M. Alain Milon, corapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues rapporteurs, mes chers collègues, au cours de la discussion générale, la commission a déjà eu l’occasion de relever les nombreux sujets de désaccord ou d’opposition entre nos deux assemblées.

Je les récapitule brièvement : le paquet neutre et l’interdiction des arômes, qui vont au-delà de la directive européenne ; les conditions d’expérimentation des salles de consommation à moindre risque ; l’organisation des soins primaires ; l’obligation de négocier sur les installations en zones sous-denses et sur-denses lors du renouvellement de la convention médicale – un texte qui semblait pourtant accepté par les médecins et leurs syndicats ; l’organisation de la permanence des soins ; la généralisation du tiers payant. Sur ce dernier point, Mme Génisson parlait de position idéologique. Ce qualificatif s’applique-t-il à ceux qui y sont favorables ou à ceux qui y sont défavorables ? Jusqu’à présent, le tiers payant n’était pas généralisé, et tout le monde a dit, même à cette tribune, que nous avions la meilleure médecine du monde !

Citons également les missions de service public dans les établissements de santé ; la suppression de la participation des élus au comité stratégique des groupements hospitaliers de territoire, un manque de respect dû aux élus qui rappelle la volonté exprimée par certains de supprimer le Sénat ; la suppression de la mention « niveau master » pour l’exercice en pratique avancée des professions paramédicales, à l’inverse des préconisations d’un rapport sénatorial particulièrement remarqué à l’époque ; le consentement présumé au don d’organes, en dépit, Gilbert Barbier l’a dit, de la loi de bioéthique ; les cinq articles d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, dont le Sénat avait restreint le champ.

En première lecture, nous avons pris le temps de discuter longuement du projet de loi. Je vous rappelle nos vingt réunions de commission et les deux semaines de débats en séance publique.

Au cours de cette nouvelle lecture, quand bien même nous chercherions à formuler de nouvelles propositions, comme on nous l’a demandé, l’Assemblée nationale ne sera pas en mesure d’en tenir compte. Car, même si nous discutions du texte, le Gouvernement a prévu moins de quarante-huit heures entre l’adoption éventuelle du projet de loi par le Sénat et son adoption définitive par l’Assemblée nationale.

Dans ces conditions, il serait matériellement impossible aux députés de prendre connaissance de nos débats et éventuellement – mais le souhaiteraient-ils seulement ? – de prendre en compte nos travaux. L’Assemblée nationale rétablira donc purement et simplement son texte, comme le prévoit d'ailleurs la Constitution.

Nous avons mené aussi loin que possible le travail d’élaboration en commun de ce texte en adoptant conformes de nombreuses dispositions. Notre opposition s’est voulue responsable et constructive.

Cependant, face à l’absence de volonté de compromis manifestée par l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur les questions importantes qui restent en navette, une réponse nette s’impose : le rejet de ce texte. L’article 44 de notre règlement dispose que l’objet de la question préalable est « de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».

La commission des affaires sociales s’est déjà opposée à l’ensemble du texte adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et elle invite le Sénat, à son tour, à marquer son opposition en adoptant la question préalable qu’elle vous soumet.

Pour répondre à une remarque qui nous a été faite, j’ajoute que le scrutin public est utilisé ce soir, comme il a déjà été utilisé régulièrement, c’est-à-dire dans le respect du règlement,…

Mme Catherine Génisson. Ce soir, ce mode de scrutin est obligatoire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Alain Milon, corapporteur. … par toutes les majorités sénatoriales, pour les mêmes raisons d’ailleurs que celles que l’opposition avance ce soir.

En outre, ce scrutin va permettre aux citoyens, en particulier aux médecins, de savoir qui aura voté ce texte. Cela me paraît très important. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, contre la motion.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, il est toujours regrettable de se placer dans une situation de renoncement, particulièrement de la part de notre Haute Assemblée, dont la réalité et la visibilité des travaux ne sont pas toujours bien perçues. C’est la première raison de désapprouver cette motion de procédure, qui marque le refus de poursuivre le débat.

S’il votait la question préalable, le Sénat affirmerait sa préférence pour la communication plutôt que pour le travail de fond, car ce vote laisserait l’image, contraire à la réalité, d’une désapprobation de l’ensemble du texte et effacerait ainsi la contribution importante de nos travaux à ce projet de loi.

À l’issue de la première lecture, la majorité sénatoriale a en effet adopté ou supprimé conformes près de 78 articles. Elle a également enrichi d’autres dispositions, dont elle a approuvé le principe, s’agissant, par exemple, de la santé environnementale, du renforcement de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque. Je salue la position de nos rapporteurs à cet égard. Il en va de même de plusieurs mesures de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisation excessive des jeunes.

L’apport de ces travaux est loin d’avoir été inutile, puisque, en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté conformes 51 articles dans la rédaction du Sénat, dont le renforcement de la transparence des liens d’intérêts des professionnels de santé lors de leurs activités d’enseignement, l’accès des médecins en établissement au dossier pharmaceutique du patient, le droit à l’oubli au bout de cinq ans pour ceux qui ont été malades avant dix-huit ans et au bout de dix ans pour les autres.

Nos débats ont donc été productifs et positifs sur un grand nombre de points, contredisant absolument le rejet préalable et sans débat qui nous est aujourd’hui proposé.

Est-ce ce message, qui ne correspond pas à la réalité, que vous souhaitez faire entendre à nos concitoyens ? Lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, nous avons entendu un député qualifier notre système de santé de « catastrophique », alors même que venait d’être rendu hommage au dévouement de tous les professionnels de santé et à l’efficacité de notre organisation dans les évènements abominables que nous avons connus.

La nature de nos débats est bien sûr différente ; c’est notamment pourquoi le Sénat et le bicamérisme sont indispensables à l’équilibre de l’expression démocratique. Si là-bas, plus qu’ici, la communication l’emporte sur le fond, il est important, je vous le dis avec beaucoup de sincérité et une extrême conviction, de ne pas balayer d’une question préalable l’exactitude de nos travaux au profit d’un cliché.

La confiance est, plus que jamais, nécessaire, notre système de protection sociale la mérite, nous l’avons tous réaffirmé à cette tribune, et le dernier rapport de l’OCDE en atteste également.

Il ne s’agit pas pour autant de méconnaître la complexité de notre système de protection sociale, ses imperfections, les difficultés des réformes face à des corporatismes persistants. Nos points de divergence, qui n’ont pas permis l’accord en commission mixte paritaire, révèlent également la réalité de nos différences de conception, s’agissant, particulièrement, du service public hospitalier, que ce projet rétablit.

Là encore, pourtant, la raison essentielle de rejet, la contestation de la généralisation du tiers payant en ville, inscrite au début des motifs de cette question préalable et dont il a été fait la cause essentielle de mobilisation contre l’ensemble de ce projet de modernisation de notre système de santé, n’est pas conforme aux faits.

La réalité est que la généralisation du tiers payant est l’aboutissement d’un mouvement irréversible engagé depuis plus de vingt ans par la loi, mais aussi par la convention médicale. La réalité est que les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes fonctionnent en tiers payant, comme 77 % des gastro-entérologues, 92 % des radiologues et 98 % des laboratoires de biologie. Comment expliquer que les généralistes, qui sont en première ligne pour l’accès aux soins, le refusent ?

Fort heureusement, aussi, la réalité est qu’un grand nombre de ces médecins généralistes appliquent déjà le tiers payant, comme en témoigne le collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins, le COMEGAS, constitué par certains d’entre eux en 2007, ce qui met à mal l’argument d’une déresponsabilisation des patients.

La réalité est que cette généralisation s’impose comme une double évidence, parce qu’elle correspond aux systèmes que connaissent les pays développés, qui fonctionnent tous, à quelques exceptions près, en tiers payant, à l’inverse du système d’avance de frais ou de tiers garant quasiment exclusif à la France, et parce qu’elle permet de lever la contrainte financière qui retarde les soins ou empêche encore nombre de nos concitoyens de se soigner.

La réalité, enfin, est que le tiers payant n’est pas inflationniste par lui-même, mais facteur de diminution des inégalités d’accès aux soins et qu’il constitue un mode de paiement socialement équitable. Je vous renvoie sur ce point au rapport de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, que vous connaissez.

Les difficultés de mise en œuvre sont aussi réelles, Catherine Génisson l’a rappelé tout à l’heure et nul ne conteste. Les ruptures de droits peuvent entraîner des refus de remboursement du médecin : la protection universelle maladie créée par la loi de financement de la sécurité sociale doit justement permettre de supprimer ces périodes de rupture liées à des changements de situation. Le texte issu de la navette comporte en outre des garanties de délai et de paiement.

En tout état de cause, il nous appartient de poursuivre notre réflexion et nos efforts pour les résoudre au mieux dans l’intérêt des patients et des praticiens, car tous, je viens de le montrer, y trouvent leur compte.

La réalité est que le tract distribué par certains syndicats de médecins sur les conséquences qu’aurait la généralisation du tiers payant est excessif, inexact et presque caricatural. Telle est l’attitude que je ne souhaite pas voir le Sénat adopter, alors que, aujourd’hui, sept Français sur dix approuvent la généralisation du tiers payant, soit dix points de plus en six mois.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre la question préalable.

Après le deuxième tour des élections régionales hier, dont les résultats ne doivent pas masquer la réalité du séisme du premier tour, que ce soit pour une sensibilité politique ou pour une autre, permettez-moi d’ajouter en guise de conclusion que ne pas poursuivre ce débat aujourd’hui, sur un sujet aussi important que la santé pour notre pays et pour nos concitoyens, me donne un sentiment de malaise.

Nos échanges en commission et les différentes interventions à cette tribune ont montré que, sur nombre de sujets, qui sont pour certains très importants, pour d’autres des points de détail, il y avait matière à échanger, à discuter, à nous opposer, certes, mais en faisant progresser le débat. Car ce dernier est bien le seul moteur de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne surprendra personne que, au nom du Gouvernement, j’exprime mon regret devant la présentation de cette motion tendant à opposer la question préalable.

J’ai été très attentive aux explications apportées par les uns et les autres, notamment par le président Alain Milon. Sur le fond, il m’apparaît aujourd’hui, comme lors de la première lecture de ce texte, que de nombreux points de convergence ont été trouvés et que d’autres pourraient l’être à l’occasion d’un débat plus fourni.

Par-delà les discours que certains tiennent de manière très ferme, et d’autres un peu moins, je voudrais souligner que les points de désaccord sont au fond très peu nombreux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mais ils sont majeurs !

Mme Marisol Touraine, ministre. Tout le monde le reconnaît en effet, l’organisation de notre système de santé doit évoluer ; l’hospitalo-centrisme, qui a fait la force du système français, est aujourd’hui ce qui fait sa fragilité ; le virage ambulatoire dont nous parlons avec d’autres termes depuis des années et des années doit enfin entrer dans les faits ; enfin, la lutte contre les inégalités de santé, que celles-ci soient liées à l’insuffisance de la prévention ou à l’inégalité de la présence médicale dans nos territoires, doit être menée de manière volontariste et déterminée, pas simplement au travers de déclarations de principes, mais par la mise en œuvre de mesures concrètes.

Les débats que nous avons menés, en particulier au Sénat au mois de septembre dernier, ont montré que la volonté de construire était très partagée. Les points de désaccords, je le répète, sont peu nombreux, et ils l’auraient peut-être été encore moins dans les jours qui viennent, maintenant que certaines échéances sont passées et que les postures des uns, comme celles des autres, d’ailleurs, n’ont plus de raison d’être.

J’exprime donc le regret que nous ne puissions poursuivre cette discussion, tout en reconnaissant le caractère constructif et serein des débats qui sont intervenus au cours de la première lecture de ce texte au Sénat. Je suis convaincue que, au Sénat comme ailleurs, la volonté de construire l’emportera dès lors que la loi sera votée.

Nous devons saisir l’occasion d’adapter notre système de santé aux attentes des Français, aux exigences des professionnels et à la réalité des défis auxquels nous sommes confrontés. Ceux-ci sont à la fois démocratiques, avec la démocratie sanitaire, et technologiques, car les nouvelles technologies vont bouleverser, bien plus que certains ne l’imaginent, l’exercice quotidien de la médecine et des autres professions médicales.

Je souhaite donc que nous ayons la possibilité de poursuivre ensemble le travail engagé, tout en exprimant mon regret que ce moment ne puisse venir dès aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. « Nous arrivons au terme d’un long processus, trop long pour certains, qui nous laisse dans la bouche un goût un peu amer » : ce ne sont pas mes propos, mais les vôtres, madame la ministre, que vous aviez tenus quand, en 2008, vous défendiez une motion sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ». (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Nous pouvons aujourd’hui les reprendre mot pour mot, tant nous sommes déçus que le travail abattu sur ces travées ait trouvé si peu d’échos et que de nombreux dispositifs votés dans cet hémicycle aient été détricotés, avec votre assentiment, par l’Assemblée nationale.

Il y a là une différence majeure avec le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement que nous venons d’examiner avec Mme Rossignol. Nous avons pu voter le texte de la commission mixte paritaire comme un seul homme, à l’unanimité, parce qu’un travail a été mené en bonne intelligence et que chacun a pu ainsi s’y retrouver.

Parmi les sujets dont nous déplorons qu’ils aient disparu de la copie sénatoriale à l’occasion de l’examen de ce texte en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, il y a d’abord le dispositif qui avait été imaginé pour rendre obligatoire la participation des professionnels aux négociations qui vont s’ouvrir cette année sur le conventionnement pour les installations en zones sous-denses et sur-denses. Au-delà des mesures prévues par votre plan qui ont été inscrites dans le projet de loi, le texte ne prévoit ainsi rien de nouveau, aucun dispositif supplémentaire, et c’est bien dommage, car nous apportions sur ce sujet une réponse complémentaire.

Il y a ensuite le tiers payant généralisé, qui contribuera à mon avis, comme à l’époque les trente-cinq heures, à changer les mentalités, mais hélas pas dans le bon sens, alors qu’un certain nombre de populations précaires sont d’ores et déjà éligibles au tiers payant.

J’ai enfin une pensée pour les préposés de l’administration que sont les buralistes, avec lesquels le Gouvernement n’a malheureusement pas pu engager le dialogue, alors qu’ils représentent l’administration sur nos territoires, à l’occasion de la mise en place de ce paquet neutre. Nous avons combattu ce dernier, et une majorité très large – de 218 voix contre 16 – me semble-t-il, s’était exprimée dans cet hémicycle.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains adoptera cette motion préalable, rejetant effectivement un texte désormais déséquilibré. Nous appelons également nos collègues députés soit à rejeter le texte, soit à adopter un certain nombre d’amendements de suppression des dispositifs qui nous paraissent les plus nuisibles, parmi lesquels le tiers payant généralisé et le paquet neutre.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, je ne comprends pas bien votre position, car je pensais que vous seriez tout à fait favorable à cette question préalable de rejet. (Sourires sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) En effet, si vous aviez eu recours à une procédure normale, comme cela a été fait pour le texte examiné tout à l'heure, les deux navettes, une éventuelle commission mixte paritaire et une dernière lecture nous auraient effectivement permis d’affiner un certain nombre d’articles.

Au fond, le Sénat vous rend service. Admettons que nous adoptions aujourd’hui 400, 500 ou 600 amendements, comme ce fut le cas lors de la première lecture de ce texte, et qu’ils ne soient pas repris par l’Assemblée nationale, comme ce fut aussi le cas. Comment dans une telle situation aurait-on pu organiser le débat, étant donné que vous avez programmé pour le 17 décembre prochain la dernière lecture de ce texte par l’Assemblée nationale ?

La question préalable que nous posons aujourd’hui va dans le même sens que la procédure accélérée que vous avez engagée. Puisque vous en avez décidé ainsi, l’Assemblée nationale aura le dernier mot, mais, comme je l’ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale, ce sont surtout les patients qui en souffriront.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans reprendre les différents points évoqués par ma collègue Laurence Cohen dans son intervention générale, je voudrais préciser que si nous ne nous faisions aucune illusion sur l’adoption de nos amendements, nous aurions voulu a minima porter dans cet hémicycle la voix de celles et de ceux qui nous ont interpellés et rappeler nos propositions de substitution pour la modernisation de notre système de santé.

Parmi nos regrets figurent les amendements tendant à rendre obligatoire l’estimation du coût du désamiantage en France. Le Sénat avait d’ailleurs adopté lors de la première lecture de ce texte un amendement ayant pour objet la mise en place d’une plate-forme internet pour informer le public des risques. Nous regrettons fortement que cette mesure ait été supprimée par l’Assemblée nationale.

Nous souhaitions également revenir sur l’article 42 bis, particulièrement dangereux pour l’éthique que nous défendons et pour l’équilibre financier de l’Établissement français du sang. Madame la ministre, vous avez réintroduit la possibilité de modifier les attributions de l’Établissement français du sang par ordonnance, sans que le législateur soit consulté, notamment sur les schémas d’organisation de la transfusion sanguine. Nous sommes en total désaccord avec vous sur ce procédé.

Par ailleurs, nous souhaitons que les conflits d’intérêts soient combattus avec plus de détermination et que les groupes de pression en tous genres ne soient pas suivis. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, celui des risques encourus du fait des perturbateurs endocriniens, nous sommes opposés à l’instauration d’un seuil de tolérance pour les jouets contenant du bisphénol A. Nous avions ainsi prévu un amendement visant à l’interdiction pure et simple du bisphénol A dans les jouets.

Enfin, il faut que l’État puisse jouer un rôle déterminant en matière de politique du médicament. C’est pourquoi nous aurions souhaité que cette loi permette la création d’un pôle public du médicament, afin d’assurer aux patients un accès au traitement, une maîtrise publique qui prenne le pas sur la logique de rentabilité financière développée par les laboratoires pharmaceutiques.

Vous le voyez, les mesures que le groupe CRC préconise, rappelées tout au long des débats, sont à l’opposé du fondement de cette question préalable, sur la question des objectifs comme sur celle des moyens. C’est pourquoi le groupe CRC votera contre sans hésitation, tout en réaffirmant aussi à l’égard du Gouvernement son opposition aux restrictions et contraintes budgétaires qui sont imposées dans ce projet de loi à notre système de santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Comme mon collègue Gilbert Barbier, je regrette que la procédure accélérée ait été engagée et que nous n’ayons pu débattre plus longuement.

En revanche, contrairement à Gilbert Barbier, je ne voterai pas la question préalable. Sans évoquer le fond, sur la forme je suis opposé par principe à la politique de la chaise vide. J’aurais souhaité que la discussion continue et que le Sénat affirme sa position, même si l’Assemblée nationale ne lui aurait peut-être pas donné satisfaction.

Madame la ministre, si la question préalable n’est pas adoptée, je présenterai un amendement visant à la suppression du paquet neutre. Or, si la question est posée, je ne pourrai pas le défendre et mon amendement partira en fumée ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je remercie les corapporteurs d’avoir déposé cette question préalable votée par la commission. Ils ont exprimé très clairement les raisons qui les ont motivés.

Certains ont déploré le mépris du travail du Sénat. Ce texte a en effet connu un sort très différent de celui que nous venons d’étudier en séance publique, sur lequel un véritable travail parlementaire a pu être mené, avec une navette complète qui a permis d’aboutir à un compromis.

Je regrette profondément que, sur un texte aussi important, comme sur d’autres qui le sont tout autant d'ailleurs, le Gouvernement nous fasse dorénavant voter en urgence. Cette absence de dialogue, qu’il organise, est en train de fabriquer non pas la meilleure, mais la plus mauvaise médecine libérale du monde, compte tenu du piètre fonctionnement du Parlement et de l’insuffisante analyse apportée par celui-ci.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Suivant la proposition du président de la commission des affaires sociales, le groupe UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable, et ce pour plusieurs raisons.

Nous avons très fortement ressenti un refus très net du dialogue, un autisme avéré, lors de la réunion de la commission mixte paritaire : aucun dialogue n’a été possible. Comme l’a souligné notre collègue Catherine Procaccia, aucune entente n’a été possible sur le travail que nous avons réalisé ici au Sénat. Je déplore cet état de fait, et cela me frustre quelque peu.

En effet, même si nous ne partagions pas tous les mêmes idées et si je n’adhérais pas à toutes les propositions de Mme la ministre, j’ai pris beaucoup de plaisir à discuter. Toutefois, quand le débat n’est plus possible, à quoi bon disserter ?

Ensuite, je veux répondre à mon collègue Yves Daudigny. Les résultats des élections régionales nous appellent tous, il est vrai, à prendre en considération la demande des Français. Néanmoins, que nous demandent-ils en matière de santé ? Les personnes que je rencontre dans mon département s’inquiètent des déserts médicaux. Ce projet de loi répond-il à cette question ? Non, je ne le pense pas. Aussi, je ne sais pas de quelle manière je vais pouvoir résoudre cette difficulté, qui angoisse toutes les familles.

Mme Élisabeth Doineau. Aujourd'hui, peut-on se faire soigner partout en France ? J’ai beau chercher dans ce texte, aucune disposition, je le répète, n’est de nature à remédier à ce problème.

Par ailleurs, le rêve des uns ne saurait être le cauchemar des autres. Pour ce qui concerne le paquet neutre, par exemple, pourquoi vouloir aller plus loin que la directive européenne ? Cette question est un véritable cauchemar pour les buralistes. Certes, quelques-uns d’entre eux seront peut-être sauvés, mais certains ne s’en sortiront pas. De plus, je ne suis pas sûre que cette mesure empêchera les jeunes d’acheter des cigarettes. Il convient de passer par une autre pédagogie.

Quant au tiers payant généralisé, il est appliqué par de nombreux médecins. Il suffit d’apporter les solutions techniques nécessaires pour que tous les autres médecins acceptent de le pratiquer. Dès lors, pourquoi se mettre aujourd'hui en porte à faux avec cette profession médicale, qui est véritablement fâchée et s’oppose à cette politique ? En France, on le voit bien, on oppose les uns aux autres. Or nous devons vraiment remettre en question nos pratiques et nos méthodes si nous voulons donner un sens à notre action politique.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de modernisation de notre système de santé en nouvelle lecture.

La parole est à Mme la ministre.