PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Je vous rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Titre ier

Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective

Chapitre Ier

Vers une refondation du code du travail

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 1er (début)

Article additionnel avant l'article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 180 rectifié, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann, MM. Durain et Néri, Mme Yonnet et MM. Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À l’échelle de chaque zone d’emploi, et pour une durée de trois ans, le ministre en charge du travail et de l’emploi désigne un commissaire en charge de la coordination de toutes les politiques de l’emploi, d’insertion, de formation et d’aide à la création d’entreprises, menées sur le territoire concerné.

Le commissaire local à l’emploi assure sa mission dans le cadre de conventions conclues avec Pôle emploi et toutes les collectivités territoriales concernées. Il a autorité sur le service public de l’emploi défini à l’article L. 5311-2 du code du travail.

Sur la base de critères objectifs, il recense les zones d’emploi dont l’état du marché du travail justifie la mise en œuvre du plan d’urgence triennal décrit au II. La liste de ces zones est ensuite arrêtée par décret en conseil des ministres.

II. – Le plan d’urgence mentionné au I inclut les conditions de mise en œuvre des dispositions figurant aux III et IV et destinées à accélérer le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

III. – Chaque demandeur d’emploi de plus de six mois a droit à un bilan de compétences. Chaque demandeur d’emploi de plus d’un an bénéficie d’une formation destinée à favoriser son retour à l’emploi et de l’ensemble des moyens mobilisables pour lui permettre d’atteindre cet objectif.

Il devient, à ce titre, stagiaire de la formation professionnelle.

Ce bilan de compétences et cette formation sont financés sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

IV. – Pour la période triennale 2017, 2018 et 2019 et par dérogation à l'article L. 6332-21 du code du travail, si le montant de la contribution issu de l’accord entre les partenaires sociaux n’est pas suffisant pour faire face aux besoins suscités par la mise en œuvre du III, le ministre en charge du travail et de l’emploi peut, par arrêté, en modifier le taux.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à rappeler ce qui devrait une priorité de l’action gouvernementale : faire reculer le chômage et donner la priorité aux secteurs les plus fragilisés. À cet égard, la politique menée depuis 2010 ne peut que susciter des interrogations, et le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui encore plus.

À l’analyse, il apparaît que les mesures budgétaires adoptées depuis l’alternance de 2012 – je pense à la diminution de dépenses et à l’augmentation des impôts – ont eu un effet négatif sur la croissance et l’activité. La responsabilité n’en incombe pas à ce seul gouvernement : le précédent avait fait exactement pareil, étouffant dans l’œuf la reprise qui était sensible à la fin de l’année 2010.

Le problème est que le prix à payer de cette politique contradictoire, en zigzag ou, plus exactement, « contracyclique », car allant à l’opposé de ce qu’elle annonce, est un chômage de masse atteignant des niveaux jamais connus. Certes, on observe un début de recul du chômage, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, mais hors de proportion par rapport à la situation globale que nous avons à gérer au plan national et sur le terrain.

Cet amendement vise donc à rappeler que la priorité d’un texte relevant du domaine social aurait dû être de lutter contre le chômage, en ciblant les secteurs les plus fragiles et les territoires où il est le plus important.

Dans le territoire dont je suis l’élu, le décalage est total entre les moyens mobilisés et la réalité. Plus de la moitié des chômeurs sont des chômeurs de longue durée. Les moyens de Pôle emploi n’ont pas été augmentés. Les mécanismes mis en place au niveau des zones d’emploi ne permettent pas de répondre à cette situation, car il n’y a pas de pilote dans l’avion des politiques de l’emploi ! Certes, cela n’a pas commencé aujourd’hui. Mais la situation ne s’est guère améliorée.

Il y a autant d’interlocuteurs que l’on peut en souhaiter : la région, le département, la chambre consulaire, le territoire et, bien entendu, l’État et Pôle emploi. Tous se mobilisent, mais passent plus de temps à se coordonner qu’à agir.

Il serait temps de prendre véritablement le sujet des politiques territoriales de l’emploi à bras-le-corps pour mettre en place un dispositif resserré et mobiliser les moyens autour d’une autorité, afin de pouvoir atteindre des objectifs définis en commun.

L’examen de cet amendement permet surtout d’exprimer un désarroi face à des priorités affichées en total décalage, à mon sens, avec la réalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’a pas pu examiner cet amendement.

Je souscris évidemment au tableau que M. Gorce a dressé des territoires frappés par le chômage de longue durée, d’autant que je suis élu d’un territoire frontalier du sien.

Nous partageons tous la volonté de lutter contre le chômage de longue durée. Le Sénat a d’ailleurs adopté voilà peu de temps une proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, dont l’objectif est d’expérimenter des mesures innovantes dans une dizaine de territoires. Nous pourrions dans un premier temps observer le fonctionnement d’un tel dispositif.

La désignation par le ministre du travail d’un « commissaire en charge de la coordination de toutes les politiques de l’emploi, d’insertion, de formation et d’aide à la création d’entreprises, menées sur le territoire concerné » pourrait poser un problème d’articulation avec les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui ont pour mission, aux termes de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, d’unifier les politiques publiques.

M. Gorce a évoqué l’unification des politiques de l’emploi et le temps perdu par les différentes instances pour se coordonner. Mais cet amendement soulève de nombreuses questions, et la commission n’a pas pu l’examiner. À titre personnel, j’en sollicite le retrait, faute de quoi mon avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Gorce, je partage évidemment votre volonté de lutter contre le chômage, notamment le chômage de longue durée, auquel beaucoup de nos concitoyens sont confrontés, sur de nombreux territoires. Cet amendement a pour objet de prévoir la désignation d’un commissaire en charge de la coordination des politiques de l’emploi. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur l’importance de l’enjeu de la coordination des politiques locales de l’emploi.

Avec ma collègue Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, nous appelons justement les préfets de région, dans le cadre des visioconférences que nous faisons tous les mois avec eux, à mieux travailler en commun. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, avait d’ailleurs pour objectif de clarifier les compétences. La loi de 2014 a aussi permis d’instaurer les CREFOP.

Aujourd’hui, les nombreux acteurs des politiques de l’emploi apprennent à travailler ensemble. Je partage votre impatience, mais je ne vous suis pas sur la nécessité d’ajouter un échelon.

Par ailleurs, le plan d’urgence pour l’emploi, lancé par le Président de la République le 18 janvier dernier, doit permettre de répondre au problème des offres d’emploi non pourvues sur de nombreux territoires, qui s’explique dans 80 % des cas par un manque de qualification. Nous avons donc répertorié les difficultés d’emploi dans l’ensemble des territoires, bassin d’emploi par bassin d’emploi.

Il n’y a pas 400 000 offres d’emplois non pourvues ! Je ne considère pas qu’on puisse comptabiliser les contrats de deux heures par semaine… Néanmoins, dans certains secteurs ou métiers, nous avons des difficultés à pourvoir des postes en raison d’un manque de qualification. C'est pourquoi le plan d’urgence est basé sur les besoins exprimés bassin d’emploi par bassin d’emploi.

Selon moi, ce qui manque dans le champ des politiques de l’emploi, c'est l’expérimentation. Nous la tentons au travers du projet d’ATD Quart Monde « Territoires zéro chômeur de longue durée », voté à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale. Le dispositif est en cours de mise en œuvre. Le fonds d’expérimentation sera créé dans les prochains mois, et les appels à projets seront lancés avant l’été. Par ce biais, nous pouvons aussi réinterroger l’ensemble des politiques publiques en la matière.

En résumé, monsieur le sénateur, si je partage tout à fait votre diagnostic, je ne crois pas que la solution soit de créer un échelon supplémentaire.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens la philosophie générale de cet amendement et les mesures concrètes qu’il vise à mettre en œuvre.

La philosophie de l’amendement consiste à souligner que, pour faire reculer le chômage, il faut des politiques macro-économiques d’investissement et, éventuellement, de relance du pouvoir d’achat pour soutenir la croissance. Car, comme M. Gorce l’a très bien décrit, les politiques contracycliques visant à soutenir l’offre n’ont pas permis de faire décoller notre pays.

Concrètement, cet amendement traduit la nécessité d’un volontarisme public pour faire reculer le chômage dans les territoires, notamment les plus touchés, avec des outils particuliers de coordination permettant d’agir et d’avoir une vision d’ensemble des problèmes.

Les statistiques peuvent faire état d’un manque global d’emplois qualifiés en France, sans montrer les méthodes astucieuses de formation qui peuvent exister dans tel ou tel territoire.

On raconte beaucoup de bobards sur les emplois disponibles ! Dans la région où j’étais chargée de la formation professionnelle, de nombreux emplois étaient des CDD de durée très courte et très peu renouvelés. On incitait les demandeurs d’emploi à se former aux métiers du bâtiment, alors qu’il n’y avait pas de débouché permanent, avec des emplois stables, dans ce secteur. Il est donc très important de se coordonner et de faire preuve de volontarisme.

Mais je veux surtout insister sur le volet de l’amendement qui est relatif à la sécurisation des parcours. M. Gorce demande que les personnes au chômage depuis plus de six mois aient droit à un bilan de compétences et à un accompagnement vers un retour à l’emploi. Mais il propose aussi que les demandeurs d’emploi de plus d’un an bénéficient du statut de stagiaire de la formation professionnelle, donc d’un accompagnement sérieux, dans la durée, pour effectuer cette formation.

On ne cesse de nous citer les exemples nord-européens en matière de sécurisation de l’emploi. Mais si les chômeurs de longue durée ne font que toucher le RSA, sont laissés à leur insuffisance de formation et livrés à leur découragement, le problème ne sera pas réglé !

La proposition de mon collègue est l’un des maillons, notamment dans les secteurs ruraux, périurbains ou dans certains quartiers de banlieue, de cette politique volontariste de la puissance publique, qui me paraît bien plus efficace qu’une flexibilisation accrue du travail !

Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

M. Gaëtan Gorce. Depuis le milieu des années 1980, notre pays vit le drame d’un chômage de masse qui n’est jamais descendu sous la barre de 2 millions ou 2,5 millions de chômeurs. Depuis cette époque, tous les gouvernements ont annoncé faire de la réduction du chômage leur priorité. Les politiques économiques mises en place ont toutes été à l’opposé de cet objectif. Elles ont eu un caractère le plus souvent restrictif, à l’exception de la période comprise entre 1997 et 2002, où les politiques menées, notamment la réduction du temps de travail, ont été très volontaristes.

On aurait pu espérer que ce gouvernement mette en place une politique offensive en arrivant aux responsabilités en 2012. Il ne l’a pas fait. On peut discuter des effets du CICE sur l’emploi. Mais j’ai principalement évoqué les mesures budgétaires, dont les conséquences négatives sur l’emploi et l’activité sont indiscutables.

Le chômage de masse est la racine du mal. Il est à l’origine de l’ensemble des difficultés de notre pays. Il déstabilise la totalité de notre système social et de notre collectivité. Certes, le fait de le réduire ne suffira pas à résoudre l’ensemble de nos problèmes. Mais c’est en bien la source.

On aurait pu imaginer que des actions fortes et volontaristes soient menées au moins sur les zones d’emploi les plus en difficulté. Ce n’est pas ce qui a été fait non plus.

On pouvait espérer que, dans les territoires comme ceux dont j’ai parlé, les moyens soient mobilisés autour d’objectifs clairs et ne servent pas simplement à décliner des politiques nationales.

Les emplois disponibles que l’on évoque sont, pour l’essentiel – d’ailleurs, Mme la ministre a été obligée de le reconnaître –, des emplois saisonniers, temporaires, à très court terme, c'est-à-dire extrêmement instables et n’apportant aucune sécurité aux personnes susceptibles de les occuper. Il n’y a aucune autre perspective pour ces personnes, qu’il s’agisse de jeunes non qualifiés ou de personnes de plus de cinquante ans, population parmi laquelle il y a d’ailleurs de plus en plus de chômeurs.

Il serait donc temps de s’attaquer au problème de manière volontariste en y mettant les moyens.

Il se trouve que je suis les questions d’emploi depuis près d’une vingtaine d’années maintenant. Je suis stupéfait de constater que nous ne nous donnons pas les moyens d’organiser les politiques territoriales de l’emploi autour de tels objectifs. Nous continuons à mener des politiques consistant simplement à décliner des orientations fixées nationalement, sans nous préoccuper des réalités locales.

Par exemple, un conseiller de Pôle emploi doit suivre environ 80 à 90 chômeurs considérés comme en difficulté, et 200 à 250 personnes au total ! Imaginez le résultat que cela peut produire et surtout ce que doivent ressentir ceux qui vivent une telle situation !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Je partage totalement les objectifs de M. Gorce, mais je ne comprends pas qu’il propose de créer une nouvelle administration pour les atteindre.

Il s’agit typiquement d’une matière qui devrait relever de la compétence des régions ! Sans vouloir polémiquer, il est dommage que les régions – je rappelle qu’elles étaient pratiquement toutes dirigées par le même parti politique jusqu’à l’année dernière – ne se soient pas mobilisées secteur par secteur. C’est leur rôle de faire du cousu main dans les territoires ! Nous disposons des crédits de la formation professionnelle. La loi nous donne la possibilité d’avoir la main sur les politiques publiques.

Monsieur Gorce, vous avez entièrement raison dans vos analyses et objectifs. Mais laissons faire les régions. Ne créons pas de postes de fonctionnaire supplémentaires. À quoi servira un préfet de plus, sinon à constater les problèmes et à trouver des solutions que nous sommes déjà capables de mettre en œuvre dans les régions ? D’ailleurs, certaines ont déjà fait des expérimentations. Il faut agir dans le cadre de nos collectivités territoriales. On a tout ce qu’il faut pour le faire !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je suis partage aussi le diagnostic de notre collègue Gaëtan Gorce.

Dans nos territoires, il y a une multiplicité de dispositifs, qu’il s’agisse d’économie ou d’emploi et de formation professionnelle. Le problème, c'est la coordination. À l’instar de mon collègue Alain Joyandet, je ne crois pas qu’il faille créer un poste supplémentaire.

Les acteurs existent ! Il y a les élus territoriaux, les présidents de communautés d’agglomération, qui sont compétentes dans le domaine de l’emploi et du développement économique, les préfets, les sous-préfets, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ou DIRECCTE. Qu’attendons-nous pour les coordonner ?

Madame la ministre, les missions locales mettent en œuvre une dizaine de dispositifs, parfois contradictoires. Ces dispositifs, qui doivent être coordonnés avec ceux de Pôle emploi, entrent aussi quelquefois en contradiction, tout au moins en concurrence, avec ceux des plans locaux pour l’insertion et l’emploi. Qu’attendons-nous pour mettre tout le monde autour de la table ? Je l’ai fait dans mon secteur, d’ailleurs avec le soutien de la préfecture. Cela doit être mis en place dans tous les territoires, au plus proche des bassins d’emploi, pour ne pas dire en « épousant » ces bassins d’emploi.

Nous ne parviendrons pas à créer de l’emploi pour autant, mais nous fluidifierons certainement le marché de l’emploi en nous intéressant en priorité à ceux qui en sont les plus éloignés.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai fait référence au plan d’urgence pour l’emploi lancé le 18 janvier 2016. Nous avons justement signé une plateforme avec les régions, en les désignant directement comme chefs de file pour la formation professionnelle. Des conventions ont également été signées entre Pôle emploi et les présidents de région.

Nous avons regardé les difficultés bassin d’emploi par bassin d’emploi. Je parle ici non pas des emplois saisonniers, mais des métiers de bouche et des métiers industriels pour lesquels nous n’arrivions pas à recruter. Comme je l’ai indiqué, je ne crois pas qu’il y ait 400 000 à 500 000 emplois non pourvus dans notre pays. Mais, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, il y en aurait 180 000 à 200 000 ; je parle de temps pleins dans les métiers de bouche, l’industrie ou la transition énergétique.

Nous avons conclu un partenariat avec les CREFOP au mois de décembre dernier. Pôle emploi s’est aussi modernisé en 2015. Nous avons créé 4 000 « conseillers entreprise ». Ils font l’interface avec les entreprises et doivent chercher les offres d’emploi n’existant plus au sein de Pôle emploi.

À partir de là, nous avons créé au sein de Pôle emploi le nouveau parcours du demandeur d’emploi. L’objectif est d’alléger le « portefeuille » des conseillers chargés des demandeurs d’emploi de longue durée ou des jeunes en grande difficulté pour leur permettre d’assurer cet accompagnement globalisé, qui permettra de faire un bilan de compétences, comme vous le suggérez.

Nous avons donc identifié les besoins et développé avec les CREFOP – c’est tout récent, puisque cela a été mis en place au mois d’avril dans chacune des régions – le plan « 500 000 formations supplémentaires », avec le milliard d’euros que l’État a mis sur la table. Ce plan vise non pas à envoyer des demandeurs d’emploi dans des stages parking, mais à développer l’idée d’un parcours entre emploi et formation, en développant les préparations opérationnelles à l’emploi. Car, nous le savons, derrière, il existe des emplois, bien souvent à temps plein.

Par ailleurs, nous travaillons sur la gouvernance des missions locales. C’est aussi une question essentielle entre l’Union nationale des missions locales, l’UNML, et le Conseil national des missions locales, le CNML. Dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, nous avons prévu une commission pour l’insertion, qui nous permettra d’être beaucoup plus efficaces sur le terrain.

En tant qu’ancienne secrétaire d’État à la politique de la ville, je puis vous dire que nous ciblons évidemment certains territoires, auxquels nous donnons plus de moyens. Au-delà, nous avons renforcé notre partenariat avec les préfets délégués pour l’égalité des chances, notamment dans les quartiers de la politique de la ville. Ces préfets jouent ce rôle de coordinateur, notamment pour les jeunes en situation de difficulté et les jeunes diplômés issus de ces quartiers. Nous avons aussi développé les plans locaux pour l’insertion et l’emploi dans ces quartiers.

Il y a de nombreux acteurs. Mais, avec le plan « 500 000 formations supplémentaires », Clotilde Valter et moi-même avons l’objectif de mieux faire, plus intelligemment, en assurant une meilleure coordination de l’ensemble des partenaires et une répartition très claire du travail de chacun.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 180 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Une commission d’experts et de praticiens des relations sociales est instituée afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.

Cette refondation a pour objet de :

1° Simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ;

2° Protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs ;

3° Renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés.

Cette refondation attribue une place centrale à la négociation collective et prévoit que la loi fixe les dispositions qui relèvent de l’ordre public et celles supplétives en l’absence d’accord collectif. La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche.

La commission associe à ses travaux les organisations professionnelles d’employeurs aux niveaux interprofessionnel et multi-professionnel et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national. Elle peut entendre toute autre institution, association ou organisation de la société civile.

La composition de la commission tend à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.

Le président de la commission est entendu avant sa nomination par le Parlement.

Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, la commission présente l’état d’avancement de ses travaux devant les commissions compétentes du Parlement.

Elle remet au Gouvernement ses travaux, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Au moment d’aborder le premier article de ce texte, je voudrais relever une évidence : le code du travail est dégradé avant tout par les multiples dérogations qui l’ont rendu plus volumineux, donc plus complexe, au fil du temps.

Madame la ministre, avec ce projet de loi, vous affirmez vouloir simplifier le code du travail. Or ce texte va instaurer une grande instabilité et une complexité excessive. En effet, la norme pourra être différente dans chaque grande entreprise, y compris au sein d’une même branche d’activité.

Rendre le code du travail moins volumineux ? Il n’en est rien. Comme l’a démontré un collectif d’universitaires spécialisés en droit du travail, avec cette réécriture, le volume du texte connaîtra une augmentation de 27 %. Cette deuxième refonte complète, après celle de 2008, n’apporte donc ni simplification ni meilleure accessibilité du droit, malgré toutes les annonces médiatiques qui ont pu être faites en ce sens.

Nous l’avons dit lors de la discussion générale, ce que vous proposez, c’est l’adaptation des êtres humains aux besoins du marché de l’emploi. Pensez-vous sincèrement qu’il s’agisse d’un progrès ? Il aurait fallu au contraire repenser le travail comme facteur d’émancipation humaine, en créant des droits nouveaux pour protéger les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel.

L’article 1er pose les grands principes du projet de loi : inversion de la hiérarchie des normes et remise en cause du principe de faveur. Où sont donc les nouvelles libertés et les nouvelles protections pour les actives et les actifs ? Pourquoi n’avez-vous pas, par exemple, réécrit le code du travail en supprimant les dérogations pour mieux encadrer les temps partiels et accorder aux salariés concernés les mêmes droits qu’aux salariés à temps plein ? Pourquoi favoriser les grands groupes et non les petites entreprises ? Il y avait, et il y a toujours un vrai travail à faire en leur direction.

Pourquoi n’avez-vous pas écrit un code du travail favorable aux salariés, notamment en sécurisant les parcours de vie et en plaçant la démocratie au cœur de l’entreprise, seule manière pour nous de sécuriser les entreprises ?

Malheureusement, c’est l’inverse que vous faites ! Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. En complément des arguments de ma collègue Laurence Cohen, je dirai que l’article 1er est à l’image de l’ensemble du texte. Il n’a donc rien d’anodin, même si la mise en place d’une commission peut apparaître comme une volonté de dialogue, donc d’apaisement.

Cette commission affiche en réalité la couleur : mettre les principaux concernés hors-jeu, puisque les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés y seront seulement associées, alors que c’est l’ensemble du code du travail qui est atteint.

Même si les travaux de la commission Badinter, puisque c’est comme cela qu’on la nomme, ont pu éclairer une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur ce qu’est le droit du travail, il ne nous semble pas utile de les graver dans le marbre de la loi, d’autant que l’article originel dispose : « La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche. » Autrement dit, le fondement de la réforme à venir se base sur ce que nous contestons : l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur. C’est ce que la majorité sénatoriale appelle la « place centrale de la négociation collective » et qu’elle ne remet évidemment pas en cause.

Aussi, dès son article 1er, le projet de loi tend à imposer cette nouvelle norme en matière de droit de travail, ce que nous n’acceptons pas. Il constitue donc un symbole de l’autoritarisme qui prévaut dans l’organisation du débat.

Madame la ministre, vous avez retracé tout à l’heure la genèse du texte. Pour ma part, je me contenterai de retracer celle de l’article 1er. Voici ce qui figurait dans un article paru sur le site du journal Le Monde le 12 mai 2015 : « L’attitude d’Emmanuel Macron sur un amendement de l’UMP concernant la simplification du code du travail irrite déjà les syndicats ».

En effet, dans la soirée du 7 mai 2015, la majorité sénatoriale avait adopté un amendement ayant pour objet de mettre en place une commission chargée de proposer dans un délai d’un an un « nouveau code du travail simplifié ». Il s’agissait alors « d’accroître les possibilités de dérogation aux dispositions du code du travail par un accord collectif ».

Madame la ministre, vos services n’ont pas eu un gros travail d’élaboration à fournir pour l’article 1er, puisque vous avez repris une proposition de la droite sénatoriale guidée par le patronat ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est sans doute votre conception du progrès social. Ce n’est pas la nôtre. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.