compte rendu intégral

Présidence de M. Hervé Marseille

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 23 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Articles additionnels après l'article 23

République numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE II (suite)

LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE

Chapitre Ier (suite)

Environnement ouvert

Section 3 (suite)

Loyauté des plateformes et information des consommateurs

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre II, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 23.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 23 bis (supprimé)

Articles additionnels après l'article 23

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 89 rectifié bis, présenté par MM. Kennel, Chatillon et de Raincourt, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, M. Danesi, Mme Duranton, M. Lemoyne, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, M. Laménie, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Houel et G. Bailly, Mme Deroche et MM. Husson et Reichardt, n'est pas soutenu. (Exclamations amusées.) Mais il en reste tout de même 290, mes chers collègues…

Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par M. Kaltenbach.

L'amendement n° 68 est présenté par M. Longeot.

L'amendement n° 150 est présenté par M. Courteau.

L'amendement n° 177 rectifié ter est présenté par M. Marseille, Mme Doineau, M. Bonnecarrère, Mme Joissains et MM. Cigolotti, Bockel, Maurey, Kern, Gabouty et Guerriau.

L'amendement n° 299 est présenté par M. Camani.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le fait, pour une personne morale définie à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, d'effectuer des opérations mentionnées à l'article L. 314-1 du même code, dans le cadre d'activités définies à l'article 568 ter du code général des impôts, est puni d'une peine de 75 000 euros d'amende par opération effectuée.

Les amendements nos 60 et 68 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 150.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, le marché parallèle du tabac ne cesse de progresser : il représente désormais plus de 25 % de la consommation en France.

Ce phénomène a provoqué la fermeture de milliers de bureaux de tabac en dix ans, alors que la consommation de tabac ne diminue toujours pas en France. En 2013, ce sont 722 buralistes qui ont dû mettre la clé sous la porte, faute de ventes suffisantes, ce qui équivaudrait, semble-t-il, à quelque 2 000 emplois.

En revanche, le marché parallèle de la vente de tabac sur internet connaît, quant à lui, un essor particulièrement préoccupant, alors même que la loi interdit formellement la vente de tabac sur internet depuis 2004 et l’achat depuis 2014.

Internet contribue en effet à favoriser l’entrée de cigarettes en France par des voies illicites. À l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, par exemple, le centre de tri postal regorge de colis contenant des cartouches commandées sur internet en provenance d’Espagne, de Moldavie ou d’Asie. Il s’agit souvent de contrefaçons, avec les risques que cela peut poser pour la santé. Ces cartouches sont bien évidemment vendues à des prix particulièrement bas ; d’où leur succès.

Or, aujourd'hui, force est de constater que les contrôles à la douane ne suffisent plus à enrayer ce phénomène.

Afin de limiter ces trafics, nous proposons donc, par cet amendement, de rendre ces transactions illicites impossibles, en imposant aux banques de les refuser en rejetant les paiements sur ces sites de e-commerce qui ne respectent pas la loi.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 177 rectifié ter.

M. Hervé Maurey. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 299 n’est pas soutenu.

Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 44 rectifié bis est présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Garriaud-Maylam et Giudicelli, MM. Vasselle et Gilles, Mme Doineau, M. Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet et Masclet, Mme Procaccia et MM. Chasseing, Charon et Laménie.

L'amendement n° 61 est présenté par M. Kaltenbach.

L'amendement n° 69 est présenté par M. Longeot.

L'amendement n° 151 est présenté par M. Courteau.

L'amendement n° 300 est présenté par M. Camani.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le cinquième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après les mots : « jeux d'argent », sont insérés les mots : « et d'achat de tabac » ;

2° À la seconde phrase, après les mots : « d'actes de jeux », sont insérés les mots : « ou d'achat de tabac ».

Les amendements nos 44 rectifié bis, 61 et 69 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 151.

M. Roland Courteau. Cet amendement vise à compléter l’amendement n° 150, que je viens de présenter.

Une fois de plus, je tiens à alerter sur une situation qui ne saurait perdurer : le marché de la vente de tabac en ligne ne cesse de progresser, alors que, je le répète, la loi interdit la vente de tabac sur internet. Face à ce détournement de la loi, il importe de réagir fermement et efficacement ; d’où cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 300 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques nos 150 et 177 rectifié ter, ainsi que sur l’amendement n° 151 ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Courteau, je me tourne plus particulièrement vers vous, qui avez brillamment défendu…

M. Roland Courteau. Comme toujours ! (Sourires.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … ces amendements, mais je m’adresse aussi à tous les auteurs de ces amendements, qui vont à peu près dans le même sens.

Je comprends très bien votre démarche visant à sanctionner pénalement les banques qui accepteraient des paiements en ligne pour l’achat de tabac et, d’une manière plus générale, de produits dont la vente sur internet est illicite.

Cela dit, j’émettrai une première réserve. À ce stade, le dispositif que vous proposez n’est pas totalement abouti au sens où la disposition n’est pas codifiée. Je m’en explique.

Il n’est pas certain que les banques aient les moyens de s’assurer que le paiement qu’elles valident porte ou non sur la vente de tabac en l’occurrence ou de tout autre produit – je déborde un peu du champ visé par ces amendements –, tel que l’alcool, pour lequel la vente en ligne est aussi totalement illicite. Voilà ce qui me gêne, monsieur Courteau, même si je peux souscrire à votre démarche.

Lorsque vous faites un achat en ligne, votre banque sait que vous faites un achat sur une plateforme numérique, mais elle ne sait pas ce que vous achetez ; et c’est là tout le problème. Pour prendre un exemple au hasard, elle sait que vous faites un achat sur eBay, mais elle n’a pas les moyens – et elle ne les aura jamais ! – de savoir ce que vous êtes en train d’acheter sur ce site. C’est là la limite.

L’amendement n° 150, ainsi que l’amendement identique n° 177 rectifié ter, vise à punir la banque. Or celle-ci ne pourra jamais mettre en place un système permettant de savoir quel bien précis, licite ou illicite, vous êtes en train d’acheter sur telle ou telle plateforme.

C’est pourquoi je souhaiterais le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 151, il conviendrait d’ouvrir un débat plus large sur cette question.

Je vois bien l’intérêt, et je le comprends, de protéger la profession des buralistes quand on sait tout ce qui circule sur certaines plateformes pour vendre, notamment, des produits de contrebande. Mais il faudrait élargir la disposition proposée à l’alcool et à tous les produits que l’on peut trouver sur internet et dont la vente est illicite. Actuellement, l’obligation de signalement n’existe que pour les jeux d’argent. La disposition pourrait donc être étendue à d’autres marchandises.

Réfléchissons donc à une approche plus globale, qui régulerait plus largement le marché, car cette approche sectorielle multiplie les microrégulations.

Je vous remercie d’avoir ouvert ce débat, monsieur Courteau, mais, à ce stade, il serait souhaitable que vous retiriez l’amendement n° 151. Nous pourrons engager cette discussion lors de l’examen d’un autre projet de loi et aboutir à une véritable régulation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Au-delà de la question de la régulation sectorielle de la vente du tabac – je comprends les préoccupations des buralistes, qui voient leur activité directement concurrencée par des trafics illégaux –,…

M. Roland Courteau. Absolument !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … posons-nous plus largement certaines questions : est-ce le rôle des banques ou des fournisseurs d’accès à internet de contrôler les contenus ? Oui, avons-nous estimé, dans le cadre de la prévention du terrorisme, par exemple, ou la lutte contre la pédopornographie. Je parle là de contenus d’expression, mais la matérialité des contenus procède du même raisonnement.

Outre les questions juridiques, il s’agit là, à mon sens, d’une question d’ordre éthique : souhaite-t-on que les banques contrôlent le contenu des achats en ligne ?

La réponse qui doit être celle des pouvoirs publics, c’est le démantèlement des réseaux et de fortes sanctions pénales. Pour ce faire, il faut doter nos forces de l’ordre et nos services douaniers des technologies les plus innovantes, susceptibles de retracer les flux à l’échelle mondiale. Nous le savons, ce problème n’est pas français, pas plus qu’il n’est uniquement européen, il est mondial.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, la question que vous posez, monsieur Courteau, vaut aussi pour d’autres produits, notamment l’alcool et la drogue. Je ne crois pas que la piste que vous suggérez soit la plus opportune.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout en comprenant la motivation sous-tendue par ces différents amendements, nous voterons contre.

En effet, ils posent plusieurs problèmes, qui viennent d’être exposés, à savoir la question des moyens octroyés aux banques, notamment la possibilité de leur conférer des pouvoirs qui n’ont pas à relever de leur ressort, même si les produits mis en vente sur internet sont extrêmement contestables dans leur composition et constituent un risque important pour la santé publique.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. La solution proposée me semble absolument impraticable : on ne peut pas demander aux banques de jouer ce rôle tout simplement parce qu’elles n’ont pas les moyens de le faire !

La vraie question, qui vaut pour d’autres domaines, c’est celle-ci : de quels moyens disposons-nous réellement pour nous assurer que la loi est appliquée ?

M. Roland Courteau. C’est cela, le problème !

M. Philippe Dallier. Le moyen extrême – on parlera des jeux en ligne dans quelques instants –, c’est celui dont dispose l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne : elle a les moyens de demander aux fournisseurs d’accès internet de bloquer l’accès à certains sites. C’est le seul véritable moyen d’intervenir !

On peut effectivement essayer de remonter les filières, mais, quand celles-ci se trouvent à l’étranger, les moyens dont disposent les pouvoirs publics français sont relativement limités. La solution réside donc plutôt dans le blocage de l’accès aux sites qui vendent des produits illicites ; faute de quoi, on restera très inefficaces.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Mon argumentaire sera le même : ces amendements soulèvent les bonnes questions, mais les réponses proposées semblent poser plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

Pour cette raison, nous ne soutiendrons pas ces amendements, même si nous en comprenons les motivations.

Je dirai un mot sur nos modalités de travail, d’une manière générale : seront-elles aujourd'hui les mêmes qu’hier soir ?

Je salue les très nombreux internautes qui suivent nos débats, et je veux leur dire que nous allons nous efforcer d’être clairs et pédagogues. Nous sommes entre passionnés et initiés – et c’est bien ! –, mais nous devons réussir à faire avancer le débat sans devoir attendre dix minutes lors de chaque scrutin public.

Votre éclairage sur les modes de votation qui vont être décidés aujourd'hui me serait très précieux, monsieur le président.

M. le président. La présidence ne fait qu’appliquer le règlement du Sénat, ma chère collègue : elle répond aux demandes de scrutins publics.

M. Yves Rome. Des opportunités par faiblesse !

M. le président. Je ne puis vous apporter d’autre réponse, ma chère collègue.

Quant aux internautes, ils ne votent pas encore et le sujet n’est pas d’actualité !

Monsieur Courteau., l'amendement n° 150 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous posez la question de savoir si le contrôle des contenus relève bien des banques. Certes, cela peut poser problème. Est-ce là le rôle des fournisseurs ? Cela peut aussi poser problème, je le sais.

Mais dès lors que les contrôles des douanes se sont largement avérés inefficaces, inopérants ou insuffisants – je ne sais quel qualificatif il me faut employer ! –, j’essaie de trouver d’autres solutions.

Vous m’objectez que le dispositif ne peut pas fonctionner, mais vous ne me proposez rien de précis ni d’immédiat. C'est la raison pour laquelle je maintiens mes deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 150 et 177 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 82 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Gremillet, Longeot et Husson, 360, présenté par M. Kern, et 382 rectifié ter, présenté par M. L. Hervé, Mme Morin-Desailly, MM. Bonnecarrère et Cigolotti, Mme Férat et MM. Gabouty, Guerriau, Kern, Longeot et Marseille, ne sont pas soutenus.

Articles additionnels après l'article 23
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 23 ter (supprimé)

Article 23 bis

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 119 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, n'est pas soutenu.

En conséquence, l’article 23 bis demeure supprimé.

Article 23 bis (supprimé)
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Articles additionnels après l'article 23 ter

Article 23 ter

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 502 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le loueur du local à usage d'habitation qui le loue pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile doit justifier de sa qualité de propriétaire dudit local ou, s'il en est locataire, de l'autorisation du bailleur auprès des professionnels qui, opérant en ligne, assurent un service de mise en relation en vue de la location d'hébergements. Le défaut de justification de la qualité de propriétaire ou de l'autorisation du bailleur est puni, pour le loueur et les professionnels précités, conformément aux articles L. 651-2 et L. 651-3. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Une plus grande transparence sur les plateformes d’intermédiation locative permettrait d’enrayer certains phénomènes de fraude grandissant avec le développement de ces dernières, comme la sous-location en toute illégalité, qui engendrent une perte de recette fiscale.

Cet amendement pose ainsi l’obligation que toute personne louant un logement pour une courte durée sur une plateforme d’intermédiation locative justifie de sa qualité de propriétaire ou, si elle est locataire, de l’autorisation donnée par le bailleur de sous-louer le logement.

Ces nouvelles obligations sont nécessaires pour réglementer un domaine qui voit se développer dans ses failles des pratiques abusives et, finalement, dommageables à notre économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je propose à M. Requier de retirer son amendement.

Je comprends l’objectif, mais la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne nous a pas semblé pertinente. La commission a donc supprimé un article qui lui a paru poser de très nombreux problèmes, au premier rang desquels un problème de constitutionnalité dans la mesure où il traitait différemment les sous-loueurs selon qu’ils publient ou non leur annonce sur une plateforme numérique. À ce stade, je ne souhaite pas rouvrir le débat.

J’ajoute que plusieurs amendements à venir auxquels la commission est favorable me semblent plus opportuns : ils prévoient un encadrement beaucoup plus sérieux, beaucoup plus…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … étayé, en effet, monsieur Requier. Merci de voler à mon secours, les mots me manquent, sans doute déjà, eux, partis en week-end… (Sourires.)

Je comprends bien votre appel, mais ce n’est pas en rétablissant la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale qu’on légiférera utilement. Croyez-moi, la commission est sensible à cette problématique, et les amendements qui vont venir en discussion sur ce sujet sont plus de nature à répondre au problème posé.

C’est pourquoi je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 502 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. J’ai la même impression que mon collègue Roland Courteau précédemment : nous soulevons des problèmes – et chacun trouve qu’il est normal de les poser ! –, nos solutions sont critiquées, mais personne n’en a d’autre.

Cela étant, dans un geste de bonne volonté, j’accepte de retirer mon amendement, et nous verrons par la suite.

Quoi qu’il en soit, essayons de résoudre ce véritable problème !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il sera résolu !

M. le président. L'amendement n° 502 rectifié est retiré.

En conséquence, l’article 23 ter demeure supprimé.

Article 23 ter (supprimé)
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Article 23 quater (nouveau)

Articles additionnels après l'article 23 ter

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Bonnecarrère, Luche, Détraigne et Guerriau, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Marseille, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty, et l'amendement n° 384, identique, présenté par M. Bouvard, ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 469, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 23 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du tourisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 324-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire affecte un numéro d’enregistrement à la déclaration et en délivre un récépissé. Ce numéro d’enregistrement est mentionné par tout service de mise en relation en vue de la location d’hébergements, opérant en ligne. » ;

2° L’article L. 324-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire affecte un numéro d’enregistrement à la déclaration et en délivre un récépissé. Ce numéro d’enregistrement est mentionné par tout service de mise en relation en vue de la location d’hébergements, opérant en ligne. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je voudrais revenir sur les termes mêmes de nos débats.

Loin de ressembler à la vision idyllique de l’économie collaborative, l’économie d’Airbnb est l’expression de la dérégulation du marché du logement. Alors que les prix sont bloqués à un niveau anormalement élevé, il est bien normal que certains locataires, par la sous-location d’une chambre, tentent de boucler leur fin de mois et de payer leur loyer. C’est là-dessus que le système Airbnb prospère. Lutter contre Airbnb, c’est donc aussi lutter contre le logement cher.

Plus préoccupant, ces plateformes sont en réalité de plus en plus utilisées par des professionnels multipropriétaires, qui soustraient du marché locatif des logements entiers, jugés pas encore suffisamment rentables. Une telle démarche accroît le déficit de l’offre de logement locatif en zones très tendues, ce qui est intolérable. On est alors très loin de l’image « cool » affichée par Airbnb comme mode d’échange et de rencontre. C’est plutôt l’expression d’une énième dérégulation du marché du logement et d’une logique capitalistique qui a trouvé un nouveau filon pour de nouveaux profits.

Toute velléité de régulation est donc bienvenue et nécessaire, le corpus législatif existant étant limité. Sans aller jusqu’à l’interdiction totale promue par Berlin, nous reprenons ici un amendement que nous avons déjà soumis en commission.

Cet amendement prévoit que la mairie affecte un numéro d’enregistrement au moment de la déclaration, lequel est mentionné par tout service en ligne de mise en relation dans la perspective d’une location. Il contribuerait ainsi à un meilleur partage de l’information et assurerait une meilleure traçabilité, qui serait de nature à permettre un meilleur contrôle de l’application de la loi.

D’autres amendements vont venir en discussion, portés notamment par M. Assouline, qui a eu la « chance » de travailler avec la Ville de Paris et d’être le « réceptacle » des propositions faites par la municipalité. Nous apporterons tout notre soutien à ces utiles amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nous entrons là dans le vif du sujet, monsieur Requier ; vous n’aurez pas attendu trop longtemps ! (Sourires.)

Mes chers collègues, j’éviterai de répéter trop souvent le nom d’une certaine plateforme numérique qui va faire l’objet de nos débats, car on pourrait nous accuser de lui faire de la publicité à titre gracieux !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pour les internautes !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Nos amis internautes comprendront de quelle plateforme je parle.

Cet amendement vise à créer une obligation à l’encontre des services opérant en ligne, qui doivent demander un numéro d’enregistrement auprès de la mairie. Ce faisant, il crée une rupture d’égalité entre les agences physiques de location et les services en ligne sans que cette inégalité soit, à mon sens, justifiée.

Par ailleurs, il tend à supprimer la dérogation dont bénéficient ceux qui louent temporairement leur résidence principale en qualité de meublé de tourisme, lesquels n’ont pas à faire de déclaration préalable en mairie.

Faut-il supprimer cette dérogation pour tous nos concitoyens et les exposer à des formalités administratives supplémentaires ? Là est la vraie question.

Le champ d’application de l’amendement n° 401 rectifié qui va venir en discussion dans quelques instants est mieux délimité puisqu’il ne concernerait que les grandes communes de plus de 200 000 habitants. Aussi, vous me pardonnerez de le préférer, si je puis dire, au vôtre, madame Gonthier-Maurin. Si vous en êtes d’accord, je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement au profit de l’amendement n° 401 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Oui, vous avez raison, monsieur Requier, nous devons avoir un débat sur l’impact de la transition numérique sur l’organisation économique plus ancienne de notre société, qui peut affecter un certain nombre de professions. Nous avons déjà mentionné les buralistes, mais nous aurions pu tout autant évoquer les chauffeurs de taxi ou les hôteliers.

Les amendements que nous allons examiner concernent la location d’appartements via des outils et des plateformes numériques, sans passer par la traditionnelle petite annonce chez le boulanger ou l’agence immobilière.

D’emblée, je veux dire que nous devons avoir un débat équilibré sur ce sujet. Il faut savoir entendre les préoccupations des pouvoirs publics, qui tiennent essentiellement au logement et à la fiscalité.

En matière de logement, il est tout naturel que les villes, en particulier certaines très grandes métropoles, s’inquiètent des effets de la massification de ce phénomène sur la disponibilité du parc immobilier, notamment du parc locatif. Cela aboutit en effet à exclure de l’accès au parc immobilier de nombreuses catégories de la population, notamment les plus jeunes, singulièrement les étudiants.

En matière de fiscalité, se pose la question de savoir si les revenus engendrés par le recours à ces pratiques d’intermédiation sont occasionnels – le particulier qui veut arrondir ses fins de mois – ou s’il s’agit d’un contournement de la loi, avec des revenus professionnels et la fiscalité qui doit s’y attacher.

Voilà le décor planté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyons pas trop lourds ou trop régulateurs inutilement ! Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas encadrer cette pratique. J’ai rappelé les objectifs de politique publique qui doivent être les nôtres. Mais veillons à l’impact sur les personnes potentiellement concernées, notamment les plus jeunes : on ne saurait comparer la situation d’un propriétaire de quatre immeubles à Paris, qui louerait ses logements de manière systématique, à celle d’un étudiant qui mettrait son logement en location quelques jours ou quelques semaines par an.

Madame la sénatrice, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu longue et en viens à votre amendement.

Dans celui-ci, vous évoquez les résidences secondaires et les meublés de tourisme, qui sont déjà soumis à une obligation de déclaration en mairie depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». Vous souhaitez assortir cette obligation de déclaration de l’obligation pour les plateformes de délivrer un numéro d’enregistrement à l’appui de cette déclaration.

On peut discuter de cette idée, mais vous introduisez ainsi un traitement différencié, selon que la location est réalisée en ligne ou conclue entre personnes physiques. La constitutionnalité même d’une telle mesure pourrait donc être contestée.

Par ailleurs, vous voulez imposer cette nouvelle obligation aux mairies. Or je crois qu’il convient de retenir une approche prudente en la matière, dans la mesure où les situations concernées sont très différentes d’un territoire à l’autre. Certaines bourgades rurales, par exemple, notamment celles qui ne comptent aucun hôtel, ont ainsi connu un afflux touristique inattendu grâce à l’économie collaborative, lorsque des particuliers ont commencé à louer leurs biens immobiliers de manière temporaire. Cela a eu un effet très positif pour la campagne et pour le tourisme en France de manière générale : nous avons battu des records l’année dernière en accueillant 84 millions de touristes !

Demandons-nous également si les mairies souhaitent réellement se voir imposer cette nouvelle obligation. Pour ma part, je n’en suis pas sûre, dans la mesure où je ne pense pas que cette mesure ait fait l’objet d’une concertation avec les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, à ce stade, défavorable à votre amendement. Il me paraît inopportun d’appliquer de cette manière et partout un tel dispositif. Il vaudrait mieux laisser chaque mairie prendre les initiatives qui correspondent à ses proches choix.