M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, nous le savons tous – et les Français nous l’ont encore rappelé dimanche soir –, il y a urgence, en particulier à mettre en œuvre la mobilisation républicaine sur le front de l’emploi.

Nous avons mis en place depuis 2012 des mesures structurelles : le pacte de responsabilité pour améliorer la compétitivité des entreprises et aider les TPE-PME, le CICE, la prime première embauche, les contrats aidés, la garantie jeunes, le renforcement de l’apprentissage. Sans attendre le plein effet de ces réformes, le Gouvernement mène la bataille pour l’emploi, mais il est clair que nous devons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. C’était le sens de l’intervention du Premier ministre hier soir.

Cela signifie qu’il faut, avant tout, former les demandeurs d’emploi, notamment ceux qui ne sont pas ou peu qualifiés. C’est un enjeu majeur, en termes non seulement de justice sociale, mais aussi de compétitivité de notre économie.

C'est l’objectif du plan massif de formation des demandeurs d’emploi que je prépare et que je présenterai au Premier ministre et au Président de la République en janvier. Ce plan concernera l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée, quel que soit leur âge. En effet, aujourd’hui, près de 2 millions de demandeurs d’emploi n’ont pas le niveau baccalauréat et près de 680 000 n’ont pas le niveau CAP.

La formation est également un impératif si l’on veut remédier au problème des emplois non pourvus, en particulier dans le secteur industriel.

Vous avez évoqué la proposition de loi de Laurent Grandguillaume sur les territoires zéro chômeur de longue durée. Il faut en effet pratiquer des expérimentations, et l’engagement financier de l’État sera au rendez-vous. Le Gouvernement est mobilisé sur l’emploi (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), sur l’apprentissage, mais il est essentiel que nous donnions des signes beaucoup plus forts et concrets, en phase avec la réalité vécue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

apprentissage et chômage

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Caroline Cayeux. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Nous avons atteint ce mois-ci le chiffre ahurissant de 5,7 millions de demandeurs d’emploi, dont 42 000 supplémentaires pour le seul mois de novembre.

Le chômage continue son inexorable progression, pour atteindre un taux inégalé à ce jour en France. Nous sommes le seul pays d’Europe à n’avoir pas créé d’emplois au cours des quatorze derniers mois.

Monsieur le Premier ministre, c’est clairement votre politique qui est en cause.

Pourquoi la France est-elle aujourd’hui le plus mauvais élève de la communauté européenne ?

M. Jean-Louis Carrère. Grâce à Sarkozy !

Mme Caroline Cayeux. Allez-vous enfin sortir de vos positions dogmatiques, qui nous éloignent tous les jours un peu plus du retour à la croissance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, dans quelle situation sommes-nous ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de création nette d’emplois.

En effet, après plusieurs années de destructions nettes d’emplois, on a enregistré, depuis un an, la création nette de 40 000 emplois. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) La reprise de l’activité économique, même timide, même graduelle, est une réalité.

Certains secteurs continuent à connaître des destructions nettes d’emplois : je pense à l’industrie et au bâtiment. L’élargissement du champ du prêt à taux zéro, à partir du 1er janvier 2016, permettra de relancer le bâtiment.

M. Didier Guillaume. Très bien ! Bonne mesure !

M. François Grosdidier. C’est vous qui l’avez anémié !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le secteur des services, l’emploi repart. Est-ce suffisant ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pensez-vous que j’attends tranquillement dans mon bureau que le taux de croissance atteigne 1,5 % ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Non ! Quand nous mettons en place un dispositif d’allégement de charges au bénéfice des particuliers employeurs, cela vise justement à permettre des créations d’emplois ! Comme je l’ai dit à l’instant, nous devons aller plus vite et plus fort ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Toutes les pistes sont explorées : nous travaillons à la réécriture du code du travail par le biais de la négociation collective, à la relance de l’apprentissage. Sur ce sujet, plusieurs présidents de région sont prêts à travailler avec nous. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis tout à fait ouverte aux propositions d’amélioration. Pour développer l’apprentissage, il faut, bien sûr, un front de tous les décideurs publics ; nous avons levé les freins, financiers et autres. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, couvrant la voix de l’oratrice.)

M. Dominique Bailly. Un peu de respect ! C’est lamentable !

M. Alain Bertrand. Laissez-la répondre !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous travaillons avec la ministre de l’éducation nationale sur la question de l’orientation scolaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Dans le cadre du pacte de responsabilité, certaines branches professionnelles ont pris des engagements en matière d’apprentissage et de création d’emplois.

M. Alain Fouché. On attend de voir !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut également qu’elles tiennent leurs engagements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.

Mme Caroline Cayeux. Madame la ministre, vous annoncez un plan massif de formation pour les chômeurs, vous annoncez que l’on va « mettre le paquet » sur l’apprentissage, mais comment voulez-vous que l’on vous croie ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En effet, l’une des premières décisions de François Hollande fut de baisser les crédits alloués à l’embauche des apprentis. Les résultats sont là : 297 000 contrats d’apprentissage en 2012, 265 000 en 2014 !

M. Alain Fouché. Elle a raison !

Mme Caroline Cayeux. Vous parlez de diminuer le coût du travail, mais vous avez multiplié les charges qui asphyxient les entreprises et vous avez matraqué fiscalement les employeurs. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

En réalité, vous jouez les pompiers pyromanes : vous allumez le feu puis, devant la colère des Français, vous essayez de l’éteindre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’emploi devait être la priorité du quinquennat. Vous avez sans doute tout essayé, comme l’a dit en son temps François Mitterrand, mais vous avez fait tout et son contraire, parce que vous n’avez ni cap ni vision ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

ruralité

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains.

Mme Vivette Lopez. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les élections qui viennent de se dérouler ont été une nouvelle occasion de constater la grande désespérance de la population des territoires oubliés de la République.

Pendant cette campagne, nous avons entendu le cri d’une France qui se sent exclue de votre politique. Votre gouvernement méprise ouvertement la ruralité, que vous semblez avoir reléguée au rang de catégorie sociologique appartenant au passé.

Pour la gauche, la ruralité, c’est un monde appelé à disparaître. Tout disparaît : les transports, les services publics, l’emploi, les écoles, les médecins, les commerces de proximité, tout ce qui compose le tissu social de cette France des terroirs auxquels nos compatriotes, qui en sont pour la plupart issus, sont viscéralement attachés.

Depuis des années, le Gouvernement déverse des sommes considérables dans les banlieues, en se détournant d’une ruralité qui échappe à l’idéologie qui vous habite : celle d’une France qui ne serait faite que de grandes métropoles, de grandes régions, dans lesquelles nos compatriotes ne se retrouvent plus.

Dernièrement, il a fallu que le Sénat réponde à votre indifférence au travers d’une proposition de loi prévoyant des mesures structurelles relatives à l’agriculture, que nous venons d’examiner.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin prendre conscience qu’il est urgent de renouer avec une politique intelligente d’aménagement du territoire, dimension que vous semblez avoir exclue de votre paysage mental ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, nous connaissons les craintes, les inquiétudes des habitants des territoires ruraux et périurbains. Avec le Premier ministre, nous n’avons pas attendu votre question pour nous en préoccuper. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais d’ailleurs vous rappeler votre bilan en la matière (Protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.) et le délaissement de ces territoires sous le quinquennat précédent.

À l’occasion des deux comités interministériels aux ruralités, nous avons proposé soixante-sept mesures extrêmement concrètes qui répondent précisément aux préoccupations que vous avez exprimées.

En ce qui concerne les services publics, nous avons accéléré la mise en place des maisons de services publics – il y en aura 1 000 d’ici à la fin de l’année prochaine –,…

M. Alain Fouché. Payées par les collectivités locales, pas par l’État !

Mme Sylvia Pinel, ministre. … installé des maisons de santé pluridisciplinaires dans les territoires déficitaires, lutté contre les déserts médicaux, créé des postes d’enseignant dans ces territoires, alors que vous en aviez supprimé de nombreux (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.), et permis le développement économique et l’aménagement du territoire avec le plan France Très Haut Débit.

Je pourrais continuer longtemps l’énumération des mesures que nous prenons. Madame la sénatrice, vous le voyez, le Gouvernement a une vision globale et transversale de l’aménagement de ces territoires. Contrairement à vous, nous n’opposons pas les territoires ruraux aux territoires urbains et aux banlieues,…

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Sylvia Pinel, ministre. … parce que nous avons besoin de tous les territoires pour construire une République forte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.

Mme Vivette Lopez. Madame la ministre, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour, vous le savez bien ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) J’aurais souhaité que vous vous tourniez vers l’avenir, plutôt que de parler du précédent quinquennat !

Votre gouvernement a abandonné les pôles d’excellence ruraux. Votre gouvernement a diminué les crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, réduits au montant dérisoire de 10 millions d’euros pour toute la France.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue ! (C'est fini ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Vivette Lopez. Vous avez totalement vidé de leur contenu les zones de revitalisation rurale, en les diminuant de moitié et en annonçant des réformes qui ne viennent jamais. (De nombreux sénateurs du groupe socialiste et républicain frappent sur leurs pupitres pour couvrir la voix de l’oratrice.) Tout nous prouve que la ruralité est une question que vous aimeriez oublier ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

stratégie nationale de la recherche

M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Michel Berson. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté hier à M. le Premier ministre la nouvelle stratégie nationale de recherche de la France, une stratégie qui revêt une double ambition.

La première ambition est de maintenir la place de notre pays parmi les cinq premières puissances mondiales en matière de recherche,…

M. Alain Gournac. Bon courage !

M. Michel Berson. … une place qui nous a valu, au cours des dix dernières années, huit prix Nobel et quatre médailles Fields.

La seconde ambition est de permettre à la recherche française de répondre non seulement aux défis permanents du progrès de la connaissance, mais aussi aux nouveaux défis scientifiques, technologiques, économiques, sociaux et environnementaux des décennies à venir.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, quatre enjeux doivent être traités en urgence.

Le premier enjeu tient à l’analyse scientifique et à la gestion politique du risque climatique, dans la perspective de l’application de l’accord universel pour le climat signé à Paris le 12 décembre dernier.

Le deuxième enjeu concerne l’explosion du volume des données numériques dans l’ensemble de la société comme dans toutes les sciences, qui représente un gisement exceptionnel de connaissances nouvelles et de croissance.

Le troisième enjeu a trait à la réévaluation de notre compréhension du vivant sous l’effet du développement de la biologie des systèmes ainsi que des thérapies innovantes –thérapie génique, médecine personnalisée ou prédictive.

M. François Grosdidier. C’est fini ! La question !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Michel Berson. Enfin, le quatrième enjeu réside dans l’importance de la connaissance des cultures et des hommes, c’est-à-dire, en d’autres termes, dans l’analyse du vivre ensemble, afin de mieux connaître les facteurs de l’intégration et, à l’inverse, de la radicalisation.

M. François Grosdidier. Le temps de parole est épuisé !

M. Alain Gournac. La question !

M. le président. Il faut conclure !

M. Michel Berson. Au regard de ces enjeux qui bouleversent notre société (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), quelle action le Gouvernement entend-il mener pour que les avancées de la recherche contribuent au redressement de notre économie et à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vais répondre à ce que j’ai pu entendre de votre question… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez raison de rappeler que, quelques heures après la conclusion de la COP 21, au succès de laquelle la recherche française a grandement contribué, tant en alertant depuis des années sur les risques du réchauffement climatique qu’en fournissant les premières solutions concrètes à celui-ci, Mme Najat Vallaud-Belkacem et moi-même avons remis hier à M. le Premier ministre la stratégie nationale de recherche prévue par la loi Fioraso du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cette stratégie répond à une double ambition : d’abord, permettre à la recherche française de relever tous les défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux des années à venir ; ensuite, l’aider à conserver sa première place en Europe et son rang parmi les principales puissances mondiales en matière de recherche.

Vous savez mieux que quiconque que cette stratégie a été précédée d’une grande concertation. Elle a surtout permis de réaffirmer quelques priorités.

Premièrement, à côté de l’effort en faveur de la recherche appliquée, nous souhaitons que la recherche fondamentale, qui constitue le socle des compétences et des connaissances, représente au moins 50 % des investissements publics dans les cinq années qui viennent. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Deuxièmement, nous entendons accentuer l’effort sur les sciences humaines et sociales – l’un des secteurs où les apports de la France à la science mondiale sont majeurs –, qui doivent accompagner les progrès technologiques afin de leur donner du sens et de l’efficacité.

Troisièmement, nous souhaitons décliner cette stratégie nationale au travers de tous les grands choix gouvernementaux au cours des années à venir : dans le programme d’action de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, pour l’année prochaine,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. … dans les programmes des investissements d’avenir – 10 milliards d’euros sont annoncés pour 2016, celui de 2015 comportant le lancement, dans quelques semaines, des laboratoires d’excellence pluridisciplinaires. Enfin, nous voulons renforcer l’articulation entre la recherche française et la recherche européenne, afin de conserver l’exigence de haute qualité qui caractérise les laboratoires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 14 janvier 2016, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

3

Consultation des assemblées délibérantes de collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

M. le président. En application des articles 74 et 77 de la Constitution et des dispositions organiques propres à chacune des collectivités d’outre-mer concernées et à la Nouvelle-Calédonie, j’ai demandé, par courriers en date du 11 décembre 2015, la consultation :

- du conseil territorial de Saint-Martin,

- du conseil territorial de Saint-Barthélemy,

- du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon,

- de l’assemblée de la Polynésie française,

- de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna,

- et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

sur la proposition de loi organique n° 226 (2015-2016), présentée par nos collègues Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Demande d’avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et pour l’application de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, M. le Premier ministre, par lettre en date du 5 décembre 2015, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d’administration de La Poste.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

5

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

Dans le débat, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 17 et 18 décembre est, une fois encore, placé sous le signe des urgences et des crises. Ce conseil sera donc particulièrement important, car l’Europe doit faire la preuve qu’elle est capable de s’élever à la hauteur des défis qui lui sont lancés par l’Histoire, et d’abord ceux de la lutte contre le terrorisme et de la réponse à la crise des réfugiés.

L’alternative est simple : soit une addition de réponses nationales non coordonnées, incohérentes et donc finalement inefficaces, qui feront exploser le projet européen, soit le choix d’une réponse collective, à la fois solidaire, responsable et crédible, c’est-à-dire le choix d’une véritable réponse européenne.

En somme, face à ces défis, soit l’Europe se resserre, soit l’Europe se défait.

Le premier sujet est donc celui de la crise migratoire et d’une réponse qui, tout en étant conforme à nos valeurs, permette aussi la fermeté, la responsabilité et la crédibilité, en particulier dans le contrôle de nos frontières extérieures communes. L’enjeu est désormais la mise en œuvre des décisions prises au cours des derniers mois.

Si le nombre de migrants arrivés en Europe via la Méditerranée a baissé de plus d’un tiers en novembre par rapport à octobre, le contexte reste toujours difficile.

La soutenabilité de l’espace Schengen comme de notre politique d’asile dépend de la mise en œuvre complète, urgente et concomitante des décisions prises ces derniers mois.

Il faut citer en particulier la répartition solidaire des réfugiés, la maîtrise des frontières extérieures de l’Union européenne, les centres d’accueil et d’enregistrement dans les pays de première entrée – les fameux hot spots –, le renforcement du mandat et des capacités de FRONTEX, la mise en œuvre d’une politique effective de retour pour ceux à qui n’est pas accordée la protection internationale, la lutte contre les passeurs et les trafiquants et, bien sûr, la coopération avec les pays d’origine et de transit.

Tous ces domaines forment un ensemble cohérent. Si un maillon de cette chaîne est faible, c’est l’ensemble du dispositif que se trouve fragilisé, c’est l’ensemble de l’Europe et sa crédibilité qui sont atteints.

Les outils dont nous nous sommes dotés doivent encore être complétés.

La Commission a adopté aujourd’hui même un « paquet frontières » qui inclut notamment une révision ciblée du code frontières Schengen pour permettre le contrôle systématique et coordonné de tous les voyageurs franchissant les frontières extérieures, y compris les ressortissants européens – Bernard Cazeneuve l’avait demandé lors des réunions du conseil Justice et affaires intérieures –, une révision du mandat de FRONTEX de manière à donner à l’Agence davantage d’autonomie opérationnelle et plus de compétences en matière de retours.

Trois points sont pour nous essentiels.

Premièrement, les contrôles aux frontières extérieures doivent être renforcés.

Deuxièmement, les procédures de contrôle lors du franchissement des frontières extérieures doivent être modernisées et automatisées, notamment dans le cadre du paquet « frontières intelligentes » que la Commission devrait présenter en début d’année prochaine.

Troisièmement, un véritable système européen de gardes-frontières doit être mis en place.

S’agissant de la Turquie, le Conseil européen sera l’occasion de vérifier la réalité de la diminution du flux, trois semaines après la tenue du sommet Union européenne-Turquie, même si ce n’est qu’au printemps prochain que nous pourrons pleinement nous assurer que la Turquie a tenu ses engagements.

Le deuxième grand sujet à l’ordre du jour du Conseil européen est la réponse face aux menaces terroristes dont le continent est victime.

La France a été frappée, le 13 novembre dernier, par des attaques planifiées par Daech depuis la Syrie.

C’est la France qui a été visée, mais c’est toute l’Europe qui a été touchée et qui s’est sentie frappée. Après Copenhague, après Bruxelles, après les attentats qui ont touché d’autres continents, aussi, à Tunis, Beyrouth ou dans le Sinaï contre un avion russe, sans oublier les attentats qui avaient frappé précédemment Madrid et Londres, nous avons reçu de toute l’Europe de nombreux témoignages de solidarité. Ils prouvent que l’Europe est avant tout une communauté de valeurs et qu’elle se sent une communauté de destin quand sa sécurité, ses valeurs et les principes mêmes d’une société démocratique ouverte sont menacés.

Mais cette solidarité dans l’émotion doit se transformer en solidarité dans l’action.

Cette guerre contre le terrorisme et contre Daech, nous ne pourrons la remporter qu’avec l’engagement déterminé de tous nos partenaires, dans le cadre de la résolution 2249 adoptée sur notre initiative par le Conseil de sécurité des Nations unies.

La France a invoqué l’article 42.7 du traité sur l’Union européenne, qui prévoit que, lorsqu’un État membre est victime d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance. Cela n’avait jamais eu lieu auparavant. C’est un acte historique. Et le soutien de nos partenaires a été unanime. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont d’ores et déjà annoncé et fait voter par leur parlement leur contribution et leur engagement dans la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, et nos autres partenaires sont en train d’annoncer leur appui, sous différentes formes, à notre action de lutte contre le terrorisme au Levant et à nos opérations au Sahel et en Centrafrique pour contribuer à notre sécurité collective.

Pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne, l’enjeu est la mise en œuvre complète de la feuille de route fixée par le Conseil européen du 12 février, au lendemain des attentats qui avaient frappé Paris au mois de janvier dernier.

Je me réjouis à cet égard que nous ayons pu, sous l’impulsion de la France, dégager un accord entre le Parlement européen et le Conseil sur un PNR européen opérationnel et efficace, c’est-à-dire un registre des passagers du transport aérien qui soit accessible aux services de police et de renseignement.

Nous devons avancer avec la même détermination sur les autres chantiers, en particulier le renforcement du contrôle aux frontières extérieures de Schengen, le renforcement de la législation européenne sur le contrôle des armes à feu, la lutte contre le financement du terrorisme et le partage des informations entre les services engagés dans la lutte contre le terrorisme. Pour cela, nous devons pleinement utiliser tous les outils de coopération européens existants, Europol, le système d’information de Schengen et Eurojust, en particulier.

Mais l’Europe doit aussi continuer à avancer dans de nombreux autres domaines de coopération, en particulier ceux qui concernent l’économie et le renforcement de la croissance et de l’emploi.

Le Conseil européen devrait donc également donner des impulsions fortes pour faire avancer les travaux dans trois domaines.

Le premier domaine, c’est l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.

Le Conseil européen s’efforcera de faire avancer les propositions contenues dans le rapport des cinq présidents. Il devrait notamment insister sur la nécessité de compléter l’Union bancaire. Notre conviction, vous le savez, est qu’il faut relancer l’Europe par son cœur, la zone euro, et qu’il faut mettre en place le troisième pilier de l’Union bancaire, à savoir la garantie des dépôts.

Nous continuerons donc, avec nos partenaires de la zone euro, notamment allemands et italiens, à promouvoir une coordination des politiques économiques et une intégration plus poussée de la gouvernance de la zone euro.

Le deuxième domaine, c’est l’approfondissement du marché intérieur, notamment s’agissant de l’Union de l’énergie, du marché unique du numérique et de l’union des marchés de capitaux, cette dernière devant notamment contribuer au financement des start-up et des petites et moyennes entreprises en Europe.

Le troisième domaine, c’est, au-delà de la seule dimension « marché de l’énergie », d’achever l’Union de l’énergie, avec la transition énergétique, qui doit nous permettre, au lendemain de la COP 21, de traduire en actes législatifs les engagements pris à l’échelle internationale, mais aussi ceux qui avaient été pris au plan européen, dans le cadre du paquet énergie-climat adopté en octobre 2014.

La COP 21 a été un immense succès. Elle a permis de dégager un accord ambitieux, différencié, contraignant et universel. Ce résultat est une belle victoire pour l’Europe, qui a su se mobiliser et être une force d’entraînement pour le monde, et évidemment une très grande fierté pour notre pays, qui en a assumé la présidence, à travers la personne de Laurent Fabius, auquel le monde entier a rendu hommage dès samedi soir.

Le Conseil européen devrait donc inviter la Commission européenne à présenter rapidement une feuille de route sur le suivi par l’Union européenne des résultats de la COP.

Ce Conseil européen sera aussi une étape importante, mais non conclusive – le président du Conseil européen a annoncé qu’il faudrait y revenir lors d’un Conseil européen en février – du débat sur les demandes formulées par le Premier ministre britannique en vue du référendum annoncé au Royaume-Uni.

Enfin, le Conseil européen aura l’opportunité d’échanger à nouveau sur la situation en Syrie.

Vous le savez, hier soir encore, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a reçu, à Paris, les représentants de plusieurs pays participant au processus de Vienne, qui vise à organiser une transition politique en Syrie, en même temps que nous accentuons nos frappes contre le groupe État islamique. Ces ministres des affaires étrangères, qui représentaient les États-Unis, l’Allemagne, mais aussi de nombreux pays arabes, ont réaffirmé la nécessité de lier l’objectif de cessez-le-feu entre les différentes factions syriennes avec la perspective d’une transition politique crédible en Syrie, conformément aux dispositions du communiqué de Genève.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces crises le montrent, l’Europe souffre de son inachèvement.

Nous avons créé une union monétaire sans union économique.

Jacques Delors nous avait pourtant mis en garde.

Nous avons une zone de libre circulation interne, il est désormais urgent de mettre en place un contrôle suffisant aux frontières extérieures communes.

Nous avons un marché intérieur sans harmonisation fiscale et sociale, sans unification dans des domaines d’avenir comme le numérique et l’énergie.