Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 119 est présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 149 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 119.

M. Jacques Bigot. Nous sommes attachés au principe de l’individualisation des peines et nous faisons confiance au pouvoir d’appréciation des magistrats.

Nous avons parfois le sentiment que certains de nos collègues pensent que les peines encourues seront nécessairement appliquées. Or les magistrats en apprécient le quantum, et fort heureusement ! C’est un principe absolu, d’où notre amendement de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 149.

Mme Esther Benbassa. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119 et 149.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… L’article 720-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement et les suivants visent à permettre un meilleur contrôle des terroristes pendant leur détention.

Le présent amendement a pour objet de priver les auteurs d’actes de terrorisme du bénéfice de la suspension et du fractionnement des peines, prévus à l’article 720-1 du code de procédure pénale.

Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Au premier alinéa de l’article 721, après le mot : « bénéficie », sont insérés les mots : « , sauf s’il a été condamné pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement vise à supprimer, en matière de terrorisme, toute automaticité de réduction de peine.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Après le troisième alinéa de l’article 721-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement tend à écarter toute possibilité de réduction supplémentaire de la peine pour les auteurs d’actes de terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 206, favorable à l’amendement n° 19 rectifié quater et demande le retrait des amendements nos 20 rectifié ter et 21 rectifié ter, qui sont satisfaits.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 19 rectifié quater, 20 rectifié ter et 21 rectifié ter ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable… par principe ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 206.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, les amendements nos 20 rectifié ter et 21 rectifié ter sont-ils maintenus ?

M. Roger Karoutchi. Non, je les retire, madame la présidente, parce que je suis sûr que la commission va bien m’en accepter un ou deux dans les suivants !

M. Roger Karoutchi. J’ai le droit de rêver…

M. Alain Néri. Quel humour !

Mme la présidente. Les amendements nos 20 rectifié ter et 21 rectifié ter sont retirés.

L’amendement n° 22 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… L’article 723-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement aurait pu faire l’objet d’une discussion commune avec les trois suivants, car tous ont le même objectif.

En l’espèce, il s’agit d’écarter toute possibilité d’exécution de la peine sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur pour les auteurs d’actes de terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… L’article 723-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement vise à écarter toute possibilité de permission de sortir pour les auteurs d’actes de terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable.

M. Roger Karoutchi. Oh ! Pourquoi ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Delattre, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, M. Gilles, Mme Micouleau, M. P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… L’article 723-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement a pour objet d’écarter toute possibilité de placement sous surveillance électronique pour les auteurs d’actes de terrorisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Une condamnation pour terrorisme peut avoir été prononcée pour apologie du terrorisme et pas uniquement pour le fait d’avoir tué. C’est cette variété qui justifie l’avis défavorable du Gouvernement sur ces mesures, qui ont un caractère systématique. Je ne suis pas sûr, d’ailleurs, que vous leur accordiez un quelconque crédit, monsieur Karoutchi.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. En matière de crédit, la politique du Gouvernement aurait de quoi déclencher bien des commentaires…

Si quelqu’un qui fait l’apologie du terrorisme est considéré comme assez dangereux pour être condamné à une vraie peine longue,…

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il n’y a pas de peine longue en la matière !

M. Roger Karoutchi. … comment peut-on être sûr qu’il ne passera pas à l’acte dès sa sortie ? Si on commence à faire des distinctions entre les terroristes et ceux qui font l’apologie du terrorisme, y compris pour l’octroi de permissions de sortir, alors on risque d’avoir un problème !

Précédemment, j’ai accepté de me rallier à l’amendement de la commission et de renoncer à l’idée de la détention perpétuelle, mais, sur ce sujet, on entend trop d’histoires de personnes sorties de prison sans contrôle. Si quelqu’un est condamné pour apologie du terrorisme et est susceptible de commettre des actes terroristes, on ne va pas lui accorder une autorisation de sortir sous prétexte qu’il n’a pas commis d’acte terroriste en soi !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je ne suis pas certain que la façon d’aborder tous ces sujets reflète vraiment ce qui se passe au sein des tribunaux, tant pour ce qui concerne le prononcé des peines que le suivi de leur application.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez adopté un amendement tendant à créer une infraction nouvelle : la consultation de sites faisant l’apologie du terrorisme. Au motif que des personnes s’adonnent à cette pratique, elles sont susceptibles, d’après vos dires, de devenir des terroristes.

Si cette infraction que vous venez de créer est mise en œuvre – ce dont je doute –, un travail devra être effectué à partir de la condamnation des personnes concernées, condamnation que vous appelez de vos vœux, pour éviter qu’elles ne se radicalisent ou pour procéder à leur déradicalisation. Le tribunal devra donc décider d’une sanction qui permette d’aboutir à ce résultat. Dans ce cadre, un certain nombre de questions se poseront : l’aménagement de la peine, la contrainte pénale, la possibilité d’une libération conditionnelle, la pose d’un bracelet électronique… Telle est la réalité !

En définitive, la posture que vous adoptez sur tous ces sujets me semble exprimer une grande défiance à l’égard des magistrats français, à qui vous reprocheriez d’être laxistes. Or, je le souligne, le rapporteur lui-même, qui en a l’expérience, a dit exactement le contraire. Le président de la commission a, quant à lui, évoqué le refus des magistrats de faire sortir de prison des terroristes qu’ils jugent dangereux.

Le Parlement ne peut pas donner le sentiment qu’il ne fait pas confiance à l’autorité judiciaire. Pourtant, c’est bien une défiance à son égard qui est exprimée, comme le dénoncent d’ailleurs ses plus hauts dignitaires.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Cambon et Trillard, Mmes Duchêne et Troendlé, MM. Legendre et Bizet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Reichardt et Bouchet, Mme Debré, MM. Savin, G. Bailly, Fouché, Joyandet et Milon, Mme Imbert, MM. Duvernois, Danesi, Dufaut et Mouiller, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, A. Marc et Houpert, Mme Lopez, M. Béchu, Mme Deromedi, MM. Chaize et Pellevat, Mme Hummel, MM. Gilles et P. Dominati, Mme Gruny, MM. de Raincourt, Masclet, Savary, Mandelli, Gremillet, Pierre, Doligé, Dallier, Mayet, Chasseing, Dassault, Lefèvre, Revet, Pointereau et Kennel, Mme Mélot et M. Houel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Après le dixième alinéa de l’article 729, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne a été condamnée pour l’un des actes de terrorisme visés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, une libération conditionnelle ne peut lui être accordée. » ;

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Toujours dans le même esprit, cet amendement vise à écarter toute possibilité de libération conditionnelle pour les auteurs d’actes de terrorisme.

Monsieur Bigot, je le répète, j’ai un profond respect pour la magistrature. Ce qu’a dit Michel Mercier, fort de son expérience d’ancien garde des sceaux, c’est que les magistrats font leur job, mais qu’ils appliquent la loi ! Si vous nous dites qu’il ne faut pas faire la loi, parce qu’il ne faut pas exprimer de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire, sur quoi vont s’appuyer les magistrats pour travailler ?

De toute façon, ce n’est pas une question de défiance : c’est à nous de faire la loi ! Ou alors, on laisse chaque secteur s’organiser comme il l’entend – le monde du commerce pour l’activité commerciale, etc. –, et finalement on ne sert à rien. Si c’est à nous de faire la loi, alors, faisons-la !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions de l’article 4 nonies. En conséquence, je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.

M. Roger Karoutchi. Je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l'article.

M. Jacques Bigot. La loi pénale, monsieur Karoutchi, contient deux éléments : le quantum des peines et les mesures d’application des peines. Ces dernières ne s’imposent pas aux magistrats : il s’agit de possibilités qui leur sont offertes. Or, avec les amendements que vous venez de faire adopter, vous les privez de toute marge de manœuvre.

J’ai bien noté que vous aviez du respect pour les magistrats ; mais, manifestement, vous n’avez aucune confiance en eux.

M. Roger Karoutchi. Ça ne mérite pas de réponse !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4 nonies, modifié.

(L'article 4 nonies est adopté.)

Chapitre II

Dispositions renforçant la protection des témoins

Article 4 nonies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Demande de réserve

Mme la présidente. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Canayer, MM. Charon, Danesi et de Legge, Mmes Deromedi et Gruny, MM. D. Laurent et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Morisset, Pellevat, Trillard, Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel, Husson et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Titre Ier, Chapitre II

Rédiger ainsi l’intitulé de ce chapitre :

Dispositions renforçant la protection des témoins, des interprètes et traducteurs

La parole est à M. René Danesi.

M. René Danesi. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’adoption éventuelle de l’amendement n° 74 rectifié, que nous examinerons dans quelques instants, en complétant l’intitulé du chapitre II du titre Ier du projet de loi par les mots « des interprètes et traducteurs ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Intitulé du chapitre II
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article 5

M. Michel Mercier, rapporteur. Je souhaite que nous réservions le vote de cet amendement, dans l’attente de notre délibération sur l’amendement n° 74 rectifié tendant à ouvrir aux interprètes et traducteurs la protection prévue pour les témoins.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Le vote sur l’amendement n° 87 rectifié est réservé.

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article 6

Article 5

Le livre II du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 306, il est inséré un article 306-1 ainsi rédigé :

« Art. 306-1. – Pour le jugement des crimes contre l’humanité mentionnés au sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal, du crime de disparition forcée mentionné à l’article 221-12 du même code, des crimes de tortures ou d’actes de barbarie mentionnés aux articles 222-1 à 222-6 dudit code, des crimes de guerre mentionnés au chapitre Ier du livre IV bis du même code et des crimes mentionnés à l’article 706-73 du présent code, la cour, sans l’assistance du jury, peut, par un arrêt rendu en audience publique, ordonner le huis clos pour le temps de l’audition d’un témoin si la déposition publique de celui-ci est de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. » ;

2° Après l’article 400, il est inséré un article 400-1 ainsi rédigé :

« Art. 400-1. – Pour le jugement des délits de guerre mentionnés au chapitre Ier du livre IV bis du code pénal et des délits mentionnés à l’article 706-73 du présent code, le tribunal peut, par jugement rendu en audience publique, ordonner le huis clos pour le temps de l’audition d’un témoin si la déposition publique de celui-ci est de nature à mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. » – (Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Articles additionnels après l'article 6

Article 6

Après l’article 706-62 du code de procédure pénale, sont insérés des articles 706-62-1 et 706-62-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-62-1. – En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de l’identité d’un témoin est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuant en chambre du conseil peut ordonner soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou des parties, que cette identité ne soit pas mentionnée au cours des audiences publiques et ne figure pas dans les ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics.

« Le juge d’instruction adresse sans délai copie de la décision prise en application du premier alinéa au procureur de la République et aux parties.

« La décision ordonnant la confidentialité de l’identité du témoin n’est pas susceptible de recours.

« Le témoin est alors désigné au cours des audiences ou dans les ordonnances, jugements ou arrêts par un numéro que lui attribue le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement.

« Hors les cas dans lesquels il est indispensable à l’exercice effectif des droits de la défense, le fait de révéler l’identité d’un témoin ayant bénéficié des dispositions du présent article ou de diffuser des informations permettant son identification ou sa localisation est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Art. 706-62-2. – Sans préjudice de l’application de l’article 706-58, en cas de procédure portant sur un crime ou un délit mentionné aux articles 628, 706-73 et 706-73-1, lorsque l’audition d’une personne mentionnée à l’article 706-57 est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne ou de ses proches, cette personne fait l’objet, en tant que de besoin, de mesures de protection destinées à assurer sa sécurité.

« En cas de nécessité, elle peut être autorisée, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal de grande instance, à faire usage d’une identité d’emprunt.

« Toutefois, il ne peut pas être fait usage de cette identité d’emprunt pour une audition au cours de la procédure mentionnée au premier alinéa.

« Le fait de révéler qu’une personne fait usage d’une identité d’emprunt en application du présent article ou de révéler tout élément permettant son identification ou sa localisation est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, des violences à l’encontre de cette personne ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque cette révélation a eu pour conséquence, directe ou indirecte, la mort de cette personne ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs.

« Les mesures de protection mentionnées au premier alinéa du présent article sont définies, sur réquisitions du procureur de la République, par la commission nationale prévue à l’article 706-63-1. Cette commission assure le suivi des mesures de protection, qu’elle peut modifier ou auxquelles elle peut mettre fin à tout moment. En cas d’urgence, les services compétents prennent les mesures nécessaires et en informent sans délai la commission nationale.

« Les membres de la famille et les proches de la personne mentionnée au premier alinéa du présent article peuvent également faire l’objet de mesures de protection et être autorisés à faire usage d’une identité d’emprunt, dans les conditions prévues au présent article.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »

Mme la présidente. L'amendement n° 212, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

Hors les cas dans lesquels il est indispensable à l'exercice effectif des droits de la défense,

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Même s'il est très attentif aux droits de la défense, le Gouvernement estime que l'amendement introduit au stade de la commission des lois revient à vider le dispositif de protection des témoins de sa substance, sans ajouter une garantie pour la défense. En effet, la disposition initialement présente dans le texte gouvernemental protégeait l'anonymat uniquement lors des audiences publiques et sur des actes rendus publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Sur ce point, nous ne partageons pas la position du Gouvernement.

Selon nous, le principe du contradictoire, qui s’exerce principalement à l’audience, suppose qu’un avocat puisse expliquer en quoi un témoignage est biaisé. Or cette explication peut rendre nécessaire la communication d’éléments d’identification du témoin. Il pourrait alors être fait usage du huis clos partiel, en cas de nécessité, pour organiser la protection de ce dernier.

Il faut laisser à l’avocat la possibilité de défendre son client. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.