie, et nous avons confronté nos opinions sur ce point : les chiffres qu’il m’a communiqués n’inspirent pas ce sentiment.

Nous sommes tous, dans cet hémicycle, intellectuellement honnêtes. Aussi, ayons l’honnêteté de reconnaître que, dans un cas comme dans l’autre, un coût devra être assumé. Néanmoins, si la Grèce quitte la zone euro, ce coût risque d’être plus élevé, et surtout de s’imposer plus vite. Quoi qu’il en soit, évitons d’invoquer des arguments qui ne seraient pas frappés au coin de la rigueur scientifique.

En outre, plusieurs orateurs se sont lancés à la recherche de responsabilités. En procédant ainsi, on glisse de la science vers l’idéologie. Au reste, en écoutant diverses interventions, il m’a semblé que certains concentraient, de préférence, les responsabilités dans le camp idéologique opposé au leur… Dans les faits, tout le monde a des responsabilités dans cette affaire – et ce n’est pas parce que je suis Normand que je le dis ! (Sourires.)

Les gouvernements grecs qui se sont succédé présentaient toutes sortes de couleurs politiques. Or les cabinets qui, en Grèce, ont précédé l’actuel gouvernement, et qui étaient très souvent conservateurs, n’ont pas assuré une gestion impeccable. Nul ne saurait prétendre le contraire. De même, on ne peut pas affirmer que, depuis quelques mois, les finances de la Grèce sont soudain devenues florissantes. Plusieurs orateurs l’ont souligné à très juste titre, tous les gouvernements grecs ont leur part de responsabilité dans cette crise. Il faut donc avoir l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître.

Admettons par ailleurs qu’il existe des responsabilités européennes. À cet égard, pour éviter tout effet boomerang, je déconseille à quiconque de se lancer dans un exercice tendant à définir une césure politique : on ne peut, pour reprendre une formule célèbre, estimer que, depuis l’arrivée aux affaires de ce gouvernement, la nuit ait succédé à la lumière… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Jack Lang !

M. Henri de Raincourt. C’est d’un bon auteur !

M. Laurent Fabius, ministre. On me corrigera si je me trompe : à Deauville, en 2010, date à laquelle François Hollande n’était pas encore Président de la République, a eu lieu un sommet au cours duquel une première opération de restructuration des dettes a été évoquée. Les décisions qui ont suivi ont emporté des conséquences que personne ne peut juger positives – j’en veux pour preuve les crises ayant, par la suite, frappé l’Irlande, le Portugal et d’autres pays.

Bref, ne nous lançons pas dans cet exercice. Reconnaissons, d’une part, que tous les gouvernements grecs ont leur part de responsabilité et, d’autre part, qu’il existe des responsabilités européennes partagées, parmi lesquelles on peut sans doute discerner des responsabilités françaises.

Monsieur Retailleau, vous avez par ailleurs développé une idée avec laquelle je ne suis pas d’accord, mais qui m’a semblé particulièrement intéressante. À vos yeux, les problèmes actuels de la Grèce seraient, en définitive, le fruit d’une idéologie particulière.

Je le répète, les divers ministères que la Grèce a connus ont reflété toutes les couleurs politiques. À ce titre, je ne peux songer sans sourire à la proximité, voire à l’identité qu’un autre orateur a dit percevoir entre les actuels gouvernements grec et français. Je dois vous l’avouer, avec tout le respect que nous éprouvons pour le gouvernement d’Athènes : cette parenté ne m’avait pas frappé…

M. Jean-Pierre Bosino. Nous non plus ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Didier Guillaume. Dans ce cas, nous sommes d’accord !

M. Laurent Fabius, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de citer des noms – vous ne verrez là qu’un compliment de ma part : mais je dois ajouter que, jusqu’à présent, l’axe Macron-Tsipras ne m’a pas sauté aux yeux ! (Exclamations amusées. – M. Daniel Raoul applaudit. – M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique opine en souriant.)

M. Jean-Pierre Bosino. Ce n’est pas évident !

M. Laurent Fabius, ministre. J’espère que M. le ministre de l’économie ne m’en voudra pas. Au reste, je constate qu’il approuve mes propos.

M. Didier Guillaume. M. Macron est beaucoup plus à gauche ! (Sourires.)

M. Daniel Reiner. Sur le fond ! (Nouveaux sourires.)

M. Laurent Fabius, ministre. Bien entendu, les peuples votent comme ils l’entendent, et l’Europe – c’est l’un des défis qu’elle doit relever – doit prendre son parti de tous les choix ainsi exprimés tout en s’efforçant d’avancer.

Cher monsieur Retailleau, j’ai apprécié le ton que vous avez adopté. Permettez-moi simplement d’émettre cette remarque : lorsque, partant de la situation de la Grèce, vous avez étendu votre propos à la politique extérieure de la France, je me suis senti, pour une raison indéfinie, personnellement mis en cause. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je ne puis en effet vous donner entièrement raison sur ce point.

Vous avez déploré « l’isolement de la France » et regretté, par opposition, le leadership que notre pays exerçait sous une présidence précédente. En vous écoutant, j’avais à l’esprit les efforts que le Président de la République et moi-même avons dû déployer pour nous réconcilier – c’est le terme exact –…

M. Daniel Reiner. Tout à fait !

M. Laurent Fabius, ministre. … avec nombre de pays – la liste est trop longue pour tenir sur la petite fiche où j’ai rassemblé mes notes – (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), dont l’Algérie, les États de l’Afrique noire, la Turquie, la Pologne, le Mexique, le Japon et la Chine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. Daniel Reiner. Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre. M. Guillaume a brillamment expliqué les raisons pour lesquelles nous devons, autant que possible, éviter le Grexit, tout en appelant à des réformes en Grèce. Du reste, cela m’a frappé, presque tous les orateurs ont, à juste titre, appelé à ces réformes. Cependant, tous n’en tirent pas les mêmes conséquences. Certains disent : « Il faut que la Grèce se réforme, afin de rester dans l’euro », d’autres : « Il faudrait que la Grèce se réforme, mais quoi qu’elle fasse, elle n’arrivera pas à rester dans l’euro ». Retenons en tout cas la première proposition : la Grèce doit absolument procéder à des réformes.

Vous avez ajouté avec raison, cher Didier Guillaume, que l’Union européenne devait faire de même. La situation requiert en effet responsabilité et solidarité. Après tout, cette crise révèle que beaucoup de choses ne fonctionnent pas bien au sein de l’Union européenne.

M. Gattolin a souligné que le Grexit, s’il devait advenir, coûterait plus cher qu’une autre solution. C’est exact. Il a également insisté sur les réformes nécessaires en Grèce et, comme plusieurs d’entre vous, il a relevé qu’aux aspects financiers et économiques s’ajoutaient de très importantes dimensions politiques et géopolitiques. Il faudrait orienter le débat en France vers ces aspects très intéressants ; j’y viendrai dans un instant.

M. Pierre Laurent a dit que le débat n’opposait pas les pro-européens aux anti-européens, soulignant que ce qui se passe en Grèce concerne la France et le reste de l’Europe. C’est très juste : on ne peut pas se contenter de dire que la Grèce ne représente que 2 % du PIB européen, que c’est un petit pays, que la Grèce, ce n’est pas nous. À tous égards, c’est aussi nous !

M. Mézard a tenu des propos très pertinents sur l’approche politique et stratégique. De même, il a affirmé clairement que l’ensemble des pays d’Europe et l’ensemble des gouvernements successifs de la Grèce portaient une part de responsabilité. Je le rejoins tout à fait sur ce point.

M. Adnot ne disposait pas de beaucoup de temps, mais il a montré que l’on pouvait dire beaucoup de choses exactes en peu de temps ! Cela n’a pas nécessairement été le cas, qu’il me pardonne, de M. Rachline (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), qui a fait preuve de beaucoup d’humour dans sa brève intervention : il a commencé en disant : « Voilà où mène l’idéologie ! » Il parlait de la Grèce quand j’avais, moi, quelqu’un d’autre à l’esprit ! (Mêmes mouvements.)

M. Zocchetto a rappelé qu’il existait une différence entre justice et austérité et qu’un Grexit ne saurait se produire sans traumatismes. C’est tout à fait vrai. Il ne faut pas laisser croire que cela pourrait se dérouler de manière parfaitement contrôlée, alors qu’il s’agit d’un saut dans l’inconnu !

Il a également eu raison de rappeler que, s’il faut évidemment tenir compte du vote de la Grèce, beaucoup d’autres pays ont voté et que leurs gouvernements sont, eux aussi, légitimes. Cela nous pose à tous un véritable problème démocratique. La difficulté, c’est de faire la synthèse !

M. Francis Delattre. Ah, la synthèse !

M. Laurent Fabius, ministre. Cela s’appelle l’Europe !

À la suite de ces observations, je souhaite formuler deux séries de remarques.

Beaucoup d’entre vous ont utilisé le terme « solidarité », et c’est bien celui qui convient, à condition qu’y soit accolé celui de « responsabilité ». Il ne faudrait pas, en effet, que ceux qui sont plutôt partisans de la sortie de la Grèce laissent entendre que le Gouvernement français pratiquerait une solidarité aveugle et illimitée. Non ! Nous souhaitons que, du côté grec, il y ait des réformes ; il faut une contrepartie aux efforts que nous demandons aux autres pays européens.

En résumé, l’Europe doit aider la Grèce, mais la Grèce doit aider l’Europe à l’aider. C’est ainsi que se présente la situation. S’il n’en allait pas ainsi, les populations réagiraient, et on ne pourrait leur donner tort.

Les aspects financiers et économiques font l’objet de l’essentiel des commentaires dans les journaux, mais il y en a d’autres, dont nous devons montrer toute l’importance à nos compatriotes.

Sur le plan économique, soyons nets : si la sortie de l’euro advenait, elle emporterait des risques économiques considérables.

Tout d’abord pour la Grèce, qui se retrouverait sans monnaie nationale, puisque sa monnaie, aujourd'hui, c’est l’euro. Sa situation est donc différente de celle de l’Argentine, qui disposait du peso ; cela ne l’a du reste pas empêché de faire face à de grandes difficultés. Si la Grèce ne pouvait plus utiliser l’euro, l’enchaînement des conséquences serait extrêmement rapide : faillites bancaires ; appauvrissement brutal des petits déposants ; augmentation sensible du coût des importations, sans que les exportations la compensent, puisque la parité de la nouvelle monnaie serait très défavorable et que, de toute façon, la Grèce n’ayant pas d’industrie, ses capacités d’exportation sont extrêmement limitées. De plus, l’économie grise exploserait vraisemblablement, entraînant une chute des rentrées fiscales, qui ne sont déjà pas fameuses...

Mais cette sortie présenterait également des risques pour la zone euro, car on ne peut pas isoler ainsi, derrière je ne sais quelle muraille, tout un pays, même si l’économie grecque ne représente que 2 % du PIB européen.

Les risques économiques sont donc patents. Mais les risques politiques, dont nous n’avons peut-être pas suffisamment parlé, ne sont pas moins réels.

Personne ne peut soutenir que le projet européen se trouverait renforcé si, à la suite d’une crise, un pays était contraint de sortir de l’euro et de changer de monnaie. Il suffit de converser avec les représentants de pays étrangers pour s’en convaincre. Il se trouve que je participais, ces jours derniers, à une négociation sur le nucléaire iranien, en présence des Russes, des Chinois, des Américains. Personne parmi eux ne considère qu’une sortie de la Grèce de l’euro renforcerait l’Europe ! On ne saurait soutenir de tels paradoxes !

Et puis, le découragement européen déjà présent dans les opinions publiques se trouverait sans doute ainsi alimenté – mais c’est peut-être ce que certains recherchent ! En tout cas, les critiques populistes sur les dysfonctionnements de l’Union et les appels au repli se verraient confortés.

Et puis, mesdames, messieurs les sénateurs, songez que nous avons en perspective le référendum du Royaume-Uni !

Enfin, cette crise emporte des conséquences géopolitiques, et je remercie ceux – peu nombreux – qui l’ont rappelé. L’Union européenne est en effet confrontée à des situations très difficiles sur ses frontières méridionales et orientales, à des crises d’une intensité historique : la Syrie, l’Irak, la Libye, le terrorisme, les crises migratoires… Tant par sa géographie que par son histoire, la Grèce occupe une position stratégique : voisine de la Turquie, des Balkans, à proximité des côtes d’Afrique du Nord.

Mesure-t-on ce que représenterait, dans ces circonstances, le fait que la Grèce devienne un État failli ? L’une d’entre vous l’a très bien dit : qu’est-ce que cela entraînerait sur le plan migratoire et en matière de lutte contre le terrorisme ?

Je n’évoque même pas l’opportunisme gourmand – j’essaie de choisir mes mots ! – auquel pourrait se laisser aller la Russie, celle-ci se portant au secours de la Grèce parce que l’Europe n’aurait pas été capable de le faire. Il faut garder cela à l’esprit au moment de faire le choix.

Cela étant, à l’impossible nul n’est tenu. Si les Grecs ne font pas les efforts nécessaires, nous ne pouvons pas collectivement les faire à leur place. Il est de la responsabilité du Premier ministre grec de faire des propositions.

Nous commettrions toutefois une erreur si, par une espèce de parti pris idéologique, à des propositions qui seraient raisonnables nous répondions : « Hélas ! il est trop tard et, dès lors, vous devez être sanctionnés. »

Pour utiliser des termes grecs, je dirai qu’il s’agit, de part et d’autre, d’éviter l’ubris et de saisir le kairos.

L’ubris, c’est la démesure. Le Premier ministre grec a connu un grand succès électoral, de ceux qu’il faut savoir maîtriser. Lorsqu’on est fort, il est bon d’utiliser cette force pour aller vers le compromis. Mais cela vaut aussi pour tel ou tel autre pays européen qui choisirait de dire non à une perspective raisonnable.

Le kairos, c’est ce moment particulier de la vie d’une personne ou d’un peuple où l’on peut faire d’une difficulté une opportunité.

Nous n’avons pas choisi la difficulté, même si nous portons tous une part de responsabilité dans son apparition. Quoi qu'il en soit, la difficulté est là, et j’espère que nos peuples auront la sagesse d’éviter l’ubris et de saisir le kairos qui se présente à eux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation de la Grèce et les enjeux européens.

Avant d’aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Candidature à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. La commission des affaires sociales a désigné M. Philippe Mouiller pour siéger en qualité de membre titulaire à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, en remplacement de Mme Patricia Morhet-Richaud, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

8

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, actuellement en cours d’examen.

Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

9

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 8 juillet, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 280-1 ancien du code civil (Divorce – Prestations compensatoires) (2015-488 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

10

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense
Discussion générale (suite)

Programmation militaire pour les années 2015 à 2019

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Demessine.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense
Article 1er et rapport annexé (réservés)

Mme Michelle Demessine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette actualisation de la loi de programmation militaire était prévue et elle est nécessaire : prévue puisque l’article 6 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 instituait une première actualisation avant la fin de l’année 2015 ; nécessaire en raison de l’accroissement des menaces contre notre pays, ses intérêts fondamentaux et sa population, la montée du terrorisme islamiste dans le monde et sur le territoire national étant sans doute la première menace à laquelle nous ayons à faire face.

Les attentats en région parisienne du mois de janvier ont changé de manière déterminante le contexte de mise en œuvre de cette programmation. C’est pourquoi je salue la décision que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez prise d’avancer l’actualisation de quelques mois pour traduire rapidement dans la loi les adaptations rendues indispensables, sanctuariser ce budget et lui attribuer des crédits supplémentaires.

Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’une révision, destinée à actualiser les prévisions initiales, non d’une redéfinition des principes fondamentaux de la programmation militaire. Mon groupe reste en désaccord sur ces principes, mais c’est bien dans le seul cadre de cette actualisation que je porterai des appréciations sur les mesures qui nous sont proposées.

L’évolution de la situation et la nécessité de répondre à des besoins accrus ont heureusement conduit le Président de la République à tenir les engagements qu’il avait pris de ne pas laisser rogner le budget de la défense : ses crédits ont donc été sanctuarisés à hauteur de 31,4 milliards d’euros pour 2015.

Parmi les nouveautés figurant dans le présent texte, on peut d’abord relever des choix budgétaires importants.

Ainsi, on constate l’apport de nouveaux crédits, qui correspondent à une augmentation du budget de 3,8 milliards, étalée jusqu’à 2019, qui permettra notamment de nouvelles commandes de matériels.

Nous serons néanmoins attentifs et veillerons à ce que les crédits annoncés pour l’année 2015 soient effectivement et rapidement ouverts dans une loi de finances rectificative.

Sans douter de la volonté et de la sincérité du Président de la République, je relèverai toutefois que l’essentiel de cet effort budgétaire porte sur les deux dernières années de la programmation, soit après l’élection présidentielle de 2017. Espérons que cette trajectoire ne sera pas alors remise en cause !

J’apprécie particulièrement que, dans l’actualisation du volet financier de la loi de programmation militaire – LPM –, on ait substitué des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles, dont le caractère aléatoire faisait courir de sérieux risques à l’effectivité de la programmation.

Je me félicite surtout de l’abandon du dispositif de location-vente de matériels militaires, sous la forme de sociétés de projet dont les fonds étaient censés remplacer des ressources exceptionnelles défaillantes. Ce montage financier bizarre et complexe était trop hasardeux pour nos finances publiques, ne traduisait pas une vision à long terme du financement de nos équipements militaires et aurait pu affecter l’utilisation souveraine de nos matériels.

L’autre grande nouveauté de ce projet de loi est le choix stratégique d’une présence visible et permanente de forces terrestres sur le territoire national. Cela a nécessité de porter les effectifs de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus.

Cette conception d’une protection recentrée sur le territoire national nous invite, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, à une réflexion sur la doctrine d’emploi de nos armées à l’intérieur de nos frontières.

En tout cas, la nécessité d’assurer cette mission a conduit le chef de l’État à prendre la décision d’annuler plus de la moitié des réductions d’effectifs dans les armées : sur 34 000 postes menacés de suppression, 18 500 sont préservés.

Certains devraient avoir l’honnêteté de reconnaître que la réduction d’effectifs initialement prévue, dont la seule justification était de faire des économies au profit des équipements, ne pouvait en aucun cas permettre de faire face à une situation de crise imprévue.

C’est l’un des enseignements à tirer des attentats de janvier. C’est aussi la preuve que l’objectif de réduction inconsidérée des effectifs, que ce gouvernement avait maintenu dans la LPM initiale, était une profonde erreur, due à une vision étroitement comptable des choses.

Avant de conclure, je veux évoquer deux mesures proposées dans ce texte qui n’ont pas de rapport direct avec l’objectif d’actualisation : l’institution d’un droit d’association professionnelle des militaires et l’expérimentation d’un service militaire volontaire.

Différentes instances de concertation, dont le fonctionnement et l’efficacité méritent d’être considérablement améliorés, existent au sein des armées. Néanmoins, il faut reconnaître que ce sont deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont mis notre pays dans l’obligation de légiférer pour instituer un droit d’association au profit des militaires.

Vous le savez, monsieur le ministre, notre groupe est de longue date favorable à l’instauration d’un tel droit, que nous avions malheureusement échoué à faire inscrire dans la loi lors de la discussion sur le statut général des militaires, en 2005.

La solution législative élaborée par le Gouvernement est satisfaisante dans la mesure où elle permettra, je l’espère, de renforcer le dialogue au sein de nos forces armées, sans les affaiblir ni dénaturer l’état militaire.

Cependant, nos collègues députés ont eu raison de renforcer les prérogatives des associations nationales professionnelles de militaires, les ANPM. Ils ont en particulier élargi les possibilités qu’elles auront de se porter partie civile et ont garanti leur liberté d’expression sur les questions relevant de la condition militaire.

Enfin, si l’expérimentation d’un service militaire volontaire, largement inspiré par le succès du service militaire adapté dans les outre-mer, peut de prime abord sembler une bonne mesure, je m’interroge sur la duplication de dispositifs existants et, surtout, sur le financement à long terme de ce dispositif.

Telles sont les observations que je souhaitais faire, au nom du groupe CRC, sur l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Au-delà des aspects positifs que je viens d’évoquer, il n’en demeure pas moins que nous avons toujours de profonds désaccords avec certains choix majeurs de la loi de programmation militaire initiale, notamment en ce qui concerne la sanctuarisation politique et financière de l’arsenal nucléaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)