Sommaire

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

Secrétaires :

M. François Fortassin, Mme Colette Mélot.

1. Procès-verbal

2. Simplification de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et de certaines normes d'urbanisme. – Adoption d’une proposition de résolution

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution

M. Jean-Pierre Bosino

Mme Delphine Bataille

M. Joël Labbé

M. Jacques Mézard

M. Rémy Pointereau

Mme Françoise Gatel

M. René Vandierendonck

M. Mathieu Darnaud

M. Cédric Perrin

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Texte de la proposition de résolution

Adoption de la proposition de résolution.

3. Candidature à un organisme extraparlementaire

4. Communication d’un avis sur un projet de nomination

5. Instauration d'un Jour de Mémoire. – Discussion d’une proposition de loi

Discussion générale :

M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi

M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

6. Candidature à une commission mixte paritaire

7. Instauration d'un Jour de Mémoire. – Suite de la discussion et renvoi à la commission d’une proposition de loi

M. Jean-Louis Carrère

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean-Claude Requier

M. Pascal Allizard

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. René Danesi

Mme Agnès Canayer

Clôture de la discussion générale.

Demande de renvoi à la commission

Motion n° 1 de M. Claude Kern. – M. Claude Kern, rapporteur ; M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État ; Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. – Adoption.

8. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

9. Nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire

10. Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Hermeline Malherbe

M. Alain Milon

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Annie David

M. Éric Jeansannetas

M. Philippe Mouiller

M. Jean-Louis Tourenne

M. Daniel Gremillet

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Roland Courteau

Amendement n° 8 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas et sous-amendements nos 64 de M. Jean-Marc Gabouty, 60 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et 61 de Mme Annie David. – Rejet des sous-amendements nos 64 et 60 ; adoption du sous-amendement n° 61 et de l’amendement modifié.

Amendement n° 55 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Devenu sans objet.

Amendement n° 43 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.

Amendement n° 9 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 2 rectifié bis de M. Philippe Mouiller. – Retrait.

Amendement n° 10 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 40 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.

Amendement n° 11 rectifié bis de Mme Anne Emery-Dumas et sous-amendement n° 62 de Mme Annie David. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 12 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 56 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Devenu sans objet.

Amendement n° 44 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Devenu sans objet.

Amendement n° 33 rectifié de Mme Annie David. – Devenu sans objet.

Article 3

Amendement n° 13 rectifié bis de Mme Anne Emery-Dumas et sous-amendement n° 63 de Mme Annie David. – Rejet du sous-amendement n° 63 ; adoption de l’amendement.

Amendement n° 57 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Retrait.

Amendement n° 42 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 5 rectifié de M. Jean-François Husson et 52 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 7 rectifié de M. Jean-François Husson. – Devenu sans objet.

Amendement n° 48 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Retrait.

Amendement n° 35 de Mme Annie David. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendements identiques nos 6 rectifié de M. Jean-François Husson et 53 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet des deux amendements.

Article 4

Amendement n° 58 rectifié de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Retrait.

Amendement n° 14 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 36 rectifié bis de Mme Annie David. – Retrait.

Amendement n° 15 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 65 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 41 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendement n° 25 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 16 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 17 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 18 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 47 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.

Article 6 (suppression maintenue)

Article 7

Amendement n° 19 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 20 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 7 bis

Amendement n° 21 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 22 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Adoption.

Amendement n° 23 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 7 ter – Adoption.

Article 8 (suppression maintenue)

Intitulé de la proposition de loi

Amendements identiques nos 24 rectifié de Mme Anne Emery-Dumas, 26 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty et 49 rectifié de Mme Hermeline Malherbe. – Adoption des trois amendements.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Marc Gabouty

Mme Nicole Bricq

M. Philippe Mouiller

Mme Hermeline Malherbe

Mme Annie David

M. Daniel Chasseing

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

11. Lutte contre le gaspillage alimentaire – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Mme Chantal Jouanno, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire

Mme Mireille Jouve

M. Alain Fouché

Renvoi de la suite de la discussion.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction
Discussion générale (fin)

Simplification de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et de certaines normes d'urbanisme

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Marie Bockel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 198 rectifiée).

Dans le débat, la parole est à M. Jean Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution.

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les jours se suivent et se ressemblent, tout du moins s’agissant de la problématique des normes applicables aux collectivités territoriales.

Nous avons en effet adopté, hier, une proposition de loi constitutionnelle qui devrait notablement contribuer – le jour où elle sera mise en œuvre ! – à corriger à la source la propension de notre culture politique et juridique à accumuler dans la loi et dans la réglementation des prescriptions redondantes, des exigences disproportionnées et des procédures inextricables.

Chaque élu local ne cesse d’expérimenter tout au long de ses mandats à quel point ce phénomène entrave l’action au-delà de ce que requiert la sécurité des procédures et renchérit les coûts au-delà de ce que permet la contraction des ressources publiques, surtout en ces temps de rigueur budgétaire et de réduction des dotations.

Il fallait donc viser la source de l’inflation normative, qui est bien souvent législative, et c’est pourquoi nous avons souhaité inscrire dans la Constitution elle-même le principe de la compensation par l’État des charges supplémentaires créées par les normes nouvelles. Il n’y a pas de moyen plus efficace de créer le changement dans notre façon de légiférer et de réglementer, afin de nous rapprocher de la réalité des pratiques en vigueur dans les pays européens qui nous entourent et qui, finalement, ne fonctionnent pas si mal, bien au contraire.

Toutefois, nous avons souhaité, parallèlement à cette initiative constitutionnelle, faire progresser la sobriété normative, en rappelant un principe simple : pour une norme réglementaire créée, une norme supprimée ou allégée. C’est le premier objet de notre proposition de résolution.

Des initiatives ont déjà été prises en ce sens, avec l’inscription de ce principe dans la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du « gel » de la réglementation. Cependant, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification a indiqué lui-même, en réponse à une question orale, que ce texte n’était qu’un « premier pas ».

Donner à l’objectif de simplification la priorité qu’il mérite suppose en effet une profonde évolution de la culture administrative. Une circulaire, si utile soit-elle, ne peut y suffire dans la durée.

C’est la raison pour laquelle notre proposition de résolution suggère dans sa première partie de rehausser dans la hiérarchie des normes le principe selon lequel l’ajout d’une norme doit être compensé par la suppression ou l’allégement d’une autre, dans le cas de la réglementation applicable aux collectivités territoriales. C’est une façon pragmatique de réguler les flux de normes nouvelles tout en s’attaquant par la bande au stock existant.

En effet, le problème du stock est crucial. Alors que les ressources des collectivités territoriales subissent de la part de l’État une pression massive, les coûts économiques, techniques et administratifs de l’empilement normatif existant sont devenus insupportables. C’est pourquoi nous devons engager une action systématique de réduction de ces stocks. Les élus locaux nous le demandent, de manière insistante et réitérée, et ils ont raison.

Néanmoins, par quoi commencer ? Notre délégation a posé la question aux élus en les interrogeant sur leurs priorités à l’occasion du congrès des maires en 2014. Le niveau de participation à notre consultation, comme Rémy Pointereau le rappelait encore hier, a été significatif. Lors de la fermeture de celle-ci, en février 2015, près de 4 200 réponses avaient été transmises à la délégation.

Les résultats ont été parlants : près de 64 % des réponses ont mentionné l’urbanisme et le droit des sols comme secteurs prioritaires pour la simplification. C’est pourquoi notre délégation a décidé de consacrer ses premiers travaux de simplification du stock de normes aux dispositions régissant l’urbanisme.

Sous l’impulsion de Rémy Pointereau, notre premier vice-président délégué, nous nous sommes dans un premier temps intéressés à la réglementation. La deuxième partie de la proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui est l’aboutissement de cette démarche. Elle identifie plus d’une dizaine de pistes de simplification concrètes, qui nous semblent à même de montrer que le processus de simplification s’enclenche, qu’il s’intensifie, que la demande exprimée par les élus locaux ne reste pas sans réponse, que le Sénat, totalement inscrit dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, est à la manœuvre.

Certaines de ces pistes sont connues de tous ; notre collègue Éric Doligé les a présentées dans son rapport de 2011 sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Cinq ans après, elles sont toujours d’actualité.

Certaines autres pistes ont fait l’objet d’annonces de la part du Gouvernement, dont les plus récentes remontent au 14 septembre dernier. Souhaitons que le Sénat serve d’aiguillon pour que ces annonces se concrétisent pleinement et rapidement.

Je ne mets nullement en doute la détermination du Gouvernement, la vôtre, monsieur le secrétaire d’État ou celle de M. Mandon, avec qui nous avons eu l’occasion de nous entretenir de ce sujet. Toutefois, entre la volonté et l’action, nous avons un rôle d’impulsion à jouer, et c’est aussi l’esprit de cette résolution, qui n’a aucune valeur contraignante, mais qui constituerait un signal fort si elle était adoptée.

Je distinguerai quatre catégories de propositions.

Tout d’abord, trois dispositions de la proposition de résolution appellent le Gouvernement à clarifier, au moyen d’instruments de droit souple – des chartes ou des référentiels élaborés en concertation avec les élus locaux –, les relations entre les collectivités et certains de leurs interlocuteurs – les commissions de sécurité et les officiers préventionnistes, les architectes des bâtiments de France, les agences régionales de santé.

Quatre dispositions de la proposition de résolution incitent le Gouvernement à simplifier les règles de construction et de gestion des établissements recevant du public – il s’agit là d’un sujet sensible – en portant à la connaissance des préfets et des élus locaux les dérogations aux règles d’accessibilité existantes dans une circulaire ; en ajustant la périodicité de certains contrôles, à commencer par ceux qui sont relatifs aux installations électriques ; en élargissant la possibilité d’installation de classes démontables dans les établissements scolaires faisant l’objet de travaux ; enfin, en assouplissant les normes parasismiques dans les zones et pour les bâtiments présentant un très faible enjeu au regard du risque sismique.

Quatre autres dispositions de la proposition de résolution invitent le Gouvernement à alléger les formalités pesant sur les actes et les documents d’urbanisme grâce à la simplification d’un formulaire de déclaration préalable – le CERFA 13 404 – pour certains types d’aménagement, de construction et de travaux ; à l’établissement de la liste précise des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ; à la limitation à un mois de la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun des déclarations préalables, des permis de construire et des permis d’aménager ; enfin, à la simplification des obligations réglementaires pesant sur les plans locaux d’urbanisme, en particulier les études exigées dans les zones humides. Qui, sur son territoire, n’a pas été confronté à des conflits, des interrogations et des incertitudes sur ce sujet sensible ? (M. Jacques Mézard acquiesce.)

Les deux dernières dispositions de la proposition de résolution ont trait à des équipements et des aménagements posant des difficultés spécifiques dans nos territoires. Elles tendent, d’une part, à accompagner les communes dans la mise en conformité de leurs équipements d’assainissement collectif avec la réglementation européenne, et, d’autre part, à permettre le regroupement des différents dossiers préalables à la création d’une zone d’aménagement concerté en un seul.

Cet ensemble pourrait paraître un peu technique et passablement fragmentaire, mais nous savons tous, en tant qu’élus locaux, ce qu’il y a de vécu, et souvent de mal vécu, dans cette énumération.

C’est la raison pour laquelle nous invitons le Sénat à adopter la présente proposition de résolution, fruit d’un travail collectif mené notamment avec Rémy Pointereau, qui anime, au sein de la délégation, un groupe de travail très actif. Avec Alain Lambert, qui préside aujourd’hui le conseil des normes, mais qui a longtemps siégé dans cet hémicycle, il effectue un travail considérable que je tiens à saluer.

Nous travaillons également en bonne intelligence avec les différentes commissions permanentes. Nous n’entendons nullement remettre en question leur rôle et nous œuvrons dans la transversalité, notamment avec la commission des lois, avec laquelle nous entretenons un très bon dialogue sur ces questions qui relèvent de sa compétence, mais également avec les autres commissions, comme nous le verrons dans la suite des travaux de la délégation.

Nous sommes nombreux, au sein de la délégation, mais aussi sur toutes les travées de notre assemblée, à souhaiter que cette proposition soit adoptée.

Les élus locaux y verront un signe de l’attention que nous portons à leurs problèmes concrets. Le président Gérard Larcher y est lui-même personnellement sensible et a donné une impulsion forte à nos travaux. Notre délégation y verra un encouragement à poursuivre sa tâche austère et le Gouvernement, à n’en pas douter, une incitation à mener à bonne fin les travaux qu’il a entrepris de son côté, car tous les gouvernements, quels qu’ils soient, sont toujours confrontés à un certain nombre de freins et de pesanteurs.

Au travers de ce projet de résolution, nous appuyons la volonté sincère du Gouvernement d’avancer sur cette question qui nous tient à cœur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – MM. Joël Labbé et René Vandierendonck applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet récurrent au sein de notre hémicycle et dans les réflexions des pouvoirs publics.

Ainsi, en 1991, le Conseil d’État faisait déjà part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisé par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme.

En 2011, une mission d’information sur cette question a été conduite par le Sénat sous l’égide de la délégation aux collectivités territoriales, portée par notre collègue Éric Doligé. Ce rapport a abouti au dépôt d’une proposition de loi, toujours en cours de navette, que l’examen de cette proposition de résolution remet d’une certaine façon au goût du jour.

De fait, le sujet est important, en particulier pour les élus locaux. Aujourd’hui, ce sont plus de 400 000 normes qui sont applicables. Cette situation pose de vraies questions, liées notamment à l’insécurité juridique pour les collectivités. Trop de normes tue l’idée même de la norme et rend impossible l’idée que la loi soit connue et intelligible par tous. C’est donc aussi un problème démocratique.

Il faut cependant aller plus loin et remettre en cause non seulement le volume, mais aussi les modes d’élaboration de la norme et de la loi. Les efforts à produire en matière de démocratie sont immenses et, dans ce domaine aussi, les collectivités, notamment les communes, ont fait preuve d’un esprit d’initiative et d’innovation remarquable.

Dans d’autres circonstances, en particulier dans le cadre de l’élaboration de la loi, nous nous trouvons trop souvent enfermés dans des débats d’experts. Or de la vivacité de notre démocratie dépend aussi la qualité des normes et des lois.

Pour autant, il faut être clair. Cette volonté de diminuer les normes, donc les contraintes sur les collectivités, ne doit pas conduire à réduire la qualité et la sécurité pour nos concitoyens.

Limiter les normes ne doit pas constituer non plus une forme de déréglementation des secteurs de l’urbanisme, du logement et de l’environnement, dans lesquels les objectifs en matière d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement seraient relégués comme des questions annexes ou trop complexes. Une telle posture est dangereuse.

Par ailleurs, derrière le rejet des normes par les élus, se cachent, pour beaucoup d’entre ces derniers, de réelles difficultés dans la mise en œuvre, faute d’accompagnement technique par les administrations et de soutien financier par l’État. En matière d’urbanisme, nous regrettons d’ailleurs la quasi-suppression de l’assistance technique de l’État, l’ATESAT, tout comme la baisse des dotations qui obère les capacités d’intervention des collectivités et leurs moyens humains pour garantir le respect de ces normes.

Gardons à l’esprit le fait que l’édiction de règles répond, le plus souvent, à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique.

Au-delà de ces considérations sur l’utilité des normes, c’est aussi l’argument libéral qui est avancé. Ainsi, dans la discussion sur sa proposition de loi, Éric Doligé rappelait l’essentiel : « N’oublions pas que la compétitivité se mesure sur les marchés internationaux. Celui qui ne maîtrise pas ses charges et contraintes perd de la compétitivité. Chaque norme supérieure à celle de notre concurrent nous pénalise ».

Manifestement, nous ne sommes donc pas seulement dans une volonté de sécuriser les collectivités, mais bien de libéraliser les secteurs économiques qui ne le seraient pas encore, en abaissant le niveau des normes, qu’elles soient urbanistiques, environnementales, de sécurité ou encore sociales. Ce discours de l’ultralibéralisme débridé conduit à des catastrophes humaines, sociales et environnementales – nous le savons bien ! Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC condamnent cette orientation politique du moins-disant.

De notre côté, nous pouvons avancer deux propositions.

Tout d’abord, pour éviter l’écueil de lois utiles, mais inapplicables faute de moyens, ne faudrait-il pas prévoir, de manière systématique, un volet fixant les règles financières de leur mise en œuvre ?

Ensuite, ne pourrait-on pas encourager plus encore le dialogue avec les autorités devant délivrer des avis, par exemple les architectes des bâtiments de France ou les agences régionales de santé, pour éviter des recours systématiques à la justice administrative par ailleurs surchargée, recours qui allongent les délais ?

S’agissant des propositions formulées dans cette proposition de résolution, il faut bien reconnaître que nous ne les partageons pas.

En ce qui concerne le principe « pour une norme créée, une norme supprimée », nous considérons que cette affirmation est purement démagogique. Ce qui doit prévaloir pour définir le droit positif, c’est non sa masse globale, mais bien la justesse et l’utilité de ces normes. Toute idée mécanique est donc à bannir. Quant à savoir si un décret a plus de force qu’une circulaire, ce débat sur la hiérarchie des normes réglementaires est – franchement – bien en deçà des questions que vous posez.

Cette proposition de résolution semble être une curieuse collection de dispositions issues de divers rapports et propositions de loi, dont la portée et le contenu sont extrêmement variables, allant de la santé à l’environnement, en passant par l’assainissement. D’ailleurs, la plupart de ces mesures relèvent purement du pouvoir réglementaire ou même du bon sens. La proposition de résolution va même jusqu’à évoquer la question de formulaires administratifs...

La création de chartes nationales pour fixer le niveau d’exigence des commissions de sécurité ou celui des architectes des bâtiments de France relève uniquement, là encore, de bonnes pratiques.

Le fil conducteur de ces propositions, c’est au fond l’idée que l’administration serait par nature arbitraire et même dangereuse, alors qu’elle protège les administrés et notre environnement.

D’autres préconisations nous semblent tout autant problématiques, notamment en matière d’urbanisme, avec cette volonté tenace de déréglementer le droit des sols. Il en est ainsi de la proposition d’établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ou de celle qui entend carrément limiter la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas ce texte.

Nous, nous demandons en priorité au Gouvernement, et ce pour soulager les collectivités, de cesser ses coupes budgétaires et de remettre des fonctionnaires dans les préfectures et les services déconcentrés. Les collectivités pourront ainsi mener les politiques pour lesquelles les électeurs ont voté. Derrière la question des normes, c’est cela le vrai sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est présentée – je souhaite d’ailleurs en remercier M. Bockel et ses collègues – se veut une réponse aux résultats de la consultation des élus locaux, lancée à l’occasion du congrès des maires en 2014 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

En matière de simplification des normes, les élus locaux ont en effet placé en tête de leurs préoccupations le secteur de l’urbanisme et du droit du sol.

Ils ont globalement mis en avant l’excès de formalisme, l’absence d’interlocuteur identifié, les dossiers administratifs longs et indigestes ou encore le manque d’adaptation des normes aux contextes locaux. Ils ont aussi relevé que toutes les normes édictées pour les zones urbaines sont difficilement applicables dans les zones rurales.

Il est indéniable que les élus engagés dans l’élaboration de documents d’urbanisme, notamment des plans locaux d’urbanisme, sont aujourd’hui confrontés à la complexité accrue des normes, devenues trop nombreuses et contraignantes.

Cette inflation normative résulte des demandes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité, de santé, de protection de l’environnement ou encore d’application du principe de précaution. Il faut aussi compter avec les textes communautaires et internationaux, voire avec d’autres législations.

L’élu communal, principal acteur des compétences d’urbanisme et conciliateur de l’intérêt général avec les intérêts particuliers des propriétaires et des constructeurs, a ainsi dû faire face, ces dernières années, à une profusion de nouveaux textes.

Cet étouffement normatif est, depuis longtemps, une source d’instabilité, de coûts importants, d’insécurité juridique et de lourdeurs, obligeant certains élus, quand ils le peuvent, à faire appel à des cabinets d’avocats. Pourtant, depuis plus de vingt ans, alors que le Conseil d’État mettait en garde contre de telles dérives, de nombreuses lois sont encore venues modifier les orientations et le contenu du droit de l’urbanisme.

Cet empilement législatif et réglementaire rend le droit de l’urbanisme instable, difficilement accessible et peu lisible pour la plupart des élus. Dans un tel contexte, la simplification des normes est devenue, en particulier pour les maires, une question prioritaire.

Partant de ce constat, la proposition de résolution, qui s’articule autour de deux axes, invite le Gouvernement à rehausser, dans la hiérarchie des normes, le principe de la compensation de l’ajout d’une norme par la suppression ou l’allégement d’une autre et lui présente ensuite treize propositions à mettre en œuvre pour simplifier les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction.

Le principe de la compensation de tout ajout d’une nouvelle norme par la suppression d’une autre a été décidé par le Président de la République, qui, dès le début de son mandat, a fait de la simplification des normes pesant sur les collectivités locales une priorité.

Ce gel des normes, entré en vigueur le 1er septembre 2013 conformément à une circulaire, a remplacé le moratoire sur les normes mis en place en 2010 par François Fillon, également par voie de circulaire, mais qui s’était montré peu efficace. Alain Lambert, médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales, dénonçait alors un moratoire, qui « semblait inconnu de la part d’un certain nombre d’administrations centrales ».

C’est pourquoi le Gouvernement, au-delà de l’institution de ce gel, a limité le nombre de circulaires ministérielles, pour en améliorer la qualité, tout en rénovant le mode de relation avec les services déconcentrés. Il réserve désormais l’usage des circulaires à la diffusion d’instructions pour la mise en œuvre d’une politique publique. Les précisions techniques ou méthodologiques sont apportées via internet et les préfets et services déconcentrés de l’État doivent être en mesure de prendre en compte la réalité des territoires dans l’application des textes.

Il est donc inutile de transformer cette circulaire en décret et de rajouter ainsi à l’inflation des normes. En ce sens, Alain Lambert juge indispensable de rétablir la hiérarchie des textes – sortir de la loi ce qui aurait dû être du ressort du décret, sortir du décret ce qui aurait pu tenir dans un arrêté, etc. –, afin de modifier plus facilement un texte mal conçu.

Depuis l’adoption de cette mesure, le processus de simplification engagé par le Gouvernement se poursuit et s’intensifie. Pour mieux lutter contre l’inflation normative, le Conseil national d’évaluation des normes, créé par la loi du 17 octobre 2013, dispose de pouvoirs renforcés. Il est compétent pour la gestion des flux, comme pour le stock de normes. Ainsi, les élus pourront saisir directement cet organisme, afin de proposer l’abrogation ou la simplification d’une norme.

En matière d’urbanisme, plusieurs mesures récentes de simplification permettent d’agir sur le traitement contentieux des autorisations d’urbanisme, de raccourcir les délais d’obtention des permis de construire, de prolonger les délais de validité des permis de deux à trois ans et d’assouplir les conditions de la concertation pour certains d’entre eux.

Un décret publié en décembre dernier réforme le plan local d’urbanisme et clarifie le code de l’urbanisme. Les douze articles actuels seront remplacés par un règlement plus souple et mieux adapté aux spécificités des territoires.

Un certain nombre de règles ont donc bien été allégées et supprimées, mais les effets de ces simplifications – pour la plupart, récentes – ne sont pas encore spectaculaires. De plus, le toilettage du stock de normes existant peut s’avérer complexe, comme pour la loi sur le handicap.

Aujourd’hui, la plupart des treize propositions présentées dans le texte que nous examinons, soit sont déjà mises en place, soit ont fait l’objet d’annonces lors du comité interministériel du 14 septembre 2015 à Vesoul. Le Gouvernement a donc bien entendu les demandes exprimées par les élus et a mené un chantier spécifique de simplification des normes de construction et des règles d’urbanisme, qui commence à produire des effets.

Il n’y a donc pas d’intérêt majeur à cette proposition de résolution, qui va dans le sens du travail accompli par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra, mais de manière positive, sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le chantier de la simplification est en cours depuis le mois de mars 2013 avec l’annonce, par le Président de la République, de son « choc de simplification ».

Je ne suis pas nécessairement convaincu par les thérapies de choc. De manière générale, je préfère les évolutions aux révolutions, les petits matins aux grands soirs, les transitions concertées aux bouleversements soudains et imposés. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Joël Labbé. Cela vient peut-être avec l’âge, chers collègues ! (Sourires.)

Heureusement, dans cette œuvre de simplification, il y a eu de la concertation. Nous avons examiné, dans cet hémicycle, de nombreux textes de simplification ces deux dernières années et la plupart d’entre eux ont fait l’objet d’une concertation préalable avec les acteurs économiques et institutionnels.

C’est aujourd’hui le travail de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui est en discussion. Il ne s’agit pas d’un travail partisan. Par les temps qui courent, c’est particulièrement appréciable !

En tant qu’ancien maire, je comprends très bien la détresse de certains élus locaux face aux réglementations extrêmement complexes, notamment en matière d’urbanisme. Cette résolution vient répondre à cette détresse, et je souscris à l’objectif de ses auteurs.

Toutefois, les écologistes resteront vigilants (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), car il ne faut pas confondre simplification et déréglementation. Certaines normes sont utiles et n’ont pas été adoptées par hasard, en particulier lorsque des excès ont été commis.

M. Alain Gournac. Trop d’excès !

M. Joël Labbé. Elles méritent parfois d’être assouplies, mais il ne faut pas que leur utilité s’en trouve écornée.

Il serait nécessaire d’établir un premier bilan de l’activité du Conseil national d’évaluation des normes, que notre assemblée a réformé en adoptant une proposition de loi présentée sur l’initiative commune de deux de ses « piliers », Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, dont je veux saluer ici le travail et la détermination.

La loi du 17 octobre 2013 a permis de consacrer, grâce à un amendement de notre ancienne collègue Hélène Lipietz – je tiens à la saluer, car je sais qu’elle est présente dans nos murs aujourd’hui –, la proposition du Président de la République consistant à abroger une norme devenue inutile ou obsolète chaque fois qu’une norme nouvelle est applicable aux collectivités territoriales. Ainsi, « l’avis rendu par le Conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur peut proposer des modalités de simplification de ces dispositions et l’abrogation de normes devenues obsolètes ». C’est donc avec une certaine satisfaction que je peux aujourd’hui oser soutenir ce texte,…

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. Joël Labbé. … qui vise à renforcer ce principe. Ce texte prend des précautions bienvenues lorsqu’il indique, dans son alinéa 6, que les normes nouvelles doivent entraîner une simplification ou une suppression uniquement dans le cas où elles constituent une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales.

La proposition d’élaborer une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité, des offices préventionnistes et des architectes des bâtiments de France est, selon nous, intéressante. Elle pourra permettre une application plus lisible des différentes normes sur l’ensemble du territoire national, d’une façon objective et non plus subjective, en fonction du regard du fonctionnaire ou de l’organisme chargé de les appliquer.

Les écologistes seront vigilants si le Gouvernement traduit effectivement la présente résolution en actes réglementaires. Ainsi, concernant l’assainissement collectif, je comprends parfaitement l’objectif visé, mais la possibilité d’une application laxiste de la délivrance de permis de construire sur la foi de simples délais déclaratifs de mise en conformité m’inquiète. Il faudra faire preuve de fermeté dans ce domaine !

De la même manière, j’aimerais bien connaître la définition des actes de « faible importance » qui seraient exclus du contrôle de légalité en matière d’urbanisme. Ne faut-il pas renforcer les effectifs chargés du contrôle, puisqu’il semble que le contrôle effectif des actes soit insuffisant, plutôt qu’exclure du cadre du contrôle un grand nombre d’actes administratifs au risque qu’ils ne respectent pas la loi, malgré leur toute relative « moindre importance » ? Le respect de la loi ne peut être à géométrie variable. Certes, malheureusement, tel est trop souvent le cas dans les faits, mais nous ne pouvons nous en accommoder !

Ces réserves posées, au regard de l’esprit d’authentique simplification qui inspire ce texte très attendu, je voterai cette proposition de résolution au nom de mon groupe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Puisqu’il me reste quinze secondes de temps de parole, j’en profite pour indiquer que l’un de nos futurs axes de travail pourrait être le droit à l’expérimentation encadrée en matière d’urbanisme. J’ai eu l’occasion de visiter un endroit regroupant tous les types d’habitats alternatifs – yourtes, cabanes, habitats en paille et terre –, installés sans véritable autorisation, mais extrêmement respectueux de l’esprit de la COP 21. Sur de telles questions, je réclame le droit à l’expérimentation, mais il sera nécessaire d’en débattre de nouveau. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution vient au bon moment, et notre groupe la votera, parce qu’elle va dans le bon sens.

Notre pays a une administration particulièrement compétente et efficace, au point que nous pourrions envisager de l’exporter si cela pouvait permettre de rééquilibrer notre balance commerciale ! (Sourires.) Cette administration est même tellement compétente qu’elle a pris le pouvoir : les plus hauts responsables de ce pays sont en effet le plus souvent issus des grands corps de l’État…

Cela dit, pour la plupart d’entre nous, nous sommes des élus locaux – pour l’instant, on nous en laisse encore le droit ! –, ce qui fait que nous pouvons émettre des avis assez pertinents en matière d’urbanisme ou d’assainissement, grâce à l’expérience acquise dans nos collectivités. Demain, les choses seront certainement différentes. (M. Patrick Abate applaudit.)

Mes chers collègues, notre administration est tellement compétente qu’elle ne peut pas s’empêcher de travailler – nous devrions nous en réjouir, et nous le faisons souvent –, dans des domaines qui nous tiennent particulièrement à cœur.

Même si elle concerne des questions qui s’éloignent un peu des sujets abordés par cette résolution, je vous invite vivement, mes chers collègues, à lire ce chef-d’œuvre de notre administration qu’est la circulaire du 22 décembre 2015 concernant l’application de la loi NOTRe. J’ai fait un peu de droit dans ma vie, d’abord comme étudiant, puis au barreau pendant quelques décennies. Je pensais que les circulaires n’avaient d’impact que sur les services de l’État. Or celle-ci explique quels sont les transferts de compétences ou les évolutions qui sont acceptables.

Il faut donc que vous lisiez tous cette excellente circulaire, parce qu’elle prolonge la loi NOTRe et en précise l’esprit. En matière de liaisons aériennes, vous apprendrez ainsi que le département ne peut plus intervenir, sauf si la liaison présente « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », mais que la région peut organiser ce type de transport. C’est donc une circulaire qui dit ce qui est licite, et on essaiera ensuite d’imposer cette vision à nos collectivités au moyen du contrôle de légalité !

Si c’est à cela que se résume l’évolution positive en matière de réglementation et de normes qui nous est annoncée par l’exécutif, monsieur le secrétaire d’État, je considère que l’on peut faire beaucoup mieux ! En tout cas, c’est un nouveau fossé qui sépare les déclarations publiques de l’action. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, je pourrais m’arrêter là, mais je vais faire totalement abstraction de l’excellent document que l’on m’avait préparé pour vous livrer la suite de ma réflexion.

Nous avons le tort, les uns et les autres, de confondre le problème de la réglementation avec celui des normes. De la réglementation et des textes d’application des lois, il en faut. Cependant, comme nous le disons souvent, moins on a de textes, mieux on les applique – je sais que je m’adresse à un excellent juriste, monsieur le secrétaire d’État. À l’inverse, plus on fabrique de textes, moins on les applique, soit parce que l’administration ne les connaît plus, soit parce que le législateur, lorsqu’il adopte de nouvelles lois, ne tient pas compte des textes antérieurs. Nous finissons ainsi par vivre dans un système d’insécurité juridique.

Nous avons tous, dans nos communes, dans nos intercommunalités, dans nos départements, dans nos régions, la volonté de développer des projets. Pour rendre service à la nation, il faudrait mettre en lumière, dans le cas d’un dossier concret de développement, toute la mécanique administrative qui est imposée à la collectivité pour réaliser son projet, qui prend souvent des années, notamment avec la multiplication des commissions.

Nous voulons tous simplifier les choses. Le Gouvernement a fait des efforts, reconnaissons-le, même si nous ne sommes pas d’accord avec ses conclusions dans le cadre de la réforme territoriale. Pour simplifier, on pourrait déjà supprimer toute une série d’agences et de structures intermédiaires qui font perdre du temps et de l’argent, de même que les commissions administratives des préfectures, qui nous posent des problèmes insurmontables ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Mézard. Ainsi, chaque année, en tant que président d’agglomération, je dois désigner un élu pour siéger à la commission « chauves-souris ». (Sourires.) Pour rassurer M. Labbé, je précise que je suis tout à fait favorable à la protection de ces animaux... Toutefois, dans un département comme le mien, une quarantaine d’élus et de fonctionnaires se réunissent pour discuter du devenir et de la protection des chauves-souris. (Nouveaux sourires.) Je me permets de penser qu’un seul fonctionnaire pourrait accomplir cette tâche ! Cet exemple est caricatural, mais nous pouvons tous être d’accord sur le constat.

Pour conclure, je félicite les auteurs de cette résolution, en faveur de laquelle nous voterons, mais je pense qu’il faut faire beaucoup plus. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, cessez de prendre des circulaires qui ont un caractère impératif à l’égard de ceux qui n’en sont pas les destinataires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivons les débats consacrés cette semaine à la simplification des normes, et j’en suis très heureux.

Tout comme Jean-Marie Bockel, je me réjouis que le Sénat ait adopté hier la proposition de loi constitutionnelle que j’ai présentée. Ce texte est, je le crois, important. Il fixe à l’État l’obligation de compenser aux collectivités territoriales le coût induit par toute norme qu’il édicte à leur égard. Il s’agit d’une claire affirmation du principe « prescripteur-payeur ». Cette règle me semble indispensable pour responsabiliser l’État central. Elle est la condition pour endiguer la profusion de normes et de dépenses, rétablir une relation de confiance entre l’échelon local et national et favoriser un changement de culture normative.

Cependant, la simplification normative doit être appréhendée par les deux bouts : en amont, par l’inscription dans la Constitution d’un cadre robuste contre le zèle normatif ; en aval, par le toilettage régulier des normes excessivement complexes.

C’est pourquoi le groupe de travail sur la simplification des normes créé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a entamé une tâche aride, difficile, même frustrante, mais ô combien nécessaire : la simplification du stock de normes applicables aux collectivités territoriales.

Comme cela vient d’être dit, le législateur n’est ni l’unique ni le principal responsable de l’inflation normative. Cette mission de simplification s’est concentrée aussi sur la matière réglementaire. En effet, sur plus de 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, on ne dénombre que 8 000 lois – même si c’est déjà beaucoup ! La plupart de nos partenaires européens ont pris la mesure de l’inflation réglementaire et admis la nécessité d’y mettre un terme.

Ainsi, ils ont expérimenté des dispositifs innovants. Au Royaume-Uni, le principe « pour une norme créée, une norme supprimée » impose au gouvernement de compenser la création d’une norme applicable aux entreprises par la suppression d’une autre... et maintenant de deux autres !

M. Claude Nougein. Il faut aller plus loin !

M. Rémy Pointereau. En Italie, le mécanisme dit « de la guillotine réglementaire » repose sur la fixation d’une échéance au-delà de laquelle une norme est présumée supprimée, sauf à ce que l’administration la justifie.

Au Danemark, enfin, les prescripteurs de normes se déplacent auprès des acteurs de terrain pour évaluer avec eux les effets de la réglementation et les possibilités de simplification.

Ces dispositifs ont permis à ces pays d’atteindre des résultats significatifs. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la charge administrative a diminué de 25 % au Danemark, selon l’OCDE. La France doit donc à son tour intensifier son action en faveur de la simplification réglementaire, afin de restaurer les marges d’action des acteurs locaux et de favoriser l’esprit d’initiative dans nos territoires.

Plus précisément, c’est à la simplification de la réglementation applicable en matière d’urbanisme et de construction que le groupe de travail s’est attelé, de nombreux rapports ayant depuis longtemps dénoncé l’anarchie normative qui règne dans ce domaine.

D’ailleurs, l’urbanisme était considéré comme un « champ de simplification prioritaire » par Éric Doligé dans son rapport sur la simplification des normes de 2011, et comme un « foyer de blocage ou de lenteur » par Alain Lambert et Jean Claude Boulard dans leur rapport sur la lutte contre l’inflation normative de 2013.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Rémy Pointereau. La complexité des règles d’urbanisme est également soulignée par les élus locaux eux-mêmes. À cet égard, je ne reviendrai pas en détail sur la consultation conduite par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont les résultats ont été rappelés par le président Jean-Marie Bockel tout à l’heure : deux tiers des élus souhaitent que le droit de l’urbanisme soit allégé.

Pour atteindre ses objectifs, le groupe de travail a adopté une méthode innovante, associant les élus. Ainsi, j’ai réuni les maires de mon département, dont les observations ont nourri nos travaux.

Nos élus ont à cette occasion rappelé la nécessité de lever plusieurs obstacles : la complexité des dossiers d’urbanisme ; l’enchevêtrement des documents d’urbanisme ; les difficultés d’application de certaines normes d’accessibilité, de sécurité et de protection du patrimoine ; les retards induits par les études préalables pour les opérations d’aménagement ; le problème de la mise aux normes européennes des équipements d’assainissement collectif.

Afin de remédier à ces difficultés, le groupe de travail a souhaité donner une traduction concrète à certaines préconisations formulées dans les rapports précités.

À titre d’illustration, il a semblé opportun de faire suite aux propositions formulées par Éric Doligé, s’agissant notamment de la création des zones d’aménagement concerté.

Dans le même ordre d’idées, nous avons trouvé pertinent d’appuyer une recommandation faite par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard quant à la nécessité d’ajuster la réglementation parasismique dans les zones présentant un très faible risque. Constatant le caractère excessif de cette réglementation, ils ont attribué dans leur rapport le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes parasismiques là où la terre n’a jamais tremblé » (Sourires.), ce qui a conduit le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, à s’autosaisir de cette question.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est de la démagogie !

M. Rémy Pointereau. Être à l’écoute des élus locaux et faire aboutir les préconisations des spécialistes de la simplification normative : voilà, en somme, le double esprit qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de résolution. Il s’agit non pas de démagogie, monsieur Bosino, mais d’une réalité.

Je souhaite que le Sénat, en adoptant cette proposition, envoie au Gouvernement un signal fort pour l’encourager à simplifier la réglementation des domaines de l’urbanisme et de la construction.

Des annonces ont d’ailleurs été faites dans ce sens à l’issue du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul. Le Gouvernement s’est notamment engagé à harmoniser les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes, à alléger certains contrôles dans les plus petits établissements recevant du public et à simplifier les normes parasismiques dans les zones de sismicité faible et modérée.

Ces engagements doivent être pleinement concrétisés, de sorte que les élus locaux disposent enfin du cadre juridique protecteur qu’ils sont en droit d’attendre.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de veiller à l’avenir de cette résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rappelons en préambule que la norme est un outil, et non une fin en soi. Souvenons-nous de cette vérité simple, exprimée en son temps par Portalis : « Les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois. »

Certes, monsieur Bosino, des règles sont indispensables pour assurer la sécurité et réguler la vie en société, mais force est de constater que leur accumulation finit par en détraquer le bon fonctionnement. Nous avons besoin de pouvoir agir avec souplesse, réactivité, inventivité, alors que l’accumulation des règles paralyse, ralentit et tétanise toute initiative.

Au dernier classement du Forum économique mondial, la France occupait la cent vingt et unième place sur cent quarante-huit pour le poids des contraintes administratives. L’OCDE estime, quant à elle, que notre frénésie réglementaire aurait un coût annuel de 80 milliards d’euros.

Aujourd’hui, quelque 400 000 normes réglementaires s’imposent aux seules collectivités locales. En quatre ans, de 2011 à 2015, le coût induit par les normes nouvelles a été évalué à plus d’un milliard d’euros !

Ce que MM. Lambert et Boulard appellent l’« incontinence normative » dans leur excellent rapport de 2013 est un obstacle considérable à l’initiative et, surtout, à l’efficacité de l’action publique, a fortiori, comme le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation le rappelait, dans un contexte de crise économique et de baisse des ressources de nos collectivités. Les normes deviennent un véritable casse-tête pour les élus et, ce qui est inadmissible, un empêchement de faire !

Face à ce constat, la simplification des normes et la jugulation d’un flux toujours plus important sont primordiales. Aussi, le président du Sénat, Gérard Larcher, a fait à juste titre de la simplification des normes l’une des priorités de notre institution, qui, depuis plusieurs années, a pleinement pris la mesure de ce problème.

À cet égard, il convient de saluer ici l’excellent travail de nos collègues Éric Doligé, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à l’origine de la loi de 2013 portant création du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Pourtant, si les pouvoirs de ce dernier ont bien été élargis, il faut aussi souligner que les saisines en urgence ou en extrême urgence sont utilisées à outrance, empêchant les élus membres de ce conseil de mener correctement leur travail de fond sur ces normes.

Le Conseil national ne peut, à lui seul, réaliser l’évaluation de la totalité des normes. Aussi, il a préconisé la mise en place d'une procédure de déclassification des normes existantes, confiée non seulement au législateur, mais aussi aux administrations elles-mêmes ; l’un de nos brillants collègues le rappelait tout à l’heure.

De même, le CNEN recommande de limiter la surtransposition des directives européennes, recommandation qui devrait devenir pour nous, mes chers collègues, un principe à suivre obligatoirement.

Nous le savons, les normes représentent un coût financier considérable. La circulaire datant de juillet 2013 et instaurant la règle « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » a été publiée à la suite de l’annonce d’un « choc de simplification » par le Président de la République. Or, en 2014, l’instance d’évaluation des normes a examiné 303 projets, dont le coût a été évalué à environ 1,4 milliard d’euros en année pleine. Cette tendance montre bien que le « choc de simplification » peine, pour le moment, à se traduire dans les faits.

En octobre 2014, le Premier ministre – qu’il en soit félicité ! – a enjoint les ministères de compenser toute charge financière liée à une nouvelle norme par un allégement équivalent. Au moment des vœux inaugurant cette nouvelle année, nous attendons avec impatience les résultats de cette prescription.

L’enquête réalisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation auprès des maires est très significative : sur 4 200 réponses, quelque 61 % des élus considèrent la simplification des normes sur l’urbanisme comme prioritaire.

En tant qu’élus locaux, pour la plupart, nous avons tous vécu des moments de très grande solitude et de profond désarroi dans des situations confinant à l’absurde, face à une administration qui justifie trop souvent et inlassablement l’empêchement de faire par des formules du type : « Je comprends bien votre question, madame ou monsieur le maire, mais ce que vous demandez n’est pas possible à cause des règles d’accessibilité, qui ne sont elles-mêmes pas forcément compatibles avec les règles de sécurité ou le PLU. »

Citons quelques exemples. Les normes de construction parasismiques concernent aujourd’hui 21 000 communes, contre 5 000 auparavant. Comme Rémy Pointereau l’a rappelé, MM. Lambert et Boulard ont, en 2013, attribué le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes sismiques là où la terre n’a jamais tremblé ».

Rappelons également l’empilement des documents d’urbanisme – le SCOT, le PLU, le PLH, le plan de déplacement, le plan climat-énergie –, la nécessité de réaliser parfois trois études distinctes avant d’entreprendre des travaux en zone humide, l’excès ubuesque de surprotection, qui conduit parfois – je l’ai vécu – des commissions de sécurité à exiger un contrôle de l’avis du contrôleur.

Je pourrais aussi évoquer l’incompatibilité de la norme et des usages – dans les crèches ou les unités d’Alzheimer, il faut s’assurer de l’impossibilité de sortie, alors même qu’il est nécessaire de disposer d’issues de secours ouvrables à tout moment –, l’étonnante réglementation sur l’implantation des classes mobiles, fréquentes dans nos communes – à ce sujet, notre collègue Éric Doligé a, à juste titre, suggéré que l’autorisation d’implantation de classes mobiles soit non pas renouvelable chaque année, mais valable pour la durée du chantier –, ou encore l’insupportable complexité des procédures de ZAC – le délai actuel de 3 à 5 ans, alors que l’on nous presse de produire des logements, détourne les maires de cet outil très pertinent d’aménagement, qui oblige à avoir une vraie vision du développement de notre commune, appuyée sur une démarche de concertation. Mes chers collègues, en ces matières comme en tout, le mieux est l’ennemi du bien !

Enfin, j’évoquerai les situations invraisemblables provoquées par l’évolution des textes de loi et de réglementation, en prenant l’exemple, très révélateur, d’une commune de mon département. Entre le lancement de la procédure de révision de son PLU et la date définitive d’approbation de celui-ci, le contexte réglementaire a bougé trois fois, pour finalement revenir à la situation initiale.

Manque de chance, cette commune avait achevé l’enquête publique sur la révision de son PLU au moment de la promulgation de la loi ALUR, qui était d’application immédiate. Elle a donc dû relancer la révision de son PLU, réaliser une étude supplémentaire pour intégrer les nouvelles dispositions et, surtout, répondre à l’étonnement justifié des habitants, qui ne comprenaient pas pourquoi le maire recommençait un travail qu’il n’avait pas achevé.

À peine six mois plus tard, la loi d’avenir pour l’agriculture a apporté son lot de modifications et de nouveautés sur le sujet. Enfin, la loi Macron a assoupli ces dispositions, pour que, peu ou prou, l’on revienne aux dispositions applicables avant l’adoption de la loi ALUR.

Mes chers collègues, nous marchons sur la tête !

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Françoise Gatel. Cessons de constater avec désespérance cette incontinence normative, car, disons-le clairement, les législateurs que nous sommes sont responsables de cette surréglementation,…

M. Charles Revet. Il faut le dire !

Mme Françoise Gatel. … comme l’est aussi l’administration au travers des normes qu’elle édicte.

C’est pourquoi je salue l’excellente initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de son président, ainsi que le non moins excellent travail de notre collègue, Rémy Pointereau, dont je connais la détermination. Nous devons vraiment agir et cesser de gémir.

Simplifier ne veut pas dire déréglementer ! En revanche, simplifier doit être pour nous une ardente obligation. La loi doit avoir pour objet de permettre d’agir et de résoudre des questions au lieu d’empêcher de faire, car cela n’a jamais supprimé une question ou un problème.

Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe de l’UDI-UC votera cette excellente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, soyons beaux joueurs ! La proposition de loi constitutionnelle ayant été approuvée, monsieur Pointereau, je suis sûr qu’il ne fait aucun doute dans votre esprit que nous sommes à quelques semaines du vote en termes identiques de cet important texte par l’Assemblée nationale et de l’organisation du référendum nécessaire à son entrée en vigueur. (Sourires. – M. Rémy Pointereau s’esclaffe.)

Néanmoins, bien que je m’incline devant l’importance de cette procédure de révision constitutionnelle, je n’hésiterai pas à porter un jugement plus que positif sur cette proposition de résolution.

En effet, j’ai eu la chance de travailler avec Alain Richard, Alain Lambert, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur sur le renforcement du CNEN, et je mesure l’ampleur et le caractère ingrat de la tâche qu’a confiée le président du Sénat à Jean-Marie Bockel et à la délégation aux collectivités territoriales. Si les choses bougent, comme je le soutiens, le Sénat, notamment sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, y est incontestablement pour beaucoup.

Soucieux d’éviter les répétitions, je ne reviendrai pas sur les observations de la Cour des comptes, qui sont loin d’être neutres. Cette instance regrette l’insuffisante coordination entre le secrétariat général du Gouvernement et le CNEN, dont M. le secrétaire d'État a rappelé hier que la saisine avait été considérablement allégée.

Je veux simplement évoquer la thèse défendue hier par M. le secrétaire d'État au sujet de l’interprétation facilitatrice. M. Vallini s’est adressé aux sénatrices et sénateurs pour leur dire que quelque chose était en train de changer en France. Peut-être les élus locaux que nous sommes ne l’ont-ils pas encore totalement perçu, mais M. Vallini a tenu à nous le faire savoir, les circulaires destinées aux préfets n’imposent plus à ces derniers une stricte lecture des textes. Il s’agit désormais de circulaires interprétatives, qui leur laissent un pouvoir d’appréciation, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État relative au droit souple.

M. Vallini nous dira tout à l’heure ce qu’il pense de la ligne aérienne desservant le Cantal, dont il a été beaucoup question lors de la discussion de la loi NOTRe. En tout cas, pour moi, un préfet digne de ce nom devrait considérer que, si la région ne reprend pas cette compétence, rien ne saurait empêcher le département de le faire au nom de la solidarité territoriale.

Cet excellent exemple concret nous amène à saluer un certain nombre d’avancées en matière d’urbanisme. Sans trop allonger mon propos, je voudrais tout de même rappeler – en effet, biscuit avalé n’a plus de goût ! (Sourires.) – et saluer les mesures prises dans la foulée du comité interministériel de Vesoul sur les ruralités. Vous le savez, chers collègues qui connaissez les territoires, pour la première fois, de l’ordre est remis dans la réglementation sur les plans locaux d’urbanisme. Pour la première fois, un PLU doit tenir compte du projet du maire ou des élus. Pour la première fois, il cesse d’être soumis au carcan de l’urbanisme réglementaire, qui empêchait de mettre en œuvre le projet des élus ! (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je voudrais saluer ces mesures, comme je tiens à saluer les progrès observés du côté du Conseil d’État, sur l’initiative de Cécile Duflot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela aussi, on l’a oublié ! Ces progrès ont permis de lutter contre les recours abusifs en matière de permis de construire, conformément aux préconisations de la commission Labetoulle.

Je voudrais insister particulièrement sur le fait que le droit à l’expérimentation, version Joël Labbé ou version Rémy Pointereau, introduit une possibilité de différenciation.

Je tiens à le dire, saluant au passage Jean-Jacques Hyest, lors des débats sur la loi NOTRe, nous avons défendu le schéma régional d’aménagement du territoire, appelé désormais le SRADDET. Nous avons tenu à ce que cet outil, dont l’échelle est régionale et qui a une portée prescriptive – c’est l’une des grandes modifications apportées par le texte – permette de prendre en compte les spécificités du territoire, ses enjeux, économiques, sociaux et environnementaux, afin de savoir précisément adapter – je n’ai pas peur du mot – la règle.

Je le rappelle, le droit souple, ce n’est pas nous qui l’avons inventé ; c’est le Conseil d’État qui a forgé la notion. Et il a rappelé que si le droit n’est pas toujours aussi souple qu’on pourrait le souhaiter, nous n’y sommes pas pour rien. L’administration y est certes pour quelque chose, mais il ne faut pas oublier le rôle du législateur. Aussi, osons cette différenciation dans l’application !

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que les conférences territoriales de l’action publique, les CTAP, vont déjà permettre cette adaptation des politiques publiques aux territoires. Je plaide, quant à moi, pour la simplification. Je vais jusqu’à dire que les SCOT ne couvrent même pas 20 % du territoire national et que l’on peut s’en passer ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Rémy Pointereau. Exactement !

M. René Vandierendonck. On peut très bien fonctionner avec des schémas régionaux d’aménagement du territoire, qui engagent l’essentiel et qui sont à la bonne échelle. En effet, quand il s’agit de traiter de problématiques d’étalement urbain, de préservation des terres agricoles, d’assainissement, d’hydrologie, quand il faut lutter contre un certain nombre de pollutions, il n’y a pas besoin de SCOT, car les SRADDET sont à la bonne échelle.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. René Vandierendonck. Si vous saviez le temps que les élus de la région Nord-Pas-de-Calais passent, dans le cadre d’un exercice qu’ils appellent « l’inter-SCOT », à essayer de se coordonner, vous vous rendriez compte que l’heure est venue de simplifier ! Je conclus donc en disant : « Continuons à simplifier ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour le maire que je suis, l’ensemble des points qui constitue la résolution dont nous débattons aujourd’hui semblent si évidents que je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est largement partagée sur toutes les travées de l’assemblée représentant les collectivités locales. Aussi formulerai-je, avant toute chose, une interrogation : comment en sommes-nous arrivés là ?

Comment, durant ces décennies, avons-nous laissé prospérer ce labyrinthe de détours et de culs-de-sac qui constitue un parcours du combattant réglementaire dont tout semble donner à penser qu’il vise à ralentir la progression des élus vers la satisfaction des besoins de leur territoire ?

L’écrasante majorité des membres des gouvernements qui proposent les lois et l’écrasante majorité des parlementaires qui votent ces dernières ont exercé les fonctions de maires ou d’élus municipaux. Tous ont donc eu à affronter ces obstacles, qui vont des tracasseries administratives et coûteuses à l’application d’une réglementation souvent excessive et parfois – disons le mot – absurde.

J’y vois une explication : la fâcheuse inclination de notre époque à vouloir placer sous tutelle chacune des entreprises conduites par les personnes physiques ou morales, au lieu de fixer des objectifs et de laisser aux élus le soin de mettre en œuvre leurs propres solutions.

Je pense que cette mise en garde s’adresse directement à nous-mêmes, nous, législateurs et donc prescripteurs de normes. Osons dresser un bilan impartial de la poursuite de certains objectifs parfaitement louables, mais qui se concrétisent sur le terrain en contraintes insurmontables, à l’instar des exigences liées à la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme.

Ces normes d’urbanisme étouffent le développement de nos territoires, notamment en milieu rural. Et la morosité du secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, ne s’explique pas par la seule baisse des dotations ou le mauvais climat économique de notre pays. Elle a également pour origine les obstacles sans cesse plus nombreux qui séparent une délibération d’une inauguration.

Les diverses compatibilités auxquelles les PLU doivent se soumettre forment un étau qui se resserre chaque fois un peu plus. Ajoutons-y la liste des études obligatoires, souvent redondantes, et nous obtenons une illustration typique du mal français.

Les conséquences sont fâcheuses. Je vais en donner une illustration : j’évoquais à l’instant la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme. Comment comprendre qu’il soit désormais fait obligation à un maire de réduire de façon drastique son enveloppe foncière, abandonnant ainsi toute forme d’urbanisation et de développement sur des secteurs qui viennent de faire l’objet d’investissements lourds de la commune pour être viabilisés ?

Nous avons tous ici eu à connaître d’innombrables situations dans lesquelles des citoyens, des entrepreneurs ou des agriculteurs sont révoltés par des règles dont les bénéfices supposés ne leur profiteront jamais, mais dont ils sont les premiers à subir les rigidités.

Les décideurs locaux doivent donc reprendre un peu du poids que la légitimité du suffrage universel leur procure. Sinon, à quoi bon avoir inscrit le principe de décentralisation dans notre Constitution ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

J’en viens au rééquilibrage qui doit, à mon sens, s’opérer face aux agents de l’État dont les conséquences laissées à leur pouvoir d’appréciation font naître des disparités d’un département à un autre, ainsi qu’un climat de perpétuelle incertitude. D’où mon soutien à l’alinéa de la résolution proposant l’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité, de protection du patrimoine et de contrôle des obligations sanitaires.

Prenons le cas des architectes des Bâtiments de France : je pense que, finalement, ils nous sauront gré d’avoir mieux défini leur mission et d’atténuer les facteurs de frictions susceptibles de naître avec les élus locaux.

Je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution excellemment rédigée par notre collègue Jean-Marie Bockel, à qui je veux rendre hommage, ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales, qui a mené un travail de concertation aussi dense que rigoureux.

Mes chers collègues, nous avons l’ardente obligation de redonner de l’air à nos territoires. Maintenant, monsieur le secrétaire d'État, la balle est dans le camp du Gouvernement. Puisque celui-ci prêche la réforme et la simplification, il lui reste plus d’un an pour mener à bien ce chantier pour lequel, soyez-en sûr, vous n’aurez cette fois à souffrir aucune contestation de la part des élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.

M. Cédric Perrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’introduire mon propos par le diagnostic établi par le Conseil d’État en 1991 : « La surproduction normative, l’inflation des prescriptions et des règles ne sont pas des chimères, mais une réalité ». Cette réalité, nous la subissons tous au quotidien. Dans ce rapport, la haute juridiction démontrait déjà l’existence d’une véritable « logorrhée législative et réglementaire ».

D’autres travaux récents sont venus illustrer ce constat : en 2007, le rapport d’Alain Lambert ; en 2011, le rapport d’Éric Doligé ; en 2012, le rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Et sur le plan international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, consacrait en 2010 une étude relative aux moyens permettant de « mieux légiférer en France ».

Pourtant, plus de vingt-cinq ans après le rapport du Conseil d’État, le constat est le même et il se révèle particulièrement préoccupant pour les collectivités territoriales.

Cela a été rappelé à de nombreuses reprises, cette inflation législative est incompréhensible pour nos concitoyens, parce qu’elle se traduit par des dépenses obligatoires nouvelles, mais aussi parce qu’elle va de pair avec des procédures complexifiées et des délais toujours plus longs. Dans les petites communes, notamment, des aberrations sont quotidiennement constatées. Nous les subissons tous.

Deux propositions concernent la rédaction d’une charte nationale pour harmoniser les niveaux d’exigence en matière de sécurité et d’architecture.

Cette harmonisation est urgente. Tous les maires peuvent en attester. À ce titre, prenons l’exemple d’une commune de mon département, qui compte moins de 400 habitants. Son église, de style roman, dont les premières pierres furent posées au XIIe siècle, figure sur la liste des monuments historiques. Conséquence regrettable de cette prestigieuse qualification, la covisibilité entre l’église et les constructions situées dans un périmètre de 500 mètres donne lieu à des obligations superfétatoires.

Ainsi, un propriétaire âgé s’est vu refuser la pose d’une porte de garage séquentielle, alors même que sa propriété est très éloignée de l’édifice et qu’elle se situe dans un lotissement moderne. Rassurez-vous, la pose d’une porte de garage en bois avec une petite porte lui a été autorisée, ce qui lui impose de sortir systématiquement de son véhicule pour le stationner !

Une autre proposition concerne l’établissement d’une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité. On ne peut douter de l’utilité d’une telle mesure quand on apprend que seuls 22 % des actes reçus ont été effectivement contrôlés en 2012. Au-delà de ce constat, c’est aussi la question de la formation et des compétences techniques des agents municipaux qui se pose. Nombre d’entre eux sont démunis face à la multiplication des normes et à la complexité qui en découle.

Chaque préparation de délibération est redoutée, par crainte qu’elle ne soit « retoquée ». Exclure du contrôle de légalité certains actes secondaires permettra à nos agents de se concentrer sur l’essentiel.

La proposition visant à simplifier la réglementation applicable aux PLU et à réduire le nombre de documents d’urbanisme concourt également à cet objectif : les SRCE, SCRCAE, SRADDT, SRADDET, PGRI, etc., sont autant d’acronymes derrière lesquels se cache un empilement normatif qui nourrit l’exaspération de nos agents. On exige d’eux le respect des réglementations, alors même que celles-ci n’ont pas la même valeur juridique.

J’ai recueilli à cet égard les témoignages d’agents et d’élus de mon département. « On marche sur la tête », m’ont-ils confié, appelant à plus de souplesse. Ils ont raison. Comment justifier des divergences d’appréciation et d’exigence d’un département à un autre ? Comment justifier le zèle dont font parfois preuve certains fonctionnaires qui surajoutent des obligations aux normes en vigueur ?

En ce sens, un autre secteur a été à juste titre désigné comme prioritaire pour la simplification : la mise en accessibilité des établissements recevant du public, un secteur que 36 % des élus ayant répondu au questionnaire proposé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont en effet mentionné.

Au degré de complexité des dispositions s’ajoute dans ce domaine l’imprévisibilité des avis rendus par les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité. Sur le terrain, les situations s’enlisent. Il est urgent d’agir pour faciliter et promouvoir les actions engagées, et pour enfin harmoniser le degré d’exigence d’un territoire à l’autre.

Ainsi, notre objectif, avec la proposition de résolution, est de faciliter le quotidien des élus locaux et des administrés en relâchant l’étau normatif qui entrave l’action locale. Nous en parlons tous dans nos circonscriptions, nos mairies, nos conseils municipaux. Aussi, ici au Sénat, faisons-le et simplifions enfin ! Une fois de plus, notre assemblée s’inscrira ainsi dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, en proposant des mesures réglementaires significatives et, surtout, de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme hier après-midi, nous voici de nouveau réunis autour du sujet des normes, excessives, contraignantes, coûteuses, qui pèsent sur les collectivités territoriales.

Plus précisément, nous discutons aujourd'hui d’une proposition de résolution visant à simplifier et à alléger les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction, proposition qui émane de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, que préside Jean-Marie Bockel et dont le premier vice-président, Rémy Pointereau, est chargé de la simplification des normes – de la « lutte » contre les normes, suis-je tenté de dire.

Les éléments de ce débat sont connus : nous avons eu l’occasion d’en parler beaucoup hier ; nous le faisons souvent et depuis longtemps, notamment dans cet hémicycle et dans nos départements respectifs.

Je commencerai mon propos en disant, comme je l’ai fait hier, et, comme l’ont fort opportunément rappelé Mme Bataille et MM. Bosino et Labbé, que la norme est utile et même souvent indispensable. Elle est nécessaire dans un État de droit et dans une société qui se veut développée, par exemple dans les domaines de la santé et de l’environnement, ou encore dans le domaine qu’évoquait hier Jean-Pierre Vial, celui de l’accessibilité, notamment aux handicapés, des bâtiments publics.

Grâce à des normes parfois contraignantes, mais c’est leur nature de l’être, des progrès considérables ont été accomplis depuis quelques années en matière de protection de l’environnement, de santé publique et en faveur des handicapés.

C’est le premier élément : il ne faut donc pas complètement « diaboliser » la nécessité, dans nos sociétés, d’avoir des normes parfois contraignantes et, c’est vrai, parfois coûteuses aussi.

M. Charles Revet. Tout est dans la mesure !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour le second élément, je reprendrai ce qui a été dit hier par Jean-Pierre Vial, mais aussi par Jean-Marie Bockel : qui est à l’origine de la prolifération des normes ? Le Parlement.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai.

M. Jean-Marie Bockel. Absolument !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Toutefois, la responsabilité incombe aussi aux gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui vous proposent, mesdames, messieurs les sénateurs, comme ils proposent aux députés, de plus en plus de lois, et des lois de plus en plus longues. Ce constat a été dressé depuis longtemps par le Conseil d'État, par le Conseil constitutionnel – par Jean-Louis Debré notamment, mais pas seulement.

Que ce débat, au-delà des clivages partisans, nous permette donc aussi de faire notre examen de conscience ; le mot est un peu fort, mais sachons reconnaître les responsabilités des uns et des autres dans ce problème, qui est réel.

J’en viens aux solutions, car tout problème a une solution, et c'est aussi le cas de celui que pose, incontestablement, la prolifération normative.

Monsieur Mézard, vous êtes président de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac, où je me trouvais récemment et où l’on m’a en effet parlé de l’aéroport. À ce titre, vous avez à nommer des délégués ou des représentants dans de nombreuses commissions, notamment celle qui s’occupe des chauves-souris.

J’ai été président du conseil général de l’Isère et j’avais moi-même à nommer des délégués, comme peut-être M. Savin d’ailleurs (M. Michel Savin sourit.), dans telles ou telles commissions qui s’occupaient, elles aussi, des chauves-souris et d’autres animaux dignes, évidemment, de notre sollicitude. (Sourires.)

M. Savin se souviendra peut-être que j’ai dû patienter pendant des années pour obtenir la réalisation d’un pont dans mon propre canton, entre Tullins et Saint-Quentin-sur-Isère, à cause de la protection des tritons crêtés rendue nécessaire par une norme. (Nouveaux sourires.)

M. Michel Savin. C’est vrai !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Il a fallu surmonter de nombreux obstacles, et, le jour où j’ai enfin cru parvenir au but, on m’a expliqué que le chantier devait être retardé, parce qu’il allait sinon s’ouvrir en pleine période de nidification des hirondelles…

Je connais donc bien ces sujets, qui sont exaspérants.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. André Vallini, secrétaire d'État. J’ai aussi été maire de ma petite ville natale et j’ai moi aussi, monsieur Perrin, eu à respecter la réglementation qui interdit, parce que l’église de Tullins est classée, de construire dans un rayon de 500 mètres. C’est tant mieux d’ailleurs pour la protection du patrimoine, même s’il y a parfois des excès de la part des fameux ABF. Nous sommes donc tous d’accord sur le constat et, tous, nous partageons la même volonté d’agir.

Les gouvernements successifs, là encore de droite comme de gauche, ont essayé d’agir, mais j’ai plutôt tendance à défendre celui auquel j’appartiens, et c'est la raison pour laquelle je vais vous dire que l’actuel gouvernement agit, peut-être pas mieux que les autres, mais en tout cas beaucoup plus que ce n’était le cas depuis une quinzaine d’années, à l’instigation et sous la pression, au bon sens du terme, du Sénat, notamment des membres de la délégation sénatoriale présidée par Jean-Marie Bockel.

L’action résolue engagée par le Gouvernement s’inscrit dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, comme l’a rappelé Mme Gatel.

Le dispositif repose sur le Conseil national d’évaluation des normes, présidé par votre ancien collègue Alain Lambert, ainsi que sur deux circulaires, l’une du 17 juillet 2013, l’autre du 9 octobre 2014.

Un premier bilan des effets de la nouvelle impulsion qu’a donnée le Gouvernement à la lutte contre les normes peut être dressé, en premier lieu sur le flux. Je sais que les chiffres sont toujours sujets à contestation, notamment dans ce domaine, et je n’en citerai donc pas. Je tiens simplement à dire que la DGCL, qui assure le secrétariat du CNEN, est formelle : l’objectif de « zéro charge nouvelle » a été atteint en 2015. Chaque fois qu’une norme a été créée ou que l’« aggravation » d’une norme existante a été décidée, l’administration a été tenue d’obtenir un allégement d’un montant équivalent.

La tendance est donc claire et le résultat net. On ne doit bien sûr pas s’en satisfaire : il faut aller plus loin. Pour accentuer encore en 2016 cette tendance favorable, que personne ne conteste au CNEN, nous allons, à la demande notamment d’Alain Lambert, améliorer les évaluations des conséquences financières des textes présentés au CNEN, car celles-ci ne sont pas suffisamment détaillées. Je disais hier à cette tribune que les administrations centrales se contentent encore trop souvent, en guise de concertation avec les associations d’élus, d’une note d’information ou d’un message électronique.

Cela doit changer, et des directives ont été données en ce sens. Une circulaire a été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que les évaluations financières doivent être aussi précises que possible.

Après le flux, le stock fait lui aussi l’objet de toute notre attention. Une mission d’inspection a d’abord été mandatée en 2015 pour faire ressortir les normes les plus contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu son rapport, avec une liste de 76 propositions regroupées par thématiques, dont celle de l’urbanisme.

J’ai en outre réuni à six reprises des ateliers thématiques à mon cabinet avec les associations d’élus, auxquelles j’avais demandé de nous envoyer des « praticiens » au quotidien de la norme, c'est-à-dire des DGS, les directeurs généraux des services, et des DST, les directeurs des services techniques. Les élus sont évidemment très compétents et dénoncent à juste titre la prolifération des normes, mais ce sont les DGS et les DST qui ont à appliquer celles-ci, avec difficulté, au jour le jour.

À la suite de ces ateliers thématiques, une dizaine de propositions ont été formulées après chaque réunion et deux séries de simplification ont été actées ces derniers mois.

Tout d’abord, comme M. Vandierendonck l’a rappelé, la loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient issues du rapport de votre collègue Éric Doligé, à qui j’ai rendu hommage hier, ce que je fais de nouveau volontiers cet après-midi. Je ne les citerai pas, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous les connaissez.

Ensuite, M. Vandierendonck et Mme Bataille l’ont dit, le 14 septembre dernier, lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul, dix-huit mesures de simplification de normes existantes ont été annoncées, notamment dans le domaine de la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme.

Pour aller plus loin en 2016, deux évolutions importantes ont été décidées par le Premier ministre.

La première concerne le renforcement du dispositif gouvernemental. Nous avons obtenu qu’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, soit dédiée au suivi de l’allégement des normes. Des fonctionnaires – il en faut, bien sûr, y compris pour simplifier – sont désormais chargés de suivre la mise en œuvre des simplifications.

En effet, une chose est de dire que l’on va alléger et simplifier une norme et l’acter dans un comité interministériel, ou même dans une loi comme la loi NOTRe, une autre chose est de vérifier que l’allégement et la simplification ne se perdent pas dans les sables de l’administration centrale. Grâce à la SGMAP, notre équipe de suivi est donc renforcée.

La seconde évolution, qui est importante, découle d’une demande formulée par Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau dans la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Le 20 mai dernier, je vous avais expliqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette proposition de loi ne convenait pas parce qu’elle visait à modifier un décret, mais j’avais pris l’engagement devant vous que j’obtiendrais la modification de celui-ci.

Cela a pris beaucoup de temps, j’en conviens, mais je puis vous dire que pas une semaine ne s’est passée sans que ne m’inquiète de savoir où en était le décret modifié. Il est resté longtemps dans certains bureaux ; il est ensuite resté très longtemps au Conseil d'État ; enfin, la semaine dernière, nous avons obtenu la publication de ce décret : alors que, auparavant, il fallait réunir cent maires, ce qui est beaucoup, même si ces derniers sont désormais 35 945 en France, désormais, un seul maire peut saisir le CNEN d’une modification, d’un allégement, voire d’une suppression de norme s’il le souhaite.

Après le flux et le stock des normes en vigueur, tous deux trop importants, j’en viens au troisième point, que j’ai déjà évoqué hier après-midi et qui est peut-être le plus important : les conditions d’application des normes. Les élus locaux, quand on les interroge, se plaignent bien évidemment de l’excès de normes, mais surtout de la difficulté qu’ils ont à les appliquer, du manque de conseils…

M. Rémy Pointereau. De l’interprétation !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … et de l’interprétation qui est parfois faite de ces normes par l’administration.

Voilà le troisième chantier auquel le Premier ministre m’a demandé de m’attaquer. Sur un conseil judicieux du sénateur Jean-Claude Boulard, expert en la matière, j’ai suggéré au Premier ministre, voilà quelques semaines, d’adresser aux préfets et à tous les chefs de services déconcentrés de l’État une circulaire qui leur prescrive une interprétation facilitatrice des normes ou plutôt, comme diraient les Québécois, un accommodement raisonnable – je trouve la formule plus imagée encore –…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … dans leur application, en fonction des réalités du terrain et de la collectivité locale à laquelle elles doivent être appliquées.

Le Premier ministre a bien voulu signer cette circulaire, qui sera adressée aux préfets dans les prochains jours. On m’avait dit que ce serait fait en décembre, or nous sommes en janvier : je vais donc à nouveau m’inquiéter de savoir si les préfets vont bientôt la recevoir.

Je vous invite d’ailleurs instamment à faire connaître cette circulaire aux élus locaux lors des cérémonies de vœux auxquelles nous participons tous dans nos départements. Vous pourrez leur faire savoir qu’ils auront désormais la possibilité non seulement de saisir le CNEN, pourquoi pas par votre intermédiaire, mais aussi de rappeler aux préfets qu’ils ont reçu du Premier ministre une circulaire qui leur demande d’interpréter de façon facilitatrice telle ou telle norme.

J’en viens maintenant plus précisément à votre proposition de résolution. Elle invite en premier lieu le Gouvernement à remplacer par un décret la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation.

Je ne suis pas certain que faire remonter dans la hiérarchie des normes ce principe de compensation permette de maîtriser très efficacement et rapidement l’inflation normative. Ce qui compte en la matière, vous le savez bien, c’est d’abord la volonté politique, que le Sénat et le Gouvernement ont en commun.

Cette volonté doit aussi s’appliquer à changer la culture de l’administration française. Trop souvent encore, nos hauts fonctionnaires considèrent qu’agir, c’est forcément édicter, réglementer, légiférer. Nous devons aujourd’hui faire comprendre à l’administration qu’agir, ce peut être inciter plutôt que réglementer, ce peut être conseiller plutôt que légiférer.

J’évoquais hier une autre idée de Jean-Claude Boulard, que partage d’ailleurs Alain Lambert – tous deux ont accompli un travail remarquable à ce sujet –, l’idée d’un guide ou d’un référentiel des bonnes pratiques, qui pourrait, dans de nombreux domaines, se substituer à des normes trop contraignantes. Il faut réfléchir à quelques domaines dans lesquels de telles méthodes pourraient être expérimentées.

J’évoquais hier le sujet des cantines : vous savez que la réglementation dans ce domaine est très précise et tatillonne ; je me souviens d’avoir évoqué, lors d’un conseil des ministres où je présentais un bilan d’étape de mon action contre les normes, les réglementations imposant des longueurs et diamètres différents aux quenelles servies dans les cantines selon qu’il s’agisse d’écoles maternelles, d’écoles primaires ou de collèges. Or il existe, dans nos départements, de nombreux restaurants scolaires fréquentés à la fois par des élèves d’écoles maternelles, d’écoles primaires et de collèges : c’est un casse-tête pour l’intendant chargé de la gestion d’un tel restaurant !

Il faut donc faire confiance en premier lieu au bon sens des fonctionnaires qui se trouvent au plus près de la réalité vécue par nos concitoyens. Il faut en outre, par exemple dans ce domaine, préférer un référentiel de bonnes pratiques à des normes tatillonnes…

M. Charles Revet. Il y en a beaucoup !

M. André Vallini, secrétaire d'État. En effet, il y en a beaucoup.

… et quasiment impossibles à appliquer. Je vous soumets donc cette idée ; il peut y en avoir d’autres.

Nous avons réfléchi hier, avec le sénateur Jean-Pierre Vial et l’ensemble d’entre vous, à une autre évolution possible, à savoir une administration différenciée de nos territoires. J’ai écouté attentivement les discours des uns et des autres ; tous, vous avez affirmé qu’il faut adapter les normes à nos réalités locales.

C’est déjà possible, et ce le sera plus encore demain grâce à la loi NOTRe. En effet, à l’article 1er de cette loi, il est prévu que les régions peuvent formuler des propositions d’évolution des lois et règlements, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant leurs domaines de compétence. Ce pouvoir d’adaptation, dont les régions disposent depuis le début de ce mois, respecte le principe d’égalité républicaine, auquel nous sommes tous très attachés, dès lors que deux conditions sont remplies.

La première d’entre elles est que la modulation locale dans l’application d’une norme législative devra reposer soit sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités, soit sur une raison d’intérêt général.

La seconde condition est que la différence de traitement doit être en rapport direct avec les finalités de la législation dans le cadre de laquelle le législateur décide de confier aux collectivités territoriales un pouvoir réglementaire.

Sous ces deux réserves, les régions pourront adapter la législation qui s’applique à l’ensemble du pays aux réalités de leur territoire.

M. Jacques Mézard. Il ne manquait plus que cela !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Enfin, comme le sénateur Vandierendonck l’a rappelé, nous n’avons pas encore assez mesuré le rôle facilitateur que joueront les conférences territoriales de l’action publique, ou CTAP, pour adapter l’organisation des administrations locales aux réalités de nos territoires. Ce rôle apparaîtra plus clairement au fil des mois et des années à venir : en effet, les CTAP pourront, dans chaque région, décider la délégation de telle ou telle compétence, ici à un département, là à une communauté d’agglomération ou à une communauté de communes.

Votre proposition de résolution invite en second lieu le Gouvernement à engager plusieurs mesures de simplification. Avec mon cabinet et les services de l’administration, nous avons beaucoup travaillé sur ce point. Le Gouvernement est très intéressé par ces propositions. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été engagées dès le comité interministériel aux ruralités de Vesoul, le 14 septembre dernier. Je pense notamment à l’établissement, en concertation avec les élus locaux, d’une charte nationale d’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité et de prévention.

De même, vous proposez d’alléger ou de supprimer les normes parasismiques. Voilà un sujet, parmi d’autres, que connaît parfaitement Jean-Claude Boulard. Il m’en a d’ailleurs saisi et j’ai commencé à faire bouger les choses, ce qui n’est pas facile. Il existe dans notre pays des territoires où la terre n’a jamais tremblé, où la géologie indique qu’elle ne devrait pas trembler avant longtemps et où, pourtant, les normes parasismiques s’imposent,…

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … engendrant un coût supplémentaire dans la construction des bâtiments.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je m’en préoccupe donc, presque chaque semaine. En tout cas, mon cabinet est là pour ça.

M. Charles Revet. Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je négocie actuellement avec le ministère de l’environnement, monsieur le sénateur, ce qui n’est pas facile… (Rires et applaudissements sur plusieurs travées.) Celui-ci a en effet, dans beaucoup de domaines, sa façon de voir les choses…

Mme Isabelle Debré. Le cabinet ou la ministre ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Si j’osais employer une formule un peu facile, je dirais : comme il est compliqué de simplifier, dans notre pays ! (Marques d’approbation sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Vous proposez également, mesdames, messieurs les sénateurs, de simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme : cela aussi a été annoncé lors du comité interministériel de Vesoul.

D’autres propositions, telles que l’exclusion du contrôle de légalité d’actes de faible importance ou l’ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques, ont également été engagées lors de ce comité interministériel. J’ai ici la liste que je vous avais promise hier de toutes les mesures de simplification et d’allégement qui sont en cours d’examen ou de réalisation.

Mme Isabelle Debré. Oh là là !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je ne vous en ferai pas la lecture intégrale – cela ne mérite pas d’être mentionné in extenso à la tribune – mais, par exemple, la mesure n° 9 concerne l’harmonisation des dispositions concurrentes – je dis bien « concurrentes » – concernant l’inclinaison de la pente des bordures de piscine. (Rires.) On en est là !

M. Charles Revet. Eh oui ! C’est pour cela qu’il faut changer les choses !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Mon travail, travail de bénédictin ou de Romain, selon la période que l’on préfère, consiste à descendre ainsi dans le détail des choses, afin que les mesures concernant l’inclinaison des pentes de piscine soient harmonisées, car les réglementations ne sont pas les mêmes selon l’administration concernée.

On peut également mentionner, dans le même domaine, l’obligation de vidange des bassins de piscine, qui sera ramenée à une par an au lieu de deux : cela représente tout de même une économie importante pour une commune de faible importance qui a la chance d’avoir une piscine, car une telle vidange coûte cher.

Tout cela paraît quelque peu lointain aux administrations centrales et à leurs hauts fonctionnaires, qui sont excellents, que le monde entier nous envie et que je rencontre régulièrement ; néanmoins, ces sujets concrets sont vécus au quotidien par les élus.

Comme vous le savez, je me rends chaque semaine dans un département, et notamment dans ceux d’entre eux qui sont les plus éloignés des agglomérations urbaines et qui se sentent, à écouter leurs élus, quelque peu délaissés par Paris. J’y vais justement pour leur expliquer que ce n’est pas le cas, que le Gouvernement se préoccupe de leur vie quotidienne, et pour les écouter. Je pars ainsi demain en Vendée pour deux jours et je serai à nouveau la semaine prochaine en Lozère. Or partout, on me parle de problèmes aussi concrets que ceux que je viens d’évoquer : mon travail est bien là, dans le suivi des mesures les plus concrètes et les plus pragmatiques, de ces mesures qui vous intéressent, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que représentants constitutionnels des communautés locales.

En conclusion, si la présente résolution, comme je le pressens, est adoptée, le Gouvernement étudiera très attentivement chacune des propositions qui y sont faites. Par ailleurs, puisque nous partageons dans ce domaine le même objectif, j’allais dire la même philosophie, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée sur son adoption. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Bonne nouvelle !

M. le président. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction

Le Sénat,

Vu l’article 34–1 de la Constitution,

I) Considérant que l’objectif de limitation des charges et contraintes pesant sur les collectivités territoriales du fait de la réglementation doit être considéré comme prioritaire ;

Considérant que le Gouvernement a lui-même posé, par la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, le principe : « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » ;

Considérant que l’adoption d’un texte plus impératif qu’une circulaire est nécessaire pour assurer la pleine application de ce principe et l’ancrer dans la culture administrative ;

Invite le Gouvernement à fixer par un décret les conditions dans lesquelles toute introduction d’une norme réglementaire constituant une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales doit s’accompagner de la suppression ou de l’allégement d’une contrainte ou d’une charge équivalente ;

II) Considérant en outre que la situation financière des collectivités territoriales doit conduire à intensifier l’effort de simplification des normes existantes, qui peut conduire à des économies significatives ;

Considérant en particulier la demande de simplification des normes relatives à l’urbanisme et à la construction exprimée tant par les élus locaux que par les administrés ;

Invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes :

– établir, en concertation avec les élus locaux, une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes ;

– établir également, en concertation avec les élus locaux, une telle charte pour les niveaux d’exigence des architectes des bâtiments de France, en prévoyant une règle de minimis ;

– élaborer au niveau national des référentiels fixant les procédures, les critères et les exigences appliqués dans le cadre des missions d’inspection et de contrôle des agences régionales de santé ;

– simplifier le formulaire CERFA 13404 ;

– inciter les communes dont les équipements d’assainissement collectif n’ont pas encore été mis en conformité avec la législation européenne à déterminer les délais et le concessionnaire retenus pour les travaux de mise aux normes, de manière à permettre la délivrance de permis de construire ;

– établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ;

– publier une circulaire clarifiant le régime des dérogations et mesures compensatoires en matière d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) ;

– autoriser un ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques dans les ERP, en s’inspirant des règles applicables aux locaux professionnels ;

– permettre que l’installation de classes démontables dans les établissements scolaires ou universitaires faisant l’objet de travaux soit dispensée de formalités pour la durée du chantier ;

– permettre le regroupement en un dossier unique des dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté ;

– limiter à un mois la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun en matière d’urbanisme ;

– alléger ou supprimer les normes parasismiques pour les bâtiments de catégorie d’importance III dans les zones de sismicité 2 ;

– simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme et réduire le nombre de documents d’urbanisme dont les exigences se superposent ; en particulier, éviter le cumul des études exigées pour les projets de travaux en zones humides.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.) – (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction
 

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Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

La commission des finances a proposé la candidature de M. Francis Delattre.

La candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

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Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des lois n° 2010–837 et n° 2010–838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis ce jour un vote favorable (19 voix pour, une voix contre et quatre bulletins blancs) à la reconduction de M. Philippe Wahl dans les fonctions de président du conseil d’administration de La Poste. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Acte est donné de cette communication.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (suite)

Instauration d'un Jour de Mémoire

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI–UC, de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (proposition n° 145, résultat des travaux de la commission n° 272, rapport n° 271).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour d’aujourd’hui de la proposition de loi que j’ai déposée. Je tiens aussi à remercier mes collègues, membres non seulement du groupe UDI-UC mais aussi du groupe Les Républicains, qui ont accepté de cosigner cette proposition de loi.

À un moment où notre pays est attaqué sur ses valeurs républicaines, il m’a semblé nécessaire de prendre une initiative qui permette d’inculquer ces valeurs à tous nos jeunes ; il faut en effet, me semble-t-il, leur apprendre ce qui a fait la France et ce que signifie être Français.

Les journées de commémoration, entre autres éléments, devraient théoriquement jouer ce rôle. Dans les faits, on constate que les jeunes s’en désintéressent. Qui plus est, depuis quelques années, les jeunes hommes ont été privés d’un service militaire qui permettait notamment de leur inculquer certaines valeurs républicaines.

J’ai adressé cette proposition de loi au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble des ministres concernés. Je suis heureux d’avoir reçu une réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale. Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui n’a pas manqué de saluer mon initiative, a souligné que son ministère avait déjà pris un certain nombre d’initiatives en la matière. Si je remercie Mme la ministre d’apprécier ce texte, je trouve cependant les actions organisées par son ministère largement insuffisantes au regard des enjeux.

Ainsi, Mme la ministre m’indique qu’est organisé depuis 1982 un partenariat entre son ministère et le ministère de la défense en faveur d’actions en direction des jeunes et des enseignants incitant au souvenir des conflits qu’a connus la France depuis 1870. Ce partenariat est un préalable, une aide au travail de mémoire, mais dont les conséquences concrètes me semblent assez floues.

Mme la ministre précise également que des journées mémorielles sont organisées auxquelles des classes sont associées, par exemple la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 2015 dernier et la cérémonie de panthéonisation du 27 mai de la même année. Tout le monde s’en souvient, mais il s’agit de deux journées ponctuelles et on ne connaît pas le nombre d’enfants concernés. Or l’action de l’éducation nationale doit s’inscrire dans le temps et deux journées ponctuelles ne sauraient suffire.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est pour cela que c’est dans les programmes !

M. Vincent Delahaye. Mme la ministre mentionne en outre l’association de l’école à la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai, et la Journée du souvenir des victimes de la déportation, le dernier dimanche d’avril. En tant que maire, je participe à ces commémorations et la ville de Massy a une place Victor Schœlcher avec une statue de Toussaint Louverture – je pense que c’est la seule qui existe en France – : je n’ai jamais eu le bonheur de voir des écoles ou des classes participer à ces journées de commémorations ; je le regrette et j’espère qu’il n’en est pas de même ailleurs. Je crains donc que les actions évoquées ne relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une réalité pour les élèves et leurs enseignants.

Mme la Ministre cite la mise en place du nouveau parcours citoyen de l’école élémentaire jusqu’en classe de terminale, dans lequel la participation des élèves aux commémorations serait renforcée. Dont acte, mais comme ce parcours est nouveau, nous n’avons encore aucun recul quant à son efficacité.

Dans un esprit constructif, je pense que ces initiatives sont intéressantes et vont dans le bon sens. Toutefois, elles sont incomplètes et parcellaires ; elles restent trop souvent subordonnées à la bonne volonté des enseignants et circonscrites dans les établissements scolaires. Elles concernent trop peu d’élèves.

On le constate, un travail de mémoire est bien effectué en classe, au sein de l’univers scolaire, mais aucun travail pratique ne permet de le mettre en valeur, de se l’approprier pleinement et de le partager avec la société civile.

Il manque en particulier l’étincelle pour passer du « devoir de mémoire » – je reprends les termes du courrier de Mme la ministre – au « travail de mémoire », pour que les élèves s’approprient notre histoire et qu’elle devienne leur histoire.

Le travail de mémoire proposé en classe existe déjà dans les programmes scolaires. Ce n’est donc pas un travail supplémentaire pour les enfants et les enseignants. Il s’agit de rendre ce travail systématique pour que tous les enfants en bénéficient à trois reprises au cours de leur scolarité, en CM2, en quatrième – et non plus en cinquième, comme je l’envisageais initialement – et en seconde.

En reprenant le programme scolaire de ces années, il me semble que l’on peut trouver matière à des travaux pratiques.

En CM2, au programme d’instruction civique est inscrit le thème suivant : « connaître les symboles républicains et en comprendre le sens » ; en histoire, figurent les points suivants : « la violence du XXe siècle : les deux conflits mondiaux », « l’extermination des juifs et des Tziganes : un crime contre l’humanité », « la construction européenne ».

En quatrième, le programme d’histoire aborde la question des traites négrières et de l’esclavage ; celui d’instruction civique se concentre sur les valeurs de diversité, égalité, sécurité, liberté, droit, justice.

En seconde, l’enseignement moral et civique a pour thème « Égalité et discrimination » ; en histoire, les thématiques étudiées sont : révolutions, libertés, nations à l’aube de l’époque contemporaine, y compris les abolitions de la traite et de l’esclavage et leur application.

On le constate, les programmes scolaires sont riches et le travail de mémoire peut porter sur de nombreux sujets, prendre de multiples formes pour s’adapter aux élèves et aux projets. L’idée, c’est que les élèves ressentent cette journée non pas comme un devoir imposé, mais bien comme l’aboutissement d’un travail constructif, reconnu et valorisé.

Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objectif, c’est que, à trois reprises au cours de leur scolarité, les élèves puissent travailler avec leurs enseignants, dans le cadre des programmes existants – il ne s’agit donc pas d’un ajout –, sur des objets en lien avec cette problématique. Il peut s’agir de chants patriotiques – pas uniquement les hymnes nationaux –,…

M. Jean-Louis Carrère. Le Chant des partisans !

M. Vincent Delahaye. … d’expositions de travaux des élèves, de témoignages d’anciens combattants ou de militaires des OPEX, de visites de mémoriaux, de conférences, de la présence éventuelle de l’armée… De nombreuses possibilités existent. Ce travail serait montré aux élus et au monde combattant lors d’une journée qui ne serait pas un jour férié au cours de laquelle participeraient les élèves, les enseignants, les parents, peut-être d’autres adultes.

La mise en place de ce jour de mémoire peut se faire progressivement, sur la base du volontariat : volontariat des villes et des élus, volontariat des enseignants.

J’ai présenté cette idée à des municipalités et à des enseignants : un certain nombre d’entre eux seraient intéressés et prêts à faire partie des sites pilotes. Je pense toutefois que cette initiative devrait être généralisée à l’ensemble du pays et à l’ensemble des élèves.

Les associations d’anciens combattants que j’ai contactées sont également très ouvertes à cette proposition. Il est vrai que celle-ci a le mérite de chercher à donner plus d’ampleur à nos commémorations, malheureusement la plupart du temps limitées, et à y associer l’ensemble de la jeunesse. Cela me semble répondre à un besoin aigu.

Dans le cadre de cette proposition de loi, j’ai proposé que ce jour de commémorations, qui, je le répète, ne sera pas un jour férié, soit fixé le dernier jeudi du mois de mai. En effet, il est préférable que cet événement ait lieu vers la fin de l’année scolaire, pour permettre aux enseignants de travailler avec leurs élèves et de rendre compte de ce travail.

J’ai bien noté que la proposition de loi semblait à certains incomplète, voire insuffisante (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.), et que le travail de concertation avec les ministères concernés n’avait pas été mené à son terme, loin de là. En tant qu’auteur de ce texte, je suis favorable à son renvoi en commission et non à un vote aujourd’hui, afin de mener une réflexion plus approfondie avec l’ensemble des groupes et des collègues intéressés et de recueillir l’avis des ministères concernés pour aboutir à un texte qui fera, sinon l’unanimité, du moins consensus.

Je me rallierai donc à la position de la commission et voterai la motion tendant au renvoi en commission de ce texte. J’espère qu’il ne s’agira pas d’un enterrement de première classe (Sourires), mais que ce sera au contraire l’occasion de mettre en valeur cette belle idée d’associer l’ensemble des jeunes à ce travail de mémoire. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Vincent Delahaye d’avoir eu l’initiative de cette proposition de loi. L’examen de ce texte nous donne en effet l’occasion de nous pencher sur ce sujet important, que l’actualité et le rythme effréné de nos travaux relèguent trop souvent dans l’ombre.

Faire partager la mémoire de notre nation est un enjeu crucial, essentiel : c’est assurer la pérennité du « principe spirituel » qu’est notre nation et qu’Ernest Renan définit comme reposant sur deux éléments : « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; [...] le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».

L’actualité récente et le malaise qu’elle a parfois suscité montrent à quel point la transmission de notre mémoire nationale auprès de la jeunesse est aujourd’hui urgente et nécessaire. À bien des égards, il nous reste du chemin à faire.

Cette proposition de loi part en effet d’un triste constat : les commémorations officielles ne rencontrent qu’un faible écho auprès de la jeunesse. S’il y a heureusement des exceptions à ce constat, notamment lorsque les jeunes sont invités spécifiquement, les cérémonies ne réunissent de nos jours le plus souvent que les élus, les représentants d’associations et les anciens combattants.

La proposition de loi a le mérite de souhaiter inverser cette tendance, en instaurant un « jour de mémoire », afin de « sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de la mémoire combattante de notre nation ».

Dans sa version initiale, le texte crée un article nouveau dans la partie du code de l’éducation relative à l’organisation du temps et de l’espace scolaires. Il précise que ce « jour de mémoire » est organisé « pendant l’année scolaire, hors période de vacances et jours fériés, le dernier jeudi du mois de mai », et qu’elle concerne en particulier les classes de CM2, de cinquième et de seconde. Les objectifs pédagogiques de la journée sont déterminés par le conseil supérieur des programmes ; le contenu des activités étant « librement déterminé par les enseignants, dans le respect du programme scolaire » et leur mise en œuvre « coordonnée par l’autorité scolaire responsable et les maires ».

Je crois pouvoir affirmer que, tous, dans cette enceinte, nous partageons les objectifs de ce texte, à savoir donner une plus grande place au travail de mémoire dans l’éducation de notre jeunesse. Le débat au sein de la commission de la culture a montré que cette finalité faisait largement consensus. Ce consensus se retrouve dans la politique du Gouvernement : la participation des élèves aux commémorations et aux cérémonies nationales constitue en effet l’une des mesures de la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, décidée à la suite des attentats du mois de janvier 2015.

Malgré le peu de temps imparti, j’ai proposé à la commission quelques modifications, certaines substantielles, du dispositif de la proposition de loi. Il m’a notamment paru préférable d’inscrire cet événement le jour de classe qui précède immédiatement le 11 novembre. En effet, depuis la loi du 28 février 2012, ce jour est celui à l’occasion duquel il est rendu hommage à tous les morts pour la France. Cette journée n’aurait pas été une nouvelle journée de commémoration en elle-même : il se serait agi d’une journée de classe consacrée au travail de mémoire et à la préparation du 11 novembre.

La solution retenue par l’auteur de la proposition de loi – le dernier jeudi du mois de mai – présente l’inconvénient d’avoir lieu dans un mois qui connaît un grand nombre de commémorations, surtout depuis l’instauration d’une Journée nationale de la Résistance le 27 mai.

En effet, toute initiative en matière de mémoire se heurte à cet état de fait : les commémorations et les « journées de » n’ont jamais été aussi nombreuses, mais ont perdu leur caractère rassembleur et unitaire. En 2008, le rapport de la commission Kaspi rappelait que « la multiplication des commémorations diminue l’effet de chacune d’entre elles » et recensait douze commémorations nationales. De nouvelles ont été créées depuis et toutes les tentatives de remédier à l’émiettement commémoratif ont échoué.

L’éducation nationale n’est pas épargnée par la multiplication des injonctions mémorielles et des journées de mobilisation, bien au contraire. Le temps scolaire est scandé par d’autres « journées de », à l’instar de la journée de l’Europe le 9 mai, de la journée de sensibilisation et de mobilisation des élèves des écoles, collèges et lycées pour les droits des femmes et l’égalité hommesfemmes le 8 mars, de la journée de la laïcité le 9 décembre, ou encore de la journée nationale « Non au harcèlement », dont la première a eu lieu le 5 novembre dernier. Toute initiative visant à favoriser le travail de mémoire dans le cadre scolaire devra tenir compte de cet état de fait.

À la suite d’une discussion à la fois longue et constructive, notre commission a préféré ne pas adopter de texte. Les nombreux intervenants ont salué l’intention des auteurs de cette proposition de loi mais n’ont pas manqué de souligner les difficultés que leur texte soulève.

Tout d’abord, la commission a émis des réserves sur la pertinence de légiférer sur un sujet relevant de l’organisation des enseignements scolaires. De plus, elle a considéré qu’une proposition de loi présentée dans le cadre d’un espace réservé, examinée de surcroît dans des délais extrêmement restreints, ne constituait pas le moyen adéquat de traiter des questions mémorielles. Notre commission a estimé qu’un sujet aussi sensible méritait une réflexion et un travail préparatoire plus importants.

Les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont au contraire émis le vœu que l’examen de cette proposition de loi soit l’occasion d’un débat riche et fécond sur les conditions de la transmission de la mémoire nationale dans l’école de la République et sur les moyens de la favoriser. À cet égard, je salue la présence aujourd'hui du secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, M. Jean-Marc Todeschini, ancien membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, que nous avons plaisir à retrouver.

En conséquence, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission, et moi-même vous proposons, avec l’accord du groupe UDI-UC et de l’auteur de la présente proposition de loi, l’adoption d’une motion de renvoi en commission, en application de l’article 44, alinéa 5, de notre règlement. Cette motion, qui ne sera examinée qu’à l’issue de la discussion générale, ne fera pas avorter le débat et nous permettra de retravailler ce sujet de la plus haute importance. Elle nous donnera le temps de la réflexion et de la concertation, selon des modalités qui restent à définir, afin d’aboutir à un large consensus, car ce n’est pas en s’appuyant sur des divisions partisanes que l’on construit une mémoire partagée.

En conclusion, il est important que nous menions aujourd’hui une réflexion sur la transmission de notre mémoire. À l’heure où notre nation est attaquée de l’extérieur comme de l’intérieur, il nous faut nous ressouder autour d’une mémoire commune et la faire partager à ceux qui nous suivent. Le contexte y est favorable. Le centenaire de la Grande Guerre a été l’occasion d’une forte mobilisation, particulièrement dans les établissements scolaires. Il nous faudra la maintenir à l’avenir alors que s’ouvrira bientôt le centenaire de la bataille de Verdun.

Mes chers collègues, il me semble que, plus que jamais, le souvenir des épreuves passées est nécessaire pour aborder avec confiance celles auxquelles nous sommes confrontées, ainsi que pour mesurer le prix de notre sécurité et de nos libertés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mme Danielle Michel ainsi que MM. Jean-Louis Carrère et Bernard Lalande applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage bien entendu, tout comme Mme la ministre de l’éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, l’ambition des auteurs de cette proposition de loi, qui est de sensibiliser les jeunes à l’histoire de notre pays, aux sacrifices de nos anciens et aux valeurs républicaines de la nation française. Nous avons tous, je pense, cette ambition chevillée au corps, que nous soyons élus, professeurs, parents ou citoyens.

Pour le secrétaire d’État en charge de la mémoire que je suis, c’est plus qu’une ambition : c’est un devoir, une responsabilité. Dès mon entrée en fonctions, et fort de mon passé d’enseignant, j’ai mesuré l’importance de ce travail de sensibilisation et de transmission. Tout d’abord, l’histoire et les mémoires de notre pays, la France, constituent une part de notre identité et de celle de nos enfants. Ensuite, c’est à la lumière du récit de nos anciens et des sacrifices consentis pour défendre l’héritage de nos libertés et de nos valeurs républicaines que les jeunes d’aujourd’hui, artisans de la nation de demain, sauront avancer vers l’avenir. Enfin, au lendemain du triste anniversaire des attentats de janvier et de la survenue des attentats du mois de novembre, nous devons entretenir auprès des jeunes, particulièrement touchés par ces drames, le souvenir des victimes et des rassemblements qui se sont organisés autour des valeurs simples mais fermes de notre République.

Une fois cette ambition rappelée se pose la question du meilleur moyen d’arriver à la satisfaire.

Je partage le constat selon lequel la présence des jeunes lors des cérémonies nationales est en baisse. Toutefois, cet élément ne peut être le seul indicateur de leur mobilisation. Dès lors, je m’interroge : les mémoires doivent-elles continuer de vivre et d’être transmises seulement devant les monuments aux morts ? Pour ma part, je ne le pense pas. Ce n’est pas suffisant.

La mémoire se vit et se transmet dans les écoles, sur nos lieux de mémoire, notamment au cours des grands anniversaires décennaux, qui sont autant d’occasions de se souvenir et de comprendre, comme cela sera le cas jusqu’en 2018.

À cet égard, permettez-moi de vous donner quelques chiffres significatifs. Sur les 3 000 projets actuellement labellisés dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, plus de 1 000 étaient des projets pédagogiques conduits par des élèves avec les équipes enseignantes.

Par ailleurs, le succès des concours scolaires témoigne de l’enthousiasme des plus jeunes concernant la mémoire. Ainsi, le concours « Les petits artistes de la mémoire » organisé par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre a concerné plus de 13 000 élèves de CM2 en 2015. Il s’agissait pour les élèves de choisir un nom sur le monument aux morts de leur commune et de s’interroger sur la signification d’un tel monument. Le concours national de la Résistance et de la déportation réunit quant à lui entre 30 000 et 40 000 participants chaque année. Le Président de la République souhaite d’ailleurs rénover ce concours et l’étendre à d’autres participants. Un rapport vient d’être remis à ce sujet, à ma demande et à celle de Mme la ministre de l’éducation nationale.

De grandes opérations mémorielles sont organisées au cours et en marge des cérémonies nationales par le ministère de la défense et ses opérateurs, notamment l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et la Mission du centenaire, qui a en charge l’organisation du centenaire de la Grande Guerre.

C’est ainsi que la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, dans le cadre d’un partenariat noué avec le ministère de l’éducation nationale depuis 2007, soutient chaque année 500 projets pédagogiques qui incitent 25 000 jeunes à réfléchir à la notion d’engagement. Elle soutient également plus de 300 voyages scolaires dans les anciens camps de concentration et d’extermination et, plus largement, dans nos lieux de mémoire.

Se recueillir devant un monument aux morts, entendre le récit d’un résistant ou d’un déporté, s’imprégner d’une émotion sur un ancien champ de bataille, est un enseignement complémentaire des manuels scolaires.

Le ministère de la défense accompagne aussi les enseignants, qui peuvent par exemple proposer à leurs élèves, à l’occasion des cérémonies nationales, une conférence délivrée par un agent du ministère sur le déroulé et le sens d’une commémoration.

Le ministère travaille également sur les nouveaux vecteurs de la mémoire, tels que le numérique, lequel a rencontré un immense succès dans le cadre des deux grands cycles commémoratifs du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. Il permet notamment de construire des contre-discours face à la désinformation et à la falsification de l’Histoire dont nous sommes malheureusement trop souvent victimes sur internet.

Par ailleurs, le 11 novembre dernier, des reportages diffusés sur les réseaux sociaux ont par exemple permis de mettre en lumière la présence de lycéens venus d’Auvergne à Paris spécialement pour la cérémonie. L’événement a eu une très belle visibilité. Il a suscité plus de 30 000 « Vues » et près de 500 « J’aime » sur Facebook.

J’ai également participé aux Rencontres du Web 14–18 organisées par la Mission du centenaire le 10 avril 2015, lesquelles ont démontré l’émergence d’une véritable communauté de la mémoire sur le web.

Le ministère s’engage, enfin, dans le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme lancé par le Président de la République le 27 janvier 2015. En lien avec le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture, et sous la coordination de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, il met en œuvre l’action 32 du plan – « À chaque étape de la scolarité, un lieu de mémoire et une œuvre pour éduquer contre le racisme et l’antisémitisme », sur laquelle un point d’étape sera fait prochainement.

Pour ma part, je ne pense pas que la question de la transmission de la mémoire puisse être réglée par l’instauration d’une nouvelle journée nationale.

À cet égard, je rappelle que la journée du 27 mai, journée de la Résistance, instaurée en 2013 sur l’initiative de votre ancien collègue Jean-Jacques Mirassou, a précisément une vocation pédagogique. Le jour de mémoire que vous proposez, le dernier jeudi du mois de mai, entrerait donc en concurrence avec cette journée, voire, et ce serait pire, il créerait de l’indifférence vis-à-vis des cérémonies nationales.

Or en 2014, comme en 2015, cette journée fut l’occasion pour les enseignants, qui font un travail formidable en matière d’éducation à la citoyenneté, de consacrer une partie de leurs cours à la question de l’engagement, de la Résistance et de la déportation.

Le 27 mai dernier, à l’occasion de la panthéonisation de quatre grandes figures de la Résistance, les jeunes ont été associés à la préparation de la cérémonie et de nombreux établissements ont travaillé sur le parcours de l’une ou l’autre des quatre personnalités distinguées ce jour.

En outre, l’instauration d’un jour de mémoire tendrait à laisser penser que toutes les mémoires se valent et qu’elles peuvent être honorées d’un même élan. Cela créerait des confusions et gommerait les spécificités historiques de la France. Or vous savez combien le monde combattant est attaché, comme je le suis moi-même, à la singularité mémorielle de chacune de nos journées nationales.

Par ailleurs, je m’emploie depuis plus d’un an, avec force et conviction, à faire des scolaires non pas de simples spectateurs mais des acteurs de la mémoire pour en devenir des passeurs. Quand je dis « les scolaires », je pense aux élèves de tous les niveaux et de tous les établissements, qu’il s’agisse des établissements d’enseignement général ou technique ou des établissements situés en zone d’éducation prioritaire. Je ne pense pas seulement aux élèves de CM2, de cinquième et de seconde, contrairement aux auteurs de la proposition de loi !

Faire de nos jeunes des acteurs éclairés, des citoyens attentifs, dotés d’un esprit critique et nourris de l’engagement de leurs aînés est le meilleur moyen de préserver et de nourrir le lien intergénérationnel indispensable à toute société. C’est aussi le meilleur moyen de lutter contre les discours et les actes qui se nourrissent de la haine et des négationnismes et qui menacent notre socle républicain. C’est pourquoi je veux dépasser la seule ambition de conduire les jeunes en masse devant les monuments aux morts, même si cela est nécessaire.

J’ai rencontré et échangé avec des élèves d’écoles primaires, de collèges, de lycées, en France et à l’étranger, pour évoquer la figure du poilu, du combattant de 1940 ou encore du harki arrivé en France en 1962 et du soldat tombé en Afghanistan en 2011.

Je sais que les enseignants veillent à ce que leurs élèves réfléchissent aussi à l’actualité de notre histoire. Oui, je tiens à le redire, les enseignants font leur travail consciencieusement, à tous les niveaux d’enseignement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nos jeunes s’intéressent à la mémoire. Je le mesure chaque jour. Ils n’ont pas besoin de contraintes juridiques pour continuer de s’y intéresser. À nous de les accompagner ! À cet égard, les 22,2 millions d’euros consacrés à la politique de la mémoire dans le budget pour 2016 y contribueront en nous permettant de nous doter d’outils pédagogiques modernes et d’investir massivement les nouveaux vecteurs de la mémoire pour inscrire cette dynamique dans la durée.

C’est aussi de cette manière que nous pourrons rétablir « la République en actes », conformément au souhait du Président de la République.

La mémoire est un travail de tous les jours – nous en sommes tous d’accord –, qui requiert du courage, qui exige que nous renouvelions sans cesse notre pratique mémorielle, que nous développions des approches modernes et que nous soyons pleinement mobilisés autour de nos jeunes, non pas un jeudi du mois de mai, mais tout au long de l’année, comme le sont les enseignants.

Donnons-nous les moyens, comme l’espérait Jean Zay, de « donner à la jeunesse assez de doctrine offensive, assez de convictions intangibles, assez d’impératifs, assez d’armes pour affronter les dangers d’une époque, pour défendre par tous les moyens l’héritage de nos libertés ».

J’ai écouté attentivement les deux orateurs précédents. Monsieur le rapporteur – ce sera ma conclusion –, je suis effectivement sensible à votre proposition de renvoyer ce texte à la commission, même s’il faut laisser ce débat se dérouler, car l’intention est noble, nous devons poursuivre la réflexion sur ce sujet et, comme vous l’avez dit, travailler dans l’unité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Patrick Abate, Jean-Claude Requier et Antoine Lefèvre applaudissent également.)

(M. Hervé Marseille remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (suite)

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Candidature à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître à la présidence qu’elle propose la candidature de Mme Laurence Cohen pour siéger, en qualité de titulaire, au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, en remplacement de Mme Annie David, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 9 du règlement.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (suite)

Instauration d'un Jour de Mémoire

Suite de la discussion et renvoi à la commission d’une proposition de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Carrère.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Demande de renvoi à la commission (début)

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre pays vient de commémorer les attentats de janvier 2015 et d’honorer la mémoire des victimes de ceux-ci, mais également de ceux du 13 novembre dernier. Désormais, un chêne, symbole de force et de la liberté, emblème de la République, en fixera le souvenir, s’il en était besoin, sur le lieu même de la marche du 11 janvier.

Notre pays, vous le rappeliez, monsieur le rapporteur, a besoin d’unité ; la mémoire collective doit y contribuer ; car faire nation implique non seulement l’adhésion à une communauté de destin, la volonté de vivre ensemble, mais également de se reconnaître dans un passé commun. Comme l’affirmait le maréchal Foch, « un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».

La proposition de loi dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui interroge cette notion de mémoire et nous invite à réfléchir surtout sur la manière de transmettre cette mémoire nationale.

Je ne m’attarderai pas sur le caractère très peu législatif du dispositif présenté, notre collègue Claude Kern ayant largement développé cet argument dans le rapport qu’il a établi au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Permettez-moi cependant – je ne peux m’y soustraire – de relever la cocasserie que constitue le fait d’examiner en séance, sur l’initiative d’un sénateur UDI-UC, un texte qui ne relève pas du domaine législatif moins d’un mois après la discussion de notre proposition de loi sur l’accès à la cantine (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.) – rassurez-vous, je ne mets pas en parallèle l’importance du contenu de ces deux textes (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.), même si cela n’est pas sans intérêt – à propos de laquelle la majorité sénatoriale s’était interrogée sur l’utilité de « légiférer sur tout ou rien ».

Je dois également relever la contradiction intrinsèque de la présente proposition de loi : partir du constat d’une moindre fréquentation des journées commémoratives pour en rajouter une ! (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame de nouveau.)

Je rejoins les orateurs qui en commission n’ont pas manqué de pointer les difficultés que cette proposition de loi soulève et que vous avez justement rappelées, monsieur le rapporteur. En effet, celle-ci pose plus de problèmes qu’elle ne paraît en résoudre, car elle méconnaît selon moi le fonctionnement de notre institution scolaire, les responsabilités de l’État en ce domaine, et le respect de la liberté pédagogique des enseignants, pour le moins !

M. Jean-Louis Carrère. Je serai votre interlocuteur quand vous le voudrez ! J’ai assez longtemps exercé le métier d’enseignant…

M. Loïc Hervé. Justement !

M. Jean-Louis Carrère. … pour savoir que la grande majorité des enseignants font le meilleur travail possible en ce domaine. Je ne comprends pas pourquoi vous m’interpellez sur ce sujet.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas l’objet de ce texte !

M. Loïc Hervé. Ce n’est pas le débat !

M. Jean-Louis Carrère. Pour notre part, nous considérons l’injonction à commémorer sur laquelle elle se fonde contre-productive. Faisons confiance aux enseignants pour transmettre à leurs élèves la mémoire nationale, en coordination avec l’enseignement et le programme d’histoire, et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement.

Pour déployer tout son sens, s’enraciner dans les consciences et être efficace, le travail de mémoire doit en effet s’inscrire dans une démarche pédagogique construite et portée par les enseignants. Cela faisait dire, madame Goy-Chavent, à l’historien François Bédarida qu’au-delà du « devoir de mémoire » il y a un « devoir de connaissance » défini comme « la constitution d’un savoir seul apte à construire une mémoire vraie ».

Nous devons donc nous interroger sur la meilleure manière de susciter à la fois l’adhésion des enseignants et l’intérêt des élèves. En ce sens, les futurs enseignements pratiques interdisciplinaires, EPI, prévus dans la réforme du collège constitueront, dès la rentrée prochaine – ayez un peu de patience ! – un cadre tout à fait approprié pour développer de tels projets pédagogiques. (M. Michel Bouvard s’exclame.) Je pense notamment à la thématique des lieux de mémoire et monuments aux morts, qui pourrait être traitée à la fois sous le prisme de l’histoire bien sûr, de la littérature et de l’histoire de l’art, par exemple. (M. Michel Bouvard s’exclame de nouveau.)

D’ailleurs, l’an passé, pas moins de douze programmes d’actions éducatives organisées par l’éducation nationale portaient sur le thème « histoire et mémoire » (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.) – je le rappelle au cas où vous l’ignoreriez – ; deux d’entre eux étaient spécifiquement consacrés aux lieux de mémoire : le concours de la meilleure photographie d’un lieu de mémoire pour les collèges et lycées ainsi que le concours « Les Petits artistes de la mémoire » en direction des écoles. Les outils pédagogiques destinés à la transmission de la mémoire existent et sont mêmes nombreux ; le plus connu d’entre eux, le concours national de la Résistance et de la déportation, vous venez de le rappeler, monsieur le secrétaire d’État, existe depuis plus de cinquante ans. Il a concerné l’an passé, mes chers collègues, plus de 35 000 élèves du secondaire. L’éducation nationale et le ministère de la défense travaillent conjointement dans ce domaine. Ainsi, chaque académie est dotée d’un référent « mémoire et citoyenneté », chargé d’organiser les travaux du comité académique institué pour coordonner les actions mises en place dans le cadre des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ce calendrier particulièrement riche conduit à un renforcement de la politique mémorielle du ministère de la défense, avec une consolidation substantielle du pilotage et des moyens affectés à ces actions. (M. Michel Bouvard s’exclame.)

J’ajouterai que les maires, monsieur le maire de Massy et cher auteur du texte,…

M. Loïc Hervé. Bientôt, il n’y aura plus de texte !

M. Jean-Louis Carrère. Vous pouvez m’écouter !

… disposent eux aussi, dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires entrés partout dans les mœurs (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.), d’une capacité d’initiative (Même mouvement.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Ce n’est pas vrai !

Mme Sophie Primas. Provocation !

M. Jean-Louis Carrère. Écoutez-moi au lieu de pérorer !

… et d’actions concrètes de promotion de la mémoire nationale, dans leur projet éducatif territorial. Voilà un axe sur lequel vous pouvez et devez vous appuyer ! (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame.)

Chers collègues de la majorité, faites-leur donc confiance en ce domaine (Mme Sylvie Goy-Chavent s’exclame de nouveau.)… Madame Goy-Chavent, je vous en prie ! Si vous voulez la parole, j’accepte volontiers que M. le président vous la donne…

M. Antoine Lefèvre. Cessez les provocations, monsieur Carrère !

M. le président. Poursuivez, monsieur Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Faites-leur donc confiance en ce domaine comme vous avez souhaité leur faire confiance pour respecter l’égal accès de nos enfants à la cantine, ainsi que le défendait avec conviction Jean-Claude Carle il y a quelques jours !

Quant à la transmission des valeurs de la République, cette préoccupation n’a jamais été aussi forte qu’actuellement, avec la mise en œuvre de l’enseignement moral et civique, ainsi que le plan de la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République,…

M. Jean-Louis Carrère. … en réponse aux attentats de janvier 2015. Laissons donc le temps à ces nouvelles actions pédagogiques de prendre leur place,…

M. Alain Néri. Voilà !

M. Jean-Louis Carrère. … au parcours citoyen de se déployer dans tous les niveaux scolaires et prenons notre part à leur évaluation. Le Sénat, mes chers collègues, pourrait faire œuvre utile en ce sens, dans un travail commun aux commissions de la défense et, madame la présidente Morin-Desailly, de la culture, de l’éducation et de la communication. Vous comprendrez qu’en tant qu’ancien président de la première, je sois très attaché à cette approche commune.

J’avais déjà plaidé, en commission, monsieur le rapporteur, pour une démarche consensuelle sur ce texte, y compris avec nos partenaires des ministères de la défense et de l’éducation nationale, car, sur le fond, il est important et intéressant.

Je me félicite du fait que notre rapporteur s’inscrive, à son tour, dans cette démarche de recherche du consensus, en appelant au renvoi en commission. Cela me paraît correspondre à l’esprit de cette proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Michel Bouvard. Cette proposition de loi, on pourrait s’en passer !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte tend à instaurer un jour de mémoire au sein de l’ensemble des établissements scolaires. Il vise à sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de l’histoire de notre pays, aux sacrifices de nos anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.

Je pense que nous pouvons faire crédit aux auteurs de leurs intentions. Ils ont vraiment envie, comme nous, que les enfants, les adolescents prennent conscience de ce qui a été vécu, qu’ils s’émeuvent sincèrement en pensant aux jeunes conscrits qui ont été fauchés par les balles, qui ont été défigurés, qui ont été blessés. On a vraiment envie que les enfants soient partie prenante de cette réalité.

Nous comprenons la préoccupation des auteurs de cette proposition de loi, mais pouvons-nous dire qu’une journée de plus, telle qu’elle est prévue dans le texte, serait la solution ? Je ne le crois pas. Il faut réfléchir davantage.

Actuellement, un grand nombre de journées existent déjà : la journée du numérique à l’école, celle du sport scolaire, la journée de mobilisation pour dire « Non au harcèlement à l’école », la journée de la laïcité, la semaine du vélo, la semaine du goût, la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme ou la semaine de la presse…

L’école croule sous les injonctions, des injonctions beaucoup trop cadrées parce que cela ampute les emplois du temps sans donner les moyens de vraiment réfléchir.

M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Blandin. Qui plus est, la loi du 28 février 2012 a fixé au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France. La création d’une journée de plus risquerait d’être incompréhensible.

Les municipalités se mobilisent déjà pour que les enfants s’approprient la commémoration. Le concours national des « Petits artistes de la mémoire » qui se déroule chaque année, avant le 11 novembre, avec l’aide de l’Union nationale des combattants, en témoigne.

M. Bernard Accoyer, dans le rapport qu’il a établi en 2008 sur les questions mémorielles, disait très justement que « Si l’école ne peut ignorer la mémoire dont peuvent être porteurs les élèves ni s’abstraire de participer à la mise en œuvre du devoir collectif de mémoire, sa mission première, qui est une mission éducative, doit rester d’enseigner l’histoire. » Elle le fait déjà.

Transmettre le devoir de mémoire aux jeunes générations pour le faire perdurer est un impératif.

Toutefois, les initiatives permettant d’associer l’école à ce devoir de mémoire et aux commémorations ne peuvent se faire sans un travail progressif. Elles doivent comporter un tel travail pédagogique et une sensibilisation à la mémoire en interdisciplinarité avec le programme d’histoire.

Le rapport précité préconise d’ailleurs de donner un lendemain à ces initiatives en prévoyant que les travaux d’un groupe d’élèves sur un événement historique soient régulièrement enrichis par les recherches des classes qui se succèdent. Cette idée de continuité et de cohérence se retrouve pleinement dans le parcours citoyen sur lequel a travaillé le Conseil supérieur des programmes. La publication des propositions du Conseil est attendue pour le mois de février : il faudra en tenir compte !

La mise en place d’un parcours citoyen pour chaque élève de l’école élémentaire à la classe de terminale, qui impliquerait un enseignement moral et civique, l’éducation aux médias et à l’information, ainsi que la journée défense et citoyenneté illustrent bien la notion de progressivité.

La transmission des valeurs républicaines à l’école est assurément perfectible.

M. Michel Bouvard. C’est le moins que l’on puisse dire !

Mme Marie-Christine Blandin. Les témoignages des enseignants nous donnent d’ailleurs des pistes pour l’améliorer.

À la suite des attentats de 2015, de nombreuses mesures ont été mises en place pour que cette transmission soit mieux assurée. Alors que la semaine dernière a été marquée par la commémoration des attentats, l’école a ainsi été associée aux hommages.

Par ailleurs, le site du ministère de l’éducation nationale propose plusieurs outils et un ensemble de ressources pédagogiques est mis en ligne sur le nouveau portail internet « Valeurs de la République » par le réseau Canopé.

Nous devrons prendre conscience de toutes ces nouveautés et les intégrer dans le cadre de votre proposition de loi, monsieur Delahaye. (M. Michel Bouvard s’exclame.)

La réserve citoyenne, encore balbutiante dans chaque académie, les comités départementaux d’éducation à la santé et à la citoyenneté qui associent les parents d’élèves, les nouvelles perspectives d’allongement de la journée défense et citoyenneté, l’amplification du service civique sont autant de lieux et de temps qui doivent croiser votre réflexion au profit d’un parcours citoyen généralisé à l’école, dans lequel la mémoire doit avoir toute sa place. À cet égard, de nombreux partenaires sont mobilisables, comme la Fondation de la Résistance.

Enfin, j’ajouterai que la prise en compte des témoignages locaux peut créer encore plus de ferveur. J’en veux pour preuve l’exemple de ces enfants – parmi lesquels on comptait des enfants issus d’autres pays que le nôtre – qui étaient présents le 17 décembre dernier pour fêter les fraternisations sur le lieu des tranchées de la guerre de 1914. Il faut souligner le remarquable travail pédagogique préalable qui a été accompli à cette occasion.

Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez vous-même présent ce jour-là aux côtés du Président de la République et d’élus de toutes tendances politiques. Il y avait là un consensus, des jeunes émus et militant pour la paix ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes régulièrement amenés à examiner des propositions de loi à caractère mémoriel. Le plus souvent, le groupe du RDSE adhère à l’esprit qui anime ces démarches visant à souder la communauté nationale.

En effet, la transmission de la mémoire est consubstantielle à la conception française de la Nation. Les sacrifices consentis hier par nos anciens se prolongent aujourd’hui au travers de la liberté transmise aux générations suivantes. Il est donc primordial de rappeler aux plus jeunes le prix de ces engagements passés fondés sur la solidarité et le sacrifice.

La commémoration des événements qui ont bouleversé l’histoire de la France est le vecteur privilégié de la transmission de la mémoire collective.

En tant qu’élus, nous sommes bien entendu tous très attachés à ces moments de recueillement, qui nous rassemblent autour du monde combattant. Pour qu’ils conservent une visibilité, ils ne doivent cependant pas se multiplier au-delà du raisonnable.

Aussi, mon groupe n’est pas favorable à l’accumulation des jours de mémoire et à l’intervention permanente du législateur dans le champ mémoriel. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire au cours d’autres débats et partageons en cela la crainte de « boulimie commémorative » exprimée par l’historien Pierre Nora.

Mes chers collègues, comme vous le savez, ce ne sont pas moins de treize commémorations nationales qui figurent déjà dans notre calendrier, auxquelles il faut ajouter les manifestations liées aux grands anniversaires. Trop de rendez-vous risquent d’affaiblir la mémoire collective en la dispersant ou en la segmentant, ce qui serait évidemment contre-productif.

Si trop d’impôt tue l’impôt, si trop de réglementations affaiblissent la réglementation, trop de commémorations gomment la commémoration et favorisent l’indifférence !

M. Jean-Claude Requier. Certes, j’en conviens, le texte qui nous est soumis aujourd’hui aborde le sujet sous un angle particulier, celui de la sensibilisation des jeunes aux enjeux de la mémoire combattante.

Comme le rappelle notre collègue Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi, il est vrai que les cérémonies nationales actuelles ne rassemblent souvent plus que des élus et des anciens combattants autour du monument aux morts.

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Jean-Claude Requier. Nous pouvons tous le constater localement, même si de nombreuses initiatives émanant des élus et des enseignants existent partout sur le territoire pour associer les jeunes aux jours de mémoire. On peut donc partager l’objectif visé par l’auteur du texte.

Toutefois, la présente proposition de loi appelle plusieurs réserves sur la forme.

Tout d’abord, sur le plan juridique, comme le rapporteur l’a souligné, le texte empiète sur le domaine réglementaire. De plus, le manque de clarté du dispositif risquerait de rendre celui-ci inopérant.

Ensuite, la proposition de loi crée une injonction contraignante à l’égard des professeurs, alors que leur rôle réside en premier lieu dans la transmission du savoir et non directement dans l’entretien de la mémoire nationale. (M. Vincent Delahaye s’exclame.)

Enfin, le choix de fixer la date de cette journée au mois de mai alourdit davantage une période déjà occupée le 8 mai par la commémoration de la victoire de 1945 et, depuis 2013, par la journée nationale de la Résistance fixée le 27 mai.

Dans ces conditions, ce texte ne paraît pas opportun. Cependant, il nous invite à réfléchir aux moyens d’impliquer davantage les jeunes à l’histoire de notre pays et aux valeurs de la République.

L’éducation nationale est déjà engagée dans la politique de mémoire nationale au travers de différentes initiatives. Je citerai la mission pour le centenaire de la Première Guerre mondiale qui a engendré différents projets partout en France à l’intention des jeunes. Les professeurs sont le plus souvent très réceptifs à l’égard de tout ce qui permet de concilier pédagogie et travail de mémoire.

C’est pourquoi il faudrait encourager et développer l’existant autrement que par les seules notes de service du ministère.

Mes chers collègues, il faut aussi rechercher ailleurs qu’au sein de l’éducation nationale la voie d’une sensibilisation plus générale des jeunes aux valeurs républicaines.

Je pense en particulier à deux dispositifs que le Président de la République souhaite renforcer. D’une part, il a annoncé lundi dernier son souhait d’allonger la journée défense et citoyenneté. Dès lors, pourquoi ne pas prévoir une journée dédiée à la mémoire collective dans ce nouveau cadre ?

D’autre part, le chef de l’État a indiqué vouloir étendre le service civique à la moitié d’une classe d’âge d’ici à 2018 et à tous les jeunes à compter de 2020.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Le RDSE, et plus particulièrement notre collègue Yvon Collin, est à l’origine de la loi sur le service civique. Il se félicite de cette annonce, puisqu’il demande la généralisation de cet engagement depuis longtemps !

Rendu obligatoire, le service civique serait l’occasion de sensibiliser les jeunes Français à l’histoire et aux valeurs de la République.

En attendant, mes chers collègues, le RDSE n’est pas favorable à la proposition de loi dans la rédaction qui nous est proposée, car elle ne fait pas consensus. En revanche, il approuve à l’unanimité la motion tendant au renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail de qualité mené par M. le rapporteur de la commission de la culture du Sénat.

Aborder les sujets relatifs à la mémoire est une tâche noble et ardue. Néanmoins, la question principale qui se pose aujourd’hui me semble être celle de la meilleure manière de commémorer. Cette question ne peut se satisfaire d’approches partisanes et implique le rassemblement de tous.

À cet instant, je voudrais dire un mot sur le contexte de nos travaux.

Depuis plusieurs mois, la France traverse une période de crise mettant à l’épreuve la République et ses valeurs. Près de cent cinquante civils ont péri dans des attentats, des centaines pansent encore leurs blessures, et nos soldats continuent de combattre le terrorisme au Sahel comme au Levant.

Dans ces épreuves, c’est vers la Nation que nombre de Français se tournent. Chacun d’entre eux se félicite de l’engagement des services de l’État, au premier rang desquels figurent militaires, policiers, gendarmes, pompiers et services de santé. C’est donc dans un contexte inédit et dans un pays sous le choc que nous examinons la présente proposition de loi.

Spontanément, chacun d’entre nous peut adhérer au texte présenté, car toute initiative au bénéfice de la jeunesse et visant à la fois à honorer la mémoire et à diffuser les valeurs républicaines mérite d’être examinée et développée.

Lors de l’examen du budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », j’ai moi-même appelé à une plus grande mobilisation de l’éducation nationale pour la transmission de la mémoire et de notre histoire nationale, notamment au travers des commémorations dédiées aux anciens combattants.

Chez les jeunes, il existe une attente et un besoin de rassemblement. Ceux-ci doivent pouvoir exprimer leur appartenance à la République et à une communauté de valeurs qui font la France.

Toutefois, au-delà des grands principes que nous partageons tous, le texte proposé aujourd’hui pourrait être contre-productif. Prenons garde : l’émotion a trop souvent guidé l’action des pouvoirs publics et du législateur sur ces sujets.

Comment transmettre ce passé français, une histoire riche en événements tragiques et en faits glorieux, dans une époque marquée par l’instantanéité en toute chose et par l’information en continu ? Faut-il une nouvelle loi ?

La multiplication des lois mémorielles et l’instauration d’un grand nombre de journées de commémoration ont fini – je le crois – par brouiller le message républicain et parfois même par cliver la Nation au lieu de la rassembler.

Les Français sont de moins en moins sensibles aux commémorations. En réalité, en 2016, les efforts devraient davantage porter sur la compréhension et la signification des commémorations que sur les actes de célébration.

De la même façon, j’ai pu constater que les associations d’anciens combattants manquaient parfois de bénévoles pour gérer les questions administratives, participer aux commémorations ou porter la parole dans les écoles. J’y vois un manque de solidarité vis-à-vis de ceux qui se sont sacrifiés pour la Nation, mais aussi une difficulté à assurer le passage de témoin entre les générations.

Nous sommes une fois de plus devant le paradoxe très bien décrit par Paul Ricœur dans son livre La mémoire, l’histoire, l’oubli, publié en 2000. Ainsi, en quelque sorte, nous conjuguons dénigrement de notre histoire nationale et goût prononcé pour l’inflation commémorative.

Mes chers collègues, il est impératif que les jours de souvenir renouent avec le rôle fédérateur que leur multiplication dilue. Cela correspond d’ailleurs à la conclusion des travaux de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques en 2008, laquelle estimait que de telles journées étaient « trop nombreuses » et de nature à « affaiblir la mémoire collective ».

Par conséquent, une journée dédiée à la mémoire de plus, même au sein de la seule institution scolaire, me semble inadaptée. Nous n’avons pas forcément besoin de nouvelles lois mais il nous faut revenir aux fondamentaux.

En outre, quel bénéfice collectif tirer d’opérations ponctuelles et limitées ? L’apprentissage de la citoyenneté et les initiatives pour la mémoire ne peuvent être réservés à une classe ou à un niveau scolaire. Enfin, après l’hypothétique journée pour la mémoire combattante, le sacrifice et les valeurs, quid du reste de l’année ? Ce travail doit s’inscrire dans la durée et la progressivité.

Puisqu’il s’agit d’objectifs pédagogiques avec l’école pour support, la place à accorder à ces sujets dans les programmes scolaires doit être plus grande. Il doit en être de même pour les enseignements de l’histoire et de l’éducation civique. Devant vous, je regrette d’ailleurs que les programmes aient largement fait place à la repentance et à l’interprétation politique qui a parfois pris le pas sur la présentation historique.

Une nation qui veut aller de l’avant et construire un avenir plus apaisé ne peut se complaire dans la haine d’elle-même et le ressassement de ses pages les plus sombres. Mes chers collègues, la France a souvent été un modèle pour le monde, ne l’oublions pas !

Depuis des années, nos armées sont engagées dans un combat contre le terrorisme global. Aussi, j’estime que nos enfants doivent le savoir, en étudier le contexte, et comprendre l’action de ceux qui ont pris part aux opérations, aujourd’hui comme hier, plutôt que de n’y penser qu’une fois par an.

Pour conclure, je tiens à remercier les auteurs de la proposition de loi, laquelle a le grand mérite de nous permettre de nous interroger sur cette question si importante.

Cependant, la voie législative ne me semble pas appropriée et notre groupe reste dubitatif quant à la pertinence de ce texte. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’adoption de la motion tendant au renvoi en commission.

J’ajoute que ce sujet mérite incontestablement d’être approfondi.

Je pense que la commission de la culture saura poursuivre ce travail, pourquoi pas en concertation avec le groupe d’études qui, au Sénat, s’occupe de la question des anciens combattants.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Pascal Allizard. En effet, lorsque l’on constate la lente dégradation du sentiment d’appartenance à la Nation, les atteintes à certains principes fondamentaux comme la laïcité, voire, parfois, les incivilités dont la multiplication fragilise notre vivre-ensemble, on mesure combien la tâche est immense et requiert, là encore, toute notre mobilisation.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pascal Allizard. Je conclus, monsieur le président.

Enfin, comme le rappelait le président Gérard Larcher dans son rapport intitulé La nation française, un héritage en partage, il paraît vraiment impératif de mieux valoriser l’engagement républicain sous toutes ses formes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « Puissent les commémorations des deux guerres s’achever par la résurrection du peuple d’ombre […] ». Comme le déplorait André Malraux, le retour aux limbes de notre histoire est avant tout l’oubli et l’abandon de ceux par qui nous sommes ici.

Il est donc absolument essentiel, dans le cadre d’une politique mémorielle efficace, de rappeler les heures de lumière, mais aussi les temps sombres de notre histoire.

De ce point de vue, n’avons-nous pas à nous interroger sur l’usage qui est fait de nos cérémonies solennelles ?

Ces cérémonies ont longtemps eu pour vocation de créer une unité nationale, lorsque celle-ci était encore fragile et fugace, nos frontières en perpétuel mouvement.

Cet objectif peut-il être le même aujourd’hui ? Je ne le pense pas.

Quand bien même l’unité de la Nation serait l’objectif de nos commémorations, y parviendraient-elles ? Qu’elles soient respectées, du moins en apparence, et une unité superficielle est créée. Qu’elles soient perturbées, même de manière mineure, et une polémique traverse la communauté nationale de part en part.

Interrogeons-nous ! L’instauration à outrance d’hommages nationaux, minutes de silence et autres cérémonies solennelles atteint-elle sa cible ?

Je repère, pour ma part, deux écueils.

Premièrement, par trop souvent imposées et péremptoires, ces cérémonies ne sont que trop rarement comprises et exécutées sans retour critique.

Deuxièmement, leur multiplication tend à créer une réelle confusion sur les événements passés et à diluer un message pourtant essentiel.

D’ailleurs, permettez-moi de m’étonner que nous débattions aujourd’hui d’un texte visant à instaurer une énième journée de commémoration alors même que son exposé des motifs rappelle le nombre déjà élevé de telles journées.

Le contexte que nous connaissons, fait de montée des extrémismes de tout bord, impose une action sobre et efficace, non pas péremptoire, mais constructive et coconstruite. Nous extraire de l’émotion est la condition sine qua non à la compréhension des événements, de leurs tenants et de leurs aboutissants.

Au devoir de mémoire, je préfère donc les termes de réflexe du souvenir, de compréhension et d’enseignement pour l’avenir.

C’est, je crois, l’enjeu majeur de la pratique mémorielle, comme le préconisait la contribution de mon collègue Patrick Abate, à l’occasion du rapport d’enquête sur les valeurs républicaines à l’école.

En effet, l’école a son rôle dans la formation de la conscience mémorielle.

Parce que nous sommes issus du courant philosophique et politique des Lumières, nous voulons croire en une institution scolaire qui permette l’émancipation de la jeunesse par la raison et le savoir, et son intégration dans notre société.

Celle-ci est le fruit d’un passé, parfois glorieux, parfois honteux. Il semble essentiel de revenir sur l’ensemble de ces moments pour permettre à la jeunesse de notre pays de maîtriser les tenants et les aboutissants qui structurent, aujourd’hui, notre nation.

Les réformes portant sur les programmes scolaires et la formation des enseignants doivent donner aux professionnels l’ensemble des outils nécessaires à la transmission des valeurs de la République, non pas comme un étendard porté aveuglement, mais plutôt comme une prise de conscience de ses bienfaits, du bien-vivre ensemble. Dans ce cadre, l’instauration de rites républicains peut paraître dérisoire et ne constituer qu’un vernis destiné à rapidement craquer.

Malheureusement, le texte que nous examinons aujourd’hui contribue, à nos yeux, à cette dynamique de politique d’affichage, plutôt que d’être partie intégrante d’un travail en profondeur.

Nous préférons que soit privilégiée une revalorisation de l’enseignement de l’histoire, trop souvent maltraitée, mais aussi de l’éducation civique. C’est par cette formation transversale que nous donnerons aux jeunes les outils d’une compréhension critique de notre passé.

À ce titre, nous resterons vigilants quant au contenu des programmes issus de la réflexion du Conseil supérieur des programmes, où siègent nos collègues Marie-Christine Blandin et Jacques-Bernard Magner.

Bien évidemment, les initiatives citoyennes et pédagogiques comme le concours national de la Résistance et de la déportation sont à saluer, mais elles ne pourront jamais supplanter un enseignement régulier de l’histoire et des valeurs républicaines.

Par ailleurs, il suffit de regarder rapidement les programmes appliqués actuellement pour voir que la pratique mémorielle y est bien présente à tous les niveaux scolaires, dont les classes visées par la proposition de loi.

Ainsi, les élèves de CM2 étudient l’émergence des Lumières, la Révolution, les XIXe et XXe siècles ou encore la construction européenne et le mouvement de décolonisation. Ces éléments sont repris en cinquième, avec un focus sur la construction de l’État. Enfin, les classes de seconde approfondissent ces notions et revoient la citoyenneté antique ou encore la période médiévale.

De fait, les enseignants délivrent déjà l’enseignement que la proposition de loi cherche à transmettre, à la condition, bien évidemment, qu’ils puissent exercer dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas toujours le cas !

Vous l’aurez certainement compris, mes chers collègues, nous ne pourrons que voter contre cette proposition de loi, qui dresse un constat sujet à caution et ne prévoit aucune solution pertinente pour améliorer la pratique mémorielle.

J’aimerais, une fois n’est pas coutume, terminer mon intervention par une citation d’un ancien Président de la République qui, s’il a été un adversaire politique, a su faire preuve de grandeur le 16 juillet 1995.

« Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays.

« Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l’on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l’horreur […] de ces journées de larmes et de honte.

« Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions.

[…]

« Quand souffle l’esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l’exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d’une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. »

Mes chers collègues, vous aurez reconnu ici les propos de Jacques Chirac. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Roland Courteau et Jean-Louis Carrère ainsi que Mme Marie-Christine Blandin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. René Danesi.

M. René Danesi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi instaurant dans nos écoles un jour de mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française me laisse sceptique.

Elle me laisse sceptique quant à sa portée réelle.

L’éminent historien Pierre Nora, déjà cité, rappelait récemment que « toute commémoration est une transformation de l’événement passé au service des besoins du présent. Il en a toujours été ainsi. »

Cette proposition de loi est donc motivée par le constat que chacun peut faire depuis un an et que nous avions oublié depuis la fin de la guerre d’Algérie, à savoir que l’histoire est tragique.

Ce texte semble aussi motivé par le constat que, pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, des Français tuent d’autres Français.

En conséquence, cette journée de mémoire a pour objectif subliminal de réintroduire le roman national dans l’école, mais à dose homéopathique, à raison d’un jour dans le primaire, un jour au collège et un jour au lycée. L’intention est louable, mais un jour de mémoire tous les trois ou quatre ans, c’est la perle perdue dans le champ de ruines qu’est devenu l’enseignement de l’histoire de France dans nos établissements scolaires (M. Alain Néri opine.) et même, à bien des égards, dans nos universités.

Cette proposition de loi me laisse sceptique car elle traite timidement la conséquence - une mémoire collective affaiblie –, à défaut de s’attaquer à la cause - les programmes d’enseignement de l’histoire.

Comme Jeanne d’Arc a bouté les Anglais hors de France, notre Ve République, devenue libérale et libertaire, a progressivement bouté le roman national hors de l’enseignement de l’histoire.

Cette déconstruction a commencé dès les années soixante-dix. Depuis lors, que les ministres soient de gauche ou de droite, les manuels d’histoire ont de moins en moins vocation à former des citoyens et l’éducation n’a plus de « nationale » que le nom !

On a donc jeté par-dessus bord, ou mis à fond de cale, les pages glorieuses de notre roman national.

L’exemple est venu d’en haut. C’est ainsi que le Premier ministre de la France s’est bien gardé d’aller à Austerlitz, pour y célébrer le bicentenaire de la dernière grande victoire offensive que l’armée française a remportée, seule et contre tous.

Pourquoi n’y est-il pas allé ? Parce qu’un petit groupe de pression le lui a interdit, au motif que Napoléon a réintroduit l’esclavage dans les îles. Quel lien avec Austerlitz ? Aucun !

Il ne faut donc pas s’étonner que l’anachronisme, c’est-à-dire le jugement porté sur les événements historiques avec nos opinions d’aujourd’hui, se retrouve dans l’enseignement de l’histoire, à tous les niveaux.

Notre époque n’aime pas les héros historiques. Les moments de grandeur de l’histoire de France sont devenus tabous, car ils sont à l’exact opposé des valeurs marchandes du libéralisme.

En conséquence, notre époque aime les victimes. Elle recherche des coupables et les livre aux juges impitoyables d’internet.

Dans ces conditions, je ne vois pas comment ce nouveau jour de mémoire parviendra à sensibiliser les jeunes « aux sacrifices de leurs anciens ».

Le héros, celui qui s’est sacrifié pour une cause qui le dépassait, est devenu ringard car l’heure est à la repentance pour les fautes qu’auraient commises nos ancêtres. Il n’y a plus qu’au Maroc que l’œuvre du général Lyautey est encore reconnue.

À la repentance, s’ajoutent le relativisme et l’universalisme. Le royaume des Zoulous se retrouve quasiment au même niveau que le royaume de France, qui a fait notre pays. (M. le rapporteur sourit)

Dans ces conditions, comment la jeunesse de France peut-elle être fière de son pays, de sa langue, de sa culture et d’une civilisation qui est la fille de la religion chrétienne et des Lumières ? (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Ernest Renan écrivait en 1882 : « L’existence d’une nation est […] un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de la vie ».

Ce plébiscite de tous les jours n’est plus l’objectif assigné à l’enseignement de l’histoire. Au contraire, les professeurs ont été progressivement amenés, par des gouvernements de tous les bords politiques, à enseigner l’histoire dans cette novlangue politiquement correcte, qui affaiblit les valeurs et les principes ayant cimenté la République et la Nation.

Avec un enseignement de l’histoire authentiquement républicain, nous ne connaîtrions pas aujourd’hui ce problème dramatique de l’affaiblissement de la mémoire collective et nous n’aurions pas besoin d’instaurer une journée de mémoire. Une journée parmi tant d’autres, qui participent déjà à la concurrence mémorielle.

Seul un enseignement de l’histoire revenu aux fondamentaux permettra à notre jeunesse de connaître le lien étroit entre l’histoire et la citoyenneté, dont la mémoire n’est qu’une composante.

En conclusion, et comme l’a écrit fort justement le président du Sénat, Gérard Larcher, la nation française est un héritage en partage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui rassemblés pour évoquer le devoir de mémoire et sa mise en œuvre auprès des jeunes.

L’intention de l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Vincent Delahaye, est louable et répond à un enjeu d’unité nationale.

Depuis plusieurs années, le devoir de mémoire est invoqué de manière récurrente et insistante par les associations, par les plus hautes autorités de l’État. Il est régulièrement inscrit dans la loi.

L’injonction au devoir de mémoire renvoie au motif légitime de la crainte de voir la mémoire submergée par l’oubli. C’est aussi garder la conscience juste et présente des événements du passé. Le passé se conjugue toujours au présent, mais il faut être vigilant pour que ce devoir de mémoire ne devienne pas pesant pour nos jeunes générations, qui ont aujourd’hui la responsabilité d’en entretenir le souvenir.

Toutefois, sans le remettre en cause, je me permets de manifester une certaine réticence face à la multiplication de cet exercice.

Plusieurs arguments viennent étayer cette position.

Je considère que l’histoire ne peut pas être absorbée par la mémoire. Quand l’histoire est une science, fondée sur la compréhension et l’interprétation, le savoir et la mise à distance, la mémoire, elle, repose plutôt sur l’affect, le vécu. Elle se maintient lorsque les gens revivent, réactualisent et transmettent ce vécu aux jeunes générations. Elle est donc nécessairement parcellaire et partielle. L’histoire est universelle, pas la mémoire. Un « devoir d’histoire » s’impose par lui-même, pas un devoir de mémoire, qui repose avant tout, selon moi, sur l’engagement de ceux qui transmettent l’histoire, la mémoire, notamment les anciens combattants.

La mémoire doit être aussi couplée avec la citoyenneté : chaque acte de la vie quotidienne doit être un acte de citoyenneté et participe en cela à notre devoir du souvenir de notre histoire.

Les commémorations et les échanges avec les anciens prennent ici tout leur sens et toute leur consistance. Ils permettent aux plus jeunes de prendre toute la mesure de l’engagement dans un contexte précis.

D’un point de vue pratique, les commémorations en France sont déjà très nombreuses. Comme le soulignait le rapport Kaspi de 2008, auquel a fait référence Claude Kern, on comptait douze commémorations publiques ou nationales en 2008 ; il y en a deux de plus aujourd’hui.

L’auteur du rapport poursuivait en expliquant que cette multiplication des commémorations entraînait une désaffection et une incompréhension de la part d’une très grande majorité de la population, affaiblissait la mémoire collective et encourageait des particularismes allant à l’encontre de l’unité nationale.

Enfin, si l’école est le lieu approprié pour la transmission de la connaissance, elle peut aussi mettre en œuvre des actions pédagogiques autour du devoir de mémoire à la condition qu’il y ait un engagement volontaire des enseignants, et cela autour d’un projet d’école construit. L’imposer nuira selon moi à la qualité des actions autour du devoir de mémoire et aura des effets inverses à ceux qui sont recherchés.

Plutôt que d’imposer un jour supplémentaire, je pense qu’il est plus opportun d’encourager les initiatives locales. Il appartient à chaque collectivité territoriale d’adapter aux particularités de chaque territoire l’organisation, si elle le souhaite, de journées de la mémoire qui associeraient élèves et anciens combattants, comme cela se fait déjà.

Les messages sont d’autant plus marquants pour les jeunes qu’ils peuvent être reliés à leur histoire, à celle de leur commune, voire à celle de leur famille. (M. Alain Néri s’exclame.)

Bien que l’enjeu soit fondamental de savoir se souvenir de notre passé pour construire notre futur, il n’apparaît pas opportun aujourd’hui d’adopter un texte dont les effets sont limités et les contours encore trop imprécis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Alain Néri applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Demande de renvoi à la commission (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. Kern et Mme Morin-Desailly, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française (n° 145, 2015-2016).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.

M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Lors de son examen, le 16 décembre dernier, la commission de la culture a salué l’intérêt que suscite cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Delahaye. Au cours des débats, les membres de la commission ont fait part de leur souhait d’associer davantage la jeunesse aux commémorations et au travail de mémoire.

Toutefois, considérant le caractère sensible des questions mémorielles, à plus forte raison dans le cadre scolaire, la commission a estimé que ce sujet nécessitait un travail préparatoire plus important et devant aboutir à un large consensus.

En conséquence, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cette motion de renvoi en commission de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Ayant exprimé la position du Gouvernement au cours de la discussion générale, je dirai simplement qu’on ne peut pas empiler les jours de mémoire. Par ailleurs, les enseignants, à quelque niveau que ce soit, font leur travail et l’histoire, sur laquelle des désaccords sont toujours possibles, est enseignée. Les enseignants sont consciencieux, ils savent qu’ils ont en face d’eux des citoyens en devenir. Le travail sur l’histoire – et cela est vrai également pour les autres matières – se fait dans le respect de notre passé et de ceux qui ont sacrifié leur vie pour nous permettre aujourd’hui de nous exprimer librement.

Je ne citerai qu’un exemple. Cette année, trois mille jeunes Français et mille jeunes Allemands participeront aux commémorations de la bataille de Verdun. Ils seront donc acteurs et non pas témoins ou spectateurs. Cet événement sera précédé de tout un travail pédagogique et, même si les avis peuvent être partagés sur l’analyse qui en est faite, il est bien une manière d’évoquer tous ceux qui ont laissé leur vie pendant la Première Guerre mondiale.

Les équipes pédagogiques à travers toute la France, dans tous les territoires, seront associées à ces commémorations et partout des projets voient le jour. C’est bien pour cette raison qu’on est obligé d’en limiter le nombre.

Pareillement, les batailles de la Somme – celle de 1914-1918 et celle de 1939-1945 – donnent lieu à un travail dans les écoles et je peux vous garantir que nos jeunes y sont très sensibles, à quelque niveau que ce soit.

On peut ne pas aimer les termes, mais le devoir de mémoire, c’est surtout le travail de mémoire. Ce travail, je peux vous garantir qu’il est fait (M. Jacques Chiron opine.), notamment grâce aux collectivités territoriales qui s’investissent énormément dans ces actions.

Instaurer un jour de mémoire au sein des établissements scolaires n’y ajoutera rien. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Beaucoup de choses ont été dites au cours de ce débat très riche, dense et nourri, qui est le reflet des échanges que nous avons eus en commission sur cette proposition de loi déposée par notre collègue Vincent Delahaye et cosignée par un certain nombre de collègues du groupe de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains, proposition de loi dont je salue les objectifs à la suite des différents orateurs.

En commission, une demande pressante a été exprimée en faveur de la constitution d’un groupe de travail qui serait chargé de s’emparer de ces questions liées à la mémoire et aux questions de civisme. Avec le rapporteur, nous avons réfléchi à la meilleure manière de satisfaire les objectifs des auteurs de la proposition de loi. Comme je l’ai dit ce matin en commission, c’est bien volontiers que je m’attacherai à constituer ce groupe de travail. Monsieur Carrère, vous avez évoqué un rapprochement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; bien entendu, j’accède à votre demande, mais je suggère également d’associer la commission des affaires sociales, dont dépend le groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante.

M. Charles Revet. Bien sûr !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Ce travail de rapprochement sera très utile, car, de mémoire de sénatrice, jamais ce travail n’avait été mené par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il sera aussi sans doute très intéressant.

Je réunirai prochainement le bureau afin de définir les modalités d’action de ce groupe de travail.

Mes chers collègues, je vous remercie de ce débat, qui a éclairé nos esprits, de la même manière qu’en commission.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

(La motion est adoptée.)

M. le président. En conséquence, le renvoi de la proposition de loi à la commission est ordonné.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
 

8

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. La commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La Présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Francis Delattre membre du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Nomination d’un membre d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination d’un membre titulaire de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, en remplacement de Mme Annie David, démissionnaire.

Cette candidature a été publiée conformément à l’article 9 du règlement. Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, je proclame Mme Laurence Cohen membre titulaire de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie.

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Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Discussion générale (suite)

Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée (proposition n° 246, texte de la commission n° 267, rapport n° 266).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, le chômage, ce n’est pas seulement des chiffres que l’on commente chaque mois. C’est avant tout une réalité, une réalité vécue par des millions de Français. C’est pour eux, leurs enfants, leurs parents, leurs proches, la peur de se retrouver en marge de la société, de perdre confiance et l’estime de soi, et de ne pas se sentir utile socialement.

Faire de la politique, c’est souhaiter que chacun trouve sa place dans la société, qu’il puisse s’épanouir dans un cadre collectif fait de règles, de devoirs, mais aussi de droits. Je crois que nous en sommes toutes et tous convaincus ici, le droit au travail est un droit fondamental.

C’est pour cette raison que nous avons toutes et tous une responsabilité majeure. Nous devons trouver les conditions pour que chacun construise son projet de vie autour d’un projet professionnel émancipateur.

Nous entrons dans une année décisive dans la bataille de l’emploi. Vous le savez, le chômage ne se règle pas à coups de « mesurettes », et c’est bien la raison pour laquelle, dès le début de ce quinquennat, nous avons engagé des réformes structurelles, et nous continuerons à le faire.

Notre politique s’inscrit dans le temps long, pour des effets durables. C’est notre objectif.

Ces réformes, au travers du pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, des contrats aidés mieux ciblés, plus longs et plus qualifiants, des dispositifs d’accompagnement et de suivi des décrocheurs comme la Garantie jeunes, des aides aux recrutements pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, les TPE et les PME, des mesures relatives à l’apprentissage et à la formation, commencent à produire des effets encourageants, notamment sur le chômage des jeunes.

Bien sûr, nous devons aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. C’est pour cette raison que nous ne devons écarter aucune piste en faveur de l’emploi. D’un côté, il y a les réponses que nous apportons dans le cadre de la politique du Gouvernement et, de l’autre, il y a toutes les initiatives locales, qui proposent des solutions expérimentales innovantes.

Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » engagé par ATD Quart Monde a ainsi été identifié, dans le cadre du plan « Prévenir, aider, accompagner : nouvelles solutions face au chômage de longue durée », comme pouvant être expérimenté et évalué avant une généralisation éventuelle.

Je veux saluer ici une nouvelle fois devant la représentation nationale l’action de cette association, comme celles de toutes les associations qui prennent à bras-le-corps cette problématique, souvent dans la proximité, au plus près des réalités locales.

Je suis plus que jamais convaincue que c’est à partir du terrain, au plus près des réalités locales, que nous trouverons les réponses les plus adaptées aux problématiques de l’emploi. C’est aussi pour cette raison que j’entends renforcer plus encore l’action du Gouvernement en lien avec les collectivités territoriales, à commencer par les régions, dont le rôle est déterminant en matière de politique d’emploi, de formation et d’apprentissage.

Face à la réalité du chômage, je l’ai dit et je le redis, nous n’avons pas tout essayé. C’est l’objet même du texte contre le chômage de longue durée que nous discutons aujourd’hui. C’est toute la philosophie du plan pour l’emploi que le Président de la République détaillera le 18 janvier prochain.

Nous sommes tous ici toujours très forts pour partager les constats, pour dire depuis des décennies qu’il existe des emplois non pourvus, qu’il existe des opportunités d’emploi dans des secteurs d’avenir, pour dire, enfin, qu’il faut former les demandeurs d’emploi vers ces emplois.

Nous devons aujourd’hui saisir l’opportunité de cette expérimentation. Tel est le sens de la proposition de loi qui nous réunit ce soir, et c’est pourquoi je soutiens cette initiative, qui pose un autre regard sur le fonctionnement du marché du travail.

Quelle est notre analyse ? Et comment y répondons-nous ?

Il existe des besoins non pourvus : nous devons tout mettre en œuvre pour y répondre et créer tout à la fois de l’activité et de l’emploi.

Je veux être claire : il s’agit non pas d’encourager un dispositif parallèle ou concurrent des indispensables activités portées par l’insertion par l’activité économique, mais de mettre en place un dispositif complémentaire efficace et utile. Il s’agit précisément de promouvoir un développement économique local sur la base d’activités non encore couvertes. J’y vois là une opportunité évidente, pratique et très concrète d’accès à l’emploi durable des demandeurs d’emploi de longue durée.

Je me réjouis donc de l’intérêt et de la mobilisation qu’a suscités cette proposition dans cette assemblée, mais également dans les territoires.

Les débats, puis le vote à l’Assemblée nationale ont marqué une première étape importante dans l’élaboration de ce projet qui a su dépasser les clivages politiques, puisqu’il a été voté à l’unanimité. Je souhaite bien sûr que cette dynamique se poursuive.

À l’heure où nous parlons, nous comptons environ 2,5 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B ou C depuis au moins douze mois. Cela représente 44 % des inscrits. Cette situation n’est pas propre à notre pays ; c’est un mal européen. Entre 2007 et 2014, le nombre de demandeurs d’emploi concernés a doublé au sein de l’Union européenne.

Considérant qu’il y a urgence à réagir à ce problème, le Conseil de l’Union européenne a d’ailleurs adopté, le 7 décembre dernier, une recommandation sur l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail, visant à établir un cadre approprié pour soutenir les actions des pays membres sur le modèle de la garantie européenne sur la jeunesse.

Je le disais, des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi ne demandent qu’une chose : pouvoir se rendre utile – utile à la société – par le travail.

Cette loi, j’en suis convaincue, participera de cette bataille nécessaire contre le chômage et produira des effets durables sur le terrain.

L’expérimentation se concentre sur dix territoires de petite taille, pour un nombre limité de bénéficiaires que je souhaite porter à 2 000.

Pour se donner les moyens de réussir cette expérimentation, il nous faut savoir commencer petit, quitte à contenir des élans, pour, ensuite, pouvoir généraliser cette initiative, sur la base d’un partenariat territorial qui aura fait ses preuves.

Il s’agit non pas de réduire l’ambition de la démarche, mais de la rendre contrôlable : elle doit nous permettre d’analyser méthodiquement les réalisations qu’elle aura induites et les effets produits. À ce titre, un cahier des charges sera élaboré par le fonds d’expérimentation, sur la base duquel seront sélectionnés les territoires expérimentateurs.

Je souhaite que la procédure la plus juste et la plus équitable possible soit mise en place pour identifier les territoires qui seront retenus.

Je m’y engage également, nous accompagnerons les acteurs locaux dans la mise en place de ce projet. Concernant le financement, nous l’assumerons : cette expérimentation doit être à coût maîtrisé pour la collectivité, et doit donc bénéficier de l’apport financier d’une diversité de partenaires.

Le rôle de tous les niveaux de collectivités ou des établissements publics de coopération intercommunale sera, lui aussi, déterminant.

D’ailleurs, je souhaite que cet engagement explicite soit une condition qui s’impose à chaque territoire pour intégrer l’expérimentation. À ce titre, je précise que, la première année de l’expérimentation, l’État pourra consentir un effort financier exceptionnel pour mieux accompagner la mise en place de ce projet, et, au-delà, la participation de l’État sera équivalente au coût d’un contrat initiative emploi, ou CIE.

Nos échanges d’aujourd’hui doivent être guidés par le souci de réussite, demain, de la mise en œuvre de l’expérimentation. Pour ce faire, nous devrons lever toute ambiguïté sur le public cible, le statut des bénéficiaires et les modalités de leur accompagnement.

Le service public de l’emploi, notamment, prendra toute sa part et aidera les personnes qui le veulent à sortir du dispositif pour trouver un autre emploi. Nous devrons sécuriser les droits et les devoirs des différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des financeurs, des entreprises conventionnées ou des bénéficiaires.

Nous devons nous attacher à définir ensemble une gouvernance simple et efficace du fonds. Comme le propose Mme le rapporteur, nous devrons aussi réfléchir ensemble à la question de l’évaluation. Celle-ci ne sera possible que dans la mesure où les objectifs de l’expérimentation sont dès à présent clairement exprimés : tel est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi. Elle ne sera également possible que dans la mesure où le ciblage et les moyens mobilisés sont clairement identifiés.

Sur ces bases, nous demanderons notamment que soit évalué, en toute rigueur et par un organisme indépendant, dans quelle mesure les demandeurs d’emploi de longue durée trouvent dans l’accès au contrat à durée indéterminée, et par des activités d’utilité sociale, la voie d’une insertion sociale et professionnelle durable. De plus, nous voulons savoir dans quelle mesure l’accès à l’emploi se réalise effectivement à coût constant ou inférieur et, bien sûr, nous voulons connaître les facteurs de réussite ou les freins à lever pour plus d’efficacité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je salue encore une fois l’initiative et le désir d’innovation porté par cette proposition de loi. Je remercie les parlementaires, auteurs de cette proposition de loi, ainsi que Mme le rapporteur, qui s’est appliquée à rendre le texte plus clair encore. J’invite la représentation nationale à se mobiliser fortement pour soutenir ce projet.

Notre objectif, que je sais partagé sur l’ensemble des travées de cette assemblée, est de faire baisser le chômage de longue durée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une responsabilité collective face au défi de l’emploi, parce que nous n’avons pas le droit de décevoir et que nous devons réveiller l’espoir. J’en suis convaincue, nous pourrons y parvenir. Nous le devons aux Françaises et aux Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays livre depuis maintenant quarante ans une bataille pour l’emploi, dont le déclenchement remonte aux deux chocs pétroliers qui ont remis en cause le modèle de croissance bâti durant les Trente Glorieuses.

Confrontés à une aggravation constante de la situation et à une conjoncture économique dégradée, les gouvernements successifs ont dû gérer l’urgence et développer un traitement social du chômage qui préserve de moins en moins les demandeurs d’emploi, notamment les chômeurs de longue durée, de la grande précarité et de l’exclusion, et montre ses limites quand il s’agit d’assurer leur réinsertion professionnelle.

La crise économique mondiale, à partir de 2008, puis les incertitudes qui ont plané sur la soutenabilité des dettes souveraines européennes, ont fait augmenter durablement le nombre de chômeurs dans notre pays. Plus encore, c’est l’effectif des personnes sans emploi depuis plus d’un an, dont l’employabilité a diminué tout autant que les chances de retrouver un emploi stable, qui a connu la plus forte hausse : entre 2008 et 2015, le nombre a bondi de 147 %.

Face à ce fléau, il serait illusoire de croire à l’existence d’une seule et unique solution miracle. Bien entendu, la réponse est multiple, comme l’illustre l’action du Gouvernement depuis 2012. Elle passe par une meilleure formation initiale et continue, à l’instar du plan de 500 000 formations supplémentaires dédiées aux chômeurs qui vient d’être annoncé par le Président de la République ; par un renforcement de la compétitivité des entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ; par un soutien à l’embauche dans les PME, ou encore par la prochaine refonte du code du travail, afin de donner davantage de place aux accords d’entreprise et de branche sans remettre en cause les droits des salariés.

Dans ce combat pour l’emploi, il ne faut écarter par principe aucun dispositif innovant. En la matière, l’imagination ne doit pas être bridée, et les expériences méritent d’être tentées.

Telle est la philosophie des initiateurs du présent texte, qui s’attaque au chômage de longue durée, celui qui touche surtout les publics les plus fragiles et met en péril la cohésion sociale dans notre pays.

Je souhaite rendre hommage aux associations qui ont inspiré ce projet, plus spécialement à ATD Quart Monde, dont des représentants sont présents ce soir dans les tribunes du Sénat, ainsi qu’à notre collègue député Laurent Grandguillaume, qui s’est fortement investi dans l’élaboration de cette proposition de loi et l’a beaucoup enrichie, en tant que rapporteur, lors de son examen par l’Assemblée nationale.

Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu du dispositif, que la commission a adopté sans modification le 16 décembre dernier.

Je rappellerai simplement qu’il autorise, sur des territoires d’expérimentation définis et restreints, des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en contrat à durée indéterminée, ou CDI, des demandeurs d’emploi de longue durée, qui seront rémunérés au moins au SMIC pour effectuer des prestations répondant à des besoins économiques et sociaux non satisfaits localement. L’objectif est de les rendre solvables grâce à une réallocation, totale ou partielle, des dépenses publiques d’indemnisation ou de solidarité dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées.

Cette proposition de loi est à la fois modeste et ambitieuse. Modeste, car il ne s’agit à ce stade que d’un dispositif expérimental, pour une durée maximale de cinq ans et limité à dix territoires volontaires. Ambitieuse, car elle pourrait entraîner à terme un changement de paradigme de la politique de l’emploi, en donnant la priorité à l’activation des dépenses dites « passives » liées au chômage.

De surcroît, il faut se réjouir du fait que le texte dont nous débattons aujourd’hui ait pu être enrichi grâce aux avis sollicités par l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Ce dernier a confié à l’Agence nouvelle des solidarités actives, l’ANSA, la réalisation d’une étude de faisabilité du projet. Le président de l’Assemblée nationale a, quant à lui, saisi le Conseil d’État, dont les remarques ont permis d’améliorer la sécurité juridique du dispositif, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dont l’avis met l’accent sur les conditions de réussite de l’expérimentation – un avis adopté à l’unanimité, moins une abstention, un fait suffisamment rare pour être noté.

Par ailleurs, il est heureux de constater que le présent texte promeut non pas un mécanisme conçu et piloté par l’administration centrale, mais un projet pensé, partagé et porté par et dans les territoires.

Les amendements que j’ai déposés dès la semaine dernière sur ce texte, cosignés ensuite par mes collègues membres du groupe socialiste et républicain, tendent à s’inscrire dans la lignée des pistes de réflexion que j’avais identifiées dans mon rapport. Les dispositions prévues répondent également aux remarques formulées par plusieurs collègues en commission, où ce texte a fait l’objet d’un débat très riche et très ouvert.

Certains de ces amendements visent à assurer des coordinations et clarifications juridiques, tandis que d’autres ont pour objet d’apporter des modifications plus substantielles au texte initial.

En premier lieu, il m’a semblé utile de ne pas limiter le bénéfice de l’expérimentation aux personnes ayant subi un licenciement, autrement dit aux personnes « involontairement privées d’emploi », pour reprendre les termes juridiques adaptés. Il convient de l’élargir à toutes les personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, inscrites à Pôle emploi, quel que soit le motif de rupture de leur précédent contrat de travail. Ainsi, les personnes ayant démissionné de leur emploi ou celles qui ont conclu une rupture conventionnelle ne seront plus exclues de l’expérimentation, et ce dans le souci de ne pas complexifier le dispositif et de le laisser le plus ouvert possible.

En deuxième lieu, j’ai souhaité renforcer le volet relatif à l’accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée. Certes, ces personnes sont en général moins éloignées de l’emploi que celles qui travaillent, par exemple, dans les structures d’insertion par l’activité économique. Il n’en demeure pas moins que des actions d’accompagnement spécifiques sont nécessaires, comme l’ont souligné de concert l’ANSA et le CESE, afin, notamment, d’inciter et d’aider les salariés à travailler, ensuite, dans des structures non couvertes par l’expérimentation.

C’est pourquoi nous souhaitons que le comité local, pivot du dispositif, soit chargé de déterminer les modalités d’accompagnement de tous les salariés de l’entreprise conventionnée. Bien entendu, cette structure agira en lien étroit avec les acteurs du service public de l’emploi comme Pôle emploi, les missions locales pour les jeunes et Cap emploi, pour les personnes handicapées, notamment.

En troisième lieu, il m’est apparu indispensable de bien distinguer, d’une part, le bilan de l’expérimentation, essentiellement de nature comptable et financière, qui peut et doit même être réalisé par le fonds, et, de l’autre, l’évaluation de celle-ci, fondée sur une analyse économétrique, qui doit être menée par un comité scientifique indépendant, à l’instar de ce qui a été prévu et mis en œuvre avec succès pour l’expérimentation de la Garantie jeunes.

En effet, chacun en conviendra, le fonds ne doit pas être juge et partie en matière d’évaluation ; il n’en aurait d’ailleurs pas les compétences. Cette distinction est fondamentale, car c’est à l’aune de cette évaluation que l’expérimentation débouchera ou non sur un dispositif pérenne, que nous appelons tous, bien entendu, de nos vœux.

En quatrième et dernier lieu, je souhaite clarifier les règles liées à la prise en charge de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt prématuré de l’expérimentation décidée par le fonds.

C’est dans ce cas de figure uniquement que le présent texte présume l’existence d’un motif économique au licenciement, et oblige le fonds à participer au paiement de l’indemnité de licenciement. Dans tous les autres cas, si l’entreprise souhaite se séparer de l’un de ses salariés pour un motif personnel ou économique, ce sont bien les règles de droit commun du code du travail qui s’imposent à elle. (Mme Annie David acquiesce.)

Notre débat de ce soir permettra, je l’espère, de clarifier certains de ces points et de dissiper les dernières craintes.

Mme Annie David. Très bien !

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La question du financement de l’expérimentation est bien évidemment centrale, certains de nos collègues craignant des conséquences néfastes pour les finances locales.

Je rappelle que la philosophie de l’expérimentation est de réorienter des dépenses existantes liées au chômage de longue durée, en principe à budget constant. Au demeurant, le périmètre géographique de l’expérimentation est très restreint, et cette dernière est portée par des territoires qui sont d’ores et déjà volontaires : cinq d’entre eux se sont lancés sans attendre le vote de la loi. Cela étant, je ne préjuge pas de leur sélection dans le dispositif final, qui dépendra de l’arrêté de Mme la ministre du travail, faisant suite à la création du fonds.

Madame la ministre, vous avez pris l’engagement devant l’Assemblée nationale de consentir un effort exceptionnel de l’État pour amorcer et soutenir l’expérimentation, un engagement que vous venez de renouveler devant la Haute Assemblée. Sur la base du volontariat, les collectivités territoriales devront néanmoins, dès son lancement, confirmer leur engagement à cofinancer le projet, afin de garantir sa pérennité. Le sens de l’expérimentation est de mobiliser tous les acteurs locaux : l’État doit jouer pleinement son rôle, sans se substituer néanmoins aux collectivités territoriales volontaires.

De plus, l’articulation entre cette expérimentation et les structures d’insertion par l’activité économique semble désormais satisfaisante. Celles-ci gardent, bien entendu, toute leur utilité et toute leur place ; des entreprises d’insertion pourront même dans certains territoires être conventionnées par le fonds.

Enfin, il me semble pertinent et raisonnable de limiter le champ de l’expérimentation, du moins dans sa première phase, aux seules entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont la définition a été clarifiée par la loi du 31 juillet 2014. Ce sont elles qui connaissent le mieux les publics et les problématiques concernés, et qui pourront être rapidement mobilisées pour assurer le succès de l’expérimentation dans les territoires. Par la suite, si l’expérimentation se révèle concluante, ce que nous souhaitons, il est tout à fait envisageable d’étendre ce projet à toutes les entreprises, quel que soit leur mode de gestion.

En conclusion, je forme le vœu que cette proposition de loi, assortie des amendements sur lesquels la commission a émis un avis favorable, puisse être adoptée à l’unanimité ce soir par le Sénat. Ce texte est attendu par l’ensemble des partenaires des premières expérimentations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mmes Élisabeth Doineau et Anne-Catherine Loisier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a le mérite d’apporter une certaine fraîcheur au débat public sur la question du chômage qui est depuis trop longtemps sclérosé.

Madame la ministre, vous l’avez affirmé à juste titre : nous n’avons pas tout essayé !

Loin de restreindre ces enjeux à la seule question de la compétitivité des entreprises ou de la prétendue rigidité du code du travail, la présente proposition de loi prévoit de partir du concret, de la base, à savoir les territoires.

Ce texte se fonde sur un triple constat.

Tout d’abord, il est le fruit de la réflexion d’acteurs mobilisés sur le terrain, comme ATD Quart Monde, qui ont depuis longtemps compris que les chômeurs ont envie de travailler, qu’ils ne sont pas des assistés satisfaits de leur inactivité et qu’ils ne demandent qu’à mettre leurs compétences au service de la société.

Ensuite, il s’appuie sur le fait que beaucoup de travail utile à la société n’est pas réalisé, qu’il s’agisse des actions culturelles, assurant du lien social, des services à la personne ou de l’amélioration du cadre de vie ; les territoires et leurs habitants ont besoin d’activités qui, faute d’être suffisamment rentables, ne sont pas effectuées.

Enfin, la privation de travail d’une partie de plus en plus importante de la population active coûte très cher à la société, bien plus que les simples allocations versées. Ainsi, ATD Quart Monde estime qu’un chômeur de longue durée représente 15 000 à 17 000 euros de dépenses, chaque année, pour la collectivité. C’est un manque de recettes en termes d’impôts ou de cotisations sociales, mais c’est aussi un sinistre humain et social, dont la réparation sera très coûteuse : précieux savoir-faire perdus, déconsidération, liens rompus, couples fragilisés, santé précarisée, décrochage scolaire des enfants.

Partant de cette analyse, le député Laurent Grandguillaume, avec le soutien d’ATD Quart Monde, propose au travers de ce texte une expérimentation qui apporte des réponses concrètes.

Le dispositif proposé est simple : il suffit de réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs longue durée involontairement privés d’emploi dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ces crédits pour créer des CDI à destination de ces personnes, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux préalablement identifiés.

Cette proposition de loi est bénéfique à trois niveaux.

Premièrement, elle est bénéfique aux chômeurs de longue durée. Elle leur permettra de retrouver un vrai emploi et des perspectives, de mobiliser leurs compétences et d’en apprendre de nouvelles. Le fait que le contrat retenu soit le CDI est positif, car il s’agit d’un vecteur de stabilité pour des travailleurs habitués jusqu’alors à cumuler des petits boulots précaires.

Deuxièmement, elle est bénéfique aux territoires. L’identification de leurs besoins et l’utilisation de structures de l’économie sociale et solidaire vont leur permettre de satisfaire les besoins de leurs populations et d’aider à leur développement.

Troisièmement, cette proposition est bénéfique à la société tout entière. Elle permet de transformer des dépenses passives en investissements utiles, tout en diminuant les dépenses indirectes liées à la précarité.

J’ajoute, même si tel n’est pas son objet principal, que ce texte permet de pointer les insuffisances du secteur privé dès lors qu’il s’agit de satisfaire certains besoins sociaux de la collectivité. En effet, le marché privé concurrentiel délaisse des pans entiers d’activités dont la valeur lucrative est jugée insuffisante, alors même qu’ils sont créateurs de valeur d’usage. En mettant en avant les structures de l’économie sociale et solidaire, ce texte démontre toute l’importance qu’elles ont dans notre société.

En ce qui concerne la mise en œuvre, ce texte retient une bonne méthode, à savoir l’expérimentation. Les territoires qui se porteront volontaires permettront d’accumuler suffisamment d’expérience, en vue de songer, ensuite, à une généralisation du dispositif. Du reste, Mme la ministre l’a rappelé, une évaluation intermédiaire est prévue, à dix-huit mois de la fin de l’expérimentation, pour analyser véritablement les impacts en termes d’emploi.

Certes, seuls 2 000 chômeurs de longue durée seront concernés, mais il faut bien commencer, et l’échelle d’expérimentation retenue nous semble pertinente.

Concernant les publics cibles, nous soutiendrons l’amendement de Mme la rapporteur visant à inclure les personnes ayant signé une rupture conventionnelle dans la liste des bénéficiaires potentiels. Nous le savons, les ruptures conventionnelles sont souvent des licenciements déguisés. Il serait injuste de considérer que tous les salariés y ayant eu recours ont quitté leur précédent poste le cœur gai et volontairement.

En conclusion, les membres du groupe écologiste soutiendront avec enthousiasme cette proposition de loi novatrice et bénéfique pour toute la collectivité. Redonner une chance de travailler aux exclus, dynamiser des territoires en créant de nouveaux services et réduire le coût de la précarité pour la collectivité : les objectifs et la méthode de cette proposition de loi sont louables et même exemplaires. Voilà pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je vous présente tous mes vœux pour cette nouvelle année, que je souhaite plus sereine et fertile au développement de l’emploi.

Je me réjouis de prendre part aujourd’hui à l’examen d’une proposition de loi visant à résorber le chômage de longue durée dans nos territoires. Ce texte tend à faciliter l’embauche en contrat à durée indéterminée par des entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire de personnes durablement éloignées du marché du travail.

Ces emplois ad hoc, rémunérés au moins au SMIC, répondent, dans nos territoires, à des besoins de proximité, sociaux, économiques ou environnementaux non satisfaits. Leur financement serait assuré en partie par une réallocation à budget constant de dépenses publiques directes – les allocations comme le chômage et le RSA –, indirectes – les aides au logement, par exemple – ou encore induites, comme le sont celles que supporte la sécurité sociale. En d’autres termes – je fais mienne la formule pleine de bon sens de notre collègue Yves Daudigny –, « l’argent public est mieux utilisé quand il contribue à un emploi ».

À titre liminaire, permettez-moi de dire qu’il me semble bienvenu d’avoir modifié l’intitulé de cette proposition de loi, qui, à l’origine, évoquait des « territoires zéro chômage de longue durée », puis une « expérimentation visant à faire disparaître ce chômage de longue durée ». Si ces objectifs sont louables, nous devons, selon moi, être attentifs aux mots que nous choisissons afin de ne pas créer inutilement chez nos concitoyens de la frustration et de l’insatisfaction. Je salue donc le consensus trouvé en commission des affaires sociales autour de l’intitulé « expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée ».

Certains se demandent si ce texte marque le retour, sous une nouvelle forme, de l’emploi aidé. Non, ce n’est pas le cas ! Le financement recherché est innovant, car il s’appuie sur la réallocation de dépenses d’intervention supportées par l’État, les collectivités, notamment les conseils départementaux, et les partenaires sociaux. En outre, l’aide versée par le fonds d’expérimentation aux entreprises n’a pas de caractère définitif. On parle à juste titre de « fonds d’amorçage » : cette aide vise à permettre l’émergence de nouvelles activités portées par le secteur privé de l’économie sociale et solidaire, qui devront, à l’issue de cette période d’amorçage, être financées dans les seules conditions du marché.

Il s’agit donc d’offrir aux entreprises la possibilité de se positionner sur de nouveaux marchés. Ce type d’initiative fonctionne, j’ai pu l’éprouver dans mon territoire avec l’association Bois Énergie 66, qui a développé une activité de conseil aux structures souhaitant s’équiper d’une chaufferie à bois – une énergie renouvelable –, laquelle a démarré grâce à une aide du conseil général de l’époque, dirigé par Christian Bourquin. Cette amorce a permis de développer la filière, qui n’a plus besoin, aujourd’hui, de financement de la collectivité. Je suis donc convaincue que ce type d’initiative permettra à des chômeurs de longue durée de bénéficier des potentialités offertes par ces nouveaux emplois.

Pour revenir plus en détail au texte de la proposition de loi, je me félicite d’abord de la méthode employée.

L’initiative est portée par l’association ATD Quart Monde. J’aime l’idée que les décisions émanent des acteurs du territoire, quotidiennement confrontés aux dures réalités du contexte socio-économique actuel, qu’ils soient issus du monde associatif, élus ou chefs d’entreprise.

En juin dernier, j’ai organisé dans mon département une grande conférence sur l’emploi et le développement économique, réunissant tous les acteurs économiques locaux, afin de les mobiliser, de les fédérer et de réfléchir à de nouvelles solutions pour les emplois locaux. Cette proposition de loi s’inscrit dans le même esprit. Elle requiert un large consensus, par-delà les clivages politiques, afin de faire la démonstration que la diminution drastique du chômage de longue durée est un objectif commun.

Les modifications les plus importantes me semblent avoir été réalisées en commission des affaires sociales, même si des améliorations peuvent encore être apportées au texte. J’aurais notamment souhaité revenir sur le nombre de collectivités territoriales pouvant bénéficier de cette expérimentation. Las, mes deux amendements en ce sens ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en ai été très surprise, dans la mesure où ils ne nécessitaient pas de réajuster le budget global prévu dans le texte.

Malgré le nombre limité de bénéficiaires, je forme le vœu que la candidature de qualité, dans mon département des Pyrénées-Orientales, de la communauté de communes Albères-Côte Vermeille, présidée par mon ami député Pierre Aylagas, reçoive toute l’attention de ceux qui évalueront les possibilités de mise en œuvre du dispositif. Cela redonnerait de l’espoir aux 2 000 chômeurs de longue durée que compte ce territoire.

En conclusion, mes chers collègues, j’espère que nos débats en séance se poursuivront sur la voie du consensus dessinée en commission des affaires sociales, afin que cette proposition de loi soit rapidement adoptée et mise en œuvre.

L’ensemble du groupe du RDSE soutient cette proposition de loi, dont l’adoption s’inscrirait dans la dynamique initiée en ce début d’année par le Président de la République et son gouvernement, qui présenteront lundi 18 janvier un plan d’urgence pour l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a presque un an, le 9 février 2015, le ministre du travail et de l’emploi de l’époque, François Rebsamen, présentait une liste de vingt mesures destinées à lutter contre le chômage de longue durée. Pourtant, avec plus de 2 447 000 personnes inscrites en novembre dernier, le chômage de longue durée a augmenté de 9,7 % en un an, touchant 215 900 personnes supplémentaires. Sa progression est plus rapide que celle de la moyenne générale du chômage. Plus inquiétant encore, dans la mesure où les chances de retrouver un emploi se réduisent avec le temps, 705 000 demandeurs d’emploi restent bloqués sur les listes de Pôle emploi depuis plus de trois ans. Cette courbe du chômage de longue durée n’a montré aucun signe de faiblesse depuis quatre ans.

Au début de l’année 2015, les propositions présentées visaient à « préparer le plus possible les chômeurs de longue durée à être prêts lors de la reprise de l’emploi ». Il s’agissait alors de faire bénéficier 460 000 d’entre eux d’un renforcement du suivi intensif par Pôle emploi d’ici à 2017, de leur accorder un droit réel à la formation qualifiante gratuite – ce qui rejoint les dernières déclarations gouvernementales dont il faut espérer qu’elles ne visent pas simplement à faire baisser les statistiques du chômage... – ou de lutter contre ce qu’on appelle « les freins périphériques à l’emploi » en développant par exemple l’ouverture des crèches aux chômeurs le temps d’un entretien d’embauche, la possibilité de recourir à la garantie de loyers ou à un bilan de santé, etc. Il s’agissait donc surtout de mesures sociales, qui sont sans doute loin d’être inutiles, mais qui peuvent apparaître dérisoires au vu de la gravité de la situation.

Notre groupe ne cesse de répéter qu’une politique efficace de lutte contre le chômage de longue durée passe d’abord par des politiques macroéconomiques favorisant la croissance et l’emploi. Ce sont des réformes de fond qui manquent à notre pays. Leur absence maintient nombre de nos concitoyens dans la précarité, alors que certains de nos voisins connaissent un redressement de leur économie.

En France, 43,2 % des inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C sont chômeurs de longue durée. Il faut donc intégrer l’expérimentation dont nous parlons aujourd’hui dans ce contexte. Toutefois, affirmer que celle-ci, qui repose sur une analyse d’éventuels besoins locaux dans le seul secteur de l’économie sociale et solidaire, vise à supprimer le chômage de longue durée est pour le moins « exagéré », comme l’indique avec plus de diplomatie que moi notre rapporteur dans un amendement.

Cette expérimentation présente l’intérêt de s’appuyer sur les territoires pour réinsérer des chômeurs de longue durée. Si quelques postes leur permettent de renouer avec une activité, ce dispositif aura rempli sa mission sociale. Si certains débouchent sur un emploi stable, ce qui nous semble bien aléatoire, ce sera encore mieux !

Tout cela ne nous semble pourtant pas très novateur et rappelle singulièrement les contrats aidés créés dans le secteur non marchand, plus particulièrement les contrats TUC, ou travaux d’utilité collective, mis en place par le ministre Laurent Fabius – c’était en 1984 ! – et qui n’ont malheureusement pas réglé le problème du chômage des jeunes. La nouveauté de cette expérimentation réside dans le mode de financement retenu, qui repose sur la redistribution des allocations auxquelles auraient eu droit les demandeurs d’emploi s’ils n’avaient pas participé au projet. Elle se ferait donc à « budgets constants ». J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail de l’association ATD Quart Monde, qui a mis en lumière le fait que les dépenses publiques liées au chômage peuvent être mieux employées en offrant des services socialement utiles.

Au-delà de la mise en œuvre de ce principe, qui nécessite une stricte équivalence entre la baisse des dépenses et le financement du dispositif, il faudra que celui-ci réunisse de nombreuses conditions pour être efficace. Outre qu’il doit absolument reposer sur le volontariat des collectivités, qui ne sauraient se voir imposer des charges nouvelles, il devra bénéficier d’un appui financier constant de l’État. Le Conseil économique, social et environnemental a estimé dans son avis que l’expérimentation ne pourra être conduite sans un financement spécifique inscrit en loi de finances. Des amendements présentés par notre collègue Philippe Mouiller viseront à obtenir des assurances de votre part, madame la ministre.

Comme l’a relevé notre rapporteur, dont je tiens à souligner la qualité du travail et la rigueur des analyses, il faudra qu’une autorité indépendante effectue une évaluation de l’expérimentation le plus en amont possible et assure ensuite son suivi, afin, surtout, de garantir que celle-ci débouche sur une réinsertion durable.

Le dispositif devra pouvoir s’articuler avec l’activité des structures d’insertion par l’activité économique, dont la vocation naturelle vient recouper des objectifs identiques. Il devra également proposer un contenu en formation suffisamment important. Les évaluations de l’effet de ce type de mesures montrent en effet qu’elles ont un impact positif lorsqu’elles permettent d’acquérir une réelle expérience.

Ainsi précisé, le présent projet d’expérimentation aura le soutien de notre groupe, car, si nous regrettons l’absence de réforme d’ampleur, nous approuvons toute initiative rassemblant les énergies au niveau local et permettant aux chômeurs les plus en difficulté de renouer avec une vie « normale », une vie avec un emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un constat difficile, rappelé par chacun d’entre nous : le chômage de longue durée est, aujourd’hui encore, à un niveau très élevé – Alain Milon vient de rappeler les chiffres. En croisant ceux de l’INSEE et de Pôle emploi, on constate que 2,5 millions de personnes ne travaillent pas depuis plus de douze mois.

Au-delà des chiffres, qui sont édifiants, il faut bien avoir à l’esprit la situation de ces personnes. Éloignées depuis de longs mois d’un emploi, elles se sentent déclassées, inutiles voire exclues. Elles voient arriver la fin de leurs droits et s’isolent chaque jour un peu plus. Nous ne pouvons rester insensibles et surtout inactifs face à cette situation.

Depuis trente ans, des initiatives nombreuses ont été prises par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ainsi que par les parlementaires. Or nous sommes obligés de constater que ces différentes politiques se sont soldées par des échecs et que le nombre de chômeurs est toujours à un niveau très élevé et ne cesse de croître.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est donc intéressante à plusieurs égards pour réduire, à défaut de faire disparaître – ne rêvons pas, malheureusement ! –, le chômage de longue durée.

Cette proposition de loi est d’abord intéressante par son origine, puisqu’elle repose sur une initiative portée par l’association ATD Quart Monde, que nous sommes nombreux ici à connaître et dont nous saluons l’action de terrain en faveur des personnes démunies, en détresse sociale. Elle est par ailleurs soutenue par d’autres associations reconnues, tels Emmaüs ou le Secours catholique. Ce texte ambitionne d’associer les acteurs locaux de l’emploi – les associations, l’État, les collectivités locales et bien sûr les entreprises –, et c’est là son originalité. Cette association est essentielle au bon fonctionnement du dispositif, car l’ensemble des acteurs doivent se sentir concernés.

Cette proposition de loi est ensuite intéressante par son fonctionnement. La question de l’activation des dépenses sociales liées au chômage est en effet fondamentale, surtout s’agissant des chômeurs de longue durée. Le texte conduirait ainsi à réallouer les dépenses publiques dont ils bénéficient, comme l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’allocation de solidarité spécifique ou le revenu de solidarité active, aux entreprises qui les recruteraient. Une partie de la rémunération d’un CDI serait ainsi prise en charge, facilitant le recrutement des bénéficiaires.

Cette proposition de loi est également intéressante par son caractère expérimental. L’un des maux français étant de vouloir légiférer sur tout, et surtout trop vite, l’expérimentation a ceci de précieux qu’elle permet de tester un dispositif avant de le généraliser. Il y aura nécessairement des évolutions, des réajustements pour assurer éventuellement une généralisation pérenne du dispositif. Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de le consolider dès maintenant.

Pour que cette expérimentation soit significative, il nous semble nécessaire d’aller plus loin. En effet, la proposition de loi ne concerne que dix territoires – cela nous paraît un peu court comme échantillon – et ne vise que les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Dans le cas des chômeurs de longue durée, pour les raisons que j’évoquais à l’instant, on peut aisément comprendre ce choix. Ces entreprises connaissent particulièrement bien ce public et sauront lui assurer un retour adapté à l’emploi. Mais ne peut-on envisager d’élargir ce dispositif aux entreprises du secteur marchand ? Certaines pourraient être intéressées par ce projet, notamment celles pour lesquelles la qualification du chômeur compte moins que sa motivation.

J’ai longuement échangé avec le président du Mouvement des entrepreneurs sociaux, lui-même directeur d’un groupe qui emploie aujourd’hui 2 500 personnes dans quatorze sociétés sociales et solidaires. Il est tout à fait convaincu du bien-fondé de cette proposition de loi. Il se déclare même prêt à la mettre en œuvre dans son entreprise, mais il considère que le secteur de l’économie sociale et solidaire ne doit pas être la seule porte d’entrée dans l’emploi des chômeurs de longue durée.

Je souscris pleinement à sa position – je l’ai évoquée devant des chefs d’entreprise, qui se déclarent intéressés –, et je la compléterai même en y ajoutant ma crainte que cette ouverture à la seule économie sociale et solidaire ne conduise à une distorsion de concurrence – cela peut paraître paradoxal – avec le secteur marchand, même si les députés ont complété l’article 1er dans le but de l’éviter.

Par ailleurs, je crois que la durée de cinq ans prévue pour cette expérimentation est trop longue. Le bilan qui serait effectué dix-huit mois avant son terme donne un peu le sentiment d’une dilution du projet dans le temps, qui pourrait trahir un manque de motivation. Nous pensons que trois années peuvent suffire à déterminer si le dispositif est viable socialement et économiquement, avec la publication d’un bilan douze mois avant l’échéance.

Madame la ministre, je crois que cette expérimentation est une initiative qu’il faut accompagner. Elle a le mérite d’être le fruit de réflexions de terrain visant à chercher des solutions adaptées à une difficulté bien particulière et socialement désastreuse que nous tous ici connaissons bien. J’espère que vous saurez entendre nos suggestions tirées de notre expérience.

Pour être tout à fait franc et clair, je précise que certains membres du groupe UDI-UC ont émis des réserves vis-à-vis de ce texte et ne le voteront pas. De manière plus générale, ils regrettent le manque d’ambition des réformes visant à lutter contre le chômage.

Alors qu’est régulièrement affichée par le Gouvernement la volonté de simplifier les règles applicables au monde du travail, les politiques proposées ne nous semblent pas toujours être à la hauteur de l’enjeu. La question du chômage ne trouvera en effet de réponse pérenne que par la croissance de l’activité économique et la conquête de nouveaux marchés. Cela passe par la réforme du marché du travail, par l’investissement productif. Dans ce domaine, le rendez-vous du printemps, que nous attendons tous, sera certainement déterminant. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vais moi aussi citer des chiffres, mais n’oublions pas que, derrière ces chiffres que chacune et chacun a énoncés, nous parlons de femmes et d’hommes.

À la fin du mois d’octobre 2015, la France comptait 5,7 millions de salariés privés d’emploi. Parmi ces femmes et ces hommes, le nombre de chômeurs de longue durée est de plus en plus important : en quinze ans, leur part est passée de 34 % à 43 % de l’ensemble des chômeurs. Selon l’INSEE, leur nombre s’est accru de 56 % entre 2008 et 2013, alors que le chômage augmentait globalement de 43 %.

Face à cette réalité, force est de constater l’impuissance des gouvernements successifs à trouver des moyens efficaces de lutte contre le chômage. Ainsi, la flexibilité accrue ou les exonérations accordées aux entreprises, mesures privilégiées ces dernières années, n’ont pas conduit à une baisse du taux de chômage ni empêché les plans de licenciement, même dans les entreprises qui font des bénéfices !

Au groupe communiste, républicain et citoyen, nous proposons depuis plusieurs années un tout autre projet pour lutter contre le chômage – je n’ai malheureusement pas le temps de le développer ce soir –, qui s’accompagne de la fin de la politique d’austérité menée depuis bien trop longtemps maintenant et qui permettrait de remplir les carnets de commandes et, ainsi, de favoriser l’emploi. Car c’est bien le secteur marchand qui doit être créateur d’emploi !

Compte tenu du constat que je viens de faire et nonobstant les préconisations que nous portons pour lutter efficacement contre le chômage, nous ne sommes pas insensibles à cette proposition de loi, qui permet d’ouvrir des « possibles ». Sous forme d’expérimentation, le dispositif proposé sort du cadre habituel ; en cela, on peut y voir la « plume » d’associations qui ont largement contribué à son écriture, et je les salue : ATD Quart Monde, Emmaüs, le Secours catholique ou encore la FNARS. Il s’agit en quelque sorte d’une coconstruction qui part du terrain pour arriver au Parlement, qui, je l’espère, enrichira encore le contenu du texte.

Aucune solution ne doit être négligée, d’autant moins quand il s’agit de s’attaquer au fléau du chômage de longue durée. En effet, pour les personnes concernées, il signifie la remise en cause des liens sociaux et familiaux, de la confiance en soi, il conduit à une sorte de résignation et s’associe parfois, et même souvent, à la précarité, qui rime, nous le savons bien, avec pauvreté. Aussi, nous ne pouvons envisager un « mieux vivre ensemble » en « laissant sur le carreau » des milliers de nos concitoyennes et concitoyens.

Cette proposition de loi permettra d’« essayer » une nouvelle option sans remettre en cause les dispositifs déjà mis en œuvre dans nos territoires. Elle permettra également d’apporter des réponses à des besoins sociaux qui s’expriment dans nos territoires, qui correspondent à des emplois non solvables et pour lesquels aucune entreprise du secteur marchand ne veut ou ne peut se positionner. De plus, la mesure proposée s’appuie sur le droit commun du travail, tant du point de vue de la rémunération que du temps de travail, et le CDI est la norme.

Cette expérimentation sera dans un premier temps centrée sur dix territoires, qui seront tous volontaires, et sera limitée dans le temps à cinq ans. Il nous semble que cela correspond à un juste équilibre. Puis, après une évaluation réalisée par un organisme indépendant – si l’amendement de Mme Emery-Dumas, que nous soutenons, est adopté –, et bien sûr si cette évaluation s’avère concluante, la mesure a vocation à être généralisée à l’ensemble du territoire national.

Bien sûr, nous sommes conscients que ce dispositif ne suffira pas à résoudre à lui seul le problème du chômage de longue durée. Mme la rapporteur nous a d’ailleurs indiqué en commission que, à terme, il pourrait concerner environ 2 500 à 3 000 personnes dans les dix territoires volontaires. Néanmoins, nous lui apporterons notre soutien, car il met en œuvre un procédé très nouveau et qui, pour une fois, ne consiste pas à donner de l’argent public aux entreprises, soit sous forme d’exonération ou d’aide directe à l’embauche. Cependant, l’aspect financier reste le point qui nous questionne le plus.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée à financer à hauteur de 10 millions d’euros ce dispositif la première année, un amorçage en quelque sorte ; mais, pour la suite, planent beaucoup d’inquiétudes, notamment parmi nos collectivités locales. Ces dernières ont bien conscience que seules celles d’entre elles qui seront volontaires seront concernées, mais, si elles s’engagent dans le dispositif pensant pouvoir y faire face et que les finances viennent à manquer, vers qui se retourneront les entreprises qui auront passé une convention avec le fonds de financement ?

À l’heure où les restrictions budgétaires s’abattent sur les collectivités locales, beaucoup d’élus s’interrogent. Peut-être pourrez-vous nous rassurer pendant le débat. Ce serait un bon signal envoyé à tous les acteurs du secteur de l’insertion sociale. Cela répondrait aussi à certaines des préconisations du CESE, qui demande justement des précisions sur les modalités de financement de l’expérimentation, avec notamment l’inscription de crédits spécifiques dans la loi de finances.

Je souhaite maintenant aborder nos travaux en commission et souligner ici le travail de très grande qualité de notre rapporteur. Mme Emery-Dumas a su présenter non seulement les avantages de ce texte, mais aussi ses défauts, dont elle a réussi à corriger une grande partie, en dehors du financement – l’article 40 ne lui en a pas laissé la possibilité... Cela nous a donc permis de retirer certains de nos amendements pour nous associer aux siens. Nos échanges en commission nous ont également permis d’en modifier d’autres. Je pense notamment à celui qui tend à élargir à tous les demandeurs d’emploi de longue durée présents sur le territoire concerné depuis plus de six mois le bénéfice du dispositif ; quand on sait qu’en 2014 le nombre de ruptures conventionnelles s’est établi à 333 000, soit 19 000 de plus qu’en 2013, il nous semble pertinent d’apporter cette modification.

De la même manière, la proposition de confier l’évaluation à un organisme indépendant, conformément à une autre recommandation du CESE, va dans le bon sens. En effet, la réussite de l’expérimentation dépendra pour une large part de l’évaluation du dispositif, de ses points faibles et de ses points forts, qui ouvrira la voie à une éventuelle généralisation.

Nous présenterons des propositions pour renforcer l’efficacité de ce texte et pour assurer la réussite du dispositif, notamment en matière de formation professionnelle. De même, nous défendrons un amendement visant à garantir une mise en œuvre du dispositif respectueuse de la parité entre les femmes et les hommes. Enfin, nous proposerons, suivant une préconisation du CESE, de revenir sur la disposition, contraire au droit du travail, aux termes de laquelle la rémunération des contrats s’appuie sur le niveau du SMIC.

Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi donne corps à une idée novatrice en matière de lutte contre le chômage d’une durée supérieure à un an, un mal qui concerne 3 millions de salariés dans notre pays. Il est nécessaire que le dispositif qu’elle instaure soit expérimenté dans de bonnes conditions. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain, et citoyen la voteront, à condition qu’elle ne subisse pas de modifications qui leur déplaisent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par féliciter Mme la rapporteur, au nom du groupe socialiste, pour la qualité de son travail, son implication et sa rigueur.

Tout le monde convient que l’augmentation du chômage, a fortiori du chômage de longue durée, est l’un des défis les plus cruciaux auxquels nous devions faire face. Depuis 2007, le nombre de personnes sans emploi ou en activité réduite depuis plus d’un an n’a cessé de croître. Aujourd’hui, près de 45 % des personnes privées d’emploi entrent dans la catégorie des chômeurs de longue durée. Or, comme l’on sait, plus l’éloignement du marché du travail dure, plus les chances de trouver un emploi en cas de reprise de l’activité économique se réduisent. En s’attaquant frontalement à ce problème, l’expérimentation qui nous est proposée, et que nous soutenons, vise un objectif essentiel.

Au-delà de cet objectif, je tiens à saluer la démarche adoptée, qui est en tout point innovante.

Tout d’abord, cette proposition de loi émane d’un travail de terrain, en premier lieu celui d’ATD Quart Monde, une organisation dont nous ne pouvons tous que louer le travail : depuis plus de soixante ans, elle lutte avec acharnement contre la pauvreté et toute forme d’exclusion.

Grâce à la rencontre des acteurs économiques, associatifs et politiques locaux et à une évaluation des situations au plus près, cinq territoires ont d’ores et déjà démarré l’expérience. Cinq territoires supplémentaires intégreront le dispositif lorsque, comme je l’espère, cette loi aura été promulguée. Mme la ministre a d’ailleurs annoncé à l’Assemblée nationale que les zones de revitalisation rurale et les quartiers prioritaires de la politique de la ville seraient les premiers concernés, ce dont je ne puis que me réjouir.

La loi ne pouvant préjuger de tout, je suis heureux de légiférer sur la base d’un travail de terrain. En effet, qui mieux que les acteurs locaux peut élaborer un diagnostic juste et adapté à des situations particulières ? En vérité, je pense que la mobilisation des acteurs d’un territoire est essentielle pour mener des politiques d’emploi localisées.

Je tiens, par ailleurs, à insister sur le caractère expérimental de la méthode adoptée : ce dispositif nouveau pourra et devra faire l’objet de divers ajustements ; il jouera un rôle de laboratoire social, duquel émaneront des bribes de solutions pour lutter contre le chômage de longue durée.

L’originalité de cette expérimentation tient également à ceci que l’on s’extrait de la logique de rentabilité à tout prix qui prévaut dans l’économie actuelle. L’idée de créer de l’emploi en fonction du besoin social est éminemment intéressante. De fait, là où il n’y a pas d’offres d’emploi, il y a pourtant toujours du travail : ici c’est un boulanger qui n’a personne pour livrer les personnes âgées, mais qui ne peut pas se permettre d’embaucher, là un parc naturel qui a besoin d’être préservé et entretenu.

Au stade de l’expérimentation, le choix a été fait de réserver aux seules entreprises de l’économie sociale et solidaire la possibilité d’être conventionnées. Ces entreprises embaucheront des chômeurs de longue durée, sur des emplois extrêmement variés. Les membres d’ATD Quart Monde ont constaté que les besoins les plus récurrents jusqu’ici se situent dans les services administratifs et culturels, les espaces verts et le développement durable, le tourisme, les services aux collectivités, aux personnes et aux entreprises, l’agriculture et l’élevage, la forêt, l’entretien de bâtiments, les travaux de peinture et ce qu’on appelle le gros nettoyage : autant de missions qui, aujourd’hui, ne peuvent pas être assumées, alors même qu’elles sont d’utilité publique et propres à susciter des externalités positives, en particulier de moindres dépenses de santé et un affaissement des besoins sociaux.

Le mode de financement du dispositif est en lui-même novateur : l’État et les collectivités territoriales concernées, volontaires, financeront son amorçage, après quoi le fonds sera abondé par l’ensemble des organismes publics et des collectivités territoriales qui tireront un bénéfice du retour à l’emploi des chômeurs de longue durée. Ces bénéfices, comme il a déjà été expliqué, viendront principalement du redéploiement des différentes aides sociales que percevaient les anciens demandeurs d’emploi.

Je tiens à préciser que ce dispositif n’a en aucun cas vocation à se substituer à un dispositif existant en matière de politique de l’emploi ; Mme la ministre a eu raison d’être très claire à cet égard. Les emplois créés le seront selon le régime de droit commun, en CDI, et seront rémunérés au minimum au SMIC. Ce ne seront pas de nouveaux emplois aidés, comme on le prétend ici ou là. L’expérimentation, en effet, vise à faire émerger des emplois nouveaux en les solvabilisant, au moins partiellement. Par ailleurs, l’embauche en CDI répond au besoin de stabilité qui caractérise un parcours sécurisé d’insertion.

Il faut considérer également que l’impératif de non-concurrence à un emploi existant est inscrit dans l’ADN de cette expérimentation. Les emplois créés ne le seront donc jamais au détriment d’emplois préexistants. Il n’est pas question de provoquer des effets d’aubaine ou de perturber des dispositifs d’insertion déjà en place.

Le pilotage de cette expérimentation – chose intéressante – s’articulera autour de deux niveaux : le national et le local.

Au niveau national, c’est à une association relevant de la loi de 1901, administrée par des représentants syndicaux, associatifs et parlementaires, que la gestion du fonds sera confiée. Son rôle sera de superviser le pilotage des comités locaux et d’approuver leurs modalités de fonctionnement, ainsi que leur programme d’action.

Au niveau local, des comités rassembleront tous les acteurs publics et privés : élus, entreprises, associations et citoyens. Leur mission sera d’abord de rencontrer les demandeurs d’emploi afin d’inventorier leurs compétences ; ensuite, d’identifier les potentiels économiques du territoire ; enfin, de piloter le déploiement de l’expérimentation.

Il va sans dire que cette expérimentation sera soumise à une évaluation rigoureuse ; telle est bien la volonté de Mme la rapporteur. L’article 1er de la proposition de loi prévoit ainsi qu’un premier bilan sera dressé au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation ; le fonds national adressera au Parlement et à la ministre du travail un rapport public évaluant les différentes incidences du dispositif.

Si cette expérimentation ne constitue pas une solution miracle, elle prouve que nous pouvons toujours faire plus dans la lutte contre le chômage. En renversant le paradigme d’adaptation de l’offre à la demande, elle met au jour un angle d’attaque nouveau dans le combat pour l’emploi. Sans doute, reconnaissons-le, la portée du dispositif sera d’abord modeste ; mais l’objectif est de procéder, en fonction des résultats et des aménagements qui seront opérés, à son extension, voire à sa généralisation.

Mes chers collègues, nous soutenons cette expérimentation originale et peu coûteuse et nous vous invitons tous à faire de même. Dans la lutte contre le chômage, la création d’un outil nouveau ne peut être que salutaire et, comme Mme la ministre l’a souligné, il ne faut écarter aucune piste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yves Daudigny. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le chômage touche 10,6 % de la population active et le nombre des chômeurs de longue durée, qui n’a cessé d’augmenter depuis 2008, atteint aujourd’hui près de 2,5 millions. Face à ces réalités, toute initiative innovante allant dans le sens d’une réduction du fléau du chômage doit être encouragée.

La proposition de loi dont nous entamons l’examen, largement promue par l’association ATD Quart Monde, que je salue, vise à permettre à des entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, conventionnées, d’employer des chômeurs de longue durée sous contrat à durée indéterminée et au niveau du SMIC, pour des emplois qui, faute d’être assez rentables, ne sont pas créés par le secteur marchand, alors qu’ils répondent à des besoins sur un territoire donné.

Le caractère innovant de ce dispositif réside dans le financement des emplois, qui reposera sur la réaffectation de dépenses liées à la privation d’emploi, en particulier de celles associées au revenu de solidarité active, à l’allocation de solidarité spécifique et à l’allocation de retour à l’emploi. De plus, les chômeurs de longue durée qui s’engageront dans ce processus seront tous volontaires.

L’originalité du dispositif tient aussi à la méthode de l’expérimentation, rendue possible par l’article 37-1 de la Constitution. Plus précisément, il s’agit de tester pendant cinq ans, sur dix territoires volontaires, un système qui ne remet nullement en cause l’architecture de notre système de protection sociale. Une première évaluation en sera dressée dans trois ans : si les résultats sont probants, le Parlement légiférera de nouveau, pour corriger et améliorer le dispositif avant, éventuellement, de le généraliser à l’ensemble du territoire, ce que nous espérons. Cette démarche consistant à expérimenter avant de généraliser et d’imposer uniformément me semble intéressante.

Je crois beaucoup en la capacité des territoires à se mobiliser pour des projets de ce type. Actuellement, cinq collectivités territoriales sont déjà engagées dans cette expérimentation, parmi lesquelles une commune de mon département, les Deux-Sèvres : Mauléon. Les acteurs de ce territoire m’ont présenté leur projet et m’ont convaincu de la pertinence de cette proposition de loi, moi qui, à l’origine, avais de nombreuses interrogations sur la faisabilité de cette initiative. Dans cette commune, les élus de tous bords politiques se sont déclarés prêts à soutenir cette expérimentation et attendent l’adoption définitive de la présente proposition de loi pour continuer leur démarche.

Localement, la maison de l’emploi s’est vue confier la coordination de l’expérimentation. Un tiers des deux cents chômeurs de longue durée qu’elle a contactés se sont portés volontaires. Certains, au chômage depuis de nombreuses années, ont pour motivation première de sortir de l’assistanat ; en retrouvant une activité professionnelle, ils reprendront confiance en eux et pourront, ensuite, valoriser cette nouvelle expérience dans leur parcours professionnel.

Dans le même temps, les partenaires sont en train de repérer les besoins non satisfaits sur le territoire, afin de proposer des emplois dans ces domaines d’activité. Je rappelle que le principe est de créer des activités utiles qui ne fassent pas concurrence aux emplois existants dans le secteur privé. Les secteurs concernés sont l’environnement, le lien social et les services aux collectivités territoriales, voire aux entreprises.

Compte tenu des différentes informations qui m’ont été données et de l’engagement volontaire de tous les acteurs, je ne puis que soutenir cette proposition de loi qui, je le répète, prévoit une expérimentation portée par les territoires. Après avoir testé ce dispositif, nous pourrons l’évaluer et en tirer des conclusions pour imaginer le futur.

Toute intéressante que cette expérimentation me paraisse, un certain nombre d’aspects restent à préciser.

Tout d’abord, des craintes ont été exprimées à juste titre par un certain nombre d’élus locaux au sujet du financement du dispositif. Il n’est pas question que de nouvelles charges financières soient imposées aux collectivités territoriales qui s’engageraient dans le processus. En effet, la baisse des dotations de l’État et le surcroît de dépenses occasionné par la montée en charge des dépenses sociales ne laissent aucune marge de manœuvre financière aux collectivités territoriales, notamment aux départements. Nous ne souhaitons pas que l’État se désengage du processus après l’avoir amorcé et que l’essentiel du financement de celui-ci retombe sur les collectivités territoriales ! Madame la ministre, nous voudrions que vous nous rassuriez à ce sujet en prenant l’engagement que le dispositif sera principalement financé par l’État, la participation des collectivités territoriales restant volontaire.

Ensuite, l’article 2 de la proposition de loi exclut du bénéfice du dispositif les chômeurs de longue durée ayant perdu volontairement leur dernier emploi, c’est-à-dire ceux qui ont démissionné et ceux qui ont fait l’objet d’une rupture conventionnelle. Mme Emery-Dumas présentera un amendement tendant à modifier cette disposition. Madame la ministre, nous souhaitons obtenir du Gouvernement un certain nombre de garanties à cet égard.

Cela étant, je profite de mon intervention pour le rappeler, quelle que soit la qualité de ce projet, dont nous espérons tous qu’il produira des résultats positifs, je doute que cette seule initiative puisse régler le problème du chômage de longue durée. Dans tous les cas, en matière d’emploi, il est avant tout urgent de relancer l’économie, de soutenir nos PME, nos TPE et nos artisans, qui sont les véritables créateurs d’emplois. C’est le seul moyen de sortir les chômeurs de longue durée de leur situation.

Le Gouvernement doit rapidement modifier sa politique économique et sociale, et nous attendons des mesures en ce sens. Il doit entendre les propositions du monde économique, à savoir la diminution des charges sociales, la simplification du droit du travail, l’adaptation de la formation aux besoins des entreprises et l’amélioration de la compétitivité de celles-ci. L’insertion, c’est d’abord l’emploi et, s’il n’y a pas de travail, il n’y a pas d’insertion réussie !

Je salue donc la position du groupe Les Républicains sur ce texte, exposée précédemment par Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà que s’énonce devant nous, à travers cette proposition de loi, une grande et belle ambition, portée avec enthousiasme et détermination par des forces vives et voilà que se dressent des territoires et leurs habitants pour combattre l’un des plus grands maux dont souffre notre société : le chômage de longue durée.

Le chômage touche toutes les catégories de population, mais plus particulièrement les plus de cinquante ans : 63 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée ! Contrairement aux rumeurs malintentionnées, ils sont animés d’une forte envie de travailler, que l’on a déjà constatée auprès des bénéficiaires du RMI ou du RSA ; ils ont envie de restaurer leur dignité et leur place dans la communauté. Non, ce ne sont pas des assistés ! Ce sont les victimes d’une crise, des victimes qui ont besoin d’être accompagnées, et non stigmatisées, et dont les enfants ne méritent pas l’abandon par les pouvoirs publics que certains proposent bien imprudemment.

C’est donc une grande originalité que cette initiative soit partie du terrain dans cinq territoires. Celle-ci réunit, dans un même projet, trois grands atouts, qui sont autant de conditions essentielles garantes de la réussite.

Le premier atout est de nourrir une grande ambition ancrée et partagée pour en finir avec le chômage de longue durée et les tragédies qui l’accompagnent : tragédie personnelle, avec son long cortège de dommages collatéraux – perte de pouvoir d’achat, de confiance en soi – ; tragédie sociale, avec un sentiment d’inutilité, la peur du regard supposé des autres, qui conduit à l’auto-exclusion de la collectivité et au repli sur soi ; tragédie familiale, enfin – quand on ne s’accepte plus, comment s’intéresser aux autres, notamment à ses enfants, à leur éducation, à leur avenir ?

Éradiquer le chômage de longue durée, c’est lutter contre le déterminisme social, c’est favoriser l’égalité des chances et le « bien vivre ensemble ».

En outre, le chômage hypothèque la santé économique d’un territoire par la perte de pouvoir d’achat des habitants. Il engendre également un vrai gaspillage des savoir-faire, préjudiciable à la compétitivité. À titre d’exemple, entre 1993 et 1997, la Bretagne avait perdu 13 000 emplois dans le bâtiment. En 1997, avec l’effervescence nouvelle de la construction, les entreprises ont voulu faire appel à ces compétences écartées. Elles ne les ont pas retrouvées : les travailleurs s’étaient perdus dans le désespoir, et leur confiance en eux avait disparu.

Le deuxième atout réside dans la mobilisation de tout un territoire derrière un projet construit avec l’ensemble des forces vives et la population. Ce dernier s’appuie sur des territoires déjà engagés, depuis longtemps, dans des actions menées par les forces vives, au sein desquels la dimension humaine, les relations interpersonnelles et la confiance réciproque sont autant d’atouts pour la réussite de l’entreprise ; il s’appuie également sur des associations caritatives, comme ATD Quart Monde, des responsables associatifs, des élus, la population ; il s’appuie enfin sur des entreprises citoyennes ancrées dans leur territoire et conscientes de leur responsabilité devant l’avenir commun.

Le troisième atout est le fait que ce projet est concret et réaliste, avec une organisation locale à échelle humaine qui permet l’expression de tous et des corrections de trajectoires au moyen d’observations permanentes.

Il s’agit d’une expérimentation qui a pour ambition non seulement de résorber le chômage, mais aussi de déterminer les conditions essentielles à réunir pour servir de modèle transposable à l’ensemble des territoires de France.

Les financements sont assurés : ils seront essentiellement nationaux dans la phase expérimentale, le temps d’éprouver les moyens nécessaires et de définir les modalités administratives du financement. Dans un second temps, les participations financières seront gagées sur les économies attendues par les différents contributeurs sollicités.

Une évaluation externe sera réalisée au bout de cinq ans. La mesure en ce domaine est souvent difficile et s’avère fréquemment plus élogieuse que la réalité. Combien de bilans réalisés trop tôt en matière d’insertion ont ainsi versé dans une complaisance coupable, recensant comme d’égales réussites les sorties en CDI, en CDD, en intérim ou encore en formation ? Souvenons-nous de la mise en œuvre du RSA après une période d’expérimentation raccourcie.

La pratique expérimentale habituelle autorise l’échec. Celle-ci s’en distingue : elle doit réussir, non seulement parce que l’échec aurait un goût amer pour tous ceux qui ont cru à ce projet et qui s’y sont impliqués avec enthousiasme, mais aussi parce que la généralisation, qui doit nécessairement être notre horizon, suppose que l’équilibre financier soit atteint après la phase d’expérimentation. S’il faut aujourd’hui des crédits d’amorçage, il faudra demain que l’État et les collectivités, notamment les départements, n’aient pas à souffrir d’une augmentation des charges déjà trop lourdes qu’ils supportent.

La mobilisation originale à laquelle nous prenons part est sans doute le chemin à emprunter pour restaurer la citoyenneté, la responsabilité individuelle, plutôt que de privilégier une attitude passive et de plus en plus généralisée de consommateurs de services publics exigeant de la collectivité qu’elle règle tous les problèmes, y compris les problèmes domestiques. Mieux vaut rechercher leur résolution, citoyenne cette fois, dans la solidarité familiale ou de voisinage.

Demander à un habitant de s’impliquer dans la vie locale en contrepartie des services qu’il en attend, c’est lui reconnaître le statut de citoyen acteur du développement de la cité – il faut tout un village pour élever un enfant, selon un proverbe africain –, plutôt que celui, dégradant et toujours frustrant, de consommateur toujours déçu et se réfugiant dans des votes extrêmes pour exprimer cette déception. Redonner à chacun le sentiment de sa part de responsabilité dans le devenir de la communauté de destin à laquelle il appartient, c’est faire se lever une nouvelle citoyenneté. Rappelons-nous de ce que Kennedy disait fort justement : « Plutôt que de demander ce que l’Amérique peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour l’Amérique. » C’est à cela aussi que ce texte nous invite.

Cette proposition de loi, c’est plus qu’un remède nouveau et efficace contre le chômage de longue durée ; c’est l’amorce d’une autre conception de la politique. Offrir à nos concitoyens les moyens d’exercer leur citoyenneté, de se sentir responsables du devenir de la collectivité et de s’y engager, c’est le meilleur antidote contre l’individualisme, contre le repli sur soi. Donner aux territoires les moyens de l’implication de tous leurs habitants, c’est, j’en suis persuadé, la manière de dessiner le meilleur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qu’il nous est demandé d’examiner ce soir est une bonne initiative, que je soutiendrai, à la suite de mes collègues Alain Milon et Philippe Mouiller, à la condition de la voir amender par un certain nombre de précisions.

C’est une bonne initiative en ce qu’elle est porteuse d’un paradigme nouveau : elle vise à faire émerger de nouveaux emplois partiellement solvables pour accomplir des tâches utiles à la société, mais non réalisées actuellement, alors que les besoins sont pourtant nombreux, notamment dans un contexte de vieillissement de la population, comme nous l’avons mis en exergue, dans ce même hémicycle, voilà quelques semaines, au moment de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Les besoins en termes d’aides à la personne sont notamment très importants, et la question du financement de ces prestations reste entière. Et ce sont bien souvent les structures associatives locales aux faibles moyens qui réalisent un immense travail au sein des territoires, notamment auprès des populations les plus vulnérables.

Imaginer de redonner des perspectives aux chômeurs de longue durée, tout en développant des activités répondant à des besoins économiques et sociaux locaux non satisfaits semble donc une bonne opportunité de valoriser et de mettre en œuvre les compétences des personnes privées d’emploi et de parier sur la volonté collective des acteurs territoriaux de développer localement des activités nouvelles en se plaçant au plus près des besoins exprimés. L’idée est louable… Néanmoins, cette proposition de loi élude un certain nombre de réponses structurelles, sans lesquelles nous ne pourrons renouer avec le plein-emploi et la croissance.

Il demeure tout d’abord fondamental de s’attaquer aux racines du mal : le chômage de longue durée, ce fléau qui concerne aujourd’hui 4,2 % de l’ensemble de la population active. Cette situation de privation d’emploi a des effets graves sur les personnes qui en sont victimes. Il s’agit au demeurant d’un cercle vicieux, puisque ces personnes sont également celles qui ont le moins de chance de retrouver un emploi en cas de reprise de la croissance.

En parallèle, ce sont plus de 2 millions d’emplois industriels que la France a perdus depuis les années quatre-vingt. Au regard de ces chiffres, l’établissement d’une corrélation entre désindustrialisation et permanence du chômage de masse se fait naturellement et doit nous interpeller, aujourd’hui plus encore qu’hier.

Le secteur tertiaire, porté notamment par les entreprises de l’économie sociale et solidaire dont il est question dans ce débat, joue un rôle clé dans la vitalité de nos territoires et le développement économique. Mais, j’en suis convaincu, la France doit également pouvoir compter sur le secteur secondaire, à travers la réindustrialisation de notre pays, même si les emplois directs sont moins nombreux qu’auparavant dans le secteur productif avec l’augmentation de la productivité.

Notre pays doit renouer avec la compétitivité en stimulant l’activité industrielle et la recherche. Cette approche est à mener de front avec le développement de l’activité économique sur le territoire et avec l’idée qu’aucune personne en âge d’exercer une activité professionnelle n’est inemployable. La création de richesses est un préalable au bon fonctionnement des mécanismes de solidarité et aux initiatives locales. En cela, cette proposition de loi est insuffisante.

Nous devons ensuite répondre à la question de la formation. La crise n’a fait qu’exacerber ce problème historique, de nature structurelle : il existe une inadéquation flagrante entre la formation et les besoins des entreprises. Ce sont environ 300 000 emplois qui ne trouvent pas preneurs actuellement.

Le reflux du chômage appelle une rénovation de nos systèmes de formation pour entretenir nos compétences industrielles à travers la réhabilitation des filières professionnelles. Il convient aussi de rapprocher les systèmes de formation, les salariés et les entreprises, pour développer dès le plus jeune âge un « habitus » de travail commun chez les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers, et permettre une meilleure insertion de chacun, notamment des plus vulnérables.

Certains secteurs de notre économie sont amenés à disparaître, d’autres sont en voie d’émergence, comme les énergies vertes, les biotechnologies, les nouveaux matériaux... D’autres métiers vont perdurer, mais devront répondre à de nouvelles exigences.

Dans le cas de l’expérimentation qui nous est proposée à travers cette proposition de loi, quelles mesures sont-elles envisagées pour former les demandeurs d’emploi de longue durée ? Quels dispositifs sont-ils prévus pour permettre un retour à l’emploi « choisi » ? Quelle cohérence est-elle assurée avec les autres dispositifs de retour à l’emploi ?

Il faudra veiller à accompagner les bénéficiaires de l’expérimentation pour garantir leur insertion pérenne dans l’emploi, afin que le dispositif ne s’apparente pas in fine à un énième contrat aidé du secteur non marchand. Il conviendra donc de veiller à ce que ces derniers aient accès aux droits à la formation professionnelle acquis au titre des périodes de chômage pour valider leurs compétences acquises au sein de l’entreprise qui les embauche ou pour leur permettre d’en acquérir de nouvelles. De même, il faudra veiller à ne pas cloisonner ces salariés dans un type d’emploi ou un échelon de rémunération et à évaluer les dispositifs d’aides au retour à l’emploi déjà en vigueur dans ces territoires avant de les compléter par cette expérimentation. En ce sens, la préservation du caractère strictement volontaire de la participation des collectivités est indispensable.

Madame la ministre, il nous faut absolument apporter la garantie des financements et nous attaquer à la source du chômage de longue durée, ce qui passe par la reconquête de l’activité industrielle. À travers tous ces éléments, cette expérimentation peut avoir un sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous disposons d’un temps contraint, la séance devant impérativement se terminer à une heure du matin, sans possibilité de prolongation. Il nous faut donc, dans ce délai, examiner quarante-deux amendements et cinq sous-amendements pour parvenir au vote sur l’ensemble. J’émets donc le souhait que vos interventions soient respectueuses des temps impartis et aussi concises que possible.

proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, est mise en place une expérimentation qui a pour objet de tester, dans un nombre limité de collectivités territoriales volontaires, la possibilité de résorber fortement le chômage de longue durée en permettant à des demandeurs d’emploi d’être recrutés, dans le cadre de contrats à durée indéterminée, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités non concurrentes avec des activités économiques exercées sur le territoire. Cette expérimentation est, pour les collectivités concernées, complémentaire des politiques publiques en faveur du développement économique et de la lutte contre le chômage.

Cette expérimentation est mise en place avec le concours financier de l’État, des collectivités territoriales volontaires et des organismes publics et privés volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces recrutements, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif.

Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds mentionné à l’article 3 de la présente loi adresse au Parlement et au ministre chargé du travail un rapport public dressant le bilan de l’expérimentation et en évaluant l’impact direct et indirect. Ce rapport dresse notamment un bilan des effets de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les collectivités territoriales ou groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation et évalue l’impact financier, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics et privés participant à l’expérimentation, de ces recrutements par rapport au coût lié aux situations de chômage. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Nul besoin d’y insister. Chacun sait, ici, à quel point le chômage de longue durée est une véritable plaie, une vraie souffrance, pour celles et ceux qui en sont victimes. C’est en effet une épreuve violente dans un parcours de vie, un véritable piège, qui enferme la personne touchée dans un engrenage pouvant conduire à la précarité.

Dès lors, contre ce fléau tenace, nous devons être attentifs à toute innovation, à toute proposition, à toute solution, car chaque dispositif, chaque proposition, chaque innovation peut apporter sa pierre pour assurer le retour à l’emploi.

En fait d’innovation, cette proposition de loi en porte une de taille, avec le lancement d’une expérimentation permettant de réinsérer dans l’emploi des chômeurs de longue durée pour un coût qui pourrait être nul pour les finances publiques. L’innovation est réelle et sans précédent. C’est ce qui me séduit dans cette proposition de loi : permettre de faire embaucher en CDI, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, des travailleurs rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et financer, en partie, ces nouveaux emplois par les sommes économisées sur les aides allouées à ces chômeurs de longue durée. II y a là une piste particulièrement intéressante, qui mérite d’être empruntée : réorienter ou redéployer les économies réalisées par les organismes publics, grâce au retour à l’emploi des personnes qui sont au chômage de longue durée.

Ne négligeons pas une telle innovation et saluons l’auteur de cette proposition de loi et, surtout, ATD Quart Monde, qui en est à l’origine, ainsi que les associations caritatives qui ont travaillé sur le sujet.

Chaque proposition peut apporter sa pierre dans la lutte contre le fléau du chômage de longue durée, qui, rappelons-le, touche plus d’un chômeur sur deux.

Le travail ne manque pas. Les besoins existent et sont nombreux. Cette proposition de loi et les pistes qu’elle suggère sont bien la preuve que non, décidément, nous n’avons pas tout essayé contre le chômage. Faisons donc preuve d’audace et d’imagination !

Voilà, en tout cas, un texte qui va dans le sens de l’intérêt général et qui prend réellement en compte la notion de droit à l’emploi, tel qu’elle figure dans le préambule de la Constitution de 1946.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer cette phrase par un paragraphe ainsi rédigé :

I. – Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi est mise en place dans, au plus, dix territoires couvrant chacun tout ou partie de la superficie d'une ou plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités volontaires, une expérimentation visant à résorber fortement le chômage de longue durée, en permettant à des demandeurs d’emploi d’être embauchés en contrat à durée indéterminée, par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement apporte des clarifications juridiques. Il indique notamment le nombre de territoires qui seront concernés par l’expérimentation, c’est-à-dire dix au total dans un premier temps.

Comme l’indique l’avis du Conseil économique, social et environnemental, il conviendra de veiller à l’équilibre entre les territoires ruraux, périurbains, urbains et ultramarins dans la répartition des zones choisies. Nous obtiendrons ainsi un spectre assez large des activités possibles et des résultats corrélés à toutes les situations démographiques et économiques.

Mme la présidente. Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.

Le sous-amendement n° 64, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :

Amendement n° 8 rectifié, alinéa 3

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Ce sous-amendement vise à réduire de cinq à trois ans la durée de l’expérimentation. Il ne s’agit pas d’amoindrir la portée du texte, bien au contraire. C’est plutôt le fait de poursuivre une expérimentation sur cinq ans qui en réduit l’ambition.

Des expériences sont déjà engagées, le nombre de territoires est limité et tout le monde reconnaît d’ailleurs que l’expérimentation est de « petit format ».

La modification de calendrier que nous proposons répond à un souci de réactivité pour mieux évaluer l’expérimentation proposée, l’étendre le plus rapidement possible si elle est positive et, à l’inverse, y mettre fin si le dispositif s’avère inopérant. Nous souhaitons ainsi donner plus de force à la loi.

Comment dire à un public de chômeurs de longue durée que nous allons faire une expérimentation sur cinq ans ? À la vitesse où notre monde et notre société évoluent, ce délai est beaucoup trop long et va à l’encontre des intentions mêmes du texte.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 60, présenté par MM. Vanlerenberghe, Roche, Cigolotti et Gabouty, Mme Doineau, M. Cadic et Mme Gatel, est ainsi libellé :

Amendement n° 8 rectifié, alinéa 3

Remplacer les mots :

qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes

par le mot :

situées

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce sous-amendement vise à élargir l’expérimentation au secteur marchand, notamment aux petites entreprises.

Comme je l’ai dit dans la discussion générale, on peut parfaitement comprendre l’intention première de cibler l’économie sociale et solidaire, parce que les entreprises de ce secteur connaissent bien les publics concernés. Reste que l’ouverture au secteur marchand se justifie, car, en cas de généralisation du dispositif, celui-ci aura vocation à s’appliquer à tous les types d’entreprises. Il convient donc de conduire cette expérimentation de manière plus large que ce qui est prévu afin de tirer les conclusions les plus pertinentes possible.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 61, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Amendement n° 8 rectifié, alinéa 3

Après le mot :

économiques

insérer les mots :

pérennes et

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Notre sous-amendement vise à compléter la rédaction proposée par l’amendement n° 8 rectifié, à laquelle nous adhérons dans son ensemble, en précisant qu’il doit s’agir d’activités économiques pérennes.

La proposition de loi vise à offrir un emploi en contrat à durée indéterminée, avec un salaire fixé au minimum au niveau du SMIC, conformément au droit commun du travail, et un temps choisi adapté à la personne recrutée. L’emploi est donc considéré comme un élément émancipateur : il a une fonction sociale et pas seulement économique.

En commission, il nous a été rétorqué que nous n’étions pas devins, que nous n’avions pas de boule de cristal… Nous ne pouvions donc pas prétendre, avant même de les avoir créées, que ces activités économiques seraient pérennes. C’est évident ! Mais il nous paraît important de poursuivre un tel objectif.

Mme la présidente. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Roche, Cigolotti et Gabouty, Mme Doineau, M. Cadic et Mme Gatel, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités non concurrentes avec des activités économiques exercées

par le mot :

situées

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n° 60 que je viens de présenter.

Mme la présidente. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Pellevat, B. Fournier et Milon, Mme Mélot, MM. Nougein, de Legge, Kennel, Laménie, Pierre et D. Laurent, Mme Hummel, MM. Calvet, A. Marc, Mandelli, Kern et Revet, Mme Gruny et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et par toute entreprise implantée dans une collectivité territoriale participant à l’expérimentation

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Comme vous l’avez très justement dit, madame le ministre, le chômage, c’est la peur d’être en marge. Le droit au travail est donc fondamental. C’est pourquoi, même si cette proposition de loi est modeste, je la soutiens. J’ai d’ailleurs fait acte de candidature auprès du préfet de Corrèze pour que ma commune et ma communauté de communes puissent bénéficier du dispositif. Nous devons être bien conscients que l’initiative locale constitue un atout, notamment dans les territoires ruraux.

Cela étant, comme l’a dit M. Vanlerenberghe, le texte de la proposition de loi doit être amélioré – le Sénat est dans son rôle en le faisant –, notamment en permettant à toutes les entreprises de participer à l’expérimentation. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne représentent en effet qu’une partie minime des employeurs ; il paraît donc difficile de réduire durablement le chômage de longue durée avec elles seules.

Une aide, par une exonération de charges sociales pendant la période de l’expérimentation, permettrait d’inciter les entreprises du secteur marchand, qui sont volontaires et ont la fibre sociale, à embaucher des chômeurs de longue durée. Avec une telle exonération, les entreprises embaucheraient plus facilement cette catégorie de chômeurs et pourraient prendre le temps de former le salarié, qui aurait également du temps, de son côté, de s’adapter à l’entreprise. Ensuite, l’emploi serait pérennisé, peut-être mieux d’ailleurs que dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a débattu ce matin de la possibilité de réduire de cinq à trois ans la durée maximale de l’expérimentation, comme le prévoit le sous-amendement n° 64. Si l’article 1er prévoit une durée maximale de cinq ans, l’article 7 laisse libre le fonds qui sera créé d’interrompre le dispositif avant ce terme, qu’il soit concluant ou décevant d’ailleurs. Nous espérons qu’il sera concluant, ce qui permettrait de raccourcir le délai, mais passer à trois ans nous paraît une durée faible pour que certains territoires, qui ne sont pas encore très avancés dans l’expérimentation, puissent la mettre en place et l’évaluer convenablement. J’avais donc initialement proposé un avis défavorable sur ce sous-amendement, mais la commission a finalement émis un avis favorable.

Le sous-amendement n° 60 vise à ouvrir l’expérimentation, au-delà du secteur de l’économie sociale et solidaire, à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire concerné. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement, mais elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 55 rectifié et 43 rectifié, qui reprennent la même idée.

Le sous-amendement n° 61 prévoit l’obligation pour l’entreprise de développer des activités économiques pérennes. Pour ma part, j’y étais favorable, mais la commission ne m’a pas suivie et a émis un avis défavorable, en estimant que cette rédaction était superflue.

L’amendement n° 8 rectifié clarifie l’objet de l’expérimentation. La commission a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’entends la forte impatience et la volonté d’aller vite, qui se sont d’ailleurs exprimées sur toutes les travées ce soir. Dans la mesure où des territoires sont prêts, il pourrait paraître légitime d’avoir un bilan plus rapidement que ce qui est aujourd’hui prévu. Néanmoins, si nous voulons nous donner toutes les chances de réussir, nous devons laisser le temps aux entreprises conventionnées de développer des activités et des emplois pérennes. C’est également ce que pensent le Conseil économique, social et environnemental ou des associations comme ATD Quart Monde.

Même si je comprends votre volonté de faire preuve de réactivité, monsieur Gabouty, j’observe que nous sommes en train de décider ensemble la mise en place d’une expérimentation. Bien que nous ayons tous hâte de connaître ses résultats, il me semble plus raisonnable de maintenir à cette expérimentation une durée de cinq ans, le bilan débutant dix-huit mois avant sa fin. J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 64.

Le sous-amendement n° 60, dont l’objet est proche de celui des amendements nos 55 rectifié et 43 rectifié, vise à étendre aux entreprises du secteur marchand cette expérimentation réservée aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ce débat a eu lieu également à l’Assemblée nationale.

Il me semble important de réserver le bénéfice de cette expérimentation aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont l’action ne se limite pas au secteur non marchand, il est important de le rappeler. En effet, l’économie sociale et solidaire offre un modèle adapté à tous les domaines de l’activité humaine, qu’ils soient marchands ou non marchands, mais la ligne de partage avec les entreprises classiques est marquée par l’adhésion à certaines valeurs : le but poursuivi ne se limite pas au partage des bénéfices, mais il englobe la recherche d’une utilité sociale, une gouvernance démocratique, l’affectation en majorité des bénéfices au développement des activités de l’entreprise.

Je tiens à bien faire la distinction entre cette expérimentation et les aides destinées aux petites entreprises. Nous avons par ailleurs des débats sur l’aide « TPE jeunes apprentis » et sur l’aide « TPE première embauche », ou sur d’autres dispositifs destinés à soutenir les entreprises, mais il s’agit ici d’un dispositif destiné à l’ESS, car celle-ci contribue à lutter contre les exclusions économiques et sociales et pour le maintien de la cohésion territoriale ; il me semble donc important que cette expérimentation lui soit réservée. J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 60 et les amendements nos 55 rectifié et 43 rectifié.

S’agissant du sous-amendement n° 61, je prends note de l’avis émis par la commission des affaires sociales. Toutefois, je partage le souhait de ses auteurs de procurer des emplois durables aux demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’expérimentation. Celle-ci vise bien à permettre à des chômeurs de longue durée de sortir de la précarité et à faciliter leur insertion professionnelle. J’émets donc un avis favorable sur ce sous-amendement, qui apporte une amélioration rédactionnelle.

Enfin, l’amendement n° 8 rectifié améliore la rédaction de l’article 1er en fixant le champ de l’expérimentation à dix territoires. Je partage également la préoccupation de ses auteurs de ne pas fragiliser le modèle économique des entreprises créées dans le cadre de cette expérimentation par des règles de non-concurrence trop strictes. J’émets donc un avis favorable.

Mme la présidente. La parole à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 64.

M. Jean-Marc Gabouty. Je souhaite répondre à Mme la rapporteur, puisqu’elle m’a objecté que le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée pourrait interrompre le dispositif en cours. J’estime que cet argument présente l’inconvénient d’introduire une incertitude sur le fonctionnement dudit dispositif.

Quand on s’engage dans une telle expérimentation, il faut fixer des principes clairs. La durée du dispositif est de trois ans ou de cinq ans, elle ne saurait être aléatoire ni soumise à divers critères. La réponse que vous m’avez donnée crée une insécurité autour du dispositif.

La réduction de la durée de l’expérimentation s’inscrit bien dans l’esprit qui a inspiré ce texte. Sans prendre en compte les nécessités de notre époque, vous voulez expérimenter une start-up à vocation sociale et vous lui donnez le rythme d’un attelage à bœufs !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je souhaite faire deux remarques générales, l’une sur la limitation de l’expérimentation à l’économie sociale et solidaire, l’autre sur la durée de l’expérimentation.

Ayant pu observer de très près le montage de cette expérimentation, il m’est apparu que les structures qui sont aujourd’hui mobilisées sur nos territoires pour recruter des demandeurs d’emploi de longue durée sont avant tout des structures qui s’occupent d’insertion. De fait, la très grande majorité d’entre elles sont des entreprises de l’économie sociale et solidaire, parce qu’il s’agit de métiers qui, aujourd’hui, ne sont pas ou peu rentables. En parallèle, les autres entreprises observent de très près ces expérimentations et n’ont qu’une seule crainte : que l’on mette en place un système concurrentiel…

On ne peut donc pas, d’un côté, écouter les préoccupations des entreprises traditionnelles qui observent ce qui se passe et, de l’autre, affirmer que l’expérimentation concerne des activités non rentables. Nous devons être très clairs : seules les structures d’insertion ont la capacité aujourd’hui de démarrer l’expérimentation.

En ce qui concerne la durée de l’expérimentation, si l’on discute avec ceux qui se sont engagés dans ces projets, on constate que le temps de constituer le dossier, c’est-à-dire de contacter les chômeurs de longue durée et de mobiliser les partenaires, prend dix-huit mois à deux ans, au bas mot. Ensuite, il faut mettre en place la structure, en partant de métiers non rentables qui doivent devenir rentables.

Je comprends l’argument consistant à dire qu’il faut aller vite, parce que l’on a besoin de résultats probants, mais les choses sont beaucoup plus compliquées en réalité. Nous théorisons ici, mais la situation est sensiblement différente sur le terrain, je peux vous l’assurer !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. « Éradiquer le chômage de longue durée », rien de moins !

Vous n’arrivez pas à inverser la courbe du chômage et, pour mieux masquer cet échec, vous lancez une expérimentation de résorption du chômage de longue durée. On en évaluerait le résultat à la fin de 2019 ou au début de 2020, c’est-à-dire au milieu du mandat du prochain Président de la République, qui sera élu en 2017. Qui peut croire que c’est avec une telle loi que disparaîtra le chômage de longue durée ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Faire une loi, pour faire une expérimentation, cela ne choque personne !

Mme Nicole Bricq. Nous sommes en France !

M. Olivier Cadic. Encore une loi ! Où est le pacte de simplification ? Quelle loi supprimons-nous pour compenser cette nouvelle loi ?

La rapporteur a reconnu que de nombreux points restaient à éclaircir quant au fonctionnement et au financement de cette expérimentation. D’autres s’en chargeront donc, la belle affaire !

Je souhaiterais que l’état d’urgence soit déclaré pour lutter contre le chômage.

M. Olivier Cadic. Tout le monde semble se réjouir de cette loi qui sera évaluée en 2019 et ne s’appliquera qu’à dix territoires ; les autres attendront 2021. Les électeurs, eux, vous évalueront en 2017, et je crains qu’ils n’aient pas votre patience. En ce qui me concerne, je n’ai pas cette patience et je ne voterai pas ce texte qui laisse tant de chômeurs sur le bas-côté !

Mme Nicole Bricq. Il ne s’agit pas d’une explication de vote sur l’ensemble, mais sur le sous-amendement n° 64 !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, vous m’avez indiqué que l’économie sociale et solidaire concernait également le secteur marchand. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point !

Pour certains territoires, comme celui que je connais le mieux, qui est rural et isolé, cette expérimentation apporte un petit « plus » qu’il ne faut pas négliger. J’y suis donc favorable, même si je pense, comme M. Cadic, qu’elle n’est pas la panacée.

En revanche, je voudrais faire évoluer le texte sur un point : l’artisanat et le commerce dans les territoires ruraux isolés disposent de marges très limitées. Il serait bon de faire évoluer assez rapidement cette expérimentation vers le secteur marchand. La solution que je suggérais tout à l’heure consistait à réduire les charges sociales de ces entreprises. Il me semble qu’une telle évolution serait très positive.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergoz, pour explication de vote.

M. Michel Vergoz. Je ne vous suivrai pas sur le terrain de la caricature, monsieur Cadic, parce que le sujet est grave. J’habite une île où l’on compte 30 % de chômeurs et où 60 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage, alors que ce taux n’est que de 25 % dans l’Hexagone – et, à partir de 10 %, vous lancez des SOS !

Chez moi, les signaux d’alarme résonnent de partout ; je n’ai pas envie de rire et vous ne m’avez pas fait rire, monsieur ! Les représentants des gouvernements précédents, lorsqu’ils se rendaient dans mon île, n’avaient que le mot d’assistanat à la bouche. Je ne peux plus entendre ce discours !

Je suis chef d’entreprise, et ma conviction est qu’on ne pourra jamais développer l’emploi si l’on ne fait pas marcher l’économie sur ses deux jambes : l’économie marchande, qui est l’économie de référence, l’économie maîtresse, et l’économie sociale et solidaire.

Je suis très respectueux, cher collègue, mais j’ai du mal à entendre ces mots que vous prononcez en rigolant. Je n’ai plus envie de rire, et je vous invite tous, mes chers collègues, à tenter cette petite expérience.

Madame la ministre, je ne suis pas concerné pourtant je viens de vous dire les drames que vit mon territoire, l’île de la Réunion. J’ose espérer que vous retiendrez un territoire ultramarin pour cette expérimentation, et je rêve que ce soit le mien !

J’aimerais convaincre MM. Vanlerenberghe et Chasseing. En commission, j’ai entendu qu’ils faisaient preuve d’ouverture d’esprit. Tentons l’expérience ! Bien sûr, l’économie marchande est l’économie de référence, mais la législation sur les associations et les coopératives a été revisitée depuis 2014, ce qui a fait considérablement avancer les choses. Cette loi, c’est notre majorité qui l’a voulue, mais je vous y associe, car certains d’entre vous ont participé aux travaux. Faisons en sorte que l’économie sociale et solidaire accueille cette expérience. Monsieur Vanlerenberghe, je vous l’ai dit ce matin, je suis persuadé que cette économie sociale et solidaire ouvrira des champs qui seront, demain, autant de passerelles vers l’économie de référence, l’économie marchande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Mes chers collègues, chacun parle avec son cœur et la dernière intervention le prouve. Il nous reste deux heures et nous ne nous sommes pas encore prononcés sur le premier amendement. La force du nombre est présente du côté de la majorité comme du côté de l’opposition : laissez tomber le couperet du vote avant une heure du matin, sinon vous jouez la montre, vous évitez de vous prononcer et la proposition de loi ne sera pas adoptée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je serai bref, pour répondre à la demande de Mme Blandin.

Si vous croyez à cette expérimentation, mes chers collègues, réduisez sa durée. Aucun des arguments qui ont été développés jusqu’à présent ne m’a convaincu ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Trois ans sont largement suffisants, en êtes-vous conscients ?

Il s’agit d’une expérimentation. Nous savons très bien que le dispositif sera imparfait, mais c’est un test. Il faut aller vite, sinon, comme l’a dit Olivier Cadic, on va attendre 2020 avant de pérenniser le système, mais les chômeurs n’attendent pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Franchement, refaire en séance publique le travail long et sérieux réalisé en commission, ce n’est pas de bonne méthode parlementaire ! Nous discutons du sous-amendement n° 64, relatif à la durée de l’expérimentation. M. Mouiller connaît bien le dispositif, puisqu’il est mis en œuvre sur son territoire. Il nous a précisé que sa mise en route exigeait du temps.

Je voudrais également insister sur un point extrêmement important : cette proposition de loi comporte un dispositif d’évaluation. En France, nous n’avons pas la culture de l’évaluation ; ce texte représente donc une première, puisque le travail réalisé sera évalué. Mme la ministre a expliqué que le bilan commencerait dix-huit mois avant l’expiration du délai maximal de cinq ans. Si vous faites bien les comptes, conformément à ce que nous a dit notre collègue, entre le temps de préparation, le temps de mobilisation des acteurs et celui où commence le bilan, l’évaluation portera sur une durée très courte de fonctionnement.

De grâce, ne nous faisons pas de mauvais procès ! Nous voulons une loi d’expérimentation, assortie d’une évaluation, de surcroît effectuée par un organisme indépendant, et ce grâce à Mme la rapporteur et aux remarques faites par les associations porteuses du projet, notamment ATD Quart Monde, et le Conseil économique, social et environnemental. Il s’agit donc d’une première, qui apporte une véritable innovation sociale, et c’est cela que nous voulons voter. Cette loi ne va pas se substituer à d’autres mécanismes existant déjà, encore moins à ceux qui seront annoncés par le Président de la République le 18 janvier.

Je reprendrai la parole tout à l’heure pour répondre à vos arguments sur les emplois marchands, monsieur Vanlerenberghe.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 64.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 60.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 61.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 55 rectifié et 43 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

Cette expérimentation

par le mot :

Elle

2° Après la première occurrence du mot :

volontaires

insérer les mots :

, des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au premier alinéa du présent I

3° Remplacer la deuxième occurrence du mot :

des

par le mot :

d’

4° Remplacer le mot :

recrutements

par le mot :

embauches

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement a pour objet de procéder à des coordinations et clarifications juridiques. Il tend notamment à corriger un oubli relatif aux EPCI, qui devront financer l’expérimentation, évidemment sur la base du volontariat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller, Milon, Cardoux et Chasseing, Mmes Debré, Deroche et Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert et Savary, Mme Giudicelli, M. Dériot, Mmes Cayeux et Canayer, MM. Bouchet, Calvet, César, Chatillon, Commeinhes, Cornu, G. Bailly et Chaize, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Lefèvre, P. Leroy, Laufoaulu, Mandelli et B. Fournier et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le caractère volontaire du concours financier des collectivités est impératif.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Je tiens à insister sur la nécessité du caractère volontaire de la participation financière des collectivités. C’est un point fondamental pour le groupe Les Républicains, qui souhaite que les choses soient claires sur le sujet.

Connaissant déjà les avis qui me seront opposés, je retirerai certainement cet amendement, mais je tiens au préalable à entendre Mme la ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a considéré que la demande de M. Mouiller était satisfaite. Elle sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de dire que l’État consentirait un effort financier exceptionnel la première année afin d’accompagner le lancement ou, si vous préférez, la phase d’amorçage du dispositif. Je vous confirme que la participation de l’État sera équivalente au coût d’un CIE. Il s’agit d’un signal fort que le Gouvernement souhaite envoyer en s’engageant ainsi devant vous.

Nous solliciterons bien évidemment la participation des organismes publics ou privés, mais le caractère volontaire de la participation des collectivités locales est pour nous une évidence.

Votre amendement étant satisfait, je vous invite donc à le retirer.

Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Mouiller. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

1° Faire précéder cette phrase de la mention :

II. –

2° Remplacer les mots :

du travail

par les mots :

de l’emploi

3° Supprimer les mots :

et en évaluant l’impact direct et indirect

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement vise également à procéder à des coordinations et clarifications juridiques s’agissant des EPCI.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement important puisqu’il a pour objet d’opérer une distinction entre le rapport portant sur le bilan de l’expérimentation et celui relatif à son évaluation. La commission a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié ter, présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas et Détraigne, Mmes Doineau et Gatel, M. Guerriau, Mme Jouanno et MM. Kern et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Remplacer le mot :

dix-huit

par le mot :

douze

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement avait vocation à s’insérer dans le dispositif de réduction de trois à cinq ans de la durée de l’expérimentation. Cependant, comme nous sommes sur un petit échantillon, avec de petites ambitions, mais avec des délais relativement longs – dix-huit mois et cinq ans –, l’amendement n’a plus d’intérêt. Par conséquent, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par un paragraphe ainsi rédigé :

III. – Dans le même délai, un comité scientifique indépendant réalise l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation et rend public son rapport. Celui-ci évalue notamment les effets de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les territoires participant à l’expérimentation ainsi que les conséquences financières, pour les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes mentionnés au dernier alinéa du I, par comparaison avec le coût lié au chômage de longue durée. Il tient compte des nouveaux indicateurs de richesse définis à l’article unique de la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. Les membres de ce comité sont bénévoles et nommés par arrêté du ministre chargé de l’emploi.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Comme l’a indiqué Mme la rapporteur ce matin en commission, cet amendement est sans doute le plus important parmi ceux que nous examinons ce soir. En effet, il a pour objet de confier à un comité scientifique indépendant spécifique le soin de réaliser l’évaluation de l’expérimentation, le fonds étant seulement chargé de réaliser son bilan comptable et financier.

Cet amendement, qui s’inspire du mécanisme mis en place pour l’évaluation de la Garantie jeunes, créera, s’il est adopté, les conditions d’un débat serein sur l’opportunité de généraliser ou non l’expérimentation.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 62, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Amendement n° 11 rectifié bis, alinéa 3, deuxième phrase

Après les mots :

participant à l'expérimentation

insérer les mots :

, sur les formations suivies par les personnes

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous souhaitons que l’évaluation qui sera faite par le comité scientifique indépendant porte également sur les formations suivies par les demandeurs d’emploi. En effet, une partie de la réussite de ce dispositif reposera aussi sur la qualité des formations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 62, qui reprend en fait un amendement examiné ce matin en commission, et émet un avis favorable sur l’amendement n° 11 rectifié bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement et sur l’amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1 est adopté.)

Chapitre Ier

Public visé, fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée et entreprises conventionnées

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2

(Non modifié)

Peuvent devenir salariés des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 1er de la présente loi, les demandeurs d’emploi inscrits sur la liste établie en application de l’article L. 5411-1 du code du travail et qui sont involontairement privés d’emploi depuis plus d’un an.

Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Peuvent être embauchés par les entreprises de l'économie sociale et solidaire mentionnées au I de l’article 1er de la présente loi, les demandeurs d’emplois, quel que soit le motif de rupture de leur dernier contrat de travail, qui sont inscrits sur la liste établie en application de l’article L. 5411-1 du code du travail, privés d’emploi depuis plus d’un an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi, et domiciliés depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement a pour objet de clarifier la liste des bénéficiaires de l’expérimentation, tout en l’élargissant aux demandeurs d’emploi qui ont démissionné de leur ancien poste et à ceux qui ont bénéficié d’une rupture conventionnelle. Nous avons en effet été nombreux, sur toutes les travées de cette assemblée, à nous interroger sur le cas de ces personnes, qui, au moins formellement, ne sont pas involontairement privées d’emploi. Elles peuvent néanmoins être inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an et répondre ainsi au critère essentiel, qui est celui du chômage de longue durée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, à la suite de nos travaux en commission, nous avons retiré certains de nos amendements, dont l’un qui visait le même but que celui-ci, même s’il n’était pas rédigé de la même manière. Nous voterons donc bien évidemment l’amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements nos 56 rectifié, 44 rectifié, 3 rectifié bis et 33 rectifié n'ont plus d'objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Roche, Cigolotti et Gabouty, Mmes Doineau et Gatel et M. Cadic, était ainsi libellé :

Remplacer les mots :

de l’économie sociale et solidaire, dans le cadre de

par les mots :

participant à

L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Pellevat, B. Fournier et Milon, Mme Mélot, MM. Nougein, de Legge, Kennel, Laménie, Pierre et D. Laurent, Mme Hummel, MM. Calvet, A. Marc, Mandelli, Kern et Revet, Mme Gruny et M. Lefèvre, était ainsi libellé :

Supprimer les mots :

de l’économie sociale et solidaire

L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller, Milon, Cardoux et Chasseing, Mmes Debré, Deroche et Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mmes Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Pinton, Mme Procaccia, MM. D. Robert et Savary, Mme Giudicelli, M. Dériot, Mmes Canayer et Cayeux, MM. G. Bailly, Bouchet, Calvet, Chaize, César, Chatillon, Commeinhes et Cornu, Mme Deromedi, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Mandelli et P. Leroy et Mme Lamure, était ainsi libellé :

Supprimer le mot :

Involontairement

L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les offres d’emploi peuvent être proposées indifféremment aux hommes et aux femmes, dans le respect des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1142-1 du code du travail.

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article additionnel après l'article 3

Article 3

(Non modifié)

I. – Il est institué un fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, chargé de financer une fraction de la rémunération des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi recrutées par des entreprises de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’une fraction de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement lorsque celui-ci intervient dans les conditions prévues à l’article 7.

Ce fonds élabore un cahier des charges, approuvé par un arrêté du ministre chargé du travail, fixant les critères que doivent respecter les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales candidats à l’expérimentation.

Un arrêté du ministre chargé du travail dresse la liste des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation, sur proposition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, au vu de leur programme d’actions mentionné au II du présent article et du cahier des charges mentionné au deuxième alinéa du présent I. Cette liste comprend au plus dix collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales.

La gestion de ce fonds est confiée à une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Elle est administrée par un conseil d’administration dont la composition est la suivante :

1° Deux représentants de l’État ;

2° Un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;

3° Un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de son organisation ;

4° Un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative au plan national multiprofessionnel, sur proposition de son organisation ;

5° Un représentant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

6° Un représentant du Conseil national de l’insertion par l’activité économique ;

7° Un représentant de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail ;

8° Deux parlementaires désignés, respectivement, par l’Assemblée nationale et le Sénat ;

9° Un représentant du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ;

10° Un représentant de chaque comité local mentionné au II du présent article, après sa mise en place ;

11° Trois personnalités qualifiées désignées par arrêté du ministre chargé du travail ;

12° Un représentant de l’Association des régions de France ;

13° Un représentant de l’Assemblée des départements de France ;

14° Un représentant de l’Assemblée des communautés de France ;

15° Un représentant de l’Association des maires de France ;

16° Un représentant des missions locales.

Les membres du conseil d’administration siègent à titre bénévole.

Le conseil d’administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.

Le ministre chargé du travail désigne un commissaire du Gouvernement auprès de cette association. Le commissaire du Gouvernement assiste de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. Il est destinataire de toutes les délibérations du conseil d’administration et a communication de tous les documents relatifs à la gestion du fonds.

Lorsque le commissaire du Gouvernement estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il peut s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.

II. – Les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation mettent en place un comité local chargé du pilotage de l’expérimentation, dont les modalités de fonctionnement sont approuvées par le fonds.

Le comité local établit un programme d’actions, approuvé par le fonds, ayant pour objet de promouvoir la création d’entreprises conventionnées ou le conventionnement d’entreprises existantes pour le recrutement des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi.

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

recrutées par des entreprises de l’économie sociale et solidaire

par les mots :

embauchées par les entreprises de l’économie sociale et solidaire mentionnées au I de l’article 1er

II. – Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

du travail

par les mots :

de l’emploi

2° Après la deuxième occurrence du mot :

territoriales

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

mentionnés au I de l’article 1er.

III. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Sur proposition du fonds, un arrêté du ministre chargé de l’emploi dresse la liste des territoires retenus pour mener l’expérimentation et des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupes de collectivités mentionnés au I de l’article 1er y participant, au vu du cahier des charges mentionné au deuxième alinéa du présent I et du projet de programme d’actions mentionné au II du présent article.

IV. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

du travail

par les mots :

de l’emploi

V. – Alinéa 23, première phrase

Remplacer les mots :

du travail

par les mots :

de l’emploi

VI. – Alinéa 25

Après les mots :

pilotage de l’expérimentation

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et de déterminer les modalités d’accompagnement des personnes mentionnées à l’article 2 de la présente loi en lien avec les acteurs du service public de l’emploi. Les modalités de fonctionnement du comité local sont approuvées par le fonds.

VII. – Alinéa 26

Remplacer les mots :

le recrutement

par les mots :

l'embauche

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement tend à apporter des améliorations rédactionnelles et des éléments de coordination juridique. Son adoption permettra de distinguer clairement les territoires retenus pour mener l’expérimentation des autres collectivités, comme le département ou la région.

J’ajoute, en écho aux interrogations qui ont été soulevées ce matin en commission et à la nouvelle intervention de notre collègue Philippe Mouiller tout à l’heure, que, à nos yeux, le département et la région pourront participer à l’expérimentation, notamment par des actions d’accompagnement et de formation. Pour autant, il est clair que l’initiative, à l’instar de ce qui existe déjà aujourd’hui dans plusieurs territoires, doit partir du terrain, avec l’implication de tous les partenaires locaux.

Nous proposons également de renforcer le volet accompagnement des salariés de l’entreprise conventionnée, comme l’ont proposé l’Agence nouvelle des solidarités actives dans son étude de faisabilité et le Conseil économique, social et environnemental dans son avis.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 63, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Amendement n° 13 rectifié bis, alinéa 32

Après les mots :

d’accompagnement

insérer les mots :

, notamment en matière de formation professionnelle,

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Nous avions initialement déposé plusieurs amendements sur le sujet de la formation professionnelle. Ne pouvant cependant être trop directifs et instruits par les discussions intervenues ce matin en commission des affaires sociales, nous avons modifié notre rédaction.

Il nous semble que les exigences en termes de formation attachées à cette expérimentation doivent être à la hauteur de l’approche nouvelle et des ambitions affichées dans ce texte, à savoir concourir à une insertion professionnelle durable des demandeurs d’emploi de longue durée.

Il nous apparaît aussi très important de citer la formation au service des demandeurs d’emploi au moment où le Président de la République, à l’occasion de ses vœux, vient d’annoncer l’objectif de former 500 000 demandeurs d’emploi, contre 150 000 actuellement. Il semble même que l’une de ses priorités viserait les chômeurs de longue durée.

Dès lors, il nous apparaît normal que les comités locaux, qui vont piloter l’expérimentation, prennent bien en considération la formation professionnelle dans l’accompagnement individuel dû au demandeur d’emploi et la qualité de cette formation, si possible qualifiante, à tout le moins certifiante.

Pour ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ce sous-amendement, qui répond à ces objectifs.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Roche, Cigolotti et Gabouty, Mme Doineau, M. Cadic et Mme Gatel, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de l'économie sociale et solidaire

par les mots :

participant à l'expérimentation

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement vise le secteur de l’économie marchande. L’affaire étant entendue, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié est retiré.

L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas et Détraigne, Mmes Doineau et Gatel, M. Guerriau, Mme Jouanno et M. Kern, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

dont la composition est la suivante :

par les mots :

composé au maximum de vingt membres dont la liste est fixée par décret. D'autres organismes ou représentants qualifiés, sans voix délibérative, sont associés aux travaux du conseil d'administration.

II. – Alinéas 5 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. L’article 3 confie la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une association qui sera administrée par un conseil d'administration dont la composition est définie dans le présent texte. Une telle précision ne s’impose pas dans la mesure où on ne connaît même pas les statuts de ladite association. Si j’ai bien compté, le conseil d’administration serait composé de cinquante à soixante membres.

Confier la gestion du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une instance qui compte autant de membres, c’est pratiquer une inflation qui nous promet la plus grande inefficacité. C’est pourquoi je propose qu’il soit composé au maximum de vingt membres dont la liste serait fixée par décret – c’est dire que je fais confiance au Gouvernement ! Cela n’empêcherait pas d’autres organismes ou représentants qualifiés d’être associés, sans voix délibérative, auxdits travaux de l’association et de son conseil d’administration.

Notre amendement vise donc à améliorer le fonctionnement de la structure gestionnaire du fonds en le rendant plus efficace.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Husson et Laufoaulu, Mme Gruny, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Joyandet, Mandelli et Pinton, Mme Lopez, MM. Laménie et Bignon, Mme Lamure, M. Panunzi, Mme Micouleau et MM. P. Leroy, Kennel, Charon, Mouiller, Legendre, Houel, Raison, B. Fournier et Lefèvre.

L'amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... Un représentant de l’association nationale des collectivités territoriales pour la formation, l’insertion et l’emploi, dénommée « Alliance Ville Emploi ».

La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

M. Jean-François Husson. Alliance Ville Emploi est une association qui est la tête de réseau des maisons de l'emploi et des PLIE.

Cette association est présente sur tout le territoire national et son savoir-faire est reconnu. Il apparaît donc parfaitement cohérent qu’elle compte un représentant dans chaque conseil d’administration : cela rejoint son objet, ses compétences, son savoir-faire et son expertise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l'amendement n° 52 rectifié.

Mme Mireille Jouve. L’article 3 précise notamment les missions et la composition du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Ainsi, la gestion du fonds sera assurée par une association dirigée par un conseil d’administration de trente-deux membres parmi lesquels seront notamment représentés le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, Pôle emploi, etc.

Par cet amendement, nous proposons que le conseil d’administration de l’association comprenne également un représentant de l’association dénommée « Alliance Ville Emploi ». Cette association regroupe les collectivités territoriales, communes, établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que leurs outils territoriaux de développement de l’insertion et de l’emploi, les maisons de l’emploi et les plans locaux pour l’insertion et l’emploi. Comme son président l’a rappelé, elle est « un creuset d’expériences à partager, une vitrine de cette volonté d’initiatives des collectivités territoriales et une force d’entraînement de tous les élus locaux pour le développement de l’insertion et de l’emploi ». Sa présence au sein du conseil d’administration de l’association qui met en place cette expérimentation en faveur de l’emploi à l’échelon intercommunal est donc tout à fait légitime.

Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Husson et Laufoaulu, Mme Gruny, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Joyandet, Mandelli et Pinton, Mme Lopez, MM. Laménie et Bignon, Mme Lamure, M. Panunzi, Mme Micouleau et MM. P. Leroy, Kennel, Charon, Houel, Raison, B. Fournier et Lefèvre, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 25

Après les mots :

pilotage de l’expérimentation

insérer les mots :

, incluant les acteurs du territoire engagés dans les politiques d’insertion et d’emploi, telles les maisons de l’emploi et les structures porteuses des plans locaux pluriannuels d’insertion et d’emploi

II. – Alinéa 26

Après le mot :

fonds

insérer les mots :

, en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l’emploi

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Il est important que cette expérimentation s’appuie sur les orientations existantes sur les territoires, notamment les outils pour l’emploi et l’insertion, en particulier quand ils sont fédérés par les communes dans des intercommunalités. Il est également nécessaire que l’expérimentation s’intègre dans les principes de coordination des politiques de l'emploi préexistantes sur les territoires – les nouvelles conventions régionales pluriannuelles de coordination de l'emploi ou le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation –, ce qui est tout à fait conforme à la loi NOTRe.

Mme la présidente. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Après le mot :

fonds,

insérer les mots :

en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l'emploi,

La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Il nous paraît important que les actions du comité local soient établies « en cohérence avec les actions des acteurs territoriaux pour l’emploi ».

Au terme de la discussion qui a eu lieu ce matin en commission, cette proposition serait a priori satisfaite. Je voudrais toutefois m’assurer auprès du Gouvernement que tel est bien le cas. Même si cela paraît être une évidence, j’insiste sur le fait que cette cohérence avec l’ensemble des acteurs territoriaux est pour nous fondamentale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. S’agissant du sous-amendement n° 63, la commission ne voit pas la nécessité de préciser la notion d’accompagnement, qui est contenue dans la première partie du sous-amendement. Elle comprend évidemment les actions de formation, sans pour autant s’y réduire. L’avis est donc défavorable.

L’amendement n° 13 rectifié bis porte sur l’obligation pour le comité local de prévoir des actions d’accompagnement des bénéficiaires de l’expérimentation en lien avec le service public de l’emploi. La commission est favorable à cette proposition.

J’ai dit ce matin en commission qu’il me semblait difficile de revenir sur un accord trouvé à l’Assemblée nationale sur la composition du conseil d’administration. Néanmoins, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 42 rectifié bis.

Les amendements identiques nos 5 rectifié et 52 rectifié, qui visent à attribuer un siège à l’association Alliance Ville Emploi, ont suscité une discussion et provoqué quelques hésitations. Or il semble un peu difficile d’être tout à la fois favorable à une réduction du conseil d’administration à vingt membres et d’approuver une nouvelle participation. La commission demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 7 rectifié concerne l’obligation d’intégrer dans les comités locaux les maisons de l’emploi et les structures porteuses des PLIE. La commission en demande le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.

La position de la commission est la même sur l’amendement n° 48 rectifié, qui traite de l’obligation d’établir un programme d’actions en cohérence avec l’action des acteurs territoriaux pour l’emploi. Cette proposition nous semble largement satisfaite.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13 rectifié bis et défavorable au sous-amendement n° 63, ainsi qu’à l’amendement n° 42 rectifié bis.

Concernant les amendements identiques nos 5 rectifié et 52 rectifié, je serais plutôt encline à m’en remettre à la sagesse de votre assemblée. En effet, l’expérience qui est en cours à Mauléon le montre, c’est la maison de l’emploi qui s’occupe du développement de l’emploi. Il peut donc y avoir un intérêt à voir l’association Alliance Ville Emploi siéger au sein du conseil d’administration du fonds.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 7 rectifié. Si nous commençons à citer l’ensemble des membres des comités locaux, nous en oublierons forcément quelques-uns. Des acteurs concernés, il y en a énormément. Je pense, par exemple, au réseau Cap Emploi, qui s’adresse aux personnes handicapées. La réussite de cette expérimentation dépendra de la capacité des territoires à concevoir eux-mêmes leurs comités locaux selon leur dynamique. Bien évidemment, ils compteront tous les acteurs de l’emploi – je ne vois pas comment il pourrait en aller autrement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 63.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 42 rectifié bis et 7 rectifié n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 5 rectifié et 52 rectifié.

M. Philippe Mouiller. Ce matin, en commission, nous avons longuement discuté du rôle des maisons de l’emploi. Votre intervention, madame la ministre, nous permet de trouver un bon compromis. En effet, vous acceptez de les reconnaître à un certain degré mais sans forcément aller jusqu’à les intégrer totalement dans la démarche.

Je suis maintenant enclin à voter ces amendements, alors que, ce matin, j’étais beaucoup plus réservé. Tout l’intérêt du débat, c’est de faire évoluer nos positions…

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 52 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Madame Malherbe, l’amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hermeline Malherbe. Avant de retirer cet amendement, j’aurais aimé entendre Mme la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je veux vous rassurer, madame la sénatrice. Le projet territorial déterminera la composition ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement du comité local en fonction notamment des acteurs localement présents. Je le répète, je ne suis pas favorable à la constitution d’une liste exhaustive, parce qu’on oublie toujours des noms.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, qui est satisfait.

Mme la présidente. Madame Malherbe, que décidez-vous ?

Mme Hermeline Malherbe. Bien que la réponse ne soit pas très précise, je retire l’amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 48 rectifié est retiré.

L'amendement n° 35, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

fixant les critères

insérer les mots :

économiques, sociaux, environnementaux, et garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Lors de la discussion qui a eu lieu en commission ce matin, certains ont souligné le risque d’oublier certains critères quand on tient à les énumérer. Je veux toutefois profiter de cette occasion pour appeler votre attention, madame la ministre, sur notre souhait de voir ce dispositif profiter à égalité aux femmes et aux hommes.

En effet, s’il fut un temps où les femmes étaient les plus nombreuses à pâtir du chômage de longue durée, aujourd'hui, les courbes se rejoignent et ce sont les hommes qui sont les plus touchés par le chômage de longue durée. Je veux néanmoins signaler que les chiffres cachent un sous-emploi des femmes, pour lesquelles la pratique du temps partiel est très élevée.

J’aurais pu développer ces arguments lors de la présentation de l’amendement n° 33 rectifié, mais la réécriture totale de l’article 2 a rendu celui-ci sans objet. Je profite donc de cette intervention à la fois pour défendre les critères que nous voulons voir apparaître dans ce texte et pour insister, quelque peu lourdement, sur cette importante notion : il est en effet vrai, malheureusement, que, aujourd’hui, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas réelle dans le domaine de l’insertion professionnelle, notamment pour ce qui est de la précarité et du chômage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission, bien qu’elle partage votre souci, madame Cohen, de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, a estimé que la liste limitative des critères proposée par le biais de cet amendement pourrait constituer un obstacle parce qu’elle risque d’être incomplète. Par conséquent, elle vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, sans quoi elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Je me montrerai certes particulièrement vigilante quant au respect de ces critères, mais insérer dans le texte une telle liste est impossible. Le décret qui définira le cahier des charges de ces expérimentations intégrera bien évidemment ces critères : l’attention portée aux femmes y sera importante.

Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 35 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Dans ces conditions, nous acceptons bien évidemment de retirer notre amendement. J’insiste néanmoins sur l’importance de l’égalité d’accès à ce dispositif entre les femmes et les hommes. Tout en comprenant les arguments de mes collègues, je souhaite absolument que cet élément fasse l’objet de la discussion.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 3

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Husson et Laufoaulu, Mme Gruny, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Joyandet, Mandelli et Pinton, Mme Lopez, MM. Laménie et Bignon, Mme Lamure, M. Panunzi, Mme Micouleau et MM. P. Leroy, Kennel, Charon, Legendre, Houel, Raison, B. Fournier et Lefèvre.

L’amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en œuvre de l’expérimentation prévue à l’article 1er de la présente loi pourra s'appuyer sur les outils territoriaux d'emploi et d'insertion présents sur le territoire : les maisons de l'emploi et les structures porteuses des plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi.

Elle pourra s'appuyer sur les expertises des outils territoriaux de l'emploi et de l'insertion : les plans locaux pour l'insertion et l'emploi pourront contribuer au repérage, à l'orientation et au suivi individualisé des publics. Les maisons de l'emploi, qui ont pour mission principale la gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, pourront repérer les emplois pouvant être financés par ce fonds, et mobiliser et accompagner les entreprises de l'économie sociale et solidaire du territoire.

Dès lors qu'ils existent sur les territoires, les dispositifs territoriaux pour l'insertion et l'emploi, notamment les plans locaux pour l'insertion et l'emploi et les maisons de l'emploi, pourront piloter le comité local de gestion du fonds.

La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.

M. Jean-François Husson. Dans la droite ligne des amendements défendus précédemment, j’estime là encore qu’il faut tenir compte des dispositifs qui existent sur les territoires. En effet, comme cela a été dit plusieurs fois depuis le début de ce débat, les expériences doivent venir du territoire, de là où l’on est déjà bien organisé. Dans tous les cas, cela doit se faire à travers les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, ou encore les maisons de l’emploi. Il paraît naturel que ces acteurs, dont l’expertise est essentielle et reconnue, participent à ces expérimentations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

Mme Mireille Jouve. Cet amendement vise à associer à l’expérimentation, lorsqu’ils existent dans les territoires concernés, les maisons de l’emploi et les PLIE. Ce sont des outils d’animation, d’innovation et de mise en œuvre des politiques de l’emploi à l’échelon local qui coordonnent les actions des différents acteurs de leur territoire. Ils s’inscrivent dans la stratégie territoriale pour l’insertion et l’emploi.

À ce titre, il serait tout à fait légitime de s’appuyer sur ces acteurs existants, qui apporteraient une expertise essentielle au succès de cette expérimentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission demande le retrait de ces amendements, faute de quoi son avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’enjeu de cette expérimentation est justement, à mon sens, de partir des collectivités. Dès lors, c’est dans le cadre de leur candidature que celles-ci doivent exprimer leur volonté quant aux acteurs du pilotage de l’expérimentation. Par conséquent, je ne souhaite pas à ce stade orienter le pilotage systématique de cette dernière vers les maisons de l’emploi ou les PLIE. Les décisions sur ce point doivent appartenir aux acteurs locaux et, en premier lieu, aux collectivités.

On nous reproche bien souvent, dans le champ de l’emploi, le manque de lisibilité des dispositifs et la mise en place trop fréquente de procédures un peu trop corsetées à l’échelle nationale. Je reconnais cela d’autant plus volontiers que je viens d’admettre, auprès des préfets, la fongibilité entre les aides aux postes en matière d’insertion et les contrats d’insertion. En fait, les territoires demandent plutôt que l’on ne rigidifie pas trop les règles. Il faut, à mon sens, je le répète, partir des territoires et des volontés exprimées par les collectivités, ce qui explique l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Monsieur Husson, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Husson. Oui, je maintiens cet amendement, dont l’objet n’est pas de rendre obligatoire l’implication de ces acteurs.

Je profite de cette occasion, ne m’étant pas exprimé auparavant, pour saluer le revirement de position du Gouvernement. En effet, concernant le même sujet, madame la ministre, on nous expliquait il y a un an et demi que, si les maisons de l’emploi avaient du bon, du fait des disparités territoriales, on laissait les collectivités locales, quand bien même elles s’impliquent et participent au financement des dispositifs en cause, plutôt livrées à elles-mêmes. Je veux donc saluer l’engagement pris à présent sous votre responsabilité.

Je conviens que votre ministère est bien compliqué à exercer ; les résultats, d’autres l’ont dit avant moi, sont difficiles à atteindre. Toutefois, vous vous mobilisez aux côtés des collectivités locales. Cela étant, il faut d’abord penser à celles et ceux qui n’ont pas de travail depuis longtemps et, là encore, reconnaître la capacité d’expertise des acteurs locaux d’un territoire quand, ensemble, ils se mettent d’accord sur ce point.

Je veux enfin vous rappeler, madame la ministre, puisque vous y êtes déjà venue, que, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, il existe trois maisons de l’emploi, chacune située sur un territoire différent, plus ou moins urbain. Ces maisons mènent des actions de coordination au service des populations les plus en difficulté, les plus éloignées de l’emploi. C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, ma combativité et ma détermination sont intactes.

Mme la présidente. Madame Jouve, l’amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?

Mme Mireille Jouve. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 53 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 3
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 5 (Texte non modifié par la commission)

Article 4

(Non modifié)

I. – Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signe des conventions avec les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire afin qu’elles concluent avec des personnes remplissant les conditions mentionnées à l’article 2 de la présente loi et domiciliées depuis au moins six mois dans une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un groupe de collectivités territoriales participant à l’expérimentation des contrats de travail à durée indéterminée rémunérés, au moins, au moment du recrutement, au niveau du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L. 3231-2 du code du travail.

Cette convention, conclue pour la durée de l’expérimentation, précise le montant de la rémunération pris en charge par le fonds compte tenu de la durée de travail prévue dans le contrat, ainsi que la fraction de l’indemnité de licenciement prise en charge par le fonds et due lorsque le licenciement résulte de la fin du versement de l’aide attribuée dans le cadre de l’expérimentation. Les conditions de fixation du montant de la rémunération pris en charge par le fonds ainsi que les conditions de dégressivité dans le temps de ce montant, en fonction de la situation de l’entreprise, sont fixées par le décret mentionné à l’article 7 bis. La convention fixe également les conditions à respecter pour bénéficier du financement du fonds, notamment les engagements de l’entreprise sur le contenu du poste proposé, les conditions d’accompagnement et les actions de formation envisagées pour le bénéficiaire du contrat.

II. – La rupture du contrat à l’initiative du salarié avant la fin de l’expérimentation soit pour exercer un emploi sous contrat de travail à durée déterminée d’au moins six mois ou sous contrat de travail à durée indéterminée, soit pour suivre une action de formation qualifiante au sens de l’article L. 6314-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de priver le salarié de ses droits à l’assurance chômage.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Roche, Cigolotti et Gabouty, Mme Doineau, M. Cadic et Mme Gatel, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de l’économie sociale et solidaire qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

par les mots :

participant à l’expérimentation

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié est retiré.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

par les mots :

mentionnées au I de l’article 1er de la présente loi

2° Supprimer les mots :

de la présente loi et domiciliées depuis au moins six mois dans une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un groupe de collectivités territoriales participant à l’expérimentation

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

indéterminée

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

conformément au droit du travail

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement est issu des travaux que nous avons accomplis ce matin en commission. En effet, il se substitue à deux amendements que nous avions précédemment déposés : le premier avait pour objet de préciser que le salaire soit à hauteur de la grille en cours dans l’entreprise ayant passé convention avec le fonds pour employer les personnes visées ; le second tendait à préciser que le temps de travail de ces salariés ne saurait déroger au temps de travail légal aujourd’hui en vigueur.

Lors de la discussion qui s’est tenue ce matin en commission, Mme la rapporteur nous a confirmé que ce dispositif rentrait bien dans le droit commun du travail. Il nous a donc semblé que, plutôt que d’inscrire dans la loi la nécessité que le salaire des bénéficiaires de l’expérimentation soit au moins égal au SMIC, ce qui laisserait entendre que, à défaut de cette mention, l’expérimentation fait exception au droit commun, il conviendrait de modifier la fin de l’article 4 en remplaçant la référence au SMIC par l’expression : « conformément au droit du travail ». Cela apporterait la garantie que ce dispositif s’inscrit bien dans le droit commun.

Ainsi, en conclusion des travaux menés ce matin en commission, nous avons estimé que la rédaction que nous proposons en l’espèce, en supprimant du texte cette référence malvenue au SMIC au profit de l’assurance de la conformité du dispositif au droit du travail, nous permettrait d’être tous d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent que le droit commun du travail s’applique aux CDI conclus dans le cadre de l’expérimentation. Qu’ils soient rassurés ! La réunion de la commission ce matin leur a déjà donné des raisons de l’être, et je tiens à confirmer en cet instant que ce sera bien le cas : cette conformité est même l’un des points forts de cette expérimentation, qui rompt avec la logique dérogatoire des contrats aidés. Je pense que Mme la ministre ne me contredira pas sur ce point.

La référence au SMIC à l’article 4 peut par ailleurs être expliquée. Il faut rappeler que, initialement, ATD Quart Monde prévoyait que ces contrats seraient invariablement payés au SMIC durant les cinq années de l’expérimentation. Or le Conseil économique, social et environnemental a indiqué que cela ne serait ni souhaitable ni légalement valable.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je n’ai rien à ajouter aux explications de Mme la rapporteur : l’avis du Gouvernement est aussi défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mme la rapporteur et Mme la ministre nous affirment que le dispositif s’inscrit bien dans le droit commun. De son côté, le Conseil économique, social et environnemental précisait bien, dans son avis, qu’il fallait que le contrat respecte le droit du travail et qu’il ne pouvait par conséquent être question de bloquer le salaire au SMIC pendant la durée de l’expérimentation de cinq ans. La rédaction de l’article a en conséquence été légèrement modifiée, pour préciser que le SMIC représente le salaire minimum au début du processus, ce qui n’empêche pas une évolution ultérieure.

Cela dit, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 36 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase

Remplacer les mots :

résulte de la fin du versement de l’aide attribuée dans le cadre de l’expérimentation

par les mots :

intervient dans les conditions prévues à l’article 7

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation et de coordination qui a pour objet de préciser que le fonds d’expérimentation n’interviendra dans le financement de l’indemnité des salariés licenciés que si le licenciement résulte d’un arrêt anticipé de l’expérimentation ou de sa non-reconduction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 65, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

II. – Le contrat de travail conclu dans le cadre de l’expérimentation peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois, ou bien un contrat à durée déterminée de moins de six mois.

En cas d’embauche à l’issue de cette période d’essai, le contrat est rompu sans préavis.

L’aide attribuée pour cet emploi par le fonds dans le cadre de l’expérimentation n’est pas versée pendant la période de suspension du contrat de travail.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. La proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la rupture du contrat, si elle est effectuée avant la fin de l’expérimentation et sur l’initiative du salarié pour exercer un CDD d’une durée d’au moins six mois, un CDI ou une formation qualifiante, ne peut avoir pour effet de priver le salarié de ses droits à l’assurance chômage, comme c’est le cas pour les contrats aidés suivant les termes de l’accord d’application du 14 mai 2014 annexé à la convention d’assurance chômage.

Si le même régime peut légitimement s’appliquer aux bénéficiaires de l’expérimentation, il revient aux partenaires sociaux d’en décider. Je leur proposerai bien évidemment de s’emparer de ce sujet.

En attendant, afin d’encourager la recherche d’emploi sur le marché du travail de façon sécurisée par les salariés participant à l’expérimentation, le présent amendement vise à substituer au cadre de la démission la possibilité de suspendre le contrat pour accomplir la période d’essai d’un CDI, un CDD d’une durée au moins égale à six mois ou bien un CDD de moins de six mois. Ce point est très important.

Je prends également en compte les débats que vous avez eus en commission, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que l’amendement qui a été défendu par M. Gabouty. Si, par exemple, la période d’essai n’est pas concluante, les salariés pourront, si besoin est, réintégrer leur entreprise d’accueil et poursuivre leur parcours professionnel.

Enfin, la rédaction proposée par le biais de cet amendement ne mentionne plus les actions de formation qualifiante, car le code du travail permet déjà d’articuler période de travail et actions de formation.

Mme la présidente. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas et Détraigne, Mmes Doineau et Gatel, M. Guerriau, Mme Jouanno et M. Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

six

par le mot :

trois

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Même si nos amendements précédents n’ont pas été pris en compte par Mme la ministre et ont été quelque peu malmenés tant par la gauche que par la droite, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir retenu notre réflexion sur le présent point. En effet, la rédaction que vous proposez dans votre amendement permet de contourner certaines difficultés, notamment vis-à-vis de l’UNEDIC, dans la mesure où ce dispositif avait été modifié et où sa finalité est bien d’encourager la recherche d’emploi sur le marché du travail de droit commun par les personnes entrées dans ce dispositif expérimental. Je retire donc cet amendement ; ses signataires apporteront leur soutien à celui du Gouvernement.

Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 65 ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La réponse qu’apporte le Gouvernement par son amendement convient à la commission. C'est la raison pour laquelle celle-ci émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Chapitre II

Financement du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article additionnel après l'article 5

Article 5

(Non modifié)

Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les groupes de collectivités territoriales et les organismes publics et privés mentionnés à l’article 1er de la présente loi pour assurer son fonctionnement et permettre le versement des aides financières associées aux conventions mentionnées à l’article 4.

Le fonds signe avec chaque collectivité territoriale, établissement public de coopération intercommunale ou groupe de collectivités territoriales habilité une convention qui précise leur engagement à respecter un cahier des charges élaboré par le fonds et qui fixe les conditions de leur participation volontaire au financement de l’expérimentation. L’État et l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail sont également cosignataires de ces conventions.

Le fonds signe par ailleurs une convention avec l’État et les organismes publics et privés participant à l’expérimentation afin de fixer le montant de leur contribution au financement de l’expérimentation et de définir l’affectation de cette contribution.

Les modalités de participation de l’État au fonds sont fixées par le décret mentionné à l’article 7 bis de la présente loi.

Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la référence :

à l’article 1er

par la référence :

au I de l’article 1er

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer le mot :

habilité

par les mots :

participant à l’expérimentation

et les mots :

un cahier des charges élaboré par le fonds et

par les mots :

le cahier des charges mentionné au deuxième alinéa du I de l’article 3,

2° Compléter cette phrase par les mots :

et qui définit l’affectation de cette participation

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation et de précision rédactionnelle, qui vise à confirmer que la contribution financière des collectivités au financement de l’expérimentation sera bien destinée aux projets situés sur leurs territoires respectifs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le fonds signe une convention avec l’État et chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation afin de fixer le montant de leur contribution à son financement et de définir l’affectation de cette contribution.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement vise à préciser que le fonds signera non une convention globale, mais une convention avec chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. En lien avec les amendements nos 15 rectifié et 23 rectifié, cet amendement vise à regrouper les dispositions relatives aux modalités d’application réglementaire de la proposition de loi au sein de l’article 7 bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 6

Article additionnel après l'article 5

Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Pellevat, B. Fournier et Milon, Mme Mélot, MM. de Legge, Kennel, Laménie, Pierre et D. Laurent, Mme Hummel, MM. Calvet, A. Marc, Mandelli, Kern et Revet, Mme Gruny et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre de la mise en place de l’expérimentation territoriale visant à réduire le chômage de longue durée, l’effectif de l’indice de référence des entreprises adaptées est augmenté de 15 % dans les territoires participant à l’expérimentation.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Les entreprises adaptées, qui sont dans le secteur marchand, seront impliquées dans l’expérimentation territoriale visant à réduire le chômage de longue durée. Il est donc nécessaire que les travailleurs classés handicapés puissent avoir leur place dans ces entreprises. Je rappelle que, actuellement, les dotations par région sont assez basses. Par conséquent, pour les territoires retenus, il serait bien que les travailleurs classés handicapés puissent trouver des postes dans les entreprises adaptées. En effet, la catégorie des chômeurs de longue durée inclut aussi les travailleurs classés handicapés.

C’est pourquoi cet amendement vise à augmenter de 15 % l’effectif de l’indice de référence des entreprises adaptées dans les territoires participant à l’expérimentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a du mal à comprendre l’intérêt d’une disposition qui ressemble fort à un cavalier. En effet, il est prévu que les entreprises adaptées puissent passer une convention dans le cadre de l’expérimentation. En revanche, pour celles qui ne conventionneraient pas, nous nous interrogeons sur le lien à établir entre l’augmentation possible de l’effectif de l’indice de référence et la contractualisation. C’est la raison pour laquelle la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le sénateur, je partage votre position : cette expérimentation doit absolument inclure une action en direction des demandeurs d’emploi de longue durée en situation de handicap. Il est normal que cette population puisse en bénéficier. Cependant, je ne pense pas que ce soit en augmentant l’effectif de l’indice de référence que l’on accroîtra la part relative aux entreprises adaptées.

La situation des personnes handicapées au regard de l’accès au marché du travail est intolérable. C’est pourquoi, dans le secteur non marchand, nous avons porté de 10 % à 15 % l’effectif des personnes en situation de handicap dans le secteur des emplois aidés, car nous avons des difficultés à leur permettre d’accéder au marché du travail. C’est aussi pourquoi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, j’ai augmenté de 500 le nombre d’aides aux postes dans les entreprises adaptées et le Gouvernement entend bien poursuivre dans cette voie.

Néanmoins, il ne faut pas trop figer les choses : les personnes en situation de handicap pourront bénéficier de l’expérimentation, mais cela n’a pas véritablement de lien avec les aides qui peuvent par ailleurs être apportées aux entreprises adaptées.

M. Daniel Chasseing. Dans ces conditions, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.

Chapitre III

Dispositions transitoires et finales

Article additionnel après l'article 5
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 7 (Texte non modifié par la commission)

Article 6

(Suppression maintenue)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 7

(Non modifié)

Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme du délai mentionné à l’article 1er de la présente loi ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds mentionné à l’article 3, les entreprises mentionnées à l’article 4 reçoivent une notification du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée signifiant la fin de la prise en charge d’une partie des rémunérations dans le cadre de l’expérimentation.

Elles peuvent rompre tout ou partie des contrats de travail mentionnés au même article 4. Ce licenciement, qui est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique, repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse. Le fonds verse à l’employeur la fraction du montant de l’indemnité de licenciement fixée par la convention mentionnée à l’article 4.

Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

partie

par le mot :

fraction

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Première phrase

Au début, insérer les mots :

Dans ce cas,

2° Deuxième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce licenciement, qui repose sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique.

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans tous les autres cas, le licenciement intervient dans les conditions du droit commun.

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Cet amendement porte sur le licenciement des salariés d’une entreprise conventionnée. Il vise à limiter explicitement la reconnaissance par la loi d’un licenciement individuel pour motif économique au seul cas où ce licenciement serait consécutif à l’arrêt prématuré du versement à l’entreprise de l’aide financière par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Dans ce seul cas, le fonds financera une partie de l’indemnité de licenciement des salariés concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 7 ter

Article 7 bis

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application de la présente loi, notamment la méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, les modalités de fonctionnement et de gestion du fonds et des comités locaux mentionnés à l’article 3, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises mentionnées à l’article 4 et celles conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales habilités ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds mentionné à l’article 3.

Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. À la suite des dispositions adoptées à l’article 1er, cet amendement d’harmonisation vise à préciser que l’évaluation de l’expérimentation doit non pas être assurée par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée lui-même, mais revenir à un organisme indépendant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

habilités

par les mots :

participant à l’expérimentation

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, qui peut être dégressif dans le temps en fonction de la situation de l’entreprise, et les modalités de participation de l’État au fonds

La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Il s’agit d’un simple amendement de coordination, dont l’examen nous conduit à rappeler le principe même du fonctionnement de l’expérimentation.

L’objectif de cette expérimentation est que, au-delà de la phase d’amorçage, l’activité de l’entreprise ainsi créée devienne progressivement solvable. Ce but devrait être atteint, puisque les activités de l’entreprise seront déterminées à partir de l’évaluation de besoins identifiés sur le terrain, mais ne seront pas prises en charge par le secteur marchand.

Au fur et à mesure que l’activité se développe et génère un profit, l’entreprise peut prendre en charge directement la rémunération des salariés ; l’équilibre se met en place et le soutien financier du fonds peut être dégressif. Il est donc nécessaire de le préciser dans le décret d’application, tout comme il est nécessaire de préciser dans ce texte les modalités de participation de l’État. Il s’agit là d’une simple technique juridique, qui ne présage en rien le maintien du montant global de la participation de l’État, en rapport avec l’extension du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Ce matin, en commission, l’examen de cet amendement a donné lieu à un long débat, nourri par des incompréhensions sur la portée réelle du dispositif. Je tiens à rappeler que la disposition prévue n’ajoute rien à la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale : il s’agit uniquement d’un amendement de légistique, qui vise à réintroduire à l’article 7 bis, relatif aux modalités réglementaires d’application de la proposition de loi, les dispositions portant sur ce sujet qui ont été retirées des articles 4 et 5 par les amendements nos 15 rectifié et 18 rectifié.

Quel est son objet ? Le décret d’application devra prévoir les conditions de l’éventuelle dégressivité dans le temps non de la participation de l’État – ce qui était à l’origine du vote défavorable de la commission ce matin –, mais du montant de l’aide versée par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à chacune des entreprises conventionnées. Cette dégressivité est envisagée, parce que le but de l’expérimentation est bien de rendre solvables des activités nouvelles. Il est donc tout à fait possible d’envisager que, au bout d’un an ou de deux ans, la rentabilité de celles-ci s’améliore : dans ces conditions, le fonds n’aurait plus à compenser un différentiel aussi important qu’à l’origine entre le coût du salarié pour l’entreprise et le bénéfice qu’il lui permet de réaliser.

Je précise qu’il s’agit là d’un dispositif demandé par les associations impliquées dans l’expérimentation !

Enfin, il est prévu que le décret fixe « les modalités de participation de l’État au fonds », ce qui figurait à l’alinéa 4 de l’article 5. Il n’est pas ici question de prévoir, de manière détournée, un éventuel désengagement anticipé de l’État, qui abandonnerait les collectivités volontaires à leur propre sort – Mme la ministre a déjà donné toutes les précisions nécessaires en ce sens.

Par conséquent, mes chers collègues, bien que la commission ait émis un avis défavorable sur cet amendement ce matin, je vous demande de bien vouloir reconsidérer cette position à la lumière des explications que je viens d’apporter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Madame la rapporteur, j’entends bien les arguments que vous venez de développer. Il n’en reste pas moins que vous avez d’abord expliqué que cette disposition n’apportait rien à la proposition de loi. En même temps, depuis le début de nos discussions, on cherche à rassurer les collectivités sur le financement, mais on finit en nous expliquant que le principe de la dégressivité de l’aide de l’État sera inséré dans le texte, alors même qu’un décret en fixera les modalités. Pourquoi adopter cet amendement, si un décret fixant les règles du jeu est déjà prévu ?

Cette disposition me semble un mauvais signal. Si elle n’apporte rien de spécifique à la proposition de loi, pourquoi la faire figurer ?

Je le répète, nous avons besoin d’être rassurés et une telle précision, en fin de débat, nous dérange. La position défavorable adoptée par la commission ce matin me semble donc la bonne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Ce que je comprends, tout en me remémorant la discussion de ce matin, c’est que la disposition prévue à cet amendement n’apporte juridiquement rien de plus ou de moins au texte, mais elle l’éclaire. Peut-être aurions-nous dû avoir ce débat en début de séance, parce que certains collègues, dont Daniel Chasseing et Jean-Marie Vanlerenberghe, ont fait allusion aux emplois marchands privés. Telle est bien la finalité économique de la proposition de loi. Certes, il s’agit d’un texte d’innovation sociale, mais qui a aussi une logique économique, puisque nous voulons créer des emplois solvables par l’activité économique.

Ce matin, en commission, j’ai pris l’exemple des déchets – je ne recommence pas ma démonstration, il est trop tard –, produits gérés de manière associative voilà plus de trente ans, qui sont maintenant entrés dans un process quasi industriel avec des emplois marchands et souvent privés.

Voilà la logique du texte, et je voudrais vous en convaincre, mes chers collègues, pour vous faire revenir sur votre position. Ce n’est pas uniquement un texte d’innovation sociale ; cette proposition de loi a une logique économique, à savoir créer des emplois solvables. C’est ce que précise la disposition qui nous est soumise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je comprends bien les propos de Mme Bricq tendant à rassurer M. Mouiller et, comme ce matin en commission, à nous convaincre de voter en faveur de cet amendement.

Toutefois, je trouve dommage et malvenu, alors que l’examen de ce texte s’est bien passé jusqu’à présent, que l’on nous propose de viser dans le décret les modalités de participation de l’État au fonds en fin de discussion, alors que les collectivités territoriales sont déjà inquiètes concernant leurs finances. On pourrait simplement ajouter à la fin de l’article 7 bis : « qui peut être dégressif dans le temps en fonction de la situation de l’entreprise ».

Si cet amendement est adopté, cela ne nous empêchera pas de voter le texte, mais il suscite néanmoins des interrogations. Madame la ministre, pourriez-vous, comme je vous l’ai demandé lors de la discussion générale, nous garantir que les collectivités territoriales ne seront pas amenées à financer le dispositif en cas de désengagement de l’État ? Outre le fait que cela nous rassurerait, cela constituerait une réponse forte, conforme aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental, qui demande que le financement de ce dispositif soit inscrit dans une loi de finances.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous redonner lecture de l’article 7 bis, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, afin de vous permettre de bien comprendre la modification que tend à introduire l’amendement n° 23 rectifié : « Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application de la présente loi, notamment la méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, les modalités de fonctionnement et de gestion du fonds et des comités locaux mentionnés à l’article 3, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises mentionnées à l’article 4 et celles conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales habilités ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds mentionné à l’article 3. »

Le présent amendement vise simplement à compléter cet article par les mots : « , qui peut être dégressif dans le temps en fonction de la situation de l’entreprise, et les modalités de participation de l’État au fonds ».

M. Philippe Mouiller. Quel est l’intérêt ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Ce complément tend seulement à prévoir clairement que la participation du fonds peut être dégressive dès lors que l’emploi devient rentable.

Peut-être pourrions-nous supprimer la référence aux modalités de participation de l’État au fonds qui semble plus particulièrement poser problème, alors que Mme la ministre a été claire sur son engagement…

Mme Catherine Deroche. Ce serait bien !

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je sollicite son avis sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il était en effet important de redonner lecture de l’article 7 bis. L’amendement n° 23 rectifié rassemble quelques points figurant précédemment dans les articles 4 et 5. Il tend utilement à clarifier le fait que la subvention accordée par le fonds pourra être dégressive.

J’indique toutefois que cette dégressivité ne sera pas automatique, comme pouvait le laisser supposer le texte tel qu’il était initialement rédigé. Il s’agit de tenir compte du modèle économique de l’entreprise ayant passé une convention et de sa situation financière – tel est l’enjeu –, de faire en sorte que les activités deviennent pérennes et qu’elles n’aient plus besoin d’être subventionnées. Nous allons essayer de montrer que des dépenses actives permettent de donner un emploi viable à des chômeurs.

Il fallait éviter deux écueils : d’une part, une dégressivité automatique, afin de pouvoir laisser plus de temps à certaines activités, d’autre part, un financement par l’État et ses partenaires tout au long de l’expérimentation. À cet égard, la formulation proposée clarifie le fait que la dégressivité dépendra de la situation économique de l’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Nous avons abordé cette proposition de loi comme un texte d’expérimentation. Pour nous, il n’était pas du tout question de « surlégiférer » par rapport à ce qu’avait fait l’Assemblée nationale.

Mon groupe a simplement exprimé la crainte que la charge du dispositif ne bascule à un moment donné sur les collectivités territoriales. Force est de le reconnaître, le caractère dégressif de la participation de l’État au fonds est inquiétant. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne rassure ni les collectivités ni les entreprises. Nous y demeurons donc défavorables.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.

(L'article 7 bis est adopté.)

Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Article 8

Article 7 ter

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2016. – (Adopté.)

Article 7 ter
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Intitulé de la proposition de loi

Article 8

(Suppression maintenue)

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 24 rectifié est présenté par Mmes Emery-Dumas et Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 26 rectifié ter est présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Détraigne, Mme Gatel, M. Guerriau, Mme Jouanno et MM. Kern, Roche et Vanlerenberghe.

L'amendement n° 49 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Remplacer les mots :

faire disparaître

par le mot :

résorber

La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.

M. Éric Jeansannetas. S’il est bon d’être ambitieux, il n’est pas raisonnable d’être présomptueux ! Il ne serait pas digne du législateur de faire croire ou de laisser croire qu’il a trouvé une formule magique pour faire disparaître le chômage de longue durée. D’ailleurs, personne ne le croirait !

Nous savons que les chômeurs de longue durée sont les personnes les plus en difficulté, celles qui doivent particulièrement bénéficier d’un accompagnement adapté à leur réinsertion dans l’activité économique et dans l’emploi. Il s’agit d’une œuvre de longue haleine, exigeant la mobilisation de tous. Nous en prenons dans cette enceinte modestement notre part en permettant à l’initiative de grandes associations et des partenaires locaux de se développer pleinement.

Il est bien évident que le présent texte ne permettra pas de faire disparaître le chômage de longue durée – nous n’avons pas d’illusion sur ce point –, mais nous avons l’espoir de parvenir à le contenir et, progressivement, à le réduire et à le résorber. Nous voulons partager cet espoir avec tous ceux qui vivent cette situation ou craignent de la vivre un jour.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de modifier l’intitulé de la proposition de loi en remplaçant le mot : « disparaître » par le mot : « résorber ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié ter.

M. Jean-Marc Gabouty. Mon amendement étant identique au précédent, mes explications seront sensiblement les mêmes.

Certains auraient bien sûr préféré que l’on utilise les termes « diminuer » ou « réduire », mais ces mots pouvant être accompagnés d’un pourcentage, ils pourraient être tournés en ridicule. Ils n’étaient donc pas appropriés. En effet, réduire le chômage de 0,5 %, c’est effectivement le diminuer…

Le terme « résorber » répond, lui, à l’objectif ambitieux, même si ce dernier est un peu irréaliste, de réduire le plus possible le chômage de longue durée. Il s’agit de fixer un cap. Par ailleurs, il indique bien que la réduction sera progressive, ce qui est bien plus réaliste. Ce terme peut susciter un consensus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 49 rectifié.

Mme Hermeline Malherbe. Pour ma part, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur et la commission des affaires sociales d’avoir entendu mon cri d’alarme sur ce sujet avant l’interruption de nos travaux pour les fêtes de fin d’année. Il ne faut pas faire croire n’importe quoi aux chômeurs de longue durée. Certes, on a besoin et raison d’être ambitieux sur un tel sujet, c’est important. Il est intéressant de vouloir faire disparaître le chômage de longue durée, mais il faut faire attention à la manière de formuler les choses. Il y aura de la communication sur ce texte, du moins je le souhaite. Il ne faudrait pas, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, provoquer de la frustration, de l’insatisfaction et, une fois de plus, du désespoir.

J’espère que ces amendements identiques seront adoptés à une grande majorité, voire à l’unanimité, même si je sais que certains préfèrent la notion de réduction, sur laquelle je ne reviendrai pas, Jean-Marc Gabouty venant de l’évoquer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission est favorable à ces trois amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Je comprends tout à fait les arguments qui viennent d’être avancés et je pense qu’il revient à cette assemblée de décider de l’intitulé de cette proposition de loi.

Je profite de ma dernière intervention pour remercier Mme la rapporteur du travail qu’elle a effectué sur ce texte, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de la tenue de ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Si la question du chômage de longue durée n’était pas si dramatique pour les personnes concernées, le débat sur l’intitulé de la proposition de loi prêterait à sourire.

Je tiens à signaler à mon collègue qui m’a interpellé tout à l’heure que je suis également un entrepreneur, mais que je me paie non pas de mots, mais de résultats. Comme vous, je vis sur une île, où le taux de chômage est non pas de 30 %, mais de 5 %. D’autres politiques économiques sont donc possibles ; d’autres organisations du travail permettent d’obtenir de tels résultats. Je vous le dis sans rire : c’est cette efficacité que je veux apporter à mon pays.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié, 26 rectifié ter et 49 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Par ailleurs, je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Vote sur l'ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Le groupe UC-UDI s’est investi dans l’examen de ce texte en ayant la volonté de l’améliorer sans en trahir ni l’esprit ni les objectifs.

L’échantillon de dix territoires nous paraît cependant trop limité pour pouvoir tirer des enseignements pertinents du dispositif proposé. Il nous semble également antinomique de refuser l’ouverture du dispositif, laquelle aurait pu être contingentée, au secteur marchand, alors que ce mécanisme lui sera étendu si l’expérimentation est positive. Comment une telle extension sera-t-elle possible, alors qu’aucune expérimentation n’aura été effectuée au préalable en l’espèce ? Il y a une certaine contradiction dans la démarche.

Enfin, maintenir une durée d’expérimentation de cinq ans ne permettra pas de garantir la réactivité nécessaire à ce type de dispositif. Or ce point nous paraissait essentiel.

Cela étant dit, la grande majorité de mon groupe approuvera ce texte, compte tenu de l’objectif poursuivi et de sa volonté de laisser une chance à ce type d’expérimentation. Toutefois, en faisant de tels choix en matière de gestion et de durée, on n’est sans doute pas près d’inverser la courbe du chômage de longue durée !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je tiens à remercier à la fois Mme la rapporteur de son travail et le Gouvernement. Si le texte est d’origine parlementaire, le Gouvernement y a apporté sa contribution. C’est là une coproduction dont on ne peut que se féliciter.

Je veux aussi remercier la majorité sénatoriale de son soutien à cette proposition de loi. Elle a compris l’enjeu. Nos concitoyens attendent de nous que, sur des textes, nous arrivions à nous mettre d’accord pour un objectif commun. Il s’agit de retrouver des majorités d’idées, et ce n’est pas si fréquent.

Oui, monsieur Cadic, il est anormal que la France ait un taux de chômage aussi élevé. Dans un hebdomadaire paru la semaine dernière, le macroéconomiste Olivier Blanchard, qui était encore récemment chef économiste au Fonds monétaire international, considère que ce taux pourrait être ramené à 8 % et qu’une réforme du marché du travail permettrait de le ramener à 5 %.

J’attends beaucoup des propositions législatives qui nous seront faites prochainement. Nous nous retrouverons certainement à vos côtés, madame la ministre, pour en débattre au Sénat.

Il ne faut pas forcément mettre en concurrence l’innovation sociale et les logiques purement économiques, fussent-elles macroéconomiques – je me rappelle votre intervention ce matin, monsieur Vanlerenberghe –, il faut les mener de pair. C’est le sens de ce texte, qui fait confiance aux territoires, à l’expérimentation, à l’innovation et qui introduit un cadre très clair pour l’évaluation. Nous avons, je le crois, fait œuvre utile ensemble cette nuit.

M. Jean-Marc Gabouty. Je suis bien d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Nous sommes relativement satisfaits du débat qui a eu lieu ce soir.

L’enjeu de ce texte, c’est d’utiliser l’argent qui est investi dans l’aide sociale au bénéfice des chômeurs de longue durée afin de leur permettre de bénéficier d’un emploi en CDI. Il s’agit d’avoir une approche différente du chômage de longue durée, en donnant aux personnes concernées la possibilité de retourner vers l’emploi, dans un environnement sociétal qui répond davantage à leurs attentes et à leurs aspirations.

Au-delà, les discussions ont apporté des réponses à plusieurs de nos interrogations. Mais si le groupe Les Républicains est favorable à ce texte – le message a été entendu, madame la ministre –, celui-ci n’est qu’un élément du processus, et nous attendons beaucoup des futures mesures économiques en faveur de l’emploi. L’urgence est générale, je tenais, en conclusion, à rappeler ce point essentiel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Je compléterai simplement ce qui vient d’être dit de part et d’autre.

Nous aurions souhaité, sur certaines dispositions, que cette proposition de loi aille plus loin. Je regrette notamment ces expériences limitées à dix. Cela étant, les débats ont été riches, et en votant ce texte, qui constitue une expérimentation, nous allons de l’avant.

Je félicite moi aussi Mme la rapporteur pour la tenue de ces débats. Ils nous ont permis d’avancer franchement les uns et les autres et de nous mettre en ordre de bataille pour continuer à progresser dans cette démarche. Nous savons en effet que nous devrons bientôt travailler sur des textes concernant l’emploi.

J’insiste tout particulièrement, comme d’autres – peut-être moins ce soir –, sur les très petites entreprises, les artisans et un certain nombre de petits commerçants qui sont aussi fortement touchés dans nos territoires et qui ont très souvent envie d’embaucher leur premier ou leur deuxième salarié.

Nous voici donc en ordre de marche pour travailler sur ces sujets au bénéfice de nos concitoyens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Je veux dire à mon tour le plaisir que je ressens à voir ce texte sur le point d’être adopté à la quasi-unanimité. Sans doute est-ce le résultat, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, de l’association du terrain et du Parlement à l’écriture de cette proposition de loi, que le débat parlementaire a encore permis d’enrichir.

Ce résultat est aussi dû à Mme la rapporteur, Anne Emery-Dumas, dont les efforts ont beaucoup contribué à nous donner une vision positive de ce texte. Je tiens à l’en remercier, ainsi que la commission, bien sûr, et son président.

Les amendements qui nous inquiétaient, dont j’ai parlé lors de la discussion générale, ayant été repoussés, certains des nôtres adoptés, nous sommes heureux de voter cette proposition de loi telle qu’elle ressort de nos travaux.

Néanmoins, mes chers collègues – cela a été indiqué –, il ne faut pas non plus faire dire à ce texte plus que ce qui y est écrit. Cette proposition de loi n’a pas vocation à réduire à néant le chômage de longue durée sur l’ensemble du territoire. En ce sens, la modification de son intitulé, en ramenant ce texte à un peu plus de modestie, est sage, car il ne faudrait pas apporter de l’insatisfaction aux personnes qui souffrent de ce fléau qu’est le chômage de longue durée.

Nous faisons œuvre utile, car toute mesure susceptible de combattre ce chômage est positive, même si seuls quelques milliers de cas sont concernés. Donner de l’emploi à deux à trois mille chômeurs de longue durée, comme l’indiquait Mme la rapporteur, c’est bien, mais je suis persuadée que c’est quand même au secteur marchand de créer des emplois.

Il est nécessaire – et le groupe CRC est très souvent porteur de propositions en ce sens – de redonner à notre pays une industrialisation forte et de prendre de vraies mesures pour l’emploi qui ne soient pas seulement des dispositions en faveur des entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. N’attendons quand même pas de cette proposition de loi qu’elle résorbe le chômage de longue durée !

Mme Nicole Bricq. C’est évident !

M. Daniel Chasseing. Certes, c’est un petit plus. Je me félicite que nous soyons nombreux à soutenir ce texte et je remercie Mme la rapporteur.

Cependant, je regrette que, dans l’immédiat, le secteur marchand n’y soit pas associé. J’espère qu’il le sera à l’avenir.

J’espère également que ce texte créera, dans certains territoires ruraux, que je connais bien, une dynamique territoriale. La mise en œuvre d’une telle dynamique nécessiterait effectivement, comme l’a dit Mme Malherbe, l’intégration des artisans et des commerçants, qui ont très peu de marges de manœuvre pour embaucher. Certains, même s’ils peuvent le faire, hésitent à recruter, notamment des chômeurs de longue durée, parce qu’ils ont parfois quelques a priori, mais surtout parce que les charges sont fortes et la flexibilité réduite.

L’intégration du secteur marchand, je le répète, aurait été un atout supplémentaire pour favoriser une dynamique dans les territoires qui vont être retenus.

Bien sûr, je vais voter ce texte, qui sera utile dans mon département et dans ma commune.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée
 

11

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
Discussion générale (suite)

Lutte contre le gaspillage alimentaire

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (proposition n° 245, texte de la commission n° 269, rapport n° 268).

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devrons suspendre l’examen de ce texte au terme du délai de quatre heures réservé au groupe socialiste et républicain, soit à une heure du matin.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, Ségolène Royal s’est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. C'est la raison pour laquelle, avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, elle avait demandé à Guillaume Garot de lui remettre un rapport sur le sujet au premier semestre 2015.

Les constats faits dans ce rapport étaient particulièrement préoccupants.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime qu’un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde. Cela représente 1,3 milliard de tonnes par an, ce qui équivaut à plus de 160 kilogrammes par an et par habitant.

La FAO considère que le gaspillage alimentaire est le troisième émetteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis.

Vingt kilogrammes de nourriture par an et par habitant sont ainsi jetés à la poubelle par les ménages, dont sept kilogrammes de nourriture encore emballée. Le chiffre de vingt kilogrammes est d'ailleurs sous-estimé. La réalité du gaspillage, au vu des résultats d’études complémentaires, se situe vraisemblablement à plus de trente kilogrammes par habitant.

La quantité des déchets ménagers générée par le gaspillage alimentaire est très importante, alors que le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a fait de la prévention des déchets un axe essentiel de sa politique. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit ainsi une réduction de 10 % des déchets par personne et par an en 2020 par rapport à 2010.

Enfin, le gaspillage alimentaire est profondément injuste, car il touche surtout les familles les plus démunies, qui se laissent abuser par des dates limites de consommation qui, pour certains produits, ont été sous-estimées, conduisant souvent ces familles à jeter des produits encore consommables.

Guillaume Garot, après avoir auditionné l’ensemble des acteurs responsables de la chaîne de production et de consommation des aliments – agriculteurs, transformateurs, distributeurs, associations de consommateurs, associations habilitées à délivrer des dons alimentaires – a émis des propositions innovantes.

Il propose d’interdire la javellisation des produits alimentaires par la grande distribution.

Il préconise également de rendre le don de produits invendus obligatoire à toute association habilitée qui en ferait la demande.

Il souhaite par ailleurs permettre aux industriels de l’agroalimentaire de donner à des associations caritatives des produits non conformes, mais encore consommables.

Il recommande aussi d’élargir la défiscalisation aux produits agricoles transformés.

Enfin, une autre de ses propositions est d’instaurer une hiérarchie de la prévention du gaspillage alimentaire, en adaptant au mieux la production agricole.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte comprend déjà des dispositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

Elle prévoit ainsi la mise en place de plans de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective publique avant le 1er septembre 2016. Le guide intitulé Comment réduire le gaspillage alimentaire au sein de sa restauration collective ?, destiné à aider les collectivités à mettre en œuvre ce plan, a été publié à la fin de l’année dernière.

A également été instituée la suppression des dates limites d’utilisation optimale des produits non périssables.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte adopté par le Parlement comprenait d’autres dispositions, directement issues du rapport de Guillaume Garot.

Était ainsi prévue l’interdiction de rendre délibérément impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation les invendus alimentaires encore consommables.

Une autre de ses dispositions était la suppression des stipulations contractuelles faisant obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée.

L’instauration d’une convention précisant les modalités de don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire avait également été adoptée afin de mieux encadrer ces pratiques.

Figurait enfin dans le texte l'obligation pour les commerces alimentaires de proposer à une ou plusieurs associations de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures n’ont pas pu être promulguées avec le reste des dispositions figurant dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour des raisons de procédure.

Le 27 août dernier, Ségolène Royal a donc signé une convention avec la grande distribution pour anticiper la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures.

De nombreux parlementaires, sur tous les bancs ou les travées, ont alors exprimé le souhait que les dispositions votées à l’unanimité des deux chambres puissent être reprises dans une proposition de loi.

De plus, les distributeurs eux-mêmes avaient indiqué que certaines mesures prévues par la convention signée le 27 août nécessitaient des adaptations législatives pour être applicables. C’est notamment le cas de la responsabilité du donateur lorsqu’un produit de marque de distributeur est ainsi distribué gratuitement à une association caritative habilitée par le fabricant du produit.

Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, l’un des grands objectifs de cette proposition de loi est avant tout de faciliter, d’encourager le don de produits invendus encore consommables. De ce fait, de nouveaux moyens devront être mis à la disposition des milliers de bénévoles actifs dans les associations habilitées à effectuer des dons de produits alimentaires.

Au mois de décembre dernier, Ségolène Royal a ainsi transmis un questionnaire à ces associations pour qu’elles expriment leurs besoins prioritaires et que le Gouvernement puisse leur fournir les moyens nécessaires.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ferez de la France l’un des pays les plus en pointe en matière de gaspillage alimentaire en adoptant ce texte.

L’Union européenne, quant à elle, commence enfin à se préoccuper du sujet. Dans le paquet économie circulaire remis le 2 décembre dernier, la Commission européenne prévoit la mise en œuvre de plans d’action dans ce domaine. Elle envisage également de s’attaquer au cadre juridique des dates limites d’utilisation optimale des produits. En effet, seule une liste très limitée de produits non périssables peut se passer de l’obligation d’apposer ce type de mention, ce qui conduit souvent les familles, notamment les plus modestes, à jeter des produits encore parfaitement consommables.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Dans un monde où l’homme exploite sans vergogne les ressources naturelles, le gaspillage des ressources, quelles qu’elles soient, n’est plus tolérable ! Des initiatives sont lancées partout dans le monde pour lutter contre un tel gaspillage, mais aussi contre la surexploitation des océans ou la déforestation.

En adoptant ce texte à une semaine de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, vous contribuerez également, mesdames, messieurs les sénateurs, à la préservation des ressources naturelles de notre planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Chantal Jouanno, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été cosignée par plus de trois cents députés et a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier.

En réalité, elle reprend des dispositions qui avaient été introduites en deuxième lecture dans la loi relative à la transition énergétique et que le Sénat avait déjà adoptées. Seulement, le Conseil constitutionnel les avait censurées pour des raisons de pure forme.

Ce texte, relativement court et en apparence assez simple, pose en réalité des questions complexes.

La première d’entre elles concerne la définition du gaspillage alimentaire. Celui-ci commence-t-il à partir du moment où des légumes sont laissés dans les champs parce qu’ils ne correspondent pas aux calibres souhaités par les distributeurs ou par les transporteurs ? Ou faut-il considérer qu’il n’y a gaspillage alimentaire qu’à compter d’un stade plus lointain de la chaîne de production ?

Guillaume Garot, dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre au mois d’avril 2015, a adopté une définition du gaspillage alimentaire qui me semble très claire. Il s’agit de « toute nourriture destinée à la consommation humaine, qui à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Cette étape peut correspondre à la production, au transport, à la logistique, à la distribution, ou même à la consommation.

Sur le fondement de cette définition, certains chiffres dont on dispose montrent l’ampleur du problème. En 2007, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a ainsi évalué que ce gaspillage représentait vingt kilogrammes par personne dans notre pays, dont sept kilogrammes de nourriture non déballée, et cela parce que les dates de péremption sont généralement dépassées !

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est gaspillé, perdu ou jeté entre le champ et l’assiette à l’échelle internationale. Cela pousse souvent la FAO à affirmer que, aujourd’hui, nous avons en réalité très largement la capacité de nourrir la population de la planète entière.

Dans un contexte post-COP 21, il me semble également intéressant de souligner les incidences du gaspillage en termes de gaz à effet de serre, puisque les produits gaspillés représentent 3,3 gigatonnes d’équivalent carbone. Si le gaspillage alimentaire était un pays, ce serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre !

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Chantal Jouanno, rapporteur. La proposition de loi qui nous occupe ce soir, et qui va probablement nous occuper une autre soirée, vise plutôt la grande distribution.

Pour autant, n’oublions pas que celle-ci n’est qu’un maillon de la chaîne du gaspillage dont le principal maillon reste les ménages. Viennent ensuite la restauration hors domicile et la distribution en grande et moyenne surface.

Le gaspillage alimentaire est un problème économique, environnemental et social, mais c’est surtout un problème éthique.

Tout d’abord, il renvoie à la pauvreté économique. Je l’ai déjà dit lorsque j’ai précisé que nous aurions en théorie les moyens de nourrir toute la planète.

Ensuite, il renvoie aussi à la pauvreté intellectuelle. En effet, le gaspillage est finalement le signe d’une société qui considère l’abondance, le superflu et la surconsommation comme une fin en soi. De surcroît, aujourd’hui, il est nécessaire de redonner une juste valeur aux produits alimentaires. Nous sommes submergés par les messages publicitaires sur la nécessité de tirer le prix de tous les produits, y compris les produits alimentaires, vers le bas. En conséquence, la part de l’alimentation dans le budget des ménages est passée de 35 % en 1960 à 20 % en 2014. Autre effet : on ne rémunère plus les agriculteurs au juste prix de la production. On ne leur permet donc plus non plus de fournir des produits de qualité. En définitive, les prix sont tellement bas que jeter devient pour certains un acte tout à fait anodin !

J’en arrive plus précisément au contenu de cette proposition de loi, qui reprend les conclusions du rapport de Guillaume Garot sur le gaspillage alimentaire.

L’article 1er définit une hiérarchie en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire qui commence par la prévention de ce gaspillage, passe ensuite par la valorisation destinée à l’alimentation animale, et aboutit enfin à l’utilisation des invendus pour fabriquer du compost ou produire de la méthanisation. Cette hiérarchie s’inspire de la directive européenne relative aux déchets que l’on connaît relativement bien dans cet hémicycle. Elle s’applique à tous les maillons de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur, en passant par les distributeurs et les associations.

Par ailleurs, l’article 1er interdit la javellisation des invendus encore propres à la consommation que pratiquent certains restaurants ou des enseignes de la grande distribution. À cet effet, il crée une sanction lourde en établissant une amende de 3 750 euros par infraction constatée, c’est-à-dire par poubelle javellisée.

En outre, cet article lève les obstacles au don de produits vendus sous marque de distributeur, ce qui constitue un enjeu de responsabilité assez technique.

Enfin, point important et qui nous occupera certainement longtemps, il formalise les pratiques de don en vigueur en imposant qu’une convention de don soit établie entre le distributeur et l’association caritative, afin d’en négocier toutes les modalités, et ce dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit non pas d’une obligation de donner – les associations n’en veulent d’ailleurs pas, car elles craignent de devenir le « déversoir » des invendus de la grande ou de la moyenne distribution –, mais d’une obligation de s’engager dans la démarche et de proposer au moins la reprise des invendus.

L’article 2 transfère la responsabilité des produits défectueux du distributeur vers le fournisseur, dans le cas où ce dernier réalise un don de denrées sous marque de distributeur que le distributeur ne souhaite pas commercialiser pour des raisons autres que sanitaires. En d’autres termes, en cas de problème d’étiquetage – par exemple, l’étiquetage est en italien alors que vous êtes en France –, vous ne pouvez pas donner vos produits pour des raisons de responsabilité. Avec l’adoption de ce texte, cela deviendra désormais possible.

L’article 3 complète l’information et l’éducation à l’alimentation dans les écoles en prévoyant un volet sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. À cet égard, il faut noter que de nombreuses collectivités locales se sont déjà engagées dans cette voie.

Enfin, l’article 4 précise le contenu du rapport sur la responsabilité sociale et environnementale publié chaque année par les entreprises cotées.

À l’unanimité, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter conforme cette proposition de loi.

Il s’agit tout d’abord d’une question de cohérence, puisque nous avons voté ce dispositif dans des termes strictement identiques voilà à peine six mois.

Par ailleurs, il nous est apparu urgent d’adopter ce texte, car le calendrier parlementaire est relativement chargé dans les mois à venir, monsieur le secrétaire d’État. L’adoption de cette proposition de loi avant la fin de cette année par l’Assemblée nationale est peu probable si nous ne l’adoptons pas rapidement.

Enfin, les leviers qu’il reste à mobiliser pour poursuivre la lutte contre le gaspillage alimentaire ne sont pas nécessairement législatifs. Beaucoup d’aspects relèvent en effet du Gouvernement et de mesures réglementaires.

Je souhaite maintenant évoquer un point particulier, qui est régulièrement soulevé par nos interlocuteurs, à savoir la réduction d’impôt dont bénéficient les agriculteurs lorsqu’ils font des dons de produits agricoles. Ce dispositif existe déjà pour les dons de lait ou de légumes frais. En revanche, certains produits agricoles doivent être transformés, ce qui a un coût et génère un transfert de propriété. Pour prendre un exemple, les fruits peuvent être transformés en compote ou en jus de fruit. Toutefois, il est nettement plus difficile de donner des animaux sur pied, car une association ne saurait qu’en faire ! Il est alors nécessaire de les transformer. Des discussions sont en cours à Bercy pour que les agriculteurs aient la possibilité de bénéficier de réductions d’impôt dans de tels cas.

Compte tenu des amendements déposés, le dernier point que je souhaite aborder correspond à une réelle préoccupation de la commission : il s’agit de la question du coût éventuel de la mesure pour les collectivités territoriales.

Les collectivités locales souhaiteraient que les produits invendus, s’ils sont donnés en trop grand nombre aux associations, ne se retrouvent pas par la suite dans le circuit du service public de gestion des déchets. En d’autres termes, elles ne veulent pas payer le traitement de déchets qui est aujourd’hui pris en charge par les distributeurs.

Théoriquement, ce risque est assez limité si les conventions signées sont bien calibrées. En effet, les associations elles-mêmes ne veulent pas crouler sous les invendus. Néanmoins, nous avons maintenu nos amendements pour l’examen du texte en séance publique, parce qu’il s’agit là d’une préoccupation réelle, qui est soulevée par de nombreuses associations et collectivités.

Nous aimerions enfin obtenir des garanties de la part du Gouvernement sur les dispositifs d’évaluation de cette proposition de loi et sur les différentes clauses de revoyure qui nous permettraient éventuellement d’en corriger la rédaction si jamais l’on venait à constater de telles dérives.

En conclusion, je tiens à souligner que le présent texte a obtenu le soutien unanime de la commission, tout comme les dispositions similaires qui avaient été examinées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique avaient reçu un accueil unanime dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur d’avoir présenté, comme toujours, avec beaucoup de compétence et de conviction la proposition de loi que nous examinons ce soir. Vous ne serez pas étonnés, je pense, que mon intervention vienne en appui de la sienne. J’exprimerai ainsi la position très consensuelle des membres de la commission.

Comme l’a rappelé Chantal Jouanno, nous avons adopté cette proposition de loi à l’unanimité, suivant en cela la position de l’Assemblée nationale, qui a elle-même unanimement adopté ce texte le 9 décembre dernier.

Je voudrais rappeler que notre collègue du groupe UDI-UC, Mme Nathalie Goulet, avait initialement déposé une proposition de loi très proche de celle que nous étudions ce soir, et ce dès le mois d’août dernier, lorsque le Conseil constitutionnel avait annulé les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte portant sur le gaspillage pour des questions de procédure et en application de la règle de l’entonnoir.

Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale pour des raisons de calendrier et d’efficacité. Néanmoins, cette convergence d’initiatives montre bien l’importance qu’il y a à traiter ce sujet sans tarder.

Le gaspillage alimentaire est en effet loin d’être anecdotique. Il s’agit d’un phénomène de grande ampleur. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime que la quantité de nourriture perdue ou gaspillée à l’échelle de la planète s’élève à 1,3 milliard de tonnes par an, ce qui représente plus de 1 000 milliards de dollars de nourriture inutilisés !

En France, l’ADEME indique qu’au moins 20 kilogrammes de nourriture sont jetés par an et par personne, ce qui porte le coût du gaspillage alimentaire entre 100 et 160 euros par an et par personne et, pour l’ensemble du pays, entre 12 et 20 milliards d’euros.

Ces montants, considérables, forcent à réfléchir et, surtout, à agir, car, nous le savons bien, certaines parties du globe connaissent des famines et, dans notre pays aussi, de véritables situations de pauvreté alimentaire sont rencontrées.

Par ailleurs, les difficultés que le réchauffement climatique fait naître en matière de sécurité alimentaire et la limitation des ressources naturelles de la planète incitent à une préservation de ces dernières. Il y a là une priorité.

Pour toutes ces raisons, nous devons fortement réduire le gaspillage alimentaire, bien sûr sur notre territoire, mais aussi, au-delà, à l’échelle mondiale.

Dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été inscrite parmi les piliers de l’économie circulaire, celle-ci étant désormais consacrée comme l’un des objectifs de la transition énergétique.

Cette inscription dans notre droit est tout à fait positive ; il reste maintenant à la mettre en œuvre. Cela appelle une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire : producteurs agricoles, industries agroalimentaires et, bien sûr, la grande distribution et les restaurations collective et commerciale. Cela nécessite aussi un fort engagement des collectivités locales et des élus, pour inciter et faciliter les évolutions indispensables. Néanmoins, il ne faudrait pas que, une fois de plus, toute la responsabilité de ces évolutions retombe sur nos collectivités ou que ces dernières fassent les frais de mauvaises coordinations entre la grande distribution et les associations.

En réalité, rien ne pourra se faire sans un véritable changement des comportements, individuels, en particulier, mais aussi collectifs.

Nous vivons dans une société de consommation et le temps est bien loin où l’on élevait les enfants en leur apprenant à respecter la nourriture, à ne pas gaspiller le moindre quignon de pain. L’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire constitue donc une dimension tout à fait essentielle, et je me réjouis que la proposition de loi comporte une disposition en ce sens.

Par cette initiative, les parlementaires veulent donner un signal très fort. De nombreux intervenants de la chaîne alimentaire sont prêts à s’engager et je crois, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement devra garantir un suivi de ces efforts en mettant en place des indicateurs précis et pertinents pour mesurer plus finement ce que le gaspillage alimentaire recouvre et accompagner judicieusement les démarches des élus et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, voici une proposition de loi qui semble découler du bon sens… Pourtant, qu’elle fut longue à parvenir jusqu’à notre assemblée ! Cela étant, je voudrais aujourd’hui saluer son caractère transpartisan et consensuel.

Le gaspillage alimentaire est emblématique des dérives de notre société de consommation. Il met en lumière le caractère limité de nos ressources et l’importance de leur préservation. Un tel combat ne peut recueillir qu’une franche unanimité sur les travées de la Haute Assemblée.

Tout le monde s’accorde à le dire, le gaspillage alimentaire est un fléau, et les chiffres donnent le tournis. Rien qu’en France, entre 20 et 30 kilogrammes de nourriture, dont 7 kilogrammes encore parfaitement emballés, sont jetés par personne et par an, soit, sur le plan économique, un coût estimé entre 12 et 20 milliards d’euros chaque année.

C’est aussi un enjeu écologique crucial, le gaspillage alimentaire représentant l’équivalent du troisième émetteur de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis.

Il y avait donc urgence à agir, tant les enjeux de cette proposition de loi sont multiples : économiques et sociaux, bien sûr, mais également écologiques et éthiques. Comment penser, en effet, qu’une société fonctionne correctement quand elle dilapide des tonnes de nourriture saine tous les ans, alors que, dans le même temps, trop de personnes peinent à se nourrir convenablement ?

Mme Mireille Jouve. Devant l’ampleur de ce scandale, il fallait réfléchir à nos comportements et structurer le cadre des bonnes pratiques déjà existantes.

C’est ainsi que l’article 1er de cette proposition de loi inscrit dans le code de l’environnement une hiérarchie bienvenue dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, allant de la prévention à la méthanisation.

Chaque acteur de la chaîne alimentaire est responsabilisé par les actions qu’il doit s’engager à mener afin de lutter contre la gabegie alimentaire, la valorisation des surplus alimentaires s’accompagnant d’une généralisation des dons alimentaires de la moyenne et grande distribution vers les associations caritatives, dans le cadre d’une convention qui organisera les modalités du don. L’élaboration de cette convention, qui devra être signée avant le 1er juillet 2016, répond à une demande des associations.

Dans le cadre de cet article 1er, des sanctions sont également prévues pour les distributeurs rendant les produits impropres à la consommation.

L’interdiction de ce que l’on appelle plus communément la « javellisation » n’allait pas du tout de soi, puisque certains distributeurs continuaient d’asperger d’eau de Javel leurs produits invendus, comme l’a mis en évidence, avec humour et lucidité, le film Discount de Louis-Julien Petit, sorti au cinéma voilà tout juste un an.

Le frein juridique que posait le régime des produits sous marque de distributeur – c’est-à-dire la responsabilité juridique des producteurs – est également levé par l’article 2 de la proposition de loi. Cela permettra aux producteurs de faire, eux aussi, des dons réglementés aux associations, plutôt que de devoir jeter les produits refusés, pour diverses raisons, par les supermarchés.

Si ces mesures s’avèrent indispensables, elles ne sauraient épuiser le champ de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Ce sont avant tout les usages des consommateurs qu’il faut regarder et changer en profondeur. Les ménages jettent chaque année 6,5 millions de tonnes de produits encore consommables, contre 2,3 millions de tonnes pour la distribution. À ce titre, il est essentiel d’éduquer contre les méfaits de cette dilapidation d’une ampleur considérable.

Il faut donc saluer l’inscription dans le parcours scolaire d’une sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire, inscription prévue à l’article 3 du texte. On le sait, en matière d’innovation, ce sont souvent les enfants qui mettent leurs parents à la page. Pour atteindre l’objectif fixé, il faut redonner de la valeur à l’alimentation, ce qui peut passer par la connaissance de l’origine des produits ou encore de la manière dont ils sont transformés ou dont on peut les cuisiner.

Pour sensibiliser les consommateurs et offrir des solutions à ceux qui ne savent pas quoi faire de produits périssables qu’ils ne pourront pas utiliser, nous pourrions, en outre, nous inspirer de nos voisins allemands. Depuis bientôt deux ans, des réfrigérateurs en libre-service ont été installés par les bénévoles d’une association berlinoise dans les rues de la ville. Grâce à une plateforme internet, les consommateurs peuvent déposer dans ces appareils de la nourriture qu’ils ne pourront pas consommer ; chacun est ensuite libre de venir se servir.

De façon plus réaliste et plus immédiate, il faudrait peut-être encourager davantage la pratique du doggy bag qui, pour des raisons culturelles, peine à se mettre en place en France. La restauration gaspille chaque année 1,5 million de tonnes de nourriture. Une grande campagne en ce sens ne paraîtrait pas superflue.

La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc un combat contre l’absurde et la France, grâce au volontarisme de cette proposition de loi, est à l’avant-garde de ce combat. Ce n’est pas anodin pour une culture accordant une telle importance à la gastronomie !

En espérant que l’adoption de ce texte entraînera nombre d’autres pays européens dans son sillage et les poussera à progresser sur le sujet, les membres du groupe du RDSE, dans leur ensemble, soutiendront la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte dont nous avons l’honneur de débattre aujourd’hui doit tous nous rassembler sur ces travées. Il est effectivement l’aboutissement d’un travail important d’associations comme la Croix-Rouge ou Action contre la faim et de plusieurs parlementaires que je veux saluer ici : Jean-Pierre Decool, Guillaume Garot, Frédéric Lefebvre, Nathalie Goulet. Je citerai enfin M. Arash Derambarsh, qui a travaillé sur le sujet dans sa ville de Courbevoie, sensibilisant l’opinion sur cette question par ses actions et sa pétition signée par 750 000 personnes. Son rôle a donc été essentiel.

Au mois de mars 2015, j’avais interrogé le Gouvernement sur ce problème du gâchis alimentaire. Je souhaitais qu’il agisse en urgence, car nombre de nos concitoyens ne pouvaient attendre plus longtemps. Il était primordial de disposer d’une loi permettant, enfin, la distribution des produits invendus aux personnes qui en ont le plus besoin, et incitant encore plus les supermarchés à s’engager dans cette voie.

Dans le même esprit, j’avais déposé en avril dernier un amendement au projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de permettre aux supermarchés de distribuer les invendus alimentaires à des associations.

Cela a été évoqué, le Conseil constitutionnel a invalidé ces dispositions de la loi. Je n’ai donc pas hésité à signer la proposition de loi déposée alors par Nathalie Goulet.

Le présent texte, issu d’un rapport sur la lutte contre le gaspillage, a été adopté à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale. Dans le même sens, il a été adopté sans modification par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, au sein de laquelle j’ai l’honneur de siéger. Nous allons donc créer l’arsenal législatif et juridique qui permettra de changer la vie des plus démunis.

Environ 10 millions de Français seront concernés par l’application de ce texte. Chacun d’entre nous, mes chers collègues, rencontre dans ses permanences des personnes qui sont dans la misère ou doivent se limiter à un seul repas par jour.

À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi hiérarchise les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire. Est d’abord citée « la prévention du gaspillage alimentaire », suivie de « l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ». Vient ensuite « la valorisation destinée à l’alimentation animale », une démarche essentielle qui, là aussi, concernerait des volumes importants et serait utile tant à l’agriculture qu’aux particuliers. La liste est close par « l’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation », ce qu’évoquait précédemment Mme la rapporteur.

Par ailleurs, les supermarchés se verront interdire de jeter les invendus et les actes de javellisation, véritable scandale auquel on peut assister régulièrement, seront sanctionnés.

D’ailleurs, aucune stipulation contractuelle ne pourra dorénavant s’opposer au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur à une association.

Les dons aux associations feront l’objet d’une convention pour les surfaces dépassant 400 mètres carrés. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, une avancée réelle et significative !

Si, toutefois, le distributeur rend les invendus alimentaires impropres à la consommation, des amendes élevées pourront être prononcées.

Je crois que la grande distribution peut faire plus, et la future loi l’y obligera !

La proposition de loi prévoit également que la lutte contre le gaspillage alimentaire soit intégrée dans les parcours scolaires. Cette sensibilisation des plus jeunes, qui en ont besoin, est effectivement un point très important.

Les entreprises pourront aussi faire valoir leurs actions en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de leur responsabilité sociale et environnementale.

Vous l’avez bien compris, mes chers collègues, l’adoption de ce texte changera profondément la vie de nombreux Français.

La prochaine étape sera européenne : la Commission va se saisir du sujet, les députés européens ayant déjà voté, au mois de juillet dernier, un texte dans ce sens.

En conclusion, les membres du groupe Les Républicains, dont je suis membre, soutiennent donc cette proposition de loi avec enthousiasme. Mais celle-ci va bien au-delà des sensibilités politiques – droite, centre, gauche –, et son adoption à l’unanimité, tout comme celle de l’amendement relatif au gaspillage alimentaire en avril dernier, serait un beau symbole. Ainsi, nous serons l’un des premiers pays à légiférer sur le sujet et, comme très souvent, le Sénat sera à l’avant-garde ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est précisément une heure du matin. Le temps attribué au groupe socialiste et républicain étant écoulé, je vais lever la séance.

Il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
Discussion générale (suite)

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 janvier 2016 :

À onze heures : débat sur les conclusions du rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques intitulé « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises ».

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze : débat sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 14 janvier 2016, à une heure.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART