M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 647.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 307 rectifié, présenté par MM. Tourenne, Vaugrenard, M. Bourquin et Lalande, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, M. Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

peut prévoir

par le mot :

prévoit

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. L’objet de cet amendement, dont M. Jean-Louis Tourenne est premier signataire, est une évidence : comment peut-on espérer faire accepter par des salariés un accord de préservation ou de développement de l’emploi, par lequel ils consentent des sacrifices, si leurs efforts ne sont pas partagés par les dirigeants et les actionnaires ?

Nous proposons donc de rendre obligatoire, et non facultative, la clause précisant les conditions dans lesquelles les dirigeants et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux des salariés.

Cette clause est d’autant plus nécessaire, notamment dans les grandes entreprises, que les rémunérations fixes comme variables des dirigeants sont régulièrement l’objet d’étonnement et de commentaires peu amènes. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Gouvernement a entrepris dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – le projet de loi Sapin II – d’obliger à tout le moins les conseils d’administration à tenir compte des votes des assemblées générales.

La presse économique s’est aussi fait l’écho d’entreprises importantes qui exigent des efforts des salariés au nom de la compétitivité, mettent en place des plans de licenciement et, parallèlement, augmentent les dividendes annuels et les rémunérations des dirigeants de 20 % ou 30 %. Dans le même temps, dans les TPE et PME de nos territoires, les efforts sont partagés par tous, avec des dirigeants qui travaillent beaucoup et ne sont en rien des privilégiés.

L’opinion ne comprendrait pas que les efforts ne soient pas partagés dans toutes les entreprises par les dirigeants et les actionnaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

À nos yeux, l’alinéa 13 de l’article 11, tel qu’il est rédigé, ouvre une voie facultative que certaines entreprises emprunteront sans aucun doute pour obtenir la signature d’un accord. L’expérience des AME nous montre, a contrario, que la présence de nombreux verrous a pu parfois décourager la signature d’accords.

Mme Nicole Bricq. La mesure proposée n’est pas un verrou !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Attendons les explications du Gouvernement, madame Bricq, avant de trancher définitivement la question.

La commission, je le précise, a ajouté une clause de retour à meilleure fortune pour les salariés. Nous considérons avoir trouvé là une disposition qui leur est favorable, leur permettant de recueillir des fruits de leurs efforts. Si on leur demande de « se serrer la ceinture », soit pour sauver l’entreprise, soit pour conquérir de nouveaux marchés, ils doivent en « voir la couleur » à un moment donné ! Ce dividende du salarié, en quelque sorte, ne semblerait absolument pas volé !

Votre avis, madame la ministre, serait très précieux pour éclairer le vote à venir.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. La position du Gouvernement est alignée sur celle de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui avait émis un avis défavorable sur une proposition identique à celle qui est avancée par les auteurs de cet amendement, laissant le choix aux partenaires sociaux de fixer les contreparties à mettre en œuvre dans le cadre de l’accord.

Dans le texte soumis au 49.3, nous avons repris les termes « peut prévoir », sachant que c’est la question de la proportion qui a fait l’objet d’un débat au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, puisque, contrairement aux AME, nous ne sommes pas, ici, dans une situation de graves difficultés économiques.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Peut-être le groupe socialiste, eu égard aux explications de Mme la ministre, accepterait-il de retirer son amendement…

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas l’intention de retirer notre amendement.

J’entends l’argumentation du rapporteur, qui diffère de celle de Mme la ministre. Effectivement, les AME n’ont pas donné les résultats escomptés, tant le dispositif avait été corseté, mais cette disposition n’est pas de celles qui ont bloqué.

Mme la ministre donne, quant à elle, une autre explication, que je comprends du reste : le fait que l’accord « puisse prévoir » laisse une marge de négociation, notamment aux organisations syndicales, pour demander des efforts proportionnés des dirigeants et actionnaires en guise de contrepartie.

Toutefois, au moment où nos collègues députés ont mené leurs travaux en commission des affaires sociales, nous n’avions pas encore connaissance de certains excès, révélés par la suite, en matière de rémunérations, notamment variables, d’où, d’ailleurs, la disposition prévue dans le projet de loi Sapin II, et rappelée tout à l’heure par M. Yves Daudigny.

Franchement, il serait très difficile pour nous de retirer cet amendement. Si des efforts doivent être demandés, ils doivent être fournis par tous, y compris par les dirigeants !

Vous dites, monsieur le rapporteur, avoir inséré une clause de retour à bonne fortune. Cette clause, que vous appliquez aux salariés, peut parfaitement l’être aux dirigeants ! Je ne vois rien de choquant à cela. Mais là, nous sommes, non plus dans votre philosophie, mais dans celle que nous partageons avec Mme la ministre !

Donc, nous ne souhaitons pas retirer cet amendement, dont la charge symbolique est très forte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Nous avons adopté un certain nombre d’amendements en faveur d’accords dits « offensifs ». Le terme est dur, mais c’est bien ce que nous avons voté.

Pour l’image du Sénat, il serait regrettable que nous assortissions ces efforts financiers qui vont être demandés aux salariés d’un rejet de l’amendement de nos collègues socialistes.

C’est un problème d’affichage, mes chers collègues. Nous donnerions une bien mauvaise image au public, si nous demandions aux salariés de réaliser un certain nombre d’efforts pour essayer de sauver leur entreprise, sans avoir la même exigence vis-à-vis des employeurs et des actionnaires.

C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je me réjouis que les socialistes n’aient pas retiré leur amendement, que je m’apprêtais à reprendre. Je suis tout à fait satisfait de constater qu’ils jugent normal d’envisager une modulation des rémunérations des patrons, dès lors que les salariés sont aussi mis à contribution, afin que chacun participe à l’effort général.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 307 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement, et que celui-ci est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 345 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 158
Contre 184

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Yves Daudigny. Regrettable !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Dites-le au Gouvernement !

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les amendements nos 449 rectifié et 879 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 449 rectifié est présenté par Mmes Billon et Lamure, MM. Bouchet, Canevet, Cadic, Danesi et Adnot, Mmes Deromedi et Primas et M. Vaspart.

L’amendement n° 879 rectifié est présenté par Mme Aïchi et M. Labbé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 17 à 23

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 449 rectifié.

M. Olivier Cadic. Cet amendement, soutenu par plusieurs membres de la délégation aux entreprises, tend à supprimer la nouvelle obligation, évidemment à la charge de l’employeur, de payer un expert-comptable pour assister les délégués syndicaux, ou équivalents, dans la négociation des accords défensifs ou offensifs.

C’est encore une nouvelle contrainte de gestion que l’on fait peser sur l’employeur alors que la priorité de ce dernier, dans le contexte de l’article 11, est par définition de préserver ou développer l’emploi. Ces alinéas préservent certes l’emploi des experts-comptables, mais pas nécessairement celui des salariés des entreprises concernées !

En outre, on peut s’interroger sur le choix de cette profession par rapport à d’autres, notamment juridiques, qui auraient certainement une expertise très légitime à apporter à des délégués syndicaux soucieux d’avoir les meilleurs conseils pour négocier au mieux.

Au-delà de cette appréciation de bon sens, une telle disposition nous semble contraire au respect des règles de concurrence du droit européen.

Pour toutes ces raisons, il nous a semblé judicieux de proposer la suppression de ces alinéas 17 à 23.

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 879 rectifié.

Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 17 à 23 de l’article 11, ayant pour objet, effectivement, de créer une nouvelle situation de monopole au profit des seuls experts-comptables pour assister les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés dans la négociation des accords sur l’emploi.

Il s’agit, d’après nous, d’une atteinte au périmètre du droit. L’article 11 tend à instaurer, au profit des experts-comptables, un monopole d’assistance qui n’est nullement justifié par l’intérêt général ou par l’intérêt des salariés, et qui, en tout état de cause, dépasse le périmètre d’intervention des experts-comptables, même à titre accessoire.

Alors que la question des accords sur l’emploi est exclusivement d’ordre juridique, il est totalement incompréhensible que le monopole juridique créé le soit au profit d’une profession non juriste.

De surcroît, ces dispositions engendrent une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique à titre principal dans les conditions fixées par les dispositions du titre II de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Enfin, l’institution de droits exclusifs au profit des seuls experts-comptables, telle que prévue par ces alinéas, est contraire à l’intérêt des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés. Ces derniers sont ainsi privés de la possibilité de recourir à l’expert le plus adapté à leur besoin d’assistance, notamment dans les domaines juridiques ou techniques, les experts-comptables ne pouvant intervenir que dans le périmètre restreint de leurs compétences.

M. le président. L’amendement n° 1020, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer les mots :

élus ou les salariés mandatés mentionnés

par les mots :

personnes mentionnées

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 83, 101 rectifié, 112 rectifié, 131 rectifié, 174, 878 rectifié et 897 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 83 est présenté par M. Courteau.

L’amendement n° 101 rectifié est présenté par Mme Des Esgaulx et M. Pierre.

L’amendement n° 112 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mmes Emery-Dumas et Génisson et M. Tourenne.

L’amendement n° 131 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Bigot.

L’amendement n° 174 est présenté par MM. Montaugé et Cabanel.

L’amendement n° 878 rectifié est présenté par Mme Aïchi et M. Labbé.

L’amendement n° 897 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Ces sept amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 17

Remplacer les mots :

un expert-comptable

par les mots :

tout professionnel habilité

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 83.

M. Roland Courteau. En l’état, le projet de loi tend à instituer un monopole au profit des seuls experts-comptables pour assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés.

Le présent amendement a pour objet de mettre en conformité cette faculté à se faire assister pendant les négociations par un tiers avec les stipulations du traité sur l’Union européenne, le principe général de liberté du commerce et de l’industrie, les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et celles de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.

Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, tend effectivement à créer une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique à titre principal.

Cette situation, caractérisant une rupture de concurrence, ne satisfait pas aux exigences de libre circulation des services et de libre et égale concurrence visées par le traité sur l’Union européenne, en ce qu’elle crée un monopole au profit des experts-comptables, qui n’est justifié ni par l’intérêt général ni par les intérêts du public.

Ainsi, l’expert-comptable se voit doté d’un monopole sur l’accompagnement des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés dans les négociations des accords d’entreprise, sans considération des compétences et métiers dont les organisations syndicales ont besoin pour les accompagner dans ces processus de négociation.

Ces compétences peuvent être celles des experts-comptables dans le domaine économique et financier, mais aussi celles d’avocats, s’agissant des questions de droit, d’organisation et de négociation, ou de médiateurs assermentés, s’agissant de l’assistance à la négociation.

M. le président. Les amendements nos 101 rectifié et 112 rectifié ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié.

M. Yves Daudigny. Dans le cadre de cette nouvelle catégorie d’accords dits de préservation et de développement de l’emploi, l’article 11 tend à prévoir que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués syndicaux, les représentants élus mandatés ou les salariés mandatés peuvent désigner un expert-comptable pour les assister dans la négociation.

Nous vous proposons, mes chers collègues, de ne pas limiter cette désignation aux seuls experts-comptables et de l’élargir à toute personne habilitée, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, la négociation d’un tel accord doit s’engager après l’établissement d’un diagnostic partagé entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés, auxquelles ont été transmises toutes les informations nécessaires à cette appréciation.

Il s’agit ici, pour les représentants des salariés, d’envisager l’entreprise sous tous ses aspects, non seulement économiques, mais aussi juridiques et techniques. De même, l’assistance qui pourra leur être apportée dans la négociation ne se limite pas à la comptabilité de l’entreprise et comporte également une dimension de méthode, voire de médiation.

Il est donc de l’intérêt des représentants des salariés que puisse être désignée la personne dont le domaine de compétence leur paraît le plus adapté à la situation et le plus utile à la négociation.

En deuxième lieu, restreindre cette assistance à la seule profession des experts-comptables irait à l’encontre, semble-t-il, d’un certain nombre de dispositions, tant de la réglementation européenne que du droit interne.

Ont été évoquées, à cet égard, les règles du traité sur l’Union européenne relatives à la liberté du commerce et de l’industrie ; celles de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui autorisent les professions réglementées à donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale ; celles, enfin, de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable, selon laquelle les prestations de conseils ne peuvent être que l’accessoire d’une mission principale.

Pour toutes ces raisons, de droit et de fait, dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs appelés à négocier, il nous paraît opportun de ne pas restreindre le domaine de l’assistance et du conseil auquel il peut être recouru.

M. le président. L’amendement n° 174 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 878 rectifié.

Mme Leila Aïchi. Le présent amendement a pour objet de mettre en conformité la faculté à se faire assister pendant les négociations par un tiers avec les stipulations du traité sur l’Union européenne – à savoir le principe général de liberté du commerce et de l’industrie –, les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et celles de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.

Ainsi, mes chers collègues, nous vous proposons d’élargir ce périmètre à tous les professionnels habilités.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi tend à créer une distorsion de concurrence entre les experts-comptables et les autres professionnels, notamment ceux qui sont habilités à intervenir en qualité de conseil juridique.

Cette situation, caractérisant une rupture de concurrence, ne satisfait pas aux exigences de libre circulation des services et de libre et égale concurrence visées par le traité sur l’Union européenne, en ce qu’elle crée un monopole au profit des experts-comptables qui n’est justifié ni par l’intérêt général ni par les intérêts du public.

Enfin, cette disposition est contraire à l’intérêt des délégués syndicaux, des élus et des salariés mandatés, dans la mesure où ces derniers sont privés de la possibilité de recourir à l’expert le plus expérimenté et le mieux adapté à leurs besoins.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 897 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement est largement défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Les amendements identiques nos 449 rectifié et 879 rectifié visent à supprimer la possibilité, pour les négociateurs représentant les salariés, de bénéficier de l’expertise d’un expert-comptable.

Le sujet, je le sais, tient à cœur à Olivier Cadic, qui l’a défendu dans le cadre des travaux de la commission.

L’accord dont il est question ici, qu’il soit offensif ou défensif, revêt une grande importance. Il sera, d’une certaine manière, fondamental pour les trois ou quatre années qui vont suivre dans l’entreprise.

Il semble donc essentiel que les salariés puissent se forger une idée précise de la situation et du diagnostic établi, au regard des éléments transmis par l’employeur, et puissent, dans ce cadre, bénéficier de l’aide d’un expert. Il y va de la loyauté du dialogue, mais cette assistance est certainement aussi de nature à faciliter la conclusion d’un accord.

Au terme d’un débat animé, dans lequel Olivier Cadic a défendu ses convictions, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements nos 449 rectifié et 879 rectifié.

Les amendements suivants sont relatifs à la nature précise des experts auxquels on pourrait avoir recours.

Le texte proposé par le Gouvernement précise : « afin d’assister dans la négociation les délégués syndicaux ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés mentionnés au dernier alinéa du I, un expert-comptable peut être mandaté ».

La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce point, étant entendu, néanmoins, que les AME – lesquels ont tout de même inspiré, en partie, la rédaction de l’article 11 – prévoyaient bien la possibilité d’une assistance par un expert-comptable. Aucune autre profession n’était citée, et l’on n’avait pas retenu un terme générique, comme « professionnel habilité ».

Depuis le début, mes chers collègues, nos discussions sur cet article 11 témoignent du travail réalisé par la commission, un travail d’unification des régimes – dans le cadre de cet article – qui nous a conduits à importer un certain nombre de dispositions issues des AME.

Voilà pourquoi le recours spécifique à un expert-comptable ne nous paraissait pas extravagant, mais nous souhaitons tout de même recueillir l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce dispositif a été choisi par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi. Dans cet accord, les partenaires sociaux ont décidé de confier à un expert-comptable la compétence à la fois pour accompagner les comités d’entreprise dans la négociation sur les orientations stratégiques, mais également pour assister les élus dans les procédures de licenciement économique et pour accompagner les syndicats qui signent un accord de maintien de l’emploi. Il s’agit donc d’un parallélisme des formes par rapport aux AME.

J’ai interrogé de nouveau les organisations syndicales sur le recours à l’expert-comptable après le dépôt des amendements. Elles ont clairement exprimé leur choix. Il n’est donc pas exact de dire que celui-ci est contraire à leurs intérêts.

Ce choix est-il justifié ? Lorsque nous avons abordé précédemment la question du diagnostic partagé, nous avons constaté que la mission d’accompagnement des organisations syndicales dans le cadre des accords de développement de l’emploi exigerait des compétences avant tout comptables et financières.

L’enjeu principal est de bien comprendre tous les éléments d’ordre économique, financier et social que fournira l’employeur – nous avons eu le débat tout à l’heure sur le délai d’un mois –, en amont de la négociation, afin d’apprécier la situation de l’entreprise. C’est en tout cas la volonté qui a été clairement exprimée par les organisations syndicales. Le diagnostic partagé, je le redis, est le point crucial et l’enjeu véritable de ce débat. Les quelques exemples que nous avons cités en attestent. C’est aussi pourquoi les compétences requises sont plutôt financières et comptables.

J’entends bien tous les arguments qui ont été invoqués. Toutefois, ouvrir cet appui à d’autres professionnels comme des avocats, qui sont tout à fait légitimes en matière d’expertise juridique, n’est pas l’enjeu principal. Je rappelle enfin que rien n’empêchera les syndicats ou le comité d’entreprise de faire en outre appel à d’autres professionnels s’ils l’estiment nécessaire à tel ou tel moment de la négociation.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’ai deux soucis. Le premier me fait sourire, mais il est grave.

Nous sommes soumis à une déontologie qui exige la présentation de nos intérêts lors d’un vote. Or j’ai un intérêt très fort dans ce vote, ayant – depuis longtemps – une épouse avocat – également depuis longtemps. Si je prends position pour ces amendements, ce que je crois légitime, d’aucuns risquent de me reprocher une confusion d’intérêts, me reprochant de voter pour préserver la paix du ménage… C’est un vrai sujet.

M. Jean Desessard. Du moment que vous le reconnaissez…

M. Gérard Longuet. Sur le fond, et plus sérieusement, je regrette votre position, madame la ministre, car elle donne le sentiment que seule Secafi-Alpha a la possibilité d’intervenir dans l’évaluation.

Je comprends très bien que les syndicats soient attachés à cette organisation et à quelques autres cousines, mais, très honnêtement, je pense que nous pourrions étendre cette mission de conseil à d’autres compétences. En effet, bien des entreprises en difficultés ont été sauvées par des avocats, qui sont devenus de vrais professionnels, ou par des salariés de sociétés, investisseurs financiers de retournement, qui sont aussi de vrais professionnels. Les experts-comptables ont en général une vue rétrospective parfaite – c’est d’ailleurs leur raison d’être –, mais pas nécessairement une vue prospective, car les business plans sont établis plutôt par les financiers qui prennent des risques sur des projets.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Cette querelle entre les gens du chiffre et les gens du droit est bien connue.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas une querelle, c’est un vrai débat !

Mme Nicole Bricq. Les barreaux, qu’il s’agisse du Conseil national ou des barreaux dans les départements, ont agi auprès des sénateurs. Pour notre part, nous avons expérimenté la situation lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à l’issue duquel les avocats l’ont emporté sur les experts-comptables.

Mme Nicole Bricq. Donc, nous connaissons le sujet.

Si j’interviens en explication de vote sur ces amendements, c’est parce que nous sommes confrontés à une question récurrente : le coût des experts-comptables et celui des expertises techniques à la charge de l’employeur, dont il ne peut réclamer le remboursement au comité d’entreprise. Même si l’expertise demandée par un CHSCT est annulée, c’est l’employeur qui est tenu de la prendre en charge.

Cette question revient très régulièrement, car des sommes importantes sont en jeu. Ces expertises ont effectivement un coût très élevé et nécessitent souvent des contre-expertises techniques.

M. Cadic invoque à l’appui de son raisonnement le monopole syndical pour justifier que l’entreprise soit déchargée du coût de l’expertise. Or, lorsque nous avons discuté du monopole syndical, cher collègue, vous aviez affirmé que vous étiez contre. Vous voulez donc gagner sur les deux tableaux. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas du tout d’accord avec l’objet de ces amendements, qui visent notamment à avantager les avocats. Au nom du groupe socialiste, je ne les voterai pas.