M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement ne peut que suivre le rapporteur dans sa demande de retrait. Le sujet est effectivement à l’ordre du jour, le Sénat va en être très rapidement saisi.

Je ne partage pas l’avis du rapporteur selon lequel cette mesure ne serait qu’un symbole. Ce débat, polarisé entre les notions d’efficacité ou de symbole, ne s’est pas engagé selon moi dans les bons termes.

La déchéance de nationalité, j’aurai l’occasion de le développer amplement, c’est un principe.

En l’occurrence, si le texte est adopté tel que le Gouvernement l’a présenté à l’Assemblée nationale, le juge prendra acte de la déchirure définitive d’avec la communauté nationale de celui qui a choisi de se placer en dehors d’elle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont eux qui ont choisi de quitter la Nation, ce n’est pas la Nation qui les prive de leur nationalité !

Avis défavorable !

Mme la présidente. Monsieur Bizet, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. Je redoutais le pire depuis que M. le rapporteur avait si bien entamé son intervention ! (Sourires.) Je suis, par définition, relativement obéissant vis-à-vis de ma famille politique et nous avons lancé le débat.

Retenez au moins qu’il nous revient d’être particulièrement exigeants sur cette question, tout simplement parce que, comme notre collègue André Reichardt l’a dit tout à l’heure au sujet d’un autre cas, il y va de la survie de nos démocraties. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Retailleau applaudit.)

Je retire donc cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.

TITRE III

ASSURER UNE APPLICATION RIGOUREUSE DE L’EXÉCUTION DES PEINES DES PERSONNES CONDAMNÉES POUR TERRORISME

Article additionnel après l'article 16
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
Article additionnel après l’article 17

Article 17

Après l’article 726–1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 726-2 ainsi rédigé :

« Art. 726–2. – Lorsqu’il apparaît que leur comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement, les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, peuvent être, après évaluation pluridisciplinaire réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, placées en cellule individuelle au sein d’une unité dédiée par décision du chef d’établissement.

« Le premier alinéa est applicable dans les mêmes conditions aux personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions autres que celles mentionnées au même premier alinéa.

« Le présent article ne remet pas en cause l’exercice des droits définis à l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Toutefois, l’exercice des activités mentionnées à l’article 27 de la même loi par les personnes affectées au sein d’une unité dédiée s’effectue à l’écart des autres personnes détenues, sauf décision contraire prise par le chef d’établissement après avis de la commission pluridisciplinaire unique.

« La décision d’affectation au sein d’une unité dédiée est soumise au contrôle du juge administratif dans les conditions fixées par le code de justice administrative, notamment son livre V. »

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet article. Cette procédure existe déjà, sans base législative. Nous nous trouvons au stade de l’expérimentation, et le Gouvernement n’était pas nécessairement convaincu de la nécessité de légiférer. Il n’y est toutefois pas non plus hostile, dans la mesure où la pratique est engagée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous voterons cet article, notamment parce que, en commission, monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu accepter une modification proposée par notre collègue Alain Richard, qui consistait à ajouter le verbe « pouvoir » et à écrire qu’il était donc « possible » de créer ces unités spécialisées au sein des prisons.

Je reviens sur ce point, car l’on pourrait considérer que cela relève non de la loi, mais de l’organisation des établissements pénitentiaires. Sur le fond, il faut être très vigilant sur cette question, largement développée dans le rapport de la commission d’enquête sur la lutte contre le djihadisme et le terrorisme que nous avons adopté.

L’expérience de Fresnes, que nous avons beaucoup étudiée, a montré, comme d’autres expériences, que, lorsque l’on prévoit de rassembler dans une même unité quarante personnes extrêmement radicalisées, les personnels pénitentiaires, avec qui nous avons longuement dialogué, relèvent des risques d’effet de « cocotte-minute », selon leurs propres termes.

Lorsque, au contraire, on considère qu’il faut les disperser, se pose bien entendu le risque de disperser également la radicalisation.

Nous avons donc pris position – mais cela peut se discuter, c’est un sujet de réflexion – en faveur de petites unités rassemblant une dizaine de personnes, avec encellulement individuel. Un tel modèle suppose de prendre en considération une série de questions, qui vont du renseignement pénitentiaire – celui-ci a été augmenté et il doit l’être encore – à la manière dont sont agréés les aumôniers dans les prisons en passant par toute une série d’éléments relatifs au traitement ou à la prévention de la radicalisation en milieu carcéral.

Il me semble donc positif que cela figure dans la loi, compte tenu de la modification que vous avez bien voulu accepter, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je voterai cet article 17 tel qu’il nous est proposé. Pour autant, vous ne m’empêcherez pas de penser que cette atténuation, que le rapporteur et la commission des lois ont accepté d’introduire – à savoir le remplacement des mots « sont placés » par les mots « peuvent être placés » –, paraît un peu réductrice.

Comme vient de le dire Jean-Pierre Sueur, en qualité d’ancien rapporteur de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, nous avons pu mesurer, durant ce travail, l’importance du rôle joué par les milieux pénitentiaires en matière de radicalisation, à côté d’Internet. Nous étions parvenus à la conclusion évoquée par M. Sueur : il importe d’être particulièrement attentif aux conditions de détention de ces personnes.

Le fait de ne proposer que la possibilité d’un encellulement individuel, plutôt qu’une obligation, dans les conditions que vient d’évoquer Jean-Pierre Sueur, me laisse un peu perplexe.

L’alinéa 2 de cet article 17 est ainsi rédigé : « Lorsqu’il apparaît que leur comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement, les personnes détenues placées en détention provisoire […] peuvent être, après évaluation […], placées en cellule individuelle ». Pardonnez-moi : il s’agit de djihadistes qui sont partis, qui sont revenus, qui se sont comportés comme on le sait : faut-il encore en plus prendre en considération le fait que leur comportement en prison porte atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement pour recourir à cette procédure ?

Si, effectivement, on cherche à empêcher que d’autres soient atteints du même mal, il faut prendre la décision tout de suite, au moment de l’emprisonnement, et non pas après un certain délai, quand le mal est fait.

Aussi, je suis très réservé sur ce point. Je voterai cet article, mais avec le sentiment que nous n’assumons pas entièrement notre décision et que nous n’allons pas au bout du raisonnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je ne peux pas voter cet article, parce qu’il est absolument incohérent avec une politique globale relative à l’incarcération des terroristes. Nous disposons de dizaines de rapports, de Farhad Khosrokhavar et d’autres, indiquant que la radicalisation en prison a largement préexisté à Daech. Il en est question depuis des dizaines d’années.

Insérer dans ce texte un article sur ce sujet revient à essayer de régler le problème, alors que nous n’avons pas les moyens de le faire, et que les perspectives ne vont pas dans ce sens. Nous ne pouvons pas régler le problème de la formation des aumôniers, nous n’avons ni le personnel nécessaire ni la logistique nécessaire et, de surcroît, nous ne disposons pas des places en prison nécessaires pour faire ce qui devrait être fait.

Nous tâtonnons complètement en cette matière. Il est dommage d’entacher de cet article 17 un texte qui comporte tant de dispositions brillantes, efficaces et mirifiques, qui vont régler tous les problèmes de la création !

M. Michel Mercier, rapporteur. N’en jetez plus ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, c’est un prêté pour un rendu : j’ai déposé le prochain amendement ! (Nouveaux sourires.)

Cet article ne correspond en rien à la réalité et sera absolument inefficace dans la mesure où nous ne disposons pas des moyens de le mettre en œuvre.

À défaut d’évaluation et de moyens, je ne voterai pas cet article !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur. Je précise tout d’abord qu’il appartient bien au législateur de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, dans le respect de la dignité de la personne. Cette compétence législative est rappelée par une décision du Conseil constitutionnel en date du 19 novembre 2009.

Nous sommes donc pleinement dans l’exercice de notre compétence, que nous aurions tort de ne pas épuiser. Le Conseil constitutionnel pourrait nous le reprocher, ainsi qu’il le fait parfois. J’ai bien compris ce que l’on nous a dit, mais c’est un peu inutile : soit cela se fait déjà, soit cela ne se fera pas !

Il faut étudier la situation des établissements pénitentiaires. Je veux rendre hommage à l’administration pénitentiaire, qui, en quelques années, a opéré une très profonde mutation.

Au vu du fonctionnement actuel de certains établissements pénitentiaires, comprenant des unités d’analyse de la personnalité des prisonniers en vue de leur libération, qui travaillent durant plusieurs mois sur leur comportement, sur les réflexes qu’ils ont pu acquérir, sur les valeurs qu’ils ont pu retrouver pendant leur détention, au vu de l’état-major de sécurité mis en place par l’administration pour faire du renseignement pénitentiaire, au vu de la manière dont on suit les phénomènes de radicalisation en prison – il en existe –, un tel hommage s’impose ! L’administration pénitentiaire est trop souvent méconnue, pourtant, la détention n’est pas possible sans elle.

Pourquoi ai-je accepté d’introduire dans le texte « peuvent être » ? Pour une raison simple, de pur pragmatisme.

Certains établissements sont ainsi construits qu’il n’est pas possible de procéder à ce rassemblement. Ce n’est pas la peine de mettre en place une obligation légale si elle ne peut pas être réalisée sur le terrain, mais il est bon de la poser comme un principe vers lequel on doit aller. Affirmer que certains détenus doivent faire l’objet d’un encellulement individuel, soit ! Mais encore faut-il avoir de cellules individuelles !

M. le garde des sceaux le sait bien, nous avons, aujourd’hui encore, plus de prisonniers que de places théoriques en prison : nous en avons plus qu’en 2012. Après tous les discours qu’on a pu entendre, et c’est bien normal que l’on entende des discours, il est bon de rappeler ces chiffres, qui parlent d’eux-mêmes.

Il nous faut rester cohérents avec nous-mêmes. Tous les établissements pénitentiaires ne peuvent pas regrouper les détenus concernés et ne disposent pas de cellules individuelles. Il faut donc en rester à une règle qui peut s’appliquer et laisser les directeurs de prison faire ce qu’ils peuvent faire avec les moyens dont ils disposent…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !

M. Michel Mercier, rapporteur. Il nous reviendra ensuite d’augmenter dans les années qui viennent les moyens du ministère de la justice, notamment de l’administration pénitentiaire, et de reprendre le programme de construction de places de prison (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), parce que l’on ne peut pas avoir durablement plus de prisonniers que de places en prison !

Mme Cécile Cukierman. Voilà un vrai programme politique !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
Article 18

Article additionnel après l’article 17

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Guerriau et Kern, Mmes Doineau et Morin-Desailly, MM. Delahaye, Roche, Cadic, Bockel et Détraigne, Mme Férat, MM. Houpert, Mandelli, Kennel et Huré, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Joyandet et Bouchet, Mmes Duranton et Di Folco, MM. Reichardt et Laufoaulu et Mme Billon, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La libération d’un détenu, à titre exceptionnel ou à l’issue de l’exécution de sa peine, si elle s’accompagne de mesures de surveillance ou de reconduite à la frontière ayant été décidées par la juridiction de condamnation, ne peut avoir lieu que si ces mesures peuvent effectivement être intégralement mises en œuvre.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement s’inspire d’une récente question d’actualité au Gouvernement de notre collègue Hervé Maurey.

Un jeune couple a été assassiné à Rouen au mois de décembre par un détenu libéré quelques jours auparavant. Cette personne, qui faisait l’objet d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français, n’avait pas été reconduite à la frontière, faute de garantie quant à sa nationalité. Moyennant quoi, elle a été remise en liberté sans contrôle et a assassiné ce couple, après avoir violé la jeune femme.

Je souhaite donc préciser dans la présente proposition de loi que la libération d’un détenu, à titre exceptionnel ou à l’issue de l’exécution de sa peine, si elle s’accompagne de mesures de surveillance ou de reconduite à la frontière ayant été décidées par la juridiction de condamnation, ne peut avoir lieu « que si ces mesures peuvent effectivement être intégralement mises en œuvre ».

Monsieur le garde des sceaux, au cours de nos débats, nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises le problème des moyens mis à la disposition des services pénitentiaires et des services annexes pour faire exécuter les décisions de justice.

Tel est l’objet de cet excellent amendement. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Madame Goulet, je comprends que vous soyez troublée par l’excellence de cet amendement. (Nouveaux sourires.) Mais vous êtes trop fine juriste pour ne pas voir qu’une telle disposition aurait pour conséquence le maintien en détention de personnes ayant achevé leur peine, en dehors de toute décision juridictionnelle.

M. Michel Mercier, rapporteur. Voilà une mesure bien expéditive et, surtout, contraire aux articles VII et VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’aux dispositions constitutionnelles en vertu desquelles on ne peut être détenu que sur la décision d’un juge !

Par conséquent, et malgré tout le plaisir que j’aurais à vous donner satisfaction, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, ma chère collègue. À moins que vous ne préfériez le retirer ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. M. le rapporteur vient de développer les arguments que le Gouvernement avait préparés pour essayer de convaincre Mme Goulet des difficultés qu’une telle mesure susciterait.

Je rejoins donc l’analyse de la commission, en sollicitant le retrait de cet amendement, ne serait-ce que pour des raisons de constitutionnalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je peux éventuellement rectifier mon amendement, en indiquant qu’il s’agit de mesures de « rétention », et non de « détention ».

Beaucoup de bonnes fées se sont penchées sur le berceau de ce texte, mais un problème demeure. Je repense à la question de notre collègue Hervé Maurey et au cas de ce jeune couple assassiné. Vous ne m’ôterez pas de l’idée que, lorsque les peines prononcées ne sont pas appliquées, cela a des conséquences !

Je peux entendre qu’une telle mesure soit contraire à toute une série de normes. Mais nous nous apprêtons à voter d’autres dispositions dans ce cas, dans quelques jours !

Je n’en fais pas une question de principe, mais admettez tout de même qu’il y a des difficultés. Les personnes soumises à des peines complémentaires dont l’application ne peut pas être assurée devraient au moins rester en rétention ! Et, en l’occurrence, la peine complémentaire de reconduite à la frontière avait bien été prononcée par un tribunal !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur. Mme Goulet propose de rectifier son amendement, en faisant référence à la rétention, et non à la détention.

Ma chère collègue, comme vous le savez, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel viennent de se prononcer : il ne peut pas y avoir de rétention sans décision de l’autorité judiciaire. La rétention, comme les autres peines, doit être prononcée par un juge. On ne peut pas placer une personne en rétention sur décision administrative. Dans la mesure où il s’agit d’une peine privative de liberté, c’est l’article 66 de la Constitution qui s’applique : l’autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle ». C’est notre droit !

Vous avez raison de pointer le manque d’organisation de l’administration ; il est réel. Mais on ne remédie pas à un manque d’organisation par une mesure privative de liberté ! L’individu qui a purgé sa peine a payé sa dette à la société. La réponse à une éventuelle impossibilité pour l’administration d’appliquer une peine complémentaire de reconduite à la frontière ne peut pas être une privation de liberté, sauf décision d’un juge, ce qui n’est pas le cas dans le dispositif proposé.

Je comprends bien votre préoccupation, mais une telle mesure serait contraire à l’un des principes essentiels de notre droit : nul ne peut être détenu arbitrairement. C’est un élément constitutif de notre vivre-ensemble, celui-là même que les terroristes veulent détruire ! Ne leur faisons pas ce cadeau ! Nous devons les combattre par des moyens différents des leurs.

Je réitère donc mon invitation à retirer cet amendement.

Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il en définitive maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Oui, madame la présidente. Je le maintiens, au nom des victimes de crimes commis en raison de tels dysfonctionnements. C’est un problème que nous devrons régler.

Tant pis si je suis mise en minorité ! Ce ne sera ni la première ni la dernière fois !

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. J’ai cosigné cet excellent amendement, pour les raisons que Mme Goulet a indiquées.

J’ai été vraiment choqué par le drame évoqué par notre collègue Hervé Maurey lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement. Et j’ai peu apprécié la réponse de l’ancienne garde des sceaux, qui avait justifié la non-application de la peine complémentaire d’interdiction du territoire par des « difficultés à établir la nationalité de cet individu ». Je rappelle que la personne avait pourtant passé deux ans en détention !

Je souhaite interroger M. le garde des sceaux. Un amendement que j’avais déposé pour les mêmes raisons a été refusé au titre de l’article 41 de la Constitution ; je peux entendre que le dispositif envisagé relevait du domaine réglementaire. Il s’agissait de compléter le code pénal par un alinéa ainsi rédigé : « Soixante-douze heures avant la levée d’écrou, l’administration pénitentiaire communique à la direction centrale de la police aux frontières la date de fin de peine de toute personne étrangère capable de l’une des infractions définies au titre II du livre IV et condamnée à une interdiction du territoire français. » La direction centrale de la police aux frontières aurait ainsi été informée soixante-douze heures avant la levée d’écrou, afin de prendre ses dispositions pour procéder à la reconduite à la frontière.

Monsieur le garde des sceaux, si une telle disposition relève effectivement du domaine réglementaire, pourriez-vous prendre l’engagement d’examiner la possibilité d’adopter des mesures réglementaires ? Ce serait déjà une avancée. Encore une fois, nous parlons d’un double assassinat perpétré par une personne ayant purgé sa peine, mais dont la peine complémentaire de reconduite à la frontière n’a pas été appliquée en raison d’incertitudes quant à sa nationalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Notre collègue Nathalie Goulet soulève en fait le problème de l’effectivité de la décision de justice.

Au-delà de l’analyse juridique, incontestable, de M. le rapporteur, une question, me semble-t-il, se pose. Certes, il n’y a pas de fondement juridique à une détention ou à une rétention lorsque la personne a purgé sa peine. Mais, en l’occurrence, ce n’était pas le cas, puisqu’une partie de la sanction, c’est-à-dire la peine complémentaire, n’a pas été exécutée. Il est vrai que, en l’espèce, c’est du fait non de l’individu, mais de l’autorité publique.

L’effectivité de la sanction pénale est une belle question. Je pense que vous ne pouvez pas ne pas vous en saisir, monsieur le garde des sceaux. L’amendement de Mme Goulet sera peut-être rejeté par notre Haute Assemblée, mais nous aurions préféré une démarche plus « proactive » : il faut chercher de solutions pour garantir l’effectivité de la sanction, surtout dans des cas aussi graves !

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La richesse du débat parlementaire m’amène à apporter des précisions qui ne figuraient pas nécessairement dans l’exposé des motifs des différents articles ni dans les objets des amendements. Je n’avais pas connaissance de l’amendement déclaré irrecevable auquel il a été fait référence.

Lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, nous avons introduit un article permettant de fluidifier la circulation de l’information entre les administrations. Le fonctionnement des administrations centrales est trop souvent vertical, au risque parfois de nuire à l’efficacité de la réponse sécuritaire ou de la protection des individus.

J’en viens au cas d’espèce que vous évoquez. Un protocole existe depuis 2014 entre l’administration pénitentiaire, la police aux frontières, la direction générale de la sécurité intérieure, l’ancienne DCRI, et le renseignement territorial. La possibilité d’échanger les informations est ouverte, et j’ai pu constater avec satisfaction que la fluidité était une réalité.

Dans le cadre du contrôle parlementaire de l’état d’urgence, dont j’ai été corapporteur avec mon collègue député Jean-Frédéric Poisson, nous avons rencontré, sous la responsabilité des préfets, dans plus de dix départements, les responsables d’établissements pénitentiaires, quand il y en avait, les représentants de la direction générale de la sécurité intérieure, ceux du service central du renseignement territorial, de la direction centrale de la police aux frontières et de la direction centrale de la police judiciaire, en présence des procureurs, voire des procureurs généraux s’il y en avait dans le ressort du tribunal.

À chaque fois, il nous a été dit – et cela m’a rendu plus optimiste ! – que l’imbrication des structures était dorénavant une réalité. Les mentalités ont évolué. Les services comprennent l’intérêt mutuel à travailler ensemble, parce que l’on attend d’eux non pas des moyens, mais des résultats. Cette évolution incite à l’optimisme.

Le protocole existe. Je ne vois donc pas ce que l’on pourrait faire de plus en la matière. Il a été créé de manière prétorienne par les deux directions centrales.

J’insiste sur la vigilance du Gouvernement pour veiller à ce que tout cela soit concret. D’ailleurs, depuis ma nomination au poste de garde des sceaux, j’ai souhaité rencontrer, avant tout déplacement, les directeurs des administrations centrales du ministère de la justice. Pour le moment, j’ai privilégié la direction des affaires civiles et du sceau, la direction des affaires criminelles et des grâces et la direction des services judiciaires. Je n’ai pas encore rencontré la directrice de l’administration pénitentiaire, Mme Gorce. Mais je sais sa disponibilité pour discuter avec moi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 17.

Article additionnel après l’article 17
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste
Article 19

Article 18

(Supprimé)