Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 867.

M. Jean Desessard. Ce soir, le débat sera serein puisque, dans le cadre de cette discussion commune, nous ne pouvons pas nous répondre ! J’imagine que nous sommes en train d’affûter nos arguments pour demain…

Mon propos ne sera guère différent de celui de mes collègues. Le travail de nuit constitue un danger reconnu pour la santé des travailleurs et il fait, à ce titre, partie des facteurs reconnus de pénibilité, qui sont pris en compte dans le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Travailler de nuit affecte la mémoire, l’attention et la réactivité de l’individu. Plus grave encore, des études récentes ont montré l’impact du travail de nuit sur le système cardiovasculaire et le développement de cancers.

J’ai une petite divergence avec vous, madame Cohen. J’ai le même chiffre que vous s’agissant de l’étude d’Harvard, à savoir une surmortalité de 11 %, mais elle concerne uniquement les femmes.

Mme Laurence Cohen. Je vérifierai !

M. Jean Desessard. Cette étude montre également un risque accru de 25 % de développer un cancer du poumon chez les femmes travaillant de nuit depuis au moins quinze ans. (Mme Bricq s’exclame.)

Madame Bricq, si ces chiffres ne vous convainquent pas, je ne peux pas vous suivre !

Mme Nicole Bricq. Nous aussi, nous travaillons de nuit !

M. Jean Desessard. Ce n’est pas la même chose, vous avez choisi d’être sénatrice, votre situation n’a rien à voir avec celle d’un salarié ordinaire ! Pour ma part, je suis prêt à ne travailler que de jour au Sénat, mais il faudrait siéger le vendredi et, donc, ne plus cumuler ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

D’après une étude de l’INSERM de 2012, le risque de cancer du sein est augmenté d’environ 30 % chez les femmes ayant travaillé de nuit.

Face à ce constat, une surveillance médicale renforcée des travailleurs de nuit s’impose. Vous avez d’ailleurs pris position en ce sens, monsieur le rapporteur, lors de nos débats en commission, en indiquant que ce public doit être suivi de près. Je vous soutiens sur ce point. Vous avez ajouté : « Nous souhaitons garantir le suivi individuel de leur état de santé ». Mais vous vous êtes arrêté là…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non ! Nous avons réécrit l’article 44 !

M. Jean Desessard. Cet amendement vise donc à rétablir le suivi semestriel des personnes travaillant de nuit.

Mme la présidente. L’amendement n° 524, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 267

Remplacer les mots :

d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail dans les conditions mentionnées à l’article L. 4624-1

par les mots :

d’une surveillance médicale particulière, tous les six mois

II. – Alinéa 268

Supprimer le mot :

impérieuses

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Cet amendement rejoint les amendements nos 88 rectifié et 867 qui viennent d’être présentés.

La surveillance médicale des travailleurs de nuit bénéficie aujourd’hui d’un cadre juridique spécifique. Je pense, comme mes collègues, qu’il faut le préserver, car il s’explique essentiellement par la nécessité de s’assurer périodiquement du bon état de santé du salarié au poste de travail qu’il occupe. Il s’agit également de l’informer des conséquences médicales des expositions au poste de travail et de l’importance d’un suivi médical particulier.

Il est communément admis que le travail de nuit constitue un danger pour la santé des travailleurs. Vous le savez comme moi, madame la ministre, il fait partie des facteurs reconnus de pénibilité pris en compte dans le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Comme l’ont rappelé nos collègues Laurence Cohen, Henri Cabanel et Jean Desessard, le travail de nuit peut avoir de graves répercussions sur la mémoire et l’attention, et diminuer la réactivité. Il peut également affecter le système cardiovasculaire et favoriser le développement de différentes formes de cancer.

À cet égard, cela a été rappelé, différentes études, comme celles de Harvard et, en 2012, de l’INSERM, ont démontré que le risque de cancer du sein était beaucoup plus élevé chez les femmes qui travaillent de nuit.

Dans sa rédaction initiale, l’alinéa dont il est question visait à supprimer la surveillance médicale régulière des salariés travaillant de nuit.

Face à des risques avérés, je ne comprends pas ce qui pourrait justifier un tel recul du suivi médical. Selon moi, cela mettrait en danger la santé et la sécurité de ces travailleurs. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à revenir à la législation existante, en rétablissant un suivi médical semestriel.

Mme la présidente. L’amendement n° 530, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 267

Après le mot :

santé

insérer les mots :

, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder six mois par la suite,

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Aujourd’hui, près d’un salarié sur cinq travaille entre 21 heures et 6 heures.

Constatant la perte de leur pouvoir d’achat ou face à la pression du chômage, nos concitoyens sont ainsi de plus en plus nombreux à opter pour cette solution, qui garantit de meilleures fins de mois. Or cela se fait au détriment de leur santé, comme l’ont très bien démontré mes collègues.

Travailler de nuit, c’est sacrifier sa santé, ainsi que sa vie sociale et familiale. Les salariés acceptent de le faire pour un petit pécule supplémentaire, ce qui démontre l’extrême précarité à laquelle certains sont confrontés. C’est un nouvel exemple de ce à quoi conduisent le chantage à l’emploi et le gel des salaires.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons accepter que les garde-fous prévus dans le code du travail pour ces salariés soient supprimés.

Ainsi, les visites médicales permettant l’affectation sur le poste et les visites semestrielles chez le médecin du travail doivent être impérativement maintenues. On ne parle pas là de compétitivité, mais de santé des personnes !

En effet, autant les salariés intervenant sur des produits chimiques ont conscience du risque qu’ils encourent, autant les salariés travaillant de nuit peuvent ne pas réaliser les impacts de leur travail sur leur santé. Ces visites régulières viennent reconnaître la dangerosité de leurs conditions de travail et rappellent aux salariés et à leurs employeurs les risques encourus.

Mme la présidente. Les amendements nos 296 et 523 sont identiques.

L’amendement n° 296 est présenté par Mmes D. Gillot, Campion, Guillemot, Perol-Dumont et Tocqueville, MM. Kaltenbach, Lalande, Godefroy, Daudigny, Masseret, J.C. Leroy, Marie, Vincent et Assouline, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mme Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 523 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 268

Après le mot :

personne

insérer les mots :

malade chronique, handicapée ou

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 296.

Mme Dominique Gillot. J’assume tout à fait d’inscrire mon intervention dans une démarche un peu moins catastrophiste que les interventions précédentes.

Dans son article 2, chapitre II, le projet de loi prévoit des dérogations au travail de nuit lorsque celui-ci est incompatible avec des « obligations familiales impérieuses ». Le salarié pourra donc refuser la proposition de son employeur sans que cela constitue une faute. Le texte précise que cette dérogation est valable pour les aidants prenant en charge une personne dépendante.

En 2014, selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, près de 8,3 millions de personnes de plus de seize ans ont exercé une fonction d’aidant, dont la moitié auprès de personnes de moins de soixante ans. C’est une charge importante, qui a souvent un impact direct sur la vie sociale et professionnelle, voire sur la santé, de l’accompagnateur.

Chacun, à un moment de sa vie, peut devenir aidant familial ; chacun doit pouvoir organiser sa vie pour devenir aidant.

Or, si l’entreprise a su s’adapter aux congés de maternité et à l’emploi des personnes handicapées et à améliorer les conditions de travail, elle reste hésitante sur la manière de reconnaître les salariés en situation d’aidants. Pourtant, pour la grande majorité d’entre eux, garder une activité professionnelle est indispensable, afin de ne pas se retrouver enfermés dans ce seul rôle.

Par ailleurs, l’entreprise a tout intérêt à prendre en compte leur situation particulière et à les aider à concilier leur rôle d’aidant avec leur vie professionnelle et personnelle, d’autant que cette charge leur permet le plus souvent de développer des compétences individuelles pouvant être utiles à l’entreprise.

Il paraît donc logique d’octroyer les mêmes droits à l’ensemble des travailleurs aidants, qu’ils s’occupent d’une personne âgée ou d’une personne handicapée, d’autant qu’il s’agit d’une prise de responsabilités hautement sociales, qui contribue au développement de la société inclusive que nous voulons construire. Il s’agit d’élargir, dans une loi relative à l’ouverture de droits nouveaux pour les actifs, la reconnaissance des aidants, opérée dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 523.

Mme Annie David. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre notre collègue Dominique Gillot. Toutefois, je me situe, contrairement à elle, dans une perspective catastrophiste, car je pense qu’attenter à la santé des salariés par le biais de ce texte est une catastrophe.

Cet amendement vise à élargir le champ d’application des cas où le salarié peut refuser de travailler la nuit, sans que cela constitue un motif de licenciement économique.

En effet, la loi prévoit aujourd’hui que le salarié peut refuser de travailler la nuit en raison d’obligations familiales impérieuses, sans toutefois définir clairement ces obligations. Seuls sont expressément prévus les cas de garde d’un enfant ou de prise en charge d’une personne dépendante.

Outre le fait que nombre de femmes ayant seules des enfants à charge se trouvent tout de même dans l’obligation de travailler la nuit, cette définition semble trop limitative, laissant aux soins de la jurisprudence la définition de ces « obligations impérieuses » pour l’ensemble des autres cas.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’élargir cette définition législative précise aux cas de prise en charge de personnes malades chroniques ou handicapées.

En effet, actuellement, la dépendance se définit comme la perte d’autonomie et l’incapacité pour une personne de réaliser sans aide extérieure les gestes de la vie quotidienne : préparer à manger, se laver, s’habiller, faire des courses, etc. Cette perte d’autonomie peut être psychique, physique, ou les deux à la fois.

Si la situation de handicap peut relever de cette définition de la dépendance, tel n’est pas nécessairement le cas. Mieux vaut donc prévoir dans la loi le fait que la prise en charge d’une personne handicapée constitue l’un des cas où le salarié peut refuser de travailler la nuit sans que cela constitue un motif de licenciement ; de même pour le malade chronique, très mal reconnu par le droit du travail.

Ce projet de loi doit permettre non une régression du droit du travail, mais la promotion de nouveaux droits pour les salariés.

Mme la présidente. L’amendement n° 525, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 272

Remplacer les mots :

un poste

par les mots :

tout autre poste

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. L’inaptitude au travail de nuit prononcée par le médecin du travail ne doit pas être de nature à mettre en péril l’emploi du salarié concerné. Pourtant, dans la rédaction actuelle de l’article, rien n’assure une protection suffisante du travailleur en question.

En effet, l’obligation qui est faite actuellement à l’employeur est de ne proposer qu’un seul et unique poste de jour. De fait, en cas de refus, celui-ci sera en position de prononcer la rupture du contrat de travail, sans que cela soit considéré comme un licenciement abusif.

Notre amendement vise donc à élargir le champ du reclassement, en précisant que le licenciement n’est envisageable que dans le cas où l’employeur ne peut proposer aucun poste de jour au salarié en situation d’inaptitude au travail de nuit.

Quel est le risque créé par la rédaction actuelle ? Tout simplement, de nombreux employeurs, souhaitant bénéficier de salariés polyvalents et pleinement aptes au travail de jour comme de nuit, proposeront un poste inacceptable au salarié déclaré inapte au travail de nuit.

Je citerai un exemple rencontré dans ma circonscription : un ouvrier manutentionnaire travaillant de nuit dans un supermarché s’est vu proposer, une fois déclaré inapte, un emploi dans le secteur « caisse ». Il a préféré refuser ce reclassement dans un emploi qu’il ne maîtrisait pas, bien différent de celui qu’il occupait.

Avec la rédaction actuelle de l’article, ce salarié sera passible d’un licenciement, bien que l’employeur sache pertinemment l’incongruité de sa proposition de reclassement. La question du reclassement pour inaptitude au travail de nuit pose en creux la question générale du travail nocturne.

Censée être exceptionnelle, cette situation concerne aujourd’hui presque 4 millions de personnes ; le nombre de travailleurs de nuit a doublé en vingt ans. Évidemment, certains corps de métier sont dans l’obligation d’être disponibles 24 heures sur 24, pour des raisons de sécurité ou de sûreté.

L’inversion de la délimitation du travail de nuit opérée par la loi Macron n’a fait qu’aggraver ce phénomène, délaissant la logique sectorielle pour une logique géographique. Pourtant, les effets néfastes sont nombreux et depuis longtemps prouvés : surmortalité, troubles alimentaires et du sommeil, maladies, risques accrus de cancers et d’accidents, incidences sur la vie sociale et familiale. Autant dire que les inaptitudes au travail de nuit se multiplient de manière légitime.

Mme la présidente. Les amendements nos 111 rectifié, 157 rectifié ter, 272 et 526 sont identiques.

L’amendement n° 111 rectifié est présenté par Mme Cayeux, MM. Savin et D. Laurent, Mme Imbert, MM. Lefèvre et Houel, Mme Hummel, MM. Huré, Pierre et Nougein, Mmes Lamure, Micouleau et Duchêne, MM. Masclet et Magras, Mme Primas et MM. Legendre et D. Robert.

L’amendement n° 157 rectifié ter est présenté par M. Vasselle, Mme Garriaud-Maylam et MM. Commeinhes, Laufoaulu, Pellevat, César, B. Fournier et Grand.

L’amendement n° 272 est présenté par M. Courteau.

L’amendement n° 526 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 274 à 303, 368 à 413, 440 à 447, 453 à 463 et 567 à 582

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié.

Mme Sophie Primas. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 157 rectifié ter.

M. Alain Vasselle. Mme Primas me laissant le privilège de dire quelques mots sur cet amendement, je serai bref, madame la présidente.

Il s’agit, me concernant, d’un amendement d’appel visant à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir une bonne conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Il convient que le dispositif adopté ne nuise pas au bon équilibre qui doit exister entre l’une et l’autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 272.

M. Roland Courteau. Il semble en effet que cet article 2 ne prenne pas suffisamment en compte la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Premier cas : celui des femmes à temps partiel subies, puisque le travail à temps partiel subi concerne à 82 % les femmes. Or celles-ci sont souvent à la tête d’une famille monoparentale. On ne peut risquer de les soumettre à des conditions d’exercice du temps partiel plus difficiles encore, s’agissant de la répartition des horaires dans la journée ou de l’amplitude horaire.

Autre exemple : le travail de nuit. Celui-ci doit impérativement être très encadré, en raison de ses conséquences sur l’organisation de la vie familiale, mais aussi sur la santé.

Quant aux vacances, chacun ici comprendra parfaitement qu’elles sont importantes pour les familles et pour l’épanouissement des enfants. J’attire l’attention du Sénat sur le fait qu’un accord d’entreprise pourra réduire le délai de prévenance que l’employeur est tenu de respecter, dès lors qu’il modifie les dates de départs en congés payés. Or tout surcroît de flexibilité ne manquera pas de perturber la vie des familles.

Ces remarques s’appliquent également à la possible remise en cause de la durée minimale de repos quotidien, qui peut, elle aussi, compliquer l’organisation de la vie familiale.

Toutes ces raisons nous incitent à demander l’adoption du présent amendement, afin que soient maintenues les dispositions protectrices en vigueur relatives au travail de nuit, au travail à temps partiel subi, au repos quotidien et à la prise des congés payés.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 526.

M. Dominique Watrin. La multiplication des temps partiels et du travail intermittent conduit inévitablement à une instabilité : difficulté à trouver un logement, impossibilité de recourir à un crédit pour acheter une maison, par exemple. Cela conduit au maintien des salariés dans un état de précarité et d’immobilisme personnel.

Ce constat est d’autant plus flagrant que la législation en matière de logement et de crédit aggrave encore cette situation.

Le travail de nuit, censé être exceptionnel, a doublé en vingt ans. Pourtant, d’étude en étude de l’OMS, les mêmes données ressortent : le travail de nuit est source de surmortalité et de détérioration de la santé. Pour ne donner qu’un chiffre, les femmes ayant, à un moment de leur vie, travaillé de nuit, voient leur risque de contracter un cancer du sein supérieur de 40 % à celui des autres femmes. Sachant que le nombre de travailleuses de nuit a doublé en vingt-cinq ans, il y a de quoi se poser des questions !

Le travail de nuit a aussi un impact néfaste sur la vie sociale et familiale. Travailler de nuit, c’est, en définitive, être sans cesse isolé de ses proches et ne voir que ses collègues ; c’est être au travail au début des classes et couché à la sortie ; c’est l’impossibilité d’organiser un repas en famille ou entre amis.

Il importe donc de ne pas aggraver encore les possibilités déjà ouvertes par la loi concernant ces modalités de travail atypique.

Mme la présidente. L’amendement n° 531, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 276

Remplacer les mots :

Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche

par les mots :

Une convention ou un accord collectif de branche ou, à défaut, un accord d’entreprise ou d’établissement.

II. – Alinéa 286

Remplacer les mots :

Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche

par les mots :

Une convention ou un accord collectif de branche ou, à défaut, un accord d’entreprise ou d’établissement.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. La durée du travail effectif est limitée avant tout pour préserver la santé des salariés.

Aux termes de l’article L. 3121-34 du code du travail, cette durée ne peut excéder dix heures par journée civile, celle-ci débutant à zéro heure et s’achevant à vingt-quatre heures.

Le fait qu’un accord collectif d’entreprise ou un accord de branche étendu puisse porter cette durée à douze heures de travail effectif par journée civile n’est pas nouveau. Mais il s’agissait jusqu’alors d’une dérogation, l’une des trois possibles, les deux autres étant respectivement liées à l’autorisation exceptionnelle par l’inspecteur du travail et à l’engagement de la responsabilité de l’employeur en cas d’urgence.

Ce qui est inédit, avec ce projet de loi, c’est le passage du statut dérogatoire au statut de règle générale, et la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche.

La durée maximale quotidienne du temps de travail est laissée au bon vouloir de chaque entreprise et au libre jeu de la concurrence. Ce problème a d’ailleurs déjà été évoqué à propos des ouvertures dominicales.

Je me permets pourtant de vous rappeler, chers collègues, que la première réglementation en la matière, à la fin du XIXe siècle, avait pour origine le constat des accidents du travail liés à des durées exagérées de travail.

En 1848, déjà, la journée de travail était fixée à dix heures à Paris. Il s’agit toujours du maximum autorisé, sauf dérogation pouvant porter le temps de travail à douze heures. Nous ne sommes plus en 1848, mais en 2016 ; néanmoins, les abus en matière de durée du travail quotidien n’ont pas disparu. Ces abus prennent simplement de nouvelles formes.

Dans notre système mondialisé, où la technologie règne, les nouveaux ouvriers du monde tertiaire ne comptent pas leurs heures et connaissent des journées extensibles, avec les fameux « forfaits jours ». Je pense, par exemple, aux nouveaux ouvriers d’internet, programmateurs, webmasters et autres informaticiens, mais aussi à tous ceux qui, travaillant en lien avec la finance, doivent être sans arrêt connectés avec leurs homologues de l’autre côté de la planète.

Je ne pense pas seulement à ce monde d’échanges, mais aussi à celui, beaucoup plus proche de nous, ici même dans le Quartier latin, des étudiants étrangers, notamment européens, bénéficiant par exemple des échanges Erasmus : vulnérables, car ne maîtrisant pas toujours bien notre langue et encore moins notre code du travail, ils s’adonnent à toutes sortes de labeurs, sans limite de temps, pour vivre.

Mme la présidente. L’amendement n° 532, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 304 à 421

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives au travail à temps partiel.

Sans revenir sur le rapport Combrexelle, je souhaite rappeler que la nouvelle architecture du code du travail, en trois niveaux, préfigure l’inversion de la hiérarchie des normes au détriment des droits des salariés.

Loin de simplifier le code du travail, la réécriture proposée alourdit les textes actuellement en vigueur et remet en cause les protections collectives, en prévoyant la primauté des accords d’entreprise.

Mme la présidente. L’amendement n° 533, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 332 à 340

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 3123-6. – Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification et l’emploi tenu, les éléments de la rémunération, le lieu de travail, la durée du travail, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies chaque mois des heures complémentaires au-delà de la durée fixée au contrat et, sauf dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail. Dans ces associations et entreprises, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié. Ces clauses ne peuvent être modifiées unilatéralement par une des parties au contrat.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à protéger les salariés à temps partiel, qui sont plus de 4,5 millions dans notre pays et sont, pour la plupart d’entre eux, les premières victimes de la précarité.

Vous le savez, le temps partiel regroupe des réalités très différentes. Mais il existe une donnée indiscutable : les femmes représentent les trois quarts des salariés à temps partiel subi. Or le contrat de travail à temps partiel constitue l’archétype du contrat dit « précaire ». La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’en a que le nom, avait introduit un minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires, ce que le texte actuel entend modifier.

Madame la ministre, dans mon intervention sur l’article 2, je démontrais en quoi cette remise en cause était lourde de conséquences pour les femmes. Or, dans votre réponse, vous avez commis une erreur que je veux corriger. Vous avez affirmé que notre groupe, le groupe communiste, républicain et citoyen, était contre ce socle de vingt-quatre heures. C’est faux, madame la ministre !

J’ai dit, lors de l’une de mes interventions concernant la loi transposant l’ANI, l’accord national interprofessionnel, que le principe de la durée minimale de vingt-quatre heures hebdomadaires constituait indéniablement une sécurité pour les salariés à temps partiel. J’ai dit également que tout le problème tenait aux possibilités de dérogation ouvertes !

Or l’adoption de ce texte rendra possible la multiplication des dérogations. Rendre caduc ce minimum légal engendrera un accroissement de la précarisation de personnes déjà considérées comme des travailleurs précaires. Le contrat liant l’employeur et le salarié doit d’ailleurs être précis et non modifiable unilatéralement, afin de protéger les travailleurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 888 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 343

Remplacer les mots :

peut bénéficier

par le mot :

bénéficie

et la référence :

à l’article L. 3123-19

par les références :

aux articles L. 3123-19 et L. 3123-27

II. - Alinéa 349

Après les mots :

de droit

insérer les mots :

, à sa demande,

III. - Alinéa 382

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3123-19. - Une convention ou un accord de branche étendu fixe la durée minimale de travail mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7. Lorsqu’elle est inférieure à celle prévue à l’article L. 3123-27, il détermine les garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée minimale mentionnée à l’article L. 3123-27.

« Une convention ou un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement détermine les modalités selon lesquelles les horaires de travail des salariés effectuant une durée de travail inférieure à la durée minimale prévue à l’article L. 3123-27 sont regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

IV. - Alinéa 410

Au début, insérer les mots :

Durée minimale de travail et

V. - Alinéa 411

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« Art. L. 3123-27. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-19, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-42. Le Gouvernement établit un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif, des accords de branche prévoyant des dérogations à la durée minimale hebdomadaire de vingt-quatre heures.

VI. - Alinéas 653 et 715

Remplacer la référence :

à l’article L. 3123-19

par les références :

aux articles L. 3123-19 et L. 3123-27

La parole est à Mme Françoise Laborde.