M. le président. La parole est à M. René Danesi, auteur de la question n° 1258, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. René Danesi. Monsieur le secrétaire d'État, la circulaire du 15 mai 2013 du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie porte « instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé ». Cette circulaire introduit de facto, et par application du principe de précaution, une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales dans la gestion de leurs voiries. Cette contrainte me paraît illégale, inadaptée et inapplicable.

Cette contrainte est illégale, d’abord, car la réglementation en matière d’amiante ressort exclusivement de l’annexe 13-9 du code de la santé publique, qui énumère exhaustivement les matières et matériaux utilisés dans les bâtiments où il faut rechercher la présence d’amiante. En aucun cas ne sont cités les enrobés utilisés pour la voirie, laquelle ne peut pas être assimilée à un bâtiment. Pourtant, la circulaire du 15 mai 2013 étend de facto, c’est-à-dire en toute illégalité, cette annexe à la voirie.

Cette contrainte est inadaptée, ensuite, car la circulaire prévoit l’établissement d’une cartographie des voiries concernées par l’éventuelle présence d’amiante sans consultation des directions départementales des routes, compétentes pour un tel travail.

Cette contrainte est inapplicable, enfin, car il est impossible d’établir cette cartographie, les voiries potentiellement concernées par la présence d’amiante étant innombrables. En effet, la circulaire cite les routes dont les couches d’enrobés ont été réalisées entre 1970 et 1995, mais aussi les couches récentes issues d’enrobés recyclés.

La circulaire reconnaît elle-même son illégalité et ses contradictions en « recommandant » – j’insiste sur ce mot – le carottage et l’analyse quasi systématique avant tout chantier de voirie.

Comme si cela ne suffisait pas, le Comité de pilotage national « travaux routiers - risques professionnels » de novembre 2013 « recommande » – j’insiste encore une fois sur ce mot – la même démarche de recherche des hydrocarbures aromatiques polycycliques, les HAP, dans son Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux.

Une seconde fois, et sans fondement légal, on « recommande » aux maîtres d’ouvrage des carottages et des analyses qui conduisent à un surcoût pouvant atteindre 50 % du coût total du chantier !

Non seulement on n’en finit plus d’empiler des obligations et des contraintes en tout genre, mais il semble bien que l’administration utilise, pour arriver à ses fins, de simples textes administratifs qui prennent le pas sur les lois, les décrets et les règlements.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner des éclaircissements sur l’étendue réelle et effective des recommandations contenues dans la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante et sur celles figurant dans le guide du Comité de pilotage concernant les HAP ? S’il s’agit de nouvelles réglementations, il appartient au ministère d’utiliser les procédures légales, c’est-à-dire de publier des décrets en bonne et due forme.

Le glissement de la réglementation à la recommandation normative m’apparaît comme un moyen détourné pour l’administration de ne pas respecter l’engagement pris par le Gouvernement de limiter le nombre de nouvelles normes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur la circulaire du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé.

Vous estimez que cette circulaire introduit de nouvelles contraintes pour les collectivités gestionnaires de voirie, qu’elle poserait plus de questions qu’elle n’apporterait de réponses et qu’elle aurait des conséquences inattendues et insidieuses.

Enfin, le renvoi de la circulaire au Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux étendrait les obligations de repérage à la recherche d’hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Je précise donc que la circulaire du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie du 15 mai 2013 n’est destinée qu’aux services gérant le réseau routier national. Elle ne traite que du risque lié à l’amiante et non de celui qui résulte de la présence de HAP.

Le Guide d’aide à la caractérisation des enrobés bitumineux auquel il est fait référence ne revêt pas de caractère opposable, sous réserve des dispositions réglementaires qu’il reprend. Il a été rédigé en 2013 par un groupe de travail regroupant les professionnels des travaux publics, l’Institut national de recherche et de sécurité, l’INRS, l’assurance maladie et l’administration, pour gérer le risque sanitaire lié à la présence d’amiante ajouté dans les enrobés.

Il constitue donc un guide sur l’état de l’art, dont les maîtres d’ouvrage peuvent se prévaloir avec une certaine garantie pour mettre en œuvre des mesures de prévention adaptées au risque lié à l’amiante routier. Ce guide a été rédigé pour traiter la problématique de l’amiante ajouté dans les enrobés. Les voies à faible trafic et légères sont, de ce fait, exclues.

Le repérage avant travaux constitue le premier maillon de l’évaluation des risques par le donneur d’ordre et l’employeur permettant la mise en œuvre des mesures de prévention adaptées. Son introduction dans la réglementation pour les travaux routiers est en préparation.

La cartographie faite à partir de la connaissance du gestionnaire du réseau routier des travaux réalisés peut se révéler très utile pour limiter les carottages et les analyses en laboratoire avant de nouveaux travaux.

Tous les ministères concernés – santé, écologie, travail – œuvrent de concert pour à la fois éclairer les acteurs de la filière routière sur leurs obligations et pour évaluer les risques sanitaires afin de définir au plus juste l’application de la réglementation « amiante » aux travaux routiers.

M. le président. La parole est à M. René Danesi.

M. René Danesi. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui a le mérite d’être officielle et d’être très claire.

En ma modeste qualité de maire d’une commune rurale, j’ai eu l’occasion de constater que le bureau d’études chargé de la rénovation de deux ponceaux que j’aurai l’occasion de décider si j’obtiens pour cela des subventions, avait expressément prévu le carottage et l’analyse détaillée des quelques mètres carrés de macadam concernés…

Alors que la circulaire ne s’appliquait au départ qu’aux routes nationales à forte circulation, comme vous l’avez fort bien dit, monsieur le secrétaire d’État, on voit qu’elle s’applique à deux ponceaux sur un chemin rural de la modeste commune de Tagsdorf, qui compte 350 habitants. Quelle dérive !

Votre réponse va dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État. Elle démontre une prise de conscience sur l’art consommé de l’administration, mais aussi de différents comités Théodule, de contourner un engagement pris par le Gouvernement. Avec tous les collègues élus qui sont concernés, j’attendrai qu’il soit mis bon ordre à ce dossier. C’est que notre pays ne peut plus se permettre, compte tenu de nos contraintes financières, d’empiler de la réglementation ayant pour principal objet de maintenir une administration de contrôle pléthorique et de soutenir éternellement un secteur bien précis de l’économie.

étapes de réalisation de la ligne à grande vitesse montpellier-perpignan

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1331, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai cessé, des années durant, d’interpeller vos prédécesseurs devant le Sénat et dans les ministères sur l’urgente nécessité de réaliser la construction du chaînon manquant de la ligne à grande vitesse Montpellier-Narbonne-Perpignan. Ce chaînon manquant constitue un véritable goulet d’étranglement sur le plus grand des axes européens à grande vitesse, puisqu’il relie l’Europe du Nord au sud de l’Espagne.

Lors de l’examen, ici même, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord franco-espagnol pour la réalisation de la ligne à grande vitesse transpyrénéenne entre Perpignan et Figueras, en Espagne, j’avais beaucoup insisté, en ma qualité de rapporteur, sur l’urgence qui s’attachait à réaliser concomitamment le tronçon Montpellier-Perpignan.

Les années ont passé, et le dossier est resté au point mort, jusqu’à aujourd'hui peut-être. Allez-vous nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État ?

Les élus et les populations des départements concernés ont longtemps craint que l’on assiste encore à un énième report du projet. Il faut les comprendre : alors que la mission Querrien avait promis la réalisation de ce chaînon manquant en 1990, les choses n’avaient toujours pas évolué vingt ans plus tard !

Ce projet est non seulement un atout économique majeur pour l’essor et le développement de nos territoires, mais il constitue également un enjeu en matière de mobilité et de développement durable.

La ligne nouvelle Montpellier-Perpignan et l’axe ferroviaire Narbonne-Toulouse doivent offrir des liaisons structurantes entre les trois métropoles régionales que sont Montpellier, Barcelone et Toulouse. Si donc sa réalisation est une priorité régionale, elle est tout autant une priorité européenne.

Votre prédécesseur avait posé les perspectives suivantes : une approbation du tracé à la fin de l’année 2015, la réalisation d’une enquête publique pour la fin 2016 et le démarrage du chantier en… 2018.

Vous avez vous-même indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que l’objectif de lancer l’enquête publique à la fin de l’année 2016 avait été retenu. Où en sommes-nous donc aujourd'hui du calendrier des différentes étapes de réalisation ? Une date, même approximative, pour le commencement des travaux a-t-elle été fixée ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Ce projet doit en effet permettre d’assurer la continuité d’un lien ferroviaire performant entre la France et l’Espagne sur la façade méditerranéenne.

Comme vous l’avez rappelé, le territoire languedocien est concerné par la phase de chantier actuellement en cours du contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, dont la livraison est prévue en 2017.

Dans le prolongement de cette évolution, le projet de création d’une ligne nouvelle entre Montpellier et Perpignan suit son cours, conformément à la feuille de route fixée par la commission Mobilité 21 et dans la perspective de la saturation de l’axe languedocien.

Je tiens à rappeler que plusieurs étapes importantes relatives à la réalisation de ce projet de ligne nouvelle ont été franchies en 2015.

La plus importante d’entre elles, puisque vous citez le rôle de l’Europe, c’est que la Commission européenne a confirmé le financement de 50 % du montant des études sur la période 2015-2019, pour un montant de 11,65 millions d’euros.

J’ai souvent eu l’occasion de souligner l’enjeu européen de l’amélioration des performances de l’axe ferroviaire méditerranéen. Il s’agit là d’un gage de reconnaissance de l’intérêt européen de l’achèvement de ce maillon pour les liaisons vers l’Espagne. Cette décision constitue donc aussi une première étape vers un financement européen des travaux, le moment venu.

Comme je l’avais annoncé, j’ai signé il y a quelques jours, le 29 janvier, la décision ministérielle relative au tracé, conformément à la proposition que m’avait transmise le préfet de région en fin d’année dernière, à la suite de la consultation des acteurs du territoire. C’est là la deuxième étape importante de ce projet.

D’autres étapes seront franchies en 2016. En particulier, SNCF Réseau est chargé d’initier l’ensemble des procédures préalables à la tenue d’une enquête publique sur le projet de ligne nouvelle, dont les montants sont inscrits au contrat de plan État-région 2015-2020. L’objectif est d’aboutir au lancement de l’enquête publique à l’hiver 2016-2017.

Tous ces éléments sont la preuve que le projet avance, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, en cohérence avec les choix de l’Europe, lesquels resteront déterminants pour l’avancement de ce projet dont la dimension européenne est essentielle.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous rassurer. Il semblerait donc que cette fois-ci soit la bonne ! Les élus et les populations apprécieront.

Permettez-moi toutefois de faire une dernière remarque : il faudra bien tenir compte des risques d’inondation dans la traversée de la basse plaine de l’Aude lors de la construction de cette ligne à grande vitesse. Sur cette partie, la traversée ne pourra se faire que par la réalisation d’un viaduc et non d’un remblai. Il s’agit de ne pas aggraver les risques, pour les personnes et pour les biens, liés aux inondations violentes, notamment près de la commune de Cuxac-d’Aude, laquelle a déjà payé un lourd tribut lors des inondations de 1999. Marie-Hélène Fabre, député de l’Aude, et moi-même vous avons déjà alerté sur ce problème, monsieur le secrétaire d’État.

pénurie de médecins en eure-et-loir

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1290, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Chantal Deseyne. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la pénurie de médecins en Eure-et-Loir. Je pourrais malheureusement élargir ma question à bien d’autres départements, puisque 8 % de nos concitoyens habitent des territoires où la densité médicale est préoccupante.

Tous les départements de la région Centre ont une densité de médecins plus faible que la moyenne nationale : elle est de 97,6 omnipraticiens pour 100 000 habitants.

Parmi les départements de la région Centre, l’Eure-et-Loir est le département dont la densité de médecins est la plus faible puisqu’il compte 74,2 omnipraticiens pour 100 000 habitants.

Selon l’Atlas régional de démographie médicale, le département de l’Eure-et-Loir aura connu entre 2013 et 2018 une baisse de 3,4 % du nombre de médecins inscrits en activité régulière. Au regard des projections établies par l’Ordre national des médecins, la situation actuelle risque encore de se dégrader. Cette pénurie va en effet s’amplifier, car les médecins potentiellement sortants, âgés de soixante ans et plus, constituent 27 % des effectifs, tandis que la tranche d’âge des moins de quarante ans représente seulement 11 % de l’ensemble des médecins.

Cette situation est source d’inquiétude pour les patients, qui rencontrent de réelles difficultés pour accéder à une offre de soins de proximité dans des délais courts.

Ce manque de médecins provoque par ailleurs un engorgement des services d’urgences à l’hôpital. L’été dernier, les médecins urgentistes du centre hospitalier de Dreux ont fait grève pour alerter les pouvoirs publics. En un an, ils ont constaté une augmentation de 8 % du nombre de leurs patients.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour favoriser l’installation de médecins en Eure-et-Loir et ainsi remédier à cette pénurie ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, améliorer l’accès aux soins et réduire les inégalités territoriales ont immédiatement été au nombre des objectifs prioritaires du Gouvernement dès 2012.

Le « Pacte territoire santé » que Marisol Touraine a lancé précisément en 2012 est une illustration concrète de cet engagement. Ce pacte mobilise un ensemble de leviers, de la formation des professionnels aux conditions d’exercice, pour attirer notamment les jeunes médecins dans des territoires manquant de professionnels.

Trois ans après, les résultats sont au rendez-vous. Ce pacte est aujourd’hui largement reconnu et a permis d’impulser une dynamique nouvelle dans les zones en difficulté.

C’est la raison pour laquelle la ministre a annoncé, à la fin de 2015, un « Pacte territoire santé 2 » intégrant de nouvelles initiatives. Sans revenir dans le détail sur le contenu du pacte, voici quelques résultats concrets de cette politique.

Le contrat d’engagement de service public permet aux jeunes en formation de bénéficier d’une bourse, en contrepartie d’une installation dans un territoire manquant de professionnels. Grâce à cette mesure, plus de 1 300 étudiants ou internes se sont déjà engagés à s’installer dans une zone avec des difficultés démographiques.

Grâce au contrat de praticien territorial de médecine générale, ou PTMG, qui sécurise l’installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d’exercice, 500 professionnels se sont installés dans des territoires manquant de médecins.

Les projets d’exercice coordonné, qui répondent aux attentes des professionnels, notamment des jeunes, désireux de travailler autrement, sont aussi en plein essor : il y avait 174 maisons de santé en 2012 ; nous en sommes à près de 800 à la fin de 2015.

Je veux vous indiquer par ailleurs, madame la sénatrice, que la mobilisation est également au rendez-vous en région Centre - Val de Loire. L’Agence régionale de santé s’est ainsi engagée aux côtés du conseil régional dans le cadre du contrat de projets État-région pour soutenir le déploiement de maisons de santé pluridisciplinaires : 42 de ces maisons de santé pluridisciplinaires sont actuellement en fonctionnement. Une maison de santé pluridisciplinaire a d’ailleurs vu le jour à Dreux, dans le quartier des Bâtes, le 2 janvier 2016.

Autres éléments encourageants, 41 contrats d’engagement de service public et 38 contrats de praticien territorial de médecine générale ont été signés dans la région.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement et la ministre restent mobilisés, car c’est dans la durée que nous mesurerons la portée de nos efforts.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse et j’ai bien pris note des mesures qui ont été mises en place, sauf que celles-ci ne sont pas tout à fait arrivées jusqu’en Eure-et-Loir…

La région compte certes 42 maisons de santé, mais, en 2016, dans la seule ville de Dreux, 7 médecins prendront leur retraite et ne seront pas forcément remplacés.

Il me semble que la médecine générale est quelque peu méprisée et je vous inviterais bien à la valoriser dans le cursus de médecine. En effet, sur cent étudiants en médecine, seule une très faible proportion, de l’ordre de 10 %, envisage d’exercer en médecine générale libérale.

situation des enfants intersexes

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 1276, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, actuellement, en France, il naît environ 2 % d’enfants par an qui ne disposent pas, à la naissance, de caractères sexuels bien précis. Les parents, mal informés, doivent se déterminer sur l’assignation du sexe qu’ils veulent donner à leur enfant pour l’inscrire à l’état civil selon la classification binaire du genre, et ce dans un délai de trois ans.

Les actes de chirurgie corrective qui en découlent sont qualifiés de véritables mutilations et tortures par les institutions des Nations unies et par le Conseil de l’Europe, dans son rapport de 2013 sur les droits des enfants à l’intégrité physique. Au-delà de la violence physique, ces personnes sont niées dans ce qu’elles sont intrinsèquement. Les discriminations dont elles sont victimes entraînent bien souvent leur précarisation.

Les personnes intersexes réclament aujourd’hui le droit à leur intégrité physique et au respect de leur choix. Des associations se sont constituées dans de nombreux pays afin de faire entendre leurs revendications et leur volonté de faire changer la législation des États qui pratiquent les opérations destinées à la détermination sexuée des nourrissons.

Certains pays ont d’ores et déjà établi qu’aucune opération ne peut être pratiquée tant que l’enfant n’est pas en âge de dire s’il souhaite devenir un homme ou une femme, ou rester intersexe. Nous n’en sommes pas encore là en France. Aucune étude n’a été réalisée, ce qui rend encore plus invisibles les personnes intersexes. En revanche, la prise en compte de cette question progresse dans notre société.

En juin dernier, dans le cadre du festival du cinéma des minorités, l’Organisation internationale des Intersexes a mis en place une résidence à Douarnenez accueillant les témoignages des personnes intersexes du monde entier, ainsi que des juristes, des médecins, des sociologues et le représentant du Commissaire européen aux droits de l’homme.

Je me réjouis aussi que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes organise une table ronde sur cette thématique le 12 mai prochain.

Par ailleurs, la décision du tribunal de grande instance de Tours, en octobre dernier, de modifier l’acte de naissance d’une personne intersexuée âgée de plus de soixante ans, désignée jusque-là comme étant de « sexe masculin », en acceptant d’enregistrer la mention « sexe neutre », constitue une avancée indéniable.

Aussi, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mieux protéger ces enfants et garantir leurs droits fondamentaux ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les enfants intersexes à la naissance, c’est-à-dire les nouveau-nés qui ont une anomalie congénitale entraînant une difficulté de détermination du sexe.

Ces situations sont fort heureusement rares : l’incidence à la naissance est mal connue, mais serait de l’ordre d’une naissance sur 5 000, soit probablement environ 160 naissances par an. Pour autant, la marginalité de la situation n’altère en rien l’importance du sujet.

Mme Maryvonne Blondin. Non, en effet !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a interrogé à ce sujet la France au cours des auditions des 13 et 14 janvier dernier. Le Comité a soulevé des questions relatives à la temporalité des interventions et au consentement de l’enfant lui-même, qui nécessiterait de décaler les interventions dans l’intérêt de l’enfant.

Avant toute décision thérapeutique, ces enfants nécessitent une prise en charge multidisciplinaire dans des centres experts spécialisés où seront réalisés les examens endocrinologiques, génétiques et d’imagerie indispensables pour définir la maladie responsable et les possibilités thérapeutiques, médicales autant que chirurgicales.

En France, il existe un centre de référence, le centre des maladies rares du développement sexuel, qui comprend un site à Lyon et un site au Kremlin-Bicêtre ; il travaille en lien avec les autres centres de référence des maladies endocriniennes rares. Le recours à un centre de référence est essentiel pour la démarche diagnostique, le traitement médical et les indications chirurgicales, précoces ou différées, le suivi, ainsi que pour la recherche clinique.

Les indications chirurgicales peuvent être difficiles. C’est pourquoi elles font l’objet de discussions et de travaux internationaux, qui, reconnaissons-le, ne sont pas parfaitement consensuels. Ces indications chirurgicales sont le plus souvent spécifiques à chaque cas et demandent donc une information personnalisée très complète et régulière des parents.

Le caractère irréversible de certaines interventions de reconstruction impose de tenir compte des données médicales, en particulier pronostiques, et du libre choix des parents et de l’enfant quand celui-ci est en mesure d’exprimer sa volonté.

Quelles que soient les modalités thérapeutiques, un suivi prolongé est nécessaire pour évaluer les conséquences physiques, sexuelles et psychiques des traitements réalisés.

Dans ces situations médicales complexes, aux conséquences multiples tout au long de la vie, la qualité de l’expertise, de la prise en charge et du dialogue continu est le meilleur garant du respect des droits de l’enfant. Elle doit permettre d’éviter toute décision hâtive et tout acte qui pourrait être vécu plus tard comme une mutilation inacceptable.

Enfin, cette question de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est une problématique partagée en Europe. Elle fait l’objet de travaux en cours au sein du plan d’action sur les droits des enfants 2016-2021 et de l’unité « SOGI » du Conseil de l’Europe, en charge des questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Au regard de la complexité d’un sujet qui se rapporte tant aux questions d’éthique qu’aux droits de la personne humaine, à la lutte contre les discriminations et à la santé, le Comité consultatif national d’éthique sera saisi avant que puisse être arrêtée une position du Gouvernement en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Vous avez décrit toutes les difficultés d’un sujet sur lequel ma question visait à sensibiliser un peu plus encore notre société, madame la secrétaire d’État, et je vous en remercie.

Je veux tout de même souligner la force des témoignages qui ont été recueillis dans le cadre du travail réalisé par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, travail auquel j’ai participé auprès de Mme Rupprecht. En Allemagne, les interventions chirurgicales ont ainsi été différées jusqu’à l’âge de quinze ans, le temps que l’enfant puisse véritablement donner son avis.

Or, en France, s’impose un délai de trois ans pour remplir la fameuse case : « femme » ou « homme ». Nous en sommes là ! J’aimerais donc que ce sujet soit vraiment pris en compte et que le Défenseur des droits, qui y a été sensibilisé, puisse s’en saisir.

mutualisation des fonctions de direction et de comptabilité des centres sociaux