Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Il faut recadrer le débat. Il y a deux sujets.

Le premier est le dispositif du 1 % artistique, qui existe depuis les années cinquante. Beaucoup de collectivités, même si c’est avec certaines difficultés de procédure, j’en conviens, l’utilisent avec plaisir.

M. David Assouline. Avec plaisir…

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Nous avons en effet tous intérêt à ce qu’émerge, en même temps qu’un équipement, une œuvre d’art. Je crois que dans leur ensemble les élus locaux sont assez favorables à ce dispositif d’investissement dans une œuvre culturelle, qui peut d’ailleurs être de plusieurs natures, puisqu’elle peut être visuelle, sculpturale ou même de lumière.

Mais nous parlons là du 1 % artistique nouveau, qui est en cours de gestation et qui porterait, non pas sur les investissements d’équipement en bâtiment, mais sur les travaux publics. Nous sommes donc sur deux sujets différents.

M. David Assouline. On ne parle pas encore du 1 % nouveau !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Monsieur Assouline, l’amendement déposé notamment par M. Abate évoque un rapport sur un 1 % artistique lié aux travaux publics. Or le débat a dérapé sur le 1 % artistique lié aux bâtiments.

On verra lors de l’examen de l’amendement suivant, mais, s’agissant de l’amendement n° 234, je confirme l’avis défavorable de la commission, d’abord sur la demande d’un rapport, ensuite sur un rapport portant sur un hypothétique dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il faut en effet recadrer le débat et savoir ce sur quoi nous délibérons. Chacun des nombreux amendements qui ont été déposés ne doit pas être examiné en fonction de ceux qui viendront après.

L’amendement dont nous discutons prévoit un rapport pour évaluer le dispositif existant. M. le rapporteur dit que c’est un dispositif dont on est fier et que les élus locaux aiment, même s’il y a quelques difficultés. Mais l’on a compris au cours du débat que, au nom d’un certain nombre de principes politiques qui se mélangent à la liberté des collectivités locales, un élu pourra aller jusqu’à décider qu’il ne fait rien parce qu’il a d’autres urgences. Ça devient donc un dispositif conjoncturel.

Plusieurs débats se mélangent.

Comme M. Leleux sur cette question précise, j’estime que, avant de demander un nouveau rapport, il faudrait déjà que les rapports prévus par diverses lois et votés par nous chaque fois qu’une question n’est pas réglée nous aient été remis. Quand on fait l’évaluation de ces rapports, ce qu’il m’est arrivé de faire comme président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, on se rend en effet compte que pas la moitié si ce n’est le tiers d’entre eux ont été effectivement produits. Pourquoi ? Parce que, sauf à embaucher un nombre invraisemblable d’experts et de rapporteurs, c’est impossible !

Au début, je me demandais : pourquoi prévoir un rapport ? Mais, après ce débat où je vois que le dispositif est contesté et que des élus d’importantes collectivités locales dénoncent un problème de fonctionnement, moi qui veux que l’on conforte cette politique qui existe depuis longtemps et qui n’avait jamais été remise en cause, j’estime qu’une clarification est nécessaire. Je suis donc favorable à un rapport, car il me paraît utile qu’il y ait une évaluation et que chacun puisse juger sur pièces.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Je crois nécessaire de rappeler les propos que j’ai tenus au sujet du 1 % travaux publics.

J’ai dit mot à mot que nous étions opposés à l’élargissement de l’assiette, c’est-à-dire à l’ouverture du 1 % artistique aux travaux publics – le fameux « 1 % goudron » –, car, au nom du principe de réalité, nous ne pensons pas que les collectivités puissent dédier une somme suffisante chaque fois qu’elles font de l’aménagement de fonctionnement sur leur territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je veux préciser que la position que j’ai exprimée porte sur un amendement visant à établir un rapport pour analyser le fonctionnement du 1 % artistique.

Je rappelle que ce dispositif n’a pas été remis en cause, quelle qu’ait d’ailleurs été la majorité, depuis sa création. Il permet de mettre de l’art dans l’espace public, notamment dans les écoles. J’ai visité beaucoup d’établissements qui en avaient bénéficié : ni les élus qui avaient commandé les œuvres ni les élèves, par exemple des collèges, qui avaient parfois pu participer à la conception ou à la construction de l’œuvre, n’ont manifesté d’opposition à une politique qu’ils trouvent au contraire très bénéfique.

Ce dispositif permet de rendre l’art plus proche de nos concitoyens, de donner accès à l’art aux publics qui en sont les plus éloignés. C’est donc avec étonnement que je note que la plupart des intervenants qui se sont exprimés sur les travées de la majorité sénatoriale semblent le remettre aussi fondamentalement en cause alors qu’il fait beaucoup pour la démocratisation de l’art et pour l’accès à la culture. Je le regrette.

M. Éric Doligé. Il ne faut pas en rajouter !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 3
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Article 4 A

Article 3 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de mettre en place un dispositif permettant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Avec cet amendement, qui vise l’autre 1 % – le 1 % goudron –, il s’agit de revenir au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et de prévoir que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’expérimenter un dispositif qui permettrait de consacrer 1 % du coût des travaux publics menés par l’État et les collectivités territoriales à tout ce qui est art public.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous êtes apparemment très attachés au développement culturel de vos territoires. Aujourd'hui se déroulent sur l’espace public de très nombreuses manifestations organisées par la Fédération nationale des arts de la rue, arts de la rue qui donnent lieu en France à de grands festivals.

L’idée est que, justement parce que ces manifestations se déroulent sur l’espace public, leur financement à titre expérimental sur une part du coût des travaux d’aménagement de cet espace grâce à ce second volet du 1 % pourrait faire l’objet d’un rapport.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons explicitées tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Cette proposition me semble utile pour mesurer les possibilités de mettre à profit l’expérience du 1 % sur les constructions publiques et d’identifier les moyens de proposer, non seulement des œuvres, mais également des performances artistiques et tous projets artistiques et culturels dans l’espace public. L’avis est favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Mme Colette Mélot. Je souhaite venir à l’appui des arguments de M. le rapporteur.

Le 1 % artistique a une cohérence. Lorsqu’un maître d’ouvrage public construit un bâtiment, il est intéressant de réserver 1 % du coût de la construction pour l’acquisition d’une œuvre d’art spécialement conçue pour ce bâtiment, nous en sommes tous convaincus, car ce dispositif concourt au développement des arts plastiques.

À l’inverse, le raisonnement qui sous-tendait l’article 3 bis et qui consistait à faire un lien entre espace public et arts de la rue me paraît acrobatique…

Sur le fond, si le 1 % artistique a fait ses preuves pour le soutien de la création dans le domaine des arts plastiques, il me semble hasardeux de vouloir l’étendre à des formes de création éphémères.

De plus, il est difficile de prévoir les effets d’une concurrence entre le 1 % artistique et ce 1 % travaux publics, ce qui représente tout de même un problème important.

La question d’un nouveau 1 % se pose-t-elle d’ailleurs réellement, au regard de l’état actuel des finances locales ? Ce serait une charge financière supplémentaire pour nos collectivités.

Sur la forme, l’auteur de l’article 3 bis, Patrick Bloche, n’a pas fait mystère de sa volonté de contourner la règle de l’article 40, qui aurait empêché le dépôt d’un amendement créant purement et simplement le dispositif.

Nous nous trouvons donc devant un probable rapport fictif, qui ne verra certainement jamais le jour une fois ce débat clos, même si le Gouvernement semble soutenir cette démarche. C’est l’expérience qui parle !

Évitons par conséquent d’inscrire dans la loi la création d’un énième rapport, dont la commission rejette traditionnellement le principe. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. S’agissant des rapports, un avis négatif devrait donc indifféremment tomber ! Or nous devrions avoir ensemble l’intelligence de faire en sorte qu’aucune règle ne s’applique, quelle que soit la situation au motif qu’il y aurait eu des abus, et, je le dis, il y a des abus. Je partage l’idée que les demandes de rapport ne doivent pas servir de moyen détourné pour discuter de dispositions qui tomberaient sous le couperet l’article 40 de la Constitution ou pour avoir un débat sur des questions qui ne relèvent pas de l’ordre législatif.

Je suis aussi absolument contre la dévalorisation de la loi, dont le caractère souvent trop bavard est encore aggravé quand elle annonce des choses qui ne se font jamais ensuite. Ces rapports qui ne viennent pas la discréditent !

Mais nous venons d’aborder deux sujets où ce sont justement des rapports qui pourront éclairer notre travail législatif.

À l’instant, il s’est agi d’un sujet qui, sans que l’on s’en soit rendu compte – pour ma part, c’est en tout cas le débat qui m’a permis de le faire –, pose manifestement plus de questions qu’on ne le croit. Madame Mélot, vous venez de dire que le dispositif du 1 % était génial, mais plusieurs de vos collègues ont dit exactement l’inverse avant vous.

M. David Assouline. En tout cas, ils n’ont pas montré, comme vous et comme M. Leleux, une grande joie… Je ne critique pas ce fait-là : il peut y avoir des appréciations différentes,…

M. David Assouline. … mais, quand des acteurs locaux tout à fait responsables, et qui ont la même légitimité, voient les choses de façon aussi différente, un rapport pour éclairer et faire un état des lieux partagé est nécessaire !

Maintenant, il s’agit d’un dispositif qui, de votre point de vue, n’est pas bon. Mais on l’expérimente à Paris et dans d’autres endroits. Certains vont peut-être être convaincus par l’expérience, d’autres considérer qu’elle est négative. C’est pourquoi, avant d’éventuellement légiférer, il convient justement de disposer d’un rapport qui évalue les résultats effectifs du dispositif là où il y a des expérimentations et l’impact qu’il aurait ailleurs.

Dans ces deux cas particuliers, parce que nous sommes intelligents, nous pouvons considérer que des rapports sont justifiés. Je le répète, quand des rapports sont injustifiés, faisons tomber le couperet, et refusons les demandes tous azimuts ! Mais, monsieur le rapporteur, jugeons la nécessité de chaque rapport au cas par cas et n’adoptons pas une doctrine contre tout rapport.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Pour ma part, monsieur Assouline, je m’étonne que l’on veuille un rapport sur ce sujet, et je vais vous dire pourquoi.

Je m’occupe, sous la présidence de Jean-Claude Luche, des travaux routiers dans le département de l’Aveyron. Nous investissons chaque année environ 40 millions d’euros sur les routes, ce qui signifierait, si nous adoptions l’idée du 1 % travaux publics, 400 000 euros consacrés à la culture.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, nous offre des possibilités d’action en matière culturelle.

Mais, comme les dotations de l’État sont en nette baisse, les départements ruraux vont être obligés de consacrer 400 000 euros en moins à la culture !

M. David Assouline. Quel est le rapport ?

M. Alain Marc. Il faut cesser de faire preuve d’angélisme et de naïveté ! Dans les départements ruraux, nous faisons avec ce que nous avons. Nous ne voulons pas de contrainte supplémentaire.

Nous agissons déjà beaucoup en faveur de la culture. Nous ne voulons pas que cela nous soit imposé au travers du 1 % goudron. Une telle mesure serait totalement stupide et démagogique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. David Assouline. C’est pas démago, ça ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Personnellement, je crois au bien-fondé du 1 % culturel. J’ai eu l’occasion de l’appliquer avantageusement quand j’étais adjointe à la culture dans ma commune.

Cependant, il me semble que nous parlons un peu dans le vide. En effet, madame la ministre, il n'est pas nécessaire d’attendre une disposition législative sur la possibilité ou l’obligation d’un rapport sur le 1 % culturel pour que vos services établissent un tel rapport ! Ils peuvent engager ce travail dès maintenant, si vous le jugez opportun, et vous suggérer d’éventuelles améliorations.

Ne nous trompons pas de débat. Il ne s’agit pas ici de discuter de l’opportunité du 1 % culturel obligatoire. D’après ce que j’ai compris, vous souhaitez plutôt dresser un état des lieux. Nul besoin de loi pour cela !

Par ailleurs, à l’instar de Mme Mélot, je suis un peu dubitative sur les rapports. Je le rappelle, une disposition insérée sur notre initiative dans le projet de loi relatif au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre prévoit la remise au Parlement d’un rapport « sur l’éligibilité à l’aide à l’équipement des foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public et ne recevant les services de télévision en clair que par la voie satellitaire sans abonnement ». Nous souhaitions apporter cette mesure d’équité à nos concitoyens. Or, à ma connaissance, nous n’avons toujours pas reçu ce rapport, qui aurait dû nous être remis au début du mois de janvier !

Plus généralement, nous devons souvent attendre des mois, voire des années avant que les rapports soient réalisés. Laissons donc le soin de les rédiger aux services concernés des ministères ou du Parlement, qui, lui aussi, est compétent. Inutile de passer par la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je voterai cet amendement, comme j’avais voté l’amendement précédent. Je lirai le rapport avec jubilation, parce qu’il est toujours heureux de pouvoir s’appuyer sur une réflexion préalable.

Je veux simplement dire un mot du terme « décoration », qui figurait dans le texte de l’amendement précédent.

Je trouve ce terme un peu étrange. Il présuppose l’existence d’une œuvre – il peut s’agir d’une route, d’un pont, d’une école, d’un hôpital, d’un théâtre… – qui ne relève pas de la culture et à laquelle on vient ajouter quelque chose, afin qu’il y ait un « plus » culturel.

Cela me fait un peu penser à ces guirlandes qui servent à enjoliver le réel ou à ces gâteaux auxquels on ajoute quelques ronds de confiture ou quelques fleurs pour faire saliver. (Sourires.)

M. René-Paul Savary. À crédit sur nos enfants !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je voudrais que l’on réfléchisse également – il pourrait justement y avoir quelques pages en ce sens dans le rapport – à la pertinence de la démarche consistant à distinguer la substance première de sa décoration par l’ajout d’un élément artistique.

Pour ma part, je considère que le pont est en lui-même une œuvre d’art. J’aimerais que les artistes sollicités ensuite pour le décorer fussent associés au projet dès l’origine.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous devons concevoir la culture comme un tout et considérer que l’art est présent du début à la fin. Cela permettrait qu’il y ait cette beauté dont le futur rapport nous entretiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je partage la position pragmatique de David Assouline sur les rapports. Il ne faut évidemment pas aboutir à une inflation de rapports, mais, lorsqu’un rapport paraît utile, nous pouvons soutenir la démarche. Ne dessaisissons pas le Parlement de son pouvoir d’initiative en la matière !

Sur le fond, cette discussion me permet de lever une ambiguïté qui a persisté lors de l’examen de l’amendement précédent. Nous avions déposé l’amendement n° 234 parce que nous ne voulions pas que le débat de l’amendement n° 86 rectifié soit le prétexte à une remise en cause du 1 % artistique ; cela poserait beaucoup de problèmes à nos yeux. Le dispositif existe depuis longtemps, et il mérite d’être évalué, conforté et encouragé.

L’élargissement du 1 % artistique sur les travaux publics soulève de nombreux problèmes et fait naître de nombreuses incertitudes, compte tenu à la fois du volume qui serait concerné et du caractère éphémère des travaux, donc des projets artistiques qui pourraient les accompagner. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.

En tout état de cause, au vu de la confusion que ce débat est susceptible d’entretenir, j’estime que nous avons eu raison de déposer l’amendement précédent, afin de consolider le dispositif du 1 % artistique, qui, encore une fois, existe, fonctionne et doit plus que jamais être conforté.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Par définition, le Parlement est le lieu où l’on parle. D’aucuns se plaignent parfois que nous parlions trop. Fort heureusement, on n’a plus besoin de lois pour dire que la parole est libre au Sénat ! Que tout le monde s’exprime !

Je fais amende honorable pour avoir confondu deux amendements tout à l'heure. Dont acte.

Je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement. Madame la ministre, j’ai un peu le sentiment d’être dans « Ubu au Sénat » ! (Sourires.) Vous venez de vous prononcer en faveur de deux amendements visant à la remise de rapports au Parlement. Qu’est-ce qui vous empêche aujourd'hui de prendre l’engagement de satisfaire ces demandes, qui ne relèvent pas du domaine de la loi ? Tout le monde sera satisfait, et les deux amendements pourront être retirés ! (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Gérard Longuet. Élémentaire, mon cher Watson !

M. René-Paul Savary. C’est le bon sens !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. J’entends tout à fait les propos de M. le rapporteur. Je pourrais effectivement commander ces rapports à mon administration.

Simplement, lorsque j’ai eu à me prononcer sur les amendements, j’ai souhaité exprimer mon accord de principe sur la remise de tels rapports.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 bis demeure supprimé.

Chapitre II

Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique

Article 3 bis (supprimé)
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Article 4 B

Article 4 A

(Non modifié)

Après le premier alinéa de l’article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit. » – (Adopté.)

Article 4 A
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Article 4

Article 4 B

(Supprimé)

Article 4 B
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

Le chapitre II du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Les articles L. 212-10 et L. 212-11 deviennent, respectivement, les articles L. 212-3-5 et L. 212-3-6 ;

2° Est insérée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 212-1 à L. 212-3-6 ;

3° Est insérée une section 2 intitulée : « Contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de vidéogrammes » et comprenant les articles L. 212-4 à L. 212-9. – (Adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Article additionnel après l'article 5

Article 5

Le même chapitre II est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes

« Art. L. 212-10. – (Non modifié) L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service avec un producteur de phonogrammes n’emporte pas dérogation à la jouissance des droits reconnus à l’artiste-interprète par les articles L. 212-2 et L. 212-3, sous réserve des exceptions prévues au présent code.

« Art. L. 212-11. – La cession des droits de l’artiste-interprète mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans le contrat conclu avec le producteur de phonogrammes et que le domaine d’exploitation de ces droits soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

« Toute clause qui tend à conférer le droit d’exploiter la prestation de l’artiste-interprète sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de signature est expresse et stipule, au bénéfice des artistes-interprètes dont les contrats prévoient le paiement direct par le producteur d’une rémunération proportionnelle aux recettes de l’exploitation, une participation corrélative auxdites recettes.

« La cession au producteur de phonogrammes de droits de l’artiste-interprète autres que ceux mentionnés au présent code est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention expresse distincte dans le contrat.

« Art. L. 212-12. – (Non modifié) En cas d’abus notoire dans le non-usage par un producteur de phonogrammes des droits d’exploitation qui lui ont été cédés, la juridiction civile compétente peut ordonner toute mesure appropriée.

« Art. L. 212-13. – Le contrat conclu entre l’artiste-interprète et le producteur de phonogrammes fixe une rémunération minimale garantie en contrepartie de l’autorisation de fixation, rémunérée sous forme de salaire, de la prestation de l’artiste-interprète.

« Chaque mode d’exploitation du phonogramme incorporant la prestation de l’artiste-interprète prévu au contrat fait l’objet d’une rémunération distincte.

« Sont regardées comme des modes d’exploitation distincts la mise à disposition du phonogramme sous une forme physique et sa mise à disposition par voie électronique.

« Art. L. 212-13-1 – (Non modifié) I. – La mise à la disposition d’un phonogramme de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, dans le cadre des diffusions en flux, fait l’objet d’une garantie de rémunération minimale.

« II. – Les modalités de la garantie de rémunération minimale prévue au I et son niveau sont établis par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives des artistes-interprètes et les organisations représentatives des producteurs de phonogrammes.

« Cet accord peut être rendu obligatoire par arrêté du ministre chargé de la culture.

« III. – À défaut d’accord collectif dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, la garantie de rémunération minimale versée par le producteur aux artistes-interprètes prévue au I est fixée de manière à associer justement les artistes-interprètes à l’exploitation des phonogrammes, par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en outre, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les artistes-interprètes et, pour moitié, de personnes désignées par les organisations représentant les producteurs de phonogrammes.

« Art. L. 212-14. – Lorsque le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation, le producteur de phonogrammes rend compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente.

« À la demande de l’artiste-interprète, le producteur de phonogrammes fournit à un expert-comptable mandaté par l’artiste-interprète toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes. »

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. L’article 5 ouvre une série de dispositions relatives au secteur de la musique.

Nous le savons, les tensions en la matière entre producteurs, artistes et plateformes numériques sont fréquentes, en raison d’un contexte économique déprimé et, surtout, des bouleversements technologiques, qui modifient en profondeur les équilibres de rémunération entre les différents éléments de la filière. Nous vivons effectivement une vraie révolution. Les modèles sont en train de changer.

Madame la ministre, la médiation que vous avez confiée à M. Marc Schwartz l’été dernier a permis de louables avancées en faveur d’un plus juste partage de la valeur et de relations contractuelles mieux encadrées. Le présent projet de loi s’en fait l’écho dans cet article.

Notre commission a soutenu la démarche de sécurisation des contrats et des rémunérations que vous avez engagée. Toutefois, elle a rétabli la distinction entre artistes-interprètes principaux et artistes dits « de complément ». Elle a supprimé l’extension de la licence légale aux webradios – nous y reviendrons – en l’absence d’informations chiffrées fiables et d’étude d’impact satisfaisante. Elle a également renforcé l’articulation entre le médiateur de la musique, l’Autorité de la concurrence et les instances de conciliation prévues par la convention collective.

Ainsi modifiées, les dispositions du présent texte relatives au secteur de la musique présentent un équilibre satisfaisant entre la nécessaire reconnaissance des artistes, par une amélioration de leur rémunération, les intérêts économiques des producteurs et les enjeux liés à l’émergence de nouveaux modes de diffusion.

Il conviendra de veiller à ne pas trop bouleverser les équilibres ainsi obtenus.