compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures dix.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

coût économique de l'inaction en matière de pollution de l'air

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour le groupe écologiste.

Mme Leila Aïchi. Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Le Sénat a rendu hier son rapport au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, qui a été unanimement salué. En ma qualité de rapporteur, je tiens à remercier le président Jean-François Husson, pour son esprit d’ouverture et de rassemblement (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), tous les membres de la commission, ainsi que les collaborateurs du Sénat pour la qualité de leur travail.

En adoptant ce rapport à l’unanimité, nous avons démontré que, lorsque les conditions l’exigent, l’ensemble des partis politiques savent œuvrer collectivement et dans la même direction. (Très bien ! sur les mêmes travées.)

Monsieur le secrétaire d’État, 101,3 milliards d’euros : tel est le coût annuel sous-évalué – je dis bien « sous-évalué » – de la pollution de l’air en France ! Or, dans le même temps, l’État pourrait tirer de la lutte engagée contre ce phénomène un « bénéfice net » de 11 milliards d’euros par an, chiffre à mettre en perspective avec la baisse des dotations aux collectivités territoriales de 11 milliards d’euros, que vous avez décidée.

Les mesures de levier que nous portons n’ont pas vocation à taxer les entreprises et les Français de manière inconsidérée. Ainsi, nous proposons le lissage sur cinq ans des 17 centimes d’euro d’écart entre le diesel et l’essence. À titre personnel, je suggère également de doubler le bonus écologique pour les voitures électriques et les modèles hybrides essence,…

Mme Leila Aïchi. … ou encore de créer des zones franches écologiques, qui pourraient notamment bénéficier à l’Île-de-France. Il s’agit clairement de propositions bénéfiques pour la santé des Français, pour les finances publiques et pour l’emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, la situation est trop grave ; le Gouvernement doit prendre ses responsabilités ! Ne vous défaussez pas sur les collectivités locales, ce serait inacceptable !

Derrière ces 101,3 milliards d’euros, se cachent aussi des souffrances, des morts prématurées, des cancers, des maladies respiratoires, des risques d’infertilité, des malformations congénitales, et même les maladies de Parkinson et d’Alzheimer...

Aussi, protéger des activités économiques polluantes en bloquant les filières novatrices, respectueuses de la santé des Français de l’environnement, et créatrices de milliers d’emplois, est aujourd’hui inacceptable pour notre économie, insupportable pour les Français, et irresponsable pour notre avenir.

À ce propos, l’absence et le silence de MM. Emmanuel Macron et Michel Sapin prouvent la désinvolture du Gouvernement non seulement face à cet enjeu de santé publique, mais aussi à l’égard du travail du Sénat. À partir de quel montant Bercy daignera-t-il nous répondre ?

Monsieur le secrétaire d’État, que compte faire le gouvernement auquel vous appartenez pour s’attaquer à ce problème économique et sanitaire que constitue la pollution de l’air ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, sur certaines travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Madame la sénatrice, vous avez raison de le rappeler, la pollution de l’air pose un grave problème de santé publique. Je veux saluer la qualité du rapport que vous avez élaboré avec M. Jean-François Husson. Grâce à ce document, vous avez pu rappeler un diagnostic et formuler des propositions pour agir.

Sans attendre ce rapport, Mme Ségolène Royal a, vous le savez, déjà œuvré et obtenu l’adoption de mesures en ce sens.

Ainsi, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte contient des dispositions ambitieuses en vue du renouvellement des flottes de véhicules et de bus, et donne des outils aux élus locaux pour lutter contre la pollution urbaine.

Plusieurs décisions ont été prises pour encourager la mobilité électrique, comme la mise en place d’un bonus de 10 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique et le financement du déploiement des bornes de recharge. Outre le lancement d’un appel à projets « Villes respirables en cinq ans », qui prévoit par exemple l’expérimentation de zones de circulation restreinte, a été créé le « certificat qualité de l’air ». Ces mesures portent déjà leurs fruits !

Par ailleurs, la réforme du barème de la taxe sur les véhicules de société, qui est beaucoup plus élevé pour les anciens véhicules roulant au diesel, a été entérinée.

S’agissant de la participation des transporteurs au financement des infrastructures, les recettes du dispositif du péage de transit pour les poids lourds ont été compensées, pour l’année 2015, par une hausse de 4 centimes d’euros sur le gazole. Nous annoncerons le 21 juillet prochain, après la réunion du Conseil national de la transition écologique, les choix du Gouvernement pour la pérennisation de ce système.

Dans les jours qui viennent, Mme la ministre de l’écologie se verra en outre remettre le rapport de la mission d’inspection chargée d’évaluer la gestion des pics de pollution, dont elle tirera sans délai les enseignements.

Il faut agir sur la totalité des sources de pollution, et tout le monde doit s’impliquer : le secteur des transports, mais aussi le bâtiment, l’industrie et l’agriculture !

Madame la sénatrice, votre rapport favorisera le renforcement de la prise de conscience sur le coût de la pollution, ainsi que l’augmentation du niveau d’ambition en la matière. La semaine prochaine, Mme la ministre de l’écologie réalisera des annonces en ce sens. Comme elle l’a rappelé, le Gouvernement souhaite mobiliser l’ensemble des acteurs concernés et engager une dynamique au travers de l’application du principe pollueur-payeur, de la création d’incitations positives et de l’adaptation réglementaire. Toutes les pistes seront donc explorées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

difficultés d'inscription à l'université

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors que le code de l’éducation précise bien que les universités doivent accueillir en premier cycle tous les titulaires du baccalauréat, celles-ci sont chaque année plus nombreuses, selon l’Union nationale des étudiants de France, à se placer dans l’illégalité. Songez que, aujourd’hui, 54 universités sur 74 sélectionnent les étudiants à l’entrée de certaines de leurs filières !

Que cette sélection se fonde sur des critères élitistes ou qu’elle soit laissée au hasard de tirages au sort, elle remet en cause le libre accès à une formation supérieure. Résultat : l’accès aux études supérieures a beau être un droit et non un privilège, des milliers de jeunes sont aujourd’hui sans formation ou inscrits dans des filières choisies par défaut.

L’augmentation des pratiques sélectives est liée à la mise en concurrence des universités dans le contexte d’une autonomie budgétaire qui signifie en réalité gestion de la pénurie par les universités et affrontement de celles-ci pour l’attribution des moyens. Cette situation résulte des mesures prises par la droite dans le cadre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.), qui ont été confirmées par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, et aggravées par les budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, chaque année en berne.

Les universités en difficulté financière sont contraintes de réduire leurs frais de fonctionnement, de diminuer le nombre de leurs formations et de leurs enseignants, et de limiter leurs capacités d’accueil.

Liée à l’incapacité de l’université non pas à accueillir tous les étudiants, mais bien à les faire réussir tous, cette forme de sélection par l’échec démontre l’impasse dans laquelle se trouve la démocratisation de notre enseignement supérieur, au moment où le nombre des demandes d’inscription à l’université croît, en raison notamment de l’augmentation du nombre de bacheliers professionnels résultant de la réforme de ce baccalauréat. Si les universités n’ont pas les moyens de répondre à l’objectif de massification, elles n’auront pas davantage demain ceux qui lui permettraient d’atteindre l’objectif de démocratisation, à moins que l’on n’agisse pour les aider.

Madame la ministre, que comptez-vous faire face aux sélections d’année en année plus nombreuses ? À l’heure des négociations budgétaires, allez-vous enfin allouer aux universités les moyens financiers qui leur sont nécessaires pour permettre à chacune et à chacun non seulement de s’inscrire dans la filière de son choix, mais aussi d’y réussir pleinement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Odette Herviaux et Esther Benbassa applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Cukierman, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler après vous un principe simple : en France, l’accès à l’enseignement supérieur est libre pour tous les bacheliers et la sélection n’est pas autorisée à l’entrée de l’université. C’est l’honneur de notre pays, je crois, de garantir ce droit, et le Gouvernement entend qu’il ne soit pas contredit dans les faits.

Vous avez parlé, madame la sénatrice, de démocratisation de l’enseignement supérieur. Notre politique est bien inspirée par cette ambition. Elle vise notamment à réaliser un objectif indispensable dans la société de la connaissance qui est la nôtre : conduire 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence.

S’il est indéniable que l’on observe une hausse des demandes d’inscription à l’université – à la rentrée 2014, 38 000 étudiants de plus que l’année précédente se sont inscrits, et la hausse devrait se poursuivre cette année –, il ne faut pas en conclure que la France souffrirait d’un trop-plein d’étudiants ; au contraire, notre pays pâtit d’un déficit de diplômés par rapport aux pays voisins. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement accorde une si grande importance à l’université, dans le cadre de la priorité qu’il a donnée à l’éducation et à la jeunesse.

Il s’agit en particulier, ainsi que vous l’avez expliqué, non pas seulement d’accueillir les étudiants, mais de lutter contre l’échec en premier cycle, d’améliorer l’orientation et l’accompagnement des étudiants dans leur parcours à l’université, notamment grâce à la spécialisation progressive au bout d’un semestre, et de renforcer leur encadrement, ce pour quoi nous avons, depuis 2012, créé mille emplois par an dans l’université. Nous allons poursuivre ce travail, en vue notamment d’obtenir de meilleurs taux de réussite des bacheliers professionnels, dont vous avez fait mention.

En ce qui concerne les informations rendues publiques par le syndicat UNEF sur les difficultés d’inscription dans certains établissements, j’ai annoncé que nous procéderions à des vérifications scrupuleuses ; les pratiques dont nous parlons sont illégales, et nous y mettrons un terme. En particulier, nous allons nous assurer que les parcours de licence recrutant sur prérequis soient adossés à des licences non sélectives, auxquelles puissent accéder tous les étudiants qui le souhaitent.

Par ailleurs, je souhaite adresser un message aux bacheliers et futurs étudiants ayant entrepris de s’inscrire dans l’enseignement supérieur, et qui s’inquiètent peut-être de n’avoir pas encore reçu de réponse à leurs vœux d’affectation. Ils doivent savoir que la procédure complémentaire d’admission post-bac, destinée à les mettre en relation avec les établissements disposant encore de places libres, restera accessible jusqu’au mardi 15 septembre prochain. De plus, au cas où des problèmes subsisteraient pour eux, j’ai donné instruction aux rectorats de traiter chaque cas individuel.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ainsi, aucun lycéen ne sera laissé au bord du chemin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur de nombreuses travées du groupe CRC.)

agriculture

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, une très longue réunion de travail s’est tenue ce matin sur votre initiative au sujet des difficultés de l’élevage, avec l’ensemble des partenaires concernés. Ces discussions ont été particulièrement intéressantes et de haute tenue ; je pense que tous ceux qui y ont pris part partagent cet avis. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains acquiescent.)

Les difficultés que rencontrent nos éleveurs, réelles et souvent dramatiques, ne sauraient justifier les dégradations inacceptables qui ont été commises. Je le répète, le désespoir n’excuse pas tout ! Les solutions durables que nous espérons ne naîtront ni de la violence ni de la surenchère politicienne, et encore moins de la démagogie gratuite à coup de slogans incantatoires. Je me réjouis, monsieur le président, que ces travers n’aient pas gâté l’esprit de la réunion de ce matin. La situation est bien trop grave pour que l’on puisse se permettre la vindicte ou la stigmatisation de tel ou tel partenaire de ces filières !

Alors que des solutions ont déjà été mises en place pour remédier aux difficultés et que de nouvelles propositions ont été examinées ce matin, j’espère que la présence des caméras ne réveillera pas cet après-midi des jeux de rôle et des postures qui ne servent pas nécessairement l’image de notre assemblée. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ladislas Poniatowski. C’est plus fort que vous !

Mme Odette Herviaux. Nous connaissons tous les raisons multiples et diverses qui, pour chaque filière, ont conduit à la situation présente. Au-delà de l’état des lieux, tous les acteurs doivent assumer leurs responsabilités dans un cadre collectif fondé sur le dialogue et les efforts partagés. Je pense aux consommateurs, aux distributeurs, aux transformateurs et aux producteurs des filières, sans oublier les élus dont nous sommes, qui prennent parfois des décisions aux conséquences difficiles.

M. le président. Ma chère collègue, ne tardez pas à poser votre question.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre de l’agriculture, les diverses questions qui vous seront posées cet après-midi vous permettront d’aborder de manière approfondie les propositions envisagées. En ce qui me concerne, je vous demande de nous indiquer dès à présent quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre à l’échelle nationale et européenne, et selon quel calendrier, pour accélérer l’application de mesures propres à répondre aux attentes de nos éleveurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

M. Michel Berson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Comme vous l’avez indiqué, madame Herviaux, une réunion s’est tenue ce matin au sujet de la crise que l’élevage, de manière globale, traverse dans notre pays. Il faut mesurer que, dans certaines filières, en particulier dans celle du lait, cette crise frappe à l’échelle internationale ; mon homologue mexicain, avec lequel j’ai déjeuné aujourd’hui même, m’a d’ailleurs indiqué que son pays connaissait également de graves difficultés s’agissant du lait.

Des mesures ont déjà été mises en œuvre, en particulier pour soutenir les exploitants qui connaissent les pires difficultés dans la filière porcine, la filière bovine et la filière du lait. Certains sénateurs avaient réclamé la création de cellules départementales. Chargées, je le rappelle, de traiter avec les banques et tous les autres acteurs la situation des éleveurs en grande difficulté, ces cellules sont en place depuis le 18 février dernier. (M. Jean-Claude Lenoir fait une moue dubitative.) Nous allons examiner les mesures supplémentaires qui peuvent être prises en ce qui concerne l’effacement des cotisations à la Mutualité sociale agricole et le fonds d’allégement des charges.

Par ailleurs, nous devons nous attacher à la question des prix et de la situation du marché sur les prix, s’agissant aussi bien du porc, de la viande bovine et du lait.

Pour cette dernière filière, une négociation a été engagée avec les producteurs laitiers dès le début de l’année, destinée à empêcher la chute des prix en dessous de 300 euros la tonne et à atteindre l’objectif de 340 euros la tonne pour l’année, qui a été réaffirmé au cours de la réunion de ce matin. Les négociations se poursuivent. Je le répète, pour le lait, les problèmes se posent non pas seulement à l’échelle française et européenne, mais à l’échelle internationale. Ainsi, la coopérative néo-zélandaise Frontera, qui est aujourd’hui le premier opérateur sur le marché du lait et de la poudre de lait, vient d’annoncer son intention de supprimer entre 15 000 et 20 000 emplois.

M. le président. Monsieur le ministre, il va vous falloir conclure.

M. Stéphane Le Foll, ministre. S’agissant du porc, à l’issue de l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine, un objectif de redressement des prix du porc sur le marché au cadran a été fixé à 1,40 euro le kilo. Or, aujourd’hui, le prix du kilo affichait 1,38 euro. L’objectif est donc presque atteint, ce qui est encourageant. Tous les acteurs doivent se sentir concernés et appliquer l’accord conclu au cours de la table ronde qui s’est tenue, sur mon initiative, le 17 juin dernier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jean-Claude Requier et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

agriculture

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe de l’UDI-UC.

Mme Françoise Gatel. Au cœur de l’actualité s’installent la désespérance et la révolte de nos agriculteurs, asphyxiés par une crise conjoncturelle liée à la contrainte des marchés et aggravée par la sécheresse que notre pays connaît. Le plus grave est qu’à cette crise conjoncturelle s’ajoute une crise structurelle, comme l’a montré la conférence qui s’est tenue ce matin au Sénat sur l’initiative de notre président.

L’agriculture est un secteur d’excellence de notre pays, reconnu et envié à l’étranger. Si tel n’était pas le cas, les Chinois auraient-ils récemment investi à Carhaix, en Bretagne, dans une usine de poudre de lait, pour garantir la sécurité de leur production ?

Or, aujourd’hui, la filière animale va mal ; son présent mais aussi son avenir sont en jeu. Songez que 400 éleveurs bretons sont au bord du dépôt de bilan ! Une grande banque a même dû augmenter ses encours aux producteurs de 10 millions d’euros au cours du dernier trimestre. Les fournisseurs d’aliments, qui pratiquent eux aussi des encours aux éleveurs, se retrouvent également en danger. Monsieur le ministre, la maison brûle !

Il faut prendre des mesures urgentes et significatives sur les prix, soulager la trésorerie de nos exploitations et valoriser vigoureusement la viande française. Il est tout aussi indispensable de prendre des mesures structurelles en matière de compétitivité, d’organisation des filières, de sécurisation des revenus, d’aide à l’investissement et de restauration hors foyer, sans oublier l’incontinence normative qui accable le secteur.

Monsieur le ministre, l’agriculture est-elle pour notre pays un atout ou un handicap ? Voulons-nous lui rendre sa compétitivité ou la broyer ?

Les agriculteurs ont su, après la guerre, relever le défi de la productivité ; ils doivent aujourd’hui être fermement accompagnés pour réussir la nouvelle évolution qui s’impose à eux. Il y a urgence ! Continuerons-nous dans notre pays à avoir l’indécence d’imposer des normes de bien-être animal à des agriculteurs qui ne peuvent plus vivre de leur travail, à des jeunes agriculteurs dont 50 % vont devoir abandonner leur métier, alors qu’ils assurent l’avenir de notre pays ?

M. le président. Ma chère collègue, veuillez conclure.

Mme Françoise Gatel. Oui ou non, monsieur le ministre, l’agriculture est-elle pour vous une filière d’avenir qui doit faire l’objet d’une politique incitative et non coercitive ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame Gatel, vous me demandez si l’agriculture est une priorité pour la France. Auriez-vous oublié le débat budgétaire à l’échelle européenne, engagé dans des conditions qui laissaient entrevoir une baisse des crédits de la politique agriculture commune pouvant atteindre 20 % ?

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’action du Président de la République, saluée par l’ensemble des organisations professionnelles, a permis de préserver le budget européen de l’agriculture et, pour la France, la politique agricole commune. Ne nous faites donc pas de faux procès ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Vous avez dénoncé une supposée « incontinence normative ». Je voudrais que vous m’indiquiez précisément dans quels domaines l’imposition de normes supplémentaires aurait donné lieu à une surtransposition. À ce propos, je vous signale qu’une procédure d’enregistrement des installations classées, notamment porcines, a été mise en place ; ce mécanisme, qui n’avait jamais existé, fonctionne notamment en Bretagne.

Concernant la réduction des délais de recours contentieux prévue par la loi Macron afin de permettre aux agriculteurs de mener à bien leur projet sans être menacés d’une éventuelle action en justice, sachez qu’elle a été mise en place.

J’en viens au travail engagé avec les professionnels, annoncé hier par la Commission européenne, sur l’importante question posée notamment en Bretagne par l’azote total, l’azote organique. Pour la première fois, je vous le rappelle, sur les neufs bassins bretons concernés, cinq sont sortis de ce contentieux. Cette réalité montre que nous avançons pour améliorer les conditions de la production tout en tenant les deux bouts de la chaîne, l’économie et l’environnement.

Madame la sénatrice, vous avez parlé du bien-être animal.

Sachez que, sur cette thématique précise, la France a toujours pris le parti de ne pas ajouter constamment de nouvelles normes. Vous avez évoqué en particulier les viandes de France, pour lesquelles les consommateurs attendent que l’on réponde à leurs demandes en termes de bien-être animal. À défaut, nous risquerions de perdre l’excellence de nos filières. Les agriculteurs français ont d’ailleurs été particulièrement efficaces pour mettre en œuvre ces mesures à l’échelle de notre pays.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Par conséquent, madame la sénatrice, ne faites pas de faux procès sur ces sujets. L’agriculture française est un acteur économique majeur de la France, et elle le restera ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Bailly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, même si elle aurait aussi pu être adressée à M. le ministre de l’économie.

Monsieur le ministre de l’agriculture, étant donné la situation dramatique des éleveurs due en partie au niveau des ventes de leurs produits, je souhaite vous interroger sur les accords conclus entre les grandes et moyennes surfaces, ou GMS, à savoir, d’une part, Auchan et Système U et, d’autre part, Casino et Intermarché. Il convient d’y ajouter l’alliance annoncée le 5 juin dernier entre le groupe Leclerc et le géant allemand de la distribution Rewe, qui réaliseront ensemble près de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ces accords semblent ne pas être refusés par l’Autorité de la concurrence, et pourtant ces centrales d’achats totalisent plus de 90 % du marché de nos productions alimentaires...

Dans le même temps, l’Autorité de la concurrence inflige une amende de 15,2 millions d’euros à vingt et un abatteurs de volailles pour entente !

On peut donc se poser la question : n’y a-t-il pas deux poids, deux mesures (Sans doute ! sur les travées du groupe Les Républicains.), d’autant que cette condamnation fait suite à deux autres, encore plus élevées : une de 195 millions d’euros pour les fabricants de yaourts et une autre de 242 millions d’euros concernant le secteur de la meunerie ?

Je suis profondément inquiet, car le fait de persister dans cette voie des prix bas conduit inévitablement nos entreprises de transformation de l’agroalimentaire à fermer leurs portes ; malheureusement, le résultat est déjà là, puisque ces entreprises ont perdu 44 000 emplois en dix ans.

Nous le savons, ce sont les très fortes pressions sur les prix exercées par les GMS sur les entreprises de transformation lors du référencement qui conduisent ces dernières, n’ayant plus le choix, à exercer à leur tour d’aussi fortes pressions sur les producteurs. En résulte le très fort malaise actuel de nos élevages. Or à l’évidence, avec ces accords entre les quatre principales centrales d’achat, ce phénomène risque de s’accentuer encore davantage.

M. Alain Fouché. C’est scandaleux !

M. Gérard Bailly. Face à cette détresse du monde agricole, nous aimerions connaître l’avis des pouvoirs publics sur les regroupements entre Auchan et Système U, et Casino et Intermarché. Nous voudrions savoir si ces accords ont fait l’objet de contestation ou de refus, et, à défaut, comprendre pourquoi l’Autorité de la concurrence fait preuve de tant de sévérité envers un secteur, celui de la production, et de si peu envers un autre, alors même que les volumes en cause, vous le savez, sont infiniment moindres que ceux des GMS regroupées !

Enfin, monsieur le ministre, nous vous serions reconnaissants de nous faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette course incessante aux prix bas, qui fragilise nos entreprises de transformations alimentaires et nos producteurs,…