M. le président. L'amendement n° 443, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 46 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre III du code de l’environnement est complété par une section ainsi rédigée :

« Section….

« Sanctuaires marins

« Art. L. 334-8. – Des sanctuaires marins peuvent être créés dans les eaux placées sous la souveraineté ou la juridiction de l’État, ainsi que sur les espaces appartenant au domaine public maritime, pour contribuer à la connaissance et à la protection d’une ou de plusieurs espèces de faune rares ou vulnérables ou menacées de disparition, et de leurs habitats.

« Le décret créant un sanctuaire marin est pris après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier. Il fixe les limites du sanctuaire marin et la composition du conseil de gestion et arrête les orientations de gestion du sanctuaire.

« Art. L. 334-9. – I. – La gestion de cette catégorie d’aires marines protégées est assurée par l’Agence française pour la biodiversité prévue à l’article L. 131-8 ou par l’un des établissements rattachés à ladite agence.

« II. – Un conseil de gestion est constitué pour chaque sanctuaire marin. Il est composé de représentants locaux de l’État, de représentants des collectivités territoriales intéressées et de leurs groupements compétents, du représentant de l’organisme de gestion d’une aire marine protégée comprise dans le sanctuaire marin, de représentants d’organisations représentatives des professionnels, d’organisations d’usagers, d’associations de protection de l’environnement et de personnalités qualifiées.

« Le conseil de gestion se prononce sur les questions intéressant le sanctuaire marin. Il élabore le plan de gestion du sanctuaire marin. Il peut recevoir délégation du conseil d’administration de l’agence.

« III. – Le plan de gestion détermine les mesures de gestion, de protection et de connaissance à mettre en œuvre dans le sanctuaire marin. Il est mis en révision tous les quinze ans au moins.

« L’État, les collectivités territoriales et les organismes qui s’associent à la gestion du sanctuaire marin veillent à la cohérence de leurs actions et des moyens qu’ils y consacrent avec les orientations et les mesures du plan de gestion.

« Art. L. 334-10. – I. – Lorsqu’une activité est susceptible d’altérer de façon notable les populations des espèces de faune qui ont justifié la création du sanctuaire marin ou leurs habitats, l’autorisation à laquelle elle est soumise ne peut être délivrée que sur avis conforme de l’Agence française pour la biodiversité ou, sur délégation, du conseil de gestion. Cette procédure n’est pas applicable aux activités répondant aux besoins de la défense nationale, de l’ordre public, de la sécurité maritime et de la lutte contre la pollution.

« II. – Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l’intégrité et à la conservation du domaine public inclus dans le périmètre d’un sanctuaire marin, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative.

« Elle est constatée par les agents visés aux articles L. 172-1 et L. 334-2-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités.

« Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. Elles supportent les frais des mesures provisoires et urgentes que le conseil de gestion a pu être amené à prendre pour faire cesser le trouble apporté au domaine public par les infractions constatées.

« III. – Le directeur de l’Agence française pour la biodiversité et, sur délégation, ses représentants auprès des conseils de gestion ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative.

« Art. L. 334-11. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent chapitre. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

« Section …

« Sanctuaires marins »

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Il est important que nous sortions de cette discussion avec un cadre juridique pour ces sanctuaires.

Je profite de cette occasion pour souligner la demande très forte des associations qui s’intéressent à ces aires marines. Elles réclament que les bateaux qui pénètrent dans ces sanctuaires, notamment ceux sur lesquels nous avons une maîtrise, soient équipés d’un dispositif anticollision, et il en existe aujourd’hui. Il nous avait semblé que ces mesures étaient plutôt de nature réglementaire. Nous avons évité d’alourdir la discussion en déposant un trop grand nombre d’amendements, ici sur cette question des dispositifs anticollision.

Pour en revenir à l’amendement lui-même, il est le fruit d’un gros travail, qui souligne ce qu’il reste à faire sur le plan juridique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces amendements abordent un sujet un peu technique, mais passionnant !

Les jolis noms de Pelagos et Agoa recouvrent une réalité, celle de sanctuaires dynamiques, puisqu’il s’agit de protéger, pour l’essentiel, une certaine catégorie de cétacés en Méditerranée et dans la mer des Caraïbes.

Une particularité nous empêchera de donner satisfaction aux auteurs des amendements. D’une manière générale, ce qu’ils appellent un sanctuaire, c’est une aire marine protégée. Je veux rapidement évoquer les conditions dans lesquelles ont été créées ces deux aires.

Pelagos résulte d’un accord passé entre la France, l’Italie et la Principauté de Monaco. Il s’agit donc d’un accord international, qui concerne une zone située pour partie seulement en mer française, pour partie en mer italienne et pour partie en mer monégasque.

Il me paraît extrêmement compliqué de légiférer sans avoir sur la table l’accord international, auquel, du reste, votre amendement ne fait aucune référence.

S’il y a lieu de légiférer, profitons de la deuxième lecture. Ne nous hâtons pas de voter une disposition qui serait juridiquement fragile et qui pourrait ne pas plaire à nos amis italiens et monégasques ! Je suis donc très réservé sur l’amendement n° 223.

Agoa, le second sanctuaire, est né dans des circonstances différentes, puisqu’il a été créé en application de la convention de Carthagène, une des conventions des mers régionales qui permettent la gestion par des États riverains d’une zone maritime, comme la convention OSPAR, la convention de Nairobi ou encore la convention CAMELAR.

Situé dans la mer des Caraïbes, le sanctuaire d’Agoa concerne certes la France, mais aussi, notamment, Haïti, Antigua, Montserrat, qui sont des États indépendants. Il me paraît difficile de les intégrer dans notre droit national sans en avoir préalablement discuté avec eux en application de la convention. Cela marche, mais encore faut-il procéder avec les instruments juridiques qui ont présidé à la mise en place de ces conventions. Telle est ma position.

Je pense utile de continuer à travailler sur ce sujet. Cher collègue, vous avez posé une question pertinente. À moins que Mme la ministre ne nous donne des éléments plus concrets, voilà ce que je suis en mesure de dire aujourd'hui.

Un travail essentiel de comptage des mammifères a été entrepris. Il a permis une prise de conscience des risques qu’ils courent. Pour nombre d’entre eux, ces animaux sont exposés au danger de collision avec les navires de guerre, de commerce ou de pêche. Il serait intéressant d’étudier, dans le cadre d’un dispositif préventif, comment on peut progressivement mettre en place des mesures adaptées, des systèmes de détection et d’alerte intégrés au pilotage des navires pour faire en sorte que ceux-ci puissent, le cas échéant, se détourner.

Il est à mon sens un peu prématuré de donner à ces sanctuaires un statut juridique différent de celui qui est le leur aujourd’hui, soit, pour Pelagos, un statut en quelque sorte sui generis, et, pour Agoa, un statut lié à une convention de mers régionales actuellement en vigueur.

En conclusion, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 223 et 443.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 357, présenté par Mme Blandin, MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 46 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 413-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 413-2-…. – La capture et l’importation de cétacés à des fins de dressage récréatif sont interdites. »

II. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement concerne les delphinariums de France, sujet sensible dont il a beaucoup été question ces derniers temps. Nous avons tous en tête les images d’un Marineland situé sur la Côte d’Azur qui a été dévasté par les intempéries d’octobre dernier. Nous avons tous vu les orques, les tortues et les otaries évoluer dans une eau boueuse et contaminée qui fragilisait vraiment leur survie.

En prévoyant que « la capture et l’importation des cétacés à des fins de dressage récréatif sont interdites », notre amendement vise à tarir la source : on ne pourra plus importer ces animaux s’ils viennent du monde sauvage.

L’espérance de vie des cétacés est beaucoup plus brève en captivité que dans la nature. En effet, ils sont dans un état de stress permanent : les bassins de béton, à l’eau chlorée, exigus et dénués de végétation, sont à l’évidence inadaptés à la physiologie et au comportement naturel de ces animaux. Les naissances en captivité sont d’ailleurs très rares : l’inconfort dans lequel vivent les animaux est peu propice à la reproduction. Pour le peu de naissances en captivité recensées, car il y en a, nous n’empêchons rien.

Pour compenser ce déficit des naissances, les delphinariums font capturer des animaux en milieu sauvage, ce qui perturbe grandement les groupes de dauphins. En effet, tout comme les orques, les dauphins sont des animaux sociaux qui communiquent entre eux. Imaginez, mes chers collègues, l’impact que peut avoir sa capture sur un dauphin ainsi prélevé et mis dans un bassin avec des compagnons inconnus sans qu’on lui ait demandé son avis…

Sans tomber dans l’anthropomorphisme, il nous faut tout de même nous projeter un peu !

Un symbole de l’exploitation à l’œuvre dans ces parcs, qui va complètement à l’encontre du bien-être animal, est le syndrome de l’aileron flaccide, caractérisé par le ramollissement de la nageoire dorsale de l’animal. Près de 100 % des orques captives souffrent de ce syndrome, quasi inexistant chez les orques sauvages.

Les acrobaties que l’on oblige ces animaux à effectuer sont certes spectaculaires, mais elles ne contribuent en rien à la reconquête de la biodiversité ni à susciter de l’empathie avec ces animaux.

Ce ne sont que les restes de mœurs aujourd’hui révolues qui s’effacent du reste peu à peu. Il faut aujourd’hui avoir le courage de décider d’y mettre fin. On peut d’ailleurs noter que La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, collectivités très proches d’eaux où vivent ces cétacés, ne se sont pas lancées dans ces dérives touristiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis sur cet amendement un avis de sagesse.

Ce sujet important a déjà été débattu lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement – ce n’était pas Mme Royal qui le représentait ce jour-là – s’était alors engagé à organiser un examen complet de la réglementation relative aux delphinariums et à ne pas délivrer de nouvelles autorisations d’ouverture dans l’intervalle.

J’ai en outre eu connaissance de l’existence d’un courrier adressé aux préfets à ce sujet en juillet 2015. Par ailleurs, je rappelle qu’un arrêté interministériel est en vigueur depuis le 24 août 1981.

Il n’y a donc pas manque de réglementation en la matière. Pour autant, l’arrêté en question pourrait sans doute être revisité pour adapter les règles de fonctionnement, tant du fait des manques qui auraient pu être décelés que pour y intégrer les nouvelles connaissances scientifiques évoquées à l’instant par Mme Blandin. En effet, l’éthologie a fait des progrès considérables, à l’image de la science en général : il faudrait par conséquent intégrer à la réglementation les connaissances que les vétérinaires et les scientifiques ont acquises sur ces sujets.

Il existe un lieu très intéressant à Moorea, en Polynésie française.

M. Roger Karoutchi. Il faut y aller en vacances ! (Sourires.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur. En effet ! Un laboratoire dirigé par une vétérinaire remarquable y soigne des animaux blessés, essentiellement des tortues et des dauphins. On pourrait probablement effectuer un travail de recherche pour adapter les lieux de captivité à la lumière des connaissances scientifiques actuelles, si tant est que cela soit possible avec ce type d’animaux.

Madame la ministre, je me tourne vers vous, car je ne saurai en dire beaucoup plus. Certains pays ont interdit les delphinariums, d’autres se sont dotés d’une législation pour les encadrer, de nombreux pays enfin ne connaissent pas ce genre d’établissements. Parmi les 195 pays ayant participé à la COP 21, bien peu sont concernés par la question.

Quant à nos compatriotes, ils sont partagés : d’un côté, le sujet les émeut – il faut prendre en compte cette émotion –, de l’autre, ces spectacles les réjouissent : les enfants sont contents d’aller voir les dauphins…

M. le président. Il faudrait conclure, monsieur le rapporteur : il nous reste 154 amendements à examiner !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’ai fini, monsieur le président !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement est satisfait. En effet, l’arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national interdit déjà la capture de tous les cétacés.

Pour ce qui est des delphinariums, je m’étais engagée devant l’Assemblée nationale à revoir la réglementation. En attendant la publication d’une nouvelle réglementation, j’ai demandé aux préfets de suspendre l’accord d’autorisation d’ouverture de tout nouvel établissement détenant des cétacés. Parallèlement, afin d’élaborer ces nouvelles dispositions réglementaires, nous avons engagé un travail approfondi avec les représentants des différents parcs, des experts des cétacés et, prochainement, les associations de protection de la nature et des animaux.

Par exemple, j’ai reçu une demande d’autorisation de la part du parc de Beauval, un parc parfaitement bien géré (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) et un lieu extraordinaire de conservation, de présentation et d’éducation à l’environnement. De tels parcs sont des structures créatrices d’emplois ; je pense donc que, tout en restant vigilant, il ne faut pas non plus avoir d’attitudes trop rigoureuses sur ces sujets. La direction du parc de Beauval est parfaitement responsable.

M. André Trillard. Celle des autres parcs aussi !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ces parcs constituent, certes, des équipements touristiques, mais ils sont liés à la valorisation de la nature. Voilà pourquoi, par exemple, une telle demande d’autorisation doit recevoir un avis positif. J’ai en tout cas l’intention d’accompagner le développement de ce centre sans négliger, bien évidemment, de réglementer et d’empêcher les abus tels que ceux que vous avez évoqués.

Je n’ai pas de position idéologique contre les parcs zoologiques…

M. Ronan Dantec. Non, nous non plus !

Mme Ségolène Royal, ministre. … mais je comprends que l’on puisse en avoir. Je pense que le développement d’activités touristiques respectueuses de la vie animale mérite d’être accompagné et soutenu, tout en étant encadré, bien évidemment, par une réglementation susceptible d’empêcher les abus.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. La présentation que vous avez faite de cet amendement, madame Blandin, m’interpelle. En effet, vous avez commencé votre exposé en évoquant les images des catastrophes naturelles qui ont frappé le sud de la France. Nous les avons en effet tous vues, mais, au-delà de ces cétacés, que les gestionnaires du parc ont bien entendu tenté de sauver, des hommes et des femmes sont morts dans cette tragédie : vous auriez pu les mentionner ! (Mme Évelyne Didier proteste.)

Mais peu importe, je voudrais avant tout, au-delà de cette catastrophe, certifier que ces animaux ne sont pas maltraités. Ils sont en rapport avec l’homme et, notamment, avec les enfants. Ces parcs constituent, à mon avis, une bonne manière de montrer aux enfants comment ces animaux peuvent se comporter avec des êtres humains. Voilà pourquoi je suis en désaccord complet avec votre analyse.

Certes, il faut se montrer vigilant : je trouve à cet égard les déclarations de Mme la ministre très intéressantes. Je connais bien le parc de Beauval : ce sont des gens sérieux, tout comme, d’ailleurs, la plupart des gestionnaires de ces parcs. Cela découle de leur volonté de rapprocher l’être humain et les animaux, projet ô combien éducatif.

Par conséquent, je ne partage en aucune manière votre vision et je voterai contre cet amendement !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas un spécialiste des delphinariums, même si, comme tout le monde, j’ai vu certaines séries télévisées. (Sourires.) Autant je suis sensible à la cause animale, autant je me méfie de la logique dans laquelle on entrerait par l’adoption de cet amendement : je ne comprends pas comment on pourrait s’attaquer aux delphinariums sans, dans un second temps, contester les parcs zoologiques eux-mêmes.

On m’oppose que cela n’a rien à voir : mais si ! Si ce qui importe à vos yeux est que les animaux dits « sauvages », une fois en captivité, ont un mode de vie différent et un temps de vie plus court, ce sera la même chose pour les tigres, les pandas, les lions et tous les autres animaux ! Reconnaissez au moins que, en réalité, vous voulez ouvrir un autre débat, sur le point de savoir si, oui ou non, on veut ici ou ailleurs dans le reste de l’Europe, des parcs zoologiques. (Mme Marie-Christine Blandin et M. Ronan Dantec protestent.)

En effet, même si les conditions sont différentes, vous retrouvez dans les parcs zoologiques ces mêmes éléments que vous dénoncez pour les delphinariums : capture, sortie du milieu naturel, intégration forcée, mode de vie et durée de vie différents.

Reconnaissez donc que vous souhaitez un débat sur la présence d’animaux sauvages dans les parcs zoologiques et les delphinariums des pays occidentaux. Et c’est un vrai débat ! Je ne prétends pas, d’ailleurs, que mon avis serait opposé au vôtre : je nie simplement que l’on puisse ainsi isoler les delphinariums du reste.

Si ce mode de pensée sur la condition animale devient courant, une réflexion globale s’imposera forcément sur tous les modes de captivité des animaux sauvages. Ayons donc cette réflexion, mais vous ne pouvez pas, en tout état de cause, aborder la question à partir des seuls delphinariums.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Nous faisons face à un sujet complexe. Cela dit, on ne peut raisonner aujourd’hui sans prendre en compte les progrès accomplis dans la compréhension du monde animal. Nous savons désormais que l’animal est un être sensible. Ces découvertes, si elles ne sont pas récentes à proprement parler, gagnent en tout cas un large public : personne ne peut encore défendre qu’enfermer un animal, c’est pour son bien !

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Évelyne Didier. Je n’ai jamais prétendu le contraire, monsieur Karoutchi !

Pour autant, il est évident que certaines espèces ont besoin d’être conservées dans des parcs parce qu’elles sont en voie d’extinction. Nous connaissons les progrès considérables qui ont été accomplis dans ces parcs : je ne tomberai pas dans la caricature !

Pour ma part, j’ai trouvé la position de Mme la ministre très équilibrée. Elle est consciente des enjeux et avance donc de manière pragmatique, comme elle sait bien le faire : cela me convient. Évitons toutefois de toujours raisonner de la même manière sans tenir compte des dernières découvertes : nous savons que les dauphins sont particulièrement sensibles et intelligents, à l’instar des singes et d’un certain nombre d’autres animaux.

M. Roger Karoutchi. Les tigres !

Mme Évelyne Didier. Il existe vraisemblablement chez eux une souffrance qui ne s’exprime pas d’une manière visible pour nous. Sans faire d’anthropomorphisme, nous devons cependant rester attentifs et garder en tête que ce n’est pas parce qu’une pratique était commune qu’elle est bonne, quand bien même des progrès ont été réalisés : nous devons continuer à nous interroger. Quant à moi, j’estime que ce problème méritait d’être posé, et ce sans caricatures de part et d’autre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.

M. Hervé Poher. M. Karoutchi a dû rater un train (Sourires.) : nous avons adopté hier à l’unanimité un amendement insérant un article additionnel après l’article 32 quinquies qui prévoit que les zoos ont une mission à la fois d’éducation de la population et de conservation d’une fraction des ressources génétiques de la planète.

M. Roger Karoutchi. C’est merveilleux ! Et alors ?...

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Pendant que nous votions l’amendement mentionné par M. Poher, inscrivant ainsi dans la loi la fonction de conservation qu’ont aujourd’hui les parcs zoologiques, M. Karoutchi regardait peut-être l’une des multiples rediffusions du film Hatari !(Nouveaux sourires.)

Les zoos ne se fournissent pourtant plus en animaux sauvages de la façon dépeinte dans ce film : on ne les attrape plus au lasso !

M. Roger Karoutchi. Au lasso ? Quel rapport ?

M. Ronan Dantec. La question spécifique que nous posons dans cet amendement est celle des delphinariums. Pour ma part, je me méfie énormément de l’anthropomorphisme dans ce genre de sujets et je ne me laisserai pas enfermer dans cette approche. Quitte à provoquer, on pourrait aussi affirmer que les animaux sauvages sont bien contents d’être nourris et logés !

Mme Évelyne Didier. Tout à fait !

M. Ronan Dantec. En revanche, les zoos se soumettent aujourd’hui à une règle qui impose de ne pas prélever d’animaux sauvages dans la nature. Les zoos renouvellent désormais leurs populations au moyen de programmes de reproduction d’animaux captifs. Ainsi, l’addax, que j’ai pris en exemple, a été sauvé par les zoos et on le réintroduit à présent en Afrique du Nord.

Dès lors, à mon sens, le seul critère qui aujourd’hui fait sens est la capacité ou non de l’animal à se reproduire en captivité. De ce point de vue, les parcs zoologiques jouent tout à fait leur rôle.

Le problème spécifique des delphinariums, c’est que les animaux ne s’y reproduisent pas, ce qui prouve bien qu’ils ne s’y sentent pas bien. Il s’agit là d’un critère scientifique et non anthropomorphique.

Les delphinariums me semblent donc condamnés, pour la raison même qu’ils ne parviennent pas à reproduire leurs animaux et qu’on en reste réduit à un prélèvement qui rappelle là Hatari ! .Un tel procédé n’est plus possible.

Pour ma part, je suis même très surpris que le zooparc de Beauval, dont les fonctions à la fois pédagogique et récréative sont extrêmement claires, s’embarque dans un projet de delphinarium aujourd’hui. Il faut au contraire préparer la sortie de la logique des delphinariums, même si on mesure bien l’enjeu économique.

Il faut le dire tranquillement et sans anthropomorphisme : les activités où il n’y a pas de reproduction sont condamnées,...

Mme Évelyne Didier. Oui, c’est vrai !

M. Ronan Dantec. ... même si l’on comprend que des questions économiques se posent et qu’il faille préparer cette sortie. Honnêtement, les sites qui ont des delphinariums – Port-Saint-Père, Astérix – tiendront économiquement, cela ne posera pas de problème.

Je relève pour finir que Mme la ministre n’a pas répondu très clairement à la question de l’importation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 472, présenté par M. Labbé, Mme Blandin, M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 46 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 932-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le mot : « définis », sont insérés les mots : « , en prenant en compte l’objectif de protection de la biodiversité, » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ce même décret précise les modalités selon lesquelles l’étiquetage des huîtres vendues au détail distingue les huîtres nées en mer de celles nées en écloserie, ainsi que les modalités selon lesquelles s’effectue la transmission de l’information d’un stade à l’autre de la production et de la commercialisation. Il définit également les sanctions encourues en cas de non-respect des règles relatives à l’étiquetage et à la traçabilité. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Le 11 septembre 2013, je défendais un amendement visant à étiqueter les huîtres triploïdes pour les distinguer des huîtres naturelles, car j’avais été saisi de ce problème. Aujourd’hui, il faut le savoir, environ 50 % des huîtres que l’on trouve sur les étals sont des huîtres triploïdes.

Les huîtres triploïdes ont été introduites en masse dans le milieu à partir de 2008 et c’est à ce moment-là que l’on a constaté une surmortalité du naissain, qu’il soit triploïde ou naturel. À partir de 2011, ce sont les huîtres adultes qui ont été touchées, les huîtres triploïdes l’étant beaucoup plus que les huîtres naturelles.

Je rappelle qu’une huître triploïde est le croisement – uniquement possible en laboratoire, c’est-à-dire en écloserie – de spécimens, les tétraploïdes, avec des huîtres naturelles, qui sont diploïdes. L’huître triploïde issue de ce croisement présente le double avantage, d’une part, étant stérile et ne consacrant par conséquent pas d’énergie à sa reproduction, de croître en deux ans au lieu de trois ans ; d’autre part, n’ayant pas de gamétogénèse et n’étant par conséquent pas laiteuse l’été, d’être commercialisable au moment de la saison touristique.

En d’autres termes, tous les ostréiculteurs devraient se mettre à produire des huîtres triploïdes, puisqu’elles sont rentables économiquement, demandent moins de main-d’œuvre et ne peuvent pas être distinguées des autres sur les étals.

En revanche, au nom de la reconquête de la biodiversité à laquelle nous travaillons, il s’agit ici de faire en sorte que les obligations incombant aux professionnels pour la commercialisation des produits de la mer soient définies en tenant compte de l’objectif de protection de la biodiversité. Nous appliquons cette règle au cas spécifique des huîtres triploïdes en prévoyant un étiquetage.

Lorsque nous avons évoqué l’idée d’un étiquetage des huîtres triploïdes, nous avons constaté que les professionnels, le Conseil national de la consommation et les centres techniques régionaux de la consommation étaient partagés, considérant que l’adjectif « triploïde » n’était pas vendeur. Comme nous tenons absolument à bien différencier ces produits, qui ne sont pas les mêmes et qui n’ont pas le même impact, nous proposons un étiquetage « nées en écloserie » - les huîtres triploïdes sont exclusivement nées en écloserie - ou « nées en mer » pour les huîtres naturelles.

Il s’agit d’appliquer les règles européennes. Le règlement n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture, applicable à la vente au détail de mollusques, impose la mention de la méthode de production. Or la notion de « production » peut s’entendre de la production de naissains en écloserie et de leur éventuelle modification biologique.

J’espère avoir été suffisamment convaincant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je note que c’est aujourd'hui la troisième fois que la Haute Assemblée est amenée à évoquer ce problème important, après l’examen de la loi relative à la consommation le 27 janvier 2014 et, surtout, à l’occasion de la discussion d’une question orale avec débat le 12 mai 2015.

Mme Évelyne Didier. Joël Labbé fait partie des obstinés ! (Sourires.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur. À cette occasion, un certain nombre de questions avaient été posées au Gouvernement. Il serait donc intéressant de savoir où celui-ci en est. En effet, pour la commission, qui a émis un avis défavorable sur cet amendement, il semble que de telles mentions soient de nature réglementaire. Il appartient donc au Gouvernement de se prononcer en la matière.

D’un point de vue strictement juridique, l’huître triploïde échappe à la réglementation des OGM et n’est pas non plus considérée comme un « nouveau produit alimentaire » par l’Union européenne : aucun étiquetage spécifique ne lui est donc imposé à ce titre.

Pour autant, ce produit met-il en cause la biodiversité ? Je ne pense pas que ce soit là le sujet. Il s’agit davantage de consommation que de biodiversité.

C’est pourquoi je renvoie au Gouvernement pour la solution du problème, si je puis me permettre cette facilité de langage, à qui il revient de prendre la décision sur le plan réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est un sujet que je connais bien, les huîtres Marennes Oléron étant évidemment les meilleures du monde ! (Sourires.)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire. Ah, je ne suis pas d’accord, les huîtres normandes sont les meilleures ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Filleul. C’est discutable, madame la ministre ! (Rires.)