Mme Françoise Férat, rapporteur. Ah !

M. Patrick Abate. En attendant, et en espérant que l’Assemblée nationale saura rétablir un certain nombre d’équilibres qui ont été mis à mal dans cette enceinte, nous voterons contre le texte, en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin, nous avons eu au Sénat un débat, très riche et constructif, sur un projet de loi trop longtemps attendu, ce d’autant plus que le contexte actuel, dominé par des attaques et menaces terroristes contre notre mode de vie en société, dominé aussi par une remise en cause de nos valeurs républicaines et de la laïcité qui nous permettent de vivre ensemble, comme par un chômage de masse qui mine le lien social, nécessite aussi une réponse culturelle.

C’est notre culture, dans ce qu’elle est et ce qu’elle a de magnifique, concentré de valeurs universalistes, d’expressions et de représentations qui ont infusé à travers les siècles et les territoires de notre pays, d’apports ininterrompus de tous ceux qui sont venus le peupler et s’y installer, qui est la cible particulière des terroristes.

C’est elle aussi qui est ciblée de plus en plus fréquemment par les intolérants et les extrémistes qui saccagent des œuvres et des expositions ou empêchent des représentations artistiques.

La culture est ciblée, mais c’est aussi par la culture, par la création, par l’art, par la défense de tous nos patrimoines que nous devons répondre.

M. David Assouline. Au moment où le lien social se délite,…

M. Hubert Falco. Il n’y a pas que le lien social !

M. David Assouline. … où la tentation éternelle d’accuser l’autre de ses difficultés de vivre envahit l’espace social et politique, l’art est un antidote à la barbarie et à la haine.

Aussi devons-nous redonner toute sa place à la culture dans le projet républicain et être capables de la valoriser, de lui restituer toute sa force, son rayonnement, sa capacité dynamique d’évocation, de sublimation, d’entraînement, d’utopie, de contestation, de communion, de joie et de partage d’émotions, sans nul autre pareil. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fouché. Vous n’avez pas le monopole de la culture !

M. David Assouline. Oui, aujourd’hui plus que jamais, parce que nous traversons des crises multiples – terroriste, économique, civique –, la culture n’est pas un supplément d’âme, c’est notre âme, notre âme commune !

Mes chers collègues, nous pouvons redonner du sens à la politique par la culture, plus que par l’énoncé sans âme de chiffres et de statistiques économiques.

Madame la ministre, le projet de loi que, après votre prédécesseur, qui l’avait engagé, vous avez défendu ici au pied levé, avec talent, sérénité et une remarquable – et remarquée – capacité d’écoute, est une pierre importante dans ce combat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il affirme nettement la place de l’art et de la culture dans la République, relance l’éducation artistique, renforce la protection du patrimoine et apporte enfin une première réponse à la révolution numérique qui a bouleversé les pratiques artistiques et culturelles.

Avec ce texte, les artistes seraient mieux protégés et surtout mieux rémunérés, grâce à des règles précises et transparentes dans les secteurs musical et cinématographique.

La diversité culturelle et la reconnaissance des pratiques amateurs auraient désormais une reconnaissance législative.

La libre création des œuvres et la libre programmation des spectacles seraient des biens communs garantis par la loi.

Nous avons été unanimes à saluer ce qui est affirmé avec force dès l’article 1er : l’inscription nette de la liberté de création parmi les libertés fondamentales.

Pour aller dans ce sens, mon groupe a proposé un nouvel article 1er bis, qui concrétise et renforce cette affirmation en proclamant que la diffusion de la création est aussi libre.

Nous sommes particulièrement fiers que le Sénat nous ait suivis, car, comme chacun le sait, dans le contexte actuel de la gigantesque et formidable révolution technologique du numérique, du bouleversement de l’offre et des usages, mais aussi de la financiarisation de l’économie, de la captation de la valeur par quelques grands acteurs connus qui s’émancipent de l’équité fiscale comme des protections du droit d’auteur, de la tendance à la concentration de la diffusion de la création dans les mains d’un petit nombre de grands acteurs qui contrôlent souvent toute la chaîne d’un secteur avec, pour finalité première, d’en tirer un maximum de bénéfices immédiats, la diffusion de la création est de moins en moins diverse parce qu’elle a de moins en moins les moyens de sa diffusion libre.

On diffuse selon des standards, et c’est l’uniformisation qui domine. Aucun secteur n’est épargné : création audiovisuelle et cinématographique, musique, spectacle vivant. Or l’uniformisation, c’est la négation de la création artistique. Nous devons donc plus que jamais préserver et promouvoir la diversité de l’offre créative.

Mes chers collègues, au Sénat, ce projet de loi a souvent été enrichi, mais aussi parfois dénaturé, en particulier en ce qui concerne l’archéologie préventive.

Mon groupe est satisfait d’avoir su convaincre la Haute Assemblée d’adopter quarante-quatre de ses amendements : modernisation de la copie privée, meilleure protection sociale du spectacle vivant et enregistré, définition et reconnaissance spécifique du distributeur des programmes audiovisuels, harmonisation des cursus d’enseignement supérieur artistique et culturel et des études supérieures d’architecture, base légale octroyée aux fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, possibilité ouverte aux établissements publics de coopération intercommunale de subventionner les petites salles de cinéma, renforcement des pouvoirs d’action judiciaire du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC.

Cependant, si nous étions prêts à redéfinir les rapports entre producteurs indépendants et diffuseurs audiovisuels, les seuils fixés par le rapporteur nous semblent, hélas !, excessifs.

En ce qui concerne la protection du patrimoine, nous sommes heureux que la notion de patrimoine immatériel, déjà retenue par l’UNESCO, soit introduite en droit français.

Nous nous réjouissons aussi de l’adoption de plusieurs amendements tendant à renforcer les pouvoirs de la Commission nationale ou à prévoir la concertation préalable avec les ABF concernant les sites patrimoniaux protégés.

Malheureusement, le Sénat a fait marche arrière par rapport aux ambitions du projet de loi sur la réforme de l’archéologie préventive, avec la privatisation et une conception libérale de ce secteur.

Globalement, nous nous abstiendrons donc sur le texte tel qu’il nous est soumis aujourd’hui (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), en espérant que, avec la navette et la poursuite des débats, le Sénat fasse les pas nécessaires pour que notre vote en deuxième lecture soit favorable.

Madame la ministre, sachez que nous serons à vos côtés pour préserver l’essence du texte initial ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a été marqué par des contrastes saisissants entre le bon climat qui a présidé à son élaboration au Sénat et les obstacles liés à l’ordre du jour qui ont empêché la continuité du débat. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Férat, rapporteur. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Blandin. Les rapporteurs, M. Leleux et Mme Férat, ont su faire montre d’une écoute attentive vis-à-vis de leurs collègues de la commission de la culture : même si des avis divergents ont subsisté sur des points sensibles, l’échange et la pédagogie ont été de mise.

Vous-même, madame la ministre, avez sans délai manié avec aisance la mécanique des amendements et, par votre écoute, contribué à des inflexions souhaitées par les groupes et à des synthèses consensuelles. Vous avez créé des ouvertures qui ne manqueront pas de se concrétiser au cours de la navette parlementaire.

En revanche, jamais texte ne fut aussi malmené par le calendrier : cinq coupures ont haché la discussion. De la même façon, nous avons été nombreux à trouver violent le tempo annonçant à Fleur Pellerin la fin de sa mission.

M. Alain Fouché. Vous avez raison !

Mme Marie-Christine Blandin. Sur le fond, c’est aussi un texte de contrastes.

Nous saluons les avancées significatives auxquelles les écologistes ont contribué, qu’il s’agisse de la perspective réservée aux œuvres spoliées durant la Seconde Guerre mondiale, les MNR – dossier sensible que Corinne Bouchoux avait exhumé –, ou encore du coup d’arrêt significatif à la spoliation des photographes sur les banques d’images qui a recueilli l’unanimité au Sénat, et surtout de l’inscription, juste après la déclaration symbolique « la création est libre », des droits culturels.

La bataille avait été difficile pour faire reconnaître ceux-ci dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », mais, dans le cadre de ce texte, le respect des droits culturels est désormais reconnu comme un objectif consubstantiel des politiques culturelles. Cette avancée, nous la devons au Sénat.

L’agrément du ministère de la culture pour la nomination des directeurs des structures labellisées nous posait des problèmes, car la rédaction initiale faisait bien peu de cas de la participation majeure des collectivités territoriales aux côtés de l’État, alors que, en la matière, l’intelligence de la décentralisation est essentielle. Nous ne pouvions pas voter l’article en cause en l’état, mais nos propositions ont été retenues. L’Assemblée nationale devra se prononcer ; je ne doute pas que les pistes du Sénat permettront des échanges fructueux.

En revanche, nous avons été atterrés par les mauvaises manières qui ont consisté à détricoter dans le volet « patrimoine » ce que les votes intervenus lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avaient scellé : au nom du paysage et du patrimoine, que personne dans cette enceinte ne veut abîmer, de vieux relents anti-éoliens ont refait surface avec des rédactions aux conséquences dévastatrices. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Nous regrettons l’adoption de l’amendement visant à empêcher toute possibilité d’installation d’éolienne dans un rayon de dix kilomètres de covisibilité avec un bâtiment historique, sans l’aval de l’architecte des Bâtiments de France.

M. Alain Fouché. Vous saccagez la France !

Mme Marie-Christine Blandin. Des cartes l’ont illustré, si le texte restait ainsi rédigé, il signerait la fin de cette filière en France. Nous devons avoir une approche rationnelle et responsable.

Ensuite, au nom des moulins à eau, que personne dans cet hémicycle ne veut détruire (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), certains se sont introduits dans le code de l’environnement, bousculant un équilibre subtil et des médiations en cours pourtant soutenues par le rapporteur du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Jérôme Bignon.

Mes chers collègues, le bien commun, qu’il soit naturel ou culturel, ne se divise pas en clans adverses : ce qu’il nous faut préserver, ce sont nos roues à aubes et la bonne qualité piscicole des rivières ; ce qu’il nous faut garantir, ce sont nos édifices historiques dans leur écrin de paysage et la part de production énergétique renouvelable. J’espère que la navette parlementaire apportera plus de nuances à ce débat. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour ce qui concerne l’audiovisuel public, nous apprécions que soit réévaluée la part pertinente de production interne et que soient mis au débat de meilleurs retours financiers aux chaînes contributives des productions externes. Toutefois, le retour de balancier ne doit pas, à l’inverse, condamner la diversité des créateurs.

Nous nous félicitons de la reconnaissance qui a été apportée par le Sénat aux missions des architectes, des paysagistes, des salariés des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, des archéologues, qui, hier, entendaient ici leurs oreilles siffler plus souvent qu’à leur tour, même si, au sujet de ces derniers, nous ne sommes pas en accord avec les arbitrages trop libéraux de la commission. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Éric Doligé. C’est Macron !

Mme Marie-Christine Blandin. Nous nous réjouissons de la mise en place d’une véritable obligation de dépôt légal des livres numériques, garantissant non seulement une collecte exhaustive et une préservation pérenne de la production éditoriale sous forme numérique, mais aussi une meilleure protection des auteurs et de leur travail.

Nous avons essayé de contribuer à ce que le Parlement sorte le texte initial d’un dialogue assez étriqué entre le ministère et les représentants des différentes professions : le soutien public à la culture, la garantie de liberté de programmation, la vigilance pour ne pas formater celle-ci aux dérives du marché, c’est d’abord aux habitants que nous les devons, pour leur liberté, leur épanouissement, leur expression propre, leur réflexion, leur goût des autres, bref pour qu’ils puissent faire humanité.

À l’aune de cette ambition, ce texte a été à la fois significativement enrichi par le Sénat et, hélas !, émaillé de choix inacceptables pour les écologistes. C’est pourquoi nous laissons à la majorité sénatoriale le soin de lui laisser poursuive sa route, sans lui apporter notre soutien. Nous nous abstiendrons donc. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Ouverture du scrutin public solennel

M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues secrétaires du Sénat Frédérique Espagnac, Valérie Létard et Jackie Pierre, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 170 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 205
Pour l’adoption 175
Contre 30

Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine dans le texte de la commission, modifié.

Avant de donner la parole à Mme la ministre, je tiens à remercier Mme la présidente de la commission de la culture ainsi que Mme la rapporteur et à exprimer ma sympathie à Jean-Pierre Leleux.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. À l’issue de ce vote, je tiens à vous remercier, madame Morin-Desailly, madame Férat – à mon tour, je salue M. Leleux, qui ne peut être présent aujourd'hui –, ainsi que vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé et de la qualité des débats, lesquels ont été, je le pense, très constructifs. Même si j’avais déjà eu l’occasion de vous adresser mes remerciements lorsque nous avons achevé nos travaux dans la nuit du 17 février dernier, je tenais à les renouveler ce jour.

Le projet de loi que le Sénat s’apprête à transmettre à l’Assemblée nationale en deuxième lecture a été considérablement enrichi. De nombreux points du texte ayant déjà été abordés, je n’en évoquerai pour ma part que quelques-uns.

Le texte consacre les principes de liberté de création, de diffusion et de programmation. Sa rédaction sur ces sujets a été améliorée dans cette enceinte, au point que M. Leleux l’a qualifiée de « pépite brillante ». Elle est reconnue comme telle sur toutes les travées, ou presque, de votre assemblée.

Bien sûr, l’art n’est pas au-dessus des lois – c’est un débat qui a cours dans la presse en ce moment –, même s’il est transgressif par nature, mais, pour un artiste, la liberté de créer et de s’exprimer publiquement va désormais s’inscrire dans un corpus juridique dans lequel figure aussi la condamnation de l’incitation à la haine ou à la violence.

Grâce à ce projet de loi, la liberté artistique sera affermie. Elle sera mieux défendue par le droit face à la censure, à l’interdiction, à la pénalisation de l’expression, au rétrécissement des possibles de la parole et de l’imaginaire.

Ce texte définit également un cadre de mission et des objectifs pour les politiques culturelles menées conjointement par l’État et les collectivités territoriales. Ces questions ont suscité de longs débats et ne rassemblent pas, je le sais, toutes les sensibilités de votre assemblée. Comme l’a dit le sénateur Laurent, la navette nous permettra de poursuivre le travail engagé.

La clarification et la sécurisation des conditions d’emploi des artistes dans le spectacle vivant constituent un autre acquis du texte, lequel a été salué par tous.

Je me félicite également du travail important de votre assemblée sur la question des abords des monuments historiques et sur la prise en compte du patrimoine mondial de l’UNESCO, sujet sur lequel l’investissement de votre rapporteur, Mme Férat, et de tous les groupes a été très important.

Je salue aussi les avancées obtenues lors de nos échanges en séance sur le niveau de protection des espaces protégés et je me réjouis de poursuivre avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur ce sujet qui nous engage tous et qui vous passionne.

Enfin, les discussions ont aussi montré votre attachement, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, à l’architecture, art majeur qui structure le quotidien des Français. Votre assemblée l’a confirmé en rétablissant le seuil de recours à l’architecte tout comme elle a confirmé l’intérêt de l’expérimentation, chère à Sylvie Robert et à David Assouline.

Bien sûr, la majorité sénatoriale a souhaité marquer ce texte de son empreinte. Certaines dispositions nécessiteront de trouver un compromis avec l’Assemblée nationale au cours de la navette. Je pense, par exemple, à la politique de label dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques. Les débats sur ce sujet entre les différents courants qui constituent votre assemblée ont pu sembler difficiles.

Surtout, nous ne nous sommes pas retrouvés sur un point majeur : l’archéologie préventive. À cet égard, la rapporteur, Mme Férat, a clairement fait part de la position de la commission. Des discussions ont eu lieu ; elles doivent se poursuivre, afin d’aboutir, je l’espère, à un consensus d’ici à la deuxième lecture.

Avant de conclure, permettez-moi d’évoquer rapidement les moyens accordés à la culture, qui constitue une priorité et une ambition pour le Gouvernement. Nous le savons, le débat sur l’investissement que représente la culture et sur les moyens qu’il faut y consacrer n’est pas nouveau. Ainsi André Malraux se plaignait-il déjà à l’époque, dans le texte qui a été lu lors du cinquantième anniversaire de la maison de la culture d’Amiens auquel j’ai assisté samedi dernier, que le développement des maisons de la culture soit entravé par des cordons de la bourse tenus trop serrés par l’Inspection des finances. Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil !

Si le budget de la culture a effectivement été mis à contribution pour assainir les finances publiques au début du quinquennat, il est aujourd'hui une priorité, ce dont je me réjouis dans la période actuelle. Je suis très fière de mettre en œuvre un budget en augmentation de 2,7 % cette année. C’est important de le dire, car cela signifie que nous aurons des moyens nouveaux pour la création. Et la création, comme cela a été souligné, c’est de l’humanité que nous réintroduisons dans la société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat va se poursuivre, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale ayant inscrit ce matin l’examen de ce projet de loi à l’ordre du jour dès le 21 mars prochain. Nous aurons donc l’occasion d’échanger très prochainement sur ce sujet. Pour ma part, je m’en réjouis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Je tiens à renouveler mes remerciements aux trois secrétaires, Valérie Létard, Frédérique Espagnac et Jackie Pierre, qui ont veillé au bon déroulement du scrutin public solennel.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
 

9

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacune et chacun d’entre vous, mes chers collègues, à respecter, au cours de nos échanges, ces valeurs essentielles du Sénat que sont l’écoute et le respect des uns et des autres.

projet de loi sur le travail

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.

Mme Annie David. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le report de deux semaines de la présentation en conseil des ministres de la réforme du code du travail. Or, ce que nous demandons, c’est le retrait de ce texte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est également la demande des 850 000 signataires de la pétition « Loi travail, non merci ! », des organisations syndicales – CGT, FSU, Solidaires ou FO –, de nombreux mouvements de jeunesse, y compris de votre propre parti, ou encore de nombreuses personnalités de gauche, monsieur le Premier ministre.

Toutes ces personnes, tous ces mouvements, qui connaissent le monde du travail, qui défendent les valeurs d’une gauche progressiste et sociale, vous demandent de ne pas persévérer dans la remise en cause des droits des salariés. Pourquoi ne pas les écouter ?

Après la loi Macron et l’extension du travail dominical, vous remettez aujourd’hui en question les protections dont bénéficient les travailleurs mineurs ou à temps partiel, les durées maximales de travail, qui pourraient être portées à soixante heures, la hiérarchie des normes ou encore le fractionnement des onze heures de repos par tranche de vingt-quatre heures !

Vous détruisez le code du travail, que vous jugez, comme M. Gattaz, trop protecteur pour les salariés. Mais écoutez nos concitoyennes et nos concitoyens, écoutez-les parler de leur travail, des souffrances qu’ils endurent ! Écoutez nos jeunes qui, rassemblés derrière le hashtag OnVautMieuxQueCa, racontent, dessinent, écrivent ce que le travail et la précarité leur font subir. Ces jeunes, qui nous donnent rendez-vous le 9 mars, ont raison : les salariés de notre pays méritent mieux que tout cela !

Oui, monsieur le Premier ministre, nous demandons le retrait de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, un projet de loi a été préparé par la ministre du travail, Myriam El Khomri, et transmis au Conseil d’État. Il devait être présenté en conseil des ministres le 9 mars prochain. Nous avons considéré que nous pouvions nous donner quelques jours supplémentaires, ce qui nous permettra de recevoir de manière bilatérale, avec la ministre du travail et le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, l’ensemble des organisations syndicales et patronales au début de la semaine prochaine. Au début de la semaine suivante, je les recevrai de façon plénière pour leur présenter le fruit de ces discussions, qui devraient donner lieu à des propositions d’approfondissement, de modification du texte, à travers une lettre rectificative qui sera adressée au Conseil d’État, de manière que le texte puisse être examiné et adopté en conseil des ministres le 24 mars prochain.

Ce délai, nécessaire à la discussion et à la levée d’un certain nombre d’incompréhensions, permettra aussi de dénoncer certaines inexactitudes qui ont malheureusement pu être colportées et de corriger ce qui doit l’être.

Le texte sera examiné d’abord par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sans doute au début d’avril, afin que les députés puissent en débattre en séance publique après les vacances parlementaires du même mois. À quelques jours près, il n’y aura donc pas de changement de date par rapport à ce qui avait été prévu.

Je souhaite dialoguer avec les organisations syndicales et patronales. Ce texte est issu d’une très longue réflexion, qui a débuté, pour le moins, lors de l’examen de la loi Macron et de la loi Rebsamen, puisqu’un débat sur les barèmes des prud’hommes s’était déjà tenu à cette occasion. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, il était clair pour tout le monde que ce sujet serait abordé dans le projet de loi sur le travail.

J’ai d’abord confié une mission à Jean-Denis Combrexelle sur la négociation dans l’entreprise, puis une autre à Robert Badinter sur les principes essentiels du droit du travail. Bon nombre d’éléments figurant dans leurs rapports respectifs ont été intégrés au texte.

À la suite de l’adoption par le Parlement du principe du compte personnel d’activité, une négociation s’est engagée, qui est dans la main des partenaires sociaux. Nous devrons sans aucun doute enrichir ce dispositif, en particulier au niveau du Parlement, à l’issue de la discussion avec ces derniers.

Par ailleurs, des avancées incontestables ont déjà été rendues possibles en matière de médecine du travail, de détachement de travailleurs, sujet qui suscite beaucoup d’inquiétudes, de négociation dans l’entreprise… Je fais en effet confiance à l’ensemble des partenaires sociaux.

C’est dans cet esprit que nous allons travailler. J’entends évidemment les slogans, les accusations des uns et des autres. Ma conviction est qu’il faut réformer, non pour le plaisir de le faire, mais pour donner plus de liberté aux entreprises. Qui d’entre vous n’a reçu, dans sa permanence, des responsables de petites ou moyennes entreprises qui expriment leurs réticences à embaucher en raison, notamment, des craintes que leur inspirent les procédures prud’homales ? Partons aussi de la jurisprudence dans ce domaine, marquée d’ailleurs par des disparités selon les départements.

Parallèlement, il faut assurer un certain nombre de protections aux salariés. Je récuse évidemment toutes les caricatures relatives à un retour au XIXe siècle. De quoi s’agit-il ? De donner aux entreprises davantage de liberté, de souplesse, de flexibilité et de renforcer la négociation en leur sein. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Cela était d’ailleurs au cœur du pacte de responsabilité et de solidarité que, pour votre part, vous n’approuvez pas, madame la sénatrice, et c’est tout à fait votre droit, mais qui a reçu le soutien du MEDEF, ainsi que celui des syndicats réformistes.

Par conséquent, il n’y aura pas de retrait du texte, mais nous sommes ouverts à son amélioration. Nous en maintenons bien sûr les principes et les axes, parce que c’est nécessaire pour le pays : il s’agit d’offrir plus de liberté aux entrepreneurs, plus de protection aux salariés, dans un monde économique qui a changé, avec l’« ubérisation » d’une partie de notre économie.

Voulons-nous oui ou non apporter des réponses aux jeunes qui sont au chômage, aux précaires qui ne trouvent pas d’emploi stable, aux chômeurs de longue durée ? Là est le débat de fond, que nous devons mener sereinement, tranquillement, mais avec beaucoup de détermination et de conviction.