M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Ce n’est donc pas tant à vous qu’à l’opinion que je m’adresse. Je m’adresse à tous ceux qui regardent actuellement Public Sénat, à ces jeunes qui sont extrêmement attentifs à nos travaux,…

M. Yannick Vaugrenard. Des millions ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … et leur demande de ne pas se laisser abuser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur le président de la commission spéciale, je voudrais vous rassurer : je ne suis pas hémiplégique. Quand une mesure prise par un précédent gouvernement est bonne, il faut non seulement la conserver, mais encore l’amplifier.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est trop d’honneur !

M. Patrick Kanner, ministre. C’est exactement ce que nous faisons !

Je vous donne un autre exemple très concret. Le service civique a été imaginé dans cette assemblée.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Par Martin Hirsch !

M. Patrick Kanner, ministre. Non, monsieur le président de la commission spéciale, par un sénateur du groupe du RDSE : Yvon Collin. Et ce service civique a été mis en œuvre dans une loi soutenue par Martin Hirsch… Aujourd'hui, l’universalisation du service civique est le fait du présent gouvernement. J’espère d’ailleurs que si, par malheur, il y avait une alternance dans quelques mois,…

M. Roland Courteau. C’est peu probable !

M. Patrick Kanner, ministre. … l’extension du service civique ne serait pas remise en cause.

Je m’adresse moi aussi aux jeunes, dont je ne doute pas qu’ils soient nombreux à regarder Public Sénat.

Non seulement nous voulons garantir le mécanisme du permis à un euro par jour, y compris pour les jeunes les plus en difficulté, lesquels bénéficient de la garantie jeunes – dispositif qui n’existait pas, permettez-moi de vous le dire, avant 2012 ! –, mais nous permettons, en outre, le financement du permis de conduire dans le cadre du compte personnel de formation, ce qui est aussi une nouveauté.

Tout ce qui va dans le sens du progrès des droits des jeunes est une bonne chose. C’est en tout cas dans ce cadre que je me situe en vous présentant ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Si ce que vous avez dit, monsieur le président de la commission des affaires économiques, est confirmé et exact, c’est-à-dire que cette disposition était déjà en vigueur, mais par voie de circulaire ou par voie réglementaire, alors vous auriez pu invoquer l’article 41 de la Constitution afin de balayer, d’un revers de main, une mesure qui s’appliquait antérieurement ! Pourquoi légiférer ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Une circulaire, mon cher collègue, n’a aucune portée normative. On ne peut donc pas s’opposer à un amendement visant à modifier ou à conforter une circulaire. L’article 41 de la Constitution ne porte que sur le règlement, soit un décret ou un arrêté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 428.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article19 septies A demeure supprimé.

Article 19 septies A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Article 19 octies

Article 19 septies

(Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. J’aurais souhaité défendre mon amendement n° 429 visant à rétablir l’article 19 septies supprimé par la commission spéciale. Or il a malheureusement été déclaré irrecevable en vertu de l’article 41 de la Constitution, dont nous venons de voir combien il est discutable et arbitraire. Je regrette vivement cette décision…

M. le président. Mon cher collègue, vous ne pouvez pas intervenir sur un article qui a été supprimé !

Article 19 septies
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Articles additionnels après l'article 19 octies

Article 19 octies

(Supprimé)

Article 19 octies
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté
Demande de priorité

Articles additionnels après l'article 19 octies

M. le président. L’amendement n° 612, présenté par M. Kern, est ainsi libellé :

A. – Après l’article 19 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section 6 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi rétablie :

« Section 6

« L’emploi d’appoint jeune

« Sous-section 1

« Contrat de travail

« Art. L. 5134-80. – L’emploi d’appoint jeune s’adresse aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans inclus à la date de signature du contrat.

« La durée hebdomadaire de travail stipulée au contrat emploi d’appoint jeune est au maximum égale à quinze heures.

« Les particuliers employeurs sont exclus des contrats emploi d’appoint jeune.

« Le salaire minimal d’un emploi d’appoint jeune est équivalent au taux horaire du salaire minimum de croissance multiplié par le nombre d’heures de travail.

« Le contrat emploi d’appoint jeune est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le cas d’une durée indéterminée, le contrat est rompu le jour du vingt-sixième anniversaire du jeune.

« Pour la rupture du contrat de travail, il est fait application des articles L. 1243-1 à L. 1243-4 pour les contrats à durée déterminée et des articles L. 1231-1 à L. 1238-5 pour les contrats à durée indéterminée.

« Le nombre d’emplois d’appoint jeune par entreprise est au maximum de :

« 1° Deux emplois pour une entreprise de dix salariés au plus ;

« 2° Quatre emplois pour une entreprise de dix à cinquante salariés ;

« 3° Six emplois pour une entreprise de plus de cinquante salariés.

« Sous-section 2

« Exonération des charges patronales

« Art. L. 5134-81. – « Les embauches réalisées à titre d’emploi d’appoint jeune donnent droit à l’exonération des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, dans la limite du montant forfaitaire du revenu de solidarité active défini par décret en application de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles. »

II. – Le II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un 35° ainsi rédigé :

« 35° Exonération d’impôt accordée au titre des revenus perçus dans le cadre d’un emploi d’appoint jeune

« Art. 200 sexdecies. – Les revenus perçus au titre d’un contrat emploi d’appoint jeune sont exonérés d’impôts dans la limite du montant forfaitaire du revenu de solidarité active défini par décret en application de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles. »

III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre III

Accompagner les jeunes vers l’emploi

La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Près d’un jeune Français sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, ainsi que l’a souligné France Stratégie dans une note d’analyse publiée au mois de mars dernier et qui préconise l’ouverture rapide d’un débat sur des réformes permettant d’accompagner « plus efficacement la jeunesse vers l’âge adulte ».

Dans cette optique, il est régulièrement évoqué d’accorder de nouvelles aides aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Le rapport intitulé Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune du député, devenu ministre, Christophe Sirugue, propose ainsi l’ouverture du revenu de solidarité active, ou RSA, à tous les jeunes âgés de moins de 25 ans. Quel est l’argument ? Limiter l’accès au RSA aux jeunes de plus de 25 ans empêcherait de lutter efficacement contre la pauvreté des plus jeunes. L’intention est sans doute louable, mais il est permis de douter de la pertinence de cette approche.

En réalité, l’attribution d’un RSA aux jeunes, outre son coût élevé, ne serait pas une réponse efficace à la détresse que connaissent actuellement nombre d’entre eux. C’est par l’emploi que l’on réussira à tirer les jeunes âgés de 18 à 25 ans d’une précarité issue d’un contexte économique morose.

C’est dans cet esprit qu’ont été créés, en 2012, les emplois d’avenir et, en 2015, les contrats CIE-Starter. En permettant aux employeurs de bénéficier d’une aide de l’État, ces dispositifs ont pu avoir une certaine efficacité. Néanmoins, mes chers collègues, je suis convaincu que c’est avec un dispositif simple et accessible à tous les jeunes que l’on suscitera une dynamique d’insertion professionnelle de la jeunesse.

Bien plus que d’une allocation qui coûterait, selon les estimations, de 4 à 7 milliards d’euros, c’est de mettre un pied dans le monde du travail, qu’il s’agisse de « petits jobs » ou d’emplois pérennes, dont les jeunes ont besoin. C’est tout le sens du présent amendement, visant à employer les ressources qui seraient dédiées à un « RSA jeunes » pour créer une nouvelle forme de contrat aidé, s’inspirant à certains égards du modèle allemand des « mini-jobs ». Ces emplois partiels, malgré certains inconvénients, contribuent en effet très largement, de par leur souplesse, à faire de l’Allemagne le pays de l’Union européenne ayant le plus faible taux de chômage des jeunes.

À l’instar du contrat jeune en entreprise, le CJE, les emplois d’appoint jeune permettraient aux employeurs de bénéficier d’une exonération des charges patronales dans la limite du montant forfaitaire du RSA.

Comme les emplois d’avenir, les emplois d’appoint jeune s’adresseraient à tous les employeurs, sans qu’il soit fait de différence entre ceux du secteur marchand et ceux du secteur non marchand.

Comme les contrats CIE-Starter, il pourrait s’agir de contrats à durée déterminée ou indéterminée.

Limités à une durée hebdomadaire de 15 heures, ces nouveaux emplois ne pourraient concurrencer des emplois déjà en place. Ils permettraient en outre à chacun de commencer, de continuer, ou bien de reprendre des études, une formation…

Ils s’adresseraient, par ailleurs, à tous les jeunes âgés de 18 à 25 ans, et non seulement à la part de ceux qui sont reconnus en grande difficulté.

Bref, toutes les précautions me semblent ainsi prises, afin de soutenir efficacement l’emploi des jeunes, tout en limitant les effets pervers des dispositifs.

Mes chers collègues, la jeunesse a besoin de signaux forts. Adopter cet amendement en serait un.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je suis heureuse que nous terminions l’examen du titre Ier du présent projet de loi par cet amendement, qui résume ce que l’on fait de mieux pour les jeunes : les aider à acquérir leur autonomie par le travail.

La philosophie de cet amendement, qui vise à créer une nouvelle catégorie de contrat aidé dans l’entreprise à destination des jeunes âgés de 18 à 25 ans, me paraît très légitime. Il s’agit de privilégier le travail en tant que facteur d’intégration des jeunes dans l’emploi, plutôt que d’envisager une extension du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, en souhaitant que le plus grand nombre possible de jeunes accèdent à l’autonomie par le travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Je vous remercie chaleureusement, monsieur Kern, car votre amendement permet d’envoyer un signal fort sur ce qui sépare la droite et la gauche dans ce pays et me donne l’occasion de le confirmer solennellement devant cette assemblée. (Mme Éliane Giraud applaudit.)

M. Roland Courteau. La différence existe !

M. Patrick Kanner, ministre. Merci, monsieur le sénateur, car ces contrats de 15 heures pour les jeunes sont vraiment un beau signal ! Vous le proposez au moment où, pour notre part, nous adoptons une série de mesures visant à la réinsertion des jeunes – la garantie jeunes – et à la mobilisation des jeunes par le service civique et par le contrat CIE-Starter, lequel est un contrat « normal » sur le plan du droit du travail.

Quant à vous, vous proposez une forme de sous-contrat. Je suis scandalisé qu’un représentant de la Haute Assemblée fasse une telle proposition ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela nous rappelle des débats plus anciens, comme celui qui était relatif au contrat première embauche, le CPE, qui ont conduit la jeunesse à se battre pour opposer son refus d’accepter de tels contrats.

M. Bruno Retailleau. La jeunesse était aussi dans la rue il y a quelque temps, monsieur le ministre !

M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est naturellement tout à fait défavorable à votre amendement, monsieur Kern.

Vous prendrez vos responsabilités, mesdames, messieurs les sénateurs de droite et du centre, je n’en doute pas un seul instant !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument, et avec fierté !

M. Patrick Kanner, ministre. Je tiens à vous dire que, dans ce pays, la jeunesse est non pas un handicap, mais une chance. (Mme Sophie Primas s’exclame.) L’âge ne peut pas servir de prétexte pour conférer aux jeunes des droits inférieurs à ceux de n’importe quel autre salarié. C’est votre choix, ce n’est pas le nôtre !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Patrick Kanner, ministre. Encore une fois, cet amendement nous permet, ce soir, de montrer la différence qui existe entre ce que l’on peut appeler les forces de progrès et les représentants du conservatisme, pour ne pas dire davantage… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roland Courteau. C’est la vérité !

M. Patrick Kanner, ministre. L’avis du Gouvernement est donc, je le répète, défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. J’ai beaucoup entendu dire ce soir qu’il fallait faire confiance aux jeunes, qu’il fallait leur apprendre le droit au travail. Il a même été dit, par le biais d’un amendement, qu’ils avaient « droit au travail ». On peut en effet – pourquoi pas ? – enseigner tout cela dans les lycées, les lycées professionnels et les CFA. Mais il faudrait aussi leur expliquer comment se crée le travail, combien les PME sont difficiles à gérer, et leur indiquer quelles sont les conditions à mettre en place pour que le plein emploi soit rétabli en France.

L’emploi industriel représente 15 % du total des emplois dans notre pays, et 25 % en Allemagne. Il faut le dire !

Oui, monsieur le ministre, les jeunes sont une chance. Mais ils ne nous feront confiance qu’à condition que nous mettions en place des formations adéquates, et que nous permettions aux jeunes à la scolarité brillante de poursuivre leurs études à l’université, sans être tirés au sort.

Bien sûr, il faut demander leur avis aux jeunes. On ne va pas leur imposer un travail dont ils n’ont pas envie ! Il s’agit de les orienter vers des métiers qui existent et vers des formations en rapport avec ces métiers.

Ce n’est pas en ouvrant l’université à tous, ce qui aboutit aujourd’hui à 70 % d’échecs, que nous leur permettrons de nous faire confiance.

Les jeunes sont une chance, c’est vrai ! Mais, j’y insiste, ils ne nous feront confiance que si nous mettons en place une politique qui leur donne du travail. La confiance viendra avec l’emploi, car il n’y aura pas d’autonomie des jeunes sans le travail. La précarité, c’est le chômage, et donc l’absence d’autonomie !

Pour ces raisons, je voterai en faveur de l’amendement de Claude Kern.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Nous nous opposerons, monsieur Kern, à cette nouvelle forme de contrat aidé que vous proposez, pour les raisons que vient d’énoncer M. le ministre, entre autres.

Le chômage des jeunes est une préoccupation nationale depuis quelques années, mais cela ne justifie pas l’adoption d’une telle mesure, qui ne ferait que déplacer le problème : on passerait d’un chômage de masse des 18-25 ans à un éventuel chômage de masse des 26-30 ans et plus.

Par ailleurs, la mesure que vous nous soumettez suscite une question simple : combien de temps encore allons-nous offrir des « cadeaux fiscaux » aux entreprises sans réelles contreparties, lesquelles seraient pourtant bien utiles pour mettre en place des plans de relance et lutter contre le chômage des jeunes ?

De nombreux jeunes connaissent une situation de grave précarité, soit parce qu’ils occupent des emplois à temps partiel rémunérés sur la base du SMIC, soit parce qu’ils sont au chômage. La mesure que vous nous présentez, monsieur Kern, me semble donc très injuste, pour ne pas dire incorrecte. Pas plus que les autres membres de mon groupe, je n’oserai proposer aux jeunes un tel dispositif.

Votre proposition ne maintient que l’existant.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je serai bref, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons pas laisser passer des propos caricaturaux.

Ne laissez pas croire qu’il y a un parti de la jeunesse et un autre qui serait contre la jeunesse ! Vous savez très bien que c’est caricatural.

Il y a quelques mois, vous le savez aussi, une grande partie de la jeunesse était dans la rue, contestant des dispositifs législatifs décidés par le gouvernement auquel vous appartenez.

Ce qu’attend la jeunesse, ce ne sont pas des écrans de fumée, ce n’est pas « toujours plus de droits » !

Lorsque le quart à peu près d’une classe d’âge, celle des 15-24 ans, se trouve au chômage, ce que la jeunesse attend, ce ne sont pas ces contrats aidés, que la Cour des comptes vient de qualifier dans un rapport de « coûteux et inefficaces » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), c’est du travail !

M. Jean-Yves Leconte. Vous étiez dans la rue avec les jeunes ?

M. Bruno Retailleau. Votre gouvernement, en raison des mesures qu’il a prises – et je sais de quoi je parle en tant que président de région ! –, a cassé la dynamique de l’apprentissage pour des milliers de jeunes.

M. Claude Kern. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. En Allemagne, il y a trois fois plus de jeunes en apprentissage et trois fois moins au chômage !

On peut bien sûr, s’affronter, monsieur le ministre, argument contre argument. Mais, de grâce, cessez ces effets de manche, cela ne marche plus, notamment auprès de ceux qui observent nos débats !

Ce n’est pas la peine de nous faire la leçon ; celle-ci viendra en son temps. La jeunesse de France a besoin d’une espérance, et non qu’on la trompe par de fausses mesures et avec des écrans de fumée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Je pense, monsieur le ministre, que vous n’avez pas bien compris mon amendement. Il y est question d’emplois non pas pérennes, mais d’appoint.

De nombreux jeunes cherchent aujourd’hui des emplois d’appoint pour payer leurs études. Or ils se heurtent souvent à des refus, notamment de la part des petites entreprises des secteurs du commerce et de la restauration. Mettre en place de tels emplois leur permettrait de financer leurs études, mais serait surtout beaucoup moins onéreux qu’une allocation « jeunes » qui coûterait, je le rappelle, de 4 à 7 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. La majorité sénatoriale n’est pas très au clair sur ce que veulent les uns et les autres. D’un côté, elle nous dit que son ambition n’est pas de donner aux jeunes des emplois d’appoint et, de l’autre, elle prévoit d’en créer par voie d’amendement. Elle copie les « mini-jobs » allemands et anglais, dont on sait qu’ils sont tout à fait néfastes pour la jeunesse.

M. Claude Kern. Pas du tout !

M. Jacques-Bernard Magner. Lors du débat sur la refondation de l’école, nous avions l’ambition de donner aux jeunes des emplois d’avenir dans le corps des professeurs pour éviter qu’ils ne prennent ces « mini-jobs », tout aussi néfastes pour les jeunes qui font des études que pour ceux dont c’est l’activité principale.

J’imagine, monsieur Kern, que vous avez pris pour modèle l’exemple allemand. Mais je comprends mal que votre seule ambition pour les jeunes, que votre seul signal envoyé à la fin de l’examen du titre Ier de ce projet de loi, soit une vie avec des emplois d’appoint. (Mme Éliane Giraud applaudit.)

Mme Sophie Primas. Caricatural !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. Je suis très étonnée par ce débat qui n’est pas, à mon avis, d’un très bon niveau.

Tout d’abord, il est incomplet. Quand on parle des « mini-jobs » allemands, il faut aussi évoquer la structure de la population active en Allemagne. Il faut dire, également, que ces emplois sont occupés à 61 % par des femmes, soit parce qu’elles étaient sorties du marché du travail, soit faute de places en crèche ou par manque de services sociaux.

Si l’on veut établir des comparaisons, il faut le faire très sérieusement !

Ce qu’il faut donner aux jeunes, c’est l’envie de faire et de créer, et non leur offrir des emplois sous-dotés et mal payés. En Allemagne, les chiffres du chômage ont certes baissé, mais les inégalités et le déclassement ont augmenté !

C’est non pas de cet avenir dont j’ai envie pour les jeunes, mais d’un peu de protection et d’une entrée dans le monde du travail, tout en leur faisant comprendre qu’ils ont aussi des droits qu’ils doivent défendre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Je voudrais vous répondre, monsieur Retailleau, puisque vous m’avez interpellé directement. Vous me dites que je suis le ministre du « toujours plus de droits » pour les jeunes. J’en suis fier !

M. Bruno Retailleau. Des droits sociaux !

M. Patrick Kanner, ministre. Si votre emploi du temps chargé vous avait permis d’assister à l’ensemble de nos travaux, vous auriez remarqué que les membres de votre majorité réclamaient, quant à eux, toujours moins de droits.

Vous avez en effet supprimé des droits que l’Assemblée nationale avait soumis au vote des députés !

Je vais vous donner un exemple. Si vous avez lu, comme je n’en doute pas, l’amendement de M. Kern, vous avez vu qu’il vise à instaurer, non pas davantage de droits, mais un affaiblissement du droit du travail. (Et les devoirs ? sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette proposition aurait d’ailleurs pu être faite dans le cadre de l’examen du projet de loi présenté par Myriam El Khomri…

Je rappelle les termes de l’amendement : « Le contrat emploi d’appoint jeune est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. » Dont acte !

Je poursuis : « Dans le cas d’une durée indéterminée, le contrat est rompu le jour du vingt-sixième anniversaire du jeune. » Cette rupture brutale et automatique, monsieur Kern, vous ne l’avez pas évoquée !

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Le jeune peut anticiper…

M. Patrick Kanner, ministre. Si telle est votre conception du droit du travail, ce n’est pas la nôtre ! Encore une fois, je suis très fier de constater que ce clivage, même s’il se manifeste à une heure tardive dans cet hémicycle, existe entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 612.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain et du Gouvernement.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 6 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 187
Contre 154

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19 octies.

L’amendement n° 613 rectifié, présenté par M. Kern, est ainsi libellé :

A. – Après l’article 19 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 611-4 du code de l’éducation, sont insérés des articles L. 611-4-… et L. 611-4-… ainsi rédigés :

« Art. L. 611-4-…. – Les établissements d’enseignement supérieur permettent, selon des formules adaptées, d’aménager l’emploi du temps des étudiants afin de concilier leurs études avec des missions d’entrepreneuriat.

« Art. L. 611-4-… – Au cours de leurs années d’études, les étudiants des établissements d’enseignement supérieur sont sensibilisés, au besoin par des formations spécifiques et adaptées, aux formes d’entrepreneuriat ainsi qu’à la connaissance des entités qui promeuvent la création ou la reprise d’entreprise au sein desdits établissements. »

II. – Les établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, délivrant des diplômes au nom de l’État, d’intérêt général et à but non lucratif, et les associations gérées par des étudiants au sein de ces établissements et ayant pour objet exclusif de proposer aux étudiants de participer à la réalisation de missions à caractère intellectuel et formateur confiées par des professionnels auxdits établissements ou associations, ont la faculté de proposer auxdits étudiants la réalisation d’études et de missions dans les conditions prévues au présent article.

Les étudiants, quels que soient leur nationalité ou leur statut, doivent être inscrits dans les établissements qui leur confient les missions et suivre les enseignements qui leur sont dispensés. S’agissant des associations mentionnées au premier alinéa, ils doivent en outre en être membres.

La contribution des étudiants aux missions menées par lesdits établissements ou associations mentionnés au premier alinéa doit avoir un caractère intellectuel et formateur et être en rapport avec les enseignements qui leur sont dispensés. Les entités mentionnées au même premier alinéa veillent à ce que la réalisation du travail soit compatible avec le cursus de l’étudiant.

Dans le cadre de leurs études ou missions, les étudiants ne sont pas liés par un contrat de travail, au sens du livre II de la première partie du code du travail. De même, les sommes versées auxdits étudiants n’ont pas le caractère de salaire, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et des articles 12 et suivants du code général des impôts.

À titre dérogatoire, les intéressés sont dispensés du paiement de toute cotisation ou contribution au régime d’assurance maladie ainsi qu’au régime d’assurance chômage dès lors qu’ils bénéficient du régime de sécurité sociale étudiant.

La rémunération des étudiants à l’issue de la mission est accompagnée d’un bulletin de versement rappelant les prélèvements sociaux et fiscaux libératoires. Les entités mentionnées au premier alinéa du présent article établissent de manière périodique un document récapitulatif de l’ensemble des prélèvements sociaux et fiscaux pour la période considérée, le transmettent aux organismes sociaux et fiscaux concernés et assurent le paiement des montants correspondants.

Un décret en Conseil d’État détermine la durée maximale des missions, le formalisme que revêt l’ordre de mission, le calcul des cotisations et contributions sociales ainsi que les modalités d’application du présent article.

III. – Après l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 381-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 381-4-… – Dès lors que les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 exercent parallèlement à leurs études une activité professionnelle, ils sont dispensés de tout paiement de cotisation d’assurance maladie du fait de leur affiliation au régime de sécurité sociale étudiant obligatoire. Cette exonération de l’assurance maladie est valable tant pendant la période de prise en charge du risque maladie que pendant la période du maintien des droits. »

IV. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5422-12-… ainsi rédigé :

« Art. L. 5422-12-… – Les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale exerçant parallèlement à leurs études une activité professionnelle sont exonérés au titre de cette dernière activité de toute cotisation au régime d’assurance chômage. »

V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I à V est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre III

Accompagner les jeunes vers l’emploi

La parole est à M. Claude Kern.