Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Administration générale et territoriale de l'Etat

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

790 852 872

790 122 875

Immigration et asile

696 233 414

695 649 332

Intégration et accès à la nationalité française

94 619 458

94 473 543

Mme la présidente. L'amendement n° II-255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

12 825 590

 

12 825 590

 

Intégration et accès à la nationalité française

941 755

 

941 755

 

TOTAL

13 767 345

 

13 767 345

 

SOLDE

+ 13 767 345

+ 13 767 345

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. À la suite des attentats, dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République devant le Congrès, le Gouvernement a souhaité accélérer l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays. Ce renforcement se traduit par une série de mesures, dont la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017 au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. J’ai proposé à la commission de s’abstenir sur cet amendement, ce qu’a fait la majorité de droite. Néanmoins, comme les sénateurs de gauche l’ont approuvé, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Cet amendement ne pose pas de problème sur le fond : après tout, madame la secrétaire d'État, si vous voulez ajouter 14 millions d’euros supplémentaires, je les prends ! Mais la difficulté vient du fait que ces crédits ne correspondent pas à ce que nous attendons. Je n’irai pas plus avant, car, comme je l’ai déjà dit, les crédits de la mission sont sous-budgétés dans un certain nombre de domaines. Aucune réévaluation n’a été faite pour tenir compte de la crise migratoire et de l’arrivée probablement plus massive de demandeurs d’asile en 2016 et 2017.

Nous aurions pu accepter cet amendement, mais, en réalité, il ne change pas l’équilibre budgétaire de la mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suivrai l’avis du rapporteur spécial. Abonder cette mission est une bonne nouvelle – nous n’allons évidemment pas refuser ces crédits supplémentaires que nous réclamions –, mais la sous-budgétisation systématique et l’absence de fléchage nous conduiront à nous abstenir.

Je précise néanmoins que cette mission est absolument essentielle dans la lutte contre la radicalisation. Il conviendrait de travailler sur le lien citoyen, en renforçant tout ce qui permet l’intégration, et sur la rupture du lien sociétal – je vous rappelle que, parmi les personnes radicalisées, figurent plus de 30 % de convertis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. L’amendement du Gouvernement s’inscrit dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre dernier. Les crédits ajoutés au profit du programme « Immigration et asile » sont, selon le Gouvernement, justifiés par le « renforcement des systèmes d’information et [...] la sécurisation des frontières ».

Si l’on peut bien sûr comprendre que l’accroissement de la menace terroriste nécessite davantage de contrôle des flux migratoires, les écologistes s’interrogent toutefois sur l’affectation exclusive de ces nouveaux fonds aux problématiques sécuritaires. En effet, le Conseil d’État vient de condamner définitivement l’État à rendre plus dignes les conditions de vie des migrants dans la « jungle » de Calais. Il s’agissait là, depuis longtemps, d’une urgence humanitaire. C’est désormais pour l’État une urgence judiciaire. Pouvez-vous donc nous préciser, madame la secrétaire d'État, par le biais de quels crédits l’État va répondre à cette autre urgence et, ainsi, se conformer à la décision du Conseil d’État ?

Par ailleurs, permettez-moi de vous demander une précision sémantique. Dans l’objet de son amendement, le Gouvernement évoque « les moyens nécessaires à l’armement des hotspots en Italie et en Grèce ». Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « armement » ?

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Monsieur Karoutchi, nous ne partageons pas votre réticence. Vous demandez 100 millions d’euros supplémentaires pour ce budget. Mais je ne crois pas que les 13 millions d’euros dont il est question dans cet amendement aient à voir avec les 100 millions d’euros que vous avez en tête. Comme il est indiqué dans l’objet de l’amendement, cette somme va servir à aider à la mise en place et au fonctionnement des hotspots. Aujourd’hui, quatre hotspots fonctionnent en Italie et trois en Grèce. C’est évidemment très largement insuffisant. Il est normal que la France ou l’Allemagne aident l’Italie et, surtout, la Grèce à mettre sur pied des centres qui sont essentiels au contrôle de la politique de migration. Il est tout à fait dans l’intérêt de notre pays d’aller en ce sens.

Je ne développerai pas davantage mon propos. Il est question dans cet amendement de créer quelques postes supplémentaires, ce qui est finalement assez modeste. Or si tous les pays de l’Union européenne s’y mettaient, nous parviendrions à mettre en place un maillage significatif de centres d’accueil. Pour ces raisons, nous voterons l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Bien entendu, je suivrai la position de mon groupe sur cet amendement, mais je souhaite indiquer en complément que ces 13 millions d’euros, qui serviront en particulier au renforcement du contrôle et à la sécurisation des frontières, ne remplaceront en rien l’efficacité que permettrait une meilleure coopération européenne. C'est d’ailleurs ce qu’a en partie obtenu le ministre de l’intérieur lors du dernier conseil des ministres de l’Union européenne consacré à ce sujet, et qui était indispensable. Nous pensons au PNR, à une sécurisation et à un meilleur contrôle des frontières de l’espace Schengen.

Ces questions restent prioritaires. Ne faisons pas croire aux Français que, en sécurisant mieux nos propres frontières sans coopération européenne, nous réussirons à sécuriser notre pays. C’est tout le contraire !

Il faut pallier les manques de l’Union européenne et répondre à l’urgence, mais la priorité et la solution passent par une meilleure coopération européenne. L’Union doit comprendre qu’elle doit changer de point de vue en matière de contrôle des entrées et sorties de l’espace Schengen.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La France, qui est corédactrice de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, a une longue tradition et une grande expérience en matière d’accueil. Il faut d’ailleurs saluer l’attitude des Français qui se mobilisent, dans un mouvement désintéressé, pour accueillir les hommes et les femmes victimes, dans leur pays, de conflits ou de méfaits abominables.

Notre groupe éprouve une réserve vis-à-vis de cet amendement, dont nous craignons qu’il tende à modifier le rôle de l’OFPRA pour en faire l’auxiliaire d’une politique de sélection des réfugiés politiques. Ce n’est pas un choix que nous soutenons ; au contraire, nous pensons qu’il faudrait augmenter ses moyens pour accueillir ces personnes dans de bonnes conditions. Aussi, au risque de dénoter, voterons-nous contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-255.

Mme Esther Benbassa. Je m’abstiens !

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les crédits.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Administration générale et territoriale de l’État

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Hervé Marseille, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’administration préfectorale s’est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de transformation profonde de son organisation et de ses missions, mouvement qui se poursuivra et s’amplifiera en 2016.

La réforme de la carte territoriale se traduira par une réduction du nombre de préfectures de région – qui passeront, en France métropolitaine, de vingt-deux à treize – et par le regroupement de certains services au sein des futurs chefs-lieux de région. Il existe encore de nombreuses incertitudes quant aux modalités pratiques de cette réorganisation et à ses conséquences budgétaires.

Une autre inconnue existe : celle de la révision de la carte des sous-préfectures, qui devait être réalisée par vagues successives. Or le travail de concertation qui devait être mené dans cinq régions en 2015 a été interrompu et ne devrait reprendre qu’après les élections régionales. Madame la secrétaire d’État, nous avons besoin de visibilité sur ce point ; pouvez-vous nous dire quel sera le calendrier de cette réforme ?

Lors de l’examen des crédits de cette mission par la commission des finances, l’importance du maintien de la présence infra-départementale de l’État dans les territoires ruraux et urbains a été soulignée de manière unanime. Dans une période où le besoin d’État s’exprime avec force, cette présence est essentielle pour les collectivités comme pour les citoyens.

Les missions des préfectures aussi continueront d’évoluer, dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération présenté le 9 juin 2015. Ce plan prévoit de poursuivre le retrait des préfectures des missions de guichet pour la délivrance de titres tels que les certificats d’immatriculation des véhicules ou les permis de conduire. Cela sera rendu possible par le recours à des tiers de confiance et à des procédures dématérialisées ainsi que par la création de plateformes régionales d’instruction des demandes de titres. Cette réduction des activités de guichet doit permettre de renforcer quatre missions identifiées comme prioritaires, dont la sécurité et l’ordre public.

À la suite des attentats du 13 novembre dernier et du renforcement annoncé des moyens de lutte contre le terrorisme, vous proposez, madame la secrétaire d’État, de créer 185 postes dans l’administration préfectorale pour renforcer les missions de lutte contre la radicalisation et contre la fraude documentaire. Néanmoins, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 200 postes l’année prochaine ; il y aura donc quand même une réduction nette d’effectifs. Je m’interroge par conséquent sur la capacité des préfectures à répondre à l’urgence de la situation. J’imagine que les postes créés ne viendront pas remplacer exactement ceux qui seront supprimés ; avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

Par ailleurs, les crédits dédiés au financement des élections connaissent une baisse importante en raison de l’absence d’élections générales en 2016. J’ai présenté récemment à la commission des finances les conclusions du contrôle budgétaire que j’ai mené sur le coût de l’organisation des élections. J’ai fait plusieurs propositions, dont l’expérimentation de la dématérialisation de la propagande électorale pour l’élection présidentielle de 2017. Une telle expérimentation permettrait de faire des économies sans remettre en cause la bonne tenue des scrutins. La commission reste en revanche attachée à l’envoi de la propagande électorale sous format papier pour les élections locales, par nature moins médiatisées.

Il paraît également urgent de revoir le système d’inscription sur les listes électorales, source de nombreux dysfonctionnements et d’incohérences, et de faire aboutir le projet de dématérialisation totale des demandes de vote par procuration.

Enfin, je constate que les dépenses des fonctions support du ministère de l’intérieur devaient baisser en 2016, à périmètre constant, grâce notamment à la poursuite des réductions d’effectifs. Là encore, vous proposez de limiter cette baisse en finançant la création de 67 postes et en allouant 11 millions d’euros supplémentaires à des mesures de sécurisation des systèmes d’information et de communication. Peut-être pourriez-vous, là aussi, madame la secrétaire d’État, nous apporter des précisions nécessaires sur la façon dont ces crédits seront employés.

Sous réserve des précisions que vous nous apporterez, la commission des finances a proposé d’adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Marc applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour l’administration territoriale. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vouloir porter en trois minutes un jugement argumenté et nuancé sur une mission chère – ô combien ! – aux élus locaux que nous représentons – une mission qui, je le rappelle, retrace l’ensemble des actions du ministère de l’intérieur pour garantir la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire, détaille les moyens financiers et humains directement ou indirectement consacrés à ces objectifs et, enfin, décline les moyens destinés à garantir l’exercice du droit de vote et d’association ainsi que la liberté religieuse – serait une plaisanterie. Les plaisanteries les meilleures étant les plus courtes, le rapporteur pour avis que je suis se contentera de rapporter les conclusions de la commission des lois…

Considérant la nouvelle baisse des crédits et des moyens et considérant que les évolutions, ou l’absence d’évolution, dans des domaines aussi importants que la révolution permanente des services qu’évoquait notre collègue Hervé Marseille, la nouvelle organisation régionale ou la gestion du corps préfectoral posaient plus d’interrogations que de certitudes, la commission des lois a émis un avis négatif sur les crédits de cette mission. Pour les détails, je vous renvoie à mon rapport écrit sur lequel l’intervention qu’il me sera donné de faire, au titre du RDSE, me permettra de revenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. André Gattolin et Philippe Kaltenbach applaudissent également.)

Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faire des économies sur les dépenses publiques est devenu le leitmotiv de nos débats budgétaires. Nous sommes placés sous les injonctions permanentes de la Cour des comptes et sous le regard sourcilleux de la Commission européenne, qui veille au respect de ses exigences. S’il s’agissait de combattre des gaspillages, tout le monde s’en réjouirait, et nous les premiers ; mais, en réalité, c’est l’organisation même de l’État et des services rendus qui est affectée.

Cette mission budgétaire relative à l’administration territoriale de l’État en est l’illustration. De la révision générale des politiques publiques aux schémas d’emploi des politiques de modernisation de l’action publique, la saignée a été constante. Ce sont donc des services affaiblis par les réformes précédentes et non encore stabilisés qui doivent aujourd’hui faire face à quatre chantiers simultanés qui affecteront leurs missions et leur fonctionnement.

Le premier concerne bien entendu les collectivités territoriales. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et celle portant nouvelle organisation territoriale de la République remanient profondément les missions des collectivités territoriales. Elles modifient, de ce fait, les relations entre les administrations déconcentrées de l’État et les collectivités territoriales ou leurs établissements publics.

Le deuxième grand chantier concerne le regroupement régional, qui affecte directement et au premier chef, bien sûr, les services des préfectures régionales, mais aussi les services des départements amenés à changer de rattachement régional. Ce changement de périmètre fait disparaître des préfectures régionales ou bouleverse l’organisation et les missions de leurs directions. Il casse les équipes de travail, les circuits décisionnels et de contrôle, et il contraint le personnel à une mobilité géographique et fonctionnelle souvent de grande ampleur. À cet égard, les tenants de la disparition du statut des fonctionnaires devraient réfléchir à ce que serait la conduite de tels projets si ceux-ci devaient se faire dans le cadre de la législation sociale des entreprises privées. En effet, il n’est pas sûr que, en respectant le code du travail, de telles transformations pourraient se faire dans les délais imposés.

Par ailleurs, ces deux réformes, que l’on pourrait considérer comme liées à des impératifs externes, se doublent de deux réformes internes. Néanmoins, toutes doivent être mises en œuvre de façon concomitante. En effet, la réforme de la carte des sous-préfectures – troisième chantier – se poursuit en s’étendant à de nouveaux territoires. En outre, elle devra s’inscrire dans le développement des maisons de l’État et des maisons de services au public, à partir d’un diagnostic partagé que les préfectures départementales devront conduire avec les conseils départementaux.

Enfin, tout cela devra se faire dans le cadre du quatrième chantier : le plan gouvernemental dit « Préfectures nouvelle génération », destiné à optimiser les services à la population.

Je ne suis pas sûr que le budget de cette mission soit à la hauteur de tous ces objectifs très ambitieux et, malgré tout, souvent discutables. Le rapport souligne d’ailleurs que, à périmètre constant, les crédits diminuent de 1,7 % et que les effectifs baissent de 297 équivalents temps plein. Aussi, malgré l’amendement du Gouvernement, notre groupe ne votera pas ce budget.

Qu’il me soit permis, en conclusion, de regretter que de telles réformes des services préfectoraux se mettent en place sans que le Sénat ait eu réellement à en débattre. Certes, ces réformes ne relèvent pas du domaine législatif, mais elles auront de tels impacts dans les territoires qu’il est déplorable que la Haute Assemblée n’en ait jamais été vraiment saisie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord très brièvement les moyens alloués au programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Cela a déjà été dit, il n’y a pas d’élection en 2016, ces crédits subissent donc une baisse importante – 77 % – mais complètement justifiée. Cette pause que nous connaîtrons en 2016 pourrait être mise à profit pour conduire une réflexion sur la manière de mieux organiser nos élections, afin de favoriser la participation et la mobilisation des citoyens.

Pour ce qui concerne la propagande électorale, je reste favorable à l’envoi de documents imprimés pour toutes les élections, mais d’autres questions restent en suspens, comme l’envoi de la carte électorale, les conditions d’établissement des procurations, le système d’inscription sur les listes, voire un jour peut-être le vote obligatoire... Tout cela est devant nous !

Concernant le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », l’augmentation des crédits tient, pour une bonne part, à des mesures de transfert, puisque les personnels de la sécurité routière et des services déconcentrés du ministère de l’écologie dépendront désormais du ministère de l’intérieur. Toutefois, cette augmentation de crédits trouve aussi son explication dans la mise en œuvre du plan de lutte contre le terrorisme. En effet, ces crédits sont principalement affectés à la sécurisation des réseaux et des télécommunications du ministère de l’intérieur et à l’amélioration des capacités opérationnelles de gestion de crise des préfectures.

Au total, plus de 19 millions d’euros sont prévus en 2016 dans cette mission budgétaire pour financer le plan de lutte contre le terrorisme. En outre, à la suite des événements récents, de nouveaux moyens supplémentaires vont venir renforcer ceux déjà mobilisés pour lutter contre le terrorisme. C’est l’objet de l’amendement déposé par le Gouvernement, dont nous débattrons tout à l’heure. Dès 2016, 67 postes supplémentaires vont être affectés au développement et au renforcement de l’ensemble des systèmes d’information et de communication participant à la lutte antiterroriste, au renforcement des effectifs chargés d’améliorer le contrôle et la traçabilité des armes, ainsi qu’aux services juridiques.

Cette mobilisation de moyens nouveaux bénéficiera également au dernier programme de cette mission, « Administration territoriale », puisque 185 postes seront dédiés au soutien des préfectures dans l’accomplissement de leurs missions en lien avec le terrorisme, en particulier dans le contrôle des armes, la prévention de la radicalisation – sujet cher à notre collègue Mme Goulet – ou encore la lutte contre la fraude documentaire. C’est aussi dans ce programme que s’opère une profonde réforme structurelle, dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération. Elle passe par la mise en place de plateformes régionales, interrégionales et nationales des titres, qui permettront de mutualiser un certain nombre de fonctions dans le domaine des cartes d’identité, des passeports, des permis de conduire ou encore des cartes grises.

Cette rationalisation, induite également par une numérisation croissante des services, permettra des transferts de personnel de bureau vers le terrain, tout en satisfaisant dans le même temps aux efforts budgétaires demandés par le redressement de nos comptes publics. Ce mouvement s’accompagnera d’une recentralisation des préfectures sur leur cœur de métier, à savoir l’ingénierie, la lutte contre la fraude, le contrôle de légalité et, en amont, l’accompagnement juridique des collectivités territoriales.

Cette réforme conduira en outre à une refonte de la carte des sous-préfectures. Elles seront supprimées là où les évolutions sociologiques et démographiques le justifient, quand d’autres seront créées, là où le besoin de présence de l’État se fait plus fort.

Mme Nathalie Goulet. C’est l’effet Matthieu !

M. Philippe Kaltenbach. Par ailleurs, les maisons de l’État pourront se substituer à des sous-préfectures, avec un élargissement du périmètre d’intervention et des compétences interministérielles que les sous-préfectures n’avaient pas jusqu’alors.

Enfin, dans le cadre des schémas départementaux d’accessibilités des services au public, ce sont 1 000 maisons de services au public qui seront créées.

Vous le constatez, mes chers collègues, toutes ces mesures visent à renforcer le maillage des services publics territoriaux et à garantir la proximité.

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas sûr !

M. Philippe Kaltenbach. Nos concitoyens y sont très attachés, ainsi que l’ensemble des sénateurs.

À noter également que, dans le cadre de ces mutations, une attention particulière est portée à la gestion des ressources humaines. En effet, toutes ces évolutions peuvent être de nature à susciter des inquiétudes chez les agents concernés. L’accent sera donc mis sur la formation et la mobilité fonctionnelle pour éviter de recourir à la mobilité géographique.

L’entrée en vigueur de la nouvelle carte des régions, le 1er janvier prochain, induira une nouvelle répartition des administrations régionales de l’État entre les anciennes capitales régionales et les nouvelles, qui auront un périmètre élargi. Il faudra bien sûr tenir compte des spécificités territoriales et économiques des régions avant la fusion, ainsi que des blocs de compétences.

Vous le voyez, mes chers collègues, ce budget prépare l’avenir, en renforçant l’efficacité des services territoriaux de l’État pour une meilleure efficacité et une gestion plus rigoureuse des moyens. Nous le savons, l’État a moins de moyens, et il doit réorganiser ses services, utiliser le numérique, se décharger de missions qui peuvent être faites par d’autres, comme les cartes grises ou les cartes d’identité, et se concentrer sur le cœur de métier de ses services, en particulier le soutien aux collectivités.

Il faut également garantir un maillage suffisamment dense pour ne pas rompre le lien avec la population. Tel est l’objectif des maisons de services publics.

On le voit, l’État se réorganise et se réforme. Bien évidemment, le groupe socialiste soutiendra l’adoption des crédits de cette mission et votera l’amendement présenté par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de cette mission est au cœur de l’actualité. Il est en effet impacté par la poursuite du plan de lutte contre le terrorisme et par la modification de la carte des régions.

En matière de sécurité intérieure, je profite des efforts qui vont être menés en matière de sécurisation des réseaux du ministère de l’intérieur pour insister, à nouveau, sur la nécessité de renforcer la protection des sites internet des préfectures. Je rappelle que, durant l’été 2011, une dizaine de sites de préfecture ont fait l’objet d’attaques informatiques. Leurs conséquences ont été relativement limitées, mais, avec le développement de l’e-administration, que seront-elles demain, si ce type d’attaques venait à se reproduire ?

Concernant la refonte de la carte des régions, cette réforme était nécessaire, mais les conditions de son application laissent encore à désirer. À moins d’une semaine du premier tour des élections régionales, bien des effets concrets de ce redécoupage sont encore mal connus. Dans ce cadre assez nouveau, le rôle des préfets sera très important, surtout dans les régions qui pourraient être dirigées par des élus ayant, le cas échéant, une conception de l’égalité des citoyens devant la loi des plus restrictives.

Mais il y a aussi d’importantes réflexions à mener sur le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative ».

En 2015, le budget consacré à l’organisation des élections s’est élevé à 361 millions d’euros, une somme importante, mais indispensable au bon fonctionnement de notre vie démocratique.

Vouloir diminuer ce budget en dématérialisant la propagande électorale, comme le propose le rapporteur spécial Hervé Marseille dans un récent rapport, c’est à mon sens faire peu de cas de la fracture numérique qui perdure dans notre pays. Il n’y a pas seulement un problème d’équipement et de sécurisation des données personnelles ; il y a aussi un problème d’accès équitable à l’information et à la propagande électorale. En cas de dématérialisation, il faudra aller chercher l’information dans la jungle d’internet – c’est ce qu’on appelle, en informatique, la logique du « pull » –, là où nous sommes jusqu’à présent dans l’envoi universel et égalitaire du matériel électoral au domicile de chaque électeur – ce qu’on appelle, toujours dans le discours informatique, la logique du « push ».

Une fois de plus, si nous suivons les recommandations du rapporteur spécial, nous risquons fort d’éloigner un peu plus le citoyen de l’engagement électoral. Les Français ne déserteront plus les urnes, seulement par rancœur, mais aussi par manque croissant d’information.

En revanche, les écologistes sont favorables à une vraie réforme du financement public des partis. Comme vous le savez, une fraction importante de ce soutien est calculée sur la base du nombre de voix obtenues au premier tour des élections législatives. Or ce critère de calcul est très discutable et même profondément injuste, car il n’intègre pas les résultats des élections intermédiaires, celles qui se déroulent entre deux élections législatives. Paradoxalement, plus l’abstention est forte, plus l’État y trouve son compte en faisant des économies.

Je conclurai mon propos en rappelant que l’abstention aux législatives a progressé de plus de 20 points en trente ans et que l’inversion du calendrier électoral a accru la bipolarisation des votes, et donc la diminution du financement public dévolu aux petites et moyennes formations politiques, qui font aussi la richesse de notre vie démocratique. (MM. Pierre-Yves Collombat et François Marc applaudissent.)