Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en quatre minutes, mon intervention ne peut relever que du témoignage… Je n’évoquerai donc que deux points : la fraude documentaire et les crédits dédiés aux cultes.

En ce qui concerne la fraude documentaire, la mission est dotée de 19 millions d’euros supplémentaires au titre de la lutte contre le terrorisme. C’est très bien !

Le programme de communication électronique des données de l’état civil, dit COMEDEC, est relatif à la lutte contre la fraude documentaire. Là aussi, c’est très bien, car, récemment, des problèmes ont été mis au jour sur ces questions.

Néanmoins, la France a signé, il y a déjà quatre ans, une convention de coopération dans le domaine de la sécurité avec la Turquie. Or elle dort dans les tiroirs de Mme Guigou, à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Il serait grand temps que cette convention soit ratifiée ! Cela nous aiderait vraiment, car, en Turquie, il y a un trafic de vrais-faux passeports, ou plus exactement de faux-vrais passeports, qui contribuent à laisser passer sur notre territoire des gens qui disposent d’un passeport valide. Ces documents sont purement et simplement pris sur des soldats syriens morts au combat, dont l’état civil n’est pas à jour.

Ce n’est pas la peine de lutter contre la fraude documentaire dans notre pays si nous ne sommes pas capables de le faire à la source. Je vous encourage donc chaudement, madame la secrétaire d’État, à demander à Mme Guigou de bien vouloir exhumer cette convention, dont je suis rapporteur et que le Sénat attend depuis tout ce temps. En cette période, je pourrais dire que je l’attends comme les enfants attendent Noël !

Le second problème que je souhaite évoquer se rattache à l’action n° 6 du programme 232, qui concerne notamment le culte.

Nous faisons face à un problème de financement et de statut pour les imams et les aumôniers, ce qui cause d’importants soucis, sans compter la question du financement des associations ou officines qui s’occupent de déradicalisation et d’encadrement des familles. À cet égard, j’ai déposé un amendement, dont nous discuterons tout à l’heure, visant à mieux encadrer ces associations et permettre de contrôler la validité de leur travail. Je suis extrêmement inquiète en ce qui concerne l’encadrement offert aux familles, tant des victimes que des jeunes gens radicalisés.

Enfin, je suis absolument hostile à la formation des imams et des aumôniers à l’extérieur du territoire national. Lors de la commission d’enquête sur les filières djihadistes que j’ai eu l’honneur de présider au Sénat, on nous a expliqué que nous disposions de moyens suffisants pour assurer cette formation sans violer la loi de 1905. Je n’ai malheureusement pas le temps de vous l’expliquer complètement, mais il suffirait, en gros, de rendre un peu plus transparent le circuit de la viande halal, qui est réparti entre trois mosquées et pour lequel il y a une opacité complète. Il faudrait alors négocier un prélèvement avec le Conseil français du culte musulman, de façon à ce que la communauté prenne en charge elle-même la formation des imams et des aumôniers. C’est le directeur de l’institut de formation qui nous a fait cette déclaration lors de son audition par la commission d’enquête sénatoriale. L’idée ne vient donc pas de moi !

Aujourd’hui, tout le monde tâtonne pour savoir quoi faire avec l’islam en France ou l’islam de France. Il est grand temps de régler ce problème !

En tout cas, sachez que je suis absolument opposée à ce que les imams et aumôniers soient formés en dehors du territoire national, comme cela est par exemple prévu dans une convention qui vient d’être signée avec le Maroc. Il faut un « islam de France », qui connaisse nos principes, notre exception de laïcité, nos règles et nos cultures. Les imams et aumôniers doivent également parler correctement le français. Cela permettra à celles et ceux qui appartiennent à la communauté musulmane, qui est composée à 99,9 % de parfaits citoyens ayant totalement leur place dans notre République, de ne pas être stigmatisés à cause d’une poignée de radicalisés, dont je vous rappelle que plus de 30 % sont des convertis.

Ce sujet, comme celui des préfectures, est beaucoup trop sérieux pour que les sénateurs et les rapporteurs puissent les traiter dans le temps vraiment insuffisant qui leur est imparti ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je me limiterai, par la force des choses, à deux sujets : la réorganisation des services de l’État à la suite du redécoupage des régions et la gestion du corps préfectoral, thème que j’avais déjà abordé l’année dernière.

Tout d’abord, la réorganisation des services de l’État, qui pour l’essentiel devrait être achevée à la fin de cette année.

Première remarque : cette réorganisation des services régionaux de l’État s’est faite – par force – dans l’ignorance de la future organisation des services des conseils régionaux issus des élections prochaines. Reste à espérer que les deux organisations coïncideront toujours et partout.

Deuxième remarque : dans le but louable de réduire l’effet des pertes symboliques et économiques des capitales des régions qui disparaissent, ainsi que les aigreurs qui vont avec, le Gouvernement n’a pas fait le choix de regrouper l’ensemble des services au nouveau chef-lieu, ce qui aurait pourtant été l’occasion de réaliser les fameuses économies d’échelle dont on nous parle tant. À la place, il a décidé, d’une part, de maintenir un tiers des directions dans d’anciens chefs-lieux et, d’autre part, de regrouper les fonctions de programmation stratégique de chaque direction sur le site d’implantation principal, tout en organisant le reste sur plusieurs autres implantations spécialisées ou susceptibles d’intervenir sur plusieurs départements.

Cette organisation « multisites » me laisse un peu rêveur… Je vous donne un exemple : un courrier adressé à l’antenne bordelaise de la DRAAF, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, installée à Limoges, sera d’abord transmis à Poitiers si son traitement relève des fonctionnaires spécialisés qui y sont affectés, puis retourné à Bordeaux pour validation, avant transmission à Limoges pour signature du directeur. Pour qu’un tel système fonctionne, il est prévu une « véritable révolution culturelle », selon les termes du Gouvernement.

M. André Gattolin. C’est grâce au numérique !

M. Pierre-Yves Collombat. Cette réforme est « l’occasion de muter vers une administration 3.0 ». Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela veut dire, mais je souhaite en tout cas que cette mutation intervienne rapidement.

J’en viens maintenant au corps préfectoral et à sa gestion.

Malgré les apparences, à savoir l’abandon de la tentation de remplacer le corps des préfets par un cadre d’emploi fonctionnel, la suppression de la position hors cadre et la création des préfets conseillers du Gouvernement, on retrouve peu d’évolution quant à l’affirmation de ce qui devrait être, selon moi, l’essence de ce corps : le lien avec les territoires, leurs problèmes, ceux qui y vivent et les font vivre.

Aujourd’hui, on peut être nommé et titularisé préfet sans jamais avoir exercé de responsabilité territoriale ; il suffit que le Prince en décide.

Le fond du problème est non pas de savoir si la fonction confiée à ces préfets est utile ou non, car elle l’est généralement, mais de pouvoir mener une carrière de préfet sans lien avec le territoire. Ainsi, dans les trois mois précédant la suppression de la position hors cadre, ont été nommés préfets « chargés d’une mission de service public » : le chef de cabinet et un conseiller spécial du Président de la République, le chef de cabinet du Premier ministre et le directeur du Service d’information du Gouvernement, connu, paraît-il, pour être proche du Premier ministre. Le deuxième personnage du cabinet du Premier ministre a, quant à lui, été titularisé en tant que préfet en début d’année.

En revanche, sur les quatorze nouveaux préfets nommés depuis le début de l’année, seuls cinq sont des sous-préfets, alors qu’ils devraient être, à mon sens, les plus nombreux. Il en résulte que, au 1er octobre 2015, la moitié des préfets n’a pas d’affectation territoriale.

Ma conclusion est qu’en matière d’adéquation des talents aux besoins territoriaux de la « République irréprochable », on devrait pouvoir faire mieux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe CRC et du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les défis auxquels la République est aujourd’hui confrontée concernent l’ensemble de notre territoire. Dans ce contexte, les représentants et les agents de l’État, en particulier sur le plan territorial, sont aux avant-postes pour apporter des réponses, pour affronter les menaces et protéger nos valeurs. C’est pourquoi le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, a tenu à ce que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » apporte un soutien sans faille à l’ensemble des agents qui se consacrent à ces missions, dans un contexte de réforme territoriale, de mouvements migratoires historiques, de lutte contre le terrorisme et les idéologies meurtrières.

Le projet de loi de finances vise à donner à ces services les moyens durables d’assurer leurs missions. Parallèlement, le Gouvernement a engagé une réforme structurelle majeure des missions des préfectures et des sous-préfectures dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, qui a été annoncé par Bernard Cazeneuve le 9 juin dernier. Ce plan doit permettre aux services de mettre en œuvre des réformes touchant le quotidien de nos concitoyens, c’est-à-dire non seulement la gestion des crises, des catastrophes naturelles, mais également la réforme du permis de conduire et des taxis.

L’amendement que le Gouvernement vous soumettra, qui s’inscrit dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République, vise, quant à lui, à amplifier le renforcement de missions cruciales exercées par les services dans la lutte contre le terrorisme.

Sur le plan des effectifs, le projet de loi de finances et cet amendement constituent une inflexion majeure. Pour la première fois depuis 2006, il est prévu de récréer des postes dans le réseau territorial. À l’échelle de l’ensemble du territoire, si vous adoptez l’amendement du Gouvernement, les créations de postes nettes s’élèveront à 15, ce qui correspond à un renversement de tendance après une incessante réduction des effectifs depuis des années. Ainsi, il a été supprimé 3 700 effectifs depuis 2009, soit l’équivalent de douze à treize préfectures de taille moyenne. Ce mouvement avait déjà été freiné dans les précédents budgets, la réduction des effectifs ayant été limitée à 180 dans le projet de loi de finances pour 2015.

Cette inflexion s’est traduite en premier lieu par l’annonce le 9 juin dernier d’une réforme structurelle du réseau territorial au travers du plan Préfectures nouvelle génération. Ce plan vise à adapter de façon structurelle et durable les missions du réseau en matière de production et de délivrance des titres.

L’objectif de ce plan est de renforcer quatre points essentiels, qui sont autant de préoccupations importantes : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; les sécurités et la gestion locale des crises ; l’animation interministérielle des politiques locales, en particulier l’ingénierie territoriale pour permettre à l’État de se redéployer afin d’accompagner les projets des élus locaux, des chefs d’entreprise, des responsables associatifs, au plus près des besoins.

Cette réforme va s’appuyer sur l’innovation technologique, sur l’innovation dans la gestion des ressources humaines, puisqu’il y aura à la clé un travail important de formation et de réadaptation des personnels aux nouvelles tâches enrichies qui leur seront proposées, et sur les plateformes interdépartementales, qui seront consacrées à ces titres. J’ajoute que toutes ces réformes ont été discutées largement dans le cadre d’un dialogue social approfondi.

À travers cette réforme structurelle, il y aura une action au service des usagers. Il est en effet très important de répondre aux besoins de proximité qui se font sentir partout sur le territoire, notamment dans les zones rurales. C’est dans ce cadre que le ministre de l’intérieur a obtenu que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » soit renforcée, y compris récemment avec la mise en place du plan antiterroriste annoncé par le Premier ministre au début de l’année ou avec le plan de prise en charge des réfugiés datant du mois de juin.

Ainsi, le plan antiterroriste prévoit la création de postes au sein de la direction des systèmes d’information et de communication. Monsieur Gattolin, vous qui souhaitiez que nous insistions sur ce point, vous serez donc satisfait par la création de 33 emplois supplémentaires dès cette année et l’attention portée sur ces systèmes d’information, dont vous avez signalé le rôle et la nécessité.

De la même façon, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques a accueilli 5 agents supplémentaires, chargés de la gestion des nouvelles procédures d’interdiction d’entrée et de sortie du territoire prévues par la loi relative au renseignement.

En outre, dans le cadre du plan de prise en charge des réfugiés, les préfectures bénéficieront de 30 équivalents temps plein supplémentaires et la direction générale des étrangers en France recevra 10 renforts.

Enfin, le ministre de l’intérieur a souhaité que le pacte de sécurité annoncé par le Président de la République le 16 novembre dernier devant le Congrès soit l’occasion de renforcer, au sein des préfectures, les services chargés de la lutte contre la radicalisation – madame Goulet, il me semble que vous avez satisfaction sur ce point –, contre la fraude documentaire, le contrôle des armes et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Au total, nous aurons 370 postes de plus affectés dans le réseau territorial en deux ans, dont 185 dès 2016, et 95 agents de plus affectés dans les services centraux en deux ans, dont 67 dès 2016.

Pour marquer la reconnaissance du Gouvernement à l’égard des personnels de l’administration générale et territoriale de l’État et les soutenir dans l’exercice de leurs missions, le Gouvernement a mis fin à l’inégalité de traitement qui existait entre les personnels du ministère de l’intérieur et ceux des directions départementales interministérielles s’agissant du régime de rémunération des astreintes. Ces astreintes ont été revalorisées pour l’ensemble des personnels du ministère par arrêté du 3 novembre 2015.

Par ailleurs, vous le savez, le Premier ministre a confirmé qu’il mettrait en œuvre des mesures transversales au bénéfice de l’ensemble des personnels de la fonction publique, au terme de la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations.

Pour permettre aux agents de remplir leurs missions, le ministre a également souhaité un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement. Le projet de loi de finances prévoit d’ores et déjà que les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » seront portés à 611,5 millions d’euros, soit une progression de 1,4 %. Cela va permettre d’améliorer les conditions de travail des personnels avec, par exemple, le regroupement de sept services dans l’immeuble neuf « Le Garance » situé dans le XXe arrondissement de Paris, ou encore avec la modernisation du centre de formation de Lognes.

Enfin, le pacte de sécurité voulu par le Président de la République se traduit par un renforcement substantiel des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement de l’administration générale et territoriale de l’État. L’amendement que je vais vous présenter tend à prévoir un supplément de crédits de 11,5 millions d’euros dès 2016 pour amplifier le plan de modernisation des systèmes d’information et de communication – monsieur Gattolin, encore une fois, nous répondons à vos préoccupations –, ainsi que la sécurisation des sites du ministère.

En conclusion, je dirai que la volonté du ministre de l’intérieur, qui se manifeste dans cette mission, est bien de renforcer les services de l’État, sur le plan territorial comme sur le plan central, tant leur rôle est crucial pour protéger les valeurs de la République et de moderniser la présence de l’État dans les territoires.

Pour répondre à une question de M. le rapporteur spécial concernant les implantations de sous-préfectures, je précise qu’il est toujours prévu d’arriver au terme de cette réforme au 1er janvier 2017. M. le ministre de l’intérieur souhaite toutefois l’intégrer dans le schéma global que j’ai décrit précédemment, avec plus de proximité et le déploiement de nouveaux services à l’échelon infra-départemental. Il souhaite non pas un plan de suppression de sous-préfectures, mais le redéploiement des services de l’État au travers des sous-préfectures, des maisons de l’État, mais aussi des maisons de services au public, en relation avec les acteurs du territoire, pour mieux répondre aux collectivités et à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

Administration générale et territoriale de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l’État

2 523 373 307

2 534 048 990

Administration territoriale

1 649 733 571

1 640 483 815

Dont titre 2

1 461 415 727

1 461 415 727

Vie politique, cultuelle et associative

99 024 970

98 944 970

Dont titre 2

25 632 000

25 632 000

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

774 614 766

794 620 205

Dont titre 2

479 572 162

479 572 162

Mme la présidente. L'amendement n° II-252, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territoriale

dont titre 2

4 909 900

4 483 475

4 909 900

4 483 475

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

13 404 983

2 330 548

13 404 983

2 330 548

TOTAL

18 314 883

18 314 883

SOLDE

+ 18 314 883

+ 18 314 883

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cet amendement a pour objet de créer 252 postes, pour un montant de 6,8 millions d’euros : 185 ETP au profit du programme « Administration territoriale » et 67 ETP au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

Par ailleurs, hors dépenses de personnel, il est demandé l’ouverture de 11,5 millions d’euros en autorisations de paiement et crédits de paiement répartis comme suit : 400 000 euros au profit du programme « Administration territoriale », pour permettre de couvrir les coûts de fonctionnement courants associés à la création de 185 postes, et 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », pour couvrir le renforcement des systèmes d’information et la sécurisation des sites de l’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous venez de nous apporter, lesquelles sont confirmées par l’amendement que vous présentez.

Comme cet amendement apporte une évidente réponse aux préoccupations exprimées par bon nombre des orateurs et des membres de notre commission, j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. On ne peut qu’être d’accord avec cet amendement, dont l’objet est d’améliorer les crédits. Il n’en demeure pas moins que cette proposition reste largement insuffisante pour assurer la présence de la République sur l’ensemble du territoire en termes de services et de sécurité. C’est aussi une question de symbole : les préfets, les sous-préfets, les personnels et les services qui accompagnent le corps préfectoral représentent l’État !

On peut me dire tout ce qu’on voudra, il n’est pas acceptable, surtout au moment où notre pays vit une situation très difficile, de voir les services de l’État se dégarnir ! Il n’est pas acceptable d’assister à cet abandon des territoires !

Tous les prêchi-prêcha sur les valeurs de la République ne serviront à rien si on ne montre pas comment doit vraiment fonctionner la République : la promotion par le talent et la connaissance, et non par les connaissances…

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Cet amendement du Gouvernement est de bon aloi, car il répond à une préoccupation que j’exprime depuis de nombreuses années : renforcer la cybersécurité des sites publics.

Je vois qu’une grande partie des sommes engagées seront affectées au renforcement des systèmes d’information et de communication participant à la lutte antiterroriste et à la sécurisation des sites de l’administration centrale du ministère de l’intérieur. Cela s’impose absolument, car si les sites des ministères sont déjà assez bien protégés, l’importance des enjeux aiguise la nécessité d’améliorer le dispositif de protection.

Reste que la lecture des différentes missions budgétaires m’est toujours source de quelque étonnement, car certains éléments pourraient être regroupés. Je pense, par exemple, à la mission « Direction de l’action du Gouvernement », qui englobe le budget de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, laquelle participe au gros effort fait en matière de sécurité informatique des sites ministériels.

L’indispensable protection de l’ensemble des opérateurs de l’État représente un chantier extrêmement long. Si cet amendement du Gouvernement, qui tend à renforcer les moyens, va nécessairement dans le bon sens, je crois que l’État n’y arrivera pas seul. La coopération entre le secteur public et le secteur privé, notamment avec certaines de nos sociétés informatiques et nos start-up les plus performantes, doit donc être renforcée. Il existe aujourd'hui en France tout un noyau d’entreprises, dont certaines, loin d’être exclusivement animées par l’intérêt de s’enrichir ou, pis, utilisatrices de méthodes peu déontologiques en matière d’information et d’intelligence informatique, font preuve d’un vrai sens citoyen. Nous devons, à mon avis, mobiliser toutes les énergies et renforcer la coopération avec ces opérateurs privés volontaires, aujourd'hui très motivés et mobilisés pour défendre la société française et la République.

Il serait bon, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres missions, d’améliorer la visibilité, car les crédits affectés à la sécurité informatique sont ventilés sur différentes missions. Nous n’avons là qu’une partie de l’investissement fait par l’État en matière de sécurité informatique des administrations.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Nous soutiendrons cet amendement, qui apporte 18 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du pacte de sécurité – c’est mieux que rien !

Je rejoins les points de vue exprimés par le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis de la commission des lois. Il est important de réaffirmer nettement la présence de l’État dans nos départements respectifs, car les élus, comme la population, sont très attachés au maillage de notre territoire, aux préfectures, aux sous-préfectures.

Les élus locaux se sentent de plus en plus isolés. Ce sont souvent les sous-préfets qui reçoivent les élus de base que nous sommes. Mais, il faut également le dire, les moyens humains se réduisent au fil du temps dans les sous-préfectures et les horaires d’ouverture sont de plus en plus étroits.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Notre groupe votera cet amendement, car il permet d’ouvrir 18 millions d'euros de crédits et de rétablir 252 postes.

Cela étant, ces moyens, qui ne sont rétablis que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, sont exclusivement consacrés à la sécurité de notre pays. Or les missions de l’administration territoriale dépassent largement les tâches uniquement sécuritaires. Cet amendement apporte la démonstration que nous pouvons sortir du carcan austéritaire du pacte de stabilité. Si on peut le faire dans ce domaine, j’espère que l’on pourra le faire dans d’autres ! En outre, ces 252 postes ne suffisent pas à rétablir les 297 postes qui ont été supprimés. Le solde reste donc négatif.

Pour notre part, nous considérons que les moyens actuellement alloués à l’administration territoriale de l’État restent très insuffisants, surtout quand on voit la grande misère dont souffrent aujourd'hui nos préfectures et sous-préfectures. L’appareil de l’État sur les territoires est très loin de pouvoir remplir les missions qui devraient être les siennes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-252.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-278, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territoriale

dont titre 2 

Vie politique, cultuelle et associative

dont titre 2 

150 000

150 000

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

dont titre 2

150 000

150 000

TOTAL

150 000

150 000

150 000

150 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Si je reviens à la charge, c’est parce que la prévention de la radicalisation est pour moi une préoccupation constante depuis que j’ai présidé la commission d’enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Je pense aussi au désarroi des familles et des victimes.

Madame la secrétaire d'État, je sais très bien que les outils de déradicalisation sont nouveaux. Il faut donc former les formateurs. Or, si on les forme mal, qu’ils interviennent au sein de l’éducation nationale, des services sociaux ou auprès des maires, vous n’aurez pas le personnel nécessaire pour signaler la radicalisation et encore moins pour la traiter.

Je souhaite vivement que vous puissiez évaluer les personnes qui sont actuellement sur le terrain en charge de cette déradicalisation. Un certain nombre d’effets d’aubaine bénéficient à l’évidence aux associations qui ont joué un rôle précurseur sur le terrain – en tout cas en titre, sinon en compétence. Si vous n’endiguez pas le problème à la source, ce n’est pas la peine de faire des frappes en Syrie, car les réseaux de Daech sur notre territoire continueront d’être alimentés. Je vous assure que des gens comme Mourad Benchellali ou Latifa Ibn Ziaten, récente lauréate du prix de la Fondation Chirac, nous expriment chaque jour leur isolement, leur manque d’outils, l’absence de coopération et de moyens pour travailler sur les questions de déradicalisation.

Je le sais, des appels d’offres ont été lancés par le ministère de l’intérieur. Je demande, par ce petit « ripage » de 150 000 euros, de disposer d’un outil de vérification. À défaut d’évaluation, nous avons des doutes absolus sur l’efficacité des mesures que vous mettez en place et qui sont pourtant absolument nécessaires pour endiguer ce fléau de plus de 7 500 radicalisés signalés à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste. Ce n’est pas la peine que tout le monde fasse ce travail et que l’UCLAT tienne les comptes des signalements qui augmentent chaque mois si l’on ne peut pas évaluer les moyens mis à son service !